Le service public du sport en Afrique noire Études africaines Collection dirigée par Denis Pryen et François Manga Akoa Dernières parutions Robert AKINDE (sous la dir. de), Les acquis économiques du Bénin de 1960 à 2010, 2012. Christian EBOUMBOU JEMBA, Transports et développement urbain en Afrique, 2012. William BOLOUVI, Un regard inquiet sur l’Afrique noire, 2012. Julien COMTET, Mémoires de djembéfola. Essai sur le tambour djembé au Mali. Méthode d’apprentissage du djembé (avec partitions et CD), 2012. Juan AVILA, Développement et lutte contre la pauvreté, Le cas du Mozambique, 2012. Jean-Serge MASSAMBA-MAKOUMBOU, Politiques de la mémoire et résolution des conflits, 2012. Apollinaire-Sam SIMANTOTO MAFUTA, La face occulte du Dieu des Congolais, 2012. Toavina RALAMBOMAHAY, Madagascar dans une crise interminable, 2e édition, 2012. Alphonse Zozime TAMEKAMTA, Eric Wilson FOFACK (dir.), Les urgences africaines, Réécrire l’histoire, réinventer l’Etat, 2012. Henri-Pensée MPERENG (avec la collab. de Jerry MPERENG), Histoire du Congo Kinshasa indépendant. Politique économique, 2012. Julien BOKILO, La Chine au Congo-Brazzaville. Stratégie de l’enracinement et conséquences sur le développement en Afrique, 2012. Bouyo Kwin Jim NAREM, Microfinance et réduction de la pauvreté de la femme rurale en Afrique. Comprendre la dérive vers le monde urbain, 2012. Kanel ENGENDJA-NGOULOU, Le développement des industries culturelles au Gabon, 2012. Francis NKEA NDZIGUE, La procédure pénale au Gabon, 2012. Moussa BOUREIMA, L’économie agricole au Niger, 2012. Yaya SY, Mémoires d’ancêtres, 2012. Essé AMOUZOU, Mouammar Kadhafi et la réalisation de l’Union africaine, 2012. François Claude Dikoumé Le service public du sport en Afrique noire L’exemple du Cameroun L’HARMATTAN © L'HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-96397-9 EAN : 9782296963979 A tous les miens. REMERCIEMENTS Nous remercions sincèrement tous ceux qui ont permis à ce livre de paraître et particulièrement : - Notre modeste équipe de recherche dans laquelle BEKOMBO JABEA Claude et ENGAMBA ALENE Philomène se sont entièrement mobilisés pour relever tous les défis qui se présentent généralement aux jeunes chercheurs. - NDJOCK LIKENG qui n’a ménagé ni effort, ni temps pour la relecture du manuscrit. - Hamad KALKABA MALBOUM qui a mis à notre disposition toutes les conditions idoines de travail. 7 AVANT-PROPOS Avec la notion de « service public du sport en Afrique », nous avons il y a plus de vingt ans1 déjà affirmé avec force, la trame de fond du contenu de ce concept. En effet, nous avions insisté sur la spécificité de la gestion du sport par les Etats en Afrique oscillant autour de l’action exclusive de la puissance publique. L’Etat en Afrique avions-nous démontré était au commencement et à la fin de la gestion du sport ; il n’y avait de gestion du sport que pour servir les intérêts de l’Etat en somme. La définition de la structure du sport mondial et de l’organisation du sport au Cameroun a semblé dès lors comme objectifs secondaires de notre œuvre, mais non moins importants. Logiquement, il était inéluctable que nous vérifions plus de vingt ans après, si les réponses définitives aux hypothèses de l’époque tiennent toujours face aux fluctuations qu’ont connues les Etats africains depuis 1989. C’est l’une des raisons fondamentales, sans être exclusive qui justifie la réécriture d’une nouvelle édition. Nous avons néanmoins gardé le titre de la première édition, que nous aurions pu modifier, pour indiquer la novation dans la téléologie du service public du sport dans cette deuxième édition. L’histoire du sport est ontologiquement liée à l’histoire classique des relations internationales ; nous avions écrit avant la chute du mur de Berlin, l’avènement de la mondialisation et le triomphe du modèle libéral capitaliste. Il faut dire que ces mutations internationales et bien d’autres encore ont entraîné des changements de posture au sein des organismes sportifs internationaux. L’avènement de la « démocratie sportive » et l’éclosion de ce que Gerald SIMON appelle la « puissance sportive » sécrètent un faisceau de pouvoirs parfois déroutants pour les Etats du monde. Il est indéniable que l’aura du CIO et de la FIFA par exemple est différente depuis ce que Francis FUKUYAMA dénomme la fin de l’histoire (la guerre froide). Au début des années quatre-vingt et dix, on a constaté une restructuration profonde dans la gestion de ces organismes transnationaux de management du sport avec l’obligation faite aux représentations régionales et nationales de s’arrimer à cette nouvelle donne que nous qualifions de « démocratie sportive ». Nous pensons que si au niveau d’autres continents (Europe, Amérique et Asie), cette « démocratie sportive » s’applique sans difficulté, l’Afrique a eu besoin de faire beaucoup de restructurations du cadre réglementaire et institutionnel afin de répondre aux attentes continentales. Les dispositifs réglementaires régionaux ont changé sous l’effet de la mutation institutionnelle qu’a connu le processus d’intégration africaine (passage de 1 DIKOUME (F), Le service public du sport en Afrique : L’exemple du Cameroun, Dalloz, Paris, 1989. 9 l’OUA à l’UA en 2000). Le CSSA, ce qui n’est guère surprenant est renvoyé aux oubliettes ; la Conférence des Ministres en charge des Sports de l’Union Africaine (CMSUA) est arrivée et a renforcé les pouvoirs de gestion pratique du sport africain par l’ACNOA en se cantonnant quant à elle, à l’élaboration des politiques sportives continentales. Mais, force est de constater qu’au niveau des Etats et en nous appuyant sur l’exemple du Cameroun, la prégnance exclusive de l’Etat d’antan sur la gestion du sport a connu un relâchement aujourd’hui. En effet, les dispositifs réglementaires et institutionnels des pays d’Afrique (du Cameroun en particulier) ont changé, reconnaissant le pouvoir disciplinaire aux associations sportives nationales, ce qui est une véritable rupture téléologique avec le temps où celles-ci étaient ni plus ni moins qu’un service du Ministère en charge des Sports (relais de l’administration). En ce sens la loi n° 2011/018 du 15 juillet 2011 relative à l’Organisation et à la Promotion des Activités Physiques et Sportives au Cameroun illustre en son article 32 , la présence prépondérante de l’Etat et la centralité de ce dernier dans l’organisation de l’activité physique et sportive au niveau du Cameroun mais, elle reconnaît aussi en son article premier que « La présente loi régit l’organisation et la promotion des activités physiques et sportives. Elle vise à :-instaurer la confiance et une entente mutuelle entre les acteurs du mouvement sportif national dans le respect de leurs droits légitimes (…) ». Le « respect de leurs droits légitimes » est une novation que ladite loi reconnaît aux acteurs des droits que l’Etat entend respecter ; ceci démontre aussi que la coopération supplante la tutelle rigide de l’administration. Nonobstant toutes ces évolutions, il ne faut pas pour autant surestimer le pouvoir des acteurs du sport au sein des Etats et sous-estimer les prérogatives de puissance publique qu’exercent ces derniers sur la gestion du sport. Il nous semble en fait que l’Etat ne cède que ce qu’il veut bien céder ; si les organismes sportifs internationaux recommandent l’élection au sein des associations nationales, ceci n’est pas toujours respecté ; c’est le cas au Bahreïn ou au Maroc par exemple. Ces deux pays restent pourtant membres de la FIFA. La puissance sportive existe bien mais, elle n’est pas encore véritablement à comparer à la puissance étatique qui elle, est adossée sur la souveraineté et le territoire qu’aucune autre entité en dehors de l’Etat ne possède. Tant que les choses seront ainsi nous n’assisterons pas à un retournement du monde. 2 «-(1) L’Etat détermine la politique de développement de l’éducation physique et des sports et s’assure de sa mise en œuvre. (2)Le développement des activités physiques et sportives et du sport de haut niveau incombe à l’Etat et au mouvement sportif national constitué d’associations et des fédérations sportives.(3) L’Etat et les collectivités territoriales décentralisées, en relation avec le Comité National Olympique et Sportif du Cameroun, Le Comité National Paralympique Camerounais, les fédérations sportives nationales, ainsi que toute personne physique ou morale de droit public ou privé, assurent la promotion et le développement du sport et de l’éducation physique». 10 In fine dans cette nouvelle édition, nous n’allons pas nous limiter à actualiser les sources ; nous poserons de nouvelles problématiques, qui nous en sommes certains, ne resterons pas sans réactions de la communauté scientifique spécialisée. L’auteur SIGLES ET ABRÉVIATIONS APS : Activités Physiques et Sportives. AGFIS : Association Générale des Fédérations Internationales de Sports. ASOIF : Association des Fédérations Internationales de Sports Olympiques. ACNOA : Association des Comités Nationaux Olympiques d’Afrique. CAF : Confédération Africaine de Football. CENAJES:Centres Nationaux de Jeunesse et des Sports. CHARTE DES APS : Charte des Activités Physiques et Sportives. CIAS : Conseil International d’Arbitrage en matière de Sport. CIO : Comité International Olympique. CIGEPS : Comité Intergouvernemental pour l’Education Physique et le Sport. CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes. CNO : Comité National Olympique. CNOSC : Comité National Olympique et Sportif du Cameroun. CMSUA : Conférence des Ministres des Sports de l'Union Africaine. CSSA : Conseil Supérieur du Sport en Afrique. DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté. DSCE : Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi. EP : Education Physique. EPS : Education Physique et Sportive. FECAFOOT : Fédération Camerounaise de Football. FENASU : Fédération Nationale du Sport Universitaire. FI :Fédération Internationale. FIVB : Fédération Internationale de Volley-Ball. FIFA : Fédération Internationale de Football Association. FIS : Fédération Internationale Sportive. FSI : Fédération Sportive Internationale. INJS : Institut National de la Jeunesse et des Sports. IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun. MINSEP : Ministère des Sports et de l’Education Physique. MINESEC : Ministère des Enseignements Secondaires. MINEDUB : Ministère de l’Education de Base. MINESUP : Ministère de l’Enseignement Supérieur. OMD: Objectif du Millénaire pour le Développement. RJES : Revue Juridique et Economique du Sport. TAS : Tribunal Arbitral du Sport. UA : Union Africaine. UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture. 13 INTRODUCTION GÉNÉRALE Un constat implacable : la prégnance de l’étatisation dans la gestion du sport en Afrique noire s’en est allée avec la première édition de cette étude (1989). Que s’est-il passé deux décennies plus tard justifiant une nouvelle vision ? Les mutations de ces deux dernières décennies avec, la chute du mur de Berlin3 qui marque l'apothéose du vent de l'Est et l'accélération des relations internationales avec le phénomène de la mondialisation vont inéluctablement changer le rapport entre le sport et l'Etat africain. La pénétration des mutations des relations internationales dans le sport est reconnue aujourd’hui4 ; il est question de savoir si ce dernier est resté statique devant les possibilités infinies que libèrent la fin de la bipolarisation du monde et l’afflux des financements capitalistes que charrie la mondialisation. Le monde a tellement changé depuis la fin de l’histoire5 ; le sport a aussi changé et le comportement de l’Etat face au sport avec ; au point qu’on parle aujourd’hui de géopolitique du sport6. Il est intéressant de recommencer notre réflexion en tenant compte de cette redistribution des cartes sur la scène internationale entre la puissance de l’Etat imbibée de ses survivances westphaliennes et l’irruption de nouveaux acteurs dont les secousses relationnelles contemporaines avec les Etats irradient l’Afrique7. La puissance sportive8 s’est nourrie en ces faits, d’éléments multiplicateurs de force qui ont nécessairement rétroagi sur la position de l’Etat face au sport en Afrique. Qu’est devenu le Service Public du Sport en Afrique Noire (Cameroun) aujourd’hui ? L’étatisation prégnante et dominante d’il y a deux décennies s’est- elle affirmée ou relâchée avec les mutations du monde ? A-t-elle survécu ou disparu ? A-t-elle subit une mutation formelle ou est- elle restée immuable ? 3 RAMONET (I), Géopolitique du Chaos, Gallimard, collection folio, 1999, p34. AUGUSTIN (J-P), « Sport, décolonisation et relations internationales. L’exemple de l’Afrique noire », in ARNAUD (P) et WAHL (A), Sport et relations internationales, 1994. Lire aussi DARBY (P), Africa, football and FIFA: politics, colonialism and resistance, London, Frank Cass, 2002. 5 FUKUYAMA (F), La Fin de l'histoire et le Dernier Homme, collection Champs, Flammarion, 1992. 6 BONIFACE (P), Football et Mondialisation, Armand Colin, Paris, 2006. 7 ZAKI (L), Un monde privé de sens, Paris, Fayard, 1994. Lire aussi ZAKI (L) (sous la Dir), L’ordre mondial relâché, sens et puissance après la guerre froide, Presse de la fondation nationale de science politique, 1993. 8 SIMON (G), La puissance sportive et l’ordre juridique étatique, LGDJ, Paris, 1990. 4 15 Le sport ne peut plus être considéré comme un phénomène purement national. Aujourd’hui, la compétition sportive vit de son internationalité. La mondialisation du sport affecte toutes les disciplines surtout, grâce au vecteur multiplicateur de la médiatisation. Le sport dans sa nature même est international, puisqu’il se pratique, en ce qui concerne les compétitions internationales qui intéressent la communauté internationale, entre les associations sportives nationales représentants les Etats et que les règles de chaque sport doivent être les mêmes pour ces compétitions9. L'avènement du sport comme phénomène de société est indéniable. Il n'est pas un seul coin au monde que le sport n'ait marqué de son empreinte, comme en témoigne la dernière coupe du monde de football en Afrique du Sud en juin 2010, qui a polarisé, un mois durant, l'attention de plusieurs millions de téléspectateurs, et pendant laquelle au-delà du vainqueur l’Espagne, l’affaire du bus de l’équipe de France resteront comme des vestiges historiques inoubliables. S'il est facile de montrer l'importance du sport comme phénomène de société, il est beaucoup plus délicat d'apprécier son influence sur l'évolution de la société. Certains hommes politiques ou certains sociologues ont pu analyser le sport comme un « ciment social »10, qui unit hommes et femmes de conditions différentes. Des sociologues, comme Jean Marie BROHM, vont même jusqu'à dénoncer ce rôle du sport qui peut détourner l'attention des travailleurs des luttes révolutionnaires : le sport, opium du peuple11, vision un peu excessive tout de même. Le fait le plus remarquable du sport moderne, c'est sans doute l'interventionnisme étatique et paradoxalement, une certaine autonomie laissée aux organismes chargés de le gérer. En effet, loin de ses origines historiques élitistes, le mouvement sportif reconquiert peu à peu l’autonomie perdue, il y a vingt ans à l’autel de son audience sociale et de la puissance contemporaine de ses institutions internationales face aux Etats ; ainsi, ayant accédé peu à peu, et surtout depuis la fin de la guerre froide, au statut de nouvel acteur des relations internationales comme le démontre la « diplomatie du ping-pong »12, l’intérêt et la vigilance de l’Etat sont mis à l’épreuve aujourd’hui. 9 SILANCE (L), « Les ordres juridiques dans le sport », BOURNAZEL (E) (sous la Dir), Sport et Droit, Bruylant, Bruxelles, 2000, p 111. 10 C'est ainsi qu'on pouvait lire, lors de l'inauguration du stade de la Révolution de Brazzaville en 1965, le slogan suivant: « Le sport unit les peuples ». 11 Voir BROHM (J-M) in « Critiques du sport », série rouge, 1976, p 35 et s. 12 En 1971, une équipe américaine de ping-pong va en Chine alors que ce pays n’entretient pas de relations diplomatiques avec les États-Unis, le Président américain de l’époque Nixon déclare alors en jouant au ping-pong, « nos deux pays ont effacé les incompréhensions du passé ». 16 I. – Les Rappels historiques En France, l'intervention publique, n'a cessé de croître depuis la troisième République ; cette mainmise de l'Etat sur les institutions sportives trouve ses véritables origines dans la politique du gouvernement de Vichy13 qui instaure une « doctrine nationale d'éducation générale et sportive» et crée, au sein du secrétariat à l'éducation nationale, un commissariat à l'éducation générale et aux sports dont l'objectif est de rechercher le développement: - de la santé en recherchant l'harmonie des grandes fonctions vitales ; - des qualités physiques et de l'habileté manuelle ; - de l'intelligence active, du « caractère», et de la valeur morale. Pour arriver à ces fins, la doctrine nationale a retenu un certain nombre d'activités : méthode naturelle d'éducation physique d'Hébert, exercices analytiques de Ling, travaux de l'école de Joinville, jeux et méthodes scouts, initiation et formation sportives, éducation par le rythme, travaux manuels, secourisme. Cette politique est reprise à la Libération. De sorte que les « décrets Herzog » qui ont imposé, au début des années 1960, les premières règles d'organisation contraignantes aux fédérations sportives, ne sont qu'un aboutissement logique de la politique sportive menée depuis la troisième République. Le Cameroun dont la partie orientale est placée, dès la fin de la Première Guerre Mondiale, sous mandat français, va subir les contrecoups de la politique sportive française ; nous sommes donc amenés à constater que, dans notre pays, le sport organisé a toujours été l'œuvre de la puissance publique. Ce n'est pas par hasard si les autorités en place lors de l'accession de ce pays à la souveraineté nationale prennent le relais de cette politique sportive déjà ancrée dans les milieux sportifs. Ainsi, deux ans après l'indépendance du Cameroun, la première Charte des Sports tenant lieu de loi fondamentale des Activités Physiques et Sportives voit le jour (1962) ; elle est réorganisée en 1984, rénovée en 1996 et finalement remplacée par la loi n° 2011/018 du 15/07/2011 relative à l’Organisation et à la Promotion des Activités Physiques et Sportives 14. Déjà, avant l'indépendance, des textes pris par la puissance colonisatrice réglementaient la pratique de ces activités ; le premier arrêté date de 1925, donc immédiatement après la Première Guerre Mondiale. C'est la raison essentielle de la similitude des textes français et camerounais, régissant ce secteur d'activité. 13 Le « Gouvernement de fait » fut dirigé par le maréchal PÉTAIN de 1940 à 1944. Cf. loi n°2011/018 du 15/07/2011 relative à l’Organisation et à la Promotion des Activités Physiques et Sportives, voir Annexe. 14 17 II. – L’Objet de l'étude Le mouvement sportif camerounais se trouve aujourd'hui placé devant une redoutable alternative eu égard à son autonomie : ou bien, il prétend préserver la relative virginité de l'amateurisme par rapport aux puissances financières, et il doit se tourner vers l'Etat ; ou bien, redoutant justement les pièges de l'étatisation, il court à l'évidence le danger de l'investissement publicitaire et commercial. Avec le développement de ce que Gerald SIMON a appelé « la puissance sportive »15 au niveau international, l’option camerounaise est de relâcher l’étatisation outrancière d’antan et de permettre l’avènement de la « démocratie sportive ». Au plan organisationnel, le mouvement sportif s’est doté de structures administratives qui débordent le cadre national. Ainsi, si l’on se place dans une perspective d’ensemble, on constate que les fédérations nationales de sport ne sont qu'un maillon d'une chaîne juridique assez imposante. Si l'on part de l'élément principal, l'athlète, on constate que celui-ci fait partie d'une société ou d'un club, lui-même membre d'une association régionale, puis d'une fédération nationale. Cette dernière est affiliée à une association continentale et à une fédération internationale, laquelle n'est qu'un membre de l'Association Générale des Fédérations Internationales de Sports (AGFIS) ou de l'Association des Fédérations Internationales de Sports Olympiques (ASOIF). A chaque niveau, on retrouve une organisation juridique assez comparable, toute proportion gardée, à celle que l'on retrouve au niveau des fédérations internationales. Il en résulte un tissu de rapports qui peuvent présenter, quelquefois, une certaine complexité. Ce serait cependant présenter très schématiquement le mouvement sportif si nous ne tenions compte du Comité International Olympique qui se trouve au sommet de la hiérarchie, et de ses représentations locales : les Comités Nationaux Olympiques. Ces organismes sont pluridisciplinaires à l'inverse de ceux qui composent la pyramide décrite plus haut. Si le CIO comme d'ailleurs les fédérations internationales a cet étonnant privilège de posséder la personnalité juridique de droit international, et d'être régi par ses propres règles sans se rattacher au droit national du pays où il a son siège, il n'en va pas de même pour les fédérations nationales. Le Cameroun n'est pas absent du concert international : les fédérations sportives ont adhéré aux fédérations internationales ; il existe aussi un Comité National Olympique représentant le Cameroun au CIO. Pour autant, de nombreux reproches ont été faits aux institutions internationales du sport, qui ne favorisent pas toujours une évolution normale des activités physiques et sportives dans les pays du tiers-monde ; à cet égard, Jean Marie BROHM remarquait : « Les grandes compétitions internationales, en particulier les 15 SIMON (G), La puissance sportive et l’ordre juridique étatique, Op Cit. 18 Jeux Olympiques supposent une mobilisation considérable de capitaux, des investissements financiers énormes qui contribuent à impulser fortement l'activité économique en favorisant les échanges, les tractations commerciales, les réalisations urbaines et industrielles. Or, les petits pays, notamment les pays du Tiers monde, ne peuvent plus soutenir le rythme de la concurrence économico-sportive. Ils ne peuvent plus suivre l'escalade financière qu'impliquent la concurrence sportive et la compétition économique ; ou alors, ils sont obligés de dégager des sommes considérables qui sont considérées comme des énergies économiques du pays »16. De même, les déviations actuelles du sport ont fait l'objet de critiques ; René MAHEU, alors Directeur Général de l'Unesco, dans un discours prononcé au moment des Jeux Olympiques de Munich en 1972, remarquait avec quelques inquiétudes le développement des contradictions entre l'idéologie officielle du sport et la réalité de sa pratique mondiale. Après avoir relevé le fait que les qualités sportives, le fair-play, la valeur morale du sport, les vertus éducatives, l'éthique de vie, étaient de plus en plus niées par le succès même des confrontations sportives entre Etats, René MAHEU insistait sur la nécessité de revenir aux sources, « de dégager un sens moral, comme le voulait le fondateur des Jeux Olympiques modernes », autrement dit de mettre d'urgence en œuvre une réforme du sport. « On ne saurait nier, poursuivait-il, que le développement du spectacle sportif a détourné l'attention de la réalité morale intime du sport au profit de sa capacité de divertissement. Divertissement, c’est bien ce que le sport est devenu pour des multitudes réduites au rôle de spectateur et que la radio et la télévision dispensent même désormais de prendre le chemin du stade ... Les succès du spectacle sportif, l'importance qu'il a pris dans les mœurs sont malheureusement trop souvent exploités à des fins étrangères, voire opposées au sport et qui sont autant de facteurs de corruption ou de déformation: le mercantilisme, le chauvinisme, la politique. Le temps est venu de réagir, et de réagir vite, si l'on veut garder au sport son âme »17. Il faut reconnaître aussi qu'en l'état actuel de ses structures, le système sportif est devenu un système où émerge un pouvoir sportif concurrent parfois de l’Etat18. La constitution du système sportif est l'édification historique de ce réseau administratif complexe avec ses règlements, sa jurisprudence, ses lois et ses bureaucrates. A ce sujet, William TRÔGER écrira : « Le sport a ses propres lois et celles-ci ont une influence sur ses formes d'organisation. Néanmoins, il recourt à des principes qui ont été adopté depuis longtemps par d'autres groupes sociaux et cela, jusqu'au 16 BROHM (J-M), op. cit, pp 154-155. Voir MAHEU (R) in « L'éducation et le sport », Equipe, 27 et 28 décembre 1975. 18 DIKOUME (F-C) et KOSYAKBE (P), « Les rapports entre l’Etat du Cameroun et la Fédération internationale de football association (FIFA) », Sport et Droit, Bruylant, Bruxelles, 2000, pp 195-204. 17 19 développement de principes d'administration bureaucratiques. L'administration sportive actuelle comprend des archives, des registres, des comptes, des bilans, des règles administratives»19. Cet appareil bureaucratisé tend à s'autonomiser et à devenir une excroissance juridique20 et politique monstrueuse. Comme le constate encore William TRÔGER : « Avec la croissance des pratiquants, s'amenuisent les possibilités d'une activité sportive libre, inorganisée ... Plus l’ère industrielle s'empara de l'existence de tous les hommes et plus l'aspiration vers de hautes performances exigea du temps et de l'énergie disponible et moins les sportifs pratiquants furent en mesure de s'occuper des conditions d'organisation de leur propre pratique sportive. Il naquit, par conséquent, un corps d'officiels, et au cours du développement ultérieur, un appareil, qui donna également au sport un poids économique important »21. Une autre doctrine estime que: « Le sport, par la discipline qu'il impose, découvre la nécessité de la règle, des bienfaits de l'effort gratuit et organisé. Par la vie en équipe qu'il implique souvent, il donne le respect de la hiérarchie loyalement établie, le sens de l'égalité, celui de la solidarité et de l'interdépendance. Il est incontestablement un excellent apprentissage des relations humaines, une remarquable école de sociabilité »22. Les autorités étatiques, conscientes de leurs responsabilités, ont créé tout un département ministériel pour suivre de près l'évolution du « sport national ». Au Cameroun, après une longue période de transition, le Ministère de la Jeunesse et des Sports a vu le jour en 1970 ; il se nomme aujourd’hui Ministère des Sports et de l’Education Physique. Celui-ci est chargé non seulement d'assurer la tutelle du mouvement sportif national, mais aussi d'intégrer le sport dans toutes les couches sociales. Ainsi, malgré des difficultés apparues très tôt, l'enseignement des activités physiques et sportives a été introduit tant bien que mal dans nos écoles, institutions universitaires et militaires. La contribution de l’Etat camerounais au développement du sport, bien qu'insuffisante, n'en n'est pas moins significative. Celle-ci concerne les moyens financiers, l'encadrement, et bien d'autres moyens tels les moyens juridiques. Tous ces moyens servent à canaliser le sport selon les directives que se fixe l’Etat. III. – La Méthode suivie Le mouvement sportif du Cameroun est, en effet, sociétaire des organisations sportives internationales et des regroupements régionaux. 19 TROGER (W), « Die organisation des deutshen Sports », in Das grofJ Spiel, p. 47. LATTY (F), La lex sportiva – Recherche sur le droit transnational, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2007, Introduction. 21 TROGER (W), Ibidem, p 49. 22 Cf. « Essai de doctrine du sport », Haut Comité des Sports, Paris, 1965, p 22. 20 20