Effectifs: travail et présence dans les locaux de l`entreprise utilisatrice

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Effectifs: travail et présence dans les locaux de
l’entreprise utilisatrice
le 7 mai 2010
SOCIAL
Ne sont pas intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail, les salariés qui
n’étaient pas mis à la disposition exclusive de l’entreprise utilisatrice et ne se rendaient que
ponctuellement dans ses locaux.
Soc. 14avr. 2010, FS-P+B, n°09-60.367
La notion d’intégration étroite et permanente à la collectivité des travailleurs a permis de prendre
en compte certains salariés mis à disposition dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice (Soc. 1er
avr. 2008, Bull. civ. V, no 76) mais également de les rendre électeurs au sein de cette dernière
(Soc. 28 févr. 2007, Bull. civ. V, no 34 ; D. 2007. AJ 946 ; ibid. Pan. 2261, obs. Pélissier ; RDT
2007. 229, note Morin ). Ses contours ayant été considérés comme incertains, le législateur est
intervenu afin d’en préciser les critères. La loi no 2008-789 du 20 août 2008 a notamment modifié
les dispositions de l’article L. 1111-2 du code du travail relatif au décompte des effectifs de
l’entreprise en exigeant, pour ce faire, que le salarié mis à disposition ait été présent dans les
locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaille depuis au moins un an.
Restait à savoir de quelle manière la Cour de cassation allait faire application des nouvelles
exigences légales. Le présent arrêt fournit à cette question quelques éléments de réponse. Il
s’agissait en l’espèce d’une société commissionnaire de transport qui, pour ses activités de
transporteur, faisait appel à des sociétés sous-traitantes. Les salariés de cette dernière étaient mis
à disposition de la première et étaient donc amenés à pénétrer dans ses locaux. La chambre sociale
refuse toutefois d’y voir les signes d’une intégration à la communauté de travail et de prendre en
considération ces salariés dans le calcul de l’effectif de la société commissionnaire.
La Cour énonce, dans un premier temps, la définition de cette intégration. Sont intégrés de façon
étroite et permanente à la communauté de travail, les travailleurs mis à disposition par une
entreprise extérieure qui, abstraction faite du lien de subordination qui subsiste avec leur
employeur, sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice depuis au moins un an,
partageant ainsi des conditions de travail en partie communes susceptibles de générer des intérêts
communs. La Cour rappelle les deux critères de l’intégration, à savoir l’accomplissement d’un
travail au profit de l’entreprise depuis une certaine durée et la présence dans les locaux. Ceux-ci
voient leur formulation légèrement modifiée depuis la dernière décision rendue par la chambre
sociale (Soc. 13 nov. 2008, Bull. civ. V, no 219 ; Sem. soc. Lamy 2008, no 1375, p. 10, note
A. Lyon-Caen). Déjà, la Cour avait procédé à une adaptation, eu égard à la loi de 2008, mais sans
en appliquer l’exacte teneur (A. Lyon-Caen, note préc.). Statuant ici sous l’empire de la loi nouvelle,
elle reprend donc à son compte la durée d’un an de présence dans les locaux et de travail dans
l’entreprise. Ce travail n’est pas mentionné en tant que tel dans les motifs de l’arrêt mais est
sous-entendu dans l’exigence d’une mise à disposition.
La Cour vérifie, dans un second temps, si l’intégration est caractérisée. Les deux critères sont
successivement examinés. Concernant la présence dans les locaux, les juges relèvent que les
salariés du sous-traitant ne se rendaient que ponctuellement dans les locaux de la société
commissionnaire où se trouvaient les marchandises et les documents administratifs nécessaires à
l’accomplissement de leur transport. Par là, n’est pas exigé pour autant que, à l’instar des
conditions d’électorat et d’éligibilité (art. L. 2314-18-1 et L. 2324-17-1 c. trav.), la présence dans
l’entreprise utilisatrice soit continue. Il faut qu’elle soit d’abord réelle et suffisante. La présence
n’étant que ponctuelle, aucune intégration à la communauté de travail ne pouvait avoir lieu. Cela
aura probablement pour conséquence d’exclure les salariés ex situ qui ne se rendent dans les
locaux que pour retirer le matériel nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches. Il est, en
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revanche, difficile de se prononcer, pour le moment, sur la position qui sera adoptée par la Cour
pour le personnel assurant le ménage au sein des locaux de l’entreprise utilisatrice seulement
quelques heures dans une journée. Concernant le travail dans l’entreprise, les juges constatent que
les salariés concernés n’étaient pas mis à la disposition exclusive de l’entreprise utilisatrice mais
travaillaient indifféremment pour plusieurs transporteurs. Le travail des salariés mis à disposition
ne doit donc être effectué que pour le compte de l’entreprise utilisatrice. Cela vient utilement
compléter l’arrêt selon lequel l’accomplissement permanent d’une tâche par des salariés mis à
disposition au profit de l’entreprise utilisatrice participe à leur intégration dans la communauté de
travail (Soc. 1er avr. 2008, préc.). Cependant, il faut espérer que l’exclusivité ici exigée ne le soit
pas de manière systématique et ne tienne lieu que d’indice. Le risque serait d’exclure de la
communauté de travail certains salariés mis à disposition pourtant placés dans une situation
similaire à celle dans laquelle se trouvent des salariés de l’entreprise utilisatrice. Ceux-ci peuvent
en effet travailler à temps partiel au sein de cette dernière tout en occupant un emploi identique
auprès d’un autre employeur et être décomptés dans les effectifs des deux entreprises. Si
l’exclusivité implique assurément une intégration étroite, l’absence d’exclusivité ne l’exclut pas
nécessairement.
par B. Inès
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