SUISSE vendredi 19 juillet 2013 PAGE 3 SUISSE Effet des taux longs sur les marges BANQUES SUISSES. Elles devraient pouvoir reconstituer une partie de leurs marges sur le passif. Tout le reste dépend du mix de produits. NICOLETTE DE JONCAIRE La hausse des taux sera, en principe, favorable aux marges bancaires. Il convient toutefois d’être nuancé car chaque banque a ses particularités, un mix de produits différents et une gestion du risque de taux qui lui est particulière. «Depuis trois à quatre ans, les taux zéro ont sensiblement réduit les marges sur les passifs bancaires» confirme Christophe Cherdel, responsable de l’ALM à la Banque Cantonale Vaudoise. L’écart entre revenus et charges sur les dépôts de la clientèle est faible et ne peut être augmenté sauf à imposer des intérêts négatifs - ce qui reviendrait à demander aux clients de payer pour maintenir leur compte en banque. Si les taux remontent, les banques devraient pouvoir reconstituer une partie de leurs marges sur le passif. Toutefois, «une hausse trop brutale peut-être stressante car elle ne peut être répercutée à la clientèle qu’au rythme des renouvellements des crédits.» explique-t-il. «La vitesse du mouvement des taux est tout aussi critique que son amplitude. A la hausse comme à la baisse». Une hausse des taux encouragerait certains clients à investir une partie de leurs fonds aujourd’hui au bilan des banques sur les marchés. Toutefois celles-ci disposent actuellement de beaucoup de liquidités (350 milliards de francs au passif de la BNS et donc à l’ac- LLB: prévision d’une chute de 76% du bénéfice La Liechtensteinische Landesbank (LLB), cotée à la Bourse suisse, a émis hier un avertissement sur bénéfice pour le 1er semestre 2013. Il est notamment lié à la provision de 31 millions de francs constituée pour régler un litige fiscal avec les Etats-Unis. Selon des données encore provisoires, l’établissement liechtensteinois prévoit ainsi une chute de 76% de son bénéfice semestriel comparé à la période de référence de 2012, à 14 millions de francs. Les produits d’exploitation sont pour leur part attendus en hausse de 35%, à 280 millions de francs. Fin juin, la LLB gérait des actifs de la clientèle pour 50,5 milliards de francs, en hausse de 1% durant le semestre sous revue. – (ats) SZKB: résultat net en baisse de 19,3% La Banque cantonale de Schwytz (SZKB) a vu son bénéfice net plonger au 1er semestre. Il est ressorti à 32,1 millions de francs, en baisse de 19,3% sur celui de la période de référence de 2012, a annoncé jeudi l’établissement. Celle-ci avait toutefois bénéficié de recettes extraordinaires liées à l’immobilier. Le bénéfice brut, reflet de la performance de l’établissement, s’est lui aussi sensiblement replié, de 20,2% à 56,5 millions de francs, pour des produits bancaires bruts en baisse sur un an à 106,5 millions. – (ats) LUKAS GÄHWILER. UBS perdait près d’un milliard de francs sur les dépôts. Entre 2008 et 2012. tif des banques), ce qui leur permet de faire face à ces sorties. «Par ailleurs, les banques suisses ne devraient avoir que peu difficulté à se refinancer compte tenu de leur relative solidité financière et du faible volume d’émissions en francs suisses» ajoute Christophe Cherdel. En dépit des spécificités de chaque banque, la pentification de la courbe des taux (taux courts bas/taux longs élevés) devrait être bénéfique aux activités de crédit à condition que les mouvements de taux ne soient pas trop abrupts. Les grandes banques universelles estiment être mieux protégées des à-coups par la diversité de leurs portefeuilles et jugent toutes deux qu’une hausse des taux impactera favorablement leurs résultats. Dans son rapport financier de fin d’année, UBS estimait que chaque point de pourcentage supplémentaire (sur une hausse parallèle des taux courts et longs) lui rapporterait 342,5 millions de francs sur le portefeuille bancaire. Le rapport financier publié par Credit Suisse pour 2012 estime à 959 millions une variation de 100 point de base sur le portefeuille hors négociation. Les différences tiennent à un mix différent et à des méthodologies difficiles à comparer mais le mouvement a un effet très positif dans les deux cas. Sur la masse des dépôts d’UBS à fin mars 2013, soit 382 milliards de francs, une hausse de 25 points de base peut générer un revenu supplémentaire d’un milliard. Même chose chez Credit Suisse qui dégagerait 800 millions des 317 milliards de dépôts enregistrés à la fin du premier trimestre. De manière plus générale, Les banques centrées sur la gestion de fortune bénéficieront de la hausse des taux et elles gagneront en revenus sur les portefeuilles d’investissement et les prêts Lombard, selon Daniel Pfister et Guido Versondert d’Independent Credit View. Mais «certaines banques pourraient éprouver de la difficulté à exploiter la hausse des taux si elles sont chargées de lourds portefeuilles hypothécaires révisables tous les cinq ou dix ans» expliquent Daniel Pfister et Guido Versondert. «Surtout si elles n’ont pas pris de précautions suffisantes pour couvrir le risque de transformation et que l’asymétrie des échéances est mal couverte» ajoute Yann Goffinet, analyste des actions du secteur financier, chez Pictet. Ce qu’il estime probable dans le cas de certaines banques régionales. Hausse des taux signifie presque automatiquement baisse de la valeur de l’immobilier car la demande se fait plus rare. Entre, fléchissement de la valeur des biens sur laquelle sont adossés les hypothèques et difficultés croissantes des emprunteurs à rembourser des intérêts en hausse, la qualité des portefeuilles risque de s’amoindrir. «A moyen et longterme, les taux plus élevés peuvent causer une baisse de la qualité des actifs, une hausse de la probabilité de défaut. Un coût croissant du risque de crédit que nous pensons être inhérent à un certain nombre de bilans bancaires suisses» confirment Daniel Pfister et Guido Versondert. Les produits indexés (sur le Libor ou autres taux de référence) apporteront des marges supplémentaires mais les prêts aux entreprises dépendront de la croissance. Si elle se maintient, ces dernières seront amenées à investir et donc à emprunter. La hausse des taux est généralement interprétée comme un signal de croissance. A moins de se trouver dans le pire cas de figure: une hausse des taux accompagnées d’une déflation- comme en Italie ou en Espagne en raison de la crise européenne -, un scénario dont la probabilité est faible en Suisse. Par contre, les portefeuilles obligataires souffriront et cette dété- rioration se verra rapidement sur les bilans des banques qui les valorisent au prix du marché. «La dette à long terme de 1e classe en francs suisses pourraient, en cas de hausse probable des taux d`intérêt, faire partie des titres à taux fixe qui souffriraient le plus. Cela vaut en particulier pour les emprunts qui ne sont pas assurés contre les variations monétaires», relevait il y a quelques jours le CIO d’UBS, Alexander Friedman. A noter, cette détérioration ne sera pas nécessairement visible sur le bilan des banques dont les normes comptables les autorisent à réescompter les titres détenus jusqu’à leur échéance (HTM: Held to Maturity). La hausse devrait également affecter négativement les fonds propres. Il est certain que les banques ne pourront gagner sur tous les fronts et que la marge totale dépend de la structure du bilan. En tout état de cause, les résultats semestriels qui seront publiés la semaine prochaine ne devraient pas encore réellement refléter une hausse des taux encore trop récente. CERTAINES BANQUES POURRAIENT ÉPROUVER DES DIFFICULTÉS SI ELLES SONT CHARGÉES DE LOURDS PORTEFEUILLES HYPOTHÉCAIRES. Le niveau de rentabilité préservé par un volume d’activité soutenu BCN. La banque a réalisé un bénéfice net de 21 millions de francs en hausse de 5% sur un an au premier semestre. La Banque cantonale neuchâteloise (BCN) a réalisé au premier semestre 2013 un bénéfice net de 21 millions de francs, en hausse de 5% sur un an, a-t-elle annoncé hier. L’établissement bancaire escompte une «augmentation à un chiffre» du bénéfice pour l’exercice 2013 même si le deuxième semestre s’annonce moins solide, a indiqué son directeur général Jean-Noël Duc. «Nous avons été surpris en bien par les chiffres du premier semestre», a ajouté JeanNoël Duc. «Nous sommes très satisfaits des résultats réalisés dans un contexte difficile et alors que les produits d’intérêt, notre principal segment, ont diminué», a-til déclaré. Jean-Noël Duc attribue cette baisse non pas à une diminution des nouvelles hypothèques mais «à des taux plus bas dans le renouvellement des hypothèques anciennes». «Si les taux restent inchangés, cela pourrait peser sur nos marges à l’avenir», a-t-il précisé. Le bénéfice brut s’inscrit à 33,8 millions de francs, en hausse de 8,8% sur un an. Le niveau de rentabilité a été préservé en raison d’un volume d’activité soutenu, d’une augmentation des revenus du Private banking (opérations de commissions) et d’une réduction des coûts, selon la banque. La somme du bilan croît de 6% par rapport à fin 2012 pour s’établir à 9 milliards de francs. Les fonds déposés par la clientèle se chiffrent à 5,7 milliards de francs, en augmentation de 4,6%. Les crédits hypothécaires ont augmenté de 3,1% par rapport à fin 2012 pour s’établir à 1,2 milliard de francs. Les prêts à la clientèle commerciale augmentent de 5,8% pour atteindre 6,3 milliards de francs. Dans ce poste, l’augmentation se chiffre à «79 millions, soit 7,9% si l’on prend en compte uniquement les entreprises», a précisé son directeur général. La BCN conserve «une stra- tégie neuchâteloise» en s’adressant prioritairement aux résidents du canton et à leurs investissements, a indiqué Jean-Noël Duc. D’où l’accent mis sur les opérations hypothécaires et les prêts accordés à la clientèle commerciale. «Notre ambition pour les cinq ans à venir est de doubler les prêts: nous voulons être présents pour les PME», a déclaré Jean-Noël Duc. D’où une volonté de gagner des parts de marché dans ce secteur, avec par exemple, «un produit destiné au PME». «Nous prenons plus de risques par exemple dans les cas de rachat de l’entreprise par les cadres, en demandant moins de fonds propres et en tablant sur la personnalité des entrepreneurs», a indiqué Jean-Noël Duc. Le produit d’exploitation a augmenté de 3,8% sur un an à 64 millions de francs. Dans le détail, les produits d’intérêts ont reculé de 2,3% à 44,4 millions de francs, alors que les opérations de négoce ont baissé de 7,2% à 4,5 millions de francs. Les recettes tirées des opérations de commissions ont bondi de 11,9% à 11,6 millions de francs. «Nous avons plusieurs opérations inté- ressantes et encaissé de bonnes commissions», a précisé JeanNoël Duc. L’objectif de la BCN vise à ce que «le Private banking représente 20% des revenus», a-til indiqué. La BCN dispose de 600 mandats de gestion et collabore avec la Banque cantonale zurichoise dans ce domaine. Au niveau des charges, les coûts d’exploitation ont baissé de 1,4%, démontrant «l’efficacité de la politique de maîtrise des coûts». Enfin, l’établissement bancaire a alloué un montant de 8,3 millions de francs à la réserve pour risques bancaires généraux contre 4,3 mio en 2012. Mais le montant des correctifs de valeur, provisions et pertes, qui prendrait en compte une éventuelle amende, ne s’établit qu’à 128.000 francs. «Nous ne sommes pas concernés par le conflit fiscal avec les Etats-Unis», a conclu Jean-Noël Duc. LE PRIVATE BANKING REPRÉSENTE 20% DES REVENUS SELON JEAN-NOËL DUC. Le Tribunal fédéral rejette le recours DIFFÉREND. Norinvest Holding contestait le résultat de la procédure arbitrale rendue le 8 mars 2013. IAN HAMEL En quelques lignes, par un arrêt du 15 juillet 2013, la Cour de droit civil du Tribunal fédéral rejette le recours, déposé par Norinvest Holding SA, contre la sentence rendue le 8 mars 2013 par le Tribunal arbitral, siégeant sous l’égide de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève. Par ailleurs, Norinvest devra verser aux «intimés, créanciers solidaires », une indemnité de 50.000 francs à titre de dépens. L’affaire remonte à 2010, Norinvest Holding (NIH), qui a acquis l’année précédente la Banque de Patrimoines Privés Genève (BPG), déclare que les actifs en gestion n’atteindraient pas 1,4 milliard de francs, mais moins de 600 millions. Sur le montant de la transaction (46,2 millions de francs), 22,7 millions sont alors déposés sur un compte «séquestre». Dans sa sentence, en mars dernier, le Tribunal arbitral ordonnait que NIH libère la somme bloquée sur le compte «séquestre» et y ajoute un solde de prix de vente de 7,6 millions de francs. Ce paiement complémentaire porte ainsi le prix de vente total de la BPG à 53,8 millions de francs. WEGELIN: repentir de Konrad Hummler La banque privée Wegelin a fait naufrage pour n’avoir pas vu venir les changements qui se dessinaient dans les affaires bancaires, estime Konrad Hummler. L’ancien associé-gérant principal de l’établissement reconnaît aussi des erreurs, et admet qu’il s’est surestimé. Dans une interview à la Weltwoche parue hier, M. Wegelin dit qu’existait «un sentiment d’invulnérabilité». Comme patron, sa part de responsabilité est de «100 pourcent». Il ajoute avoir sous-estimé le danger des sanctions américaines. La banque Wegelin n’a pas réalisé qu’en prenant part au système financier lié au dollar, elle devait de facto se soumettre à la législation américaine. Elle n’a pas su voir qu’une menace de plainte des autorités des EtatsUnis pouvait suffire à envoyer une banque suisse dans l’au-delà, explique M. Hummler. Dans cette interview, il ne conteste par ailleurs pas que la banque Wegelin a utilisé les différences entre les législations américaine et suisse pour réaliser des affaires. Son établissement a continué à opérer dans la conviction de la souveraineté de l’Etat de droit sur son propre territoire, alors même que les standards légaux suivaient la voie d’une globalisation rapide. La banque privée s’était sabordée le 27 janvier 2012.