Histoire économique 20 janvier 2004 « Le cas de l'ensemble 'Grande-Bretagne/Commonwealth et pays scandinaves ainsi que la Suisse » Présentation de Mlle V. Staehli et MM. M. von Ritter et O. Zieschank Commentaires & Critique Dans l'ensemble (et à cet égard les différentes sections de votre texte sont de valeur sensiblement égale), vous avez bien "survolé" (surveyed) les différentes économies en question. Vous avez manifestement beaucoup travaillé et l'essentiel y est. De cela, nous savons grand gré. Ce qui manque peut-être, c'est (1) une discussion un peu plus systématique et intégrée pour chaque économie, et (2) une comparaison plus poussée entre les diverses économies. Cela n'est pas cependant pas rédhibitoire et pourra, dans une certaine mesure, être corrigé en classe. Ci-après quelques commentaires plus ou moins ponctuels. Suisse : - Je ne suis pas sûr que la "séquence explicative centrale" se dégage très clairement. Jusque 1931-32, il y a un fort afflux de capitaux venant de l'étranger (sur base nette). Dans un système de taux de change fixes, il s'ensuit immédiatement une augmentation de la masse monétaire et donc une baisse des taux d'intérêt. Cette dernière engendre une forte activité dans la branche de l'économie réelle la plus sensible aux variation des taux d'intérêt, à savoir la construction. L'augmentation de l'activité dans ce secteur permet largement de compenser la forte baisse dans le secteur des exportations, de sorte que l'impact sur l'emploi est amorti (ce qui suppose toutefois que la maind'oeuvre soit suffisamment mobile entre les secteurs, ce qu'elle a été dans une certaine mesure). Dès 1931-32, la situation s'inverse progressivement et l'économie suisse entre en crise. Suite à la dévaluation de la livre, puis du dollar, les anticipations concernant le cours du franc tournent à la baisse et il y a sortie (nette) de capitaux et donc contraction de la masse monétaire - on reste dans un système de taux de change fixes. Toute l'économie est alors touchée, mais vous relevez avec raison qu'un marché du travail relativement flexible (y compris via la main-d'oeuvre étrangère) débouche sur un niveau de chômage comparativement faible en perspective internationale. La situation s'améliore de manière "dramatique" avec la dévaluation de septembre 1936, laquelle a été un vrai dilemme en raison des intérêts divergents des industries d'exportation et du secteur bancaire-financier, mais la Suisse n'échappe pas, en 1937-38, à la "récession dans la crise". - Passim : le secteur bancaire suisse. Il est juste qu'il a mieux résisté qu'aux USA, en Autriche ou en Allemagne, mais il y eut quand même un certain nombre de "secousses". L'Etat, c'est-à-dire la Confédération, cependant, ne se désintéressa pas de ce qui allait mal dans ce secteur. - P. 4 : "(...) Dès 1932, (...) les exportations augmentèrent à nouveau, suite à la reprise internationale". En termes réels, ce n'est pas ce que montre votre graphique de la p. 12 (lequel est mal intitulé : il ne s'agit pas des "Importations et exportations réelles de l'Etat", mais des importations et exportations en général.) - P. 10 : le "cartel dans l'hôtellerie". Ceci peut être généralisé. Une des conséquences générales de la Crise, pas seulement en Suisse, a été une forte montée de la cartellisa- 2 - - tion, une cartellisation le plus souvent encouragée par les autorités. Dans le cas de la Suisse, un autre exemple est le fameux "statut horloger" qui mettra beaucoup à mourir. P. 13 : "L'état (= l'Etat) s'inquiéta et restreignit les importations". Dans le cas de la Suisse, les restrictions aux importations - droits de douane, contingentements - furent très largement des réactions à des mesures similaires prises à l'étranger. P. 14 : "Avant la crise, la construction occupait 65% du secteur privé". Ce chiffre est sûrement beaucoup trop élevé - à vérifier, svp, et à corriger. P. 17 : Après la Deuxième Guerre mondiale, "la Suisse (...) se reposa de nouveau sur un système de changes fixe(s) suite(s) au(x) accord(s) de Bretton Woods (notez que tous les accords ou presque sont faux dans ce bout de phrase...) Juste, mais il aurait été difficile à la Suisse de faire cavalier seul dans un monde qui avait presque entièrement adopté le système de Bretton Woods, surtout vu l'importance du pays en tant que place financière internationale. Le seul pays important qui laissa flotter sa monnaie dans une partie des années avant 1972-73 fut le Canada, suite sans doute aux expériences faites par ce pays dans les années 1930. Suède : - Un commentaire général sur la Suède : dans le cas de la Suède en particulier et des petits pays en général (y compris la Suisse), il faut toujours faire un peu attention au côté "cocorico" de ce que peuvent écrire leurs ressortissants. Le cas de Jonung est illustratif de ce travers. Les ressortissants de grands pays ont plus rarement tendance à tomber dans ce travers un peu nationaliste. - P. 20 : "La grande diminution de la demande nominale peut être clairement attribuée à l'abandon de la parité or en septembre 1931". Ceci est incompréhensible. La dévaluation de la couronne suédoise a, au contraire, eu pour effet d'accroître la demande nominale, toutes autres choses égales. - P. 27 : "Le but principal de la banque centrale fut la stabilisation des prix" (y compris au moyen d'un calcul très fréquent du niveau des prix). Le tableau de la p. 29 et le graphique de la p. 30 montrent que la Riksbank y est assez bien parvenue, mais pas entièrement ; cela aurait pu être relevé. C'était aussi une stratégie originale et propre à la Suède (dans ce cas, un "cocorico" n'est pas sans justification). - - P. 28 : "A la fin de 1931 et au début de 1932 les autorités remarquèrent que les prix commençaient à augmenter sérieusement et le taux d'intérêt fut abaissé". La logique économique nous dit qu'il aurait, au contraire, dû être augmenté. Lapsus ? Grande-Bretagne : - RAS Canada : - Au plan général, vous ne mettez peut-être pas assez en évidence qu'un des principaux problèmes de ce pays dans les années 1930 a été que ses exportations étaient dominées par les exportations de matières premières, y compris les produits agricoles (voir la dernière phrase de la p. 42). Or, les uns et les autres sont notoirement sensibles aux cycles conjoncturelles, plus que d'autres comme les services. En outre, le Canada avait un autre problème : ce qu'on dit du Mexique s'applique aussi au Canada : "Si loin de Dieu, si près des USA". Largement dépendant de ses exportations vers les Etats-Unis, le Canada ne pouvait pas ne pas être touché plus fortement que d'autres pays par la profondeur de la crise aux USA. En outre, ce pauvre Canada - comme d'ailleurs le Midwest américain - eut la malchance d'être frappé, en même temps, par une série de désastres naturelles. 3 - - - - P. 35 : le retour des travailleurs urbains à la terre. Cela s'observa aussi, sur une assez grande échelle, dans d'autres pays, dont tout particulièrement la France. P. 36, haut : "En 1929, le produit national brut chuta de 43%" ! Cette phrase est en complète contradiction avec ce que montre le graphique à la même page... P. 38 et suivantes : vous parlez des "salaires" en baisse, aussi bien nominaux que réels. Attention : il s'agit clairement, comme l'indique le graphique de la p. 39, de la masse salariale, nominale ou réelle, soit le produit du salaire moyen par le nombre de salariés. En règle générale, ce sont les taux des salaires (ou les salaires moyens) qui sont pertinents pour l'analyse économique. P. 41 : "La décision du Canada de quitter le régime d'étalon or en 1929". C'est sans doute une erreur ; la vraie date doit être 1931. Vous continuez d'ailleurs en écrivant : "En septembre, la Grande-Bretagne quitta ce régime (...)". Il s'agit bien de septembre 1931. La politique de taux de change du Canada aurait mérité d'être développée davantage voir en particulier le graphique de la p. 42. Dès 1931, le dollar canadien "décroche" par rapport au dollar US, ce qui était certainement approprié du point de vue canadien. Puis, en 1933-34, il retrouve la parité 1 = 1. Pourquoi ? Etait-ce lié à l'accord commercial avec les USA (package) ? Etait-ce judicieux, toujours d'un point de vue canadien et le Canada aurait-il pu faire autrement ? Pour finir, une petite chose. A la p. 45, vous écrivez : "En juin 1928, le gouverneur (gouvernement ?) ramena le taux d'intérêt de 3,5 à 5%". Le verbe "ramener" indique une baisse... sauf s'il s'agit explicitement d'un retour à un niveau antérieur. La forme : dans l'ensemble, elle est acceptable, malgré quelques scories. Ainsi, il est admis de mettre une majuscule à des mots comme "Etat" et "Confédération". Il y aussi des tournures incorrectes ou curieuses, p.ex. "s'en tenirent" (à la p. 46) pour "s'y tinrent" ou encore (p. 3) "le peuple fit référendum" au lieu de quelque chose comme "le référendum fut demandé". _____________________