Bordeaux, 18 mai 2011 Troubles "dys" au sein des handicaps cognitifs : définitions, causes et mécanismes Michel Habib Résodys, CHU Timone, Marseille Troubles d’apprentissage ("learning disabilities") Aperçu d'ensemble • Introduction généralités : les troubles d'apprentissage, intérêt de la neuropsychologie • Dyslexie : un modèle pour comprendre les troubles d'apprentissage – les mécanismes du trouble de la lecture • L'apport de la psycholinguistique: précurseurs de la lecture • L'apport des recherches en imagerie cérébrale Retard intellectuel Causes génétiques Carences éducatives Causes inconnues – Pourquoi le cerveau dys est-il différent? • Les autres troubles dys : dyscalculie, dyspraxie/dysgraphie, précocité, TDAH Facteurs psychosociaux Troubles spécifiques dyslexie dyscalculie psychopathologie Dyspraxie, dysgraphie dysphasie Troubles spécifiques d’apprentissage ("learning disorders") NEUROPSYCHOLOGIE : DEFINITION ET CADRE CONCEPTUEL Discipline clinique et scientifique qui étudie les liens entre le cerveau et les fonctions mentales Trouble spécifique de la lecture et du langage Trouble spécifique de l’écriture et de la coordination motrice Trouble spécifique du calcul Méthode anatomoclinique Relation structure fonction Dyslexie dysphasie Dysgraphie, dyspraxie Approche cognitiviste Architecture fonctionnelle Imagerie fonctionnelle Anatomuie fonctionnelle dyscalculie + trouble de l'attention (TDAH) Cerveau lésé déficit Siège lésionnel Cerveau sain 1 Franz Joseph Gall (1758-1828) Karl Wernicke Paul Broca Aires du langage Broca (production) Aires de la lecture Central (exécution) Pariétal (stockage) Dyslexie profonde (phonologique) Temporal (perception) Dyslexie visuelle Wernicke (décodage) Cingulaire: Détecte tout changement et réalloue l’attention Aires de l'espace et du geste Agraphie? Dyspraxie gestuelle Dyspraxie visuo-spatiale (+dyscalculie) Préfrontal : alloue l’attention au stimulus et à ses représentations Trouble déficitaire d'attention avec hyperactivité 2 Pourquoi l'enfant dyslexique ne peut apprendre à lire En résumé • La neuropsychologie nous illustre l'organisation modulaire de l'outil cognitif humain • Elle incite à se référer au cerveau adulte pour comprendre le cerveau de l'enfant • L'analogie, souvent considérée comme excessive, entre les syndromes de l'adulte et ceux de l'enfant, est cependant un puissant outil de réflexion sur la nature des troubles d'apprentissage • La conversion des graphies en sons : un processus simple en apparence • La conscience phonologique : le fondement linguistique de la lecture • L'identification des mots : une finalité = l'orthographe • l'automatisation : un dénominateur commun Les mécanismes sous-jacents : Conversion grapho-phonémique pourquoi l'incapacité à la conversion grapho-phonémique? • Le trouble phonologique • Une procédure en apparence si simple Chaque signe (graphè (graph ème) repré repr ésente un son (phonè (phon è me), soit consonne, soit voyelle – Présent chez la grande majorité des dyslexiques – Considéré comme causal par la majorité des auteurs – Dériverait d'un trouble de la mise en place précoce des représentations phonémiques • Mais il existe des exceptions à ce principe : Digraphes : cheval Lettres silencieuses : trop • …des inconsistances… • Le trouble visuo-attentionnel rhum vs rhume (mê (m ê me lettre, son diffé diff érent) sot, saut, sceau… sceau … (m (mê ême son, lettres diffé diff é rentes ) – Fréquent, surtout après plusieurs années d'évolution – Peut mettre l'enfant dans l'incapacité d'apprendre la conversion grapho-phonémique serait la cause unique que dans une minorité de cas • …et des irrégularités et étrangetés femme, écho (un graphè graphème se prononce de faç fa çon singuliè singuli ère) yacht, football (des mots étrangers adoptant des rè r ègles de la langue) Témoin normolecteur G H Enfant dyslexique G H Lettres riment? Lors de tâches phonologiques, les aires du langage s'activent massivement chez le normolecteur Temple et al., P.N.A.S. (2003) Chez le dyslexique, on note une activation plus faible et plus antérieure de l’aire de Broca Absence d’activation postérieure Temple et al., P.N.A.S. (2003) 3 Enfant dyslexique après entraînement (Fastforword®) G H … apparition de zones non activées précédemment (et non activées chez le témoin) : mécanisme de compensation? réorganisation? ENVIRONNEMENT Réapparition des zones « éteintes » Mais aussi… Conclusion n°1 Niveau neurobiologique • Les processus phonologiques sont fortement liés à l'efficience de la lecture de manière causale, au moins pour les aptitudes concernant les unités de taille moyenne • Les aires du langage sont insuffisamment activées chez le dyslexique lors d'exercices phonologiques, ce qui est généralement considéré comme la cause de leur difficulté en lecture • Un entraînement intensif de quelques semaines, focalisé sur le système déficient, non seulement réactive les zones affaiblies mais sollicite des zones "muettes" des deux hémisphères • En tout état de cause, l'apprentissage des règles de conversion grapho-phonémiques est, comme chez le normo-lecteur, l'étape cruciale de l'apprentissage Niveau cognitif Niveau comportemental F. Ramus, Current Opinion in Neurobiology, 2003 "CHAPEAU" ANALYSE ANALYSEVISUELLE VISUELLE (identité, (identité,position, position,etc...) etc...) Trouble phonologique "CHAPEAU" "CHAPEAU" Trouble visuo-attentionnel visuo-attentionnel lecture par adressage Dyslexie Mixte Dyslexie phonologique Dyslexie de surface LEXIQUE VISUEL (ORTHOGRAPHIQUE) reconnaissance globale du mot chapeau lecture par assemblage SYSTEME DE CONVERSION DES GRAPHIES EN SONS SYSTEME SEMANTIQUE (sens du mot) ch a p eau /∫//a//p//o/ production orale /∫apo/ 4 bol confortablement "CHAPEAU" ANALYSE ANALYSEVISUELLE VISUELLE (identité, (identité,position, position,etc...) etc...) "CHAPEAU" "CHAPEAU" tambenefoneclor lecture par adressage LEXIQUE VISUEL (ORTHOGRAPHIQUE) reconnaissance globale du mot chapeau lecture par assemblage SYSTEME DE CONVERSION DES GRAPHIES EN SONS SYSTEME SEMANTIQUE (sens du mot) ch a p eau /∫//a//p//o/ production orale /∫apo/ chrysanthème C h r y s a n t h è m e 5 VWFA : aire de la forme visuelle des mots Attribue un statut linguistique à une suite de lettres LEAT JETE Témoins non dys Riment? Dyslexiques "compensés" Dyslexiques "persistants" Aire 37 : zone de plus forte différence entre dyslexiques et témoins <-- milieux moins favorisés Shaywitz et al., Biol. Psychiatry, 2003 Forty-seven children (eight to twelve years old) who were poor readers were randomly assigned to either an intensive 100-hour program of systematic and explicit remedial reading instruction focused primarily on developing word-level decoding skills (n=35), or they were assigned to a control group which received normal classroom instruction (n=12). Conclusion n°2 • • • • Comparaison avt/apr entraînement Comparaison dyslexiques témoins La reconnaissance rapide des mots, finalité de la lecture, est sous la dépendance d'une aire spécialisée qui attribue un statut linguistique à une suite de lettres Cette aire est significativement moins activée chez le dyslexique, dont elle constitue une sorte de "signature", une marque durable qui persistera chez l'adulte, quelle que soit la qualité de la récupération A égalité de sévérité initiale, le milieu dans lequel évolue l'individu va déterminer au moins en partie non seulement sa capacité de récupération, mais également l'aptitude de son cerveau à recruter d'autres zones pour faciliter cette récupération L'effet de la rééducation pourrait passer par une modification de la morphologie même des connexions entre les différentes aires de l'hémisphère gauche impliquées dans le décodage du langage. 6 MIGRATION NEURONALE : chaque neurone semble "choisir" son rail glial en fonction de la présence à la surface de ce dernier de certaines molécules, Ectopies sur le cerveau dyslexique (Galaburda et al., 1979, 1985) dites molécules d'adhésion Perte neuronale physiologique des neurones 1- compétition pour l'établissement de synapses 2- des facteurs trophiques déterminent, par leur concentration au niveau des terminaisons synaptiques, la survivance ou l'élimination des neurones Synaptogénèse et perte sélective des prolongements : une base possible de l'apprentissage 100 260 Origine génétique possible Potentiels évoqués • Dyslexie 8 fois plus fréquente chez les enfants dont les parents ont une histoire de difficultés de lecture • 25-60% des parents de dyslexiques ont également des difficultés de lecture • Etude de jumeaux : taux de concordance : 68% pour monozygotes /38% pour dizygotes. • Liens entre dyslexie et marqueurs sur les chromosomes 6 (bras court; Grigorenko et al., 1997), 15 (bras long; Smith et al., 1983) et 18. Imagerie fonctionnelle Cause neurobiologique de la dyslexie: des arguments individuellement fragiles mais globalement convergents Tractographie (DTI) Neuropathologie post-mortem PT IRM morphologique 7 Plusieurs gè gènes identifié identifiés par les analyses de liaisons ont également un rô rôle connu dans le développement du cerveau DYX2 on 6p22 Héritabilité des troubles du langage oral et écrit (Stromswold, 2001) DCDC2 : un gène associé chez l'animal et chez l'homme à une migration neuronale anormale ROBO1 : joue un rôle dans la régulation du passage de la ligne médiane par les axones calleux Une manipulation in utero de DYX1C1 provoque des ectopies similaires à celles des humains dyslexiques 94 95 92 71 34 95 Pourcentage de mots lus par les enfants de 14 pays européens après 98 une année d’apprentissage (d’après Seymour et al., 2003) 98 79 97 95 73 95 98 A Paulesu et al. (2000) A cultural effect on brain function B Wernicke’s area Broca’s area (BA45) Posterior temporal lobe (VWFA) Middle frontal gyrus (BA9) Siok et al., (2004) Parmi les aires sous-activées en IRMf, une région du GFMoy Gche présente une diminution significative du volume de substance grise Siok WT, Perfetti CA, Jin Z, Tan LH (2004) Biological abnormality of impaired reading is constrained by culture. Nature 431:71-76. 8 Total callosal area : group x country interaction F(1,60)=9.337; p=0.033 820 total callosal area 800 780 760 740 720 dyslex control 700 680 french english Etude menée à l'aide de "Réperdys"sur des enfants en 6e de 3 établissements Zones de corrélation entre le niveau de conscience phonologique et le statut socio-économique Les trois établissements, représentatifs de milieux socio-économiques différents, ont un taux de repérage très différent de 9% dans les quartiers favorisés à 55% dans les plus défavorisés. En outre, dans l'établissement de quartiers aisés, tous les enfants repérés étaient déjà identifiés et traités. La VWFA s'active proportionnellement au niveau de conscience phonologique, mais seulement chez les sujets de faible niveau socio-économique Noble et al., 2006 Conclusion n°3 • Il existe certainement une prédisposition génétique à la mise en place imparfaite de certains circuits corticaux • Cette prédisposition se manifeste par un défaut de mise en place de précurseurs spécifiques (variables selon les caractéristiques de la langue) • Interagit probablement avec le milieu et l'effet de l'expérience (pratique, rééducation, stratégies de compensation…) pour déterminer le niveau de déficit fonctionnel • Rien ne permet d'éliminer la possibilité que les mêmes conséquences, y compris cérébrales, ne puissent survenir sous l'effet de ces seuls facteurs d'environnement DYSORTHOGRAPHIE Trouble des conduites DYSGRAPHIE/ DYSPRAXIE Syndrome hyperkinétique/ Déficit attentionnel. DYSLEXIE Syndrome hémisph. droit développemental Dysphasie autisme Talents particuliers Dyscalculie 9 La notion de "comorbidité" dans les troubles d'apprentissage • S'impose au clinicien par la fréquence des regroupements • Se manifeste d'autant plus clairement qu'il existe des écarts importants entre les domaines cognitifs explorés • La co-occurrence des déficits dans des domaines différents possède nécessairement une signification physiopathologique et fournit des pistes pour la recherche de mécanismes communs DYSLATÉRALITÉ (15) DYSGRAPHIE/ DYSORTHOGRAPHIE (37) / DYSPRAXIE (19) 55 cas TRB. DES CONDUITES (11) TDAH/ Déficit attentionnel (32) DYSLEXIE 177 cas Dysphasie (26) + tr. lang. oral (84) Autisme (2) dyschronie (45 cas) Précocité intellect. (21) Dyscalculie (48 cas) Inventaire des diagnostics posés chez 209 patients de 7 à 15 ans reçus successivement à une consultation spécialisée de troubles d'apprentissage dyslexie (N=177) : comorbidités Les syndromes de dyslexie "plus" 70 60 • 50 40 Trouble du développement du langage oral Dysphasie Dysorthographie Dyschronie Dyscalculie Dysgraphie Dyspraxie Troubles attentionnels 63 35,6% 30 42 38 20 35 19,7% 10 15 • 23,7% 26 21,5% 14,7% 8,5% – pas d'antécédents de trouble langage oral, conscience phonologique normale, trouble attentionnel aux tests, trouble de la mémoire de travail. – dyslexie "mixte", initialement phonologique évoluant ensuite vers un profil visuoattentionnel 18 13 10,2% 7,3% 0 • La dyslexie est plus souvent associée à d'autres troubles dys Les regroupements ne se font pas de façon aléatoire mais réalisent des patrons ou clusters caractéristiques Dyslatéralité Syndrome hyperkinétique/ Déficit attentionnel. Vis. Langage oral : SLI, dysphasie autisme Asperger…. Syndrome non verbal développemental DYSLEXIE Phon. Talents particuliers Le syndrome dyspraxique : retard des acquisitions motrices par rapport au langage, dysgraphie, instabilité oculo-motrice, éventuellement trouble spatial, éventuellement dyscalculie spatiale, éventuellement précocité intellectuelle, WISC-IV : IRP<ICV DYSORTHOGRAPHIE Langage oral : SLI, dysphasie Dyschronie Dyscalculie DYSGRAPHIE/ DYSPRAXIE DYSLEXIE Phon. Dysmnésie La « constellation dys » : regroupement dans le cadre du "syndrome phonologique" Psychopathie, tr. Des conduites Dyslatéralité Psychopathie, tr. Des conduites DYSGRAPHIE/ DYSPRAXIE DYSORTHOGRAPHIE Le syndrome phonologique : dyslexie, antécédent de difficultés de langage oral, déficit principal dans le décodage, erreurs de conversion graphophonémique, trouble de la conscience phonologique, trouble de la mémoire immédiate auditivo-verbale, trouble de la dénomination rapide, WISC-IV : ICV<IRP Le syndrome visuo-attentionnel: dyslexie, décodage exact mais lenteur ou paralexies dérivationnelles/sémantiques, substitution des "petits mots", 2types autisme Asperger…. Talents particuliers Syndrome hyperkinétique/ Déficit attentionnel. Syndrome non verbal développemental Vis. Dyschronie Dyscalculie Dysmnésie La « constellation dys » : regroupement dans le cadre du "syndrome visuo-attentionnel" 10 Dyslatéralité DYSGRAPHIE/ DYSPRAXIE DYSORTHOGRAPHIE DYSLEXIE Langage oral : SLI, dysphasie Psychopathie, tr. Des conduites Vis. Phon. Syndrome non verbal développemental Dyschronie Talents particuliers, précocité autisme Asperger…. Distribution "normale" Syndrome hyperkinétique/ Déficit attentionnel. Dyscalculie Dysmnésie 13.5% 2.35% La « constellation dys » : regroupement dans le cadre du "syndrome dyspraxique" 100 115 130 0.3% 145 Precocité : théorique < à 2%/ observé : 21/209= >10% M… Félix (13;2) Corrélation écart verb/non-verb avec estime de soi (questionnaire de Coopersmith) 2 2 = ,334 y = ,039x - ,467, r 1 ,5 EDS sociale EDS générale 2 = ,242 1 ,5 0 -,5 -1 0 -,5 -1 -1,5 -1,5 -2 -2 -2,5 -40 -30 -20 -10 y = ,021x - ,322, r 1,5 1,5 0 10 20 30 40 50 60 ICV-IRP Estime de soi : score global. r=0.578, p=0.012 -2,5 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60 ICV-IRP Estime de soi : score social r=0.492, p=0.0383 Motif ; tr comportement à l'école, travaille peu, perturbe Les facteurs de sévérité du handicap Degrés de sévérité Facteurs intrinsèques Dyslexie initiale Troubles dys associés (dysphasie, dyscalculie, dyschronie, dyspraxie, dysgraphie) (santé physique, QI, personnalité sous-jacente, anxiété généralisée) Souffrance psychique initiale Facteurs extrinsèques (niveau socio-culturel, opportunité pédagogique, stimulation parentale, bilinguisme, langue maternelle,, événements de vie) Dyslexie résiduelle Troubles du comportement associés (TDAH, trouble des conduites) 11