Modélisation de la connectivité écologique fonctionnelle potentielle par les graphes paysagers : intérêts, limites et perspectives d'amélioration L. Bergès, C. Avon, R. Duflot UR EMAX Irstea Aix-en-Provence Connectivité du paysage • Perte et fragmentation des habitats naturels et semi-naturels au sein des paysages de plus en plus anthropisés • Augmentation des déplacements des individus entre les taches d'habitats pour assurer la survie des individus et de l'espèce par le maintien d'échanges inter-populationnels (méta-populations) • « Le degré selon lequel le paysage facilite ou contraint le mouvement des espèces (gènes, individus) entre les ressources en habitats » Taylor et al. (1993) – Survie des pop, divers. génétique, recolonisation après extinction locale… – Compense les effets négatifs de la fragmentation des habitats • Dépend de deux composantes : – Configuration du paysage (structurale) bosquet – Capacités de dispersion des espèces (fonctionnelle) Intersection – Notion spécifique à chaque espèce haie Populations Flux d’individus Méthodes de mesure connectivité structurelle – connectivité potentielle – connectivité réelle Info paysage Info espèce radiopistage, mesures du taux de colonisation ou d'immigration, génétique des populations Calabrese et Fagan (2004) IFM, SOPM, SEPM Enjeux de conservation et d'aménagement • • La politique trame verte et bleue (TVB) a pour objectif de "rétablir les flux d’espèces de faune et de flore sauvages entre les zones de haute valeur écologique" Mais la mise en œuvre de la TVB repose sur : – des analyses cartographiques assez sommaires – des analyses spatiales simples pour la détermination des continuités écologiques – des dires d'expert assez grossiers pour évaluer la connectivité "efficace" des espaces naturels • Besoin de passer d'une simple analyse descriptive du paysage à une analyse plus fonctionnelle Enjeux de conservation et d'aménagement • Question centrale pour l'aménagement du territoire (Theobald et al., 2000 ; Gurrutxaga et al., 2010 ; Foltête et al., 2014) : – Où doit-on agir de manière efficace au niveau d'un territoire pour maintenir ou restaurer la biodiversité ? (1) quelles taches et corridors sont importants pour la connectivité d'une espèce : quels éléments faut-il conserver en priorité ? (2) où faut-il modifier le réseau écologique d'une espèce pour améliorer sa connectivité globale (restauration de taches ou de corridors entre taches) ? (3) quels vont être les impacts d'un changement d'occupation du sol ou d'une autre pression sur le réseau écologique d'une espèce (mesures d'aménagement) ? Les graphes paysagers • Théorie des graphes (Urban et Keitt 2001, Minor et Urban, 2007) : • Modélisation d’un paysage : graphe composé de nœuds et de liens • Plusieurs indices mesurant la connectivité du graphe : – Integral Index of connectivity IIC (Pascual-Hortal et Saura, 2006) – Probability of connectivity PC (Saura et Pascual-Hortal, 2007) avec : AL : surface du paysage étudié ai, aj : attributs des taches i et j p*ij = meilleur chemin entre i et j, c'est-à-dire chemin de probabilité maximale entre ces deux taches Pij= exp( x dij) avec dij: distance entre taches i et j Modélisation des déplacements • Déplacements entre taches (Zeller et al., 2012 ; Rayfield et al., 2011) Distance euclidienne Chemins de moindre coût Chemins multiples Quantité d'information écologique incorporée Schéma d’une analyse de connectivité Saura et Torné (2009) 8 Priorités de conservation et connectivité • • Opérations sur les graphes : retrait des nœuds et des liens Algorithme de contribution de la tache au réseau dX = 100 x Xini – Xfin Xini • Décomposition de la disponibilité et de la connectivité de l’habitat en 3 composantes : – intra – flux – connecteur Saura & Rubio (2010) Exemple d'application en région PACA Avon et al. (2014) Analyse de connectivité fonctionnelle potentielle en 5 étapes : ■ Choix de l'espèce (Ecureuil roux) et de la zone d'étude ■ Occupation du sol (données CRIGE PACA) ■ Cartographie de l'habitat potentiel de l'Ecureuil roux ■ Carte de résistance et modélisation des déplacements ■ Analyse de connectivité du réseau d'habitat et diagnostic Exemple d'application en région PACA Avon et al. (2014) • • 2 • 1 • 4 3 Ce diagnostic varie selon la distance de dispersion de l'espèce Un réseau à 4 composantes principales Au SE des Alpilles : présence d'une grande tache (520 ha) isolée entre composante Alpilles et composante SainteVictoire Lambesc Pas de connexion entre composantes Luberon et Saint-Victoire - Lambesc Mise en évidence des éléments charnières pour assurer la dispersion à travers le réseau Couplage SDM et graphes paysagers Occupation du sol Carte des habitats favorables Seuillage du SDM et codage de la résistance au déplacement Habitat de l'espèce et résistance de la matrice 2 km Draguignan Modèle de distribution d’espèce (Maxent) Lulula arborea Couplage SDM et graphes paysagers 2 km Calcul des distances entre taches basées sur les chemins de moindre coût (LCP) et Légende analyse de connectivité (Graphab) Noeud Id 1 - 10 20 Evaluation de l'importance des taches et11 -des liens pour la connectivité globale (dPCc)21 - 30 31 - 41 Lien d_dPC_d122 0,000001 - 0,009562 0,009563 - 0,049582 0,049583 - 0,103986 0,103987 - 0,186974 Tache d_dPC_d122 0,000000 - 0,018556 0,018557 - 0,064985 0,064986 - 0,114477 0,114478 - 0,185061 Lulula arborea Tache d'habitat Forte résistance au déplacement Faible résistance Modèles de dynamique de population • Limite des graphes paysagers = modèles déterministes • Modèles de dynamique de populations (SEPM) : – Etude dynamique d'un système – Prise en compte des processus aléatoires – Mais : • nécessitent beaucoup plus de données d'entrée • plus lourds à mettre en œuvre : calcul, formalisation • Comparaison SEPM et théorie des graphes (Minor et Urban, 2007) – Les deux approches donnent-elles des résultats similaires ? Comparaison des deux approches • • Application à un oiseau : Hylocichla mustilena (Wood Thrush) dans 2 paysages en Caroline du Nord (33 x 50 km et 13 x 21 km) Point de départ : choix de 3 propriétés des taches pour faire partie d'un réseau d'habitat à but conservatoire : – Capacité de la tache à émettre des individus (source) – Importance de la tache comme relai ou "stepping stone" – Niveau de persistance de la tache dans le temps QAi = quality-weighted area : taille de la tache x qualité moyenne Fluxij = QAi x Pij Pij= exp( x dij) avec dij: distance entre taches i et j Influx = Ʃ Fluxij entrant depuis les taches adjacentes connectées Persistance de la tache Outflux = Ʃ Fluxij sortant vers les taches adjacentes connectées Puissance de la source BCi = identification du chemin le plus court entre chaque paire de taches du réseau, puis calcul du nombre de fois où ce chemin passe par le nœud i Tache relai Comparaison des deux approches • • • • • • Modèle de dynamique de population spatialement explicite : mécaniste, stochastique et individu centrée Mêmes données d'entrée que le graphe paysager… + 9 paramètres définissant les traits de vie de l'espèce : Simulation sur 100 ans avec 50 réplicats du même modèle Initialisation du modèle : aléatoire ou par tache unique Simulation de la natalité Mortalité des adultes et des jeunes Comparaison des deux approches • Taux de natalité dépend de la proximité de la lisière selon une fonction de Weibull modifiée (effet lisière sur 150 m) • Modélisation de la dispersion : – Si le nombre d'individus de la tache dépasse la capacité de charge, dispersion des individus vers les taches voisines – La dispersion est un événement aléatoire basée sur la taille des taches et la distance entre les taches – Les juvéniles ont une moindre fidélité au site que les adultes et se dispersent plus facilement • Après dispersion, tous les jeunes deviennent adultes et on recommence un nouveau cycle • Le modèle atteint un équilibre au bout de 50 ans environ Comparaison des deux approches • Plusieurs indices calculées selon le type d'initialisation : Puissance de la source : moy. du rang de la tache pour BL et du rang pour BP Persistance de la tache : moy. du rang de la tache pour CV et du rang pour YO Tache relai : pas de métrique dans le SEPM Comparaison des deux approches : résultats Paysage 1 Corrélation de rang de Spearman entre la force de la source (SEPM) et le flux sortant (Graphe) Paysage 2 Paysage 2 = 0.87 10 premières taches selon SEPM 10 premières taches selon Graphe Paysage 1 : = 0.86 Comparaison des deux approches : résultats Paysage 1 Corrélation de rang de Spearman entre la persistance (SEPM) et le flux entrant (Graphe) Paysage 2 Paysage 2 = 0.73 10 premières taches selon SEPM 10 premières taches selon Graphe Paysage 1 : = 0.87 Paysage 1 Paysage 2 Paysage 2 Paysage 1 Comparaison des deux approches : résultats Qualité globale de la tache : source et persistance = 0.93 Centralité de la tache Forte centralité Faible centralité Bilan et conclusions Graphe paysager Modèle de dynamique de population Quantité de données nécessaires Variable mais a minima : habitat de l'espèce, domaine vital, distance de dispersion + résistance au déplacement Plus importante : bonne connaissance de la biologie de l'espèce : fécondité, mortalité, comportement… Précision des résultats Similaire à celle d'un SEPM selon Urban et Minor (2007) Plus grande, mais dépend de la qualité des paramètres biologiques (erreurs dans les sorties des modèles) Temps de calcul Court Plus long Surface de la zone d'étude Large gamme Impossible sur de très grands territoires Diagnostic de connectivité Identification des taches et liens importants pour maintenir la connectivité globale (BC, dPCc) Pas de métrique connue Outil d'aide à la décision pr AT Fort potentiel Potentiel plus faible Limites Connaissances sur la biologie et l'écologie des espèces, notamment distance de dispersion (moyenne ou maximale) Poursuivre la comparaison des approches…