ENJEU PHILOSOPHIQUE DU CONTE ROMANTIQUE Conceptions esthétiques de NOVALIS Collection La Philosophie en commun dirigée par S. Douailler, J. Poulain et P. Vermeren Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l'exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l'écriture. Les querelles engendrées par l'adulation de l'originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique. Notre siècle a découvert l'enracinement de la pensée dans le langage. S'invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l'éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques;! 'la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l'explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu'à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie. Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l'argumentation, faisant surgir des institutions comme l'École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l'Institut de Philosophie (Madrid). L'objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d'affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement. Dernières parutions Laurent FEDI «éd.), Les cigognes de la philosophie, études sur les migrations conceptuelles, 2002. John AGLO, La Vie et le vivre-ensemble, 2002. Jean-Marc LEVENT, Les ânes rouges, généalogie des figures critiques de l'institution philosophique en France, 2002. Charles RENOUVIER, Sur le peuple, l'Eglise et la République, 2002. Serge VALDINOCI, Merleau-Ponty dans l'invisible, l'œil et l'esprit au miroir du Visible et l'invisible, 2003. Hélène VAN CAMP, Auschwitz oblige encore, 2003. Suzanne MACÉ ENJEU PHILOSOPHIQUE DU CONTE ROMANTIQUE Conceptions esthétiques de NOVALIS L'Harmattan 5-7, nIe de l'École-Polyteclmique 75005 Paris France L 'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HONGRIE L'Harmattan Italia Via Bava, 37 10214 Torino ITALIE Pour les extraits de : Henri d'Oflerbingen de NOVALIS ~ Editions Flammarion, Aubier, 1988 ~ L'Harmattan, 2003 ISBN: 2-7475-4647-0 INTRODUCTION GENERALE Le caractère inachevé de l' œuvre novalisienne, Henri d'Ofterdingen, lui confère une valeur symbolique qui révèle, mieux qu'une œuvre aboutie, l'ambition de son auteur. Quelles intentions animaient alors Novalis? Novalis, pénétré d'un ambitieux projet, a voulu créer un roman exceptionnel. Son époque, tournant entre le siècle des lumières et le XIXème siècle romantique, a connu l'effervescence de toute époque charnière. Ami des Schlegel, de Tieck, de Schelling, il a participé au cercle d'Iéna ainsi qu'à la revue « L 'Athénaeum », où s'exprimaient les préoccupations des pré-romantiques. Ainsi les Fragments, où il consigne ses réflexions, publiés en partie précisément par «L 'Athenaeum» et sa correspondance, confirment quelles étaient ses intentions lors de la préparation du conte Henri d 'Ofterdingen. Dans une lettre à Friedrich Schlegel, il affirme vouloir créer une nouvelle Bible: « au cours de mon étude de la science et de son corpus, je suis tombé sur l'idée de la Bible comme idéal de tout livre» 1. C'est donc le livre des livres qu'il veut créer, un livre qui soit à la fois le livre de la sagesse, de l'éthique la plus haute, mais aussi d'une nouvelle esthétique. La forme choisie pour cette œuvre est celle du conte. Or, le conte «c'est ce qui a un début, un milieu et une fin» selon la Poétique d'Aristote; c'est en même temps une histoire dont la valeur didactique sous-tend la narrativité. Mais Henri d 'Ofterdingen correspond-il à ces critères? La composition du conte lui-même s'articule en effet en deux grandes parties dont la seconde, inachevée, «L'Accomplissement», devait répondre à la première, « L'Attente ». Chacun des neuf chapitres qui composent la première partie a une structure identique où alternent narration, conte et rêve, pratiquement dans le même ordre. Que recherche en cela Novalis? «j'ai envie de transformer ma vie en un roman qui doit faire à lui seul toute une bibliothèque et contenir peut-être les années d'apprentissage d'une nation, années de passage de l'infini au fini [...J Mais un voyage préparatoire vers le Sud et vers le Nord s'avère pour cela indispensable. La Norvège et l'Ecosse, d'une part, les îles grecques, d'autre part en seraient les pôles les plus proches »2. Non seulement le conte est alors une œuvre autobiographique où le héros incarne Novalis, mais il se veut aussi roman d'apprentissage d'une nation, ce qui en confirme la portée didactique. De plus, touj ours dans ses lettres, il confesse « l'antipathie à l'égard de la lumière et de l'ombre, la nostalgie de l'éther clair »3. L'œuvre se mue alors en un immense poème. Somme des traditions orales, tant nordiques qu'orientales, elle prend le parti de l'enthousiasme poétique. Comme il le confie à F.Schlegel «Philosophie est l'âme de ma vie et la clé . 4 d e mon propre mOl» . La réflexion qu'il mène dans Les Fragments vient étayer ce projet: « Mon livre doit devenir une Bible scientifique - un modèle germe de tous les livres» 5. 8 idéal et concret - et un Le choix du conte, forme préférée de Novalis, car « il est pour ainsi dire le canon de la poésie» et « il n 'y a rien de poétique qui ne soit fabuleux et ne tienne du conte» 6, lui permet cette absolutisation d'un amour dont il ne peut accepter la disparition: sa jeune fiancée, Sophie von Kuhn, vient de mourir à qUInze ans. Cet amour idéalisé oriente et structure le conte. Une approche « compréhensive» dans l'esprit de l'herméneutique définie par Schleiermacher et telle que la précise P. Szondi:« une interprétation psychologique» appelée aussi «interprétation technique» de l' œuvre « dans sa liaison à la pensée les contours. de l'auteur» 7, tentera d'en délimiter L'écriture révèle l'auteur et le choix de la forme orale définit Novalis dans sa volonté de créer une œuvre nouvelle. Tandis qu'il interroge les différentes formes littéraires, c'est en réalité à un examen minutieux des multiples facettes de son propre moi qu'il se livre. La rencontre avec la mort de l'aimée a provoqué en lui une angoisse qui se développe en dépit des tentatives d'apaisement apportées par la fiction littéraire et le renvoie à une étude sans cesse plus approfondie de son être. Le questionnement sur la constitution même de son «moi» a des résonances très actuelles. L'approche novalisienne, qui est d'abord une introspection personnelle, s'enracine dans le conte dont le Moyen Age fournit l'essentiel de l'inspiration et se projette dans le rêve millénariste d'un hypothétique âge d'or. Se retrouvent là les «trois dimensions de la temporalité -passé - présent avenir» 8, telles que les conçoit toute œuvre contemporaine. 9 C'est donc, dans une première partie de ce travail, l'originalité de l' œuvre novalisienne qui sera mise en évidence, d'abord dans l'étude de la forme, puis dans l'approfondissement de la connaissance du « moi », enfin dans l'analyse de l'utilisation du temps dans le conte. En contes qui intentions spécificité définissant ensuite les formes des divers ont précédé l'époque pré-romantique, et les de leurs auteurs, devrait se dégager la de Henri d' Ofterdingen. Enfin, la fortune constatée du conte, forme toujours utilisée dans des œuvres du XIXème et du XXème siècles, permettra d'apprécier l'impact de la pensée de Novalis sur les tendances esthétiques actuelles. 10 PARTIE I ANAL YSE ESTHETIQUE DE HENRI D'OFTERDINGEN INTRODUCTION Pour créer cette œuvre paradigmatique, l'auteur se livre à une étude approfondie de son «moi» et revit sous différentes formes son expérience personnelle. Une étude anthropobiologique révèlera la personnalité du poète, poète = créateur de l' œuvre, mais aussi de lui-même dans et par l'œuvre. Le choix de cette forme littéraire implique-t-il une ambition plus élevée et la part autobiographique constitue-telle une limite ou bien permet-elle au poète de sublimer sa douleur et de l'ériger en philosophie? La douleur est bien le point de départ de l'œuvre mais, tandis qu'il évoque la disparition de l'aimée, l'auteur construit un immense poème où il se plaît à la retrouver et à revivre son amour sous différentes formes, chaque chapitre présentant une alternance d'écritures: dialogue, poème, rêve ou marchen, dont chacune restitue un aspect de la vie vécue ou rêvée de Novalis. Henri est le héros qui rejoue sans cesse la recherche de cet amour. Ce mimétisme est évidemment voulu: « Le mimétisme, au contraire, désigne un « rejeu» des mouvements gestuels ou phonétiques qui est opératoire dans la mesure où il a été réfléchi, compris et repris de façon intelligente. L 'homme est alors considéré comme le miroir du monde. Il est un microcosme qui reçoit, enregistre, intériorise tous les gestes, toutes les interactions du monde, conçu comme un macrocosme. L 'homme en prend conscience, il pense, il sélectionne et il rejoue consciemment ou inconsciemment ce que l'univers lui enseigne. La conduite du héros rend visible cette loi anthropologique. »9 . Ainsi l'auteur s' insti tue- t-il comme modèle. L'homme «miroir du monde », c'est là une des constantes de la pensée de Novalis. Son expérience se retrouve dans son œuvre, transformée, sublimée. Sa vie sous toutes ses formes, dissoute comme par un kaléidoscope, est ici rassemblée, reprise et « rejouée» pour atteindre le sens que le poète parvient enfin à ordonner. Il le proclame à plusieurs reprises dans Les Fragments: «Tous les romans où l'amour vrai se présente sont des mdrchen, des contes symboliques, des événements magiques. L'absolutisation, l'universalisation... voilà l'essence de la romantisation. » 10, et encore: « Tout est un conte symbolique (un mdrchen). C'est dans le mdrchen que je crois pouvoir le mieux Il exprimer mes dispositions intérieures» 14 CHAPITRE I RESITUATION ANTHROPOLOGIQUE DU CONTE Novalis veut créer une forme nouvelle, proche de l'oralité et permettant d'établir un lien étroit entre l' œuvre et celui qui l'accueille. Sa prédilection pour le conte, affirmée dès le titre, révèle cette intention. Tant par son origine que par son style particulier où l'image joue un rôle clé, le conte offre une gamme de tons propre à exprimer les intentions de l'auteur. A - PHENOMENE LITTERATURES CHARNIERE ORALE ENTRE ET ECRITE L'ordre des contes révèle les étapes d'une introspection systématique. En effet, qu'il évoque ses propres rêves, les rêves de son père jeune homme, son voyage initiatique, les contes des marchands, de l'orientale Zulima, l'auteur semble refaire toujours le même parcours: le «rej eu». L'emprunt des formes de l'oralité rend ce parti-pris possible. Mais œuvre littéraire avant tout, Henri d 'Ofterdingen, présente un jeu multiple qui s'organise autour dont les récurrences nombreuses dégager des constantes. de la métaphore permettent de Cette utilisation de la métaphore permet aussi une approche de plus en plus précise de l'intériorité de l'auteur. Qu'il se délecte de ses rêves ou se plaise à entendre des contes, les mêmes préoccupations apparaissent, l'amour qu'il tente de pérenniser, la mort qu'il fuit et recherche à la fois - «la mort précoce est désormais pour moi le gros lot» 12 - écritil à Schlegel, la nature enfin, qui reflète ses pensées les plus intimes. Chacun des éléments de la nature offre au poète un réseau d'images qui représentent autant de symboles de son propre « moi ». Cette philosophie de 13 se révèle clairement la «nature-source» dans le conte Henri d 'Ofterdingen. B - ROLE SPECIFIQUE DE LA METAPHORE « Tout est symbole, coutume, mode, religion, rite, mythe, la culture n'est rien d'autre qu'un vaste système de communication» affirme E. Sapir. La culture que possède Novalis lui permet précisément de jouer avec les symboles car «La théorie de la Bible élabore celle de l'écriture et de la formation des mots en général, débouche sur la doctrine de la 16 construction symbolique »14. théorie de la Bible si ce n'est même de Henri d 'Ofterdingen « la théorie du symbole », car d'une manifestation qui »15 invisible . Qu'entend Novalis par la construction du conte qui doit déboucher sur « le symbole est le lieu autrement resterait Les thèmes que reprend l'auteur sont si connus qu'on a pu parler de « complexe novalisien ». Mais comment s'élabore la métaphore, comment l'amour pour «un objet disparu» devientil le centre du roman, si bien que l'image éthérée de la jeune fiancée hante chacune des parties du roman. Chaque « mouvement» doit être l'élément d'un puzzle qui doit créer cette figure parfaite, lui redonner ainsi le rôle qu'elle a joué, et rester le pôle qui oriente touj ours la vie de l'auteur. Chaque retour sur lui-même est une tentative pour échapper au coup qui l'a frappé, pour maîtriser un destin qu'il se refuse à accepter. C'est là le rôle de la création littéraire et de la métaphore qui la constitue. Avec Schiller, il pense que «la nature ne procède pas à l'égard de l 'homme mieux qu'envers les autres créations: elle commence par agir à sa place là où il ne peut pas encore se comporter en être intelligent et libre. Mais ce qui élève l 'homme à l 'humanité, c'est précisément de ne pas s'en tenir à ce que la nature a fait de lui. Il possède la faculté de revenir sur ses pas pour parcourir à nouveau, à la lumière de la raison, le chemin par où la nature l'a une première fois fait passer,. il a le pouvoir de 17 transformer l' œuvre de la nécessité en une œuvre de son libre choix et de hausser la nécessité physique à la dignité de la nécessité morale» 16. L' œuvre littéraire sera donc ce chemin que Novalis va reconstituer et suivre à plusieurs reprises pour sublimer la mort de Sophie et s'élever vers l'absolu pour la rejoindre. C'est ce qu'il écrit dans sa lettre du 13 avril 1797 à Friedrich Schlegel: «J'ai pourtant une joie secrète à être aussi près de sa tombe. Elle m'attire toujours plus près d'elle, et parfois cela me cause un bonheur indicible. Mon automne est là et je me sens la plupart du temps si libre, si plein de forces - il Y a encore quelque chose à faire de moi. A tel point que je puis t'assurer en toute solennité que je vois désormais très clairement quel hasard céleste fut pour moi sa mort à elle - la clé de tout - un merveilleux coup du destin» 17. On peut, dès lors, retrouver dans l' œuvre de Novalis ce feuilletage du temps où « le récit du passé, c'est la mémoire, le présent du présent, c'est la vision, le présent du futur, c'est l'attente »18. La volonté d'immortaliser le passé conduit Novalis à créer une œuvre autobiographique où il cherche avec opiniâtreté les sources de son moi. « Il me reste avant tout pour finir à apprendre en tout ce que je peux savoir, à bien connaître le meilleur - Et s'agit bien d'un aussi en moi-même» 19. Il apprentissage dans la recherche de soi puisque Friedrich von Hardenberg a pris l'irrévocable décision de mourir, sur la tombe de Sophie: « L'idée m'est venue quand j'étais à la tombe, que je fournirai I 'humanité de cette fidélité jusque dans la mort - Que 18 je lui rendrai possible un pareil amour »20. Mais d'exemples de la sorte, la littérature ne manque pas: d'Orphée et Eurydice, de Roland et la Belle Aude à Tristan et Yseult, ou Roméo et Juliette, le thème de la fidélité «jusque dans la mort », célébré dans « le Lai du Chèvrefeuille », a souvent constitué un lieu commun maintes fois exploité. Or, ce qui différencie le conte He nri d' Ofterdingen, c'est que le héros éponyme poursuit, parallèlement à la recherche de l'aimée, la recherche de son propre moi; c'est là sa préoccupation constante: «Je dois absolument chercher, il faut absolument que j'apprenne à affirmer mon moi le meilleur à travers les vicissitudes de la vie et les transformations du sentiment. Penser sans interruption à moi, à ce que je fais, à ce que j'éprouve. ». Les différentes étapes de la recherche du moi dans le conte Henri d 'Ofterdingen se matérialisent en premier lieu par une thématique de la descente, de l'approfondissement, de la recherche du socle ferme où le poète pourra enfin prendre pied et se connaître. L'association des deux thèmes Eros et Thanatos, si souvent étudiée, constitue la deuxième partie de cette recherche. Enfin l'opposition entre l'ordre qui se veut apollinien dans la Première Partie et le désordre dionysiaque dans la Deuxième confirme l'aporie rencontrée par Novalis dans son essai même de définition, aporie qu'il tente de dépasser dans la quête de l'éther, absolu lointain qu'il s'efforce d'atteindre. Le souvenir est centré sur l'image qui se lit à différents niveaux. Elle est essentiellement « symbole» et comme symbole «détient un essentiel et spontané pouvoir de retentissement »21. Or, c'est 19 une série d'images reprises qui définissent les préoccupations d'Henri car « Tout souvenir est actuel, présent. Dans un plus pur élément, tout souvenir nous apparaîtra comme ayant été une avant-poésie . . 22 ln d lspensa b Ie» . Le souvenir donnera sa forme à l'image, tantôt comme comparaison: «la Fleur Bleue », ou dissimulé par la métaphore lorsque, en rêve, il parcourt « une forêt obscure [...J où [...J un visage délicat »23 lui apparaît. Que le souvenir surgisse dans le rêve, le conte ou le récit, il porte en lui différents éléments, «un souvenir obscur du passé sous la transparence du présent, renvoie les images du monde [. ..J de tell e so r te qu' 0 n j 0 u it d 'unun ive rs double »24. Ces évocations vagues, diffuses tendent à donner corps au rêve: faire apparaître Sophie, fixer la vision «réelle» qu'il en a eu sur sa tombe au cimetière de Grüningen : «Au soir, je suis allé vers Sophie. Là-bas, je fus dans une joie, dans un bonheur inexprimable -des moments d'enthousiasme fulgurant - la tombe devant moi, je l'ai soufflée comme une poussière - les siècles étaient des instants,. sa présence sensible: à tout moment je croyais la voir s'avancer vers moi »25. Tel est le pouvoir de l'image: rappeler l'aimée mais aussi abolir le temps. Le poète veut maîtriser sa douleur, la perte qui l'a déchiré ne peut être un moment négatif de son existence mais, sublimée, en deviendra la pierre angulaire: le caillou gris que I 'humble disciple de Saïs apporte au maître et qui donne sens à toute la construction: « Le maître prit le caillou dans sa main [...J et cette pierre, il la déposa en un endroit demeuré vide, 20