La commdedia dell`arte vous salue bien! LA COMMEDIA DELL

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La commdedia dell’arte vous salue bien!
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Gérard HUBERT-RICHOU
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LA COMMEDIA DELL’ARTE VOUS SALUE BIEN !
OU
LE SORTILÈGE
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La commdedia dell’arte vous salue bien!
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DISTRIBUTION PAR ORDRE D’ENTRÉE EN SCÈNE
dans la commedia
Arlequin
Brighella
Pulcinella
L’accessoiriste --->
Tiffany
Orazzio --->
Coriano
Isabella --->
Sandra
Colombine --->
Carole
Pantalone --->
Antoine
Matamore --->
Valentin
Balanzone --->
Pierre
Cette distribution type peut être modifiée à loisir en fonction des acteurs
disponibles. Des filles peuvent interpréter des rôles de garçons, à commencer par
Arlequin. Mais Brighella, Pulcinella et Arlequin ne peuvent apparaître dans les
premières scènes car ils n’auraient pas le temps de se changer pour entrer en
scène.
Le décor ne comporte que quelques chaises en bois, une petite estrade, une
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table basse, une caisse.
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La commdedia dell’arte vous salue bien!
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SCENE I
TIFFANY( entre seule et s’adresse au public.): Bonsoir à tous. La pièce que nous
avons le plaisir de jouer devant vous ce soir s’appelle...
(Elle s’interrompt brusquement. D’un geste, elle fait comme si elle gommait la
suite en se souvenant de quelque chose d’important qui la fait doucement glousser.)
Quand j’y pense... Excusez-moi, de vieux souvenirs qui remontent au début de
l’année scolaire me reviennent subitement en mémoire. Bon, après tout, pourquoi ne
pas vous en faire profiter...Voilà. Ca avait commencé à peu près comme ça...
(Elle va s’asseoir sur une chaise, feuillette des brochures et des livres de
théâtre parmi tout un tas dispersé sur une table basse.)
SCENE II
(Les six comédiens arrivent par deux, trois et un, se saluent, saluent Tiffany.)
TIFFANY: Bonjour les vedettes! Alors, tout le monde est là?
CORIANO: Ben... oui, apparemment, on est dix inscrits, sept présents, les trois
derniers sont encore en cours d’histoire, ils arriveront plus tard.
SANDRA: Dix, c’est pas mal pour un début, non?
TIFFANY: Le problème n’est pas là, tu le sais bien, Sandra. C’est la mutation de
madame Briard qui nous a mis dans cette situation.
CAROLE: Oui, elle était géniale pour diriger le cours d’art dramatique.
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ANTOINE: Mais en attendant de trouver un autre prof volontaire, on a bien promis
au principal de se débrouiller tout seuls puisqu’on avait déjà deux ans d’expérience.
TIFFANY: Sinon, c’était la fermeture pure et simple de l’activité théâtre, avec tout
ce que ça comportait comme avantages sur l’emploi du temps.
(Hochement de tête général, sceptique, sinon désabusé.)
VALENTIN: Sans compter le plaisir de jouer.
PIERRE:
Oui, justement, tu a lâché le mot: JOUER, mais JOUER quoi cette
année?
Les classiques, ça va bien, et puis faut sacrément les connaître pour faire une
bonne mise en scène.
CORIANO: Sans compter les costumes.
VALENTIN: Bon, alors qui a une idée?
TIFFANY: Tu crois, Valentin, que c’est facile de trouver une pièce qui comporte
une dizaine d’acteurs, une pièce qui soit intéressante, amusante, vivante et je ne
sais quoi encore, avec des décors simples, des costumes simples et des textes qui
s’apprennent tout seuls.
CORIANO: Hé, ne noircis pas le tableau, Tiffany! c’est tout de même toi qui a
proposé de t’occuper de la... troupe entre guillemets, en attendant la bonne volonté
d’un prof.
TIFFANY: D’accord, mais on est déjà en octobre et les candidatures ne se sont
pas bousculées.
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CAROLE: Il y a eu madame Champari-Lemestreux.
SANDRA: Enceinte jusqu’aux yeux, elle n’a assisté qu’à une réunion. Et c’est tout.
PIERRE:
Hé bien. On n’a qu’à faitre comme Molière, on improvise.
ANTOINE: Ca risque d’être sacrément nul.
TIFFANY : Je pensais juste à cette petite pièce en un acte qui s’appelle
“l’impromptu de Versailles”, mais c’est injouable, le rôle de Molière est énorme.
CORIANO: Et tu insinues qu’il n’y a pas un garçon capable de l’interpréter, merci.
TIFFANY: Est-ce que tu as lu la pièce?
CORIANO: Heu... non.
TIFFANY: Alors commence par ça et tu comprendras ta douleur.
SANDRA: Pas « l’impromptu », d’accord. Quoi alors?
PIERRE:
Dans le même genre, il y a “six personnages en quète d’auteur” de
Pirandello, je crois.
ANTOINE: Donc six rôles seulement.
TIFFANY: Ca tombe sous le sens. A rayer aussi de la liste.
SANDRA: Quoi alors?
ANTOINE: Arrête de croasser, c’est lassant à la fin.
CAROLE: Creusons-nous la tête, il faut trouver aujourd’hui la pièce qui nous
convient à tous, c’est le dernier délai.
(Chacun cherche dans son coin. Antoine arpente la scène. Carole se fait les
ongles, Sandra e mange les siens...)
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TIFFANY (timidement): « Knock »?...
CAROLE: Après Jouvet et Lucchini...
(Même jeu de réflexion.)
TIFFANY: « L’alouette » de Jean Anouilh?...
(Bof général, même jeu.)
CORIANO: Un Feydeau, un Labiche?...
(Idem)
TIFFANY: Une farce du Moyen-âge? (même doute). Ne cherchez surtout pas, vous
autres!
PIERRE: On ne fait que ça, mais il faut admettre que le répertoire abordable pour
des élèves de collège, sans un vrai metteur en scène, c’est plutôt galère.
TIFFANY: Merci pour le metteur en scène.
PIERRE: Excuse-moi, mais à part des saynètes, tu n’as pas encore monté de
grands spectacles.
TIFFANY: « Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend pas le nombre des années! »
CAROLE: Bon, ne vous chamaillez pas, ça n’arrangera rien. C’est difficile mais pas
impossible. Les trois retardataires ont peut-être trouvé quelque chose.
SANDRA: S’il faut se fier aux absents...
TIFFANY: Il existe bien une pièce pétillante, drôle, dynamique, avec des rôles
enthousiasmants et... je l’ai vuel’année dernière. Il me semble qu’il y a dix rôles
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(Elle fouille dans les livres, saisit une brochure, la serre contre sa poitrine.)
Dites les amis... Est-ce que vous croyez aux miracles?
CORIANO: Disons qu’on veut bien croire à la magie tu théâtre. Tu as trouvé la perle
rare?
TIFFANY (regard espiègle): Je crois bien....
SANDRA: Et ça s’appelle comment ton petit chef d’oeuvre inconnu?
TIFFANY
(prenant son temps, puis brandissant la brochure): “La comedia dell’
arte vous salue bien!”
TOUS( sauf Tiffany): “La comedia dell’ arte vous salue bien?”
(Ils s’interrogent du regard, certains acquiescent bientôt du chef, l’idée fait son
chemin, d’autres font des moues synonymes de “pourquoi pas” “faut voir”, etc. Puis,
d’un commun accord en direction de Tiffany: )
TOUS: Banco!
(Se chamaillant la brochure qui va finir en morceaux, ils sortes en se mettant
déjà dans la peau des personnages.)
NOIR
SCÈNE III
(Musique: Vivaldi, les concertos.)
ARLEQUIN ( entre en pirouettant. Au public): Messeigneurs, mes reines, mes amis,
j’ai la joie et l’honneur de vous présenter la commedia dell’arte!...
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(La musique monte. Il salut, entrechats, puis il se fige, pris d’un doute. La
musique baisse.)
Mais, à propos, connaissez-vous la commedia?... Connaissez vous
VRAIEMENT la commedia dell’ arte? (il descend à l’avant-scène) Ce théâtre si
particulier, si pétillant, si démonstratif, si (il tournoie)... si extravagant, si... extra-verti,
si... extraordinaire! Ce théâtre qui nous vient d’Italie?
(Il bondit s’asseoir sur le dossier d’une chaise. )
Ah! l’italie...
(Il glisse assis sur la chaise pour gratter une mandoline imaginaire.)
L’It-ta-liiiie!... O-sole-Miiio!...
(Il saute, tourbillonne, traverse la scène, se penche vers le public.)
Il serait bon que je vous introduise dans ce monde magique, que je vous
intronise, par un petit historique. Vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’espère?...
(Il bondit vers une caisse où il s’assied de biais, faisant des mimiques
exagérées.)
D’autant que c’est moi, Arlequin, le maître de cérémonie (salut) et que vous
êtes bien obligés d’en passer par ma fantaisie. (il jongle avec son chapeau) Bon.
(Il se campe au centre.)
La commedia dell’arte est un théâtre comique, né au XVIème siècle dans les
villes italiennes. L’Italie a toujours été le pays du rire, de la bonne humeur, de la joie
de vivre et du théâtre. Des troupes de comédiens commencent alors à voyager de
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ville en ville et en famille. Oui, en famille, car c’est à cette époque que les femmes
vont acquérir le droit de monter sur les planches. Jusqu’à lors, tous les rôles étaient
tenus par les hommes. Hé, oui.
Les personnages de la commedia sont des plus drôles —vous allez en juger—
Chacun d’eux à un caractère particulier, bien trempé. Presque tous portent un
masque qui ne couvre que le haut du visage et laisse libre la bouche.
D’abord, il y a les serviteurs Brighella et Pulcinella!
( Il les présente comme un monsieur Loyal. Ils entrent comme à l’abattoir. Musique
en conséquence).
SCÈNE IV
ARLEQUIN: Ce ne sont pas les plus drôles, c’est pourquoi je commence par eux:
Pulcinella le grognon et Brighella, le farceur maladroit. Il faut bien des lampistes qui
prennent les coups de bâton, non?
(mimique aux deux serviteurs plantés dans le coin cour, bras ballants, face au
public. Arlequin reprend le centre de la scène.)
Sachez tout d’abord messeigneurs qu’un seul et unique ressort fait tourner le
Monde et le petit monde de la comédie, un seul: l’amour!
BRIGHELLA & PULCINELLA (sinistres): l’amour.
ARLEQUIN: Le bel amour bien sûr, mais aussi l’amour de la gloire, l’amour de l’or,
l’amour du pouvoir.!...
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BRIGHELLA & PULCINELLA (idem): l’amour du devoir.
ARLEQUIN: L’amour sous toutes ses facettes, tel que le représente le costume
d’Arlequin, votre serviteur (il salue .). Et tout d’abord, l’amour toujours, symbolisé par
ces deux-là: Orazzio et Isabella (Ils entrent et saluent)! Puis l’amour de la gloire: le
capitaine Matamore (idem)! L’amour de l’or: Pantalone (dans son dos), vieux grigou
(idem). L’amour du pouvoir: le doctor Balanzone !(au public) Ane prétentieux qui se
prend pour un savant (idem). Et l’amour de la vie: la pétillante Colombine. Voilà pour
les personnages. Et moi?... (comme si le public lui avait posé une question.) Vous
voulez savoir ce qui fait courir Arlequin?... L’amour de l’intrigue bien sûr, pourvu que
j’y trouve mon compte et le plein de mon estomac qui crie toujours famine! Famine!
Famine!
Mais renouons le fil de cette intrigue (il mime.) et déroulons cette histoire qui
se nomme... “ le sortilège”!
(Il pousse les deux serviteurs en fond de scène. Ils vont s’asseoir, s’allonger
et bientôt somnoler. Puis il s’écarte d’une pirouette et s’installe en bonne place.)
SCÈNE V
(Entrent en courant Orazzio et Isabella chacun par un côté.)
ORAZZIO: Oh! Isabella!
ISABELLA: Orazzio, mon prince!
ORAZZIO: Ma douce Isabella, je te trouve enfin seule.
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ISABELLA: Oh! Mon tendre Orazzio, nous voici enfin seuls au monde.
ORAZZIO: Isabella, mon amour infini.
ISABELLA: Orazzio, mon âme.
ORAZZIO : Isabella bellissima.
ISABELLA : Orazzio !...
ORAZZIO: Tes yeux sont plus limpides que la lagune de Venise sous un ciel d’Azur.
ISABELLA: Mes jours se consument à t’attendre.
ORAZZIO: Tes lèvres sont des pétales de roses roses.
ISABELLA: Tes paroles sont plus douces qu’un chant de tourterelle.
(Un cri strident interrompt les tourtereaux.)
SCÈNE VI
COLOMBINE: A moi, à l’aide, au secours!
(Elle traverse la scène, cherchant une cachette.)
Au secours!
PANTALONE (paraissant en bord de coulisse): Mais enfin, veux-tu venir ici,
Colombine, feu follet, tourbillon, libellule!
COLOMBINE (se cachant derrière les amoureux): Que non pas! Je sais trop bien ce
qu’il me veut ce vieux grigou.
PANTALONE (s’avançant): Que marmonnes-tu ? Tu es ma servante dévouée, tu
me dois respect et obéissance absolus!
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(Tous deux tournent autour des amoureux. Colombine finit par se glisser entre
eux deux, comme si ça la mettait à l’abri.)
COLOMBINE: Respect, oui, mais obéissance, jusqu’à un certain point.
PANTALONE : De quel point parles-tu ?
COLOMBINE : Un certain point d’honneur !
PANTALONE (ne la trouvant pas): Pendarde! Où es-tu?
COLOMBINE: Vieux goujat!
PANTALONE (cherchant ailleurs): Viens ici! Montre-toi! Répondras-tu à cette
question capitale que je t’ai posée tantôt?
ORAZZIO: Quelle question?
ISABELLA: Oui, quelle question?
COLOMBINE: Il veut que je l’épouse!
ORAZZIO: Cet ancêtre décati?
ISABELLA: Ce vieux radin qui sent le moisi?
COLOMBINE: Je suis bien d’accord avec toi, ma chère Isabella qui tient le beau rôle
dans cette pièce.
ISABELLA: Je n’ai pas choisi, c’est une question de physique.
COLOMBINE: Pffttt!!!
PANTALONE: Où te caches-tu, friponne? je sais que tu es là!
(Il tourne autour du trio comme s’il n’avait pas vue Colombine, style guignol.)
COLOMBINE (passant la tête): Ici ou là!
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PANTALONE : Où ?
COLOMBINE : Hou-hou !
PANTALONE: ( la découvrant enfin) Aaaaah!
(Il se glisse à son tour sous le bras d’Isabella et d’Orazio, croyant saisir
Colombine et se retrouve nez à nez avec Orazzio quand elle s’esquive. En bord de
scène, Arlequin fait signe à celle-ci d’approcher. Il lui pose une guenille marquée
devant d’une croix blanche, derrière d’une croix noire que lui a passée
l’accessoiriste. Il lui cache la tête sous un large chapeau, lui fait prendre la pose
d’un épouvantail.)
ORAZZIO (détournant la tête): Oh! Quelle haleine de baleine!
(Demi-tour de Pantalone entre les bras tendus des amoureux.)
ISABELLA (se détournant aussi): Iiiii! Quelle face de gargouille!
(Même jeu. Ils le retiennent de force entre leurs bras.)
ORAZZIO: Un nez velu à piquer des gaufrettes.
ISABELLA: Une barbiche de vieux bouc!
ORAZZIO: Des dents de de loup gâtées!
ISABELLA: Des yeux porcins!
ORAZZIO : Des lèvres comme des limaces.
ISABELLA : Le cheveu suifeux.
PANTALONE (parvenant à se libérer): RRRRrrrr!!!... Où est-elle passée cette
gredine! Je la retrouverai et elle me le paiera cher!
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(Il va pour sortir en passant devant l’épouvantail. Il trébuche sur Brighella et
Pulcinella. Tous trois roulent en coulisses en hurlant. Orazzio et Isabella sortent à
l’opposé, main dans la main.)
SCÈNE VII
MATAMORE1 (survenant épée à la main): C’est un bon jour pour la bataille!
Mordiou, j’enrage de n’avoir personne avec qui combattre! Y a-t-il quatre hommes,
que dis-je?... Y a-t-il huit hommes qui veulent se battre contre moi?... Personne!...
Ah! Quelle indignité, quelle désolation... Je bous d’impatience d’en découdre!...
(au public, plus confidentiel)
A peine incorporé dans l’armée à dix-huit ans, au siège d’Alençon, je fis
prisonnier cinq Anglais. Cinq!
(Quelqu’un —Arlequin— crie cocorico! tandis que les deux serviteurs
reprennent leurs places en se frottant les reins.)
Qu’est ceci?... J’ai entendu une volaille chanter?...
(Brighella et Pulcinella font des signes de dénégation. Passant outre,
Matamore revient à son propos avec un peu d’agacement.)
A la première attaque, je reçus par les cheveux un boulet de canon qui me
décoiffa sans m’abattre. Puis un Breton vint à marauder qui faisait des prouesses
avec sa lance. D’un revers, je lui tranchai une jambe jusqu’à la hanche. Vlam!
1
Hommage au franc-archer de Bagnolet, farce du Moyen-âge.
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(Large geste à l’appui. Puis se tournant, Matamore découvre l’épouvantail
tenant dans sa main une arbalète qu’Arlequin a placé là, pendant le monologue
parce que l’accessoiriste la lui a passée.)
Holà! Je vois à votre croix blanche que nous sommes tous deux du même
parti. (Au public) Par tous les diables, d’où est-il sorti, celui-là? (A l’épouvantail)
Comment? Vous vous êtes trompé de chemin? Ah! Baissez donc votre arme, je ne
vous veux aucun mal.
(Il détourne l’arbalète de la pointe de son épée. Colombine tourne, il remarque
alors la croix noire. Elle le vise à nouveau sur un signe d’Arlequin.)
Par le sang bieu, c’est un Breton! C’en est fait de toi, Matamore!... Hé! L’ami,
où voulez-vous lancer ce trait? (Au public) Il m’a pris par surprise et veut
m’assassiner. ( A l’épouvantail) Paix, l’ami, je ne vous veux aucun mal... Je racontais
juste le passé, je ne suis plus en guerre.... Je vous rends mon épée.
(A genoux, il la dépose, se tourne vers le public)
Ah! Matamore, tu meurs bien malgré toi; Priez pour l’âme, s’il vous plait, d’un
pauvre capitaine et écrivez sur ma tombe cet épitaphe:
“Ci-gît Matamore
Qui n’eut que le tort
De ne fuir à temps, encore.
Il trépasssa le jour de sa mort.”
(L’épouvantail ne peut s’empêcher d’étouffer de rire.)
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Qu’est-ce à dire?...
(Il se redresse à genoux, péniblement)
Le bougre se moque de mon cadavre encore tout chaud!...
(Il se relève, reconnait Colombine qui a enlevé son chapeau.)
Par la mordieu, c’est toi Colombine qui m’a joué ce tour!!! Attends que je te
passe ma rapière à travers le corps!
(Matamore pourchasse Colombine. Il frappe de taille et d’estoc.)
ARLEQUIN (s’interposant): Calmez-vous mon ami. Elle n’y est pour rien la
malheureuse; pauvre victime d’un sortilège!
MATAMORE: Un sortilège?
ARLEQUIN: Oui, un sortilège que lui a lancé ce fieffé coquin de Brighella.
MATAMORE : Brighella ?
BRIGHELLA (outré): Moi, mais je n’ai rien fait de...
(Arlequin lui fait comprendre que son intérêt est d’entrer dans le jeu. Celui-ci
guide alors la lame de Matamore qui pique les fesses de Brighella, tourné vers le
public. Puis il l’oblige à se coucher comme s’il était mort.)
ARLEQUIN: Voilà qu’il a son compte et sa juste récompense... Mais... Mais je crains
d’avoir commis une erreur, Matamore... J’y suis à présent: l’idée était de ce fourbe
de Pulcinella!
PULCINELLA: C’est une honte, un outrage!...
(Matamore lève son épée, Arlequin s’interpose encore bravement.)
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ARLEQUIN: Ne le tuez pas, Matamore, car vous n’aurez plus personne pour vous
servir.
MATAMORE: Qu’importe, puisque toi, Arlequin, tu seras encore là pour faire le
travail de trois.
ARLEQUIN: Moi ?
MATAMORE : Oui, toi, Ar-le-quin !
ARLEQUIN : Dans ce cas... Tuez-le!
(Il pousse lui-même l’épée pour plus de sureté, embroche Pulcinella et fait des
mouvements de va-et-vient, tout en assommant celui-ci d’un coup de bâton —tendu
par le machiniste— derrière la tête.)
Cette-fois-ci, il est bien mort. Plus de témoins gênants. Paix à leurs âmes.
L’affaire est close.
MATAMORE (le prenant à l’écart): Et elle? (désignant Colombine.)
ARLEQUIN: Qui elle ?
MATAMORE: Colombine.
ARLEQUIN: Colombine ?... Elle est ensorcelée.
MATAMORE: Bon, admettons. Mais toi? Tu as tout vu.
ARLEQUIN: Moi?... Moi... Vu quoi, seigneur Matamore? Une pauvre servante à qui
l’on a jeté un sort et qui est restée pétrifiée de peur bleue. Une pauvre servante qui
n’a pas plus de cervelle qu’un mouton.
MATAMORE: Crois-tu?
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ARLEQUIN: Parlez-lui donc! (fort à l’intention de Colombine) Vous allez voir qu’elle
ne sait que bêler désormais.
MATAMORE (sceptique, il s’approche de Colombine, tremblante): Raconte un peu
ce qu’il s’est passé, ici, tout à l’heure, Colombine.
COLOMBINE (bêlant de façon chevrottante): Bê... bê... Bêêêê!
ARLEQUIN: Que vous disai-je! Allons, l’affaire est réglée. Personne n’a rien vu.
Bonne journée, seigneur Matamore et portez-vous bien.
(Il entraîne Colombine vers la sortie.)
MATAMORE (restant, sidéré): Par la mordiou! Matamore, tu as frisé l’humiliation.
Ressaisis-toi, capitaine... Tiens, voilà ce fanfaron de Doctor Balanzone. C’est
l’occasion de lui toucher deux mots de cette pauvre Colombine... afin d’avoir la
certitude qu’elle ne recouvrera jamais la raison au risque de trahir le secret.
SCÈNE VIII
BALANZONE: Ah! Seigneur Matamore, toujours l’épée à la main, prêt à occire
quelque malandrin.
MATAMORE: Heu... (se ressaisissant) Oui, en effet! Nous sommes comme ça,
nous, hommes de guerre. Voyez, dans un geste d’humeur, j’ai pourfendu ces deuxlà qui avaient failli manquer de respect à ... à Colombine.
BALANZONE:
Diable!
Comme
vous
y
allez!
La
punition
est
peut-être
disproportionnée par rapport à la faute. Pauvres garçons. Mais laissez agir le doctor
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(Il relève ses manches). Le doctor va arranger tout cela! Il leur reste peut-être un
souffle de vie et je me dois de vérifier si ma science médicale ne pourrait pas les
ressusciter un petit peu.
MATAMORE: Oh! Ce n’est pas indispensable, doctor Balanzone.
BALANZONE: Si, si, si!... On n’entrave pas la marche inexorable de la médecine et
son oeuvre grandiose! Voyons un peu de quoi il retourne...
( De deux claques, il réveille Brighella qui s’enfuit et brait à s’en arracher la
gorge.)
Et d’un!
(Même jeu avec Pulcinella qui ne demande pas son reste et s’esquive en
grognant comme un porc.)
Et de deux!
MATAMORE: Fichtre!
BALANZONE (à part): Voilà qui est certes résolu... Mais (haut) ce comportement
post mortem me semble bien étrange.
MATAMORE: Bah! Eux aussi auront été contaminés par le sortilège.
BALANZONE: Un sortilège? Que me chantez-vous là?
MATAMORE: Croyez-vous, doctor Balanzone que Pulcinella et Brighella puissent
guérir un jour de cette maladie-là?
BALANZONE: J’en doute car les sortilèges ne sont pas de mon ressort.
MATAMORE (à part, soulagé): Tant mieux, tant mieux.
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BALANZONE: Que dites-vous?
MATAMORE: Je dis: grand Dieu! Grand Dieu!... C’est bien triste pour ces pauvres
bougres, mais ça ne les empêchera pas d’assurer leur service... pourvu qu’ils
n’ouvrent pas la bouche.
BALANZONE: Vous dites, ma foi, vrai. Serviteur, Matamore (Il le salue). D’autres
affaires d’importance m’attendent. (Il sort, pétri d’orgueil.)
MATAMORE: Adieu donc, doctor Balanzone...
SCÈNE IX
PANTALONE (survenant, il cherche autour de lui): Ah! C’est vous, seigneur
Matamore!
MATAMORE (yeux au ciel, à part): Pantalone! Manquait plus que ce vieux grigou
rance.
PANTALONE: Matamore, mon ami, mon compère, n’aurais-tu pas vu passer cette
anguille de Colombine?
MATAMORE: Colombine?
PANTALONE: Oui, Colombine, ma servante.
MATAMORE (à part): Colombine, une anguille? C’était plutôt une chèvre. (à
Pantalone) Vous avez bien dit Colombine.
PANTALONE: Oui, Co-lom-bi-ne!!!
MATAMORE: Hé! Ne criez pas comme ça, je ne suis pas sourd. Que lui voulez-
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vous? Vous a-t-elle fait quelque chose, la pendarde?
PANTALONE: Oh! Je la soupçonne de tant de méfaits domestiques qu’il me serait
trop long d’en dresser la liste.
MATAMORE: Mais la dernier en date, par exemple.
PANTALONE: Elle n’a pas répondu à ma question.
MATAMORE: A une simple et unique question?
PANTALONE: Oui, mais pas n’importe laquelle : une question de vie ou de mort!
MATAMORE: Ah! Dans ce cas... (compatissant) Seulement, mon pauvre Pantalone,
je crains qu’elle ne soit plus en mesure de rien dire du tout la pauvre petite.
PANTALONE : Vous m’inquiétez.
MATAMORE : Je l’ai croisée tout à l’heure. Elle bêlAIT plus fort qu’un agneau qui a
perdu sa mère.
PANTALONE: Diable!
MATAMORE: Hé! oui, elle bêle pour être tombée sous un charme mystérieux: bêbêêê; un charme qui, d’ailleurs, me semble contagieux... (Il lui est venu une idée)
Excusez-moi, Pantalone... Je ne me sens... pas très bien... depuis un instant… Je
dois... (Il grimpe sur l’estrade) Cocorico! Cocorico! Cocorico!!!
(Et il s’envole.)
SCÈNE X
PANTALONE: Un charme? Qu’a-t-il voulu dire par là?
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(Survient Pulcinella et Brighella —poussés par Arlequin sous la menace de
son bâton. L’un grogne, l’autre brait, redoublant en découvrant Pantalone.)
PANTALONE: Qu’est-ce à dire? Matamore qui fait le coq, et ces deux-là qui
semblent atteints eux aussi de ce mal mystérieux?
(Les serviteurs sortent à l’opposé.)
(…)
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