Généralités sur les fonctions réelles de variable réelle

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Université en ligne. Mathématiques
Édition 2003
Nombres réels, suites et fonctions
Annette Decomps Paris VI
FONCTIONS RÉELLES D’UNE VARIABLE RÉELLE
De même que le concept de suite sert à décrire un phénomène discret, celui de fonction sert à
décrire un phénomène continu.
Dans ce cours, on étudie des fonctions à valeurs réelles définies sur un intervalle de R ou plus
généralement sur une réunion d’intervalles.
Dans l’étude d’une fonction interviennent
- des aspects locaux : continuité et dérivabilité en un point, approximation au voisinage
d’un point...
- des aspects globaux : monotonie, périodicité, continuité uniforme sur un intervalle...
En fait, il y a interaction constante entre les phénomènes discrets (suites) et les phénomènes
continus (fonctions). Par exemple la monotonie de suites, définies par une formule un = f (n), ou
par une relation de récurrence un +1 = ϕ (un ) et la donnée de u0 peut s’obtenir à partir de la
variation de la fonction f ou de la fonction ϕ. Inversement, l’approximation des valeurs d’une
fonction, de la solution d’une équation différentielle, d’une intégrale, s’obtient par la construction
de suites dont on est conduit à étudier la convergence et la rapidité de la convergence. Ainsi, dans
les problèmes numériques, on passe du continu au dénombrable, puis du dénombrable au fini.
Pour calculer, par exemple, une valeur approchée d’une intégrale, on utilise la formule déduite du
théorème de la moyenne
∫
1
0
f (t)dt = lim
n →+∞
∑ n f  n  .
n
1
k
k =0
En prenant une valeur de n assez grande, on obtient une valeur approchée de l’intégrale.
1
GÉNÉRALITÉS SUR LES FONCTIONS RÉELLES D’UNE VARIABLE RÉELLE
1. De l’ensemble de définition au graphe
Une fonction réelle d’une variable réelle est, en général, définie à partir d’une expression
contenant des fonctions “usuelles” dont les propriétés sont connues. Un premier travail consiste
alors à trouver les valeurs de la variable pour lesquelles l’expression a un sens. L’ensemble de
ces valeurs est l’ensemble (appelé encore domaine) de définition de la fonction. Cet ensemble,
que nous noterons D, peut être éventuellement
- vide comme dans le cas de la fonction x
− x2 + x − 1 ,
- réduit à un seul point comme dans le cas de la fonction x
−x .
Nous ne considérerons pas de tels cas, et les fonctions que nous étudierons seront définies sur
une réunion d’intervalles non vides et non réduits à un point.
Ainsi, la fonction x
La fonction x
ln
x(x + 1)
est définie sur l’ensemble ]−∞,−1[ ∪ ]0,1[ ∪ ]2, +∞[ .
(x − 1)(x − 2)
sin x est définie sur l’ensemble ∪ [2kπ ,(2k + 1)π ].
k∈Z
Un des objectifs (mais ce n’est pas le seul) dans l’étude d’une fonction f est d’obtenir, dans un
repère orthonormé (O, i , j ) du plan, le graphe Cf qui est l’ensemble
{(x, f (x)), x ∈ D}.
Attention : pour certaines fonctions, même de définition simple, comme la fonction
caractéristique des rationnels, dite encore fonction de Dirichlet, (fonction qui vaut 1 sur Q et 0
sur R\Q), on ne peut pas tracer le graphe.
2
Dans un but de simplification, nous considérerons dans les généralités des applications d’un
intervalle I (non vide et non réduit à un point) de R dans R, et nous noterons F(I, R) l’ensemble
des applications de I dans R.
2. Structures sur l’ensemble F (I, R)
Comme dans le cas de l’ensemble RN des suites réelles, on définit sur F (I, R) des opérations et
une relation d’ordre à partir des opérations et de la relation d’ordre sur R.
2.1. Structure algébrique
L’ensemble F(I, R) muni des opérations :
- addition, définie, pour f ∈F (I, R) et g ∈F (I, R), par :
f + g: x
f (x) + g(x) ,
- multiplication par un réel, définie pour λ ∈R et f ∈F (I, R), par
λf : x
λf (x) ,
est un espace vectoriel sur R dont l’élément neutre est la fonction nulle :
0: x
0.
Avec la multiplication des fonctions définie, pour f ∈F (I, R) et g ∈F (I, R) par :
fg :
x
f (x)g(x) ,
F (I, R) devient un anneau commutatif dont l’élément unité est la fonction unité :
1: x
1.
Cet anneau n’est pas intègre car le produit de deux fonctions non nulles peut être la fonction
nulle, comme le montre l’exemple des fonctions f et g définies sur [0,1] respectivement par :
 1
1 
∀x ∈ 0,  , f (x) = 1, et ∀x ∈  ,1 , f (x) = 0,
 2
2 
 1
1 
∀x ∈ 0,  , g(x) = 0, et ∀x ∈  ,1 , g(x) = 1.
 2
2 
Toutefois, si f ne s’annule pas sur I, on peut définir l’inverse de la fonction f par :
1
: x
f
1
.
f (x)
2.2. Structure d’ordre
Définition. Soient f et g deux fonctions définies sur I. On dit que g majore f, ou que f minore g,
3
si l’on a, pour tout x ∈I,
f (x) ≤ g(x) .
On note f ≤ g .
On vérifie immédiatement qu’il s’agit d’une relation d’ordre sur F (I, R) et que cette relation
d’ordre n’est pas totale. Deux fonctions quelconques ne sont pas en général comparables.
Exemples
Sur l’intervalle ]0,+∞[, la fonction x
x-1 majore la fonction logarithme.
Sur l’intervalle [0,+∞[,
- la fonction sinus est majorée par la fonction x
- la fonction
fonction x
−x
est majorée par la fonction
e sin x
x
x,
x
e
−x
et minorée par la
−x
−e .
Figures 1* et 2*
3. Propriétés globales élémentaires
On considère une application f d’un intervalle I dans R. On note f (I ) = {f (x), x ∈I}, l’image de
I par l’application f.
3.1. Fonctions bornées
Définitions. On dit que f est majorée (resp. minorée, bornée), si f(I) est une partie majorée (resp.
minorée, bornée) de R, c’est à dire :
- f majorée sur I : ∃M ∈R, ∀x ∈I, f (x) ≤ M ,
- f minorée sur I : ∃m ∈ R, ∀x ∈I, f (x) ≥ m ,
- f bornée sur I, (f est majorée et minorée sur I) : ∃M ∈R, ∀x ∈I,
f (x) ≤ M .
Quand f est majorée (resp. minorée) sur I on note
sup f = sup f (x) = sup f (I)
I
x∈I
inf f = inf f (x) = inf f (I).
I
x ∈I
Sur R, les fonctions sinus et cosinus sont bornées par 1, l’exponentielle est minorée par 0 qui est
sa
4
borne inférieure mais non majorée. Sur R∗+ , la fonction logarithme n’est ni majorée ni minorée.
3.2. Fonctions monotones
Définitions. On dit que f est
- croissante (resp. décroissante) sur I si :
∀x1 ∈I,∀x 2 ∈I, x1 ≤ x 2 ⇒ f (x1 ) ≤ f (x 2 ) (resp. x1 ≤ x 2 ⇒ f (x1 ) ≥ f (x 2 )) ,
- strictement croissante (resp. décroissante) sur I si :
∀x1 ∈I,∀x 2 ∈I, x1 < x 2 ⇒ f (x1 ) < f (x 2 ) (resp. x1 < x 2 ⇒ f (x1 ) > f (x 2 )) ,
- monotone (resp. strictement monotone) sur I si f est croissante sur I ou décroissante sur I (resp.
strictement croissante sur I ou strictement décroissante sur I).
Les fonctions exponentielle et logarithme sont strictement croissantes sur leur ensemble de
définition. Les fonctions puissances x
x (n∈N*) sont strictement croissantes sur R, si n est
n
impair, elles sont strictement décroissantes sur ]-∞,0] et strictement croissantes sur [0,+∞[ si n
est pair.
4. Parité, périodicité et autres symétries. Applications au graphe de la fonction
On considère une fonction réelle f dont on note D l’ensemble de définition. Avant de commencer
l’étude de la fonction f, on recherche si elle présente des propriétés remarquables qui simplifient
l’étude comme la parité ou la périodicité. Ces propriétés ont une traduction géométrique sur le
graphe Cf de f.
4.1. Fonctions paires et impaires
Définitions. On dit que f est paire (resp. impaire) si :
∀ x ∈D, − x ∈D et f (− x ) = f ( x ),
(resp. ∀ x ∈D, − x ∈D et f (− x ) = − f ( x )).
Il est bien évident que la question d’une parité éventuelle ne se pose que si D est symétrique par
rapport à 0. On remarque que, si f est impaire et si 0 appartient à D, alors f (0) = 0.
Remarque
Si I est un intervalle de R centré en 0, dans l’ensemble F(I,R) des applications de I dans R, le
sous-ensemble des applications paires (resp. impaires) est un sous-espace vectoriel de F (I,R).
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En effet, soit par exemple P (I,R), l’ensemble des fonctions paires définies sur I, alors :
- 0 (fonction nulle) appartient à P (I,R) qui n’est donc pas vide,
- ∀f ∈P (I,R), ∀g ∈P (I,R), ∀λ ∈R, ∀µ ∈R, λf+µg ∈P (I,R).
On montre de même que l’ensemble I(I,R), des fonctions impaires sur I est un sous-espace
vectoriel de F (I,R).
Ces deux sous-espaces vectoriels sont supplémentaires dans F (I,R). On a en effet :
- P (I,R)∩I (I,R)={0}
- pour f ∈F (I,R), on a, si on note g et h les fonctions définies sur I par :
g: x
1
( f (x) + f (− x)) et h : x
2
1
( f (x) − f (− x))
2
f = g + h, avec g ∈P (I,R) et h ∈I (I,R).
Proposition. Si f est paire (resp. impaire), alors le graphe de f est symétrique par rapport à l’axe
Oy (resp. le point O).
Preuve
La symétrie orthogonale s d’axe Oy transforme un point M de coordonnées ( x, y) en s(M) de
coordonnées (− x,y) . Ainsi, si la fonction f est paire, le graphe de f est invariant par s.
De même la symétrie centrale σ de centre O transforme un point M de coordonnées ( x, y) en
σ(M) de coordonnées (− x,− y) . Donc, si la fonction f est impaire, le graphe de f est invariant par
σ.
Les propriétés de parité permettent donc de réduire l’étude de la fonction à l’ensemble D∩R+. On
trace alors la partie du graphe correspondante et on complète par la symétrie s ou σ suivant le
cas.
Figure 3*
Remarques
a. Plus généralement, s’il existe un réel a tel que :
∀u ∈ R, a + u ∈ D ⇒ a − u ∈D et f (a + u) = f (a − u) ,
soit encore
6
∀x ∈ D, 2a − x ∈ D et f (2a − x) = f (x) ,
le graphe de f est symétrique par rapport à la droite d’équation x = a.
b. De même, s’il existe des réels a et b tels que :
∀u ∈ R, a + u ∈ D ⇒ a − u ∈D et f (a + u) − b = − f (a − u) + b ,
soit encore
∀x ∈ D, 2a − x ∈ D et f (2a − x) = 2b − f (x) ,
le graphe de f est symétrique par rapport au point de coordonnées (a, b).
Dans ces deux cas, on réduit l’étude à l’ensemble D ∩ [a, +∞[ .
4.2. Fonctions périodiques
∗
Définition. On dit que f est périodique s’il existe un réel T ∈R tel que :
(i) ∀ x ∈R, x ∈ D ⇔ x + T ∈ D
(ii) ∀x ∈ D, f (x + T ) = f (x).
On dit que T est une période de f et que f est T-périodique.
Une conséquence immédiate de la définition est que si T est une période de f alors nT avec n∈Z
est aussi une période de f.
Exemples
a. Une fonction constante sur R est périodique ; tout réel non nul en est une période.
b. La fonction x
x - [x] est périodique, 1 est une période, ainsi que tout entier non nul.
On conviendra désormais, pour une fonction périodique f, de considérer également 0 comme une
période de f.
Proposition. Si f est périodique et si T et T’ sont des périodes de f, alors T+T’ est une
période de f.
Preuve
On note T l’ensemble des périodes de f. Cet ensemble n’est, par hypothèse, pas vide puisque
T appartient à T.
Soit x ∈D, on a alors successivement :
x + T ∈ D et x + T + T ′ ∈D .
On en déduit :
7
f (x + T + T ′) = f (x + T ) = f (x) ,
T +T’ est donc une période de f.
Définition. Si l’ensemble des périodes strictement positives de f a un plus petit élément
strictement positif, soit T0 , cet élément est appelé période fondamentale de f .
Proposition. Toutes les périodes de f sont de la forme nT0 avec n∈Z.
Preuve
Soit T une période, que l’on supposera strictement positive, de f. La division euclidienne de T par
T0 conduit à l’égalité :
T = nT0 + r avec 0 ≤ r < T0 .
D’après la proposition ci-dessus, si r est différent de 0, c’est une période strictement positive de f,
ce qui est impossible car r est inférieur strictement à T0. On a donc r = 0 et T = nT0.
L’ensemble T des périodes de f s’écrit alors {nT0 , n ∈ Z}, c’est donc un sous-groupe additif de
R.
Ainsi les fonctions sinus et cosinus ont pour période fondamentale 2π et la fonction tangente a
pour période fondamentale π. On désignera souvent par période la période fondamentale.
Il peut se faire que T n’ait pas de plus petit élément strictement positif. C’est le cas pour la
fonction caractéristique des rationnels : dans ce cas, tout rationnel est période.
Exercices de compréhension immédiate
a. Quelle est la période de la fonction définie sur R par : x
cos(4 x + 5) ? Réponse :
b. Trouver une fonction de période 3/4. Réponse : la fonction définie sur R par x
π
2
.
8π 
sin
x .
3 
Proposition. Soit f une fonction T-périodique. On note CT le graphe de la restriction de f à
l’intersection de D et d’un intervalle semi-ouvert de longueur T. Alors le graphe de f est la
réunion de CT et des translatés de CT par les translations de vecteurs de composantes (nT,0),
(n∈Z).
Preuve
On note I un intervalle semi-ouvert de longueur T. Il s’agit alors d’une conséquence de la
propriété suivante :
quel que soit le réel x1 il existe un réel x unique et un entier relatif n unique tels que
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x ∈I et x1 − x = nT d'où f (x1 ) = f (x) .
Si M est le point de coordonnées (x, f(x)) et N le point de coordonnées (x1, f(x1)) dans le repère
orthonormé (O, i , j ) du plan, on a alors MN = nTi . D’où le résultat.
Il suffit donc d’étudier f sur un intervalle semi-ouvert de longueur T.
Figure 4*
Remarque
Soit f une fonction telle qu’il existe T ∈ R∗+ et α ∈ R vérifiant :
(i) ∀ x ∈R, x ∈ D ⇔ x + T ∈ D
(ii) ∀x ∈ D, f (x + T ) = f (x) + α .
Alors le graphe de f est invariant par les translations de vecteur (nT, nα) (n∈Z).
Ainsi, considérons la fonction définie sur R par f : x
x + sin x . Le graphe de f s’obtient à
partir de sa restriction à l’intervalle [− π ,π [ à l’aide de translations de vecteurs de composantes
(2nπ ,2nπ ) avec n ∈Z .
*Certaines figures existent, pour le moment, seulement dans la version médiatisée, on pourra s’y
reporter ou mieux encore les réaliser, il s’agit d’un excellent exercice ! !
.
9
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