Le service public du sport en Afrique noire L`exemple du Cameroun

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Le service public du sport
en Afrique noire
Études africaines
Collection dirigée par Denis Pryen et François Manga Akoa
Dernières parutions
Robert AKINDE (sous la dir. de), Les acquis économiques du
Bénin de 1960 à 2010, 2012.
Christian EBOUMBOU JEMBA, Transports et développement
urbain en Afrique, 2012.
William BOLOUVI, Un regard inquiet sur l’Afrique noire, 2012.
Julien COMTET, Mémoires de djembéfola. Essai sur le tambour
djembé au Mali. Méthode d’apprentissage du djembé (avec
partitions et CD), 2012.
Juan AVILA, Développement et lutte contre la pauvreté, Le cas
du Mozambique, 2012.
Jean-Serge MASSAMBA-MAKOUMBOU, Politiques de la
mémoire et résolution des conflits, 2012.
Apollinaire-Sam SIMANTOTO MAFUTA, La face occulte du
Dieu des Congolais, 2012.
Toavina RALAMBOMAHAY, Madagascar dans une crise
interminable, 2e édition, 2012.
Alphonse Zozime TAMEKAMTA, Eric Wilson FOFACK
(dir.), Les urgences africaines, Réécrire l’histoire, réinventer
l’Etat, 2012.
Henri-Pensée MPERENG (avec la collab. de Jerry MPERENG),
Histoire du Congo Kinshasa indépendant. Politique économique,
2012.
Julien BOKILO, La Chine au Congo-Brazzaville. Stratégie de
l’enracinement et conséquences sur le développement en
Afrique, 2012.
Bouyo Kwin Jim NAREM, Microfinance et réduction de la
pauvreté de la femme rurale en Afrique. Comprendre la dérive
vers le monde urbain, 2012.
Kanel ENGENDJA-NGOULOU, Le développement des
industries culturelles au Gabon, 2012.
Francis NKEA NDZIGUE, La procédure pénale au Gabon,
2012.
Moussa BOUREIMA, L’économie agricole au Niger, 2012.
Yaya SY, Mémoires d’ancêtres, 2012.
Essé AMOUZOU, Mouammar Kadhafi et la réalisation de
l’Union africaine, 2012.
François Claude Dikoumé
Le service public du sport
en Afrique noire
L’exemple du Cameroun
L’HARMATTAN
© L'HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-296-96397-9
EAN : 9782296963979
A tous les miens.
REMERCIEMENTS
Nous remercions sincèrement tous ceux qui ont permis à ce livre de paraître
et particulièrement :
- Notre modeste équipe de recherche dans laquelle BEKOMBO JABEA
Claude et ENGAMBA ALENE Philomène se sont entièrement mobilisés
pour relever tous les défis qui se présentent généralement aux jeunes
chercheurs.
- NDJOCK LIKENG qui n’a ménagé ni effort, ni temps pour la relecture du
manuscrit.
- Hamad KALKABA MALBOUM qui a mis à notre disposition toutes les
conditions idoines de travail.
7
AVANT-PROPOS
Avec la notion de « service public du sport en Afrique », nous avons il y
a plus de vingt ans1 déjà affirmé avec force, la trame de fond du contenu de
ce concept. En effet, nous avions insisté sur la spécificité de la gestion du
sport par les Etats en Afrique oscillant autour de l’action exclusive de la
puissance publique. L’Etat en Afrique avions-nous démontré était au
commencement et à la fin de la gestion du sport ; il n’y avait de gestion du
sport que pour servir les intérêts de l’Etat en somme. La définition de la
structure du sport mondial et de l’organisation du sport au Cameroun a
semblé dès lors comme objectifs secondaires de notre œuvre, mais non
moins importants.
Logiquement, il était inéluctable que nous vérifions plus de vingt ans
après, si les réponses définitives aux hypothèses de l’époque tiennent
toujours face aux fluctuations qu’ont connues les Etats africains depuis 1989.
C’est l’une des raisons fondamentales, sans être exclusive qui justifie la
réécriture d’une nouvelle édition. Nous avons néanmoins gardé le titre de la
première édition, que nous aurions pu modifier, pour indiquer la novation
dans la téléologie du service public du sport dans cette deuxième édition.
L’histoire du sport est ontologiquement liée à l’histoire classique des
relations internationales ; nous avions écrit avant la chute du mur de Berlin,
l’avènement de la mondialisation et le triomphe du modèle libéral capitaliste.
Il faut dire que ces mutations internationales et bien d’autres encore ont
entraîné des changements de posture au sein des organismes sportifs
internationaux. L’avènement de la « démocratie sportive » et l’éclosion de ce
que Gerald SIMON appelle la « puissance sportive » sécrètent un faisceau de
pouvoirs parfois déroutants pour les Etats du monde. Il est indéniable que
l’aura du CIO et de la FIFA par exemple est différente depuis ce que Francis
FUKUYAMA dénomme la fin de l’histoire (la guerre froide). Au début des
années quatre-vingt et dix, on a constaté une restructuration profonde dans la
gestion de ces organismes transnationaux de management du sport avec
l’obligation faite aux représentations régionales et nationales de s’arrimer à
cette nouvelle donne que nous qualifions de « démocratie sportive ».
Nous pensons que si au niveau d’autres continents (Europe, Amérique et
Asie), cette « démocratie sportive » s’applique sans difficulté, l’Afrique a eu
besoin de faire beaucoup de restructurations du cadre réglementaire et
institutionnel afin de répondre aux attentes continentales. Les dispositifs
réglementaires régionaux ont changé sous l’effet de la mutation
institutionnelle qu’a connu le processus d’intégration africaine (passage de
1
DIKOUME (F), Le service public du sport en Afrique : L’exemple du Cameroun, Dalloz,
Paris, 1989.
9
l’OUA à l’UA en 2000). Le CSSA, ce qui n’est guère surprenant est renvoyé
aux oubliettes ; la Conférence des Ministres en charge des Sports de l’Union
Africaine (CMSUA) est arrivée et a renforcé les pouvoirs de gestion pratique
du sport africain par l’ACNOA en se cantonnant quant à elle, à l’élaboration
des politiques sportives continentales.
Mais, force est de constater qu’au niveau des Etats et en nous appuyant
sur l’exemple du Cameroun, la prégnance exclusive de l’Etat d’antan sur la
gestion du sport a connu un relâchement aujourd’hui. En effet, les dispositifs
réglementaires et institutionnels des pays d’Afrique (du Cameroun en
particulier) ont changé, reconnaissant le pouvoir disciplinaire aux
associations sportives nationales, ce qui est une véritable rupture
téléologique avec le temps où celles-ci étaient ni plus ni moins qu’un service
du Ministère en charge des Sports (relais de l’administration). En ce sens la
loi n° 2011/018 du 15 juillet 2011 relative à l’Organisation et à la Promotion
des Activités Physiques et Sportives au Cameroun illustre en son article 32 ,
la présence prépondérante de l’Etat et la centralité de ce dernier dans
l’organisation de l’activité physique et sportive au niveau du Cameroun
mais, elle reconnaît aussi en son article premier que « La présente loi régit
l’organisation et la promotion des activités physiques et sportives. Elle vise
à :-instaurer la confiance et une entente mutuelle entre les acteurs du
mouvement sportif national dans le respect de leurs droits légitimes (…) ».
Le « respect de leurs droits légitimes » est une novation que ladite loi
reconnaît aux acteurs des droits que l’Etat entend respecter ; ceci démontre
aussi que la coopération supplante la tutelle rigide de l’administration.
Nonobstant toutes ces évolutions, il ne faut pas pour autant surestimer le
pouvoir des acteurs du sport au sein des Etats et sous-estimer les
prérogatives de puissance publique qu’exercent ces derniers sur la gestion du
sport. Il nous semble en fait que l’Etat ne cède que ce qu’il veut bien céder ;
si les organismes sportifs internationaux recommandent l’élection au sein
des associations nationales, ceci n’est pas toujours respecté ; c’est le cas au
Bahreïn ou au Maroc par exemple. Ces deux pays restent pourtant membres
de la FIFA. La puissance sportive existe bien mais, elle n’est pas encore
véritablement à comparer à la puissance étatique qui elle, est adossée sur la
souveraineté et le territoire qu’aucune autre entité en dehors de l’Etat ne
possède. Tant que les choses seront ainsi nous n’assisterons pas à un
retournement du monde.
2
«-(1) L’Etat détermine la politique de développement de l’éducation physique et des sports
et s’assure de sa mise en œuvre. (2)Le développement des activités physiques et sportives et
du sport de haut niveau incombe à l’Etat et au mouvement sportif national constitué
d’associations et des fédérations sportives.(3) L’Etat et les collectivités territoriales
décentralisées, en relation avec le Comité National Olympique et Sportif du Cameroun, Le
Comité National Paralympique Camerounais, les fédérations sportives nationales, ainsi que
toute personne physique ou morale de droit public ou privé, assurent la promotion et le
développement du sport et de l’éducation physique».
10
In fine dans cette nouvelle édition, nous n’allons pas nous limiter à
actualiser les sources ; nous poserons de nouvelles problématiques, qui nous
en sommes certains, ne resterons pas sans réactions de la communauté
scientifique spécialisée.
L’auteur
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
APS : Activités Physiques et Sportives.
AGFIS : Association Générale des Fédérations Internationales de Sports.
ASOIF : Association des Fédérations Internationales de Sports Olympiques.
ACNOA : Association des Comités Nationaux Olympiques d’Afrique.
CAF : Confédération Africaine de Football.
CENAJES:Centres Nationaux de Jeunesse et des Sports.
CHARTE DES APS : Charte des Activités Physiques et Sportives.
CIAS : Conseil International d’Arbitrage en matière de Sport.
CIO : Comité International Olympique.
CIGEPS : Comité Intergouvernemental pour l’Education Physique et le
Sport.
CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes.
CNO : Comité National Olympique.
CNOSC : Comité National Olympique et Sportif du Cameroun.
CMSUA : Conférence des Ministres des Sports de l'Union Africaine.
CSSA : Conseil Supérieur du Sport en Afrique.
DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté.
DSCE : Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi.
EP : Education Physique.
EPS : Education Physique et Sportive.
FECAFOOT : Fédération Camerounaise de Football.
FENASU : Fédération Nationale du Sport Universitaire.
FI :Fédération Internationale.
FIVB : Fédération Internationale de Volley-Ball.
FIFA : Fédération Internationale de Football Association.
FIS : Fédération Internationale Sportive.
FSI : Fédération Sportive Internationale.
INJS : Institut National de la Jeunesse et des Sports.
IRIC : Institut des Relations Internationales du Cameroun.
MINSEP : Ministère des Sports et de l’Education Physique.
MINESEC : Ministère des Enseignements Secondaires.
MINEDUB : Ministère de l’Education de Base.
MINESUP : Ministère de l’Enseignement Supérieur.
OMD: Objectif du Millénaire pour le Développement.
RJES : Revue Juridique et Economique du Sport.
TAS : Tribunal Arbitral du Sport.
UA : Union Africaine.
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et
la Culture.
13
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Un constat implacable : la prégnance de l’étatisation dans la gestion du
sport en Afrique noire s’en est allée avec la première édition de cette étude
(1989). Que s’est-il passé deux décennies plus tard justifiant une nouvelle
vision ? Les mutations de ces deux dernières décennies avec, la chute du mur
de Berlin3 qui marque l'apothéose du vent de l'Est et l'accélération des
relations internationales avec le phénomène de la mondialisation vont
inéluctablement changer le rapport entre le sport et l'Etat africain. La
pénétration des mutations des relations internationales dans le sport est
reconnue aujourd’hui4 ; il est question de savoir si ce dernier est resté
statique devant les possibilités infinies que libèrent la fin de la bipolarisation
du monde et l’afflux des financements capitalistes que charrie la
mondialisation.
Le monde a tellement changé depuis la fin de l’histoire5 ; le sport a aussi
changé et le comportement de l’Etat face au sport avec ; au point qu’on parle
aujourd’hui de géopolitique du sport6. Il est intéressant de recommencer
notre réflexion en tenant compte de cette redistribution des cartes sur la
scène internationale entre la puissance de l’Etat imbibée de ses survivances
westphaliennes et l’irruption de nouveaux acteurs dont les secousses
relationnelles contemporaines avec les Etats irradient l’Afrique7. La
puissance sportive8 s’est nourrie en ces faits, d’éléments multiplicateurs de
force qui ont nécessairement rétroagi sur la position de l’Etat face au sport
en Afrique.
Qu’est devenu le Service Public du Sport en Afrique Noire (Cameroun)
aujourd’hui ? L’étatisation prégnante et dominante d’il y a deux décennies
s’est- elle affirmée ou relâchée avec les mutations du monde ? A-t-elle
survécu ou disparu ? A-t-elle subit une mutation formelle ou est- elle restée
immuable ?
3
RAMONET (I), Géopolitique du Chaos, Gallimard, collection folio, 1999, p34.
AUGUSTIN (J-P), « Sport, décolonisation et relations internationales. L’exemple de
l’Afrique noire », in ARNAUD (P) et WAHL (A), Sport et relations internationales, 1994.
Lire aussi DARBY (P), Africa, football and FIFA: politics, colonialism and resistance,
London, Frank Cass, 2002.
5
FUKUYAMA (F), La Fin de l'histoire et le Dernier Homme, collection Champs,
Flammarion, 1992.
6
BONIFACE (P), Football et Mondialisation, Armand Colin, Paris, 2006.
7
ZAKI (L), Un monde privé de sens, Paris, Fayard, 1994. Lire aussi ZAKI (L) (sous la Dir),
L’ordre mondial relâché, sens et puissance après la guerre froide, Presse de la fondation
nationale de science politique, 1993.
8
SIMON (G), La puissance sportive et l’ordre juridique étatique, LGDJ, Paris, 1990.
4
15
Le sport ne peut plus être considéré comme un phénomène purement
national. Aujourd’hui, la compétition sportive vit de son internationalité. La
mondialisation du sport affecte toutes les disciplines surtout, grâce au
vecteur multiplicateur de la médiatisation. Le sport dans sa nature même est
international, puisqu’il se pratique, en ce qui concerne les compétitions
internationales qui intéressent la communauté internationale, entre les
associations sportives nationales représentants les Etats et que les règles de
chaque sport doivent être les mêmes pour ces compétitions9.
L'avènement du sport comme phénomène de société est indéniable. Il
n'est pas un seul coin au monde que le sport n'ait marqué de son empreinte,
comme en témoigne la dernière coupe du monde de football en Afrique du
Sud en juin 2010, qui a polarisé, un mois durant, l'attention de plusieurs
millions de téléspectateurs, et pendant laquelle au-delà du vainqueur
l’Espagne, l’affaire du bus de l’équipe de France resteront comme des
vestiges historiques inoubliables.
S'il est facile de montrer l'importance du sport comme phénomène de
société, il est beaucoup plus délicat d'apprécier son influence sur l'évolution
de la société. Certains hommes politiques ou certains sociologues ont pu
analyser le sport comme un « ciment social »10, qui unit hommes et femmes
de conditions différentes. Des sociologues, comme Jean Marie BROHM,
vont même jusqu'à dénoncer ce rôle du sport qui peut détourner l'attention
des travailleurs des luttes révolutionnaires : le sport, opium du peuple11,
vision un peu excessive tout de même.
Le fait le plus remarquable du sport moderne, c'est sans doute
l'interventionnisme étatique et paradoxalement, une certaine autonomie
laissée aux organismes chargés de le gérer. En effet, loin de ses origines
historiques élitistes, le mouvement sportif reconquiert peu à peu l’autonomie
perdue, il y a vingt ans à l’autel de son audience sociale et de la puissance
contemporaine de ses institutions internationales face aux Etats ; ainsi, ayant
accédé peu à peu, et surtout depuis la fin de la guerre froide, au statut de
nouvel acteur des relations internationales comme le démontre la
« diplomatie du ping-pong »12, l’intérêt et la vigilance de l’Etat sont mis à
l’épreuve aujourd’hui.
9
SILANCE (L), « Les ordres juridiques dans le sport », BOURNAZEL (E) (sous la Dir),
Sport et Droit, Bruylant, Bruxelles, 2000, p 111.
10
C'est ainsi qu'on pouvait lire, lors de l'inauguration du stade de la Révolution de Brazzaville
en 1965, le slogan suivant: « Le sport unit les peuples ».
11
Voir BROHM (J-M) in « Critiques du sport », série rouge, 1976, p 35 et s.
12
En 1971, une équipe américaine de ping-pong va en Chine alors que ce pays n’entretient pas
de relations diplomatiques avec les États-Unis, le Président américain de l’époque Nixon
déclare alors en jouant au ping-pong, « nos deux pays ont effacé les incompréhensions du
passé ».
16
I. – Les Rappels historiques
En France, l'intervention publique, n'a cessé de croître depuis la troisième
République ; cette mainmise de l'Etat sur les institutions sportives trouve ses
véritables origines dans la politique du gouvernement de Vichy13 qui instaure
une « doctrine nationale d'éducation générale et sportive» et crée, au sein du
secrétariat à l'éducation nationale, un commissariat à l'éducation générale et
aux sports dont l'objectif est de rechercher le développement:
- de la santé en recherchant l'harmonie des grandes fonctions vitales ;
- des qualités physiques et de l'habileté manuelle ;
- de l'intelligence active, du « caractère», et de la valeur morale.
Pour arriver à ces fins, la doctrine nationale a retenu un certain nombre
d'activités : méthode naturelle d'éducation physique d'Hébert, exercices
analytiques de Ling, travaux de l'école de Joinville, jeux et méthodes scouts,
initiation et formation sportives, éducation par le rythme, travaux manuels,
secourisme.
Cette politique est reprise à la Libération. De sorte que les « décrets
Herzog » qui ont imposé, au début des années 1960, les premières règles
d'organisation contraignantes aux fédérations sportives, ne sont qu'un
aboutissement logique de la politique sportive menée depuis la troisième
République.
Le Cameroun dont la partie orientale est placée, dès la fin de la Première
Guerre Mondiale, sous mandat français, va subir les contrecoups de la
politique sportive française ; nous sommes donc amenés à constater que,
dans notre pays, le sport organisé a toujours été l'œuvre de la puissance
publique. Ce n'est pas par hasard si les autorités en place lors de l'accession
de ce pays à la souveraineté nationale prennent le relais de cette politique
sportive déjà ancrée dans les milieux sportifs. Ainsi, deux ans après
l'indépendance du Cameroun, la première Charte des Sports tenant lieu de loi
fondamentale des Activités Physiques et Sportives voit le jour (1962) ; elle
est réorganisée en 1984, rénovée en 1996 et finalement remplacée par la loi
n° 2011/018 du 15/07/2011 relative à l’Organisation et à la Promotion des
Activités Physiques et Sportives 14. Déjà, avant l'indépendance, des textes
pris par la puissance colonisatrice réglementaient la pratique de ces activités
; le premier arrêté date de 1925, donc immédiatement après la Première
Guerre Mondiale. C'est la raison essentielle de la similitude des textes
français et camerounais, régissant ce secteur d'activité.
13
Le « Gouvernement de fait » fut dirigé par le maréchal PÉTAIN de 1940 à 1944.
Cf. loi n°2011/018 du 15/07/2011 relative à l’Organisation et à la Promotion des Activités
Physiques et Sportives, voir Annexe.
14
17
II. – L’Objet de l'étude
Le mouvement sportif camerounais se trouve aujourd'hui placé devant
une redoutable alternative eu égard à son autonomie : ou bien, il prétend
préserver la relative virginité de l'amateurisme par rapport aux puissances
financières, et il doit se tourner vers l'Etat ; ou bien, redoutant justement les
pièges de l'étatisation, il court à l'évidence le danger de l'investissement
publicitaire et commercial. Avec le développement de ce que Gerald SIMON
a appelé « la puissance sportive »15 au niveau international, l’option
camerounaise est de relâcher l’étatisation outrancière d’antan et de permettre
l’avènement de la « démocratie sportive ». Au plan organisationnel, le
mouvement sportif s’est doté de structures administratives qui débordent le
cadre national.
Ainsi, si l’on se place dans une perspective d’ensemble, on constate que
les fédérations nationales de sport ne sont qu'un maillon d'une chaîne
juridique assez imposante. Si l'on part de l'élément principal, l'athlète, on
constate que celui-ci fait partie d'une société ou d'un club, lui-même membre
d'une association régionale, puis d'une fédération nationale. Cette dernière
est affiliée à une association continentale et à une fédération internationale,
laquelle n'est qu'un membre de l'Association Générale des Fédérations
Internationales de Sports (AGFIS) ou de l'Association des Fédérations
Internationales de Sports Olympiques (ASOIF).
A chaque niveau, on retrouve une organisation juridique assez
comparable, toute proportion gardée, à celle que l'on retrouve au niveau des
fédérations internationales. Il en résulte un tissu de rapports qui peuvent
présenter, quelquefois, une certaine complexité.
Ce serait cependant présenter très schématiquement le mouvement sportif
si nous ne tenions compte du Comité International Olympique qui se trouve
au sommet de la hiérarchie, et de ses représentations locales : les Comités
Nationaux Olympiques. Ces organismes sont pluridisciplinaires à l'inverse
de ceux qui composent la pyramide décrite plus haut. Si le CIO comme
d'ailleurs les fédérations internationales a cet étonnant privilège de posséder
la personnalité juridique de droit international, et d'être régi par ses propres
règles sans se rattacher au droit national du pays où il a son siège, il n'en va
pas de même pour les fédérations nationales.
Le Cameroun n'est pas absent du concert international : les fédérations
sportives ont adhéré aux fédérations internationales ; il existe aussi un
Comité National Olympique représentant le Cameroun au CIO. Pour autant,
de nombreux reproches ont été faits aux institutions internationales du sport,
qui ne favorisent pas toujours une évolution normale des activités physiques
et sportives dans les pays du tiers-monde ; à cet égard, Jean Marie BROHM
remarquait : « Les grandes compétitions internationales, en particulier les
15
SIMON (G), La puissance sportive et l’ordre juridique étatique, Op Cit.
18
Jeux Olympiques supposent une mobilisation considérable de capitaux, des
investissements financiers énormes qui contribuent à impulser fortement
l'activité économique en favorisant les échanges, les tractations
commerciales, les réalisations urbaines et industrielles. Or, les petits pays,
notamment les pays du Tiers monde, ne peuvent plus soutenir le rythme de la
concurrence économico-sportive. Ils ne peuvent plus suivre l'escalade
financière qu'impliquent la concurrence sportive et la compétition
économique ; ou alors, ils sont obligés de dégager des sommes
considérables qui sont considérées comme des énergies économiques du
pays »16. De même, les déviations actuelles du sport ont fait l'objet de
critiques ; René MAHEU, alors Directeur Général de l'Unesco, dans un
discours prononcé au moment des Jeux Olympiques de Munich en 1972,
remarquait avec quelques inquiétudes le développement des contradictions
entre l'idéologie officielle du sport et la réalité de sa pratique mondiale.
Après avoir relevé le fait que les qualités sportives, le fair-play, la valeur
morale du sport, les vertus éducatives, l'éthique de vie, étaient de plus en
plus niées par le succès même des confrontations sportives entre Etats, René
MAHEU insistait sur la nécessité de revenir aux sources, « de dégager un
sens moral, comme le voulait le fondateur des Jeux Olympiques modernes »,
autrement dit de mettre d'urgence en œuvre une réforme du sport. « On ne
saurait nier, poursuivait-il, que le développement du spectacle sportif a
détourné l'attention de la réalité morale intime du sport au profit de sa
capacité de divertissement. Divertissement, c’est bien ce que le sport est
devenu pour des multitudes réduites au rôle de spectateur et que la radio et
la télévision dispensent même désormais de prendre le chemin du stade ...
Les succès du spectacle sportif, l'importance qu'il a pris dans les mœurs sont
malheureusement trop souvent exploités à des fins étrangères, voire
opposées au sport et qui sont autant de facteurs de corruption ou de
déformation: le mercantilisme, le chauvinisme, la politique. Le temps est
venu de réagir, et de réagir vite, si l'on veut garder au sport son âme »17.
Il faut reconnaître aussi qu'en l'état actuel de ses structures, le système
sportif est devenu un système où émerge un pouvoir sportif concurrent
parfois de l’Etat18. La constitution du système sportif est l'édification
historique de ce réseau administratif complexe avec ses règlements, sa
jurisprudence, ses lois et ses bureaucrates. A ce sujet, William TRÔGER
écrira : « Le sport a ses propres lois et celles-ci ont une influence sur ses
formes d'organisation. Néanmoins, il recourt à des principes qui ont été
adopté depuis longtemps par d'autres groupes sociaux et cela, jusqu'au
16
BROHM (J-M), op. cit, pp 154-155.
Voir MAHEU (R) in « L'éducation et le sport », Equipe, 27 et 28 décembre 1975.
18
DIKOUME (F-C) et KOSYAKBE (P), « Les rapports entre l’Etat du Cameroun et la
Fédération internationale de football association (FIFA) », Sport et Droit, Bruylant, Bruxelles,
2000, pp 195-204.
17
19
développement
de
principes
d'administration
bureaucratiques.
L'administration sportive actuelle comprend des archives, des registres, des
comptes, des bilans, des règles administratives»19.
Cet appareil bureaucratisé tend à s'autonomiser et à devenir une
excroissance juridique20 et politique monstrueuse. Comme le constate encore
William TRÔGER : « Avec la croissance des pratiquants, s'amenuisent les
possibilités d'une activité sportive libre, inorganisée ... Plus l’ère industrielle
s'empara de l'existence de tous les hommes et plus l'aspiration vers de
hautes performances exigea du temps et de l'énergie disponible et moins les
sportifs pratiquants furent en mesure de s'occuper des conditions
d'organisation de leur propre pratique sportive. Il naquit, par conséquent,
un corps d'officiels, et au cours du développement ultérieur, un appareil, qui
donna également au sport un poids économique important »21. Une autre
doctrine estime que: « Le sport, par la discipline qu'il impose, découvre la
nécessité de la règle, des bienfaits de l'effort gratuit et organisé. Par la vie
en équipe qu'il implique souvent, il donne le respect de la hiérarchie
loyalement établie, le sens de l'égalité, celui de la solidarité et de
l'interdépendance. Il est incontestablement un excellent apprentissage des
relations humaines, une remarquable école de sociabilité »22.
Les autorités étatiques, conscientes de leurs responsabilités, ont créé tout
un département ministériel pour suivre de près l'évolution du « sport national
». Au Cameroun, après une longue période de transition, le Ministère de la
Jeunesse et des Sports a vu le jour en 1970 ; il se nomme aujourd’hui
Ministère des Sports et de l’Education Physique. Celui-ci est chargé non
seulement d'assurer la tutelle du mouvement sportif national, mais aussi
d'intégrer le sport dans toutes les couches sociales. Ainsi, malgré des
difficultés apparues très tôt, l'enseignement des activités physiques et
sportives a été introduit tant bien que mal dans nos écoles, institutions
universitaires et militaires.
La contribution de l’Etat camerounais au développement du sport, bien
qu'insuffisante, n'en n'est pas moins significative. Celle-ci concerne les
moyens financiers, l'encadrement, et bien d'autres moyens tels les moyens
juridiques. Tous ces moyens servent à canaliser le sport selon les directives
que se fixe l’Etat.
III. – La Méthode suivie
Le mouvement sportif du Cameroun est, en effet, sociétaire des
organisations sportives internationales et des regroupements régionaux.
19
TROGER (W), « Die organisation des deutshen Sports », in Das grofJ Spiel, p. 47.
LATTY (F), La lex sportiva – Recherche sur le droit transnational, Leiden/Boston,
Martinus Nijhoff Publishers, 2007, Introduction.
21
TROGER (W), Ibidem, p 49.
22
Cf. « Essai de doctrine du sport », Haut Comité des Sports, Paris, 1965, p 22.
20
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