du programme Twize

publicité
Université de Provence Aix-Marseille 1
Département d’Anthropologie
MASTER PROFESSIONNEL
« Anthropologie & Métiers du Développement durable »
ETH.R11
Mémoire de recherche bibliographique
La capitalisation de l’équipe « Appui aux activités
communautaires » du programme Twize
Contribution des outils de l’anthropologie à l’émergence d’un métier du
développement
LAETITIA MORLAT
Directeur : Philippe Lavigne Delville
2006 – 2007
REMERCIEMENTS
J’adresse mes sincères remerciements à toutes les personnes qui ont contribué la
réalisation de ce travail.
Mamadou Gacko, Chérif ould Brahim, Thierno Bâ, Abderahmane Ndiaye, Dado Ndiaye,
Cheikh Tijane Kelly, Mohamed Djibi Sow, Houlèye Tall, pour leur grande disponibilité, leur
implication et leur sympathie.
Moussa Abdoulaye pour son aide, son soutien et son accompagnement tout au long du
travail.
Emilie Barrau pour son excellent encadrement, son accompagnement régulier, la
précision et la justesse de ses conseils, la rapidité de ses réactions.
Philippe Lavigne Delville pour ses précieux conseils méthodologiques et la profondeur de
ses questionnements lors du stage, dans la rédaction de la publication de la capitalisation
et dans la réalisation de ce mémoire.
Christophe Hennart pour le temps qu’il m’a accordé, nos échanges, ses conseils, ses
corrections et remarques.
Annick Mauro pour son éclairage sur l’animation et les questions de professionnalisation.
Toute ma reconnaissance pour son aimable appui en dépit de ses difficultés de santé.
Anne Sophie Casteigt pour son écoute, la pertinence de ses conseils, son soutien
quotidien, son amitié.
Igor, Khalil et Cilia pour leur professionnalisme dans l’amitié.
Et aussi …. Guillaum e, Samuel, Ata, Youssouf, Ablaye, Bénédicte, Hélène, Bébé et la petite
souris, Oliver, Katleen, Alexis, Céline, Lalla, Mariem, Salimata, Sow qui ont fait de ces cinq
mois en Mauritanie un moment inoubliable.
Un immense merci à Marie-Thé, Gérard et Loulou pour leur amour, leur soutien et leur
confiance.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
1
SOMMAIRE
Remerciements
Sommaire
Sigles et abreviations
Introduction
PARTIE 1 L’équipe AAC : des animateurs en manque de reconnaissance
professionnelle
I. L’animation dans le développement urbain en Mauritanie
II. L’équipe AAC dans un monde du développement professionnalisé
III.
La capitalisation : un moment tant attendu
PARTIE 2 Le processus de co-production d’une connaissance sur les activités
d’animation
I. Chacun ses rôles : positionnement des acteurs et production de connaissances
II. Décomposition du processus de maïeutique : formaliser l’informel
III. La capitalisation : un moment de formation ?
PARTIE Quelques traits du travail d’animation au sein de Twize
I. Les microprojets communautaires dans leur contexte social
II. Dimension publique de l’action et relations aux autorités locales
III. L’animation au service d’un projet de développement
Conclusion
Bibliographie
Table des matières
Annexes
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
1
2
3
4
15
16
23
32
37
38
44
57
63
64
71
77
87
90
94
96
2
SIGLES ET ABREVIATIONS
AAC
Appui aux activités communautaires
ADU
Agence de développement urbain
CDHLCPI
l’insertion
Commissariat aux droits de l’Homme, à la lutte contre la pauvreté et à
CUN
Communauté urbaine de Nouakchott
DAT
Développement institutionnel, acteurs et territoires
FRD
Fonds régional de développement
Gret
Groupe de recherche et d’échanges technologiques
PDQ
Plans de développement des quartiers
Pnud
Programme des Nations Unies pour le développement
PRDS
Parti républicain démocratique et social
Unicef
United Nations International Children’s Emergency Fund
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
3
INTRODUCTION
« Sur des kilomètres le long des deux voies bitumées et à
perte de vue sur les dunes, comme des champignons ont
poussé, des maisonnettes grandes comme des boîtes
d’allumettes, des baraques lilliputiennes, des tentes
informes… disposées à la diable en un tableau indescriptible.
Depuis des semaines, matin et soir, tout ce qui roule est mis à
contribution pour porter la logistique d’une véritable
conquête foncière : baraques toutes prêtes, planches (…) »
NOUAKCHOTT : UN MIRAGE EN PLEIN DESERT1
?
Partie de rien, ou plutôt de quelques tentes et d’un poste de contrôle en 1960, la ville de
Nouakchott, capitale de la Mauritanie rassemble aujourd’hui près d’un tiers de la
population du pays. Depuis les années 1970, les flux migratoires en provenance de
l’intérieur du pays n’ont pas cessé. Poussés à rejoindre la capitale à cause de la sécheresse,
c’est par quartiers entiers que les Mauritaniens viennent peupler la ville. Des zones se
couvrent donc à une vitesse vertigineuse de petites baraques en bois et de maisons en
parpaings et deviennent ce que l’on appelle communément des « kebbe 2 .» Non préparés à
une telle affluence, les pouvoirs publics réagissent à coup de recasement des habitants
illégaux des kebbe dans des zones périphériques où ils leur attribuent des terrains. D’autres
espaces de la ville, définis comme des zones à lotir, ont été investis illégalement, ce qui
leur donne le nom de « gazra 3 », par des habitants cherchant à devenir propriétaires.
Les kebbe, les gasra, les zones de recasement, quelque soit leur nom et leur statut foncier,
sont des parties de la ville en manque cruel d’équipements et d’infrastructures urbaines.
Elles ne sont pas desservies par les réseaux de transport collectif. L’électricité n’y est pas
présente et l’éclairage se fait avec les moyens du bord : fils tirés à même le sol, bougies,
lampes à pétrole. L’eau est acheminée depuis les bornes fontaine jusqu’aux habitations par
des charretiers à un coût nettement plus élevé que dans les quartiers du centre. Les postes
de santé sont éloignés et ont une capacité d’accueil et de traitement des cas bien inférieure
aux besoins. Les services de collecte des ordures ménagères sont quasiment inexistants et
les détritus s’amoncèlent dans les espaces vides. Les quartiers périphériques de la ville
dégagent souvent un sentiment d’abandon, d’isolement. Les habitations surgissent ça et là,
faites de bric et de broc, sans un arbre pour abriter ses occupants, sans une allée pour y
1
Choplin, p. 8
Terme hassaniya qui signifie dépotoir, lieu d’entassement des ordures.
3
Terme hassaniya qui signifie « occuper par la force ».
2
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
4
conduire, sans une touche de décoration pour les embellir. Elles sont de simples abris de
fortune pour des familles entières. Ces familles sont le plus souvent nombreuses et, pour
beaucoup d’entre elles, monoparentales avec une femme à leur tête. Les habitants de ces
quartiers dépensent en moyenne entre deux et trois euros par jour pour l’alimentation quasi
exclusivement.
Dans ce contexte de grande pauvreté, les réseaux de solidarité sont les seuls recours des
individus pour survivre. Si les déplacements ont profondément modifié la nature du lien
social, la relation de protection entre ceux qui ont des moyens matériels, financiers, mais
aussi symboliques ou politiques, et les plus démunis fonctionne activement. Elle contribue
d’ailleurs à créer, dans ces nouveaux territoires, des figures de leadership parmi des
individus qui s’improvisent porte-parole de leurs quartiers auprès des institutions.
?
« TWIZE »
Inspiré par les formes de solidarité à la mauritanienne, le programme Twize 4 est un
programme de développement urbain mis en œuvre par le Groupe de Recherche et
d’Echanges
Technologiques
(Gret),
une
association
française
disposant
d’une
représentation permanente en Mauritanie. Il est tout d’abord lancé sous une forme pilote en
1999 dans le quartier de Dar El Beïda à Nouakchott. En 2002, il devient un programme de
développement urbain intégré, organisé en quatre composantes, et financé par le
Commissariat aux droits de l’Homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion
(CDHLCPI) et le Programme de Développement Urbain (Banque mondiale). Son objectif
est de lutter contre la pauvreté, dans les villes de Nouakcho tt et de Nouadhibou, en
favorisant l’accès de la population des quartiers périphériques de ces villes à un habitat
social en dur. Sept quartiers sont concernés dans la capitale et quatre à Nouadhibou5 .
4
Terme hassaniya correspondant à un travail collectif solidaire, souvent réalisé par des membres de même
sexe et de même catégorie sociale.
5
A Nouakchott, les quartiers concernés sont Basra, Couva, Dar El Beïda, Médina, Nezaha, Saada, Teissir. A
Nouadhibou, il s’agit de Voum Elbase, Sale Elbase, Dar Es selam, Hay Salem.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
5
H. Baril (à partir d’une carte éditée par la CUN, 2002)
Au départ centré sur une association du microcrédit et de l’habitat, le programme Twize
fonctionnait avec des agents de terrain à la fois animateurs, agents de crédit et chefs de
chantier. A partir de 2002, il prend une forme intégrée et se divise en plusieurs
composantes correspondant à différentes facettes de la pauvreté en milieu urbain. La
composante Habitat a pour but de contribuer à la définition d’une politique de l’habitat
social en Mauritanie. Elle propose un habitat qui se veut accessible et adapté aux
populations pauvres et dont la maîtrise d’œuvre est confiée aux acteurs de la filière BTP
mauritanienne en vue de contribuer à sa structuration. Il comporte trois autres composantes
destinées à travailler en complémentarité tout en poursuivant leurs propres objectifs. La
composante Microfinance propose aux familles souhaitant construire des crédits à l’habitat
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
6
qui viennent compléter la subvention étatique 6 et leur apport financier. Elle offre aussi des
microcrédits aux activités économiques pour favoriser le développement d’activités
génératrices de revenus dans ces quartiers. Une composante formation est dédiée au
renforcement des compétences des individus grâce à une offre de sessions de formation et
des opportunités d’apprentissage dans des domaines variés tels que la teinture, la couture,
la gestion financière et associative, l’électricité, la soudure, la mécanique, etc.
La composante Appui aux activités communautaires et projets de quartier (AAC) a pour
vocation d’appuyer le s initiatives des habitants en accompagnant leurs efforts
d’organisation en coopératives, associations, comités et de mise en œuvre de projets de
quartier. L’équipe AAC est composée de neuf personnes : sept conseillers de quartier, plus
communément appelés animateurs, sont chacun installés dans un quartier d’intervention du
programme. Ils sont encadrés par un chef conseiller quartier, qui supervise l’ensemble des
activités d’animation réalisées par la composante, un chef conseiller projet responsable du
travail d’accompagnement des microprojets et un chef de composante. Les activités de
l’équipe AAC sont diverses. Elles se divisent en deux grandes catégories. La première
rassemble des activités permettant à la composante d’atteindre ses objectifs propres. Il
s’agit d’un travail de structuration des groupes d’habitants afin que ceux-ci s’organisent en
coopératives, en associations, en comités capables de démarrer des activités génératrices de
revenus ou de mettre en œuvre des microprojets destinés à améliorer les conditions de vie
dans le quartier (collecte de ordures ménagères, réhabilitation d’écoles, ouverture de
jardins d’enfants, de centre d’activités économiques, approvisionnement en eau, etc.) La
seconde catégorie d’activités est destinée à appuyer les autres composantes du programme
dans leurs activités. Les animateurs de la composante AAC sont des intermédiaires entre le
programme et les habitants et réalisent notamment un important travail de communication
sur le programme dans les quartiers. Leur travail est essentiellement de l’ordre du
relationnel. Les animateurs ont pour vocation d’être, pour le programme Twize, les
premiers interlocuteurs des habitants avant les agents de crédits et les autres agents
intervenant dans les quartiers. Ils ont une position d’interface qui a la caractéristique de se
décliner en une multitude d’activités.
6
Elle s’élève à 50% environ du montant total d’un module d’habitat social.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
7
?
CAPITALISER L’EXPERIENCE DES ANIMATEURS
Cette multiplicité rend l’action de la composante difficile à comprendre de l’extérieur. Les
autres composantes, mais également les bailleurs de fonds, cernent mal sa spécificité, son
utilité, sa démarche. Après quatre années d’activité et à moins d’un an de la fin du
programme Twize, l’équipe a donc formulé le souhait de réaliser un travail de
capitalisation qui a été relayé par le siège du Gret à Paris, intéressé par une étude sur les
pratiques des animateurs. Le recrutement d’un stagiaire a été décidé car ce statut permettait
à l’organisation de répondre aux diverses contraintes qui s’imposent à ce travail. La
capitalisation est un processus qui nécessite plusieurs mois d’étude. L’envoi d’un expert
interne ou extérieur au Gret est donc impossible pour des raisons financières et de
disponibilité7 .
Le rôle de la stagiaire a été énoncé ainsi dans les termes de référence du stage : « [elle] est
la cheville ouvrière de la capitalisation. Elle coordonne et accompagne l’équipe
d’animation dans son travail de bilan de leurs pratiques. Elle est une sorte d’ensemblier de
la réflexion de chacun et rédacteur des produits finis 8 . » Pour cela, elle a pu recevoir un
double appui : celui d’Emilie Barrau, base arrière de l’équipe AAC sein du pôle
Développement institutionnel, acteurs et territoires (DAT) au siège du Gret et celui de
Philippe Lavigne Delville, directeur scientifique. Les objectifs de la capitalisation sont
ainsi définis dans le cahier des charges 9 :
? Mener un bilan critique de la démarche et des pratiques de la composante AAC en
termes d’acquis et de limites
? Donner une lisibilité aux activités de la composante et analyser la pertinence d’une
composante de développement local dans un programme sectoriel
? Réaliser des recommandations opérationnelles pour améliorer les pratiques et
méthodes de l’animateur
? Mener une réflexion prospective sur le positionnement d’une composante d’animation
sociale dans les quartiers périphériques au-delà du programme TWIZE
La démarche méthodologique est double : « elle mêle une dimension auto-évaluative
réalisée par les animateurs et une dimension « d’extériorité » pour une partie du travail de
la stagiaire 10 . » Plus précisément, le travail de capitalisation est basé sur trois temps qui
sont aussi trois principes transversaux à l’ensemble des activités et qui se justifient par la
7
Dans le monde du développement, les consultants réalisent en général des missions allant d’une à trois
semaines et leur coût s’élève à plusieurs centaines d’euros par jour pour l’organisme qui fait appel à eux.
Cette estimation comprend l’ensemble des charges versées par l’organisation qui a recours au consultant.
8
Cf. Annexe 4 : Termes de référence du stage, p. 100
9
Cf. Annexe 5 : Cahier des charges de la capitalisation, p. 103
10
Idem
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
8
présence d’une personne extérieure au sein de l’équipe. Sa distance naturelle vis-à-vis de
l’action doit lui permettre d’engager un dialogue avec l’équipe sur leurs pratiques
professionnelles. Il s’agit, dans un premier temps, de susciter la réflexion, d’impulser une
prise de recul, de provoquer l’expression, l’explication des animateurs sur les méthodes,
leurs outils, leurs pratiques. Simultanément, la stagiaire doit travailler à se forger une
vision des pratiques des animateurs et de leur insertion dans les quartiers d’intervention du
programme. Elle le fait par des enquêtes de terrain menées dans les quartiers et sur les
différents sites d’intervention de l’équipe AAC dans le but de proposer une première
analyse de son activité et d’approfondir encore la réflexion de ses membres. Enfin, des
séances de discussion et de débats doivent permettent l’échange et la confrontation sur des
visions devant aboutir à une analyse collectivement validée.
Déroulement de la capitalisation et activités
ETAPE 1 : Constitution d’un cahier des charges validé par les acteurs concernés
Activités : définition de la méthodologie et réalisation d’un chronogramme
Participants : Equipe AAC, Emilie Barrau, Laetitia Morlat
ETAPE 2 : Mise en œuvre de la méthodologie
Activités : bilans, états des lieux, entretiens individuels avec les animateurs, enquêtes de
terrain dans les quartiers
Participants : Equipe AAC, Laetitia Morlat
ETAPE 3 : Analyse et rédaction
Laetitia Morlat
ETAPE 4 : Discussion et validation
Activités : présentation de l’analyse, débat, approfondissement, validation du contenu
Participants : Equipe AAC, Laetitia Morlat
ETAPE 5 : Restitution finale
Activité : Présentation des résultats de la capitalisation
Participants : l’ensemble des membres du Gret en Mauritanie
ETAPE 6 : Finalisation du document et publication
Emilie Barrau, Philippe Lavigne Delville, Laetitia Morlat, l’équipe des éditions du Gret
?
CAPITALISER QUOI ET POURQUOI ? QUELQUES DEFINITIONS
La notion de capitalisation.
La capitalisation est une activité récente dans le monde du
développement mais certainement destinée à se développer compte tenu du nombre et de la
diversité des interventions, de la variété des démarches et du très faible partage des
expériences. L’analyse de l’expérience est ce qui pourrait définir le plus simplement
possible la capitalisation. Plus précisément, c’est « le passage de l’expérience à la
connaissance partageable. » (De Zutter) C’est un travail de formalisation d’activités
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
9
informelles, intuitives, naturelles dans le but de les diffuser, de les faire connaître. Le
passage de l’implicite à l’explicite n’est pas évident. Il se fait par un « processus
d’externalisation de la connaissance tacite. » (Lavigne Delville, 2004, p.8) C’est également
un travail organisé qui comprend différents volets ou exercices. Si capitaliser c’est prendre
du recul sur un travail opérationnel, c’est aussi le faire avec un objectif clair et donc la
formulation d’une problématique à laquelle on souhaite apporter une réponse. Dans un
souci d’objectivité et de crédibilité vis-à-vis de l’extérieur, la capitalisation comprend une
part d’évaluation et de questionnement des choix, des stratégies d’action et de la démarche.
Ce travail a ainsi une double finalité : le dégagement de recommandations ou de leçons
pour l’avenir et la réalisation d’un document de communication du contenu de la
capitalisation. Destinée à valoriser une activité, la capitalisation n’est pas une évaluation.
Elle ne doit pas aboutir à porter un jugement de valeur. Il est, en revanche, nécessaire
qu’elle s’appuie sur une démarche rigoureuse d’enquêtes et d’analyse. Ainsi, si la
capitalisation n’est pas une recherche scientifique, elle tente de répondre à l’exigence
d’objectivité en puisant dans les outils de la recherche en sciences sociales.
Les objets de la capitalisation.
La capitalisation tente de mettre en mots, de définir le
contenu d’une expérience. Elle porte donc sur des activités, c'est-à-dire des actions
réalisées par des individus dans un domaine défini. Plus largement, elle cherche à cerner
des pratiques, c’est-à-dire des manières concrètes d’exercer une activité 11 , les procédures,
les règles suivies, la méthodologie mais aussi les habitudes diverses, etc. Au coeur de ces
pratiques, un certain nombre de savoirs peuvent être identifiés, c’est-à-dire des ensembles
de connaissances. Par connaissance, il faut entendre une idée exacte d’une réalité, de sa
situation, de son sens, de ses caractères, de son fonctionnement 12 . Les savoir- faire sont
alors des capacités à mobiliser des savoirs en situation, ce qui correspond également à la
définition de la compétence. La compétence est une habilité à reproduire l’exercice de
capacités dans des environneme nts et des conditions diverses pour aboutir au résultat
attendu.
De la capitalisation à la professionnalisation.
L’ensemble des pratiques et des
compétences détenues par un groupe d’individus participent à la définition d’une
profession. La capitalisation peut donc avoir pour vocation de contribuer à la définition ou
11
12
Définition tirée du dictionnaire de la langue française Le Petit Robert.
Définition tirée du dictionnaire de la langue française Hachette.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
10
à la réaffirmation des caractéristiques d’une profession. En effet, une profession ne se
définit pas uniquement par le contenu de ses activités, la formation qui lui correspond et le
savoir scientifique qu’elle mobilise. Elle est également un groupe social porteur de valeurs
et d’une vision du monde qui lui est propre et qu’elle cherche à promouvoir pour se faire
reconnaître comme telle auprès des institutions ou à défendre vis-à-vis d’autres corps de
métier. (Dubar, 1998) Les activités d’animation telles qu’elles sont pratiquées par la
composante AAC au sein du programme Twize n’ont pas encore acquis, en Mauritanie, le
statut de profession. Elles appartiennent cependant à un ou des champs professionnels plus
larges qui sont des réservoirs de références et apportent un éclairage lors de la
capitalisation. En France, le champ du travail social est une nébuleuse de métiers dont fait
partie le travail d’animation. Dans les pays du sud, les interventions en faveur du
développement sont de plus en plus normalisées ce qui pousse à parler de l’émergence
d’un champ professionnel de l’humanitaire (Dauvin & Siméant) dans lequel pourraient
s’inscrire l’équipe AAC au même titre que l’ensemble des membres du programme Twize.
?
LA SOCIO-ANTHROPOLOGIE COMME CADRE THEORIQUE
L’adoption d’une approche socio-anthropologique pour comprendre l’émergence d’une
profession dans le cadre complexe que constitue une situation de développement semble
donc trouver une multiple justification. La capitalisation de la composante AAC n’est pas
une activité ad hoc décidée par les membres de l’équipe par simple curiosité. Elle est une
étape dans la constitution du travail d’animation en profession. En ce sens, elle peut être
éclairée par la sociologie interactionniste de E. Hughes, H. Becker ou A. Strauss, qui
comprend les professions comme des processus. Pour ces sociologues de l’école de
Chicago, une profession n’est pas une entité figée mais un processus biographique, une
« forme d’accomplissement de soi. » (Dubar, 1998) Les professions sont donc des lieux de
socialisation c’est-à-dire d’intégration d’une culture professionnelle et, par conséquent,
trava illent, dans leurs interactions avec d’autres professions, à défendre leur identité, leurs
représentations du monde et leurs pratiques professionnelles dans le but de revendiquer
leur légitimité à exercer leur activité. (Dubar, 2000) La sociologie interactionniste des
professions a donc beaucoup étudié les phénomènes de « fabrication » des professions de
concierge, musiciens, enseignants, médecins, boxeurs et les ressorts activés par leurs
membres pour se faire reconnaître comme tel.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
11
La formation de la profession d’animateur qui nous intéresse ici se fait dans le contexte
particulier du monde du développement en Mauritanie. En effet, ces animateurs sont
essentiellement des membres des équipes d’ONG de développement urbain. Leurs
pratiques s’inscrivent dans un contexte complexe où de multiples acteurs entrent en
relation pour la réalisation d’interventions de développement. L’anthropologie du
développement par son approche orientée sur ces acteurs constitue donc un second
éclairage particulièrement approprié pour cerner ce que peut recouvrir le travail de l’équipe
AAC. Sa démarche a été ainsi définie par J.P. Olivier de Sardan (2005) :
« dans un domaine (le développement) saturé de points de
vue moraux et normatifs (« pour » ou « contre » le
développement)
cette
nouvelle
anthropologie
du
développement, clairement transnationale, donnera au
contraire le primat à l’enquête, refusera autant que possible
les a priori moraux ou idéologiques, et utilisera la gamme des
méthodes de terrain habituelles de l’ethnologie pour étudier
simultanément les institutions de développement et les
populations auxquelles elles s’adressent, les interactions entre
« développeurs » et « développés », et les stratégies d’acteurs
appartenant à des mondes sociaux très variés mis en
relations par les pratiques et les politiques de
développement. »
L’anthropologie du développement, née dans les années 1980, est une branche de
l’anthropologie qui se caractérise par l’étude des situations de développement. Elle part du
postulat selon lequel, à l’heure actuelle, on ne peut étudier les sociétés du sud sans avoir à
considérer les interventions de développement réalisées, appuyées, financées par une
multitude d’opérateurs que sont les ONG, les organisations intergouvernementales, les
Etats, les services décentralisés, etc. Dans la lignée de l’école sociologie de Manchester,
l’anthropologie du développement a adopté une approche centrée sur les interactions et les
réseaux d’acteurs. Elle considère le développement comme le champ d’un déploiement de
logiques et d’intérêts par tous les acteurs qui se disent concernés : les bailleurs de fonds des
dispositifs de développement, les ONG mettant en œuvre les projets, les agents au sein des
organisations, expatriés ou nationaux, les membres de la population ciblée par ces
dispositifs, etc. Pour les anthropologues du développement, chacun de ces acteurs ou
groupes d’acteurs, y compris la population, dispose de capacités à agir pour retirer des
profits des dispositifs de développement en fonction de ses intérêts propres. Les projets
peuvent ainsi être assimilés à des arènes où se confrontent ces intérêts et où s’identifient
leurs réelles conditions de mise en œuvre. (Bierschenk, 1988)
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
12
Cette grille de lecture constitue un outil particulièrement adapté à la position des
animateurs du programme Twize. Situé à l’interface entre des acteurs très différents dans
leur compréhension et leur conception du développement, et en l’occurrence du
programme Twize, ils ont à composer avec leurs enjeux. Les logiques de ces acteurs
traversent en quelque sorte les pratiques des animateurs, sans manquer de les influencer et
de les conditionner. Leur position les pousse à analyser les logiques de leurs interlocuteurs
afin de contribuer à les articuler. Il n’est donc pas possible de chercher à comprendre leur
activité sans porter ce regard propre à l’anthropologie du développement.
?
PROBLEMATIQUE ET STRUCTURE DE LA REFLEXION
Dans le contexte d’émergence d’une pratique, la question de la construction de savoirs
professionnels formalisés et stabilisés est essentielle. Elle est une des pierres angulaires de
la professionnalisation et fait l’objet de toutes les attentions au sein des groupes qui
cherchent une reconnaissance. Elle est au centre du travail de capitalisation qui a pour
objectif la production d’un savoir partageable sur une pratique professionnelle. La question
est de définir la nature de ce savoir. Il peut s’agir d’un savoir dans la profession, « produit
de l’acte de formation [qui] peut être défini comme une nouvelle capacité mobilisable par
l’acteur. » (Barbier, p. 41) Il peut également s’agir d’un savoir sur la profession comme
« produit de l’acte de recherche [qui] peut être défini comme une nouvelle représentation
pouvant donner lieu à énoncé et à communication. » (Barbier, p. 41) La capitalisation peut
correspondre à ces deux processus. Par la prise de recul et la formalisation de pratiques
professionnelles, elle peut susciter un apprentissage des acteurs opérationnels et par
conséquent un renforcement voir la construction de pratiques. Dans une démarche moins
ambitieuse, elle tente, par l’analyse des pratiques, de les clarifier, d’en dégager les grands
traits, de mettre l’accent sur ce qui en fait la spécificité et donc de contribuer à la
construction d’un savoir sur la profession. En ce qui concerne la capitalisation au sein de
l’équipe AAC, il semble que ce soit sur ce plan que nous nous situons.
La question ici posée est donc la suivante : comment, dans un contexte d’émergence des
activités d’animation dans le déve loppeme nt urbain en Mauritanie, l’approche par
l’anthropologie a-t-elle permis de faire avancer la compréhension de la position de
l’animateur dans cette nébuleuse d’acteurs ? Cette réflexion cherche à montrer en quoi
l’interaction entre une équipe d’acteurs opérationnels et un intervenant extérieur porteur
d’une approche socio-anthropologique a pu conduire à la production d’une connaissance
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
13
partagée sur les pratiques de l’animation. Ce texte a donc une double vocation dans la
mesure où, si elle s’intéresse aux résultats de la capitalisation et à l’analyse de la fonction
d’animateur, elle souhaite également contribuer à montrer de quelle manière
l’anthropologie peut s’insérer dans une intervention de développement.
La première partie sera consacrée à une analyse du contexte dans lequel a été conçu le
projet de capitalisation, puis s’est déroulé l’ensemble du processus. Sur cette base, nous
décrirons, dans une deuxième partie, de quelle manière l’interaction entre les membres de
l’équipe et la stagiaire a été organisée pour produire une analyse partagée sur leurs
pratiques professionnelles. La dernière partie a pour vocation de présenter les traits du
travail d’animation de l’équipe qui peuvent être considérés comme des lignes de force
destinées à contribuer à la réalisation d’un référentiel sur ce métier en devenir.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
14
PARTIE 1
L’équi pe AAC : des anim ateurs en
manque de reconnai ssanc e
pro fessionnell e
L’animation dans le développement social urbain est une activité nouvelle en Mauritanie.
La figure de l’animateur, également appelé agent de développement local, agent social, ou
encore conseiller de quartier est apparue avec les dispositifs ou programmes de
développement urbain. Avec l’exode rural massif de la population mauritanienne, la fin du
nomadisme et la sédentarisation dans la capitale, Nouakchott est « devenue la seule ville au
monde qui a vu sa population multipliée par mille en l’espace de quarante ans. » (Choplin,
2003) La grande pauvreté dans laquelle se trouvent ces nouveaux arrivants et la
fragilisation du tissu social dans des zones qui se peuplent à vue d’œil ont attiré l’attention
des organisations internationales de développement ainsi que de l’Etat mauritanien. Des
projets et programmes destinés à favoriser le développement urbain, tels que Twize, ont
ainsi été initiés dans une démarche de lutte contre la pauvreté par le renforcement des
capacités de la société civile et la promotion de la décentralisation de l’Etat. Dans ce cadre,
s’est développée une fonction nouvelle, celle de l’agent de développement qui se
positionne
à l’interface entre habitants, autorités locales et nationales, ONG
internationales, et est chargé de fonctions d’accompagnement et de médiation pour la mise
en œuvre d’actions de développement impliquant la population.
Cette première partie est destinée à donner les grands traits du contexte politique,
économique, social, institutionnel dans lequel s’est déroulée la capitalisation au sein de la
composante AAC. Nous montrerons, dans un premier temps, en quoi l’animation dans le
développement urbain en Mauritanie est une activité nouvelle. Nous analyserons ensuite
les conséquences de ce caractère nouveau sur les perceptions des acteurs qui entourent
l’équipe. Sur cette base, nous déboucherons, dans un troisième temps, sur la comparaison
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
15
des attentes exprimées à l’égard de la capitalisation par ces mêmes acteurs en montrant les
différences d’interprétation qui peuvent exister autour d’un même travail.
I. L’animation dans le développement urbain en Mauritanie
Du fait de sa nouveauté dans le champ du développement urbain, l’animation ne dispose
pas de référentiel d’activité ni de compétences reconnu collectivement et par les
institutions. Ce cadre encore instable ne permet donc pas de parler de métier au sujet de
cette catégorie d’activités.
1.
L’appui aux activités communautaires du programme Twize : un apprentissage
sur le tas
L’histoire de l’équipe AAC est celle de la mise en place progressive d’une démarche,
d’outils et de procédures souvent selon le principe de l’expérimentation et de
l’apprentissage à partir des erreurs. Cela s’est fait dans le contexte d’un faible encadrement
interne comme externe au départ. Les premiers responsables de l’équipe AAC se sont
avérés plus ou moins expérimentés. La composante ne disposait pas d’une assistance
technique au siège du Gret. Si le coordinateur du programme Twize a une expérience
préalable en la matière et a contribué à poser les bases de la démarche, il n’a pas pu s’y
concentrer du fait des enjeux globaux du projet. La composante a donc développé ses
capacités essentiellement par la pratique et avec l’appui de stagiaires.
Dans le cadre d’un stage pour l’obtention du Diplôme d’études supérieures spécialisées
(DESS) en Urbanisme et aménagement, à l’Université Paris VIII, Emilie Barrau13 a
contribué, de juillet à décembre 2004, à structurer la démarche de l’équipe. Il s’agissait
« d’enrichir la réflexion concernant les plans de développement de quartiers (PDQ) dont le
processus a commencé avec des réunions avec les maires (…) de proposer des axes
d’orientation et de contribuer à la réflexion sur la définition des méthodes et outils pour la
mise en oeuvre de projets de proximité dans le prolongement des priorités identifiées par
les PDQ. » (Barrau, 2005, p. 97)
13
Emilie Barrau est actuellement chargée de mission au pôle Développement institutionnel, acteurs et
territoires au siège du Gret et base arrière pour l’équipe AAC. Elle a supervisé la capitalisation lors d’une
semaine de mission de cadrage et ensuite depuis Paris.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
16
Lors de ses études en DESS « Aménagement Local et Dynamiques Territoriales dans les
Pays en Développement » à l’Institut d’Etude du Développement Economique et Social, à
l’Université Paris 1- Panthéon-Sorbonne, Hélène Baril a effectué un stage de février à
octobre 2005 au sein de l’équipe AAC. Son travail a consisté au renforcement des
pratiques de l’équipe sur la base d’une analyse des premières réalisations.
?
STRUCTURATION DE LA DEMARCHE
Les PDQ avaient pour but de définir les grandes priorités en matière de développement
dans les quartiers. Différents acteurs répartis en groupes y ont été invités afin de
représenter les habitants, les communes et le programme Twize. La démarche s’est
déroulée de la manière suivante. Deux demi-journées d’échanges sur cinq thèmes ont
permis d’identifier les principaux problèmes que rencontre le quartier sur ce thème et de
préconiser des objectifs et des actions en vue d’améliorer les conditions de vie. Les
propositions des habitants ont été classées par ordre de priorité. Une assemblée générale
dans le quartier a rendu compte des résultats aux habitants. Cet évènement fut également
l’occasion pour les membres du programme Twize d’informer la population sur les types
de projets finançables et ceux qui ne le sont pas. Les premières propositions de projets ont
été recueillies dans la foulée.
Les microprojets sont des projets portés par des groupes d’habitants constitués en comités,
associations ou encore coopérative s. Leur objectif est de contribuer à l’amélioration des
conditions de vie dans le quartier. Les microprojets AAC sont le plus souvent des projets
d’aménagement, de réalisation d’infrastructures ou de mise en place de services dans
différents domaines. Ils se traduisent concrètement par la fourniture d’équipements, la
réalisation de travaux de réhabilitation, de désensablement, de construction ou d’extension
d’infrastructures. Avec l’appui de la première stagiaire, l’équipe a travaillé à la
systématisation du montage, à l’articulation des projets avec les sessions d’animation et de
sensibilisation, sur la question de la participation des groupes porteurs et des communes au
montage, au financement et à la mise en œuvre. Le schéma suivant montre l’approche de
l’équipe en ce qui concerne les microprojets :
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
17
« Satellite » :
Journées de
sensibilisation
(hygiène, santé,
éducation…)
Réalisation
concrète et
visible
(réhabilitation,
équipement,
aménagement…)
« Satellite » :
Formations
spécifiques dans le
cadre du projet
(gestion
financière…)
« Satellite » :
Echanges entre
groupes de
différents quartiers
(APE, comité de
santé…)
Diagramme de la démarche AAC pour les microprojets (E. Barrau)
La réflexion sur le financement a conduit à la définition d’un certain nombre de principes.
Les microprojets consistent en des investissements publics destinés à satisfaire des besoins
sociaux. Ils fonctionnent selon le mécanisme des fonds de développement : « une demande
de financement portée par un ou des acteurs locaux, est étudiée et acceptée (ou non) par
une instance de décision, et financée à partir d’une ligne budgétaire déterminée 14 ». Il
s’agit de soutenir financièrement et techniquement les habitants ayant des initiatives
concernant l’amélioration des conditions de vie dans leur quartier dans le but de répondre
au mieux à leurs besoins. Le financement d’un projet n’est donc pas une fin en soi mais
renvoie à une démarche de développement. Un des critères d’éligibilité des initiatives de
développement au financement est celui de la capacité du groupe à apporter une
participation au montage du projet et à son exploitation. Celle-ci peut être financière, en
travail ou encore en bien valorisé. Cette exigence repose sur l’idée selon laquelle « la
participation financière serait l’indicateur essentiel de la motivation des populations et le
14
Lavigne-Delville Ph., 2001.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
18
moyen pour elles de s’approprier véritablement les réalisations 15 . » Elle est calculée en
fonction de la nature de l’impact attendu du projet, de sa pérennité et de sa rentabilité,
c’est-à-dire des bénéfices que l’activité peut générer à moyen ou long terme. Plus l’impact
social estimé est fort, plus grande sera participation du groupe porteur.
?
ANALYSE DES PREMIERES EXPERIENCES ET RENFORCEMENT DE LA DEMARCHE AVEC HELENE
BARIL
Les activités d’évaluation de la première génération de microprojets mis en œuvre par
l’équipe AAC ont conduit à la formulation d’un certain nombre de recommandations :
Mettre en place des activités satellites lors du montage de projets. Les activités satellites
accompagnant le montage des projets peuvent être variées, mais pas forcément
systématiques. Une ligne budgétaire devra être crée pour ces activités. Le montage d’un
projet doit comporter, au préalable, la réalisation d’un diagnostic des besoins. La
réalisation d’activités de sensibilisation lors de la phase d’instruction du projet permet de
s’assurer de la mobilisation du plus grand nombre autour du projet et de l’information de
tous les membres du groupe et des habitants. Des visites et des échanges sur le site de
projets similaires peuvent par ailleurs permettent au groupe porteur de réfléchir et de
formuler un mode de gestion.
Systématiser les contributions financières des groupes porteurs et des mairies. La
contribution monétaire constitue un gage de motivation des groupes porteurs et des
mairies. Elle doit être systématisée pour garantir l’implication des individus qui portent le
projet et de la mairie pour son suivi.
Formaliser des modalités de gestion et de suivi des projets dès la phase de montage. Il est
important que les bénéficiaires des projets réfléchissent et proposent des modalités de
gestion des projets avant que ceux-ci ne soient mis en œuvre. Ces modalités de gestion
doivent être accompagnées d’un compte d’exploitation. 16
La question du suivi des projets a fait l’objet d’une attention particulière. Avec l’aide de la
seconde stagiaire, l’équipe a tenté de mettre en place un suivi formalisé avec la création
d’une fiche mensuelle de suivi ainsi qu’une méthode d’évaluation systématique des projets.
Le montage de onze projets a permis de consolider encore les acquis et de réfléchir
notamment sur la phase de sélection des requêtes. Les critères d’éligibilité des projets sont
au nombre de six. Le groupe porteur doit être dynamique, organisé et solide. Il doit
proposer un projet destiné à améliorer les conditions de vie des habitants du quartier. La
proposition de projet doit prévoir une rentabilité financière suffisante pour couvrir les frais
de fonctionnement. Le projet doit être en accord avec les priorités identifiées dans les plans
de développement des quartiers et avec les objectifs du programme Twize. Le groupe doit
être en mesure d’apporter une participation financiè re, en nature ou en travail au montage
15
16
Dorner V., 2006.
D’après le compte rendu de stage d’H. Baril, 2005b, p. 5
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
19
du projet et à son exploitation. Il doit être capable de formaliser le projet et de réaliser un
budget avec l’appui du conseiller de quartier. La fonction d’identification de projets
éligibles au financement revient aux animateurs qui transmettent ensuite les propositions
retenues au chef conseiller projets. Ce partage des tâches reste cependant problématique
car la complexité du montage de projet ne permet pas aux animateurs d’y participer
réellement. Le montage des microprojets est presque entièrement assumé par le chef
conseiller projets de la composante, ce qui allonge considérablement le temps entre les
différentes vagues de projets mis en œuvre et explique les retards de l’équipe vis-à-vis des
objectifs fixés initialement.
Le cycle du microprojet AAC (H. Baril)
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
20
La période d’accueil d’une seconde stagiaire a également été celle de l’impulsion un
partenariat avec le Fonds social de développement de la Coopération française destiné au
soutien de petits projets de développement d’initiative et de mise en œuvre locale. De plus,
l’implication des communes a fait l’objet d’une réflexion, suite au constat de leur faible
présence tout au long du cycle du projet. Les projets mis en œuvre par l’équipe AAC
relèvent bien souvent de domaines qui correspondent aux prérogatives des communes. Le
partenariat AAC-communes devrait donc être étroit et préparer dès le départ le
désengagement du programme Twize et le transfert du suivi de certains projets aux
communes. Cette question reste aujourd’hui encore en suspens. Leurs relations se sont
consolidées au fur et à mesure de la mise en œuvre des projets. Dans leur quête de
reconnaissance en tant qu’acteur à part entière du développement local, les communes
voient leur participation aux microprojets comme une occasion de se rendre visible auprès
des habitants. Mais cette implication reste très inégale tant en terme d’accompagnement
des groupes que de participation financière et insuffisante pour réaliser le transfert dans de
bonnes conditions. Enfin, la réalisation d’un catalogue projet fut une première étape du
travail de capitalisation qui s’est progressivement révélé nécessaire pour l’équipe.
2.
Une profession à construire dans le pays
Le caractère expérimental des activités de l’équipe AAC ne lui est pas propre. D’une
manière générale, « le terme d’agent de développement permet de rassembler en un seul
profil un ensemble de tâches qui existent sans doute dans d’autres métiers mais qui,
structurées dans un même ensemble, constituent une profession nouvelle et spécifique. »
(Hofmann & Najim, 2003, p. 46) Loin d’être encore une profession, le travail d’agent de
développement ne fait pas, dans beaucoup de pays du sud, l’objet d’un référentiel
d’emploi, ni de formation. Les agents de développement urbain en Mauritanie sont issus de
parcours de formation divers. Une étude, réalisée en 2004 grâce aux financements du
Service de coopération et d’action culturelle de Nouakchott préalablement à la mise en
œuvre du Programme de développement social, a montré que 2/3 des agents de
développement urbain en Mauritanie ont entre 21 et 40 ans. 1/3 sont des femmes. Ils
disposent en majorité d’une formation universitaire en économie, droit, géographie,
sociologie, statistique, développement local, etc. Les cursus en développement local
n’existent pas en Mauritanie. De tels diplômes ont donc été obtenus à l’étranger,
notamment au Sénégal ou au Maroc. Certains agents de développement urbain sont
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
21
également titulaires de diplômes plus techniques en ingénierie, génie rural, assistance
sociale. D’autres, enfin, ont acquis leurs compétences sur le terrain après la fin de leurs
études secondaires. Des formations complémentaires non diplômantes au sein de leurs
structures d’emploi leur permettent d’acquérir des compétences plus spécifiques à leur
fonction telles que l’animation, la communication, la réalisation de diagnostics de
situations, la recherche de financement, le pilotage de projets, etc. D’une manière générale,
si les dénominations concernant les agents de développement urbain en Mauritanie sont
diverses, leurs activités le sont également en fonction des projets et des organismes ou
institutions au sein desquels ils travaillent et ces agents ont eux- mêmes des difficultés à se
situer au sein des systèmes d’acteurs. Il n’existe pas de profil type leur permettant de
s’identifier clairement vis-à-vis de leurs interlocuteurs. Enfin, « si les initiatives en matière
de développement social sont nombreuses, chacun mène ses expérimentations et les
capitalise, mais la diffusion en dehors de la structure reste limitée. » (Niang, 2004, p. 6)
Si aucune étude exhaustive n’a jusqu’à présent été réalisée sur l’ensemble des acteurs qui
définissent leurs activités comme relevant de l’animation, il est cependant possible de
constater que l’animation ne remplit pas l’ensemble des critères énoncés par le sociologue
Wilensky pour définir une profession. En effet, il ne suffit pas, pour une activité, d’être
exercée à temps plein par un certain nombre de personne pour être reconnue comme
profession. L’animation dans le développement urbain à Nouakchott remplit bien ce
premier critère mais manque cependant à l’appel des suivants. Comme nous l’avons
développé dans le premier paragraphe de cette partie, elle ne comporte pas de règles
d’activité communément partagées par tous les animateurs. Le contenu du travail
d’animation est largement défini par les organisations et les programmes qui intègrent une
dimension d’animation. Dans le cadre de Twize, nous verrons que l’animation est conçue
pour répondre à un certain nombre des objectifs spécifiques du programme. Elle ne
satisfait pas aux exigences du troisième critère qui demande, pour une profession, d’être
articulée à une formation et des écoles spécialisées. Il n’existe pas, selon le quatrième
critère, d’organisations professionnelles d’animateurs en Mauritanie qui permettent à ces
travailleurs de défendre leurs intérêts et de présenter aux autorités un interlocuteur
représentatif de leur catégorie. Leur activité n’est pas reconnue dans le code du travail et
elle n’a pas encore donné lieu à l’établissement d’un code de déontologie 17 .
17
Critères repris par Dubar & Tripier, 1998, p. 90.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
22
II. L’équipe AAC dans
professionnalisé
un
monde
du
développement
Cette absence de cadre institutionnel et de contenu stabilisé des pratiques d’animation est
en contradiction avec les exigences de plus en fortes des bailleurs de fonds du
développement en termes de normalisation des interventions. Répercutées au sein du
programme Twize, ces exigences placent l’équipe AAC dans une position difficile lui
demandant un travail permanent de légitimation.
1. La professionnalisation du monde du développement : une illustration par le
programme Twize
Depuis le début des années 1990, un mouvement de professionnalisation des acteurs du
développement, et plus précisément des ONG et associations de solidarité internationale,
est à l’œuvre. Ce phénomène apparaît nécessaire « pour s’adapter aux contraintes des
puissances publiques consécutives à l’augmentation des masses financières qui leurs sont
déléguées par les bailleurs de fonds et pour s’insérer dans le jeu international comme des
acteurs à part entière. » (Le Naëlou, 2004, p. 773) Par son organisation, ses activités, sa
démarche, le Gret et Twize, qui est un de ses programmes phares, en sont une illustration.
LE GRET : UNE « ENTREPRISE HUMANITAIRE » 18
?
Dans ce contexte de professionnalisation, le Gret a progressivement mis en place des
pratiques standardisées afin de répondre aux exigences de ses partenaires financiers que
sont, entre autres, l’Union européenne, le Bureau international du travail, la Banque
mondiale, la Banque asiatique de développement, la Banque interaméricaine de
développement, l’Unicef, Usaid, l’Agence française de développement, le Ministère des
affaires étrangères, certains conseils régionaux français, le Commissariat mauritanien aux
droits de l’Homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion, le Ministère de
l’agriculture du Bénin, Vivendi Waterdev, Ondéo Lyonnaise des eaux, le Crédit Agricole,
etc. Pour ces bailleurs, et plus spécialement les grandes institutions internationales de
développement dont les principes d’action sont la promotion de la démocratie et de la
stabilité politique dans les pays du sud, l’imposition de pratiques normalisées et
transparentes aux ONG est un moyen de «stabiliser des normes dans un ‘contexte hors
normes’ » (Dauvin & Siméant, 2002, p. 243). Elle permet la « mise en place de poches de
18
Le Naëlou, 2004, p. 234
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
23
stabilité et de prévisibilité économique, de poches de fonctionnement légal-rationnel dans
des contextes instables. » (p. 253)
La dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds pour la réalisation de leurs actions a ainsi
conduit les organisations de solidarité internationales à agir comme des acteurs privés, à la
recherche des financements et donc du profit pour étendre encore leur champ d’action.
« Le caractère non lucratif ne change rien au fait que, comme pour les entreprises
« normales », ce sont des critères de gestion économique qui déterminent l’organisation du
collectif de travail et de l’activité de l’ONG, qui s’apparente de plus en plus nettement à
une prestation de service pour le compte des bailleurs » (Freyss, 2004, p. 769) Ainsi,
comme de nombreux acteurs du développement, le Gret peut être qualifié d’« entreprise
humanitaire ». La gestion rationnelle qui en découle se traduit concrètement par un certain
nombre de procédures auxquelles le programme Twize n’a pas échappé. Le document de
projet est une somme de plusieurs centaines de pages décrivant de la manière la plus
exhaustive possible la démarche proposée, mais également l’ensemble des ressources
humaines engagées dans cette aventure. Chaque expert impliqué est présenté au bailleur
dans un détail de son parcours professionnel. Le budget prévisionnel a également subi le
même degré d’exigence dans la définition et la jus tification des besoins de financement.
Un manuel de procédures a également été rédigé après le lancement du programme 19 . Il
rassemble outils, méthodes, indications de déroulement des activités pour chacune des
équipes du programme. Un processus de suivi-évaluation a également été conçu, disposant
d’outils, d’indicateurs précis, de procédures de journalières à annuelles et de ressources
humaines spécifiques. Le programme dispose d’un auditeur interne et est destiné à subir
une évaluation externe avant la fin de sa période de mise en œuvre dans le cadre d’un
partenariat avec l’Ecole polytechnique de fédérale de Lausanne.
La dimension clairement entreprenariale des organisations de solidarité internationale se
retrouve également dans leur manière de « s’inscrire dans l’économie de leurs pays
d’accueil. » (Dauvin & Siméant, 2002, p. 236) Elles sont, en premier lieu, une importante
source d’emp loi pour la main d’œuvre locale et offrent des postes très prisés du fait des
avantages financiers et matériels qu’ils comportent. Leur très grande diversité depuis la
responsabilité de missions, l’administration centrale, la logistique, jusqu’à la sécurité, le
19
Hennart C. (dir.), Kapps Lebeau L. (dir.), 2002, Manuels de procédures : appui aux activités
communautaires et projets de quartier, microfinance, habitat, Programme Twize, CDHLCPI.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
24
transport ou encore la cuisine offre un large spectre d’opportunités. Le programme Twize
est, ici encore, un exemple en la matière avec un personnel mauritanien permanent
s’élevant à environ quatre-vingt individus. A ce chiffre s’ajoutent un certain nombre de
partenaires tels que les ONG nationales mais également les micro-entreprises du bâtiment
contractées par le programme pour la construction des habitations Twize.
?
LES RESSORTS D’UNE INTERVENTION PROFESSIONNELLE DE DEVELOPPE MENT : L’EXEMPLE
DE TWIZE
La professionnalisation du monde du développement correspond à l’acquisition d’une
expertise en matière d’intervention dans les pays du sud. J. Freyss et A. Le Naëlou
signalent un certain nombre de modes d’action qui témoignent de la professionnalisation
des ONG de développement. La spécialisation des acteurs du monde du développement en
est un. Elle se produit à différents niveaux. Le recrutement de professionnels de la gestion,
des questions administratives, de la recherche de financements et de la maîtrise des
procédures de co- financement, de la communication et de la relation aux médias, est une
première
forme
de
spécialisation
dans
l’organisation
de
la
structure.
Une
« départementalisation » (Le Naëlou, 2004, p. 784) en pôles d’intervention en est une
autre. Au Gret, on compte six grands champs d’intervention intitulés de la façon suivante :
« Accès
aux
services
essentie ls »,
« Alimentation
et
agriculture
durables »,
« Développement institutionnel, acteurs et territoires », « Information et communication
pour le développement, « Microfinance et petite entreprise », « Politiques publiques et
régulations internationales ». Ces différents secteurs de compétences se composent de
professionnels aux parcours de formation et aux expériences spécialisées. La dimension
technique de ces compétences est également valorisée. Le Groupe de recherche et
d’échanges technologiques compte, parmi ses principales vocations la « promotion des
innovations techniques, sociales et institutionnelles20 ». Le programme Twize et son
objectif de lutte contre la pauvreté par l’appui à la structuration de la filière BTP pour la
mise en œuvre d’une politique d’habitat social se situent au cœur de cette démarche.
La professionnalisation du monde du développement se repère aussi, selon A. Le Naëlou,
dans la place donnée à la compréhension de la complexité sociale pour la réalisation des
interventions. (2004, p. 783) Les ONG de solidarité internationale présentes dans les pays
du sud sont perçues par les bailleurs de fonds comme proches de la population du pays et
20
Pour plus de détails, consulter le site Internet : www.gret.org
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
25
ayant une bonne connaissance des besoins. Avec l’insistance, dans les politiques de
développement, sur la participation et l’implication de la population dans les projets, les
ONG font jouer leur expertise dans ce domaine et leur capacité à « prendre en compte les
aspirations et les modes d’action des acteurs locaux. » (p. 284) Aussi, dans sa charte
d’engagement, le Gret affirme :
« Parce
que
nous
sommes
convaincus
que
le
développement durable se construit par et avec les acteurs
concernés, à partir de leur situation concrète (…) nos actions
sont conçues et mises en oeuvre en concertation avec les
populations et les acteurs socioéconomiques et politiques
locaux. Elles s’appuient sur un diagnostic de la situation, à
partir d’enquêtes de terrain. Nos projets sont le plus souvent
possible conduits en partenariat avec des organisations
locales compétentes et qui portent l’intérêt général. »
La recherche-action est une troisième preuve de professionnalisation des acteurs de la
solidarité internationale. Elle est directement liée à la démarche participative car elle
cherche notamment à faire avancer la connaissance sur le contexte social dans lequel sont
mis en œuvre les projets. Ceci se fait grâce aux enquêtes socio-anthropologiques, encore
trop peu souvent réalisées dans le cadre des projets du fait d’un manque de temps, de
financement et de compétences dans ce domaine. La compréhension des impacts de actions
menées se fait également grâce aux travaux d’évaluation, les capitalisations et les récits
d’expérience. Selon J. Freyss, « une telle approche n’est pas sans conséquence sur
l’organisation, le fonctionne ment et l’état d’esprit dans une ONG. » (2004, p. 765) C’est le
cas au sein du Gret où une direction scientifique a été créée en 1999. Cette instance
« contribue à la conception des projets de terrain, appuie les pôles thématiques dans leurs
projets de recherche et leurs processus de capitalisation d'expérience, elle favorise une
réflexion décloisonnée sur les démarches d'intervention, suscite des passerelles avec la
recherche en sciences sociales, anime deux séries de documents de travail sur ces
questions 21 . » Ce travail de recherche et de capitalisation tend à prendre de l’ampleur au
sein de l’organisation grâce à la spécialisation de quelques personnes dans ce domaine.
La professionnalisation de l’intervention c’est aussi une forme particulière d’action : celle
du programme-projet qui correspondent aux pratiques du néo- management décrites par L.
Boltanski et E. Chiapello dans Le Nouvel Esprit du capitalisme. (Dauvin & Siméant, 2002,
21
http://www.gret.org/ressource/pdf/charte.pdf
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
26
p. 255) Un projet de développement se définit comme une démarche politique qui
s’exprime à travers une ou plusieurs finalités. Ces finalités sont formulées en termes
d’objectifs globaux et d’objectifs finaux à atteindre dans un certain laps de temps et avec
des moyens précis. Les résultats obtenus seront les produits d’activités programmées et
conduites durant le projet au moyen de ressources techniques, financières et humaines.
(Neu, 2005, p. 8). Dans une volonté de correspondre au plus près aux demandes de la
population, les projets et programmes sont souvent conçus selon une forme intégrée. Celleci est réalisée grâce à la collaboration de différents métiers et spécialités disciplinaires.
C’est le cas du programme Twize qui se divise en quatre composantes ayant, chacune,
leurs objectifs propres et contribuant, cependant, à l’objectif global du programme qu’est la
lutte contre la pauvreté dans les quartiers périphériques de Nouakchott. Ainsi, la
composante Habitat a été conçue pour permettre aux habitants de construire leurs
logements en dur. La composante Microfinance aide les familles a les financer mais
également à démarrer des activités génératrices de revenus dans ces quartiers. La
composante formation cherche à offrir aux habitants les moyens de développer des
compétences dans ces activités. Enfin, la composante AAC a pour double vocation
d’appuyer les habitants dans leurs efforts de mise en œuvre de projets de quartier et
d’accompagner les autres composantes dans leurs activités.
3. L’équipe AAC en quêt e de reconnaissance
?
LECTURE INTERACTIONNISTE DES PROFESSIONS AU SEIN DE TWIZE
Le programme Twize correspond donc clairement à ces dispositifs d’intervention de
développement professionnalisés faisant appel à divers corps de métiers pour la mise en
œuvre des actions. Il illustre bien en quoi « l’activité [de solidarité internationale] mobilise
des professions socialement constituées, chacune ayant, en dehors de l’action solidaire, son
existence propre, son domaine de compétence, ses critères d’appartenance, son marché du
travail. » (Freyss, 2004, p. 771) C’est ce qui fait dire aux sociologues des professions de
l’humanitaire que l’engagement solidaire ne constitue pas une profession en soi et que les
ONG ne sont pas des acteurs mais des espaces autour desquels différents groupes
professionnels interagissent et se rencontrent pour remplir des objectifs communs. (Le
Naëlou, 2004, p. 781)
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
27
La sociologie a développé plusieurs lectures des professions et des mouvements de
professionnalisation. L’approche interactio nniste offre un éclairage intéressant sur le
processus de professionnalisation à l’œuvre dans le monde du développement. Elle met en
évidence le phénomène de socialisation des individus qui se réalise au sein des professions.
Selon E. Hugues, un groupe professionnel revendique le mandat de sélectionner, former,
initier et discipliner ses propres membres. Il se développe, en conséquence, en son sein,
une perception du monde, une philosophie partagée, des valeurs propres à lui mais
également une revendicatio n du monopole de l’activité, des discriminations et des
stéréotypes professionnels excluant les personnes ne correspondant pas aux critères établis.
(Dubar, 2000, p. 138) L’analyse des pratiques, un courant des sciences de l’éducation, fait
le même constat : « dans un champ d’activité donné, le développement d’une pratique
mobilise et en même temps développe des composantes identitaires correspondant à ce
champ d’activité » (Barbier, p. 51)
Appliquée au phénomène de professionnalisation du monde du développement, cette
analyse permet de comprendre que des concurrences entre professions apparaissent au sein
même des ONG et des projets de développement. Pour Le Naëlou, on peut observer un
phénomène de tri « entre les « vraies » et les « semi » professions. Les personnes et
groupes titulaires de diplômes reconnus et de formations techniques et spécialisées
détiennent plus facilement une légitimité à agir dans le domaine de la solidarité
internationale. « Le repli et l’exigence corporatiste sont activés, laissant peu de place à une
réflexion, interne aux professions ou entre professions anciennes et nouvelles, sur
l’émergence de nouvelles compétences ou d’un nouveau métier dans la solidarité
internationale. (p. 796)
Le programme Twize n’échappe pas à ce phénomène. Une concurrence entre les
composantes existe. Certains facteurs historiques peuvent y apporter quelques explications.
La composante Habitat jouit d’un certain prestige au sein du programme car elle y est au
cœur du fait de l’objectif global de lutte cont re la pauvreté par la promotion d’un habitat en
dur. Les résultats de ses activités sont en outre les plus visibles dans les quartiers
d’intervention du programme : les modules Twize se dressent, très nombreux dans certains
quartiers, et dénotent clairement avec le reste de habitations. Chez les habitants, le
programme est directement associé aux modules.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
28
Module Twize dans un quartier d’intervention du programme (O. Regazzoni)
La composante Formation, en revanche, a été créée plus tardivement après la rupture d’un
partenariat entre le programme Twize et une organisation mauritanienne chargée de mettre
en œuvre les activités correspondant à cette facette du programme. Elle est donc perçue
comme jeune et en phase de maturation de sa démarche. D’une manière générale, ce sont
les critères de performance et de bonne gestion qui sont les plus valorisés au sein du
programme et que chaque équipe cherche à satisfaire. Dans ce contexte, la composante
Microfinance revendique la première place. Selon le coordinateur du programme, elle
entretient, depuis le lancement, une vision élitiste de sa position et de ses activités qu’elle
justifie par ses bons résultats. Elle a d’ailleurs préparé son autonomisation qui se réalisera
au terme du programme Twize par la création d’une institution nationale de microfinance
mauritanienne. En revanche, la composante AAC souffre d’un manque de reconnaissance
de ses compétences et des résultats de ses actions.
?
TRAVAIL D’ANIMATION SOCIALE ET RECONNAISSANCE
Dans ce contexte, le travail d’animation dénote par la dimension insaisissable d’une partie
de ses activités. Au cœur de l’animation se trouve le travail relationnel, un travail
d’information, d’explicitation, de mise en relation d’individus et de groupes,
d’accompagnement, etc. Cette catégorie d’activités fait une large place à l’intuition et à un
esprit créatif afin de promouvoir des situations d’échange de qualité entre acteurs telles que
les sessions d’information, les discussions collectives, les débats pour le choix de priorités
de développement dans les quartiers. Par définition, elles ne sont pas formalisées et
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
29
perdraient une bonne partie de leur valeur si elles l’étaient. D’une manière générale, les
objectifs assignés aux animateurs ont un caractère très général. Dans le cadre du
programme Twize, il s’agit notamment de « favoriser la structuration des quartiers. 22 » La
notion de structuration est en elle- même difficile à définir dans le contexte du quartier :
structuration de l’habitat, structuration du tissu social en groupes, associations, comités,
coopératives, structuration de l’organisation de ces associations ? Les indicateurs
permettant de témoigner de l’efficacité des actions sont tout aussi difficiles à définir. En
outre, c’est un travail de long terme qui dépasse de loin des échéances des programmes de
développement, généralement, fixées de trois à cinq ans. D’une manière générale, pour De
Gaulejac, sociologue spécialiste du travail social en France, le développement social « est
un domaine où la mesure de la production, de la qualité du service, des performances est
aléatoire et multidimensionnelle. Elle ne peut jamais se réduire à une comparaison
quantitative entre les objectifs fixés et les résultats obtenus. » (1989, p. 76)
Ces incertitudes quant aux résultats du travail d’animation se retrouvent très fortement
dans le discours des agents des autres composantes du programme Twize. Pour les
membres de l’équipe de microfinance, l’activité d’animation relève beaucoup de
l’improvisation. Ils encouragent l’équipe AAC à définir davantage de procédures, à utiliser
rigoureusement les indicateurs prévus par le dispositif de suivi-évaluation du programme
afin d’estimer mensuellement les réalisations de l’équipe. Ils préconisent une
rationalisation de la journée de l’animateur avec une utilisation planifiée du temps entre les
différentes tâches. D’une manière générale, pour cette composante fortement organisée, les
animateurs AAC « ne savent pas ce qu’ils ont à faire 23 ». Le travail d’animation au sein de
Twize manque d’organisation et relève trop de l’immédiat et du spontané pour garantir des
résultats tangibles et durables.
Le travail d’animateur ou d’agent de développement relève donc des «métiers flous »
décrits par P. Jeannot (2005). Selon lui, cette imprécision concerne tant l’objet du travail,
comme nous venons de le décrire, que la position. Elle est en effet une position d’interface
entre une multiplicité d’acteurs : habitants, élus, leaders de quartiers, associations locales,
ONG nationales ou internationales, institutions intergouvernementales, etc. Ainsi, «entre
l’autonomie laissée aux agents face à des objets qui résistent à des partages de domaines
22
23
Cf. Cadre logique du programme Twize.
Selon les propos recueillis au sein de l’équipe de microfinance.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
30
thématiques d’intervention et des prescriptions précises (…) l’activité se déploie dans un
espace ouvert et n’est prédéfinie que de manière très floue. » (p. 138) L’imprécision du
travail d’animation entrave la reconnaissance professionnelle de l’animation par d’autres
corps de métiers. Le manque de reconnaissance est également d’ordre statutaire. Le
difficile travail d’évaluation de l’animation met en cause son utilité, le condamnant ainsi à
une position marginale au sein du programme, un travail qui s’occupe « d’états d’âmes »,
« d’idéalité », « de rêve. » (De Gaulejac, 1989, p. 76) 24
?
LA LEGITIMATION PAR L’UTILITE
C’est précisément sur l’utilité que les membres de l’équipe AAC basent leur travail de
légitimation de l’animation. L’approche interactionniste des professions met en évidence
les ressorts utilisés par les individus exerçant une même activité pour être reconnus comme
profession. Dans un article intitulé «Emergence d’un groupe professionnel et travail de
légitimation », I. Baszanger montre comment les médecins de la douleur ont cherché à se
faire une place sur la scène médicale. Victimes d’un manque de reconnaissance no tamment
du fait de la difficulté qu’ils rencontraient à définir des pratiques stables pour leur activité,
les médecins de la douleur ont développé « une revendication de l’utilité. » (p. 269) Ils ont
cherché à démontrer en quoi, en ouvrant un espace spécialement centré sur la douleur, ils
rendaient un grand service aux hôpitaux dans le cas où ils ont épuisé toutes les alternatives
thérapeutiques contre ce mal incessant chez certains patients. La rhétorique de l’utilité,
d’une manière générale, est un important levier du travail de légitimation pour une (future)
profession. Il s’agit, pour l’activité en question, de convaincre le milieu socioprofessionnel
dans lequel elle cherche à se faire reconnaître, qu’elle a une place spécifique.
Dans le travail de légitimation, l’idée de place spécifique devient souvent place centrale
avec la revendication, non plus de l’utilité, mais de la dimension incontournable du travail
accompli. Certaines caractéristiques peu valorisantes deviennent alors le levier permettant
de présenter le travail comme le « sale boulot » que peu de gens veulent faire mais qui
pourtant est essentiel. Pour E. Hugues, effectuer un sale boulot contribue à donner au
travail en question un certain prestige. (1996, p. 82) Ce schéma de pensée correspond
pleinement à la stratégie de légitimation de l’équipe AAC. Elle se revendique en effet
comme réalisant le travail le plus ingrat comparativement à l’ensemble des agents du
24
Je remercie A. Huygue Mauro pour son éclairage sur ce double manque de reconnaissance à la fois
professionnelle et statutaire.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
31
programme Twize, à savoir celui d’arpenter constamment les quartiers à la rencontre des
habitants. Pour les animateurs, ce travail est, également et par définition, le plus utile au
programme car sans cette mise en contact du programme avec les individus auxquels il est
destiné, les objectifs ne pourraient pas être atteints. On se trouve ainsi dans le schéma
décrit par Hugues de la manière suivante :
« Pour beaucoup de métiers, on peut définir la catégorie de
ceux qui sont, pour ainsi dire, les consommateurs du travail et
ou des services produits par d’autres. Les membres de ces
métiers mènent fréquemment contre ces consommateurs un
combat permanent pour leur statut et pour leur dignité
personnelle. » (p. 83-84)
Les animateurs AAC présentent en effet volontiers les autres équipes du programme
comme des consommatrices des services d’animation pour la réalisation de leurs activités.
Dans cette perspective, si le travail d’accompagnement des habitants dans la mise en œuvre
de leurs projets aurait pu être considéré par l’équipe comme le plus prestigieux et donc
constitutif de leur identité professionnelle, c’est, contre toute attente, le travail d’appui aux
autres composantes qui est le plus source de valorisation pour les animateurs.
III. La capitalisation : un moment tant attendu
Le travail de capitalisation ne s’est donc pas déroulé dans un contexte vierge d’enjeux. Il
est né des enjeux précédemment décrits et a été traversé par eux durant sa réalisation. Par
conséquent, les attentes qui animaient les acteurs concernés de près ou de loin par ce
travail étaient loin d’être collectivement partagées. Lors du déroulement des activités de
capitalisation, elles ont révélé leurs différences et parfois leurs contradictions.
1. Pour la coordination du programme Twize : clarification et évaluation
Les exigences en terme de performance, transparence et visibilité imposées par le
CDHLCPI au programme Twize ont été à l’origine des controverses sur la création même
d’une équipe d’animation comme quatrième composante. Moins efficace et visible
d’emblée dans les quartiers que les autres composantes, elle n’était pas, pour le bailleur,
une priorité. En outre, sa vocation à tisser des relations avec les communes de Nouakchott
et à renforcer leurs capacités d’action sur les quartiers périphériques représentait une
source de conflit d’intérêt avec l’administration centrale qui cherchait à freiner le processus
de décentralisation afin de ne perdre ses prérogatives. Cependant, l’intégration d’une
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
32
équipe d’animation sociale au programme Twize a été défendue par le Gret parce qu’en
accord avec sa démarche participative, et parce que l’amélioration de l’environnement
urbain et la création de liens entre les quartiers populaires et les autorités municipales lui
semblent un élément important de la lutte contre la pauvreté urbaine, complémentaire à
l’amélioration de l’habitat. Elle a ainsi débuté son activité avec la nécessité de faire ses
preuves.
A quelques mois du terme du programme, les attentes vis-à-vis d’un travail de bilan
s’exprimaient en termes de clarification mais également d’évaluation des activités de la
composante. Pour la coordination du programme, la composante AAC manquait de
lisibilité vis-à-vis du bailleur : les microprojets ne correspondent pas à une démarche assez
claire et se pose la question de leurs répercussions en termes d’amélioration des conditions
de vie. Pour le bailleur, « la structuration des quartiers, c’est de la philosophie. » Une
évaluation de l’impact du travail de l’équipe AAC se présentait donc comme un besoin
crucial.
Le travail de capitalisation a donc fait l’objet d’un intérêt, de la part de la coordination et
également relayé au sein du programme par la composante Microfinance, à voir se dessiner
dans le rapport de capitalisation les résultats concrets voire chiffrés des actions de la
composante AAC qui n’étaient pas perceptibles par simple observation dans les quartiers.
Les premiers retours de la part de la coordination du programme sur le travail de
capitalisation ont d’ailleurs témoigné de ce besoin de formulation d’une estimation finale
de l’efficacité et de la pertinence de la composante d’animation du programme Twize.
2. Pour le siège du Gret : approfondir la connaissance
La capitalisation des activités de la composante AAC a été suivie au niveau du pôle
« Développement institutionnel, acteurs et territoires » (DAT) auquel l’équipe est rattachée
ainsi qu’au niveau de la Direction scientifique en charge des questions de recherche et de
capitalisation. Leur participation à ce processus s’est faite depuis le recrutement de la
stagiaire, jusqu’à la validation du document final en passant par le suivi permanent, l’appui
méthodologique, la relecture du document, etc. Leur influence a donc été non négligeable,
notamment dans la définition des attentes. Celles-ci ont été énoncées lors du premier
cadrage du travail de la stagiaire, avant son départ. Elles ont ensuite été réaffirmées tout au
long du déroulement de la capitalisation.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
33
Pour le pôle DAT et la Direction scientifique, il s’agissait de faire avancer la connaissance
et la réflexion sur la thématique de l’animation sociale dans le cadre d’une démarche
revendiquée par le Gret « d'affirmer l'intérêt d'une production de connaissances, à partir de
l'action, pour autant qu'elle s'appuie sur une exigence de rigueur et de distanciation25 . »
Cette attente n’était pas exempte d’évaluation. Le processus de capitalisation proposé au
niveau du pôle DAT et validé par l’équipe AAC se déclinait de la manière suivante dans le
cahier des charges 26 :
? Mener un travail de bilan des acquis, activités et pratiques de la composante :
réussites, échecs, actions plus ou moins pertinentes : qu’est ce qu’on fait ? Qu’est ce
qu’on sait faire ? Comment on a fait ? Il s’agit de restituer une analyse cohérente de
ce qui a été fait et produit par la composante AAC.
? Analyser ce bilan en resituant la composante dans le cont exte institutionnel et le jeu
d’acteurs ainsi que dans les spécificités de la démarche du programme TWIZE.
? A partir, de ce bilan et de ces analyses, mener une réflexion collective sur les pratiques
et la démarche de la composante et les limites.
? Atterrir sur des éléments de recommandations opérationnelles pour une démarche de
développement local.
D’une manière générale, la question formulée était la suivante : Quelles sont l’utilité et la
pertinence d’une telle composante au sein d’un programme de développement urbain
intégré ? L’évaluation diffère, cependant, nettement de la démarche de capitalisation. « La
première doit produire un jugement de valeur, la seconde n’a d’autre objet que d’offrir ce
qui dans l’expérience peut être utile aux autres 27 . » Si la capitalisation est proche de
l’évaluation car elle doit procéder à une comparaison entre les objectifs et les résultats, elle
n’a pas pour vocation d’effectuer un jugement de valeur. Elle est avant tout un outil de
communication sur une pratique professionnelle et doit être formulée comme une
connaissance à partager 28 . Pour cela, la recherche de l’objectivité est centrale. Lors de
l’entretien de cadrage du stage avant le départ, les attentes de la Direction scientifique
avaient été formulées ainsi : « Il s’agit de rendre visible ce qui a été fait, de produire une
analyse cohérente, ancrée dans les pratiques des gens, de montrer ce qui a marché, ce qui
n’a pas marché avec la vision la plus juste possible de ce qui s’est passé 29 . »
25
http://www.gret.org/activites/recherche_capit.htm
Extrait du cahier des charges de la capitalisation.
27
Robert S., Ollitrault-Bernard A. (collab.), 2005.
28
De Zutter P., 1994.
29
Propos de Ph. Lavigne Delville, Directeur scientifique du Gret, vendredi 23 juin 2006 à Paris.
26
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
34
3.
Pour l’équipe AAC : démontrer les compétences et valoriser le travail
Au départ, le souhait de réaliser un travail de capitalisation d’expérience provient de
l’équipe AAC elle- même. Ce moment devait correspondre, pour les animateurs, à celui de
la mise en lumière de leurs compétences afin d’annuler le préjugé de faible efficacité qui
pesait sur la composante au sein du programme comme chez le bailleur. En effet, « le plus
souvent, les praticiens qui promeuvent [l’analyse des pratiques] y voient une affirmation de
leur pouvoir et de leur identité de professionnels (…) et il est probable que la mentalisation
et la formalisation des processus [de leurs actions] permettent une affirmation plus forte de
leur espace réel de responsabilité dans le fonctionnement social. » (Barbier, p. 36) Plus
simplement, il apparaît important, lorsque les savoir- faire sont disséminés et que la
formation s’est faite sur le tas, de « resituer le sens que les praticiens (…) attribuent à leur
action, la manière dont ils se représentent les particularités et les enjeux de leur métier. »
(Recondo, p. 32) Dans son travail sur la légitimation de nouvelles professions, I. Baszanger
a montré le rôle que peut jouer la formulation de pratiques professionnelles stabilisées dans
ce processus. A l’aide des théories de A. Staus s, elle explique comment, pour être reconnus
comme catégorie à part entière du domaine de la médecine, les médecins de la douleur ont
dû tout d’abord écrire collectivement l’histoire de leur groupe (theorizing) puis élaborer
des « conceptualisations légitimantes », des standards qui incarnent de façon authentique
les activités et les évaluent, des arguments qui puissent servir vis-à-vis de l’extérieur et
comme indications (guidance) pour les membres ». (p. 274)
D’une manière générale, les membres de l’équipe AAC souhaitaient montrer qu’ils
disposent de compétences pratiques dont la mise en œuvre permet une amélioration
incontestable des conditions de vie des habitants des quartiers d’intervention du
programme Twize. Pour eux, cette démonstration demandait de mettre un accent tout
particulier sur les méthodes et les outils développés. Cette attente entrait alors quelque peu
en contradiction avec celles du siège du Gret. Pour le pôle DAT et la Direction
scientifique, la formalisation des méthodes et des outils mobilisés par la composante ne
devait pas tenir une place centrale. Un état des lieux des pratiques devait servir de base à
des réflexions plus problématisées qui s’écartaient parfois des préoccupations premières
des animateurs AAC. Pour ces derniers, il s’agissait avant tout de formaliser des pratiques
afin de donner de la « consistance » au travail d’animation aux yeux des acteurs extérieurs.
Dans cette démarche de réponse à l’extérieur, la capitalisation était fortement comprise
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
35
comme une valorisation de l’activité, écartant naturellement certaines exigences
d’objectivité de l’analyse.
La mise en œuvre de la méthodologie a donc été traversée par ces différents enjeux. Le bon
déroulement de la capitalisation et la garantie d’un résultat cohérent demandaie nt d’adopter
une posture constante tout au long du travail. La recherche de l’objectivité d’une analyse
basée sur une investigation de terrain rigoureuse a été progressivement reconnue comme
garante de la crédibilité du document final par l’équipe et a constitué le fil conducteur
autour duquel s’est déployé un certain nombre d’outils, de méthodes mais également de
négociations.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
36
PARTIE 2
Le pro cessus de co-pro duction
d’une connai ssanc e sur les
activi tés d’ animation
Le lancement du travail de formalisation des pratiques professionnelles de l’équipe AAC a
débuté par une fixation des objectifs et de la méthodologie. Cela a donné lieu à plusieurs
séances de travail collectif réunissant l’équipe AAC, Emilie Barrau du siège du Gret en
charge du suivi des activités de l’équipe et moi (on me reconnaîtra sous le nom
d’ « accompagnatrice » tout au long de cette partie). L’accompagnatrice et la base arrière
ont proposé la méthodologie qui a été validée par l’équipe AAC. La question de la place
des outils et des méthodes employés par l’équipe pour mener à biens ses activités a été
discutée. Les animateurs ont réaffirmé leur volonté de voir leurs outils et leurs méthodes
mis en valeur. Ils ont été rassurés sur la place qui leur serait donnée dans le document final.
La nécessité de se donner des thèmes de travail pour guider la capitalisation a conduit à un
consensus autour de quatre axes reconnus comme importants et couvrant l’ensemble des
activités de l’équipe : le travail d’animation, les microprojets, les relations avec les
autorités locales et l’appui fourni aux autres équipes du programme Twize.
Les divergences dans les attentes ne se sont pas révélées d’emblée. Elles se sont précisées
progressivement lorsque le travail de capitalisation est réellement entré dans sa phase de
mise en oeuvre. Elles ont alors donné lieu à des discussions et éclaircissements sur la
démarche à plusieurs reprises afin de retrouver des terrains d’entente et de s’assurer que
l’ensemble des acteurs allait dans le même sens.
Cette deuxième partie a pour vocation de décrire de manière approfondie différents aspects
et étapes de la réflexion collective. Nous verrons dans un premier temps quel rôle jouent
les modalités d’interaction entre les acteurs dans la production de connaissance sur les
pratiques. Dans un deuxième temps, nous examinerons les étapes du processus en luiLaetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
37
même et les enjeux inhérents à chacune d’elles pour atteindre les objectifs. Enfin, nous
questionnerons l’utilité de ce travail en cherchant à identifier ses effets immédiats sur
l’action de l’équipe.
I. Chacun ses rôles : positionnement
production de connaissances
des
acteurs
et
Une part importante du travail de capitalisation a consisté à faire en sorte que les acteurs
opérationnels adoptent une attitude réflexive sur leurs pratiques professionnelles afin de
nourrir les échanges. Les différentes modalités d’interaction avec l’accompagnatrice ont
stimulé cette réflexion. Il s’agit ici de décrire les positionnements des acteurs et de voir en
quoi ils ont contribué à la production d’analyses.
1. La position d’accompagnatrice
?
L’APPRENTISSAGE COMME PREALABLE
Pour l’accompagnatrice, la position d’intervenant extérieur devait apporter un regard
distancié afin de permettre à l’équipe de prendre du recul sur ses pratiques. Cependant, afin
d’alimenter le travail de maïeutique, l’accompagnatrice devait avoir une « connaissance
intime des situations » (Lavigne Delville, 2004, p. 26). Une période d’apprentissage a donc
été nécessaire afin de lui permettre de poser des questions impulsant réellement une
réflexion. Du fait de sa faible connaissance de leurs activités, les premières questions et
pistes proposées se sont souvent révélées stériles. Pour P. Vermersch, psychologue et
psychothérapeute spécialisé dans l’accompagnement à la réflexion sur les pratiques
professionnelles, « les questions qui viennent spontanément à un interviewer non formé
sont basées sur ses besoins d’information. » (2004, p. 79) La phase d’apprentissage de
l’accompagnatrice a donc consisté tant à l’acquisition de techniques d’entretien pour la
formulation de questions favorisant une attitude réflexive qu’à l’acquisition de
connaissances précises sur la pratique des animateurs. Il a été permis par une immersion au
sein de l’équipe et par la participation de l’accompagnatrice à ses différentes activités.
D’une manière générale, cette période a été celle d’une rencontre, d’une prise de
connaissance des manières de faire et de penser des animateurs, d’une identification de
leurs attentes réelles vis-à-vis de la capitalisation, de leur perception du travail de
l’accompagnatrice, etc. Ce fut celle d’une intégration au sein de l’équipe et de la
construction d’une relation favorable à la réalisation du travail.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
38
?
LA CONSTRUCTION D’UNE RELATION DE CONFIANCE ET DE DIALOGUE
La production d’une connaissance partagée au sein de l’équipe et entre l’équipe et
l’accompagnatrice a dû passer par la mise en place d’un réel dialogue. Compte tenu de
l’histoire des pratiques de coopération entre les agents du Nord et les agents du Sud dans
les projets de développement et aux logiques largement descendantes qui ont longtemps été
utilisées dans un but de transfert des compétences, le risque de créer une relation
asymétrique entre les animateurs et l’accompagnatrice était important. De par sa formation
et sa provenance, l’accompagnatrice disposait de ce que P. Bourdieu a nommé un « capital
symbolique », lui conférant un pouvoir d’imposer sa vision des choses aux membres de
l’équipe. (Darré, 2006, p. 19) Cependant, le fait que l’accompagnatrice soit une jeune
femme au statut de stagiaire a permis de limiter la violence symbolique qu’elle aurait pu
exercer par sa maîtrise de la langue française et son discours bien construit. En outre, si la
« position de non-savoir sur le métier » (Masson & Cypel, 2004, p. 117) est un
inconvénient pour le travail de maïeutique car elle nécessite un apprentissage, elle permet
un équilibrage des savoirs favorable à l’établissement d’un dia logue symétrique.
L’accompagnatrice disposait certes de compétences en matière de réflexion, d’analyse et
de rédaction, mais elle avait tout à apprendre des manières de faire de l’équipe au sein de
laquelle elle s’insérait. Ainsi, la plupart des animateurs ont pu développer aisément leur
pensée, leurs remarques et leurs critiques sur les propositions d’ana lyse que faisait
l’accompagnatrice. Pour cela, il était souvent nécessaire de rappeler la nature provisoire, la
dimension de proposition ou d’essai qu’avait cette analyse afin de la rendre « attaquable »
aux yeux des animateurs. Il était nécessaire de s’assurer de l’humilité du ton de
présentation pour favoriser un échange constructif et éviter soit le désaccord total, soit
l’absence de débat.
D’une manière générale, il s’agissait de construire une relation de confiance avec les
animateurs. Si la capitalisation n’est pas une évaluation, certaines activités sont similaires.
En effet, «capitaliser, c’est questionner une expérience, la discuter, voire la remettre en
cause (…) Même si [elle] ne consiste absolument pas à porter un jugement sur les qualités
professionnelles des personnes qui ont conduit ou porté un projet, elle peut être ressentie
comme telle. » (Lavigne Delville, 2004, p. 5) Il a donc été essentiel pour
l’accompagnatrice de se construire une image qui s’éloigne au maximum de celle de
l’évaluateur afin de recueillir de la part des animateurs un discours le plus sincère possible.
Il s’agissait de ne pas reproduire, avec l’équipe, la relation qui s’est tissée avec les autres
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
39
composantes du programme c’est-à-dire de ne pas faire en sorte que les animateurs se
retrouvent dans la position de vouloir démontrer leurs qualités professionnelles à
l’accompagnatrice. Plus que la confiance, c’est quasiment une complicité qu’il fallait créer,
tout en restant vigilant pour ne pas perdre son extério rité. La confiance devait permettre à
l’équipe de se défaire de ses complexes pour parvenir à dialoguer de manière constructive.
?
LES FONCTIONS DE L’ACCOMPAGNEMENT
Le rôle d’accompagnatrice a demandé d’occuper différentes positions aux différentes
étapes de la capitalisation. Certaines, comme le travail d’enquête, ne consistent pas en un
accompagnement. D’autres en revanche ont une dimension d’aide ou d’appui pour la
réalisation des objectifs qui étaient fixés. L’aide à l’explicitation en est une. Elle est
développée de manière plus approfondie dans les paragraphes suivants30 .
Le principe de la proposition en est une autre. C’est une manière de susciter la réflexion, de
la faire avancer. C’est une action qui doit permettre d’« activer la production de parole »
chez les acteurs opérationnels. (Darré, 2006, p. 73) En proposant, l’accompagnatrice invite
les membres de l’équipe à réfléchir plus avant sur certaines questions. Elle soumet à la
discussion sa propre vision des choses, présentée comme une image de la réalité prête à
être déconstruite, critiquée, transformée, annulée dans le but d’en produire une autre
correspondant davantage à la vision de l’équipe. « Cette activité n’est efficace que si les
propositions d’orientation sont fondées, de façon visible, sur ce qui est dit par les membres
du groupe. (…) Cela doit se trouver dans la direction, dans le « sens » de la parole du
groupe. » (p. 75) Appliquée à la capitalisation des activités de l’équipe AAC, cette
recommandation renvoie à la confrontation entre la vision que l’accompagnatrice se
construisait des pratiques des animateurs grâce aux enquêtes de terrain et celle de l’équipe
elle- même. Elle justifie le principe méthodologique selon lequel le dialogue entre
l’accompagnatrice et les animateurs devait être fondé, côté accompagnateur, sur une
lecture de la réalité sociale appuyée sur une grille et par des outils provenant des sciences
sociales.
La rencontre des visions est également une rencontre des façons de comprendre la réalité.
L’accompagnement devait donc également être celui de l’information produite à l’issue
30
Pour plus de détail, voir « De la connaissance tacite à la connaissance explicite », p. 47
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
40
des enquêtes de terrain, selon l’expression de J. P. Baré (1995). Les grilles de lecture, les
façons d’analyser et de rédiger ces analyses sont conditionnées par le champ professionnel
ou disciplinaire auquel appartiennent les individus. « Le rôle de la socio-anthropologie ne
se limite pas à produire de la connaissance. Il est aussi de la rendre accessible. » (Lavigne
Delville, 2004, p. 99) Si le travail anthropologique réalisé par l’accompagnatrice durant la
capitalisation de l’équipe AAC n’est pas de l’ordre d’une recherche scientifique, la
production de connaissances issues des enquêtes était toutefois déterminée par sa
formation universitaire en anthropologie du développement. Elle nécessitait la
transformation du jargon des sciences sociales en une information plus proche des
manières de s’exprimer des animateurs.
D’une manière générale, l’accompagnement de la capitalisation est de l’ordre d’un travail
d’animation. Il s’agissait d’organiser la réflexion en planifiant les séances de discussion,
leur préparation, leur déroulement. Au cours des débats, le rôle de l’accompagnatriceanimatrice était de guider la discussion par le principe de proposition, la formulation de
questions permettant un approfondissement, par le recentrage sur certains thèmes, la mise
en évidence de l’évolution de la réflexion et enfin la synthèse.
2. Modes d’interaction avec les animateurs et production de connaissance
Si les conditions de la participation des animateurs AAC à la capitalisation étaient
précisées dans le cahier des charges 31 , les conditions de leur implication dans les enquêtes
de terrain n’avaient pas été définies au préalable. A posteriori, on constate que ce temps de
capitalisation a été ponctué d’une multitude de types d’interaction différents entre les
animateurs et l’accompagnatrice, interactions productives de manière variable en termes de
connaissances sur les pratiques des animateurs. Ces derniers ont été alternativement
producteurs d’information brute sur leurs pratiques, facilitateurs et/ou collaborateurs dans
les enquêtes de terrain, parties prenantes de la réflexion collective et enfin détenteurs de la
31
Extrait du cahier des charges de la capitalisation (Cf. Annexe 5, p. 103) : « L’équipe AAC est totalement
impliquée dans le travail de capitalisation :
Elle participe activement au temps de réflexion collective
Réalise les enquêtes et questionnaires spécifiques dans les quartiers
Valide les hypothèses et les conclusions
Accompagne Laetitia dans son travail de terrain. »
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
41
responsabilité de valider une version définitive de l’analyse de leurs pratiques. Ces
différentes positions ont apporté une contribution particulière au travail de capitalisation.
?
LA FOURNITURE D’INFORMATION BRUTE : UNE PREMIERE FORMA LISATION
La fourniture d’information brute répondait à deux objectifs : l’information de
l’accompagnatrice durant sa phase d’apprentissage et l’explicitation de savoir-faire et de
pratiques. Au cours des échanges individuels entre l’animateur et l’accompagnatrice, une
première formalisation des pratiques avait lieu. Se faisant à un niveau individuel, elle était
valable uniquement pour l’animateur concerné. Le travail d’analyse et de comparaison
permettait ensuite d’effectuer une formalisation des pratiques de l’ensemble de l’équipe.
L’extrait d’entretien qui suit montre ce travail de formalisation par un animateur de ses
activités d’information des habitants.
Extrait d’un entretien entre l’accompagnatrice et Thierno Bâ (animateur dans le quartier de
Médina)
A la fin d’une matinée d’enquêtes dans le quartier de Médina, l’accompagnatrice
retourne à l’antenne Twize où elle rencontre, Mariam, leader dans la zone appelée LAR 4
du quartier. Elle était en colère car elle avait entendu dire que cette personne faisait un
recensement des coopératives dans le quartier et mais elle ne l’avait pas vu passer chez
elle. Thierno Bâ (l’animateur), a essayé de lui expliquer les raisons de sa présence dans le
quartier mais en vain. Retour sur ce moment lors d’un entretien au bureau de l’équipe
AAC.
LM : Tu as revu Mariam, elle est toujours fâchée ?
TB : Oui, elle croit toujours la même chose. Je lui ai encore expliqué mais elle ne veut rien
entendre. Avec les habitants, il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie. On leur
explique souvent plusieurs fois les mêmes choses. Les gens ont du mal à comprendre le
principe du programme Twize. Il faut les informer de manière très pédagogique pour qu’ils
finissent par comprendre ce que nous faisons et comment nous le faisons. Les habitants
peuvent soupçonner très rapidement l’animateur de tirer profit des fonds fournis par le
programme Twize. Il faut souvent réexpliquer la démarche et prouver qu’on ne
s’accapare pas d’argent, qu’on ne profite pas de sa position pour tirer des bénéfices
personnels. On veut accompagner les gens dans leur changement de mentalité dans le
sens du bien commun.
Cette pratique s’est révélée être partagée par les autres animateurs et a donc été développée
et validée par l’ensemble de l’équipe. Les animateurs se sont reconnus comme pratiquant
une sorte pédagogie permanente, comme étant des traducteurs du message du programme à
la population. Les animateurs AAC doivent sans cesse rappeler que les objectifs du
programme Twize vont dans le sens de l’intérêt général et de l’amélioration des conditions
de vie de tous, ce qui n’est pas quelque chose d’évident pour les habitants. En effet, dans le
fonctionnement de la société mauritanienne ceux qui possèdent redistribuent leurs
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
42
richesses autour d’eux dans le but d’accroître leur prestige. Les actes en faveur de la
communauté ne sont donc jamais gratuits. Et les activités du programme Twize sont
comprises à travers cette grille de lecture. L’animateur doit en permanence montrer qu’il
ne retire aucun intérêt du projet d’assainissement qui a été mis en œuvre avec son appui et
le financement du programme Twize.
?
L’ANIMATEUR COMME ENQUETEUR
Les enquêtes de terrain, destinées à construire chez l’accompagnatrice une connaissance et
une vision de l’activité de l’équipe AAC, ne pouvaient se réaliser sans l’appui des
animateurs. Ils ont donc joué un rôle de facilitateur, d’intermédiaire permettant de mettre
en relation l’accompagnatrice avec les différents acteurs concernés par les enquêtes
(habitants, leaders de quartier, porteurs de projets, élus municipaux, etc.). Ces positions ont
pris des formes aussi variées que l’étaient les personnalités des membres de l’équipe.
Faciliter le contact des gens à rencontrer sans participer aux entretiens, jouer le rôle de
traducteur lorsque celui-ci faisait défaut, accompagner l’enquête du début à la fin ou
encore se mettre dans la position de l’enquêteur sont les différentes configurations qui ont
existé. Elles ont été fonction de la volonté des animateurs, de leur compréhension de la
démarche de capitalisation et de leur rôle. Cette liberté laissée à l’animateur de se
positionner pour ce type d’activité correspondait au souci de l’accompagnatrice d’obtenir
de sa part le maximum de sincérité dans la participation à la capitalisation et visait à
contrecarrer au maximum le discours automatique de valorisation de son activité. Le
respect par l’accompagnatrice de la position qu’il avait choisi d’occuper devait permettre
de rendre l’interaction la plus productive possible en termes de réflexion sur les pratiques.
Certains animateurs ont d’emblée adopté une position réflexive et se sont placés du côté de
l’enquêteur pour participer à la réalisation des entretiens. Leur principal souci était de
limiter au maximum la langue de bois à laquelle un intervenant extérieur de provenance
occidentale est systématiquement confronté dans les entretiens avec les habitants. Il
s’agissait donc pour eux de présenter l’accompagnatrice de la capitalisation, l’objet de sa
présence et de son travail, l’objectif de l’entretien mais également de poser des questions
lors de l’entretien et de chercher à obtenir de l’interviewé des informations de qualité. Pour
Abderahmane Ndiaye, animateur AAC dans le quartier de Couva, la simple présence de
l’animateur lors des entretiens permet de gagner en sincérité de la part des enquêtés.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
43
Extrait de l’entretien de Hinte, leader dans le quartier de Couva
Dans le cadre de la réflexion sur les relations que les animateurs entretiennent avec les
leaders de quartier, Abderahmane Ndiaye présente l’accompagnatrice de la
capitalisation à Hinte pour un entretien.
LM : Tu lui as expliqué pourquoi nous sommes là ?
NA : Je lui ai dit que nous sommes là pour parler avec elle de sa fonction de leader dans
le quartier et de personne ressource de Couva. Je lui ai dit qu’elle n’a qu’à répondre,
c’est tout. Qu’elle n’essaye pas de… Qu’elle n’a qu’à répondre tel que c’est et c’est tout.
Bon, elle ne peut pas beaucoup durer parce, bon, elle sait que j’en sais quelque chose.
Malgré les précautions prises par les animateurs, les entretiens comportaient en général une
part importante de discours construit en fonction de l’interlocuteur. Un travail rétrospectif
avec l’animateur sur ce qui a été dit pendant l’entretien permettait ensuite d’en faire une
première analyse et de décoder les paroles qui avaient été prononcées.
II. Décomposition du processus de maïeutique : formaliser
l’informel
La méthode ETED 32 , mise au point au Centre de recherche pour l’emploi et les
qualifications (CEREQ) propose une démarche à laquelle ressemble beaucoup celle mise
en œuvre lors de la capitalisation des activités de l’équipe AAC. Elle a pour objectifs de
« [structurer] le recueil d’information, l’analyse de cette information, la présentation des
résultats et le dialogue entre les personnes chargées de conduire cette analyse et celles qui
attendent un éclairage. » (Liaroutzos & Sulzer, 2006, p. 9) L’ouvrage de J.P. Darré sur La
recherche coactive de solutions entre agents de développement et agriculteurs offre
également des repères méthodologiques fondateurs sur le dialogue entre acteurs issus de
cultures, notamment professionnelles, différentes.
Après la définition collective des objectifs, le processus mis en œuvre pour la capitalisation
de l’expérience des animateurs AAC a suivi un certain nombre d’étapes précises. Il a
débuté par un travail d’expression des animateurs sur leurs pratiques à l’occasion de
différentes activités (principalement des entretiens) permettant une première formalisation
plus individuelle que collective. A la suite de cette première phase, les enquêtes de terrain
menées avec l’accompagnatrice devaient permettre d’élargir la réflexion au contexte social
d’intervention de l’équipe et de questionner les discours des animateurs par rapport à ce
contexte. L’analyse produite par l’accompagnatrice était donc présentée à l’ensemble de
32
Emploi-type étudié dans sa dynamique.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
44
l’équipe et exposée à ses réactions pour validation. La version définitive de l’analyse est
ainsi le reflet du consensus obtenu à l’issu des débats.
1. La formalisation des pratiques : l’exemple de la relation aux leaders de quartier
?
ELEMENTS DE DEFINITION SUR LES SAVOIRS IMPLICITES
La description demande de formuler un certain nombre de détails sur les manières de faire,
les procédés, la méthodologie de l’action. Or, ceux-ci ne sont pas accessibles d’emblée. P.
Vermersch met en évidence la distinction entre conscience préréfléchie et conscience
réfléchie sur la base des travaux de Husserl. La plupart du temps, au moment, d’une action,
nous avons conscience de ce que nous vivons et non de la façon dont nous percevons ce
moment. La conscience préréfléchie correspond, par exemple, à l’état dans lequel on se
trouve lorsqu’on prend connaissance du contenu d’une notice, lorsqu’on assiste à un
spectacle. La conscience réfléchie correspond au fait d’avoir conscience de la conscience
que l’on a du spectacle ou du contenu de la notice. C’est cette conscience là qui nous
permet de décrire ce que nous faisons, d’en avoir connaissance et donc de l’analyser. « En
conséquence, tout ce qui est encore seulement préréfléchi est comme absent de ma
connaissance, comme si je ne le connaissais pas faute de l’avoir reconnu. Ce n’est pas
gênant pour agir, et même de manière efficace. En revanche, pour produire une description
détaillée de ce que j’ai fait, ce qui n’est encore que préréfléchi est comme inconnu, absent.
(…) Ce que j’ai vécu ne se donne pas à moi spontanément dans le détail. » (Vermersch,
2004, p. 74) Il faut donc aller chercher ce vécu, provoquer une expression à son sujet. Pour
la capitalisation des activités de l’équipe AAC, différents supports et procédés ont été
mobilisés : les documents, les entretiens et les observations.
?
LE ROLE DES TRACES ECRITES
Dans le cadre des projets de développement, différents types de documents tels que les
documents de projets, les documents de suivi, les comptes rendus de réunions ou
d’événements, les rapports d’activités sont autant de supports de fixation d’une description
de l’action ou de la démarche suivie pour réaliser l’action. Les activités de l’équipe AAC
comportent cette partie de production de traces de l’action afin de pouvoir en rendre
compte.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
45
Pour le travail de capitalisation, ils ont été mobilisés à différentes fins. Ils servaient
essentiellement de support pour comprendre l’action. Ils étaient consultés en premier lieu
avant d’entrer dans une démarche de réflexion sur l’action en question, avant la réalisation
d’entretiens avec les animateurs et d’enquêtes de terrain. Ils correspondaient à l’étape
d’apprentissage de l’accompagnatrice et aidaient à la préparation des entretiens et plus
généralement à la construction de la méthodologie d’enquête. Les documents présentés au
comité d’attribution des microprojets servaient, par exemple, de base à la compréhension
de la démarche suivie pour la mise en œuvre du projet : demande de départ, objectifs,
acteurs impliqués et leur rôle, montage institutionnel et financier, impacts attendus, etc.
Une capitalisation comprend également une part de listage des activités menées. Il s’agit de
donner une vision globale et historique des actions, notamment sous la forme de tableaux
permettant de visualiser facilement le travail accompli. Les divers documents de suivis
sont alors très utiles pour réaliser ces récapitulatifs.
Tableau 1 Projets mis en oeuvre par l'équipe depuis 2003
Nouakchott Date
2005
Couva
Intitulé du projet
Aménagement et équipement d’un centre féminin
de tannage de cuir
Domaine
Economique
2004
Equipement d’un jardin d’enfants
Education
2003
Projet de ramassage des ordures ménagères
Environnement
Basra
2005
Construction d’une loge de gardien, réhabilitation
des bassins d’eau et extension d’une salle de lecture
Education
Médina
2005
Délégation du service de ramassage des ordures
ménagères par la mairie à un comité de gestion
Environnement
2005
Réhabilitation des salles de classe et construction
d’une loge de gardien
Education
2004
Equipement et appui au centre de santé « femmes et
enfants de Nezaha »
Santé
2005
Désensablement et réhabilitation du mur d’enceinte
de l’école Mohamed Mahmoud O/ Tlamid
Education
2004
Aménagement et équipement d’un centre de
promotion des activités féminines
Economique
2003
Equipement du jardin d’enfants « Nejah »
Education
2005
Réhabilitation de 8 bassins de stockage d’eau
Eau
2004
Prolongement du projet pilote d’arborisation
Environnement
Projet de ramassage des ordures ménagères
Environnement
Projet pilote d’arborisation
Environnement
Nezaha
Saada
Dar El Beïda
2003
Teyssir
Mise en place d’un système d’approvisionnement en
2005
eau
2004
Eau
Equipement d’un jardin d’enfants
Education
Réfection de l’école « El Amani »
Education
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
46
Ces documents fournissent cependant une information très partielle sur la réalité en
fonction de l’utilité qui leur est conférée au sein de l’équipe, des conditions matérielles et
psychologiques dans lesquelles se trouvait l’animateur moment de la rédaction, etc. Cette
information ne peut se suffire à elle- même et ne vient qu’en appui à un travail plus
approfondi notamment par la réalisation des entretiens permettant d’entrer dans le détail
des activités menées.
DE LA CONNAISSANCE TACITE A LA CONNAISSANCE EXPLICITE33
?
« Le mot « détail » est important. Si l’on me demande ce que
je fais en ce moment, je n’ai aucune difficulté à dire que je
tape sur le clavier de l’ordinateur et que j’écris un article. J’ai
la conscience réfléchie de mon activité globale et de mes
buts. En revanche, si l’on me demande de décrire les fils
conducteurs qui me guident dans l’écriture de ce passage,
ou de décrire les activités motrices des doigts, ou les endroits
où mon regard se pose spontanément, cela ma demande
l’effort de m’y rapporter et peut me paraître inaccessible. Je
sais ce que j’ai fait, mais cela ne se donne pas
immédiatement dans le détail, et même souvent, je n’ai pas
la croyance que je puisse le retrouver. » (Vermersch, 2004, p.
74)
Le travail réflexif présente un certain nombre d’obstacles : il s’agit de pouvoir revenir dans
le passé pour se remémorer les actions réalisées mais également de pouvoir les décrire dans
le détail. Le travail de l’accompagnatrice de la capitalisation consiste à fournir une aide à la
remémoration et à l’explicitation. Avec l’équipe AAC, le retour dans le passé ne fut pas
central. Les activités concernées par la capitalisation étaient toujours en cours. C’est
d’ailleurs pourquoi les moments d’observation et de participation au travail des animateurs
par l’accompagnateur ont joué un rôle important, qui sera développé ci-après, dans la
production de connaissances sur leur travail.
Il s’agit ava nt tout de favoriser l’explicitation, la formulation des pratiques grâce à des
questions. Dans l’entretien entre l’accompagnatrice et l’animateur, « l’enjeu (…) est
d’obtenir une verbalisation suffisamment détaillée du vécu afin qu’elle devienne
intelligible. » (Vermersch, 204, p. 78) La formulation des questions et des relances a donc
un rôle central. Elles doivent aboutir à l’expression d’une réponse contenant une
information précise permettant de faire avancer la connaissance sur l’action. La
formulation des questions doit permettre la remémoration. Elle doit guider sur des
33
Lavigne Delville, 2004, p. 8
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
47
événements concrets lors desquels le type d’activité étudié a été mis en œuvre. Les
relances ont notamment pour but de préciser l’information et de faire ressortir sa cohérence
avec les autres informations énoncées auparavant. Relancer demande une grande vigilance
dans la formulation dans la mesure où l’on peut facilement tomber dans l’induction de
réponses. Il convient de s’efforcer de poser les questions les plus ouvertes possible pour ne
pas entraîner la personne dans une direction particulière.
Le thème de la relation entre les animateurs et les leaders de quartier a donné lieu à la
réalisation d’entretiens longs et approfondis. Un entretien avec Abderahmane Ndiaye a
permis de mettre en évidence les informations dont il dispose sur les leaders de son
quartier mais également l’attitude qu’il adopte avec les uns et les autres.
Entretien avec Abderahmane Ndiaye sur sa relation avec les leaders du quartier de
Couva
LM : Est-ce qu’il y a des gens qui sont considérés comme leaders dans le quartier mais qui
ne sont pas utiles pour toi parce que trop politisés…
AN : Dah, M’Barké.
LM : Délibérément, tu ne veux pas travailler avec eux…
AN : J’ai vu qu’il n’y en a rien à tirer. Dans les réunions, ils ont tendance à tirer vers le parti,
à s’approprier la réunion, les idées. Ce qu’on amène… ils ont tendance à dire, c’est nous
qui avons amené cette chose. On a vu ça avec le marché. Ils ne veulent pas que les
autres cotisent parce qu’ils veulent que ça soit leur marché. C’est M’Barké, Hidoumou, un
leader que je n’ai jamais voulu rencontrer. Je le connais depuis le sixième. Un type politisé,
un voyou. Lui, M’Barké et Dah. (…)
LM : A ton avis, qu’est-ce que ça leur apporte à ces leaders d’être impliqués dans le
programme Twize, de porter un projet ?
AN : Pour les projets, ils retirent un prestige. Ils disent que c’est eux qui ont apporté le
projet.
LM : Donc ils se l’approprient en quelque sorte…
AN : Ils se l’approprient et parfois ça se conclut comme le projet d’assainissement. Dès
que le projet a été financé, elles se sont tout partagé. Au lieu que les charrettes servent à
ramasser les ordures et consorts, ils vendaient l’eau. Lorsqu’il y a plus d’eau, de pression….
M’Barka a arrêté. Bien avant Libraze. Elle a fonctionné une année après. Mais elle aussi,
elle vendait trop l’eau. Elle a trouvé que la charrette était trop lourde. Elle l’a vendue. (…)
LM : Et Chabe, le projet de tannage, ça lui a aussi permis…
AN : Ah oui, oh la la ! Ça c’est très dommage. Ça lui a permis de se mettre au devant.
Avant, les gens croyaient que c’était à cause d’elle qu’il y avait le projet. Il a fallu que je
refuse. J’ai fait des réunions au tannage, là où elles travaillent. J’ai dit si c’est celle-ci
seulement que vous retenez, je ne parle plus avec elle. Parce que peut être elle amène
des informations, peut être qu’elle n’amène pas des informations correctement. Vous allez
croire aussi que le projet, que c’est elle… Elle dit à certaines d’entre vous « si tu fais le
malin, je te sors de mon projet. » J’ai dit : « ça, je refuse. Donnez moi des gens…. » J’ai
demandé un groupe de trois ou quatre personnes avec lesquelles on va faire les
démarches. Les demandes, les devis, etc. toutes les démarches qu’il devait y avoir, la
mairie, la préfecture, les demandes de terrains… surtout pour les demandes de terrain, j’ai
vu que souvent elle venait me voir. On partait voir le préfet. A un moment donné, on a
failli… les femmes commençaient à croire qu’on donnait un terrain à Chabe. (…)
LM : Donc il a fallu un peu recadrer Chabe…
AN : Ah oui, oui. Il a fallu la recadrer carrément, carrément.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
48
Cet entretien a ainsi contribué à la mise en évidence d’une pratique qui s’est révélée
commune à l’ensemble des animateurs de l’équipe : celle d’écarter les leaders trop
ambitieux et animés par des élans personnels. Si la personne du leader est utile aux
animateurs pour mobiliser les habitants des quartiers, les réunir, faire passer un message,
elle peut également être un frein à l’activité de l’animateur en cherchant à faire des
responsabilités qui leur sont données, dans le cadre des microprojets notamment, des
moyens d’augmenter leur ressources à la fois matérielles et symboliques. Ainsi, les leaders
les plus enclins à ce type de stratégie sont surveillés de près par les animateurs. Ils sont
« marginalisés 34 » lorsque le partenariat avec eux est trop chargé d’enjeux.
?
IDENTIFIER L’INTUITIF : LE ROLE DE L’OBSERVATION PARTICIPANTE
La participation aux activités des animateurs a permis de rendre l’action en train de se faire
plus réflexive qu’elle ne l’est ordinairement. Les situations vécues étaient questionnées
dans la foulée. Le regard distanc ié de l’accompagnatrice lui permettait de poser des
questions qui explicitaient la démarche alors même qu’elle était en train de se faire. Le fait
de se situer dans une posture d’action et non dans celle de l’entretien favorisait, en outre,
les discussions informelles, en général plus productives d’information que les situations
formelles.
Au cours d’une semaine d’observation et de participation aux activités de l’animateur dans
le quartier de Dar el Beïda, certaines situations de rencontres non organisées avec les
leaders ont permis un approfondissement de la connaissance sur les relations avec les
leaders. La question de la marginalisation des leaders trop politisés a notamment été
éclaircie grâce à l’observation d’une longue conversation riche en argumentation mais
également en plaisanteries entre l’animateur et le leader le plus politisé du quartier et donc
présenté préalablement comme écarté du programme pour cette raison. Lors d’un entretien
sur son travail avec les leaders de son quartier, l’animateur avait décrit l’histoire la relation
entre le leader et le programme Twize jusqu’à son écartement du programme sans donner
davantage de détails. Après observation de cette conversation, il a ainsi été possible de
mettre en évidence toute une facette de la relation, beaucoup plus intuitive et non
formalisée qui consistait pour l’animateur à ne pas se couper totalement de lui. Il a ainsi
donné de plus amples explications :
34
Selon les propos de Chérif Ould Brahim, conseiller de quartier à Dar el Beïda.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
49
« Pour ne pas trop les (les leaders) marginaliser, l’animateur
se détourne d’eux gentiment. Il les tient toujours informés. On
reste gentil avec eux. On les taquine. Ils savent qu’on les
connaît. » 35
Ce retour réflexif a donc permis d’identifier avec davantage de précision les liens existants
entre les animateurs et les leaders. Ces derniers sont des personnes centrales pour la
réalisation des activités des animateurs qui ont donc dû développer des stratégies afin de ne
pas se priver de leur aide mais également de ne pas risquer de se faire instrumentaliser par
eux.
Le jeu entre l’observation et la discussion est donc de l’ordre du processus itératif. Les
premiers
entretiens
ont
donné
des
clés
de
compréhension
indispensables
à
l’accompagnatrice. Cependant, ils se sont bien souvent avérés insuffisants et n’ont pas
permis d’épuiser, par la parole seulement, l’ensemble des pratiques mises en œuvre.
L’observation a donc donné accès à des manières de faire plus intuitives et spontanées qui
ont ensuite été de questionnées et explicitées lors de nouveaux entretiens ou lors des débats
collectifs.
2. L’analyse contextualisée
?
ELARGIR
LA
REFLEXION AU
D’ASSAINISSEMENT A MEDINA
SYSTEME
D’ACTEURS
:
L’EXEMPLE
DU
SERVICE
L’animation étant un ensemble d’activités éminemment relationnelles, le travail d’analyse
des pratiques de l’équipe AAC demandait donc de porter attention aux différents acteurs
qui interagissent avec les animateurs ainsi que leurs logiques. Une analyse des perceptions
de l’action de l’équipe par les acteurs concernés devait permettre de questionner et
d’approfondir un certain nombre d’éléments du travail d’animation. C’est à ce niveau que
les enquêtes de terrain menées par l’accompagnatrice ont joué leur rôle.
L’analyse de la mise en œuvre des microprojets, par exemple, a demandé un élargissement
de la réflexion par rapport à la seule démarche méthodologique. Une identification puis la
rencontre des différents acteurs concernés a permis de mettre en évidence le contexte
social dans lequel les microprojets AAC viennent s’insérer. Le service d’assainissement
fourni dans deux secteurs du quartier de Médina par un comité d’habitants soutenu par
35
Idem.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
50
l’équipe AAC a fait l’objet d’enquêtes de terrain donnant lieu à des observations et des
entretiens avec les membres du comité, les adhérents et un élu municipal. Il a ainsi été
possible d’identifier les différents enjeux entre lesquels évolue l’animateur et de mettre en
évidence sa compréhension de cet environnement, ses marges de manœuvre, ses choix
stratégiques, son influence dans la mise en œuvre d’un service devant, à terme, fonctionner
de manière autonome.
La satisfaction des adhérents de pouvoir bénéficier d’un service de ramassage des déchets
régulier et peu coûteux s’est révélée quasiment générale. Leur intérêt était donc de voir ce
service perdurer voire s’étendre. Il était partagé par l’équipe municipale qui, ayant été
impliquée dans la mise en œuvre du projet, avait pu augmenter sa visibilité auprès des
habitants. Ces derniers considèrent d’ailleurs que le comité d’assainissement est rattaché à
la commune. Cependant, la mise en service d’une collecte des déchets dans le quartier ne
s’est pas faite dans un contexte vierge de rapports de pouvoirs et logiques d’intérêts. Au
sein du comité d’habitants porteur du projet, les visions divergent sur la manière de faire
fonctionner le service.
Une des membres, présidente au moment du lancement du projet, devenue secrétaire
générale par la suite, jouit d’une certaine notoriété dans le quartier de par son activisme
politique et sa bonne connaissance du monde du développement. Le projet
d’assainissement représentait pour elle un moyen d’accroître un peu plus son influence.
Elle a cherché à avoir une importante emprise sur le projet. Ceci s’est traduit par exemple,
par la confusion de son espace privé et des locaux du projet dans les premiers mois après le
lancement et par la prise d’initiatives sans concertation avec les autres acteurs du projet,
entraînant des difficultés de coopération avec le conseiller de quartier. Enfin, la zone de
recouvrement qui était sous sa responsabilité représentait la moitié de l’ensemble des
usagers du service. Dans sa logique d’accaparement du projet, la secrétaire générale
pratiquait une gestion peu transparente du recouvrement, refusant par exemple de donner le
nombre et l’identité des adhérents présents sur sa zone. Le montant de son recouvrement
mensuel était également très irrégulier. Or, c’est la seule source de financement du projet et
il a fallu puiser dans les économies réalisées par le comité pour assurer le paiement des
salaires et la nourriture des ânes.
La vision du projet des autres membres du comité, davantage soucieux de l’efficacité et de
la transparence du service, permettait la canalisation des ambitions personnelles de la
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
51
secrétaire générale et l’atténuation de leurs conséquences. Le conseiller AAC s’est donc
trouvé dans l’obligation de jouer un rôle très actif dans le rappel des principes de l’intérêt
général qui doivent guider le fonctionnement du comité et d’une manière générale le
projet. Le projet a connu des périodes d’ « ingérence » plus ou moins prononcée de sa part.
D’une manière générale, il conseille de manière constante et parfois insistante les membres
sur le fonctionnement du projet. Il a pris la décision d’annuler certaines initiatives prises
par les membres et les a incité au remaniement de leurs fonctions respectives au sein du
comité. Suite à un vote, la présidente a ainsi dû céder sa place en échange de la fonction de
secrétaire générale. Au moment de la capitalisation, alors que la pérennité financière du
projet était menacée, il a activement conseillé les membres du comité de modifier de
nouveau la répartition des responsabilités et de recourir à une personne extérieure au
comité afin d’assurer une plus grande efficacité et transparence du recouvrement, mesure
qui a été validée par un vote au sein du comité.
C’est en ayant connaissance de ces divers enjeux que l’animateur a pu décider d’influencer
le comité dans telle ou telle direction pour redresser la situation financière du projet. Ceci
illustre ce que Ph. Lavigne Delville considère comme un « terrain idéal » pour
l’anthropologie du développement : dans les projets de développement, « loin de se limiter
à une définition formelle de procédures, l’enjeu est bien de prendre en compte les jeux
d’acteurs et les enjeux sociopolitiques, pour favoriser, par une série d’essais-erreurs, la
mise en place de règles du jeu à peu près fonctionnelles. » (1997, p. 104)
?
METTRE EN COHERENCE LES RESULTATS DE LA REFLEXION
Une part importante du travail de capitalisation a consisté à sélectionner l’information, à la
trier, à retenir celle qui est la plus pertinente au regard du questionnement de départ. Il
s’agit de comparer, de mettre en regard les discours recueillis et les manières de faire
observées afin de systématiser un certain nombre de pratiques. Une très grande partie de
l’expression des animateurs sur leurs pratiques s’est faite sous la forme du récit. L’analyse
a donc consisté en l’interprétation de ces récits et leur transformation en données
stabilisées sur le travail d’animation au sein du programme Twize. Le croisement des
discours a été fait de manière systématique afin d’obtenir une vision des pratiques la plus
proche de la réalité. Les animateurs avaient en effet une tendance naturelle à produire une
description de leurs pratiques correspondant à un idéal plus qu’à la réalité.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
52
Le travail d’analyse a été pour beaucoup un travail d’organisation. La capitalisation avait
pour objectif de rendre de visible le travail d’une équipe dont on percevait mal la
cohérence parmi une multitude d’activités. L’information collectée a donc subit le même
sort. Elle se composait d’un grand nombre de données correspondant à des activités mais
également à des animateurs différents. Le cœur du travail tenait donc à une mise en
cohérence de ces données qui devait donner de la visibilité à la cohérence des activités de
l’équipe. L’analyse devait permettre de raccrocher le sens des activités à la démarche
globale de l’équipe mais aussi du programme Twize.
La mise en évidence et la description précise de deux facettes dans l’activité de la
composante a permis d’apporter cette clarification et de montrer qu’elle est doublement
cohérente avec l’ensemble du programme Twize. Ses objectifs propres, que sont l’appui à
la mise en œuvre des initiatives des habitants en termes de développement local, viennent
se coordonner à ceux des composantes habitat, microfinance et formation dans une volonté
d’amélioration des conditions de vie dans les quartiers périphériques. Sa mission d’appui
lui donne la particularité d’être totalement transversale et de travailler à faciliter les
activités des autres composantes. D’une manière générale, la composante est un facteur
d’insertion du programme dans son environnement. Par son travail de communication sur
le programme Twize, elle attire les habitants dans les antennes, diffuse l’information dans
le quartier. Elle fait preuve d’une capacité de mobilisation et de rassemblement de la
population reconnue jusqu’à l’extérieur du programme. Elle noue avec les habitants, et
plus particulièrement avec leurs leaders, une relation qui n’est pas de l’ordre du contrat
comme c’est le cas pour les autres composantes. C’est une relation partenariale, de conseil,
parfois directive, parfois amicale et dans tous les cas qui se veut durable. Dans ce cadre,
elle initie à la notion de bien commun, faiblement présente dans les représentations des
habitants et pourtant au cœur du programme.
3. La restitution/validation des résultats
?
TRADUIRE DE MANIERE FIDELE
L’analyse représentait donc un apport, un plus par rapport à la vision que se fait l’équipe
de son travail. Sa transmission aux animateurs a donc été un moment crucial de la
capitalisation. Elle était présentée lors de réunions qui rassemblaient l’ensemble de
l’équipe. Cette position correspondait, pour l’accompagnatrice, à la fonction « dire » dans
la méthodologie de J.P. Darré pour la mise en œuvre d’une recherche collective de
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
53
solutions entre agents de développement ou chercheurs et groupes d’agriculteurs. Le
« dire » a pour objectifs « d’aider à produire de la parole, d’aider à clarifier, à préciser ce
qu’on a dit, à faire entendre, à provoquer des rebonds, d’aider à réfléchir sur ce qu’on dit. »
(2006, p. 74)
Il s’agissait d’une proposition de la part de l’accompagnatrice destinée à faire réagir et à
approfondir encore la réflexion, collective cette fois, sur les pratiques. Selon lui, «cette
fonction [du dire] ne peut pas être mécanique. Elle ne peut être assimilée à l’image
commune du ‘miroir’, de ‘reflet’. Le terme habituel de ‘reformulation’ est lui- même
insuffisant. » Elle doit apporter une valeur ajoutée tout en restant fidèle. La fidélité, ici
encore, n’a pas pour vocation d’être totale sinon la proposition ne serait qu’un reflet. Elle
doit se faire ressentir dans le contenu de la proposition de telle sorte que « les membres du
groupe concerné se sentent assurés que l’aide fait tout ce qu’il peut pour « dire » de façon
juste ce qu’eux-mêmes ont voulu dire. » (p. 74) Ainsi, l’accompagnatrice se protège contre
le soupçon de vouloir faire passer dans l’analyse ses propres idées, sa vision des choses et
par conséquence imposer une autre manière de faire.
?
UN MOMENT DE CATHARSIS
Les moments de débat collectif sur la base des analyses proposées étaient en général très
actifs et riches en réactions. Une part importante des échanges et des idées exprimées
peuvent être considérées comme ayant une fonction de catharsis pour les animateurs. La
description du contexte et des attentes vis-à-vis de la capitalisation développée plus haut
laissait imaginer que la réalisation de ce travail pouvait contribuer à diminuer certaines
tensions. Les réunions de restitution de l’analyse de l’accompagnatrice étaient
effectivement l’occasion de s’exprimer sur le métier de manière libre en fonction des
thèmes abordés. La comparaison avec les autres équipes du programme était souvent
présente en filigrane dans les discussions. Si les entretiens individuels avec les animateurs
favorisaient une réflexion approfondie sur les pratiques, les débats collectifs faisaient
davantage émerger l’identité collective de l’équipe. Dans ce contexte, les animateurs
avaient souvent tendance à rappeler leurs différences avec les autres équipes et leur utilité
incontestable dans le cheminement de l’ensemble du programme vers la réalisation de ses
objectifs. C. Blanchard-Laville, professeur en sciences de l’éducation et spécialiste de
l’analyse des pratiques professionnelles explique la dimension de catharsis présente dans
ce travail, notamment en ce qui concerne les professions ayant une forte dimension
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
54
relationnelle. Selon elle, l’analyse des pratiques n’a pas pour « but de modifier à tout prix
les comportements mais simplement, dans la mesure où ils deviennent progressivement
conscients, de les rendre moins rigides et de se libérer un peu des contraintes imaginaires
qu’ils imposent. » (2004, p.17)
?
L’INFLUENCE DU TEXTE DANS LA REFLEXION
Les multiples réactions aux analyses proposées permettaient difficilement de cerner à quel
point la restitution est fidèle aux pratiques ou non. Les remarques et débats au sein de
l’équipe sur la base d’une proposition portaient en général sur des points précis de
l’analyse. Cela peut être interprété de différentes manières. L’analyse va dans « le sens de
la parole du groupe » (Darré, 2006, p. 75) c’est-à-dire qu’elle est fidèle aux pratiques et
constitue réellement une plus value par rapport à la vision du groupe. Elle joue alors
effectivement un rôle de stimulateur de l’expression sur les pratiques qui ajoute, précise et
valide l’analyse ainsi enrichie. Mais l’analyse peut également se situer trop loin des
pratiques des animateurs, soit parce qu’elle est difficilement intelligible, soit parce qu’elle
ne traduit pas réellement leurs pratiques. Ils se focalisent alors sur des détails de l’analyse
qu’ils portent à la discussion sans en percevoir le sens global.
La question de l’intelligibilité de l’analyse est centrale. Elle pose celle du rapport des
animateurs au texte proposé, base des débats et première version du document final qui
sera diffusé. Dans la pratique, les animateurs produisent eux- mêmes un certain nombre
d’écrits : les comptes rendus des initiatives d’information dans les quartiers et les
monographies36 de leur quartier. Mais cette démarche ne semble pas avoir un caractère
structurant pour leurs savoirs. Elle est plutôt perçue comme une nécessité imposée par le
programme, une question de procédure. Lorsque les encadrants de l’équipe AAC ont
décidé de la réactualisation des monographies de quartier, des contestations se sont élevées
parmi les animateurs pour qui l’ampleur de la tâche était démesurée par rapport à l’utilité
de son résultat. C’est l’expérience orale qui a le plus d’impact en terme d’apprentissage. Le
36
Document rédigé par les animateurs rassemblant de manière thématique les différentes informations
recueillies dans le quartier : composition et organisation de la population, coopératives, associations, comités
de quartiers, services, infrastructures, équipements (modes d’approvisionnement en eau, sources d’énergie,
centres de santé, modes de gestion des déchets, réseaux de transport, écoles, jardins d’enfants), manques et
les besoins prioritaires, filières de production, niveau économique des ménages, ONG locales actives, etc.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
55
travail de capitalisation comportait cependant une part importante de travail sur le texte. Le
chef de l’équipe AAC a tenu à ce que l’ensemble de la production écrite destinée à être
publiée soit à disposition des animateurs afin de s’assurer qu’aucune contestation sur le
contenu du texte n’intervienne après sa publication.
Lors des débats, les animateurs étaient donc en possession du texte depuis quelques jours
et avaient eu le temps d’en prendre connaissance. Il était présenté par l’accompagnatrice
sous la forme d’un power point mettant l’accent sur les idées principales afin qu’elles
soient discutées. La difficulté du rapport à l’analyse proposée tenait à ce moment-là à sa
complexité et son degré d’abstraction. Il s’agissait de faire en sorte qu’elle soit
compréhensible mais également que sont contenu soit en rapport avec le cheminement de
la réflexio n en cours. C’est ici que se situe une différence importante entre la recherche et
l’accompagnement. Dans le cadre de la recherche, le texte produit est à destination des
pairs et se présente sous sa forme finale. Dans le cadre de l’accompagnement, il doit être
recevable par les acteurs opérationnels qu’il concerne dans le but de provoquer une
réaction de leur part pouvant, au final, le modifier. Il ressemble à ce que J.P. Darré nomme
la « synthèse heuristique ». C’est un texte (mais pas nécessairement) qui, parce qu’il doit
permettre de faire encore avancer la réflexion, doit restituer l’analyse telle qu’elle est à ce
moment- là. Sa pertinence dépend de sa capacité à traduire l’état de la réflexion à un stade
donné. 37
La question du rapport au texte est égale ment celle de la perspective de publication des
résultats de la capitalisation des activités de l’équipe. Elle a eu une influence non
négligeable dans la démarche de réflexion. En effet, la distinction entre attitude réflexive
sur les pratiques et mise en texte des résultats pour leur publication a parfois été
insuffisamment marquée et a empêché de favoriser une attitude objective chez les
animateurs. La concentration sur les termes utilisés et les exemples cités a parfois risqué de
détourner le contenu du texte. Le travail de formulation a donc tenu une grande
importance. C’est parfois le jeu sur les mots qui a permis d’arriver à un consensus plutôt
que l’idée en tant que telle. Dans le document final, destiné à être diffusé, l’impératif de
fidélité est central. Il s’agit d’intégrer seulement les analyses qui font consensus au sein de
l’équipe.
37
Je remercie Ph. Lavigne Delville pour son éclairage sur cette question du rapport à l’écrit.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
56
?
DE LA CONFRONTATION DES VISIONS A L’OBJECTIVATION
Le travail ainsi organisé à une forte dimension itérative. La formalisation des pratiques se
réalise à différents niveaux. Elle se produit une première fois lors des entretiens
individuels, une seconde fois à l’issue de la comparaison des discours recueillis et de
l’analyse par l’accompagnatrice, et enfin une troisième fois lorsque le débat collectif a
abouti à une validation collective. Aussi, la divergence des discours du fait de la
multiplicité des acteurs concernés et de leurs intérêts vis-à-vis de la capitalisation ne
constitue pas un obstacle à la production collective d’une connaissance sur la pratique de
l’animation par l’équipe AAC. Au contraire, cette démarche permet de s’assurer de la
validité du contenu.
Elle est reconnue dans la méthodologie de l’analyse des pratiques comme garante de
l’objectivité. Pour S. Masson et S. Cypel, consultantes en organisation du travail, «la
‘vérité’ de la situation apparaît, elle aussi, comme le résultat d’une construction, d’un
travail auquel tous les acteurs ont participé, qu’ils reconnaissent comme étant leur et qu’ils
valident » (2004, p. 41) En anthropologie, ce principe fait parti des critères de scientificité
des analyses produites. « Recouper les informations », « ne pas être prisonnier d’une seule
source » fait partie d’une «stratégie scientifique » qui permet de conduire à l’obtention
d’une information que l’on peut considérer
comme « véridique ». (Olivier de Sardan,
1995, p. 93)
D’une manière générale, les réactions de l’équipe au travail de l’accompagnatrice sont
allées dans le sens d’une satisfaction quant à l’analyse produite. Le moment de restitution
générale à l’ensemble des équipes du Gret en Mauritanie par trois membres de l’équipe
AAC et l’accompagnateur de la capitalisation peut être considéré comme un test du
caractère réellement collectif de la production : leur capacité à présenter les grands traits de
l’analyse mais également à les expliciter à l’audience témoignent du fait qu’ils s’y
reconnaissaient.
III. La capitalisation : un moment de formation ?
« La construction de savoirs nouveaux n’est pas seulement un
bénéfice secondaire de la pratique réflexive, mais sa vocation
essentielle . » (Perrenoud, 2004, p. 51)
Le temps de capitalisation serait donc également être un temps de formation pour l’équipe.
En effet, en permettant de réfléchir sur sa pratique, il est source d’apprentissage. Il permet
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
57
de « se décharger de l’expérience, de reprendre sa propre expérience avec un regard
nouveau inspiré de celle des autres. » (De Zutter, 1994) Les effets du recul et de la
réflexion en termes de construction de nouveaux savoirs applicables aux différentes
situations sont cependant difficilement perceptibles. Identifier les effets de la capitalisation
sur les pratiques des animateurs nécessiterait un travail d’analyse d’impact a posteriori.
Cependant, certaines évolutions ont été visibles au cours de son déroulement. Nous les
développerons ici sans chercher à estimer en quoi elles représentent des apprentissages ou
non. Il s’agit davantage de montrer comment « la description, la compréhension et
l’interprétation des différentes dérives que subissent les interventions en développement,
peuvent permettre à ces intervention de se réajuster et de s’adapter à leur tour aux
sélections et détournements que les populations leur font subir. » (Olivier de Sardan, 1995,
p. 198) Dans tous les cas, « un savoir nouveau peut être, simplement, un savoir enrichi,
nuancé, problématisé, différencié, généralisé, dialectisé. » (Perrenoud, 2004, p. 51)
1. Evolution des perceptions : l’exemple du centre de promotion des activités
féminines
?
UN PROJET PHARE POUR L’EQUIPE AAC
Le centre de promotion des activités féminines est situé dans le quartier de Saada. Inauguré
le 31 mars 2005, il a pour objectif de diversifier la production dans le quartier. Trois
domaines d’activités sont retenus comme porteurs : la teinture, la couture et le tissage. Le
centre de promotion des activités féminines serait un centre d’activités économiques au
sein duquel les femmes pourraient également accéder à des formations professionnelles
dans ces trois domaines. Le projet est porté par une union de coopératives regroupant
environ 150 femmes.
Depuis l’ouverture, des formations ont été organisées dans les trois domaines d’activité.
Une cinquantaine de femmes au total en ont bénéficié. Mais, les activités du centre ont
connu un démarrage progressif avec la définition tâtonnante d’un mode de gestion et de
règles de fonctionnement pour la fabrication et la vente des produits. Le montage du projet
s’était en effet concentré sur des questions matérielles telles que la réhabilitation d’un
bâtiment ou l’installation d’équipements, laissant aux femmes la responsabilité de créer les
règles de fonctionnement du centre. Or, elles ont des difficultés à les mettre en place et ne
s’orientent pas clairement vers une production privée ou une production communautaire.
Certains coûts de matière première, tels que la teinture et le tissage, sont supportés
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
58
collectivement. La contribution financière pour l’utilisation du matériel n’est pas
systématique. La production reste privée. Les femmes travaillent sur leurs pièces et les
vendent, excepté pour le tissage qui demande le travail de plusieurs femmes sur la même
pièce.
Parmi les projets mis en oeuvre par l’équipe AAC, le centre de promotion des activités
féminines de Saada est un projet fortement vecteur d’espoir pour le quartier mais aussi de
fierté pour les membres de l’équipe compte tenu du nombre de femmes qu’il rassemblait
mais également de ses objectifs ambitieux. La réflexion collective appuyée sur les résultats
de l’enquête de terrain a fait l’objet de débats intenses entre l’équipe et l’accompagnateur.
L’équipe avait du mal à se détacher de ses représentations idéalisées du fonctionnement du
centre pour y porter un regard plus analytique. La présentation de certaines remarques et
propositions de la part de l’accompagnateur a tout de même permis de faire évoluer les
perceptions des animateurs.
?
COMMENT AUGMENTER LA CONFIANCE DES MEMBRES DANS LA STRUCTURE
Le constat d’une activité insuffisante du centre, compte tenu des équipements disponibles
et du nombre de femmes qui composent le groupe porteur du projet, était quasiment
partagé par toutes les personnes de l’équipe concernées 38 . Cependant, la réflexion sur les
causes et les solutions possibles a fait l’objet de nombreux débats. Ils ont permis de mettre
en évidence une impuissance de l’équipe à impulser une réelle activité dans le centre, un
sentiment d’avoir fait tout ce qui était en leur pouvoir. Selon eux, si le montage du projet,
son financement et son lancement était de leur ressort, la balle est désormais dans le camp
des membres des coopératives porteuses.
Il s’agissait donc, dans le cadre de la capitalisation, d’essayer d’avancer dans la réflexion et
la connaissance du problème pour pouvoir envisager certaines solutions. Les entretiens
réalisés avec les membres du centre et avec l’appui de l’animatrice AAC ont révélé une
absence de confiance des femmes dans la structure. Elles perçoivent le centre comme un
accès à la manne du développement du fait qu’il a été réhabilité et doté d’un fonds de
roulement par une ONG occidentale. Elles le perçoivent également comme un espace où
38
Les personnes impliquées, ou qui l’ont été, dans la mise en œuvre du projet sont au nombre de quatre. Il
s’agit du chef de composante, du chef conseiller projets et ancien animateur AAC dans le quartier de Saada,
de l’animatrice actuelle ainsi que d’une animatrice extérieure, membre d’une ONG locale partenaire du Gret
en Mauritanie et qui s’est fortement impliquée dans la conception et le lancement du prjet.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
59
elles peuvent avoir accès à des équipements leur permettant de produire. Elles ne
souhaitent cependant pas investir leur argent et leur travail dans le centre afin de
développer une production commune dont les bénéfices seraient redistribués en fonction
du travail fourni par chacune. Elles refusent de mettre en commun la gestion des bénéfices
et la vente car elles n’ont pas confiance en le bureau censé gérer la structure.
C’est donc plutôt pour une production privée qu’elles semblent opter c’est-à-dire une
utilisation des équipements à des fins privées sans même consentir à une participation
financière pour leur entretien ou leur renouvellement. Ce mode de fonctionnement diffère
de la démarche de développement communautaire suivie par l’équipe AAC. Ce manque de
confiance dans le centre et la mise en place d’une production privée ont été
progressivement reconnus par les membres de l’équipe les conduisant à chercher d’autres
manière d’appuyer son fonctionnement afin qu’il contribue réellement à la diversification
de la production dans le quartier.
2. Réorientation d’actions
?
COMMENT AUGMENTER L’IMPACT DU TRAVAIL D’INFORMATION DES HABITANTS
Le cœur du travail de l’animation est un travail de communication. S’il a un caractère
permane nt et quotidien, il est aussi formalisé par des techniques et organisé dans le cadre
de ce que l’équipe AAC appelle des micro- initiatives. Ce sont des journées de
sensibilisation dédiées à un thème choisi en fonction de l’« actualité » du quartier : un
problème de santé publique, la mise en œuvre d’un microprojet, la baisse de la demande de
microcrédit classique ou habitat, l’arrivée de nouveaux résidents dans le quartier non
sensibilisés au programme Twize, etc. Les opérations de sensibilisation se déroulent en
deux étapes et mobilisent différents types d’acteurs. La journée est consacrée à
l’information des habitants. Une équipe chapeautée par le conseiller de quartier et
composée de personnes ressources sillonne le quartier de porte en porte pour convoquer les
habitants. Une séance d’information collective est ensuite animée par le conseiller,
éventuellement un ou plusieurs intervenants extérieurs spécialistes du thème et en présence
des leaders du quartier. Elle a pour objectif de diffuser auprès des habitants un certain
nombre d’informations destinées à faire évoluer leur comportement face à une situation
donnée (assainissement, hygiène, scolarisation, santé, etc.)
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
60
La sensibilisation est un vecteur central d’information pour les habitants des quartiers
périphériques de Nouakchott. Elle est l’occasion pour eux d’acquérir des connaissances et
de prendre conscience de l’importance de certains actes pour diminuer les risques et
améliorer leurs conditions de vie. Le travail de réflexion sur les pratiques a mis en
évidence le caractère trop ponctuel des opérations d’information. L’équipe AAC n’a pas
une vocation de sensibilisation des habitants des quartiers périphériques de Nouakchott.
Cependant, afin de garantir un impact significatif à ses actions, elle doit pouvoir les
systématiser davantage. Les comités locaux et notamment ceux qui portent des
microprojets soutenus par le programme Twize ont été identifiés comme pouvant, une fois
formés, servir de relais. Les comités porteurs de projets d’assainissement développeraient
leur rôle d’animation et de sensibilisation des habitants à la propreté des espaces publics. Il
en va de même pour les comités de santé qui doivent jouer un rôle central dans le quartier
pour la sensibilisation en matière d’hygiène, de contrôle des naissances, de vaccination, de
prévention des risques d’épidémies, etc. L’équipe AAC a commencé à travailler dans ce
sens. Un projet d’amélioration de la prise en charge des enfants dans les jardins d’enfants a
été validé en janvier 2007. Il comporte un volet de sensibilisation des mamans sous la
forme de causeries hebdomadaires au jardin animées par les monitrices sur différents
thèmes relatifs à la santé et à l’éducation des enfants.
?
VERS UN SERVICE PUBLIC D’ASSAINISSEMENT DANS LE QUARTIER DE MEDINA
Parmi les objectifs de la capitalisation des activités de l’équipe AAC, figurait celui
d’identifier la nature des services fournis dans le cadre des projets mis en œuvre avec
l’appui de l’équipe. Sont-ils des services publics, des services communautaires, collectifs
ou encore à caractère privé ? L’étude du service d’assainissement fourni dans le quartier de
Médina a permis de le caractériser comme un service collectif s’adressant aux familles qui
le souhaitent et acceptent de payer la cotisation mensuelle. Il est perçu comme étant public
car pour la plus grande partie des habitants, l’assainissement est du ressort de la commune.
C’est, d’une manière générale à Nouakchott, la première mission de service public dont se
revendiquent les communes et c’est par elle qu’elles se rendent visibles aux yeux des
habitants, avec l’organisation de journées d’assainissement notamment.
Bien que faisant l’objet d’une délégation de la commune, il ne s’agit pas d’un service
public car tous les habitants de la zone n’en bénéficient pas. Cependant, il a vocation à
s’élargir. Les membres du comité, accompagnés par le conseiller de quartier, sont partis du
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
61
constat d’une insatisfaction généralisée des habitants du quartier vis-à-vis des services
d’assainissement précédents. Ils ont décidé que le projet devait se démarquer par la qualité
du service et s’étendre par le phénomène des adhésions volontaires plutôt que de prendre
un caractère obligatoire dès son lancement. L’extension est souhaitée tant par les habitants
du quartier qui ne bénéficient pas encore du service, que par la commune qui recueille de
nombreuses demandes de leur part. Au terme de la capitalisation, l’équipe AAC envisage
donc d’augmenter le nombre d’adhérents dans les secteurs concernés par le projet afin
d’intensifier le service sur la zone concernée et de prévoir le nettoyage des espaces publics
par un troisième charretier spécialement chargé de cette tâche et rémunéré par les
cotisations ou grâce à une participation de la commune. Une association de jeunes du
quartier a récemment déposé plusieurs requêtes de projets au bureau de l’animateur du
quartier. Parmi elles figure un projet d’assainissement qu’il pense articuler avec l’existant :
le second se concentrerait sur le nettoyage des espaces publics pour compléter le premier
qui concerne les espaces privés.
Ces décisions ou infléchissements de l’action de l’équipe, aussi légers qu’ils soient,
témoignent de son implication dans le travail de capitalisation. Si ses effets concrets en
terme d’apprentissage sont difficilement identifiables et nécessiteraient une analyse
d’impact, le contenu du document final est considéré par l’ensemble de l’équipe comme
fidèle à ses pratiques.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
62
PARTIE 3
Quelques trai ts du trav ail
d’animation au sein de T wi ze
Le processus de capitalisation peut être considéré comme un processus de co-construction
d’une connaissance sur le travail de l’équipe AAC. Au cœur de ce processus s’est réalisée
une négociation quasiment permanente entre les animateurs et l’accompagnatrice pour la
préservatio n du caractère objectif de l’analyse. Si les animateurs étaient conscients que
l’objectivité était garante de crédibilité pour le document à diffuser, le discours de
valorisation de leur démarche était naturel, automatique et quasiment systématique.
L’accompagnatrice a essentiellement disposé de deux leviers pour aboutir à un accord sur
le contenu. Le premier était celui de la discussion lors des réunions de validation des
résultats. Le second était celui du texte et de la manière de présenter et de formuler les
idées que l’on voulait faire passer.
L’analyse finale est donc clairement le résultat d’un compromis entre l’équipe et
l’accompagnatrice. Elle se décompose en quatre chapitres que sont le travail d’animation,
les microprojets communautaires, les relations avec les autorités locales et la dimension
transversale de la composante AAC dans sa mission d’appui aux autres composantes du
programme. Ces thèmes étaient destinés à couvrir l’ensemble des activités des membres de
l’équipe tout en permettant de formuler, pour chacun, en ensemble de questions
problématiques devant guider la réflexion39 .
Cette troisième et dernière partie restitue d’une manière plus condensée les résultats de
l’analyse contenus dans le document diffusion. Elle comporte essentiellement des éléments
de réflexion, sans s’attarder sur une description détaillée des activités, en ce qui concerne
39
Morlat L. et Abdoulaye M., L’animation dans un programme de développement urbain. Approche et
expériences de la composante « Appui aux activités communautaires » du programme Twize en Mauritanie,
Coll. Études et Travaux, Éditions du Gret. (à paraître)
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
63
l’accompagnement des microprojets, la relation aux autorités locales et l’animation comme
activité au service d’un programme de développement urbain.
I. Les microprojets communautaires dans leur contexte social
La composante AAC a pour mission d’accompagner la mise en œuvre de projets de
proximité, concrets et visibles à l’échelle du quartier, portés par des groupes d’habitants et
qui ont pour but d’améliorer matériellement les conditions de vie dans le quartier. Si elle
n’est pas la seule, cette mission est l’une des principales de l’équipe AAC et celle qui peut
contribue r le plus à lui conférer une identité professionnelle car elle renvoie à des
méthodes, des procédures, une expertise propres aux animateurs. A l’issue du travail de
capitalisation, quelques réflexions sur la démarche des microprojets apparaissent centrales
pour comprendre leur insertion dans le contexte social des quartiers d’intervention du
programme Twize.
1. Les microprojets AAC ou la rencontre de deux visions de la société
?
CARACTERISTIQUES DU LIEN SOCIAL EN MAURITANIE
La Mauritanie est peuplée par deux principaux groupes ethniques, les Maures et les Négroafricains. L’ensemble maure exerce une influence considérable sur le fonctionnement de la
société mauritanienne en général et la connaissance des caractéristiques du lien social au
sein de ce groupe constitue un éclairage pour certains aspects du fonctionnement des
microprojets de la composante AAC. L’ensemble maure est très hiérarchisé. Il fonctionne
selon le principe des castes. Au sommet de l’échelle sociale se trouvent les «maures
blancs » qui dominent un ensemble d’autres groupes. Parmi eux se trouvent les harratines
ou « maures noirs », des esclaves affranchis mais sur lesquels leurs anciens maîtres
continuent d’exercer une importante domination. Il existe, selon Ph. Marchesin, trois
principaux modes d’exercice de la domination : la coercition, la légitimité et les biens et
services matériels. Le troisième fournit un certain nombre de clés de compréhension des
logiques qui se déploient autour des microprojets.
La détention de moyens de production et d’échange est concentrée dans les mains d’une
petite partie de la population mauritanienne. Le secteur salarié représente également un
infime pourcentage de la population active, ce qui permet de déduire que c’est la
redistribution économique qui permet la survie de la majeure partie des Mauritaniens.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
64
« L’accès aux biens et services matériels de toutes sortes est donc très souvent conditionné
par la relation que l’on peut avoir avec celui qui possède 40 . » Les rapports sociaux entre les
individus sont donc très souvent à caractère clientéliste. La recherche de l’accès à une
forme de redistribution de la part des plus puissants est particulièrement valable pour les
migrants nouvellement installés à Nouakchott et la plupart du temps sans ressources.
D’ailleurs, selon P. Bonte, les migrations massives vers Nouakchott s’expliqueraient en
partie par le fait que les réseaux clientélistes sont réputés très bien fonctionner dans la
capitale 41 . Le fonctionnement d’un réseau de clientèle est une boucle dans laquelle chacun
trouve son intérêt. En effet, le capital économique ainsi redistribué est trans formé en
prestige social et souvent en pouvoir politique. On constate donc un enchevêtrement de
logiques les uns renforçant le prestige des autres en contrepartie d’une protection.
La redistribution économique concerne tant les biens que les services. Dans ce contexte,
les microprojets ne sont pas épargnés par ces logiques. Ce sont des dispositifs fournissant
aux habitants les services essentiels faisant défaut dans les quartiers pauvres de la ville. Les
personnes en charge de les gérer peuvent donc retirer un important prestige de cette
position. Parallèlement, les organisations internationales de développement sont perçues
par les populations comme détentrices d’importantes ressources financières et matérielles.
Les personnes faisant preuve de capacité à entrer en relation avec elles augmentent ainsi
considérablement leur prestige social.
?
AAC : DE L’ACCOMPAGNEMENT A L’ENCADREMENT DE S MICROPROJETS
La vision du développement partagée au sein de l’équipe AAC est très différente. Le
principe sous-jacent est celui de l’intérêt général. Ceci signifie que le projet doit bénéficier
au plus grand nombre dans le quartier. C’est une vision égalitaire qui ne tolère pas les
distinctions entre les individus en ce qui concerne les retombées des projets. De ce
principe, découlent ceux de gestion démocratique, transparente et collective du service ou
de l’infrastructure réalisés par le projet. Pour garantir cela, seuls les projets portés par des
groupes constitués en comités, associations, coopératives faisant preuve d’une organisation
démocratique sont financés par le programme. La démarche de l’équipe AAC hérite d’une
vision du développement qui considère les territoires comme investis par des dynamiques
sociales communautaires amenant naturellement les habitants à s’organiser afin de mener
40
41
Marchesin, Ph. Tribu, ethnies et pouvoir en Mauritanie, Paris, Karthala, 1992, p. 306.
Bonte, P., Mouvements de population et migrations en Mauritanie.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
65
des actions au bénéfice du plus grand nombre. Or, à Nouakchott, l’échelle du quartier ne
semble pas être celle à laquelle s’identifient les individus. Si le quartier devient
progressivement « le principal territoire de référence 42 » pour les habitants, l’arrivée
récente de beaucoup d’entre eux dans les quartiers périphériques limite pour l’instant la
portée de ce phénomène. Cette vision communautariste idéalisée est ancrée dans une
longue histoire de la perception des sociétés africaines par l’administration, l’élite, les
partis politiques, les organisations de développement comme étant par essence
consensuelles. L’analyse que fait J.P. Olivier de Sardan du stéréotype de la
« communauté » villageoise consensuelle est également valable pour le milieu urbain. Il
oppose une perception « égalitaire » des organisations collectives à une réalité caractérisée
par des « contradictions de type statutaire, [des] compétitions liées aux facteurs de
production ou aux enjeux de pouvoir, voire [des] rivalités plus fluides, interpersonnelles ou
mettant en jeu des réseaux formels ou informels 43 . »
Les microprojets AAC ne sont pas épargnés par cette réalité. Tous sont l’objet des élans et
ambitions personnels des membres des groupes qui les portent et de tentatives ouvertes
d’accaparement. Le phénomène d’accaparement des projets correspond à une remise en
cause de la gestion par le comité. Elle est assurée par une personne, le plus souvent leader
ou notable, qui s’identifie au projet, en revendique la paternité et la responsabilité et
pratique une gestion privée. Les conseillers de quartier AAC ont ainsi développé des
stratégies leur permettant de contrecarrer les tentatives d’accaparement. Ils font preuve
d’une vigilance accrue sur les pratiques des leaders dans la conduite des comités de gestion
des projets. Ils contrôlent autant que possible les cahiers de gestion, observent le
fonctionnement des groupes et réitèrent fréquemment les principes de gestion collective et
d’organisation démocratique qui doivent être respectés par les porteurs de projets. Cette
vigilance est d’autant plus forte que ce phénomène est perçu, par les animateurs AAC,
comme une menace récurrente pour la réussite des projets.
2. Ambitions personnelles des porteurs de projets : quelles conséquences pour
l’impact des projets?
Les projets mis en œuvre avec l’appui de l’équipe AAC ont des parcours particuliers et
parfois bien différents malgré les similitudes dans les perceptions et dans les logiques des
42
43
Choplin, A., 2001.
Olivier de Sardan, 1995.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
66
individus qui s’y impliquent. La logique qui veut qu’une personne ou petit groupe de
personnes prennent la responsabilité d’un projet a des effets variables parmi les projets
AAC.
?
L’ECHEC DU SERVICE DE COLLECTE DES ORDURES MENAGERES
Un service de collecte des ordures mis en place dans le quartier de Couva a connu un échec
total du fait de la mise en œuvre de cette logique. Deux femmes très politisées et exerçant
une influence considérable dans le quartier étaient à l’origine de ce projet. Elles se
positionnaient dans le quartier comme des références pour les habitants utilisant leur
pouvoir et un réseau s’étendant jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat pour leur venir en
aide. La mise en œuvre du projet était une occasion de plus pour elles d’agir en
bienfaitrices. Ceci s’est traduit par une appropriation du matériel, une gestion personnelle
des comptes et surtout la fourniture du service de manière quasiment gratuite, rendant le
service économiquement non viable. Il s’agissait avant tout de se présenter comme les
personnes grâce auxquelles les habitants ont accès au service. Les deux femmes n’avaient
cependant pas les moyens d’aller au bout de leur logique et de le fournir presque
gratuitement dans la durée.
?
UN JARDIN D’ENFANTS QUI FONCTIONNE GRACE AU BENEVOLAT
Un jardin d’enfants ouvert avec l’appui financier et organisationnel de l’équipe AAC
connaît, quant à lui, un très grand succès malgré l’application de cette même logique de
distribution quasiment gratuite d’un service en échange du prestige. La nécessité d’une
participation financière mensue lle par les usagers de ce service n’a pas été imposée comme
une condition indispensable au fonctionnement du jardin au départ. Les rentrées d’argent
au jardin sont très irrégulières. Les responsables du jardin sont perçues dans le quartier
comme ayant un accès au monde du développement que les habitants n’ont pas. Elles
jouissent, de ce fait, d’un pouvoir et d’une autorité qui leur vaut d’être qualifiées de
« dirigeantes » par certaines adhérentes du jardin. Pour les mères de famille, la création
d’un jardin d’enfants est le résultat de l’activation par les « dirigeantes » de ce réseau
d’aides et la participation financière des bénéficiaires n’est pas vue comme déterminant
son fonctionnement. Le jardin fonctionne donc avec une logique d’assistance très marquée
et grâce à la bonne volonté de quelques personnes.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
67
SOUPCON GENERALISE AU CENTRE DE PROMOTION DES ACTIVITES FEMININES44
?
Le centre de promotion des activités féminines porté par une union de coopératives aidée
par l’équipe AAC connaît une évolution encore différente. La volonté, pour quelques
femmes, de se démarquer du groupe composé de plusieurs centaines d’individus, est ici
contestée. L’accaparement, si tant est qu’il existe, est en tout cas anticipé et dénoncé à
l’encontre du bureau de l’union des coopératives, dans un refus du groupe de lui accorder
un minimum de confiance pour la gestion. Ainsi, dans un centre conçu pour produire tapis,
vêtements, voiles, etc. les femmes membres ne souhaitent pas laisser le fruit de leur travail
entre les mains des gestionnaires et s’en remettre à elles pour la répartition des bénéfices.
Elles considèrent l’union de coopératives à laquelle elles appartiennent comme une
institution créée non pas pour le bénéfice de l’ensemble de ses membres mais pour celui de
quelques unes. Ceci a pour conséquence une fréquentation du centre bien inférieure à ce
qu’elle devrait être compte tenu des équipements disponibles et donc une production
minimale. J.P. Olivier de Sardan et A. Elhadji Dagobi ont identifié un phénomène de
soupçon généralisé qui règne autour des projets communautaires d’hydraulique villageoise
au Niger. Un bien public ne renvoie pas, dans les représentations de la population, à un
mode de gestion défini. « Le nouveau modèle de gestion communautaire imposé par les
projets est ainsi, source de frictions et d’accusations. 45 »
Centre de promotion des activités féminines dans le quartier de Saada (L. Morlat)
44
45
Se référer à la page 58 pour un descriptif plus détaillé du fonctionnement du centre
Olivier de Sardan et Elhadji Dagobi, 2000.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
68
3. Comment prévoir l’autonomisation ou la question de la propriété des
équipements
?
AUTONOMISATION ET PRIVATISATION DES PROJETS
Dans ce contexte complexe, l’équipe AAC travaille à promouvoir au maximum les
principes du développement communautaire. Elle reste peu ouverte à des modes de gestion
des services ou des infrastructures mises en place qui seraient plus hybrides et laissés à
l’appréciation des groupes à condition qu’ils puissent assurer une gestion et un
fonctionnement efficaces. Dans le cas étudié par J.P. Olivier de Sardan et A. Elhadji
Dagobi montre que l’accaparement d’un projet par une personne aisée permet d’assurer les
réparations des équipements. La continuité du service importe alors davantage aux
habitants que la transparence de la gestion46 . La privatisation de la gestion n’implique pas
nécessairement l’absence de transparence. Le service peut être géré par une personne
privée qui récolte la totalité des bénéfices et assure sa pérennité grâce à une tenue
rigoureuse des comptes. La privatisation n’est donc pas nécessairement en contradiction
avec les exigences de qualité, de pérennité et d’accès au service. Elle peut être une
adaptation du service aux dynamiques économiques, sociales et politiques du quartier et du
modèle de gestion à logique du groupe porteur.
Cette question est centrale pour la préparation du désengagement du programme Twize au
terme de sa période de mise en œuvre. Ce passage à l’autonomie des groupes en question
ne doit pas correspondre, pour les membres de l’équipe AAC, au transfert de la propriété
des équipements aux porteurs des projets. La question de la propriété reste en suspens car
elle n’a pas été définie au préalable pour les différents équipements financés par le
programme Twize et les groupes à l’initiative des projets. Pour les animateurs AAC,
attribuer la propriété des équipements aux groupes impliquerait presque systématiquement
la fin du service ou de l’équipement, dans tous les cas un détournement des principes et la
fin d’une gestion collective. Ce point de vue s’explique par la nécessité, même après
plusieurs années de fonctionnement du service, d’un encadrement rapproché tel que nous
l’avons décrit précédemment. Les animateurs n’adhèrent pas à l’idée selon laquelle
l’importance du service dans le quartier conduirait les habitants à faire pression sur ses
responsables pour qu’il perdure quelque soit le mode de gestion. En effet, la notoriété
46
Ce phénomène est décrit dans un article de J.P. Olivier de Sardan et A. Elhadji Dagobi (2000) à propos de
la gestion de l’hydraulique villageoise au Niger.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
69
donne aux individus qui en disposent une autorité peu contestée par le reste des habitants.
La contestation des actes d’un leader dans le quartier est difficilement envisageable.
?
LE PASSAGE DU SUIVI DES PROJETS AUX AUTORITES LOCALES
Les animateurs AAC voient dans les communes la solution à ce problème. Considérées
comme garantes de l’intérêt public, elles leur apparaissent comme les futurs encadrants des
groupes porteurs de projets, assurant la poursuite du respect des principes du
développement communautaire. Dans la démarche AAC pour les microprojets, deux
procédures prévoient déjà les conditions de transfert des équipements financés par Twize
aux communes.
La première correspond à une situation de non respect des engagements pris par le groupe
porteur du projet. Ce fut le cas pour le service d’assainissement mis à Couva. Les deux
femmes qui se sont attribué la responsabilité de la gestion ont pris l’initiative de revendre
les charrettes financées par Twize. Elles ont été contraintes de les restituer pour qu’elles
soient remises à la commune. La seconde intervient lorsque l’activité du groupe est
considérée comme pouvant fonctionner de manière autonome. Le désengagement du
programme Twize s’accompagne d’un transfert des équipements et des infrastructures à la
mairie qui doit reprendre le suivi du projet et peut éventuellement faire évoluer le projet
comme elle le souhaite. Un seul projet mis en œuvre par la composante AAC a fait l’objet
de ce type de transfert. Il s’agit d’un jardin d’enfants dans la ville de Nouadhibou. Le
jardin est situé dans le pôle de développement El Kheir, propriété de la commune. Les
équipements ont été fournis par le programme Twize. Lors du transfert, ils sont devenus
propriété de la commune. De plus, un animateur dépendant du service social de la
commune a été chargé d’assurer le travail de suivi effectué par le conseiller de quartier. Il
comporte différentes tâches telles que consulter le carnet de bilan rempli par les monitrices
et répertoriant les cotisations des adhérents, vérifier la présence des monitrices et des
enfants et surveiller l’hygiène du groupe d’enfants. Ce transfert a été possible du fait d’une
collaboration très étroite entre le programme Twize et la commune de Nouadhibou. Les
deux entités se connaissent bien et leur partenariat est plus rapproché qu’à Nouakchott où
le programme doit composer avec cinq communes différentes.
Cependant, un certain nombre de projets n’entrent pas directement dans les prérogatives de
la commune. Ils ont une dimension collective et sociale mais n’ont pas vocation à devenir
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
70
un service ou une infrastructure publique. C’est le cas du centre de promotion des activités
féminines de Saada et du centre de tannage de Couva. En effet, pour ce type d’activité, il
apparaît légitime que le groupe revendique la propriété du matériel avec lequel il travaille.
II. Dimension publique de l’action et relations aux autorités
locales
Par l’appui à des actions de développement dans les quartiers orientées vers l’intérêt
collectif, l’activité de l’équipe AAC recoupe fortement celle des communes de
Nouakchott. L’histoire de l’équipe est également celle d’un rapprochement avec les
communes qui n’était pas évident au lancement du programme Twize du fait d’un frein de
l’administration centrale, bailleur de fonds du programme, au processus de décentralisation
d’autant plus fort que les quartiers concernés par l’intervention étaient situés, à ce momentlà, sur le territoire de communes d’opposition au régime en place.
1. AAC et les communes : chevauchement des domaines de réalisation
?
LES COMMUNES DE NOUAKCHOTT : DES INSTITUTIONS DEPOURVUES DE MOYENS D’ACTION
Les communes ont été instituées en Mauritanie par l’Ordonnance du 20 octobre 1987 dans
le cadre du processus de décentralisation. Il s’agissait de rapprocher l’Etat des habitants en
faisant des communes des acteurs centraux du développement local. La commune de
Nouakchott était alors une commune parmi les quelque deux cents communes de
Mauritanie. Avec le décret du 28 juin 2001, elle fut divisée en neuf communes rassemblées
au sein de la Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN) et dénommées Arafat, DarNaim, El Mina, Ksar, Riad, Sebkha, Teivragh-Zeina, Teyarett et Toujounine. Chacune est
désormais autonome dans la gestion de son budget et la planification de ses actions mais
elles restent sous la tutelle de la CUN dont les actions concernent la ville de Nouakchott
dans sa globalité.
Les communes ont une large gamme de prérogatives. Elles ont des responsabilités dans le
domaine de la santé et de l’éducation. Les locaux et les terrains des écoles fondamentales,
des unités de santé de base, des postes et des centres de santé font partie du domaine public
communal. L’Etat définit les politiques, contribue à la construction des bâtiments,
rémunère le personnel. La commune quant à elle est chargée de l’entretien, de la
maintenance, du gardiennage des bâtiments, de la fourniture de l’eau et de l’électricité. Le
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
71
domaine public communal comprend également les routes communales, les cimetières, les
marchés, les parcs et jardins, les bâtiments des services municipaux, les équipements
sportifs, culturels et religieux. Les communes sont donc investies de différentes missions
en ce qui concerne ces espaces ou édifices. Elles sont par exemple en chargées de
l’animation culturelle et sportive sur leur territoire. Elles ont un rôle de contrôle
économique et de surveillance des marchés. Elles sont responsables de la voirie locale, de
l’alimentation en eau, de l’éclairage public, des transports urbains, de la lutte contre
l’incendie, de l’hygiène, de l’enlèvement des ordures ménagères, de l’entretien et de la
sécurité des cimetières, des abattoirs, des parcs et les jardins.
Le processus de décentralisation ne s’est pas accompagné d’un transfert aux communes des
moyens matériels, humains et financiers nécessaires à la réalisation de leurs nouvelles
missions. Le personnel municipal est faiblement qualifié et accuse d’importants besoins en
formation. L’adjoint au maire chargé des relations extérieures de la commune d’Arafat
témoigne, par exemple, de l’incapacité des agents de la mairie à réaliser des études
techniques et à monter des projets susceptibles de recevoir l’appui de partenaires tels que
les organismes internationaux de développement. Les ressources financières font
également défaut. Les communes doivent recevoir, pour leurs activités, des financements
de trois natures : les taxes locales, les impôts perçus par les services déconcentrés dont une
partie leur est restituée et le Fond régional de développement (FRD). Or, le paiement de
taxes à la commune n’a pas encore été admis par les habitants comme étant de leur devoir
et, face à leur incivisme, la commune ne dispose pas de moyens légaux de faire pression.
Les financements du FRD sont quant à eux fortement soumis aux logiques des réseaux
politiques locaux.
La délégation de pouvoirs aux communes ressemble à une énumération de responsabilités
qui empêche de cerner le réel partage des compétences entre les différentes autorités de
l’Etat et conduit bien souvent à leur chevauc hement. Les communes sont régulièrement
court-circuitées par l’administration centrale et il n’est pas rare que des actions soient
menées par les autorités étatiques sur le territoire d’une commune sans qu’elle ait été
impliquée, ni même informée. En tant qu’agent de l’Etat, le maire est sous l’autorité de
l’administration centrale et doit se plier au contrôle du Hakem (le préfet) et du Wali (le
gouverneur). Il transmet, par exemple, ses arrêtés et décisions au Hakem dont il doit
recueillir l’approbation avant toute publication. En cas de désaccord sur une décision, le
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
72
maire a la possibilité de former un recours. Mais il est parfois difficile d’éviter les
blocages. La mairie de Sebkha a été ainsi privée de financements durant la majeure partie
de l’année 2006 du fait d’un désaccord avec le ministère de l’Intérieur sur le changement
de poste d’un de ses employés. Le maire déplore la tutelle exercée par l’administration
centrale qui lui enlève toute autonomie dans son action.
?
DU CHEVAUCHEMENT DES PREROGATIVES A LA COLLABORATION
Les microprojets mis en œuvre par la composante AAC s’inscrivent dans le champ des
responsabilités des communes : réhabilitation d’écoles, de postes de santé, fourniture d’un
service d’assainissement, approvisionnement d’un quartier en eau, etc. Ce sont le plus
souvent la réalisation d’aménagements et d’infrastructures qui sont du ressort communal.
La composante se devait donc de développer des relations avec les communes, tant pour
préserver la cohérence des actions de développement sur le territoire communal que pour
légitimer ses activités. L’équipe AAC a ainsi progressivement mis en place un partenariat
avec les élus municipaux qui a débuté avec l’organisation de journées de concertation.
La réalisation des PDQ correspond à la première pierre de la collaboration entre la
composante AAC et les élus. Occasion d’échanges riches et parfois difficiles à canaliser et
à synthétiser, les PDQ ont une forte dimension symbolique. Ils représentent la première
étape de la collaboration entre les communes, les habitants et la composante AAC. En
validant des objectifs de développement partagés avec le programme Twize, les communes
lui ont accordé leur autorisation d’intervenir sur leur territoire sous la forme d’un mandat
pour la réalisation de ses activités. De plus en montrant sa volonté d’instaurer une relation
de proximité avec les communes, le programme Twize a atténué son image de programme
purement étatique et a témoigné son intérêt pour le développement communal.
Depuis 2003, les communes ont contribué à la mise en œuvre d’un certain nombre de
microprojets. Leur implication s’est faite progressivement avec la mise en place d’une
collaboration entre les élus, l’équipe AAC et les habitants. Leur participation peut être
financière ou en nature. Pour les maires, tous les projets mis en œuvre par la composante
AAC du programme Twize sont susceptibles d’être appuyés par eux car ce sont des projets
à caractère social qui ont pour objectif l’amélioration des conditions de vie des habitants
sur le territoire de leur commune. Ainsi le niveau d’implication des communes dans les
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
73
microprojets AAC ne dépend pas de leur nature mais de la capacité matérielle de la mairie
à contribuer.
Identification d’un
groupe et de sa
proposition de projet
par le conseiller
quartier
Les mairies
concernées par
les projets sont
membres du
comité et
participent à la
délibération.
Montage du projet et
constitution du
dossier
Comité d’attribution
Contractualisation
entre les différents
partenaires du projet
La mairie apporte la
contribution prévue
par la convention.
Mobilisation des
fonds nécessaires à
la mise en œuvre
des projets
Commission de
sélection du
promoteur pour la
réalisation des
travaux
Le maire ou son
représentant
participe à
l’inauguration du
projet.
Le comité
d’attribution est
présidé par le maire
de la commune où il
se déroule.
La mairie et le groupe
porteur signent une
convention déterminant
les engagements de
chacun.
La mairie est
associée à la
sélection.
Réalisation des
travaux et
inauguration du
projet
Organisation
d’activités satellites
pour le lancement
du projet
La mairie est
parfois sollicitée
par les porteurs
du projet en cas
de probl ème.
La mairie rencontre le
groupe porteur. Elle
décide de sa
participation ou non au
projet et donne son
engagement tacite.
La mairie est
invitée aux
manifestions.
Mise en œuvre et
suivi du projet
La participation des communes aux différentes étapes du microprojet (extrait du document final de
capitalisation)
Le 31 mars 2005, un projet d’assainissement porté par un comité d’habitants a été inauguré
à Médina. L’objectif du projet est la lutte contre la pauvreté par la mise en place d’un
service de ramassage des ordures ména gères à faible coût pour les habitants et la
structuration d’un comité capable de gérer dans le temps ce service. L’élaboration du projet
s’est faite par la collaboration d’un groupe d’habitants, constitué en comité pour porter le
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
74
projet, du conseiller de quartier du programme Twize et de la commune. La commune et le
comité ont signé un contrat délégant le service de ramassage des ordures ménagères au
comité dans deux secteurs définis par la commune. Ce contrat établit les responsabilités de
chacune des parties. La commune s’est engagée à nettoyer les 10 dépôts sauvages avant le
lancement du projet, à former deux membres du comité aux règlementations du service
d’hygiène, à leur déléguer le contrôle de la zone et à fournir les carnets de reçus pour les
cotisations des habitants. Elle s’est également engagée à participer au financement du
projet à hauteur de 5% du budget total.
?
LES PROJETS AAC COMME VECTEURS DE RECONNAISSANCE POUR LES COMMUNES
Les élus des communes de Nouakchott ont compris que le programme Twize poursuit les
mêmes objectifs, à savoir l’amélioration des conditions de vie des habitants, avec une
démarche animée par le principe de l’intérêt général. Ils considèrent ainsi le programme
comme un partenaire dans la réalisation de leurs missions. Le soutien des organisations
internationales de développement ou des collectivités locales européennes est en effet
indispensable pour permettre aux communes de Nouakchott de fonctionner et de faire face
à leurs manques de compétences et de financements. Ainsi, l’adjoint au maire de Sebkha
reconnaît orienter les habitants de sa commune détenteurs de requêtes de projets
directement vers les partenaires tels que le programme Twize. Si un appui par Twize est
accordé, la commune s’engage à cautionner le projet et à y contribuer selon ses moyens.
Les microprojets AAC peuvent avoir pour conséquence de mettre en évidence les
faiblesses des communes en donnant aux habitants les moyens de réaliser eux-mêmes ce
que leurs élus ne sont pas en mesure de faire. L’implication des communes dans les
différentes étapes du cycle des microprojets leur a pourtant permis de ne pas être exclues
des actions mises en œuvre sur leur territoire. Et l’adjoint de la mairie de Sebkha de
remercier le programme Twize « qui a de la considération pour nous plus que nos
tuteurs ». En effet, dans leur quête de reconnaissance en tant qu’acteur à part entière du
développement local, la participation aux microprojets est une occasion de se rendre
visible. Les activités de la composante AAC participent donc au rapprochement entre les
élus et leurs habitants. A la mairie d’Arafat, on loue les qualités d’animation du conseiller
de quartier de Médina qui a su tisser des relations durables avec un grand nombre
d’habitants et se présente comme un intermédiaire de qualité. Un adjoint au maire de
Sebkha explique également que, le conseiller de quartier de Couva, par sa connaissance du
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
75
quartier et sa neutralité, lui permet d’entrer en contact avec un panel d’habitants qui
s’étend au-delà de ses seuls sympathisants politiques.
2. L’animation au sein des communes : une perspective pour le développement local à
Nouakchott
Le bilan de quatre années de travail de l’équipe AAC fait apparaître les communes comme
des partenaires incontournables pour mener des actions de développement dans les
quartiers périphériques. En outre, les équipes municipales se sont familiarisées avec les
animateurs et reconnaissent l’utilité de leur travail avec les habitants. Une réflexion sur le
métier d’animateur et son avenir conduit à imaginer une forme de partenariat plus forte
encore par l’insertion d’un ou plusieurs animateurs de développement local au sein des
équipes municipales. Cette évolution institutionnelle est en phase avec la démarche du
programme Twize qui prévoit, à terme, l’autonomisation de ses composantes. Elle va dans
le sens de la politique de décentralisation en contribuant au rapprochement entre élus et
citoyens et au renforcement des capacités des communes à intervenir comme acteur central
du développement local urbain.
L’intervention d’un animateur au sein d’une commune nécessite un certain nombre de
préalables qui pourront garantir efficacité et reconnaissance de son travail. Ils ont fait
l’objet, lors de la capitalisation, d’une réflexion élargie à un ensemble d’acteurs du
développement local en Mauritanie lors d’un atelier organisé dans les locaux du
programme Twize 47 .
La volonté politique de l’équipe municipale apparaît comme une condition sine qua non.
L’établissement du plan de développement communal (PDC) doit correspondre à une
volonté de mener des actions concrètes et abouties. Celle-ci se reflète dans la disposition
de la commune à mobiliser ses ressources propres ainsi que dans sa capacité à nouer des
partenariats. Dans le cadre de ces derniers, il est important de définir précisément les
critères de sélection des projets afin de garantir une bonne coordination des financements.
Les PDC doivent être réalistes afin d’identifier les besoins prioritaires mais également de
ne pas entretenir de faux espoirs au sein de la population. La volonté politique de l’équipe
municipale est avant tout celle du maire. La bonne relation entre le maire et l’animateur est
un important facteur d’efficacité pour l’animateur car leurs activités et leurs compétences
47
Cf. Compte rendu de l’atelier : annexe 7, p. 222.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
76
sont complémentaires. Il ne s’agit pas pour l’animateur de se substituer au maire. Il
apparaît donc important de définir collectivement la fiche de poste de l’animateur.
Placé sous l’autorité du maire, l’animateur est au service de la commune et de sa stratégie
de développement local. Il orchestre la mise en œuvre de celle-ci en impliquant les acteurs
locaux. Son action est polyvalente. Il mène des activités contribuant à la mise en œuvre de
la politique de développement de la commune : connaissance du territoire et de la
population, communication à destination des habitants dans un but de clarification des
rôles de l’équipe municipale, médiation entre la société civile et les élus, renforcement des
capacités des groupes, organisation de la concertation pour la réalisation des PDC, appui
aux initiatives des habitants, recherche de partenaires. Il supervise les projets et réalise leur
capitalisation.
Le travail d’un animateur au sein d’une commune doit s’inscrire dans un dispositif plus
général d’appui à la commune à la fois financier, technique et organisationnel. L’apport
financier est nécessaire pour que le travail de l’animateur se concrétise en réalisations :
accompagné d’un fonds destiné à la mise en œuvre de ses activités, l’animateur peut jouir
d’une plus grande crédibilité auprès de l’instance municipale. L’appui technique peut
prendre la forme d’une unité de rattachement, installée à la Direction générale des
collectivités locales, à la Communauté urbaine de Nouakchott ou encore à la cellule
d’ingénierie sociale du Gret, sorte de réseau ou de cellule productrice d’outils et
d’information, lui permettant de prendre du recul, de recevoir un soutien méthodologique,
un renfort matériel et humain pour des actions de grande envergure, par exemple.
III. L’animation au service d’un projet de développement
L’estimation de l’utilité de l’animation au service d’un programme tel que Twize est
chargée d’enjeux, comme nous l’avons montré plus haut. Ceci relève davantage d’un
travail d’évaluation que de capitalisation. Néanmoins, le processus de capitalisation a
permis de mettre en évidence certains effets de l’animation sur le fonctionnement du
programme. Ce travail reste difficile à réaliser. Les rôles des animateurs AAC relève nt
pour beaucoup de l’information, de l’explication, de la médiation entre le programme, ses
composantes et les habitants. L’impact de ce travail est difficile à évaluer. Comment le
programme aurait- il fonctionné dans les quartiers sans la présence de l’animateur ? Chaque
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
77
quartier disposant d’un animateur AAC, la comparaison est difficile. L’analyse de leurs
activités permet néanmoins estimer de quel ressort est cette utilité.
1. Mobilisation pour informer les habitants
?
LA CONNAISSANCE DES QUARTIERS COMME PREALABLE AU TRAVAIL D’ANIMATION
La connaissance des quartiers d’intervention fut la première tâche des animateurs lors du
lancement du programme. C’est une activité constante qui permet de réactualiser les
données dont disposent les animateurs pour pouvoir agir. La connaissance de la
composition et de l’organisation de la population fait l’objet de toutes les attentions. Elle
s’acquiert par la réalisation d’enquêtes et de diagnostics. Mais elle est pour beaucoup
enrichie par les relations et les discussions informelles que les animateurs impulsent. Les
conseillers de quartier ont une connaissance sélective et organisée de leur quartier. Elle est
axée sur un certain nombre de données nécessaires à l’exercice de leur travail. Si la
délimitation géographique de leur espace d’intervention est logiquement la première
information à détenir pour commencer à y travailler, la connaissance de la composition et
de l’organisation de la population apparaissent essentielles pour le travail d’animation.
Ceci est tout particulièrement important dans le contexte mauritanien du fait de la division
complexe de la population en un certain nombre de groupes ethniques et linguistiques
différents. Les quartiers périphériques de Nouakchott sont majoritairement peuplés de
Harratines mais d’importantes communautés négro-africaines s’y sont également
installées : Peuls, Toucouleur, Soninkés et Wolofs. Ces populations ont pour la plupart
vécu dans différents quartiers de la ville. Les conseillers AAC en connaissent la
provenance, le parcours et leur degré de cohésion. Leur vision du quartier est avant tout
dynamique c’est-à-dire qu’elle met en évidence non seulement les communautés existantes
mais également leurs relations, leurs rapports de pouvoirs, leurs jeux d’influence orchestrés
par les leaders, chefs traditionnels ou hommes politiques influents. La connaissance des
groupes est également un préalable important pour promouvoir le développement du
quartier. Par « groupe », il faut entendre les coopératives, les associations, les comités de
quartiers, etc. rassemblant les habitants et menant des activités dans le quartier.
Un ensemble d’informations vient ensuite servir de base à la démarche de développement
qui est celle des conseillers AAC. Ils recensent les services, les infrastructures et les
équipements présents dans le quartier : modes d’approvisionnement en eau, sources
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
78
d’énergie, centres de santé, modes de gestion des déchets, réseaux de transport, écoles,
jardins d’enfants, etc. Ils identifient les manques et les besoins prioritaires qui sont
confirmés ou amendés lors des journées d’échange pour la définition des PDQ. Ils
répertorient les activités économiques (boutiques, marchés) et identifient les filières de
production (teinture, vente de couscous, tannerie, tissage, dépôts de briques, etc.). Ils
évaluent l’activité et le niveau écono mique des ménages et localisent les poches de
pauvreté. Enfin, ils entrent en contact avec les autorités locales (Maire, Hakem), les
associations et ONG locales actives, partenaires potentiels pour leurs différentes activités,
ainsi que les autres opérateurs et ONG internationales intervenant dans le quartier et
prennent connaissance de leur approche du développement afin de coordonner leurs
actions.
Carte de la connaissance du quartier de l’animateur de Couva (extrait du document final de
capitalisation)
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
79
La connaissance du quartier se développe en tache d’huile. Elle est généralement très
approfondie autour de l’antenne Twize et s’étend progressivement. Elle n’est donc pas
homogène et dépend beaucoup de la capacité de l’animateur AAC à parcourir le quartier et
à s’insérer dans les zones les plus éloignées de l’antenne. Elle est également conditionnée
par les personnes relais, leaders et personnes ressources, qui facilitent l’accès des
conseillers aux habitants. Elle dépend également du dynamisme des habitants et de leur
intérêt pour le programme Twize. Chaque activité accompagnée par le conseiller de
quartier est une occasion pour lui de s’enfoncer un peu plus dans la zone concernée. La
logique de cette connaissance n’est donc pas de l’ordre de l’exhaustif. Elle renvoie aux
principes qui guident le conseiller dans sa prise de contact avec les habitants : une relation
informelle, qui se veut de qualité et durable. La connaissance est, par essence, inachevée,
ce qui implique pour le conseiller un travail de veille et d’enregistrement systématique des
nouvelles informations à l’aide de fiches thématiques dans un but de l’étendre et de
l’enrichir de manière continue.
?
TOUCHER, RASSEMBLER, MOBILISER
Grâce aux relations tissées sur le long terme avec les habitants et leur partenariat avec les
leaders, ils sont à même d’activer les réseaux et les ramifications sociales qui se déploient
dans les quartiers pour atteindre un grand nombre de personnes. Cette compétence en
terme de mobilisation est reconnue au sein du programme mais aussi à l’extérieur par
d’autres opérateurs qui souhaitent intervenir dans le quartier. Ainsi, le conseiller du
quartier de Dar El Beida a été sollicité par le Croissant Rouge pour identifier les familles
les plus démunies en vue de leur distribuer des fûts destinés à stocker l’eau. Dans le cadre
d’une opération de redistribution des terres sur la commune d’El Mina, le Hakem a fait
appel aux conseillers de quartier AAC pour leur connaissance des habitants : il s’agit
d’éviter l’opportunisme de certains qui peuvent prétendre habiter dans le quartier afin de se
voir attribuer un terrain. A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la pauvreté, le
Pnud a sollicité, par l’intermédiaire du Commissariat aux Droits de l’Homme, les
compétences de l’équipe AAC pour mobiliser les habitants des quartiers périphériques de
Nouakchott. Deux journées de travail de terrain ont suffit aux conseillers de quartier pour
rassembler environ 600 personnes. Au sein du Gret en Mauritanie, d’autres projets ont
recours à la connaissance des conseillers AAC. C’est le cas du projet Zazou, un projet de
recyclage des sacs plastiques dans deux communes de Nouakchott s’appuyant sur les
coopératives. Les concepteurs du projet ont sollicité les conseillers de quartier afin de
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
80
prendre contact avec les coopératives pour leur étude préalable et la recherche de
partenaires.
La mobilisation, l’appel au soutien d’un réseau d’individus ne sont pas étrangers aux
pratiques sociales en Mauritanie. Ces modes de communication basés sur le rassemblement
et le groupe sont en adéquation avec les pratiques des leaders qui recherchent l’allégeance
d’un maximum de personne sur le territoire sur lequel ils revendiquent leur leadership. Ces
réseaux d’allégeance correspondent à ceux dont ils héritent de génération en génération
dans le cadre de leurs appartenances tribales. Dans les quartiers périphériques de
Nouakchott, nouvellement et très rapidement peuplés, d’autres facteurs expliquent la
constitution de leaderships. Certaines personnes l’ont acquis par leur dynamisme et leur
capacité à entrer en relation avec les autorités politiques et administratives. Les quartiers
d’intervention du programme Twize comportent de nombreux exemples de femmes et
d’hommes qui, partis de rien, ont su se frayer un chemin jusque dans les plus hautes
sphères de l’Etat. Ils font en retour bénéficier de leurs facilités aux habitants du quartier,
trouvent des solutions à leurs problèmes et conquièrent par la même occasion leur
allégeance. La plupart des leaders font partie des premiers habitants du quartier. La
croissance démographique fulgurante de la ville de Nouakchott a nécessité le déplacement
et le recasement de milliers d’habitants dans des espaces absolument vierges
d’infrastructures. Certains d’entre eux se sont improvisés porte-parole de leurs concitoyens
pour défendre leurs intérêts et sont ainsi devenus les leaders du quartier. Ils sont souvent
politisés et ont été fortement instrumentalisés par le Parti Républicain Démocratique et
Social (PRDS) au pouvoir jusqu’en 2005.
Portrait d’un leader dans le quartier de Couva : « Je descends dans mon quartier comme
un président descend dans son pays. »
C’est dans ces termes que s’exprime Libraze, une femme harratine qui s’est
progressivement imposée comme une personne n
i contournable, une bienfaitrice pour
tous les habitants du quartier par la multitude de services qu’elle leur rend. Sa force réside
dans sa capacité à aller frapper à la porte des plus hautes autorités administratives et
politiques. Elle a intégré un réseau de personnes influentes grâce à son engagement
politique au sein du parti au pouvoir. Sa stratégie repose sur le principe de la visibilité. Lors
des réunions, elle se met en scène, anime, interpelle les gens. Elle n’hésite pas à prendre le
râteau pour nettoyer le quartier ou à distribuer elle-même de l’eau. Elle ne tient donc pas
cette position du fait de son rang social, moins encore de ses ressources financières mais
grâce à son dynamisme.
Ce statut lui vaut d’être largement écoutée et suivie. Si certains leaders ont une capacité
de mobilisation des habitants circonscrite à une zone déterminée, Libraze touche
l’ensemble du quartier. Elle est à la tête d’une coopérative et gère une boutique
communautaire. Elle est membre de l’Association pour le Développement
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
81
Communautaire de Couva. Elle est également à l’origine d’un projet d’assainissement
soutenu par le programme Twize. D’une manière générale, elle cherche à être associée à
toutes les activités communautaires du quartier et ne tolère pas de ne pas être impliquée
dans l’organisation d’une réunion ou dans la mise en œuvre d’un projet.
Cette attitude a généré des conflits avec le conseiller de quartier qui a, par exemple,
refusé son implication dans le projet de jardin d’enfants. Elle ne s’est cependant jamais
détournée du programme Twize, consciente qu’elle se couperait d’un certain nombre
d’activités lui permettant de cultiver sa visibilité dans le quartier.
Grâce à l’appui des leaders, les conseillers de quartier ont un large accès à la population et
peuvent rassembler jusqu’à plusieurs centaines de personnes notamment à l’occasion des
opérations de sensibilisation. Ils renforcent également leur crédibilité auprès des habitants
car leur parole et leur action sont cautionnées par un notable. Le leader est donc avant tout
un vecteur de communication de l’animateur en direction de la population et non un moyen
de faire remonter les besoins et les revendications de la population au programme Twize.
Les conseillers AAC décrivent clairement leurs relations avec les leaders de quartier en
termes d’utilité. Ils «exploitent » leur capacité de mobilisation, tout en ayant conscience
que certains sont plus « rentables » que d’autres48 .
2. Interface, intermédiation, traduction
La capacité de mobilisation des animateurs s’est développée du fait de la nécessité
d’assurer le travail d’information des habitants sur le programme Twize. Plus que de
l’information, c’est un véritable travail d’intermédiation qui est réalisé par l’équipe AAC.
?
DE L’INFORMATION ORGANISEE A LA PE DAGOGIE PERMANENTE
Le cœur du travail de l’animation est donc un travail de communication. Il est aussi
formalisé par des techniques et organisé dans le cadre de ce que l’équipe AAC appelle des
micro- initiatives. Ce sont des journées de sensibilisation dédiées à un thème choisi en
fonction de l’« actualité » du quartier : un problème de santé publique, la mise en œuvre
d’un microprojet, la baisse de la demande de microcrédit classique ou habitat, l’arrivée de
nouveaux résidents dans le quartier non sensibilisés au programme Twize, etc. Le choix du
thème se fait en fonction de l’urgence du besoin, sur proposition du médecin ou du comité
de santé du quartier, de l’équipe microfinance ou encore d’habitants, etc. Les journées de
sensibilisation sont organisées durant le week-end (samedi ou dimanche) afin de toucher le
maximum de personnes. Ce sont très majoritairement les femmes qui répondent à cette
48
Selon les propos recueillis auprès des conseillers de quartier.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
82
mobilisation pour différentes raisons. Elles sont plus présentes dans les quartiers que les
hommes qui se déplacent chaque jour pour aller travailler dans d’autres parties de la ville
(centre ville, port, etc.). Il est donc plus facile de les informer. En outre, dans une très
grande proportion des foyers des quartiers périphériques de Nouakchott, les femmes
assument seules la subsistance des membres. Elles sont donc les premières interlocutrices
du programme Twize tant en ce qui concerne l’habitat, le microcrédit, les formations ou les
projets de quartier. Les opérations de sensibilisation se déroulent en deux étapes et
mobilisent différents types d’acteurs. La journée est consacrée à l’information des
habitants de la tenue d’une réunion dans le quartier sous la khaïma en fin d’après- midi.
Une équipe chapeautée par le conseiller de quartier et composée de personnes ressources
sillonne le quartier de porte en porte pour convoquer les habitants. La séance d’information
sous la khaïma est ensuite animée par le conseiller, éventuellement un ou plusieurs
intervenants extérieurs spécialistes du thème et en présence des leaders du quartier. Elle a
pour objectif de diffuser auprès des habitants un certain nombre d’informations destinées à
faire évoluer leur comportement face à une situation donnée.
Parallèlement aux sessions d’information programmées et organisées, les animateurs
travaillent à une information constante, plus spontanée, informelle, en fonction des besoins
auprès des habitants. Ceux-ci sont pour la majeure partie analphabètes. Il existe donc dans
les quartiers d’intervention de Twize un important besoin d’explication des procédures et
d’adaptation du vocabulaire du programme. Le processus à suivre pour construire un
module ou bénéficier d’un micro-crédit est complexe pour les habitants. Les mauvaises
informations circulent très rapidement dans les quartiers car les individus retiennent bien
souvent la première information qu’ils ont reçue de leur voisin ou d’un parent. Les
conseillers AAC doivent réexpliquer le contenu des contrats et le rôle des différents
intervenants avec lesquels les bénéficiaires doivent traiter (agents de crédit, contrôleurs
techniques, entrepreneurs, etc.) C’est un travail de pédagogie permanente qui témoigne de
la nécessité d’adapter un discours technique aux réalités sociales de l’environnement
auquel il est destiné.
A l’heure de l’évaluatio n du programme Twize, cette question apparaît centrale. Il semble
qu’une des plus grandes contributions de l’équipe AAC à la réalisation des objectifs du
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
83
programme 49 réside dans leur position permanente de réception des demandes
d’information, des requêtes en cas de problèmes dans les travaux, de médiation des
conflits, de rappel des procédures du programme, etc. Les animateurs incarneraient le
programme Twize dans les quartiers plus que les trois autres composantes. Leur
polyvalence et leur vocation à être en relation continue avec les habitants les différencient
des autres agents du programme dont les tâches de contrôle technique, d’agent de crédit les
rend moins disponible au travail relationnel. Si le travail d’agent de crédit comporte une
importante par de relation aux clients, celle-ci garde souvent un caractère formel dans le
cadre des procédures prévues pour l’octroi d’un microcrédit. Pour Ndiaye Abderahmane,
animateurs dans le quartier de Couva :
« Les gens du microcrédit donnent des infos pas toujours très
adaptées (…) Les frais de gestion, de papier, c’est pas
clairement expliqué. Pour les gens, c’est des plus-values. Il
faut expliquer clairement au gens pourquoi le taux est plus
élevé qu’ailleurs. (…) il faut dire que c’est quelque chose de
social, que c’est fait pour renforcer les capacités. »
Les animateurs se présentent donc comme des intermédiaires, d’agents en interface dont la
fonction est essentielle.
?
L’ANIMATEUR A L’INTERFACE DE DEUX MONDES
Le champ du développement est un lieu de rencontre entre le monde des organisations
internationales et celui des populations auxquelles sont destinées leurs actions. Ces deux
mondes sont mus par des logiques d’action et des systèmes de référence qui leur sont
propres. Comme l’analyse sur les microprojets communautaires l’a montré, les ONG ont
des objectifs et des procédures qui sont souvent bien loin des stratégies quotidiennes de
survie de la population. Ces deux entités sont mises en relation par l’intermédiaire des
projets. Conçus par la première, ils doivent pénétrer la seconde. Cette pénétration est
facilitée par le travail des animateurs, intermédiaires, médiateurs et traducteurs des
messages véhiculés par les projets à la population. D’une manière générale, on peut dire
que les conseillers AAC sont des traducteurs du message du programme à la population.
Par traduction, il ne s’agit pas ici d’entendre seulement la recherche du mot poulaar ou
hassaniya qui désigne le crédit ou l’assainissement. Il s’agit de faire se rencontrer « deux
49
1791 modules ont été construits au 31 décembre 2005 depuis la convention de juin 2003. Ceci représente
presque un quart des 7500 fixés comme objectif de fin de projet.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
84
façons de penser la réalité 50 . » Les conseillers AAC doivent sans cesse rappeler que les
objectifs du programme Twize vont dans le sens de l’intérêt général et de l’amélioration
des conditions de vie de tous, ce qui n’est pas quelque chose d’évident pour les habitants.
Dans une société telle que la société mauritanienne, ceux qui possèdent redistribuent leurs
richesses autour d’eux dans le but d’accroître leur prestige. Les actes en faveur de la
communauté ne sont donc jamais gratuits. Et les activités du programme Twize sont
comprises à travers cette grille de lecture. Le conseiller AAC doit en permanence montrer
qu’il ne retire aucun intérêt du projet d’assainissement qui a été mis en œuvre avec son
appui et le financement du programme Twize.
Les membres de l’équipe AAC ont ce rôle de lien entre les deux mondes car ils les
connaissent bien et ont, en quelque sorte, un pied dans l’un et un pied dans l’autre. Ils ont
un pied dans le monde du développement parce qu’ils ont intégré les règles de
fonctionnement du Gret en Mauritanie, mais également les règles de leurs employeurs
précédents. La plupart des membres de l’équipe ont, en effet, un parcours de plusieurs
années au sein d’autres ONG occidentales. Ils ont également un pied dans les réseaux
sociaux des quartiers intervention du programme Twize. Les relations qu’ils y tissent
dépassent, pour certaines, le cadre du programme Twize. Ils ont tous dans les quartiers des
parents, plus ou moins proches, auxquels ils sont donc nécessairement liés. Ils développent
également les liens amicaux avec certaines personnes ou familles qu’ils réinvestissent
ensuite dans leur travail d’animation. Enfin, certains vivent ou ont vécu dans ces quartiers.
Par exemple, c’est le cas de l’animateur du quartier de Teissir dont le logement se situe
dans le quartier de Médina.
D’une manière générale, le travail d’animation dans le développement urbain en
Mauritanie rassemble un certain nombre de caractéristiques de ce que l’on appelle le
« travail social ». Il n’est pas certain que ce rapprochement le serve dans son processus de
professionnalisation dans la mesure où la définition du social est encore difficile à
formuler. En effet, selon J. N. Chopart, les personnes appartenant à ce champ professionnel
peuvent définir le social comme l’objet de leur trava il (« le social objectivé »), comme leur
pratique (« le social institué ») ou encore à une certaine éthique qui accompagne cette
pratique (« le social incorporé »). Ainsi, « les définitions du social comme objet de la
50
Olivier de Sardan, 1995, p. 158.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
85
profession ou comme champ d’intervention (…) révèlent la très grande polysémie du mot
et l’imprécision de la chose. » (2000, p. 199) Cependant, dans le cadre d’une étude
approfondie sur les mutations du travail social en France, cet auteur identifie quelques
traits constitutifs d’une définition basée sur les représentations que les travailleurs sociaux
se font de leur profession et qui devrait contribuer à améliorer sa lisibilité et sa
reconnaissance. Il n’est pas improbable que les animateurs de l’équipe AAC se
reconnaissent également dans cette proposition. Le travail social se définirait en premier
lieu par un rapport au terrain dans le sens d’une proximité, d’un rapport direct aux
individus et aux groupes. Cette proximité se fait, non pas dans le cadre d’une aptitude toute
particulière des intervenants à tisser des relations humaines, mais dans celui d’une
expérience du terrain fondée sur une formation qui nourrit une expertise. Dans le cas où
cette formation ferait défaut, c’est « la connaissance intime, existentielle pourrait-on dire,
du terrain qui fonde cette légitimité en procurent la compétence » (p. 205) Enfin, le respect
d’une déontologie est d’autant plus valorisé lorsque les fondements de l’expertise sont
remis en question. Chez les animateurs AAC, ce rapport à la déontologie se confirme avec
leur très fort attachement aux principes du développement communautaire et tout
particulièrement à l’équité qui explique leur vigilance à ne pas, y compris contre leur gré,
favoriser tel ou tel habitant ou groupe dans leurs quartiers.
Ce qu’il semble important de mettre en évidence ici, c’est la dimension du travail social
qui relève d’une « connaissance intime et [de] l’expérience vécue, phénoménologique » (p.
207) du contexte d’intervention du programme qui réaffirme leur position d’interface.
Dans l’environnement complexe du monde du développement, celle-ci leur donne la
capacité à mettre en relation, à réaliser une intermédiation, à articuler les logiques et donc à
construire du lien entre les acteurs qu’ils soient professionnels du développement, autorités
locales, institutions nationales, habitants, leaders ou encore acteurs économiques.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
86
CONCLUSION
?
QUELLE REPONSE A QUELLES ATTENTES ?
A l’issue du travail de capitalisation, le contenu du document final a recueilli la satisfaction
de l’équipe qui le considère comme traduisant sa pratique de manière fidèle. La
capitalisation a été reconnue par les animateurs comme un moment important non
seulement pour son résultat mais également par la cohésion d’équipe qu’elle a provoqué
durant cette période. Elle reste marquée dans les esprits de chacun comme un moment
riche en apprentissages en matière de collaboration interculturelle mais également
interprofessionnelle. Elle se caractérise, à notre sens, comme l’expérimentation et la
réalisation d’un compromis entre différentes visions d’un même travail. Si, au cours du
processus, nous avons pu identifier une variété de trois types d’attente, il semble qu’à son
issue, le compromis se situe réellement entre deux. En effet, la satisfaction s’est également
manifestée du côté du siège du Gret qui a permis la publication du document final dans une
des collections supervisées par la direction scientifique. Ce travail est venu apporter
quelques éléments de réflexion sur un sujet encore peu investigué au sein de l’organisation.
En revanche, comme il était prévisible, le document de capitalisation ne répond pas
entièrement aux interrogations de la coordination du programme en termes de résultats
concrets et d’impacts mesurés des actions de l’équipe AAC permettant de statuer
clairement sur son utilité au sein du programme. La démarche qui aurait permis d’aboutir à
des réponses de cet ordre était bien différente de celle qui a été effectivement adoptée. Le
compromis ne pouvait donc s’étendre à ce troisième type d’attente qui relevait d’une
logique radicalement différente.
?
ALORS FINALEMENT … LES APPORTS DE L’ANTHROPOLOGIE ?
Sa contribution apparaît à trois niveaux. Sa démarche centrée sur les logiques d’acteurs a
permis d’identifier el s nœuds d’enjeux qui se sont formés autour de ce travail. Ceci a
constitué un appui considérable pour l’accompagnatrice de la capitalisation dont la position
était à la rencontre de différentes logiques qu’il s’agissait de faire dialoguer. Cette situation
n’est pas exceptionnelle mais bien inhérente à tout acteur opérationnel du monde du
développement. Le regard anthropologique fait ici la preuve de sa pertinence.
L’anthropologie dans le développement c’est, en premier lieu, une manière de voir et de
mettre à plat en se retenant de porter un quelconque jugement sur les intérêts que
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
87
manifestent les individus. C’est une anthropologie diffuse, permanente, spontanée. Un état
d’esprit qui se cultive avec l’expérience. Mais c’est également un certain nombre d’outils,
depuis la démarche d’enquête jusqu’au travail de croisement des discours, en passant par la
technique de l’entretien, qui permettent une production de connaissances. L’approche
anthropologique apparaît comme un important réservoir méthodologique pour la
réalisation d’un travail maïeutiq ue tel qu’a été la capitalisation. Toute la richesse des
échanges se fonde sur la capacité des individus à cerner comment ils se perçoivent
mutuellement, comment ils se positionnement l’un par rapport à l’autre et quelles sont
leurs attentes respectives vis-à-vis de l’échange même. Ainsi, le passage par
l’anthropologie, c’est le moyen de disposer d’une base solide d’informations ancrées dans
une réalité sociale permettant d’alimenter la réflexion, d’apporter un certain nombre
d’éclairages et des éléments de réponse sur l’activité d’animation dans un programme de
développement urbain. En effet, si toute activité professionnelle a un ancrage avant tout
technique, cette dimension ne peut avoir le monopole pour expliquer les choix et les actes
qui sont posés pour parvenir aux résultats escomptés. (Latour, 1999) La grille de lecture
doit prendre en considération les positions sociales des individus qui les réalisent, leurs
rapports de pouvoir et leurs intérêts individuels et collectifs car, dans la réalité, « rien n’est
indiscutablement technique », ni « indiscutablement social » (Callon, Lascoumes & Barthe,
2001, p 45). Les interventions sont profondément hybrides en ce qui concerne les raisons
qui poussent les gens à agir de telle ou telle manière.
?
ET APRES ?
Les issues de la capitalisation peuvent être plurielles. Une présentation publique et la
diffusion la plus large possible du document sont les perspectives immédiates. La réflexion
prospective sur l’animation dans le développement urbain à Nouakchott devait proposer
des perspectives à plus long terme. Une discussion à ce sujet s’est réellement enclenchée à
l’issue de capitalisation, relayée par le siège du Gret à Paris et soutenue par la coordination
Twize. Elle concerne la question de l’insertion d’animateurs au sein des communes de
Nouakchott qui apparaît comme une piste prometteuse pour la professionnalisation de
l’animation en Mauritanie. En effet, cette possibilité s’inscrit pleinement dans le cadre du
processus de décentralisation qui vise à donner dava ntage de prérogatives et de moyens
d’action aux institutions locales en matière de développement. Les réflexions au sujet de
l’animation dans les communes lors de la capitalisation ont été reçues de manière très
positive par les membres de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Deux
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
88
de ses représentants ont participé à l’atelier organisé à ce sujet dans les locaux du
programme Twize et la DGCL a accepté de signer la préface du document produit par
l’équipe. Ce rapprochement avec les institutions constitue une importante avancée dans
leur reconnaissance du travail d’animation dans la mesure où, comme l’a démontré Abbott,
la naissance d’une profession ne se réalise par uniquement par le processus historique de
construction d’une pratique profe ssionnelle mais également par son inscription dans la
politique nationale (2003, p. 30). En Mauritanie, cela se traduit actuellement par des
réflexions croisées au niveau du Gret-Mauritanie et de la DGCL sur la création d’un cursus
de formation et sur les bases et conditions nécessaires à la mise en place d’un dispositif
d’encadrement de l’animation dans les communes.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
89
BIBLIOGRAPHIE
Abbott A., « Ecologies liées : à propos du système des professions », 2003, in Menger P.
M., Les professions et leurs sociologies. Modèles théoriques, catégorisations, évolutions,
Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris : 29-50.
Barbier J.M., 2000, « L’analyse des pratiques : questions conceptuelles », in BlanchardLaville C., Fablet D., L’analyse des pratiques professionnelles, L’Harmattan, Paris : 286 p.
Baré J.P., 1995, Les applications de l’anthropologie, Karthala, Paris : 282 p.
Baril H., 2005a, Les projets de quartier au service du développement local. Pratiques et
limites des microprojets à but communautaire AAC. Programme Twize à Nouakchott,
Université Paris 1.
Baril H., 2005b, Compte rendu de stage, Programme Twize : 57 p.
Barrau E., 2005, Développement local, renforcement des acteurs locaux et
décentralisation. Conception et mise en œuvre d'une démarche de développement local en
Mauritanie, la composante " Animation, activités communautaires - Projets de quartier " du
programme Twize, Université Paris 8 : 115 p.
Barrau E., Equipe PMRU, 2006, Le manuel de l’animateur social : quelques clefs pour
agir et pour réfléchir, Edition UE – PMRU.
Baszanger I, 1990, «Emergence d’un groupe professionnel et travail de légitimation. Le
cas des médecins de la douleur », Revue française de sociologie, n° 31(2), avril : 257-282.
BIERSCHENK, T., 1988, « Developement projects as an arena of negociation for strategic
groups. A case study from Benin. », Sociologia Ruralis, n°28 (2-3) : 146-160.
Blanchard-Laville C., Fablet D., 2003, Ecrire les pratiques professionnelles, L’Harmattan,
Paris : 245 p.
Bonetti M., Conan M., Allen B., 1991, Développement social urbain. Stratégies et
méthodes, L’Harmattan, Paris : 271 p.
Callon M., Lascoumes P. et Barthe Y., 2001, Agir dans un monde incertain. Essai sur la
démocratie technique, Le Seuil, coll. La couleur des idées, Paris : 358 p.
Chopart J.N., 2000, Les mutations du travail social. Dynamiques d’un champ
professionnel, Dunod, Paris : 303 p.
Choplin A., 2003, Etude des rapports ville – Etat : le cas de Nouakchott – Mauritanie,
Prodig.
Darré J.P., 2006, La recherche co-active de solutions entre agents de développement et
agriculteurs, Etudes et travaux, GRET, Paris : 112 p.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
90
Dauvin P., Siméant J., 2002, Le travail humanitaire. Les acteurs des ONG, du siège au
terrain, Presses de Sciences Po, Paris : 443 p.
De Zutter P., 1994, Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital,
Charles Léopold Mayer, Paris : 137 p.
Document interne Gret – Rim, Document de projet du programme Twize.
Document Gret, Charte d’engagement : http://www.gret.org/ressource/pdf/charte.pdf
Dorner V., 2006, Mais pourquoi les « bénéficiaires » ne payent-ils qu’une partie de leur
contribution financière ?, Coopérer aujourd’hui, n° 46, GRET, Paris : 57 p.
Dozon J.P., «Le dilemme connaissance-action : le développement comme champ
politique», Le bulletin de l'APAD, n° 1 : http://apad.revues.org/document291.html.
Dubar C., 2000, La socialisation. Construction des identités professionnelles, Armand
Colin, Paris : 255 p.
Dubar C., Tripier P., 1998, La sociologie des professions, Armand Collin, Paris : 283 p.
Freyss J., 2004 « La solidarité internationale, une profession ? Ambivalences et ambiguïtés
de la professionnalisation », Revue Tiers-Monde n° 180, Octobre-Décembre : 735-772
Gaulejac (de) V., Bonetti M, Fraisse J., 1989, L’ingénierie sociale, Syros Alternatives,
Paris : 178 p.
Hennart C., Vers un bilan intermédiaire des résultats du programme Twize, Document
interne Gret – Rim.
Hennart C. (dir.), Kapps Lebeau L. (dir.), 2002, Manuels de procédures : appui aux
activités communautaires et projets de quartier, microfinance, habitat, Programme Twize,
CDHLCPI.
Hofmann E. (dir.), Najim A. (dir.), 2003, L'agent de développement et le Sud : tentatives
pour circonscrire un profil professionnel, Karthala, Paris : 221 p.
Hughes E.C., 1967, Men and their work, Glencoe, The Free Press.
Hugues E. C., 1996, Le regard sociologique, EHESS, Paris : 344 pages.
Ion J., Tricart J.P., 1998, Les travailleurs sociaux, La Découverte, Paris : 125 p.
Lavigne Delville Ph., 1997, «A quoi servent el s sciences sociales dans les projets de
développement rural ? Point de vue d’un ‘agent double’ », Bulletin de l’APAD, n°14 : 79107.
Lavigne Delville Ph., « Impasses cognitives et expertise en sciences sociales : reflexions à
propos du développement rural en Afrique », 2000a, in Jacob J.P. (dir), Sciences sociales
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
91
et coopération en Afrique : les rendez-vous manqués, Nouveaux cahiers de l’IUED, n°10,
F/IUED : 69-99.
Lavigne Delville Ph., 2000b, Regard sur les enquêtes et diagnostics participatifs. La
situation d’enquête comme interface, Coopérer aujourd’hui, n°17, GRET, Paris : 25 p.
Lavigne Delville Ph. et Gauthier N., 2001, Financement du développement : la mécanique
des fonds, Coopérer aujourd’hui n°25, GRET, Paris : 67 p.
Lavigne Delville Ph., Villeval Ph., 2004, Capitalisation d’expériences, expérience de
capitalisation. Comment passer de la volonté à l’action ?, Traverses n°15,
GRET/Handicap International/Groupe Initiatves : 48 p.
Latour B., 1999, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie,
La découverte, Paris.
Le Naëlou A., 2004, « Pour comprendre la professionnalisation dans les ONG : quelques
apports d’une sociologie des professions », Revue Tiers-Monde n° 180, OctobreDécembre : 773-778
Liaroutzos O., Sulzer E., 2006, La méthode ETED. De l’analyse du travail aux référenciels
d’emploi/métier, Cereq, Marseille : 82 p. http://www.cereq.fr/cereq/Relief14.pdf
Lo Abdoul, 1988, « Urbanisme, la « gazra » du carrefour », Mauritanie Demain, n°6.
Masson S., Cypel S., 2004, «Peut-on former des analystes des pratiques ? », Education
permanente, n° 161, décembre : 112-119
Mathieu M., « Mali : ignorance réelle, contrainte ou délibérée ? De l’usage du labyrinthe
de la connaissance dans un projet de développement », 2000, in Jacob J.P. (dir), Sciences
sociales et coopération en Afrique : les rendez-vous manqués, Nouveaux cahiers de
l’IUED, n°10, PUF/IUED : 101-119.
Morlat L. et Abdoulaye M., L’animation dans un programme de développement urbain.
Approche et expériences de la composante « Appui aux activités communautaires » du
programme Twize en Mauritanie, Coll. Études et Travaux, Éditions du Gret. (à paraître)
Ndione E., 1987, Dynamique urbaine d'une société en grappe, ENDA GRAF Sahel, Série
Etudes et recherches, n° 109-111 : 212 p.
Neu D., 2005, Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre, Coopérer
aujourd’hui n° 43, GRET, Paris : 45 p.
Niang N., 2004, Analyse de l’emploi et des besoins de formation en matière de
développement social, SCAC de Nouakchott : 115 p.
Nonaka I. et Takeuchi H., 1997, La connaissance créatrice. La dynamique de l’entreprise
apprenante, De Boeck Université, Paris et Bruxelles : 303 p.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
92
Olivier de Sardan J.P., «L'anthropologie du changement social et du développement
comme
ambition
théorique ?»,
Le
bulletin
de
l'APAD,
n°
1:
http://apad.revues.org/document296.html.
Olivier de Sardan J.P., 1995a, Anthropologie et développement. Essai en socioanthropologie du changement social, APAD-Karthala, Paris : 221 p.
Olivier de Sardan J.P., 1995b, « La politiques du terrain », Enquête, n°1 : 71-109.
Olivier de Sardan J.P. et Elhadji Dagobi A., 2000, « La gestion communautaire sert-elle
l’intérêt public? Le cas de l’hydraulique villageoise au Niger », Politique africaine, n°80 :
153-168.
Olivier de Sardan J. P., 2005, « De la nouvelle anthropologie du développement à la socioanthropologie des espaces publics africains » Communication au colloque international de
l’APAD Entreprises et entrepreneurs en quête de normes, Yaoundé, 11-14 octobre 2005
Perrenoud Ph., 2004, « Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la
professionnalisation », Education permanente, n°160, mars : 71-80.
Recondo D., « Tailleurs de démocratie : l’assistance électorale de l’ONU racontée par ses
artisans », 2006, in Baré J.F., Paroles d’experts. Etudes sur la pensée institutionnelle du
développement, Karthala, Paris : 29-56
Robert S., Ollitrault-Bernard A. (collab.), 2005, Le capital mémoire. Identifier, analyser,
valoriser l’expérience dans les institutions : repères méthodologiques pour la
capitalisation, Charles Léopold Mayer, Paris : 207 p.
Strauss A., 1982, « Social worlds and legitimation processes », Studies in symbolic
interactions, vol. 4, Greenwich, Jai Press : 123-139.
Vermersch P., 2004, « L’aide à l’explicitation et retour réflexif », Education permanente,
n°160, mars : 71-80.
Vermersch P., 2006, L’entretien d’explicitation, Paris, ESF, 221 p.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
93
TABLE DES MATIERES
?
?
?
?
?
?
Remerciements
Sommaire
Sigles et abreviations
Introduction
Nouakchott : un mirage en plein desert
« Twize »
Capitaliser l’expérience des animateurs
Capitaliser quoi et pourquoi ? quelques définitions
La socio-anthropologie comme cadre théorique
Problématique et structure de la reflexion
PARTIE 1 L’équipe AAC : des animateurs en manque de reconnaissance professionnelle
I.
16
16
17
19
21
L’équipe AAC dans un monde du développement professionnalisé
1. La professionnalisation du monde du développement : une illustration par le programme Twize
?
Le gret : une « entreprise humanitaire »
?
Les ressorts d’une intervention professionnelle de développement : l’exemple de twize
3.
L’équipe AAC en quête de reconnaissance
?
Lecture interactionniste des professions au sein de twize
?
Travail d’animation sociale et reconnaissance
?
La légitimation par l’utilité
23
23
23
25
27
27
29
31
III.
1.
2.
3.
La capitalisation : un moment tant attendu
Pour la coordination du programme Twize : clarification et évaluation
Pour le siège du Gret : approfondir la connaissance
Pour l’équipe AAC : démontrer les compétences et valoriser le travail
PARTIE 2 Le processus de co-production d’une connaissance sur les activités d’animation
I.
15
L’animation dans le développement urbain en Mauritanie
L’appui aux activités communautaires du programme Twize : un apprentissage sur le tas
?
Structuration de la démarche
?
Analyse des premières expériences et renforcement de la demarche avec hélene baril
2.
Une profession à construire dans le pays
1.
II.
1
2
3
4
4
5
8
9
11
13
32
32
33
35
37
Chacun ses rôles : positionnement des acteurs et production de connaissances
La position d’accompagnatrice
?
L’apprentissage comme préalable
?
La construction d’une relation de confiance et de dialogue
?
les fonctions de l’accompagnement
2.
Modes d’interaction avec les animateurs et production de connaissance
?
La fourniture d’information brute : une première formalisation
?
L’animateur comme enqueteur
38
38
38
39
40
41
42
43
Décomposition du processus de maïeutique : formaliser l’informel
La formalisation des pratiques : l’exemple de la relation aux leaders de quartier
?
Elements de définition sur les savoirs implicites
?
Le rôle des traces écrites
?
De la connaissance tacite à la connaissance explicite
?
Identifier l’intuitif : Le rôle de l’observation participante
2.
L’analyse contextualisée
?
Elargir la reflexion au système d’acteurs : l’exemple du service d’assainissement à médina
?
Mettre en cohérence les resultats de la reflexion
3.
La restitution/validation des résultats
?
Traduire de manière fidèle
44
45
45
45
47
49
50
50
52
53
53
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
94
1.
II.
1.
?
?
?
III.
1.
?
?
2.
?
?
Un moment de catharsis
L’influence du texte dans la reflexion
de la Confrontation des visions à l’objectivation
La capitalisation : un moment de formation ?
Evolution des perceptions : l’exemple du centre de promotion des activités féminines
Un projet phare pour l’equipe aac
Comment augmenter la confiance des membres dans la structure
Réorientation d’actions
Comment augmenter l’impact du travail d’information des habitants
Vers un service public d’assainissement dans le quartier de Médina
PARTIE 3 Quelques traits du travail d’animation au sein de Twize
54
55
57
57
58
58
59
60
60
61
63
I.
Les microprojets communautaires dans leur contexte social
1. Les microprojets AAC ou la rencontre de deux visions de la société
?
Caractéristiques du lien social en Mauritanie
?
AAC : de l’accompagnement à l’encadrement des microprojets
2. Ambitions personnelles des porteurs de projets : quelles conséquences pour l’impact des projets?
?
L’échec du service de collecte des ordures ménagères
?
Un jardin d’enfants qui fonctionne grâce au bénévolat
?
Soupcon généralisé au centre de promotion des activités féminines
3.
Comment prévoir l’autonomisation ou la question de la propriété des équipements
?
Autonomisation et privatisation des projets
?
Le passage du suivi des projets aux autorités locales
64
64
64
65
66
67
67
68
69
69
70
II.
Dimension publique de l’action et relations aux autorités locales
1. AAC et les communes : chevauchement des domaines de réalisation
?
Les communes de nouakchott : des institutions dépourvues de moyens d’action
?
Du chevauchement des prérogatives à la collaboration
?
Les projets AAC comme vecteurs de reconnaissance pour les communes
2. L’animation au sein des communes : une perspective pour le développement local à Nouakchott
71
71
71
73
75
76
III.
L’animation au service d’un projet de développement
1. Mobilisation pour informer les habitants
?
La connaissance des quartiers comme préalable au travail d’animation
?
Toucher, rassembler, mobiliser
2. Interface, intermédiation, traduction
?
De l’information organisée à la pédagogie permanente
?
L’animateur à l’interface de deux mondes
Conclusion
?
Quelle réponse a quelles attentes ?
?
Alors finalement … les apports de l’anthropologie ?
?
Et après ?
Bibliographie
Table des matières
Annexes
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
77
78
78
80
82
82
84
87
87
87
88
90
94
96
95
ANNEXES
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
96
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : Cadre logique de la composante AAC
p. 97
Annexe 2 : Acteurs concernés par la capitalisation
p. 99
Annexe 4 : Termes de référence du stage
p. 100
Annexe 5 : Cahier des charges de la capitalisation
p. 103
Annexe 6 : Entretien avec Ndiaye Abderahmane sur sa relation
avec les leaders du quartier de Couva
p. 112
Annexe 7 : Compte rendu de l’atelier sur l’animation au sein des
communes de Nouakchott
p. 122
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
97
II. Contribuer à une politique de l’habitat social
I. Contribuer à la réduction de la pauvreté en milieu urbain, à
Nouakchott et Nouadhibou, par l’amélioration des conditions de vie
des populations des quartiers précaires
Objectifs
globaux du
projet
Objectif général du volet Objectifs spécifiques du volet
Favoriser la structuration
des quartiers et leur
intégration au schéma de
développement de la ville
(3)
Renforcer les capacités des
habitants à définir les projets
d’amélioration de leur quartier et à
les mettre en œuvre, en
concertation avec les autorités
communales (2.3)
Améliorer les conditions de vie et
l’accès aux service de base/de
proximité dans les quartiers (3.1)
Appuyer les initiatives des
habitants en termes d’activités
socio-culturelles
et
socioéconomiques (3.1)
Résultats attendus
Indicateurs
objectivement
vérifiables
Des modalités de dialogue et débat sur la
situation des quartiers sont mises en place
Chaque quartier dispose d’un plan de
développement, élaboré de façon
participative entre les acteurs sociaux et les
autorités publiques locales
Les capacités des habitants et des
associations locales, sont renforcées en
termes de diagnostic, identification de
priorités, négociations avec les services
techniques et les autorités communales, mise
en œuvre de projets
Existence de lieux de
dialogue, ponctuels
ou institutionnalisés
Nb de diagnostics de
quartiers et de PDQ
Qualité des processus
Participation des
autorités locales
Nb de projets
prép arés par les ass.
Autonomie dans la
prép aration et la
négociation
Qualité des projets
20 infrastructures/équipements
Existence d’un guide
prioritaires/de proximité sont réalisés et sont de procédures
gérés selon des modalités précises et
négociées entre les acteurs
Nb et types de
réalisations
Qualité de la gestion
50 projets, portés par des groupes d’acteurs Nb et types de
locaux, sont soutenus
projets soutenus
Sources de
vérification
Rapports
Rapports
Enquête
PV de réunion
Rapports
d’activités
Suivi des fonds
PV d’étude des
dossiers
Evaluations
Guide de
procédures
Suivi des fonds
Evaluations ex
post
Suivi des Fonds
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
98
Contribuer à intégrer les quartiers
dans le cadre légal et réglementaire
de l’urbanisme (3.2)
Le statut juridique des équipements réalisés
est clarifié.
Les outils cartographiques issus du projet
sont conçus pour être compatibles avec les
documents des services de l’urbanisme, et
sont transmis aux services techniques et aux
mairies
Les services techniques communaux
intègrent les quartiers précaires dans leurs
stratégies
Les autorités communales appuient
l’équipement des quartiers et les initiatives
des habitants
Le statut juridique et
les modalités de
gestion sont
clarifiées
Compatibilité des
outils
Transmission
effective
Contrats entre
commune et ass.
Participation aux
réunions sur les
quartiers
PV de réunion
Plans
communaux
Participation aux
réunions, appuis
apportés
PV de réunions
Rapports
d’activités
Bordereau de
transmission
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
99
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 100
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Microfinance
Habitat
Chef de composante
Conseillers de quartier
Chef conseiller quartier/chef conseiller projet
Appui aux activités communautaires
Formation
Coordination du programme
Représentation en
Mauritanie
Pôle DAT
Direction scientifique
GRET
Acteurs concernés par la
capitalisation
Stage de bilan - capitalisation de la composante « Animation,
Activités Communautaires, projets de quartier » du programme
TWIZE, Nouakchott, Mauritanie
CONTEXTE DU STAGE
Le GRET
Créé il y a 30 ans, le Gret est une association professionnelle de solidarité et de coopération
internationale. Nous travaillons, en Afrique, en Asie, en Amérique latine et en Europe, pour
contribuer à un développement durable et solidaire et lutter contre la pauvreté et les inégalités
structurelles. Nos actions visent à accroître les revenus des populations rurales et urbaines,
réduire leur vulnérabilité, améliorer leur accès à des infrastructures et des services de qualité,
développer leur capacité à faire entendre leur voix. (Pour en savoir plus : www.gret.org )
Le programme TWIZE
Le programme TWIZE est un vaste programme d’habitat social. Il s’inscrit dans le Cadre
Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté Mauritanien. Il est cofinancé depuis 1999 par le
Commissariat aux Droits de l’Homme, à la Lutte Contre la Pauvreté et à l’Insertion
(C.D.H.L.C.P.I.) et mis en œuvre par le GRET dans les quartiers périphériques de Nouakchott.
Son objectif global est de réduire la pauvreté en milieu urbain et de participer à la définition de
la « Politique de l’habitat social en Mauritanie ». Pour ce faire, il s’appuie sur une approche
intégrée et territoriale et favorise l’implication des acteurs locaux (autorités et habitants) dans
les réalisations du programme.
Le programme TWIZE est composé de quatre composantes assurant ainsi une démarche
plurisectorielle : la composante habitat, la composante microfinance, la composante
« Animation, activités communautaires, projets de quartier » (AAC) et la composante
formation.
La composante AAC est une composante chargée de l’ingénierie sociale et de l’animation dans
les quartiers. Elle vise à renforcer les compétences et l’organisation des groupes d’habitants
des quartiers à travers le soutien à des projets qui contribuent à l’amélioration des conditions
de vie collectives (projets sociaux ou culturels, production d’équipements publics ou
communautaires, réalisation d’infrastructures de quartier, gestion de services collectifs) et à un
travail d’animation dans les quartiers.
Cette composante est composée d’une dizaine d’animateurs (conseillers projets et conseillers
quartiers) coordonnés par un chef de composante.
OBJECTIFS DU STAGE
L’objectif du stage est de travailler sur un bilan - capitalisation des méthodes et pratiques
utilisées dans le cadre des activités de la composante AAC.
Ce stage s’inscrit dans le travail de suivi – évaluation du programme TWIZE qui est en cours.
Il sera l’occasion d’une prise de distance par l’équipe AAC permettant de faire un bilan et
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 101
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
d’évaluer les méthodes utilisées par l’équipe d’animation. Si ce travail ne constitue pas une
évaluation au sens traditionnel du terme, il s’agit d’une sorte d’évaluation participative des
pratiques d’animation et de montage de projets de quartier utilisées par l’équipe d’animation
elle -même.
En fonction des axes choisis pour la capitalisation par l’équipe AAC lors de la mission de
cadrage, le stage consistera à coordonner, animer et formaliser la réflexion des animateurs de
la composante sur les outils, méthodes et pratiques élaborés dans le cadre de la composante
AAC afin de dresser un bilan partagé sur les enjeux et les « bonnes pratiques » d’une telle
composante.
La capitalisation de la composante AAC devra permettre au regard de l’expérie nce de cette
composante de se forger une ligne de conduite et une pratique la plus aboutie possible sur
l’accompagnement des projets de quartier en Mauritanie. Deux objectifs de travail sous forme
de question seront approfondis dans ce cadre :
Comment faire en termes de méthodologie, d’outils et de pratiques ? Ce travail se basera sur
les méthodes et les outils utilisés par la composante AAC qui seront mis en débat et en
question : qu’est ce qui marche ? Qu’est ce qui ne marche pas ? Pourquoi ? Les grands
thèmes identifiés par l’équipe pour organiser la réflexion sont les suivants (ils seront
amenés à être affinés et précisés lors de la mission de cadrage) :
1. La connaissance des territoires et le diagnostic de quartier (les monographies)
2. L’animation de quartier concernant les micro-initiatives
3. Le cycle du microprojet (identification, conception et mise en œuvre des
microprojets.)
Pourquoi faire des projets de quartier ? A partir de 2/3 thèmes particulièrement pertinents qui
seront définis lors de la mission de cadrage, il s’agit d’essayer d’apporter des éléments de
réponse sans dogmatisme pour avancer sur la compréhension de ce type de programmes
dits d’appui au développement local. Cette réflexion devra notamment s’interroger sur des
spécificités de la composante AAC et du contexte d’intervention que sont les quartiers
périphériques de Nouakchott. Elle constituera un « chapeau » de présentation
problématique de la démarche qui introduira et complétera les réflexions sur la méthode.
ORGANISATION DU STAGE
Le stagiaire est la cheville ouvrière de la capitalisation. Il coordonne et accompagne l’équipe
d’animation dans son travail de bilan de leurs pratiques. Il est une sorte d’ensemblier de la
réflexion de chacun et rédacteur des produits finis.
Déroulement
Définition et élaboration collective du cahier des charges du travail de capitalisation :
organisation d’un atelier de travail pour définir collectivement les thèmes de réflexion et
les axes de travail (avec la participation éventuelle d’animateurs d’autres programmes pour
enrichir la réflexion de l’équipe)
(Equipe AAC, stagiaire, mission de cadrage de la capitalisation réalisée par Emilie
Barrau)
Constitution de petits groupes de travail : par exemple deux animateurs par thème. Les
animateurs s’emparent d’un thème et élaborent un premier exposé qu’ils présentent à
l’équipe lors des réunions hebdomadaires. Ces réunions sont l’occasion de discuter et de
valider les premières hypothèses. Cette démarche collective et progressive par petits
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 102
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
groupes de travail devra permettre d’impliquer les animateurs dans le processus ; les
restitutions en réunion de composante permettront une appropriation du travail de chacun
par toute l’équipe. Le travail du stagiaire est d’encadrer méthodologiquement les
animateurs dans leur réflexion, d’animer le travail collectif et de rédiger au fur et à mesure
ce qui constituera les chapitres de la capitalisation.
(Equipes d’animation, stagiaire AAC)
A la fin de ce travail collectif, le stagiaire fera un travail d’harmonisation et de mise en forme
des différents travaux afin de produire un document qui constituera un petit ouvrage de
bilan – capitalisation de la composante AAC.
Production d’un « chapeau » plus transversal de présentation de la démarche
(Stagiaire, suivi Emilie Barrau, validation par l’équipe d’animation)
Un encadrement du chef de composante et du coordinateur du programme TWIZE tout au long
de ce travail.
Emilie Barrau, intervenante au GRET - siège sera chargée du cadrage et du suivi du stage et du
travail de capitalisation dans son ensemble.
Eventuellement et en fonction des disponibilités, des animateurs d’autres projets d’appui aux
dynamiques locales pourront présenter certaines de leurs pratiques pour enrichir la réflexion de
l’équipe tout au long du processus (SCAC, FSD).
LES PRODUITS ATTENDUS
Un ou plusieurs documents, en fonction de la forme choisi (un manuel ou plusieurs petit
fascicule), qui mettent à plat « intelligemment » les pratiques et les méthodes de la manière
la plus aboutie possible les articuler avec des éléments sur le « pourquoi ? » de ces
pratiques.
Un document d’analyse en « chapeau » qui pose quelques questions de fonds sur le pourquoi ?
Ces documents pourront faire l’objet d’une publication en Mauritanie qui serait diffusée au
niveau des ONG et des animateurs mauritaniens ainsi que d’une diffusion plus large par le
GRET (diffusion en ligne sur le site du GRET)
MODALITES
Un stagiaire : durée de 4 mois (1er juillet – fin octobre)
Conditions proposées : 120 000 UM / mois pendant 4 mois
Billet d’avion et visa pris en charge par le programme
Logement pris en charge par le projet
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 103
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Capitalisation de la composante AAC du
programme TWIZE – Cahier des charges
PROJET DE CAPITALISATION
Justification
La composante « Animation, Activités Communautaires – Projets de quartier » est la
composante d’animation et d’ingénierie sociale du programme TWIZE. Elle a pour objectif
général de « favoriser la structuration des quartier et leur intégration au schéma de
développement de la ville ».
Dans le cadre d’un programme sectoriel d’accès à l’habitat social, la composante AAC a,
depuis le début du programme, un problème de lisibilité et de visibilité par rapport aux autres
composantes et de justification vis-à-vis des partenaires institutionnels et bailleurs.
Ce travail de capitalisation – à un an de la fin du programme TWIZE 1 – s’inscrit donc dans un
contexte de fin de projet avec un fort besoin de rendre lisible les actions de la composante mais
aussi de clarifier les axes de forts de la démarche afin de « resserrer » autour d’objectifs forts
les activités durant la dernière année.
La capitalisation devra donc permettre de « donner un visage à la composante » 51, de donner à
voir la « dimension invisible de la composante » et apporter une visibilité au travail
d’ingénierie sociale.
Notons qu’il y a une forte demande de l’équipe pour être appuyé dans ce travail de bilan –
capitalisation, pour mettre à plat les acquis et les limites de leur démarche, de leurs actions et
leurs pratiques. Il faut « analyser nos forces et nos faiblesses ». L’équipe est également
demandeuse d’un travail de clarification du « métier d’animateur » et de ce qu’est l’animation
et de recommandations opérationnelles sur les outils et méthodes qui généralisent certaines de
leurs pratiques.
Enfin il y a une volonté de mener une réflexion prospective sur ce que pourrait devenir une
composante ou un projet d’animation et d’ingénierie sociale au-delà de la composante : quel
positionnement possible ? Quelle complémentarité avec des projets sectoriels ?
Objectifs
A partir de ces attentes et du contexte de la capitalisation, nous pouvons définir quatre objectifs
synthétiques à ce travail :
Mener un bilan critique de la démarche et des pratiques de la composante AAC en termes
d’acquis et de limites
51
Citations et formules de l’équipe lors de la première réunion sur leurs attentes sur cette capitalisation
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 104
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Donner une lisibilité aux activités de la composante et analyser la pertinence d’une composante
de développement local dans un programme sectoriel
Réaliser des recommandations opérationnelles pour améliorer les pratiques et méthodes de
l’animateur
Mener une réflexion prospective sur le positionnement d’une composante d’animation sociale
dans les quartiers périphériques au-delà du programme TWIZE
Public
Le public visé par cette capitalisation est de trois types (c’est d’ailleurs là une des difficultés de
ce travail, car il faut parvenir à combiner les attentes de ces trois types d’acteurs) :
Les animateurs AAC
Les animateurs et organisations d’ingénierie sociale en Mauritanie
Les acteurs institutionnels et partenaires du projet (bailleurs…)
Format
Un ouvrage d’une cinquantaine de page sera publié par le programme TWIZE localement. Il
sera divisé en 4 chapitres qui traitent des grands axes de réflexion approfondis durant le travail
de capitalisation.
Titre très provisoire : «Enjeux et perspectives de l’animation et l’ingénierie sociale dans les
quartiers périphériques de Nouakchott : quelques éléments de réflexion issus de l’expérience
de la composante AAC du programme TWIZE »
Méthodologie
Principes
Ce travail de capitalisation mêle une dimension auto-évaluative réalisée par les animateurs et
une dimension « d’extériorité » pour une partie du travail de Laetitia (enquêtes, entretiens…).
Cette double approche sera mise en commun, partagée et discutée lors de nombreux temps de
travail collectif.
La capitalisation se concentrera sur 4 axes, définis à partir d’un travail préalable sur le cadre
logique et les objectifs spécifiques de la composante, validés par toute l’équipe comme étant
des axes de réflexion pertinents. Sur chacun des axes, il conviendra :
de mener un travail de bilan des acquis, activités et pratiques de la composante : réussites,
échecs, actions plus ou moins pertinentes : qu’est ce qu’on fait ? Qu’est ce qu’on sait
faire ? Comment on a fait ? Il s’agit de restituer une analyse cohérente de ce qui a été fait et
produit par la composante AAC
d’analyser ce bilan en resituant la composante dans le contexte institutionnel et le jeu d’acteurs
ainsi que dans les spécificités de la démarche du programme TWIZE
A partir, de ce bilan et de ces analyses, de mener une réfle xion collective sur les pratiques et la
démarche de la composante et les limites
d’atterrir sur des éléments de recommandations opérationnelles pour une démarche de
développement local
Eléments de méthode
A partir de ces principes de capitalisation mêlant autoévaluation, regard extérieur et mise en
commun de la réflexion, les activités de ce travail se déclineront ainsi :
Des moments de bilan et d’état des lieux.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 105
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Les outils de suivi du programme TWIZE seront utilisés pour dresser ce bilan
(informations quantitatives et suivi de toutes les activités du programme).
Dans d’autres cas, des petites enquêtes ciblées sous forme de questionnaires seront
réalisés auprès de partenaires du programme (groupes porteurs, mairies…)
Des réunions de restitution de ces premiers éléments de bilan afin de travailler sur les acquis et
les limites et de cerner les points à approfondir
Des enquêtes, entretiens et études de cas approfondies réalisés par Laetitia (pour travailler
notamment sur l’impact des projets et les relations institutionnelles)
Des moments de mise en en commun des résultats de ces enquêtes et de validation collective
des hypothèses
Des propositions permettant d’atterrir sur des « bonnes pratiques » en termes de méthodes et de
démarche. Il s’agira de réinterroger et reformuler la démarche et les outils par rapport à la
compréhension des enjeux. Introduire une dimension mode d’emploi sur les outils, aspect
de systématisation et de reformulation
A partir des conclusions partagées, rédaction du « chapitre » correspondant à l’axe de
réflexion. Les chapitres devront comprendre les éléments suivants :
Des éléments de bilan et d’état des lieux de la composante sur le thème
Des éléments d’analyse sur les limites et les acquis
Des éléments de recommandations : recommandations opérationnelles pour un projet de
ce type et / ou recommandations prospectives sur le positionnement possible de la
composante au-delà de Twize 1.
Il conviendra également d’insérer des exemples ou des témoignages pour illustrer la
réflexion
Organisation du travail
Laetitia Morlat
Cheville ouvrière du travail de capitalisation, elle est chargée :
d’organiser et de préparer les temps de travail collectif avec l’équipe AAC à partir du
cahier des charges
de réaliser les questionnaires et guides d’entretie n utilisés ensuite par les animateurs pour
les premières enquêtes
de réaliser les enquêtes plus approfondies et les études de cas
de rédiger et finaliser le produit de la capitalisation
L’équipe AAC
L’équipe AAC est totalement impliquée dans le travail de capitalisation :
Elle participe activement au temps de réflexion collective
Réalise les enquêtes et questionnaires spécifiques dans les quartiers
Valide les hypothèses et les conclusions
Accompagne Laetitia dans son travail de terrain
Moussa Abdoulaye
En tant que chef de composante :
Il suit de près l’avancement du travail de capitalisation et veille à son déroulement dans les
temps
Il suit le travail de Laëtitia et est un interlocuteur privilégié pour échanger au long du
travail
Il mobilise l’équipe dans son implication sur ce travail
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 106
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
La coordination du Gret – RIM (Samassa, Christophe)
Elle suit le travail de capitalisation
Elle valide par étape les avancées et conclusions du travail (réunion tous les 15 jours avec
Laetitia et Moussa ?)
Elle valide la fina lisation du document et les dimensions financières et pratiques de la
publication
Emilie Barrau, chargée du suivi de la capitalisation AAC au siège
Elle définit les axes de travail de la capitalisation
Elle rédige un cahier des charges de la capitalisation
Elle suit le travail à distance
Elle valide la version finale du document
Calendrier
Cadre général
Définition des axes et de la méthodologie de la capitalisation : 5 au 12 juillet
Travail de capitalisation : 15 juillet au 15 octobre
Travail de rédaction / finalisation : 15 octobre au 30 octobre
Publication : Novembre / Décembre
Chronogramme des activités
(Voir annexe)
LE CONTENU
Axe 1 : la question de l’impact des microprojets
Les questionnements
Il s’agit d’interroger la composante sous l’angle d’un des objectifs spécifiques défini dans le
cadre logique, « l’amélioration des conditions de vie et d’accès aux services de proximité dans
les quartiers ».
Cet axe de capitalisation visera à mesurer l’impact des projets réalisés par la composante AAC
en termes d’amélioration des conditions de vie dans les quartiers.
Mesurer l’impact du projet en termes d’accès aux services de base et de pérennité
Il s’agira d’évaluer la pérennité des projets réalisés et leur impact en termes d’amélioration des
conditions de vie des populations : quel impact des projets ? Quelles limites observées sur la
pérennité des équipements ? Comment expliquer les limites en termes de durabilité et de
pérennité (des problèmes d’entretien, sous investissements…) ?
Cette réflexion pose la question de l’échelle du projet et des limites d’une intervention au
niveau « micro » avec des financements très faibles (1M UM maximum) et des groupes de
base peu expérimentés : quels avantages ? Quels inconvénients ? Dans quelles mesures cela
écarte des actions plus structurantes et plus utiles ?
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 107
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Cette réflexion pose également la question de l’analyse des règles du jeu de la démarche
AAC : critères d’éligibilité, modes de financement : quel impact en termes de proposition de
projet et demande des gens ? En quoi cela biaise la pertinence des propositions ?
La question de la gestion des projets et ses effets sur l’impact
Il s’agit d’évaluer la qualité et les limites en termes de fonctionnement et de gestion financière
et administrative des projets. Quel est l’ impact d’une gestion transparente sur le
fonctionnement des projets ? La gestion privée, publique ou communautaire, quelles nuances
en termes de résultats ?
Il s’agira également de mener un travail sur la perception des projets par les usagers sur le
service : quelle perception du service par les usagers ? Un service privé, un service ouvert à
tous ou limité à une clientèle spécifique ? Quels sont les liens entre le service privé /
communautaire et l’accès public / collectif au service ?
Evaluation de l’impact en termes de structuration des groupes
Quel impact du projet et quel effet structurant pour le groupe ? Quelle durabilité du
groupe (accès à d’autres financements…) ?
La méthode pour travailler sur cet axe
Elaboration d’une fiche / questionnaire de me sure d’impact / état des lieux de tous les
projets réalisés par la composante.
Prendre en compte (notamment) :
l’état des équipements et infrastructures
le nombre d’usagers
l’organisation et de la gestion du service
la structuration du groupe
La satisfaction des usagers
…
Laetitia, validé par Moussa
Réalisation de ces petits questionnaires de mesure d’impact sur tous les projets
Equipe animateurs
Restitution et mise en débat en réunion de composante
Equipe AAC + Laetitia
études de cas approfondies sur certains projets pertinents
Types de projets pour les études de cas (à confirmer) :
projet d’assainissement
projet économique
projet jardin d’enfant
Laetitia
Analyse et présentation de l’analyse en réunion de composante pour discussion et
validation des hypothèses
Rédaction du chapitre sur l’impact des microprojets
présentation de la démarche AAC sur cet axe
éléments d’analyse et de généralisation
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 108
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
recommandations opérationnel sur l’amélioration des méthodes et des propositions sur
l’amélioration des pratiques
Laëtitia (validé par Moussa, EB et coordination TWIZE)
Axe 2 : l’articulation entre la composante AAC et les pouvoirs publics
locaux.
A partir d’une réflexion sur l’objectif spécifique n°2 de la composante, « renforcer les
capacités des habitants à définir et mettre en œuvre des projets en concertation avec les
autorités communales », le deuxième axe d’analyse de la capitalisation s’est centré sur la
question de l’articulation de la composante AAC avec les pouvoirs publics locaux.
Questionnements
Quelle implication des communes dans la démarche AAC ?
Analyser les degrés et les niveaux d’intervention des communes dans la démarche : quels
rôles ? Quels liens ? Quelles limites ? Quelles évolutions (projet de cofinancement,
participation au comité d’attribution, inauguration : plus dans le rôle d’un partenariat formel) ?
La question du transfert aux communes et de l’implication des communes dans les projets
Les projets AAC doivent en principe être transférés aux communes au bout de 6 mois de suivi.
Ce transfert a déjà été réalisé à NDB pour deux projets (centre de santé, bibliothèque). Il
s’agira d’analyser la question du transfert des équipements à la mairie : dans tous les cas ? Pour
certains types de projets seulement ? (partir des conventions signées avec les mairies)
Questionner le niveau d’implication des communes selon les types de projets : répartition du
jeu d’acteurs sur les différents types de projet : pas les mêmes exigences et pas le même type
de suivi selon les projets.
Quels liens et articulations possibles entre une composante d’animation sociale et les
mairies ?
Comment une équipe d’animation peut s’insérer dans les communes et participer au
renforcement des compétences des communes et à l’articulation entre les communes et la
société civile ?
Comment une cellule d’animation peut participer à la compréhension des rôles et des devoirs
des communes envers les populations ?
Méthode
Travail sur les communes
Quelle réalité ? Quels moyens ? Quelles compétences ?
LM (entretien avec Bénédicte et visite Toujounine)
Préparation des questionnaires évaluer la relation mairie / AAC
LM
Réalisation des enquêtes auprès des communes
Animateurs
Restitution discussion en réunion de composante
Equipe AAC + LM
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 109
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Enquêtes plus approfondies sous forme d’entretiens avec 2 / 3 maires
LM
Analyse et restitution
LM + équipe animation + intervention d’Hélène Baryl sur le projet PDS (appui à la société
civile ancré au sein des communes)
Rédaction du chapitre sur l’articulation mairie / projet d’animation sociale
LM va lidé par Moussa, EB et coordination TWIZE
Axe 3 : AAC, un fort ancrage territorial de l’ingénierie sociale : pourquoi ?
Comment ?
Ce quatrième axe vise à interroger la spécificité du positionnement des animateurs : un ancrage
territorial des animateurs, une présence sur le terrain quotidienne dans un projet de
développement local : pourquoi ? A quoi ça sert ?
Questionnements
Les fonctions de l’animateur dans son quartier
Quelles sont les fonctions de l’animateur dans le quartier ? Définir toutes les fonctio ns
d’animation dans le quartier : médiation informelle pour les activités du programme et hors du
programme, lien, levier, mobilisation dans le quartier
Quels atouts de l’ancrage des animateurs sur le terrain, dans les antennes ? L’ancrage territorial
permet –il d’atteindre un type d’OB et de groupes qui ne sont pas « visibles » sans cette
connaissance approfondie du quartier ?
Etudier les différences de démarche entre le transfert de la mise en œuvre des projets au niveau
d’ONG intermédiaires (à NDB) et le montage et le suivi direct des projets par des animateurs
« permanents » dans le quartier à NKT ?
Quelle perception des animateurs par les habitants ?
Pourquoi et comment formaliser ce travail d’ancrage dans les quartiers par l’utilisation
d’outils ?
Etudier la pertinence des outils utilisés pour formaliser ces fonctions et activités : décalage
possible entre la connaissance intuitive des animateurs et de la formalisation des outils.
Enjeu de la formalisation des outils et des activités : pourquoi ? Pour qui ? Comment ? Savoir
ce qui est utile ou inutile. Comment peut-on réviser notre manière de faire.
Les activités d’animation sociale : pourquoi, comment ?
L’animation sociale (les activités d’animation, de communication et de sensibilisation dans les
quartiers) : Quel impact en termes de messages ? Quel public visé et atteint ? Quel l’impact
dans la vie du quartier ?
Quels sont les effets structurants des «micro-initiatives », interventions ponctuelles sur des
thèmes spécifiques ? Quelles activités pourraient être plus structurantes et lisibles ?
Les partenaires des animateurs dans le quartier
Qui sont les personnes ressources, les groupes porteurs et les leaders, relais des animateurs
pour les activités d’animation et de mobilisation ? Qu’est ce qu’ils font ? Quelle est leur
légitimité à être relais pour la composante? Quelle motivation ? Quels intérêts ? Est-ce que leur
implication dans le programme change leur positionnement ?
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 110
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Méthode
Deux semaines « d’immersion » dans des antennes AAC (Couva, Médina)
LM avec les animateurs de ces antennes.
Entretiens auprès des personnes ressources, des leaders et des porteurs (mobilisation d’un
traducteur)
Atelier sur le travail d’animation et les relations avec les populations dans les quartiers
LM + équipe
Analys e et rédaction (description, analyse, aboutir à des pratiques renouvelées)
LM, validé par Moussa, équipe coordination TWIZE et EB
Axe 4 : questionner la transversalité de la composante AAC et la
pertinence de cette transversalité au sein du programme TWIZE
Questionnements
Donner à voir le travail de transversalité de la composante AAC
Décrire le rôle de la composante AAC pour les autres composantes, afin de clarifier les
démarches :
Rôle dans la relance de l’habitat, rôle dans les zones de recasement. (Opération habitat
2005)
Micro-initiatives de communication sur le programme
Questions foncières : permis d’occuper, conformité du permis de construire
…
Définir toutes les fonctions « transversales » des animateurs : remontée d’info, communication,
suivi et structuration des groupes, médiation…
Réflexion sur la pertinence de la transversalité avec les composantes
AAC n’est pas un projet de développement local mais une composante « au service » des
autres composantes et inscrite dans le programme TWIZE. Dans quelle mesure cette fonction
est-elle utile et permet de mettre en œuvre les composantes sectorielles ? En quoi les autres
composantes ont besoin d’AAC ?
A quoi sert l’animation sociale pour la composante mcc, formation et habitat ? Quelle
pertinence ?
A quoi servent les activités de « connaissance du milieu » AAC : diagnostic, connaissance
des quartiers, médiation… Dans quelle mesure la connaissance fine des quartiers
périphériques est une valeur ajoutée importante pour un projet sectoriel ?
Méthode
Consultation des documents de suivi – évaluation de la composante pour réaliser une
description des activités « transversales » d’AAC et les quantifier
LM
Ateliers de travail sur la transversalité et l’utilité d’AAC pour les autres composantes
Equipe AAC, membres d’autres composantes (mcc, habitat et formation), LM
Entretiens avec des membres des autres composantes
LM + autres composantes (formation, mcc, habitat)
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 111
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Entretiens sur la pertinence d’un programme intégré, les options possibles de la
dimension animation et ingénierie sociale dans un TWIZE 2
LM, Christophe, Samassa
Restitution en réunion sur l’articulation d’une telle composante avec des composantes ou
programmes sectoriels
Equipe + LM
Rédaction d’un chapitre sur cet axe
LM
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 112
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Entretien avec Ndiaye Abderahmane sur sa relation avec les
leaders dans le quartier de Couva
A l’antenne…. (non enregistré)
L’entretien commence avec la visite d’un leader du quartier, Dah Abdoul Bocar. Il connaît très
bien le quartier. C’est un des premiers habitants du quartier. Il sait quels terrains ont été
attribués à qui lors de l’attribution gratuite de 1400 lots. Il est président de l’APE de l’école et
gardien.
LM : Qu’est-ce qui fait qu’on devient leader dans un quartier ?
AN : Il était très dégourdi. Il participait à la distribution de l’eau, celle des vivres, etc. Il était
proche du maire et du préfet. On devient leader parce qu’on est dégourdi, qu’on se mobilise,
parce qu’on est opportuniste, parce qu’on prend des risques. On suit les personnes influentes,
les autorités. Il est de connivence avec le préfet. Ils avaient des arrangements. Et il s’en
revendique auprès des habitants. On est leader aussi du fait de sa position sociale au village.
Les chefs de village deviennent leaders dans le quartier.
Libraze est devenue leader par la force des choses. Ce n’est pas du à sa classe, ni a son origine
ethnique, mais a son dynamisme et a sa dévotion devant les personnes influentes. Elle sait
attirer leur attention et leur témoigner qu’elle est toute entière à leur disposition (elle tient sa
melahfa d’une certaine façon pour indiquer cela). Elle pouvait ainsi aller au contact du préfet et
du ministre. Elle peut mobiliser beaucoup de monde. Elle est très présente lors des réunions :
elle crie, elle encourage les gens. Elle n’hésite pas à faire la griotte. Elle est arrivée à son statut
de leader par la force du travail. Elle n’hésite pas à prendre le râteau, à distribuer de l’eau elle même. Elle ne recule pas devant les travaux d’investissement humain. En revanche, elle n’est
pas charismatique. Elle a bien su faire fonctionner la boutique communautaire financée par le
CDHLCPI. La boutique en a été gratifiée de 500000 UM. Elle n’est pas leader grâce à son rang
social mais parce qu’elle s’intéresse. Elle sait se faire remarquer. Elle est membre du PRDS.
Le parti l’a repérée dans le quartier. Elle peut mobiliser beaucoup de personnes.
Chabe est la présidente du groupe des tanneuses de peau. Elle était la plus présentable, amie de
tout le monde. Elle est jeune et jolie. Elle n’est pas politisée. Elle est devenue leader par son
dynamisme et son charme. Je l’ai connue un peu tard parce que les gens ne parlaient pas
beaucoup d’elle. Elle s’est manifestée dans les réunions. Elle faisait des interventions
pertinentes. Mais elle est dominée sur le plan politique par M’Barka et Libraze. Elles se sont
partagées les postes du PRDS.
M’Braka, Libraze et Dah Abdoul Bocar sont les trois leaders politiques du quartier. J’ai fait
une enquête des leaders quand je suis arrivé dans le quartier. J’ai demandé aux gens quelle était
la personne la plus humaine dans le quartier. Celle qui aide le plus quand une personne est
malade. Des noms sont ressortis souvent. Par exemple, Guissé et Hinte. Ce ne sont pas des
leaders politiques.
Hinte a un atelier de tissage. Il fonctionne très bien. Le financement n’est pas perdu. Elle est
très gentille et sincère. Elle mobilise bien les gens.
Dah Abdoul Bocar ne mobilise que les gens de son bord politique.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 113
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Suite de l’entretien au pôle….
LM : Actuellement, les leaders les plus dynamiques sont Hinte, Chabe, Libraze et les gens de
Bock Hole depuis peu.
Les gens de Bock Hole, c’est surtout Penda Sow. Elle était venue au comité blanc. Elle parle
très bien. C’est une animatrice. En même temps, c’est un leader politique. Elle est leader. Pour
l’animation, c’est bien parce qu’elle est très très bien. Elle parle toutes langues. Elle maîtrise
bein la sensibilisation et consorts. Il suffit que tu lui dises ce que tu veux. Et elle explique très
très bien.
LM : Elle s’est formée où ça ?
AN : Elle s’est formée dans des ONG. Bon elle a fait le lycée puis elle a fait une école
professionnelle je crois. Et puis elle s’est beaucoup investie dans le domaine de la santé. Elle a
eu des formations sur le SIDA, sur les MST. Elle a fait beaucoup de stages sur ça. Elle avait
même des cassettes. Donc on a fait deux réunions de sensibilisation. C’était sur le SIDA. Elle a
amené une cassette et elle expliquait dans trois langues : français, pulaar et hassaniya. La
deuxième c’était au centre de santé. La fréquentation était devenue très faible. La sage femme
a demandé ce qu’on pouvait faire pour ramener les gens. On a convoqué les jeunes plus 12
filles formées sur la sensibilisation. On les a envoyé faire du porte à porte. On a fait une demie
journée de nettoyage autour du dispensaire, autour de l’antenne et autour de l’école. Il y avait
trop d’ordures ménagères. On a dégagé ça. Les filles ont fait du porte à porte et convoqué les
gens pour une réunion le soir. Pendant le porte à porte, j’ai demandé aux gens de poser des
questions sur pourquoi ils ne fréquentent pas le centre. Est-ce que c’est la sage femme qui est
un peu arrogante, est-ce que c’est la non compétence. On a fait une réunion de restitution et
avec les recoupements des réponses, on a trouvé que certaines femmes disaient que les
personnes du dispensaire ne se levaient pas la nuit pour soigner les gens. D’autres disaient
qu’il n’y avait pas de lumière la nuit donc c’est dangereux de traiter les gens comme ça. Donc
on a dit qu’il fallait de l’éclairage, améliorer le comportement du personnel. C’est à N et G de
faire changer d’attitude : « sachez que vous habitez au dispensaire, donc on peut vous réveillez
même la nuit. » Elle a fait un grand discours sur ça et elle a dit comment une infirmière doit se
comporter. C’est une femme qui est très très bien.
LM : Elle habite dans le quartier depuis longtemps ?
AN : Non, non, non. Depuis une année. Pas plus.
LM : Donc elle est en train de devenir leader….
AN : Elle est incontournable. Parce que même avant les Bock Hole et consorts.. Avant ils
étaient côte à côte mais maintenant il y a beaucoup d’endroits, on préfère l’envoyer elle parce
qu’elle parle mieux.
LM : Donc elle devient leader parce qu’elle est dynamique, elle sait très bien parle r.
AN : Elle est dynamique, elle sait très bien parler. Et aussi c’est une femme un peu…
LM : … imposante.
AN : Elle aime bien la politique.
LM : Elle est engagée dans un parti politique ?
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 114
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
AN : je ne sais pas ou peut être tout dernièrement.
LM : Donc Bock Hole, c’est le projet d’assainissement…
AN : Oui, l’assainissement.
LM : Donc ça va commencer là…
AN : Bon, ça va commencer. Je crois qu’on va faire une réunion, leur expliquer et essayer de
récupérer leur participation.
LM : Ces différents leaders, est-ce qu’ils ont une influence sur certaines parties du quartier et
pas d’autres ?
Il y a quelques unes qui peuvent toucher tout le quartier : Libraze, Guissé, Hinte. Mais Penda
Sow, c’est seulement la partie qu’elle couvre. Mais après deux réunions à Couva, à côté de
l’antenne, elle peut toucher beaucoup de monde parce qu’elle a gagné la sympathie de
beaucoup de monde. L’association des jeunes qui a été créée, ils ont voulu qu’elle l’intègre.
LM : Elle les a rencontré pendant les réunions.
AN : A l’occasion des réunions, parce que c’est Soda qui me l’a fait rencontrer. Je pouvais
parler du Sida mais c’est un peu déplacé que l’animateur, ça soit lui qui fasse l’animation sur le
Sida. J’ai appelé l’infirmière mais elle n’était pas compétente. Je connaissais beaucoup mieux
qu’elle. Soda m’a dit qu’il y a Penda Sow. Elle faisait des animations sur les MST. Je l’ai
appelée et elle a dit qu’il y a pas de problème. Elle a même des cassettes s’il y a de l’électricité.
L’infirmière n’a même pas parlé. Moi, j’ai fait une introduction. Les parents étaient tellement
contents. Il fallait lever le tabou entre père et filles et frères et sœurs. Parce que c’est des
choses dont on ne parle pas. Elle a un peu levé ces tabous parce qu’elle a demandé aux frères
de faire attention. Il faut conseiller vos sœurs… si vous ne vous occupez pas de ça, vous
hypothéquez la vie de vos enfants. Moi, je l’ai considérée comme telle parce que vraiment
c’est une femme très bien, méthodologique et elle parle toutes les langues. Et elle est très bien
écoutée dans son quartier. Elle est un peu nantie aussi. Plus que les autres.
Donc il y a certains leaders, c’est parce que c’est des gens très volontaires. D’autres, parce
qu’ils ont eu à faire à des partis politiques, à des préfets. C’est la distribution des vivres. C’est
la réception des gens quand ils viennent. Donc ils sont là, à côté du préfet. Quand il faut, ils
partent voir le préfet. Ils donnent des informations au préfet. Le préfet les prennent pour des
gens… Mais ce n’est pas forcément des gens très utiles. J’ai peu travaillé avec Dah. Seulement
pour avoir des informations. D’où venaient les populations ? Il connaît ça de A à Z. Où ils
étaient avant ? Quel préfet vous a amenés ici ? Quels terrains ont été distribués gratuitement ?
Tout ça, il connaissait ça sur le bout des doigts. J’ai fait des recoupements qui ont confirmé ce
qu’il disait. Mais il est bon que pour ça. Mais si tu lui dis de te convoquer des gens, il n’amène
personne.
LM : il n’amène que ses partisans ou des gens proches de lui…
AN : Que les gens très proches de lui. Même bord politique, que quelques uns seulement. Si il
a à distribuer quelque chose, seulement ses proches auront quelque chose. Alors que Libraze,
tout le monde aura quelque chose. M’Barké, qui est leader politique. Ça s’arrête là. Elle ne
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 115
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
peut mobilier personne et je n’ai presque jamais travaillé avec elle. S’il y a des réunions, elle
vient comme tout le monde, elle essaie de parler.
LM : Mais, Libraze on avait dit l’autre fois qu’elle arrivait moins à mobiliser qu’avant, non ?
AN : C’est M’Barka. Libraze mobilise toujours autant.
LM : Est-ce qu’il y a des gens qui sont considérés comme leaders dans le quartier mais qui ne
sont pas utiles pour toi parce que trop politisés…
AN : Dah, M’Barké.
LM : Délibérément, tu ne veux pas travailler avec eux…
AN : J’ai vu qu’il n’y en a rien à tirer. Dans les réunions, ils ont tendance à tirer vers le parti, à
s’approprier la réunion, les idées. Ce qu’on amène… ils ont tendance à dire, c’est nous qui
avons amené cette chose. On a vu ça avec le marché. Ils ne veulent pas que les autres cotisent
parce qu’ils veulent que ça soit leur marché. C’est M’Barké, Hidoumou, un leader que je n’ai
jamais voulu rencontrer. Je le connais depuis le 6ème. Un type politisé, un voyou. Lui, M’Barké
et Dah.
LM : Tous les trois, ils veulent porter le projet du marché.
AN : Ils veulent porter le projet du marché, mais ils tiennent à ce que ça soit eux seulement qui
le gèrent. Ils veulent distribuer les places entre leurs parents, etc. Hidoumou, on avait fait une
réunion avec la mairie… la participation de la mairie est prête.. il manque la contribution du
groupe. Comme lui il était ancien président de ADCC. Ils n’étaient pas d’accord pour que la
mairie donne parce qu’elle était de l’opposition. Nous on a dit, si la mairie ne participe pas, on
ne fera rien dans ce quartier. Il y avait aussi le problème de la réhabilitation du réseau. Il y a
cinq bornes fontaine dans le quartier… mais il n’arrive pas à….
LM : A être approvisionné ?
AN : A être approvisionné. Les quatre bornes sont fermées. Il ne reste qu’une seule borne
fontaine. Et il n’y a que le bassin. Donc ils voulaient réhabiliter ça … On lui a dit : « tu dis que
tu vas réhabiliter, tu dis que tu vas donner l’argent au groupe porteur alors que tu vends le fût à
600 UM. Et tu ne vends pas les bidons. » Personne n’achète, quelques uns. Les charretiers ne
peuvent pas acheter le fût à 600 et aller le revendre. C’est pas possible. Il vend le bidon à 100
UM. Le bidon de deux litres alors que le bidon est vendu à 15 UM à la borne fontaine.
LM : Donc le marché qui ne se fait pas, c’est quoi qui bloque ?
AN : Eux, ils bloquent. Ils ne veulent pas que la mairie soit partie du projet parce qu’elle n’est
pas acquise à leur cause.
LM : Mais la mairie, elle a donné sa contribution, non ?
AN : Oui, donc si le projet ne se fait pas, le programme Twize leur restitue ça.
LM : Donc, en fait ils n’ont pas du tout une vision communautaire.
AN : Pas du tout. M’Barka, Dah, pas du tout. Mais Libraze… elle accepte d’aller avec eux.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 116
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
LM : A ton avis, qu’est-ce que ça leur apporte à ces leaders d’être impliqués dans le
programme Twize, de porter un projet ?
AN : Pour les projets, ils retirent un prestige. Ils disent que c’est eux qui ont apporté le projet.
LM : donc ils se l’approprient un peu…
AN : Ils se l’approprient et parfois ça se conclut comme le projet d’assainissement. Dès que le
projet a été financé, elles se sont tout partagé. Au lieu que les charrettes servent à ramasser les
ordures et consorts, ils vendaient l’eau. Lorsqu’il y a plus d’eau, de pression…. M’Barka a
arrêté. Bien avant Libraze. Elle a fonctionné une année après. Mais elle aussi, elle vendait trop
l’eau. Elle a trouvé que la charrette était trop lourde. Elle l’a vendue.
LM : Et du coup, là vous êtes intervenus et vous avez dit c’est pas possible de vendre la
charrette…
AN : Gacko a visité tous les équipements. Il a constaté que M’Barka n’avait rien vendu mais
qu’elle n’avait pas ramassé les ordures ménagères. Il a donné à Libraze une semaine pour
récupérer la charrette. La charrette a été rendue. Je savais là où elle avait été vendue. J’ai
indiqué à Gacko.
LM : Comment tu as su ça ?
AN : J’ai des policiers. … J’ai Gidna…
LM : Ah, oui, le gardien. Il sait tout.
AN : Il sait tout ! Je me demande même si c’est pas un bandit ou un voyou. Je te jures…
LM : Sur le quartier, c’est une personne ressource formidable…
AN : Parfois tu arrives à avoir un demi sac de ciment, tu arrives à le subtiliser. Il connaît tout.
Il me dit tout : untel a pris ça et l’a vendu à machin, tel a pris ça et l’a prêté à tel autre. Pour le
ciment, un sac, un demi sac ou 2 sacs est-ce que ça vaut la peine d’ameuter les gens ? Si ça
pète, on se manifeste. Si ça ne pète pas, c’est pas la peine d’attirer les foudres sur le quartier.
Alors que si c’était une tonne, ou 10 sacs, 15-20 sacs. Bon… une fois c’était 4 sac mais 4 sacs
déchirés. Il m’a montré où c’était vendu. J’ai demandé, bon effectivement. C’est après ça j’ai
demandé à ce qu’il quitte. C’est pas intéressant. Ça va attirer l’attention de tout le monde sur le
quartier. Les auditeurs tout ça. Moi je préfère attirer l’attention sur des gens, des twizes,
l’habitat que sur les tcheb tcheb des magasiniers. Mais il connaît tout de A à Z et c’est lui qui
m’a dit à qui la charrette a été vendue et à quel prix. Tout ce qui se passe à Couva, il connaît. Il
n’est pas obligé de me le dire. S’il voit que ça va nous engager nous, il faut le dire… on ne
peut pas tout blâmer. Il faut surtout surveiller ce qui déposé au dehors.
LM : Donc c’est à toi qu’il donne ces informations mais il n’a pas la même relation avec Beit
el Mal….
AN : Non, non, parce que s’il leur donnait…
LM : C’est toi en tant que responsable de l’antenne…
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 117
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
AN : Moi, aussi je le ménage un peu. Je le traite comme un homme. Voilà, tu es responsable.
Nous on travaille dans ce quartier. Si ça pète ici on est tous responsable. Tu surveilles ce qui
est dehors. Si quelqu’un ouvre son magasin et prend ce qu’il veut, il peut prendre ce qu’il veut.
Quand la police vient, qu’on ne trouve pas que la porte a été fracturée. Il ne faut pas fracturer
la porte. Une fois ils ont ouvert la porte et ils ont laissé la clé. Il m’a appelé, j’ai dit tu laisses
ça ouvert. Tu ne touches pas. Tu surveilles juste que personne ne vient prendre quelque chose.
LM : Il est là bas depuis très longtemps ?
AN : Avant c’était sa maman. Mais elle était tout le temps au marché, à la maire, etc. Elle
n’était pas disponible. C’est pas interdit de mettre son fils ou son mari. Et puis il y avait trop de
matériel. Il est là -bas depuis 1999. Mais c’est maintenant seulement qu’il est gardien. Tout ce
qui se passe, il connaît. Tu ne peux pas faire quelque chose et qu’il ne le sache pas.
LM : Et tu penses que le projet d’assainissement qui n’a pas marché ça les a desservies auprès
des habitants ?
AN : Ca les a beaucoup desservi. Là où on a fait une visite, les gens n’ont pas voulu vraiment
dire mais si on était partis dans le quartier de M’Barka … les gens ne sont pas contents. Il y
avait des gens qui voulaient acheter des fûts et elle a refusé parce que tu n’es pas son ami ou tu
n’es pas de son parti, parce que tu n’es pas sous… et consorts. Parce qu’elle dans le quartier,
elle n’a plus rien. Tout ce qu’elle ava it au niveau du parti dans le quartier, ça a été arraché par
Chabe. Et tout ce qu’avait Dah aussi a été arraché par elle. Chabe a beaucoup repris. A l’heure
du coup d’Etat, les gens n’étaient plus quelque chose dans le parti alors qu’avant ils avaient des
sections, des sous sections. Dah n’avait plus rien. M’Barka n’avait plus rien. Libraze avait un
comité. Chabe s’était très bien maintenue.
LM : Pourquoi ils ont perdu tout ça, les deux ?
AN : Parce que quand il y avait de la viande à distribuer ou du mil, ils n’en donnaient qu’à
leurs parents, leurs proches. Pas forcément les plus pauvres. C’est les enfants, c’est tout. Pareil
pour les petits postes, les petits jobs. C’était toujours les parents de M’Barka. Par exemple,
c’est sa fille qui était au Cren, sa fille qui est au jardin d’enfant, qui aide soignante au
dispensaire, son frère qui est gardien au dispensaire. Elle a voulu aussi que sa petite fille soit
magasinière. Elle a fait un stage de 4 mois mais elle ne faisait pas l’affaire. Tout ce qu’il y a,
elle veut imposer sa famille. Lorsqu’il y avait le problème de l’eau, la gestion était roulante.
Chaque mois, c’était une famille différente. Il y avait un tirage au sort. Avec M’Barka, pendant
7 à 8 mois, la gestion tournait autour de sa famille. Mais Libraze, elle acceptait de faire le tour,
alors que M’Barka elle a 10 ou 12 enfants et des petits enfants en pagaille. C’était n’importe
quoi… et quand il y avait la viande qui venait de l’Arabie Saoudite, elle prend pour distribuer,
elle vend… Même chose pour les dattes. Alors elle a été un peu haïe. Alors que Guisset, Hinte,
Libraze…
LM : Plus large que la seule famille..
AN : Oui, plus large, beaucoup plus large. Hinte, c’est à cause de ça que dans son groupe elle a
des toucouleur, des wolofs. Libraze aussi. Alors que Dah et M’Barka, non.
LM : Et Chabe, le projet de tannage, ça lui a aussi permis… c’est bien ça, elle est présidente ?
AN : Ah oui, oh la la ! ça c’est très dommage. Ça lui a permis de se mettre au devant. Avant,
les gens croyaient que c’était à cause d’elle qu’il y avait le projet. Il a fallu que je refuse. J’ai
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 118
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
fait des réunions au tannage, là où elles travaillent. J’ai dit si c’est celle -ci seulement que vous
retenez, je ne parle plus avec elle. Parce que peut être elle amène des informations, peut être
qu’elle n’amène pas des informations correctement. Vous allez croire aussi que le projet, que
c’est elle… Elle dit à certaines d’entre vous « si tu fais le malin, je te sors de mon projet. »
J’ai dit : « ça, je refuse. Donnez moi des gens…. » J’ai demandé un groupe de trois ou quatre
personnes avec lesquelles on va faire les démarches. Les demandes, les devis, etc. toutes les
démarches qu’il devait y avoir, la mairie, la préfecture, les demandes de terrains… surtout pour
les demandes de terrain, j’ai vu que souvent elle venait me voir. On partait voir le préfet. A un
moment donné, on a failli… les femmes commençaient à croire qu’on donnait un terrain à
Chabe.
LM : Donc, elle s’est complètement approprié le projet.
AN : Oui, bon, parce que c’était la plus volontaire. Elle partait, elle laissait son travail. Mais
j’ai dit non, non. Pour aller voir le préfet, on est partis à 10. Il y a avait une stagiaire là qui était
là. Y avait une toubab et ça nous a un peu aidé avec le préfet. Bon, même aujourd’hui…Il a vu
qu’il y avait une stagiaire. Mais, j’ai dit que le Commissariat est au courant. Il faut qu’il sache
que je programme Twize est financé par eux.
LM : Oui, par l’Etat mauritanien….
AN : Oui, oui, si tu ne dis pas ça, ils vont croire que c’est des ONG. Ils vont essayer de mettre
des pressions, de chercher de l’argent par ci, par là. Alors que c’est le financement de l’Etat
mauritanien par le Commissariat donc on n’a rien à voir. Et les groupes, quand on fait un
équipement, il n’est pas à la propriété du groupe. Tant qu’ils sont ensemble, qu’ils marchent
ensemble c’est bien. Sinon, là j’ai menti un peu…
LM : T’as dit que c’était le Hakem…
AN : Oui le maire… mais c’est pas eux ! (Rires)
LM : J’ai bien compris ! Mais faut savoir parler ! T’as pas complètement menti, t’as dit la
mairie aussi.
AN : Oui, y a des conventions. Si on ne fait pas ça, il va se compliquer.
LM : Donc vous y êtes allés à 10…
AN : Pour que les femmes sachent que le terrain est donné au non du groupe et que si le
groupe est disloqué, le terrain revient automatiquement à l’Etat. Faut pas que Chabe ou une
autre femme croit que c’est à elle où…
LM : Donc il a fallu un peu recadrer Chabe…
AN : Ah oui, oui. Il a fallu la recadrer carrément, carrément. Parce que vraiment… Bon, on ne
peut pas la blâmer parce que c’est elle qui était la plus volontaire. Et c’est que même quand j’ai
eu le pied cassé, c’est elle qui venait à la maison. Les lettres d’engagement, les devis, etc. elle
venait avec une autre. On fait les dossiers, elles partent faire taper ça. On lisait, on signait. J’ai
eu peur vraiment qu’elle s’approprie ça. Il fallait que les autres soient impliqués. Mais malgré
tout ça, elle a tiré tellement de prestige là -dedans. Parce que les canaris, c’est elle qui
connaissait le type qui fait les canaris. C’est elle qui est partie négocier avec lui, c’est sûr que
là… Il y a eu des canaris cassés pendant le transport… est-ce que c’est cassé, est-ce que c’est
ceci…. Bon Gacko a un peu suivi ça mais quand même….sûrement elle a du un peu grignoter
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 119
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
ou quelque chose comme ça. Mais bon, il y avait un certain nombre de canaris. Pourvu que ce
nombre soit là…
LM : Et sinon, il a fallu faire des réunions pour reparler un peu …. C’est le groupe qui porte…
Pour que tout le monde se sente partie du projet et pas que elle…
AN : Lorsque j’ai vu qu’elle était en train de collecter seule avec ses parents et même le
ministre …la participation, alors j’ai dit non.
LM : Elle mobilisait elle-même l’argent. Elle ne demandait pas aux femmes du groupe ?
AN : Elle demandait à quelques unes seulement. Je l’ai vue demander au ministre. Alors j’ai
fait une réunion. J’ai dit « J’ai vu Chabe qui mobilisait l’argent. Vous me faites une liste. Moi,
je viendrai récupérer l’argent. Si vous ne cotisez pas, sachez que le projet va s’arrêter. Depuis
le départ, je vous ai dit que ce n’est pas avec une personne que je travaille. Le projet n’est pas
pour Chabe. Si c’était pour Chabe, on allait faire ça chez elle. Mais le projet est pour tout le
groupe. Toutes les femmes qui travaillent, il y en a qui viennent de Néma… Je les ai obligées à
participer. Presque 90% des femmes ont participé. Ça c’est pour que demain, s’il y a des
canaris et les 500 peaux, vous ne sentez pas que c’est pour elle. Et qu’elle peut en faire ce
qu’elle veut. C’est pour vous toutes. Les équipements c’est pour vous toutes… ça, je l’ai
rabâché. Parfois même les curieuses viennent là -bas. J’ai fait des réunions sur le centre de
tannage. Les gens disent voilà, ça c’est clair. Si on les laisse elles vont croire que c’est pour
elle… alors que maintenant que tout le monde a participé et que tout le monde sait que le
terrain est donné par le préfet. Elle savent qu’elles ne peuvent rien s’approprier. Mais elle reste
la plus brave. Elle était toujours prête à payer pour faire des allers-retours pour aller imprimer
le document, etc. Mais en retour, elle espère toujours le prestige. Il y a cet espoir-là…. « Bon
voilà, c’est moi qui vous ai amené… » Exactement, le jour de l’inauguration, elle a dit « voilà,
il n’y a pas quelque chose que je n’ai pas fait. J’ai fait tout pour vous. Je ne peux que vous
aider jusqu’à ce que le projet vienne… » Mais elle a lâché ça. Donc, c’est toujours pour leur
dire, « oui, c’est moi qui vous ai amené ce projet-là. Sans moi, vous n’auriez pas… ceci,
cela. » Bon, c’est un peu dangereux mais on ne peut pas l’empêcher.
LM : On peut limiter un peu.
AN : On peut le limiter mais pas l’éviter. Mais ce que tu penses là, le prestige ou l’intérêt. Ca
reste entier.
LM : Et la gestion maintenant, ça se passe comment ? C’est elle qui la fait ?
AN : Non, non, non, la gestion du centre de tannage se fait par groupe. Les 500 peaux, elles les
ont achetées. Chaque groupe a reçu quelques peaux. Vous les tannées, vous les préparez très
bien. Après vous les amenées dans les boutiques. Ce qui est vendu, on ramène l’argent, on
rachète d’autres peaux. Ce qui n’est pas vendu, on le réunit et c’est elle qui part à Dakar par ce
que c’est la plus dégourdie. Elle vend tout là -bas. Elle achète là-bas de produits qu’elle revend
ici ou elle ramène l’argent qu’elle change ici. C’est clair que c’est géré collectivement. Les
canaris aussi. Chaque groupe a deux ou trois canaris qu’il utilise à tour de rôle. Le groupe qui
monte est celui qui utilise les canaris. Il y a deux groupes qui vont au marché et deux groupes
qui travaillent. Les boutiques sont payées collectivement par la coopérative.
LM : Et le jardin d’enfants, est-ce qu’il y a eu un peu le même phénomène ou ce n’était pas
pareil …
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 120
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
AN : Non, non, non. Bon, il y avait Houlèye mais on l’a écartée très tôt. Elle faisait tout. Même
les réunions étaient chez elle. J’ai tout arrêté.
LM : C’est toi qui a dit …
AN : Oui, j’ai dit pas chez elle, il fat qu’on tourne. Elle est sera aux relations extérieures. Moi,
je vais prendre la formatrice, la présidente, la vice présidente et la secrétaire générale, c’est
tout. C’est avec ce comité que j’ai travaillé. Et d’autres femmes qui venaient assister aux
réunions. La plupart du travail, c’est avec elle. Mais c’est Houlèye qui a fait les demandes.
LM : Parce que c’est elle qui s’exprime le mieux…
AN : Non, y a aussi l’autre là, la formatrice qui s’exprime très bien.
LM : Néné ?
AN : Néné Ndiaye. Mais Houlèye aussi s’exprime très bien. L’autre professeur d’anglais….
Mais elle est un peu timide.
LM : Donc c’est toi finalement qui a décidé avec qui tu voulais travailler.
AN : Bon, franchement. Parce que Houlèye, c’est comme les vivres et les habits. Elle fait
croire aux gens que c’est elle qui a tout amené. Houlèye nous a amené des céréales, Houlèye
nous amène des habits, Houlèye nous a amené des draps et vous voulez les vendre… Alors ça,
pour le jardin, je n’ai pas accepté ça. A cause de ça, les femmes ont cru que c’est le programme
Twize qui gère tout. Parce que même pour diminuer le personnel et consorts… après j’ai
commencé à prendre du recul. Parce que même pour la bâche déchirée c’est moi qu’on appelle.
Alors j’ai dit ah non ! j’ai refusé que tout soit concentré chez Houlèye. Mais ce n’est pas moi
qui gère. C’est le comité qui gère. Vous avez une gérante, une présidente, une formatrice… Sur
le plan pédagogique et consorts, c’est la formatrice, sur le plan équipement et consorts c’est la
présidente et la gérante.
LM : Et la présidente, elle a pas voulu s’accaparer… elle est plus discrète j’ai l’impression.
AN : Elle est plus discrète et beaucoup plus disponible que Houlèye. Dans les réunions, où on
doit aller, où Couva doit être représenté, elle est toujours prête pour venir. Alors que Houlèye,
par son travail…Elle est très occupée. Mais la présidente, elle est très disponible. Elle est
sérieuse et beaucoup plus correcte. Même plus correcte que la gérante.
LM : Ah, bon ! Mais correcte dans quel sens ?
AN : La gérante parfois, elle calomnie. La présidente est beaucoup directe disponible.
LM : Elle calomnie sur quoi par exemple ?
AN : Houlèye nous fait ceci, elle nous implique pas…
LM : Elle ne s’entend pas très bien avec Houlèye ?
AN : Pas beaucoup, parce que une fois, en tant que groupe, elles ont reçu une invitation pour
une conférence à Johannesburg mais Houlèye n’en a pas fait profiter aux autres femmes de
l’association et a privilégié ses proches. J’ai mis le paquet ! J’ai dit ce que je pensais ! C’est
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 121
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
minable. Alors que la gérante est peut très bien en bénéficier. C’est elle qui gère le jardin, elle
est mal payée. Elle peut avoir une formation… c’est le minimum !
LM : Comment elle fait pour subvenir à ses besoins si elle n’a pas d’autres ressources que ce
qu’elle touche au jardin ?
AN : C’est comme ça. Elle vivote. C’est des femmes qui vivotent. C’est à cause de ça que sa
fille qui avait un niveau de terminale a été acceptée pour la classe d’alphabétisation. Et j’ai
bien fait les choses parce que finalement c’est la meilleure alphabétisatrice. Très polie, elle
connaît très bien l’arabe. Un peu le français. Très régulière. Je lui ai dit que la présidente du
groupe est prête à la renvoyer. Si tu te comportes mal. Tu es beaucoup moins âgée qu’elle. Je
l’ai choisi parmi d’autres mais finalement elle est très brillante. Elle a fait une bonne
formation. Et en 6 mois, elle a financé 60000 UM pour leur module. Elles vont donc financer
encore trois mois et ensuite attendre Dieu pour la suite. Avant elles n’osaient pas demander un
module mais avec l’alphabétisation elles ont décidé. Les premier mois, elles m’ont demandé de
garder l’argent pour elles. Les deux derniers mois, elles ont donné une avance pour trois mois.
Elle a une autre fille qui fait un stage à la fédération mais les gens ne lui donnent rien.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 122
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Comment contribuer au renforcement des communes grâce à la
présence d’un animateur ?
Atelier organisé par la composante « Appui aux Activités Communautaires »
du programme Twize
Pôle Twize d’El Mina – Lundi 6 Novembre 2006
Compte rendu
Dans le cadre de la capitalisation de leur expérience, les membres de la composante « Appui
aux Activités Communautaires » du programme Twize mènent une réflexion prospective sur le
métier d’animateur de développement local.
Le bilan de leurs quatre années de travail dans les quartiers périphériques de Nouakchott
montre qu’ils ont tissé des liens avec un certain nombre d’acteurs du développement local
urbain. Les communes sont progressivement apparues comme des partenaires incontournables
pour mener des actions de développement dans les quartiers. En retour, les équipes
municipales se sont familiarisées avec les animateurs et reconnaissent l’utilité de leur travail
avec les habitants.
Une réflexion sur le métier d’animateur et son avenir conduit à imaginer une forme de
partenariat plus forte encore par l’insertion d’un ou plusieurs animateurs de développement
local au sein même des équipes municipales, contribuant ainsi au renforcement de leurs
capacités et de leurs relations avec les habitants. Pour me ner cette réflexion, l’équipe AAC a
organisé un atelier rassemblant, autour de sa table, un ensemble d’acteurs ayant fait
l’expérience de l’animation au sein des communes.
Les participants
Les membres d’équipes municipales
? M. Souraké Ousmane Diarra, Adjoint à la commune de Sebkha
? M. Ahmed Cheikh, Responsable administratif et financier à la commune de
Toujounine
? M. Ousmane Ould Mohamed, Adjoint à la commune de Dar Naïm
La Direction générale des collectivités locales
? M. El Hadj Ould Tolba, Chef de service de la coopération décentralisée
? M. J.L Lods, Conseiller
Les représentants de programmes d’appui aux communes en Mauritanie
? Pour le Projet de développement social : M. François Kieffer, conseiller technique,
Melle Hélène Baryl, volontaire international, Mme Khadijetou Wellé, agent social, M.
Béckaye, cadre de la DRPSS détaché au PDS
? Pour le Programme de Développement Local de Proximité : M. Yacoub ould
Abdallahi, Agent de développement local à la commune de Méderdra (2003-2005)
? Pour le San de Sénart : Caroline Pévrier, chargée de mission
Le Gret
? M. Christophe Hennart, coordinateur du programme Twize
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 123
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
?
?
?
?
?
M. Moussa Abdoulaye, chef de la composante AAC
M. Mamadou Gacko, chef conseillers projets AAC
M. Chérif ould Brahim, chef conseillers quartiers AAC
M. Thierno Bâ, conseiller quartier AAC
Melle Laetitia Morlat, stagiaire à la composante AAC
Trois projets ou dispositifs d’appui aux communes ont servi de base à cet échange. Le Projet
de développement social52 est un projet d’appui aux initiatives locales ancré dans trois
communes de Nouakchott avec pour objectif de contribuer au renforcement de leurs capacités.
Un agent social est affecté dans chaque commune et chargé de la mise en œuvre du projet. Le
Programme d’Appui aux Initiatives de Développement Local53 a pour objectif le renforcement
des relations entre les élus communaux et la société civile. Pour cela, un agent de
développement local anime des instances de concertation communale, assemblées de citoyens
chargées de suivre les projets de développement prévus par un plan d’action prioritaire. Le
Programme de Développement Local de Proximité 54 est un programme d’appui aux communes
par la mise à disposition d’un agent de développement local chargé de la mise en œuvre de
projets de développement initiés par les acteurs locaux.
Déroulement de la matinée
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Mot d’introduction de C. Hennart
Tour de présentation des participants
Introduction et présentation des objectifs de l’atelier
Introduction de J.L. Lods
Présentation d’expériences : M.Gacko pour la composante AAC, Y. Ould Abdallahi
pour le PDLP, Khadijetou Wellé pour le PDS
Pause
Débat : comment contribuer au renforcement des communes grâce à la présence d’un
animateur ?
Pause
Restitution
Les bilans tirés des trois expériences d’appui aux communes démontrent la pertinence d’y
insérer un animateur. Ils mettent également en évidence l’importance d’un certain nombre de
préalables pour garantir la bonne intégration et par conséquent l’utilité de l’animateur dans la
commune.
Les conditions d’une bonne insertion de l’animateur au sein de la commune
La volonté politique comme condition sine qua non
Pour que l’animateur puisse réellement intégrer l’équipe municipale, celle -ci doit, en premier
lieu, lui témoigner un réel intérêt. La volonté politique est la condition pour que sa greffe au
sein de la mairie soit réussie. Ainsi, il n’est pas souhaitable de tenter une telle expérience dans
une commune non réceptive. Nombreuses sont les expériences infructueuses dues à une
mauvaise compréhension de l’utilité d’accueillir un animateur dans la commune. Dans le cadre
52
Projet financé par la coopération française pour les communes de Dar Naïm, Sebkha et Toujounine
Programme mis en œuvre par le GRDR dans les communes rurales du Guidimakha, du Gorgol et de
l’Assaba.
54
Programme mis en œuvre par le SAN de Sénart avec l’appui de l’ONG mauritanienne Ecodéveloppement
dans sept communes du Trarza et une commune du Brakna.
53
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 124
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
du Programme de Développement Local de Proximité, les communes les plus ouvertes au
dispositif, telles que la commune de Méderdra, sont celles qui ont recueilli le plus de résultats.
L’animateur doit donc disposer d’un statut, par exemple celui d’agent de la fonction publique
locale rattaché à la Direction générale des collectivités locales, et d’une place définie au sein de
la commune 55.
La commune responsable du poste de l’animateur
L’animateur sera d’autant mieux intégré au sein de l’équipe municipale si c’est elle qui lui
donne sa place. En participant à son recrutement, au financement de son poste et en contrôlant
son activité.
Le recrutement de l’animateur par la commune est une étape est particulièrement délicate. Il
n’est pas évident qu’elle se fasse selon les principes de l’objectivité et en fonction des
compétences réelles de la personne car les processus de recrutement en Mauritanie sont soumis
aux réseaux de parenté. Dans ce cas, l’animateur risque d’être assimilé au maire et de perdre
l’autonomie et la neutralité nécessaires à la réalisation de sa mission.
La participation de la commune au financement du poste de l’animateur est également une
condition difficile à remplir compte tenu du manque de ressources dont elles souffrent. L’appui
à la décentralisation dans les pays d’Afrique fait partie des objectifs de la plupart des
organisations internationales et intergouvernementales. Des partenariats sont donc possibles et
leur mise en place fait partie des missions de l’animateur. Cependant, il semble important que
la commune investisse une partie de ses fonds propres dans le poste de l’animateur. A ce
niveau également, il peut rendre possible cette condition. En travaillant au rapprochement de la
commune avec ses administrés et au renforcement des capacités de celle -ci à réaliser des
projets de développement ayant un impact fort sur la population, l’animateur contribue à faire
prendre conscience de l’intérêt de s’acquitter des taxes communales.
Enfin, directement placé sous l’autorité du maire, l’animateur peut être plus facilement intégré
dans la commune et évite d’être assimilé au programme ou à l’ONG qui l’appuie. Dans les
petites agglomérations, l’animateur prend le poste de l’agent de développement et de
coopération prévu dans l’organigramme des communes. Dans les institutions plus
conséquentes, il est placé sous son autorité et venir en appui au service de développement de la
mairie.
Complémentarité des activités et accord des personnalités
La bonne rela tion maire/animateur est un important facteur d’efficacité pour l’animateur car
leurs activités et leurs compétences sont complémentaires. Il ne s’agit pas pour l’animateur de
se substituer au maire. Les compétences techniques de l’animateur, qui font bien souvent
défaut au maire, lui permettent de réaliser des études de faisabilité, de concevoir des dossiers
de demandes de financement et de mettre en œuvre des projets. De son côté, grâce à sa
fonction, le maire est en mesure d’ouvrir des portes qui peuvent être utiles à l’animateur telles
que la prise de contact et les relations avec les organisations internationales. Leur
complémentarité permet en outre à l’animateur de délester le maire de certaines de ses tâches,
notamment en filtrant les requêtes des ha bitants avant que celles-ci ne lui parviennent. L’agent
social installé dans la commune de Sebkha dans le cadre du Projet de développement social
est, par exemple, progressivement devenu l’interlocuteur privilégié des associations au niveau
de la mairie.
55
Se référer à la fiche de poste de l’Agent de développement et coopération dans le manuel de gestion de
gestion communale de la Direction Générale des Collectivités Locales.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 125
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
Une collaboration constructive maire/animateur demande une compatibilité de leurs
personnalités. L’animateur doit être à même de maintenir sa neutralité au sein de l’équipe
municipale afin de travailler avec toutes les composantes de la société civile quelque soit leur
appartenance politique. Cette neutralité peut être garantie par la nature de son poste : en tant
qu’agent de la commune, il est au service de l’intérêt général. Elle est également assurée par sa
personnalité qui lui permettra de résister aux tentatives de récupération politique dont il peut
faire l’objet et de jouir d’une certaine marge de manoeuvre.
La nécessité d’un dispositif d’appui
Le travail d’un animateur au sein d’une commune doit s’inscrire dans un dispositif plus général
d’appui à la commune à la fois financier, technique et organisationnel. L’apport financier est
nécessaire pour le travail de l’animateur se concrétise en réalisations : accompagné d’un fonds
destiné à la mise en œuvre de ses activités, l’animateur peut jouir d’une plus grande crédibilité
auprès de l’instance municipale. L’appui technique permet à l’animateur de mobiliser les outils
et de développer les compétences nécessaires à son activité. Il peut être fourni par une ONG ou
une cellule technique 56. Dans le cadre du PDLP, l’ONG Ecodev a assuré un accompagnement
rapproché et la formation des agents de développement local. Enfin, un appui organisationnel à
la commune apparaît indispensable. La jeunesse et la désorganisation caractéristique des
institutions communales en Mauritanie rendent difficile le rassemblement des conditions
nécessaires à la création d’un environnement favorable à l’animateur. Son intégration dans la
commune doit donc se faire parallèlement à la mise en œuvre d’un plan de recentrage des
fonctions et de rationalisation des activités des différents services de la commune.
Proposition de fiche de poste pour l’animateur
L’animateur est au service de la commune et de sa stratégie de développement local. Il anime
la mise en œuvre de celle -ci en impliquant les acteurs locaux. En ce sens, il est un
intermédiaire entre la population et l’instance communale.
Activités contribuant à la mise en œuvre de la politique de développement de la
commune
La connaissance du territoire et de la population.
L’animateur a pour première fonction d’être une source d’information pour l’équipe
municipale. Il développe sa connaissance du territoire de la commune par la réalisation de
monographies, le recueil d’informations sur les caractéristiques économiques, sociales,
environnementales de la commune ainsi que sur les infrastructures existantes. La connaissance
du territoire, c’est aussi la connaissance de ses acteurs : l’animateur procède à un recensement
et prend contact avec les associations, coopératives, ONG, groupes divers, leaders, notables,
etc. de la commune. Enfin, il réalise des diagnostics ou études sur différents thèmes liés au
développement (santé, hygiène, éducation, assainissement, activités génératrices de revenus,
etc.) qui serviront de base à la mise en œuvre des projets de la commune. Le territoire d’une
commune représente une superficie trop importante pour pouvoir parler d’ancrage territorial.
La connaissance développée par l’animateur peut ainsi aider à dégager des priorités
thématiques et géographiques qui circonscriront les activités de la commune et par conséquent
celles de l’animateur.
56
Dans le cadre du PDS, elle est composée d’un cadre de la DRPSS, d’un conseiller technique français et
d’un volontaire international.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 126
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
La communication.
Le rôle de la commune est encore très mal connu des habitants de Nouakchott. La
communication est donc une activité centrale de l’animateur. Il s’agit d’informer les habitants
sur l’institution communale et son fonctionnement : chacune des interactions entre l’animateur
et les habitants peut contribuer à une clarification des rôles de chacun. La sensibilisation peut
aussi être ponctuelle et thématique afin de résoudre un problème particulier (difficulté de
recouvrement des taxes communales, dépôt sauvages d’ordures, etc.) Dans ce cas, il s’agira
d’une campagne de sensibilisation destinée à toucher le maximum de personnes, mobilisant un
ensemble de techniques de communication spécialement conçues pour l’opération et se
déroulant de manière intensive sur une période donnée. Ce type d’évènement peut demander
qu’une équipe d’animateurs soit spécialement mobilisée à cet effet. Elle peut être constituée de
l’ensemble des animateurs installés dans les communes de Nouakchott. Il peut également
s’agir d’une cellule d’animation spécialisée dans l’organisation d’interventions ponctuelles de
grande ampleur.
Médiation société civile/élus et renforcement des capacités des groupes.
La sensibilisation place l’animateur dans une position d’intermédiaire entre les habitants et
leurs élus par laquelle il contribue à leur rapprochement. Il est en quelque sorte une courroie de
transmission de l’information entre eux. Il fait remonter la connaissance de la population qu’il
acquiert sur le terrain au niveau l’équipe municipale. Il favorise la concertation entre habitants
et élus en organisant réunions et rencontres et en suscitant le dialogue entre eux de manière
individuelle ou collective. Afin que les requêtes des habitants auprès de la commune soient
structurées et adaptées aux capacités de celles-ci, l’animateur constitue un premier filtre. Il aide
les groupes à s’organiser et à formuler leurs demandes avant que celles-ci soient transmises à
l’équipe municipale. Il identifie les besoins en formation et organise la formation des différents
interlocuteurs de la commune en vue de renforcer leurs capacités.
L’organisation de la concertation pour la réalisation du Plan de Développement
Communal.
C’est une forme de médiation entre élus et habitants. Les priorités de la commune en matière
de développement devant être définies de manière participative, les Plans de développement
communal font l’objet d’un processus de concertation rassemblant tous les acteurs du
développement (habitants, élus, associations, etc.) Le rôle de l’animateur dans le déroulement
de cet évènement est central. Ses capacités à mobiliser la population, ses compétences en
animation et en gestion des conflits lui permettent d’amener les participants vers un consensus
et de formuler une stratégie de développement communal. Afin de ne pas générer de
déceptions et de bâtir une relation de confiance entre élus et administrés, il est important que
les priorités retenues soient en accord avec les capacités de la mairie et qu’elle soit en mesure
d’atteindre les objectifs formulé compte tenu de ses ressources humaines et financières.
L’appui aux initiatives des habitants.
L’animateur accompagne les démarches des habitants dans la mise en œuvre de projets à
l’échelle de la commune. Il recueille leurs propositions, les sélectionne en fonction de critères
de pertinence et de faisabilité et les aide à formuler un projet. Il transmet les requêtes à
l’équipe municipale. Si le proje t est retenu, il réalise, en partenariat avec les porteurs du projet
et le personnel communal, la contractualisation des financements, le montage, la mise en
œuvre et le suivi du projet. Ce travail varie en fonction du dispositif d’appui dont bénéficie la
mairie. Les dispositifs prévoyant l’insertion d’un animateur au sein d’une mairie
s’accompagnent bien souvent d’un fonds pour la réalisation de microprojets. Dans ce cas, les
différents partenaires sont réunis dans un comité de sélection des projets auquel participe
l’animateur.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 127
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
La recherche de partenaires.
Si la commune ne bénéficie d’aucun appui financier, l’animateur est chargé de procéder à la
recherche de fonds pour la mise en œuvre des projets. Une partie importante de son travail
consiste donc à tisser des liens avec des partenaires : ONG internationales, Union européenne,
coopération décentralisée, etc.
Supervision des projets et capitalisation
L’animateur coordonne la mise en œuvre des projets en intervient tout au long de leur mise en
œuvre (montage, mise en œuvre, suivi-évaluation, etc.) Il contrôle les opérateurs (ONG ou
bureaux d'études privés chargés de l'ingénierie sociale et de la maîtrise d'oeuvre technique). Il
réalise la capitalisation des activités et prépare les rapports d'activité et financiers. La
capitalisation consiste en une réflexion sur l’approche en ce qui concerne le cycle du projet, les
procédures, les outils, etc. Elle a une dimension d’évaluation des actions menées et propose
éventuellement des recommandations et réajustements. Elle est diffusée afin de faire connaître
les méthodes.
Formation et compétences
L’animation au sein d’une commune se caractérisée par la polyvalence. Les compétences
requises sont de différents ordres : elles sont à la fois techniques et relationnelles. Les
compétences techniques couvrent plusieurs champs : l’animation et la communication, le
diagnostic territorial, l’étude de faisabilité, le montage, la planification, l’exécution et le suivi
de projets, la gestion administrative et les techniques infor matiques. Un certain nombre de
compétences relationnelles viennent s’y ajouter pour garantir son intégration dans son milieu
d’intervention : parler plusieurs langues, être capable de faire passer des messages clairs à la
population, comprendre le fonctionnement et des relations des différents acteurs avec lesquels
il interagit et adapter son comportement en fonction.
Il n’existe actuellement aucun diplôme spécifique pour ce type de poste. Les animateurs ont en
général une formation généraliste couplée à une expérience de terrain. Une licence
professionnelle intitulée « Collectivités locales et management territorial57 » est sur le point de
s’ouvrir à l’université de Nouakchott. Destinée en premier lieu à former les membres et futurs
membres des équipes municipales à la gestion des communes, elle a une dimension
pluridisciplinaire qui correspond aux exigences du métier d’animateur ou d’agent de
développement local : gestion administrative et financière, gestion du patrimoine communal et
des services à la population, management et conduite d’équipe, management et pilotage de
projets, communication, animation et développement de partenariats.
La mise en œuvre de la décentralisation dans les pays d’Afrique offre donc au métier
d’animateur des perspectives et des débouchés intéressants au sein des collectivités locales par
le vaste champ d’activités qu’elle ouvre et la création de formations et de professions qu’elle
suscite. La formation apparaît comme un préalable au développement de cette profession. La
création d’un corps de métiers de l’animation doit être encouragée pour mettre à la disposition
des communes un personne l compétent et spécifiquement formé pour ces fonctions.
57
Institut Supérieur des Etudes Professionnelles, Université de Nouakchott, www.univ-nkc.mr.
Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui 128
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007.
NOM : MORLAT
PRENOM : LAETITIA
Date de soutenance : 26 juin 2007
DIPLÔME : Master Professionnel « Anthropologie & Métiers du développement durable » - Département
d’anthropologie - Université de Provence
TITRE : La capitalisation de l’équipe « Appui aux activités communautaires du programme Twize. Une
contribution des outils de l’anthropologie à l’émergence d’un métier du développement.
RESUME en français :
L’animation dans le développement urbain est une activité nouvelle en Mauritanie. L’équipe « Appui aux
activités communautaires » du programme Twize du Gret la pratique depuis 2002. Avant le terme du
programme, elle a souhaité capitaliser son expérience afin de donner une image concrète et lisible de ses
pratiques aux professionnels du développement et aux bailleurs de fonds. Pour cela, elle a reçu l’appui
d’une étudiante en anthropologie chargée d’accompagner le processus de réflexion au sein de l’équipe.
L’objet de ce mémoire est de décrire comment s’est déroulée la collaboration entre l’équipe et cette
intervenante extérieure. Plus précisément, il s’agit de montrer comment l’anthropologie a contribué à la
réalisation d’une construction collective d’une analyse des pratiques professionnelles de l’équipe.
MOTS CLES : développement local urbain, animation, projets communautaires, intermédiation, ingénierie
sociale.
TITLE : Experience analysis of the community development team in the Twize Programme. A contribution
of anthropology to the creation of a profession in the development field.
ABSTRACT in English :
Animation in the urban development field is a new activity in Mauritania. It has been experimented by the
community development team in the Twize Programme implemented by GRET since 2002. Before the
programme ends, the members of the team wanted to analyse their experience in order to give a clear
and concrete image of their practices to development workers and financials partners. They have been
supported by a anthropology student whose role was to accompany the analysis process. This paper is
aimed to describe how the team and the student have collaborated. We will try to show how anthropology
helped to build a collective analysis of the professional practices of the team.
KEY WORDS : local urban development, animation, community projects, mediation, social engineering.
CENTRE DE FORMATION : Département d’anthropologie, Université de Provence, Maison
Méditerranéenne des Sciences de l’Homme : 5 rue du Château de l’Horloge - B.P. 647, 13094
Aix-en-Provence CEDEX 2 France
Téléchargement