La Chine à l'aube du XXIe siècle: Le retour d'une puissance? Points sur l'Asie Collection dirigée par Philippe Delalande La collection a pour objet de publier des oùvrages brefs, (200 à 500 pages), sur l'actualité politique, économique, sociale, culturelle en Asie. Ils traitent soit d'un pays d'Asie, soit d'un problème régional, soit des relations de ces pays avec le reste du monde. Ces ouvrages s'apparentent à des essais aisément accessibles, mais sur des bases documentaires précises et vérifiées. Ils s'efforcent, au-delà de l'analyse de l'actualité de prolonger la réflexion sur l'avenir. La collection voudrait, autant que faire se peut, pressentir les questions émergentes en Asie. Elle est ouverte à des témoignages, des expériences vécues, des études systématiques. Les auteurs ont tous une connaissance pratique de l'Asie. Les lecteurs visés sont des personnes soucieuses de s'informer de l'actualité en Asie: investisseurs, négociants, journalistes, étudiants, universitaires, responsables d'ONG, cadres de la fonction publique en relation avec cette Asie en rapide mutation; où vit la majeure partie de la population du monde. Déjà parus Nathalène REYNOLDS, L'enjeu du Cahemire dans le conflit indopaldstanais, 2005. N. SJMON-CORTES et A. TEISSONNIERE (Textes réunis par), Viet Nam, une coopération exemplaire, 2004. Hua LIN, Tribulations d'un Chinois en Europe, 2004. Sang-chun JUNG, Les relations commerciales franco-coréennes,2004. Maria Linda TINIO, Les droits de l 'homme en Asie du sud-est, 2004. Hsiao-Feng LEE, Histoire de Taiwan, 2004. Claire ROULLIERE, La mémoire de la seconde guerre mondiale au Japon, 2004. Association d'Amitié Franco-vietnamienne, Ombres et lumières sur le Vietnam actuel, 2003. Laurent METZGER, La minorité musulmane de Singapour, 2003. ASIE 21-Futuribles internationale, L'Asie demain, 2003 Thierry COVILLE, L'économie de l'Iran islamique: entre ordre et désordres, 2002. Kyong-Wook SHIM, La Russie D'Orient à la dérive, 2002. A. WILMOTS, Gestion Politique et Centres du Pouvoir en République Populaire de Chine,2001. Stéphanie Bessière La Chine à l'aube du XXIe siècle: Le retour d'une puissance? L'Harmattan 5-7,rue de l'ÉcolePolytechnique 75005 Paris FRANCE L'Harmattan Kossuth 1053 Hongrie L. u. 14-16 Budapest HONGRIE L'Harmattan Italia Via Degli Artisti, 15 10124 Torino ITALIE Du même auteur: UNE NUIT SOUS LES ETOILES, Editions Publibook, 2001 (Ç)L'Harmattan, 2005 ISBN: 2-7475-8024-5 EAN : 9782747580243 AVERTISSEMENT Chers Lecteurs, Chers Lectrices, Mon ambition première, à travers ce livre, a été de susciter la réflexion afin que chacun se forge sa propre opinion sur la Chine qui se profile aujourd'hui sur la scène internationale. Pour cela, les nombreux thèmes abordés ont été sélectionnés pour leur intérêt, leur importance, leur caractère significatif ou controversé. Dans la mesure où la perfection n'existe pas, j'espère avoir réussi le pari d'atteindre un seuil élevé d'objectivité afin que vous puissiez mieux connaître et mieux comprendre la Chine contemporaine avant de porter un quelconque jugement. Enfin, je tiens à préciser que les données chiffrées ne sont pas toutes fiables à 100% dans la mesure où les autorités chinoises ne révèlent que ce qu'elles veulent bien révéler. Toutefois, bien que la « version officielle}) du Parti Communiste Chinois qui n'est pas synonyme de « vérité}) soit une réalité, il est peut-être exagéré d'affirmer comme le fait François Godement, directeur du Centre Asie de l'Institut des Relations Internationales, que la Chine est « l'empire du mensonge officiel )/, l François Godement, juin 2003, page 150. « Chine, l'empire du mensonge 7 », l'expansion n0676, « Quand la Chine s'éveillera le monde tremblera» Napoléon 1er « Ce qui est sûr, c'est qu'un jour, peut-être plus proche qu'on ne croit, la Chine sera une grande réalité politique, économique et même militaire. La Chine est le plus grand pays du monde. Un jour, elle pourrait bien devenir le premier Charles de Gaulle 2, » « Au-delà de ces soubresauts dramatiques, l'essor de la Chine a pris une allure irrésistible. » Alain Peyrefitte « La Chine est comme une pièce aux murs invisibles contre lesquels on peut se cogner la tête. Le vainqueur est I 'homme qui est disposé à lutter contre ses murs et à s y cogner la tête sans se soucier de la douleur. » Lin Yutang 2 Confidences du Général de Gaulle à Alain Peyrefitte, (1963), rapportées par ce dernier dans l'avant-propos de son recueil « De la Chine» (éditions Omnibus 1997), regroupant ses quatre ouvrages classiques que sont: « Quand la Chine s'éveillera», « L'Empire immobile», « La Tragédie chinoise» et « La Chine s'est éveillée». 9 INTRODUCTION Qui à l'aube du XXlèmesiècle peut prétendre ne pas avoir entendu parler de la Chine, cet imprévisible et mystérieux pays d'Asie, organisateur des Jeux Olympiques de 2008 et récemment admis comme membre de l'Organisation Mondiale du Commerce? La Chine, appelée aussi Empire du Milieu, a su discrètement faire une entrée surprenante et efficace sur la scène mondiale. Son évolution rapide vers l'économie de marché accompagnée d'importants changements et bouleversements n'ont pas laissé indifférents les acteurs et observateurs internationaux. Ceux-ci s'interrogent et éprouvent incertitudes et inquiétudes, optimisme et pessumsme. Qui aurait imaginé qu'en l'espace de quelques décennies, la Chine aurait réussi à se sortir aussi vite de la situation plutôt mauvaise dans laquelle Mao Zedong l'avait laissée à sa mort ? La Chine reste un mystère pour I'homme occidental fasciné car c'est le pays de tous les possibles, de tous les paradoxes, un pays de contradictions, de ruptures, de forces et de faiblesses qui n'altèrent en rien sa formidable volonté de s'ouvrir et de s'enrichir, sans porter préjudice aux fondements de sa civilisation. Si les Etats-Unis demeurent la puissance dominante dans le Pacifique, devenu américain dès 1945 avec l'installation de plus de 300 facilités militaires, ils doivent aujourd'hui composer avec une Chine à l'influence régionale et internationale grandissante. Dès les années 1980, certains auteurs parlaient de la zone Pacifique, nouveau pôle de croissance économique dont le fret maritime et aérien avec les Etats-Unis dépasse de 50% celui qui traverse l'Atlantique, comme du centre de gravité du monde du XXlème siècle, la qualifiant de « méditerranée du futur». Le Pacifique est ainsi devenu un enjeu géostratégique majeur 11 réveillant les intérêts des grandes puissances et de la Chine aspirant à ce statut. La puissance, atout essentiel des Etats, est au cœur des relations internationales, ce qui explique la volonté de chacun d'eux d'en acquérir la réalité et la reconnaissance. Elle pennet à qui la détient d'influer sur la vie internationale, parfois même d'imposer dans une certaine mesure sa volonté aux autres acteurs. Toutefois, celle-ci est non seulement relative mais également évolutive et fluctuante. Relative dans la mesure où elle n'a de signification que par rapport à celle des autres Etats; évolutive et fluctuante comme en atteste I'histoire millénaire de la Chine qui a perdu son statut de puissance et cherche aujourd'hui à le retrouver. De nombreux critères cumulatifs (militaire, économique, politique, niveau d'éducation, rayonnement cultureL..), individuellement inopérants, interviennent. Leur combinaison hannonieuse et équilibrée pennet de mesurer l'existence d'une puissance. Aujourd'hui, la Chine est au centre des préoccupations stratégiques et politiques internationales, tout particulièrement de celles des Etats-Unis, et la question majeure, objet de nombreux débats et études divergentes, est celle de savoir si la Chine va devenir au cours du 3èmemillénaire une puissance qu'il faudra craindre. Les arguments en faveur et en défaveur de cette thèse sont légions et méritent une attention toute particulière. La Chine saura-t-elle sunnonter certaines de ses faiblesses et transfonner les autres en atouts? La Chine est-elle un pays sous-développé émergent dont on ne doit rien craindre ou une puissance qui sort de son sommeil justifiant craintes et inquiétudes? Quelle Chine se profile sur la scène internationale du XXlème siècle? Tenter d'apporter une réponse cohérente, la moins erronée possible, impose de s'attarder préalablement sur la situation politique et économique intérieure de la Chine aujourd'hui en pleine mutation (Le réveil de la Chine) avant de l'envisager dans ses relations avec le monde (La Chine et le Monde). A la lumière de ces développements, une étude de ses forces et faiblesses pennettra de proposer une thèse sur la réalité ou la fiction de la puissance chinoise au XXlèmesiècle (La Chine en devenir). 12 PREMIERE PARTIE: LE REVEIL DE LA CHINE « Il n'existe qu'une seule liberté: la vérité. Il n'existe qu'un seul esclavage: le mensonge. »J Comme Alain Peyrefitte2 l'a si bien écrit, la Chine s'est éveillée. La réussite économique spectaculaire constatée n'est pas étrangère à la clairvoyance des hommes à sa tête depuis la fin des années 1980. La Chine est le pays qui a connu le développement économique le plus important et le plus soutenu depuis plus de 15 ans malgré un rythme un peu ralenti ces dernières années. Au 6êmerang mondial de par son PIB national depuis 2002 (en 2001, la Chine était au 7ernerang), elle n'est en revanche qu'au 101êmerang de par son PIB par habita.nf. La Chine a enregistré une croissance de +10,6% entre 1990 et 1999, de +8% en 2000 et de +7,5% en 2001. Entre 1980 et 2002, ses exportations sont passées de 6 à 26% et ses importations de 7 à 23%. I Proverbe chinois. 2 Alain Peyrefitte, né le 26 Aoüt 1925, diplomate de carrière à sa sortie de l'ENA (Ecole Nationale d'Administration) est député de Seine-et-Marne dans toutes les législatures de la Vème République (de 1958 à 1993), et devient, en 1995, sénateur. En 1967, il devient ministre de l'Éducation nationale jusqu'en 1968 puis est nommé ministre plénipotentiaire en 1975. Dans le cadre de ses fonctions diplomatiques, il effectue dix-huit séjours en Chine. 3 En 2001, la Chine était au III èmerang de par son PIB par habitant. 13 Avec un taux de croissance de +8% au lieu des +7,3% de prévision annoncés en début d'année par le directeur du Bureau d'Etat des statistiques, Zhu Zhixin, 2002 a été une année d'affinnation de la Chine sur la scène mondiale. Affinnation confinnée par un taux de croissance de +9,1 % pour l'année 2003 au lieu des +7,5% de prévision annoncés en début d'année. Il s'agit là du meilleur résultat depuis 1996. La prévision de croissance prévue pour 2004 est proche des + 10% tandis que celle prévue pour 2005 est d'environ +8%4. 4 Prévisions de la Mission économique de Pékin. 14 ANNEES 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 TAUX DE CROISSANCE DU PIB 11,7% 7,6% 7,8% 5,2% 9,1 % 10,9% 15,2 % 13,5 % 8,8% Il,6 % Il,3 % 4,1 % 3,8% 9,2% 14,2 % 13,5 % 12,6 % 10,5 % 9,6 % 8.8 % 7,8 % 7,1 % 8% 7,5 % 8% 9,1 % Proche de 10 % * Proche de 8 % * Source: Mission économique de Pékin * estimations 15 CHAPITRE I LE MIRACLE ECONOMIQUE CHINOIS: REFO~ESPROFONDES 20 ANS DE SECTION 1. Les acteurs des réformes, des hommes éclairés « Sagesse ne signifie pas connaissance mais compréhension de l'expérience. )/ issue A l'origine des réformes: Deng Xiaoping « Le marché s'est imposé très progressivement, par étapes à travers des « tests» mesurés et contrôlés. Deng faisait entrer son pays dans l'inconnu et la prudence dans l'exécution, autant que l'audace des orientations, étaient de mise. »6 Après une période de flottement politique, Deng Xiaoping succède à Mao Zedong', représentant de la 1èregénération de dirigeants de la RPC à qui la Chine doit d'être devenue une puissance industrielle et nucléaire, et entame une libéralisation relative du régime tout en exerçant un pouvoir dictatorial. Révolutionnaire de la première heure, I'histoire de la vie de Deng Xiaoping (19041997) se confond avec I'histoire de la Chine, plus encore que celle de Mao Zedong. Tombé en disgrâce durant la Révolution 5 Proverbe chinois. 6 Jean Mandelbamn et Daniel Haber, « La victoire de la Chine », page 80. 7 Chef historique de la révolution chinoise, Mao Zedong sut mobiliser les aspirations populaires au moment décisif, sans craindre de bouleverser la lettre de la doctrine. En quelques dizaines d'années, les communistes, avec â leur tête Mao Zedong, bouleversent les structures plus que millénaires de la société chinoise, fondées sur la morale confucéenne, tant dans la sphère privée que dans le domaine politique. 17 Culturelle à 65 ans, il doit se soumettre à la rééducation par le travail à laquelle il survit. A la mort de Mao Zedong en 1976, il revient au pouvoir et lance la Chine sur la voie des « Quatre Modernisations ». Nommé secrétaire général du Comité Central en 1956, il en est écarté en 1968 et le réintègre en 1973 à la requête de Zhou Enlai8, Premier ministre depuis 1949. Il est destitué en 1976 pour revenir sur le devant de la scène politique en 1977, en qualité de vice-président du PCC et de vice-Premier ministre, et devenir en 1978 le représentant de la 2tmegénération de dirigeants de la RPC. Les erreurs de Mao Zedong sont alors rejetées sur la « bande des Quatre», sobriquet donné par ses adversaires à un groupe comprenant Chiang Ching', la veuve de Mao, dont l'influence est soupçonnée d'avoir été particulièrement nocive. Durant toutes les années qui suivent son mariage, Chiang Ching vit mal d'être tenue à l'écart du pouvoir, et dotée d'une obstination remarquable, exécute le plan machiavélique qu'elle a mis au point. Elle va tout faire pour isoler Mao Zedong dans le but de régner seule sur lui. Elle va intriguer dans l'ombre pour éliminer tous les proches, amis ou parents de Mao, qui pourraient menacer sa sécurité personnelle ou freiner ses ambitions. C'est à partir de 1961 que son influence commencera à se faire sentir. Elle obtiendra non sans difficulté la direction de la censure cinématographique, ce qui lui permettra de régler ses comptes avec ses ennemis du temps où elle était actrice à Shanghai et de faire disparaître les films contraire à la politique du Parti dans lesquels elle avait tourné alors. Les années passent et son influence ne cesse d'augmenter. Après 1972, Mao abandonne peu à 8 Premier ministre de la RPC, dès sa proclamation le 1er octobre 1949,Zhou Enlai est le bras droit de Mao Zedong. Son histoire se confond avec celle de Mao et du Parti conunwùste depuis l'épisode héroïque de la Longue Marche del934 (qu'il dirige avec Mao Zedong et où il crée et commande l'Année populaire de libération) jusqu'à sa mort en passant par l'avènement de la RPC. Diplomate actif et brillant, il fait reconnaître le gouvernement conununiste par dix-huit nations dès 1950 et devient l'homme politique le plus populaire du tiers-monde. Artisan entre autre de la rupture avec Moscou, de l'entrée de la Chine à l'ONU (1971) et du rapprochement avec les États-Unis (1972), Zhou Enlai a été jusqu'à sa mort en 1976 le premier administrateur et le premier diplomate du régime de Pékin. 9 4èmeépouse de Mao, Chiang Ching est une ancienne actrice de Shanghai à la mauvaise réputation et à l'ambition démesurée. Le PCC lui « interdit» de prendre une quelconque part active dans les décisions du Parti, d'assumer une quelconque fonction officielle et d'être présente aux réwùons importantes. 18 peu la direction du pays au Premier ministre Zhou Enlai. Atteint par la maladie de Parkinson et par une artériosclérose cérébrale, Mao perd progressivement l'usage de la parole. Chiang Ching va profiter de la maladie de son époux pour en tirer avantage et enfin réaliser son ambition de toujours: être au pouvoir. Elle mettra auprès de lui deux interprètes, fidèles serviteurs de ses objectifs, pour donner un sens conforme à ses desseins politiques aux balbutiements de Mao et prendre sa place au sein du Parti. Chiang Ching réussit brillamment mais le pouvoir lui montera à la tête au point de lui faire commettre de nombreuses erreurs qui lui seront fatales lors de la mort de Mao le 9 septembre 1976, la même année que Zhou Enlai. Elle dira même un jour: « Et même ['ère communiste pourrait avoir une impératrice [...j )). Enivrée, elle s'entoure de luxe, s'adonne au poker, se procure des films occidentaux allant à l'encontre de l'esprit communiste. Elle ira même jusqu'à faire preuve d'individualisme lors d'une interview par une journaliste américaine au cours de laquelle elle racontera sa vie. Elle évoquera aussi des secrets du Parti et de la Présidence sur le mode « Je )), violant par là même la loi du silence du Parti et ne respectant pas la précieuse version officielle. A la mort de Mao, Chiang Ching est expulsée du pouvoir et arrêtée avec trois autres personnes, la « Bande des QuatrelO», dont le procès sera retentissant en Chine et marquera l'avènement d'une nouvelle ère politique. Ce procès permet de juger les excès du Maoïsme. Lors de celui de Chiang Ching, fin 1981, cette dernière fixe ses juges, méprisante, orgueilleuse, n'exprimant aucun signe de repentir. Condamnée à mort, la sentence ne sera pas exécutée pour ne pas faire d'elle une martyre. Libérée pour des raisons de santé, elle se suicide en 1991. Deng Xiaoping engage, à partir de 1978, un processus de « démaoisation», soit une sorte de désacralisation qui réintègre Mao Zedong, avec ses mérites et ses erreurs, dans 1'Histoire de la Chine. Cette démarche était attendue dans tous les milieux universitaires, scientifiques et littéraires où les outrances du culte rendu au Président divinisé avaient eu de fâcheuses conséquences. Nommé à la tête de la RPC en 1979, Deng Xiaoping décide de « corriger » les erreurs de la Révolution Culturelle, responsable en 10 Groupe dirigeant de la faction radicale comprenant: Chunqiao, Yao Wenxuan, Wang Hongwen. 19 Chiang Ching, Zhang grande partie de tous les échecs du régime. Il proclame alors que Mao a eu raison à 70% et tort à 30%. Sans discréditer le Grand Timonier, fondateur de la RPC, il engage le pays dans un vaste mouvement de réformes instituant l'Economie Socialiste de Marché et décide d'ouvrir celle-ci aux capitaux étrangers. Les Quatre Modernisations vont alors s'effectuer dans quatre directions: politique, sociale, culturelle et économique. L'objectif principal est d'augmenter la productivité de l'agriculture en luttant contre le recul des terres arables, malmenées par une utilisation intensive et désordonnée, en spécialisant les régions et en modernisant les équipements; de responsabiliser les individus en liant la rémunération et la production tout en leur permettant de profiter des gains; de moderniser l'appareil industriel. Un retour à la propriété privée est amorcé avec la décollectivisation de l'agriculture. Depuis plus de 20 ans, une vingtaine de provinces chinoises affiche les taux de croissance les plus élevés au monde. A ce rythme, l'OCDE prévoit que, d'ici à 2020, 300 millions de Chinois auront un niveau de vie équivalent à celui de l'Américain moyen d'aujourd'hui, estimation qu'un essoufflement de la croissance ne remettrait pas en cause. En 2003, on constate déjà dans les villes une augmentation manifeste des salaires et de la consommation. L'ambition de Deng Xiaoping est de rétablir la situation économique compromise par la Révolution Culturelle tout en s'assurant que les changements opérés seraient irréversibles et d'empêcher le retour de dérives idéologiques. Les résultats ont été spectaculaires mais inégaux selon les secteurs. Si un boom dans l'industrie légère et dans la production des biens de consommation semi-durables (ex: ordinateur) est notable grâce aux importants investissements étrangers, en revanche, l'industrie lourde n'enregistre que des progrès lents car elle constitue un goulet d'étranglement structurel. Son objectif étant de s'assurer le maintien de l'autorité du Parti ainsi que la poursuite tenace de la modernisation de l'économie chinoise, Deng Xiaoping a su préparer sur des années, de 1978 à 1997, et de façon clairvoyante, l'équipe qui lui succéderait immédiatement ainsi que la suivante. 20 Les successeurs de Deng Xiaoping: Zhu Rongji et Jiang Zemin « Leurs conceptions et leurs décisions sont en train de faire la Chine telle qu'elle sera dans les dix premières années du XXIème siècle. »11 Son héritier, Jiang Zemin12, représentant de la 3èmegénération de dirigeants de la RPC, assisté de Zhu Rongji 13, va poursuivre la même politique pour donner à l'économie de la Chine son visage actuel. Les deux hommes, profondément fiers de leur pays, sont depuis longtemps animés de la même volonté de faire de la Chine l'une des grandes puissances du XXIème siècle. L'un et l'autre appartiennent à la génération des années 1930 et ont reçu le même genre d'éducation et de formation technique dans le contexte de l'agression japonaise. Jiang Zemin, né en 1926, suit ses études supérieures au département technologie et électricité industrielle de l'Université de Shanghai tandis que Zhu Rongji, né en 1928, effectue les siennes au département ingénierie électrique de l'Université de Pékin. Tous deux souhaitent acquérir des compétences qui serviront à la reconstruction de la Chine. Tous deux ont également été maire de Shanghai et ont contribué à son développement économique exceptionnel: Jiang Zemin de 1985 à 1988 et Zhu Rongji de 1987 à 1990. Pendant une année, ils ont travaillé de concert. Bien que de caractère fort différent, les deux hommes se complètent de par leurs qualités respectives et forment un binôme efficace. Jiang Zemin, de nature sociable et communicative, se distingue par son aptitude à diriger, à rassembler les masses et à pondérer les tendances extrêmes au sein du Parti. Zhu Rongji, « cerveau de l'économie chinoise »14est un réformateur indifférent aux questions de popularité, très doué pour défendre de nouvelles idées et pour les mettre en œuvre. Dès 1992, Deng Xiaoping, conscient de ses compétences, l'a soutenu et imposé pour II Henri Eyraud, « Chine: la réfonne autoritaire », page Il. 12Numéro un chinois successeur de Deng Xiaoping, il cumule dès 1993 les titres de Président de la République, de chef du Parti et de chef de l'année. 13Premier ministre depuis 1998, il succède à Li Peng qui occupait cette fonction depuis 1987. 14Henri Eyraud, « Chine: la réfonne autoritaire» page 29. 21 superviser la modernisationde l'économie. Le fait que Zhu Rongji n'ait pas à se soucier d'élections lui a permis d'agir avec efficacité sans rechercherl'assentimentpopulaire. Les dirigeants chinois, dans la réalisation de leurs objectifs pour la Chine, expérimentent des mesures de façon limitée et n'hésitent pas à revenir en arrière en cas de résultats insatisfaisants. Cette politique de pragmatisme et de gradualisme consistant en des réformes lentes, prudentes et ordonnées de la base au sommet a produit un résultat plus que satisfaisant, comme en atteste le miracle économique chinois. A l'aube du XVIème Congrès du PCC « La légitimité du PCC est sa réussite économique. >P Année 2002 : plus de la moitié des dirigeants arrivent au terme de leur mandat dont le Président de la République et le Premier ministre. Cet événement donne lieu à de nombreuses et discrètes luttes d'influence pour se faire une place de choix près du pouvoir, le relais entre l'équipe actuelle et la nouvelle devant avoir lieu en novembre lors du XVIème Congrès du PCC. Arrivé en 1998 au poste de Premier ministre et âgé en cette année de 73 ans, Zhu Rongji fait l'objet de critiques de fin de mandat concernant le résultat de son action, eu égard aux attentes et espoirs mis en lui lors de sa nomination. Le peuple a en effet beaucoup cru en lui, en son pragmatisme afin qu'il fasse évoluer la Chine. Aujourd'hui, à la veille du XVIème Congrès du PCC, le bilan est mitigé. D'un côté, on ne peut nier que les réformes politiques n'ont pas eu de traductions concrètes, que les problèmes les plus délicats n'ont pas été traités en profondeur (comme les inégalités sociales), que la Chine n'est pas l'Etat de droit auquel il est fait mention dans la Constitution (par exemple l'absence de transparence de l'administration), et que le système bancaire est au bord du gouffre (car il est tenu d'octroyer des prêts à des entreprises publiques déficitaires) . 15Jean Mandelbawn et Daniel Haber, « La victoire de la Chine», page 127. 22