ASAC 2006 Banff, Alberta Emmanuelle Le Nagard E.S.S.E.C. (Paris) Thierry Lardinoit, Chaire euro. de Marketing sportif E.S.S.E.C. Pierre Desmet Université Paris-Dauphine & ESSEC POURQUOI LE MARKETING SPORTIF PEUT-IL ETRE UTILISE POUR LE LANCEMENT DE NOUVEAUX PRODUITS ? Cet article présente un double objectif : a) montrer que le marketing sportif permet de soutenir de façon pertinente et par des modalités variées le lancement de produits nouveaux, b) étudier de façon exploratoire les relations entre l’implication pour les retransmissions télévisées de Football (Soccer) et la consommation de nouveaux produits. Les autres variables explicatives utilisées sont : l’innovativité, l’âge, les CSP, le niveau d’instruction et la fréquence de consommation de programmes sportifs à la télévision. Introduction : l’importance croissante du Marketing sportif pour le lancement de nouveaux Produits Les investissements des entreprises en termes de marketing sportif ne cessent d’augmenter. En 1998, ils s’élevaient à 17,4 milliards de dollars US, pour atteindre 33,2 milliards en 20021 et 48,7 milliards en 2006. Le marketing sportif représentait en 2003 de 10% à 12% des investissements marketing des entreprises2. Vu l’importance grandissante des investissements, la pression en termes de rentabilité pour les entreprises pratiquant le marketing sportif est de plus en plus forte. Or, un des objectifs les plus importants du marketing est de générer de la croissance sous forme de lancements de nouveaux produits et services. Lorsque l’on connait les taux d’échec des lancements des nouveaux produits dans les différents secteurs, notamment dans les marchés grand public, on comprend aisément que l’ensemble des ressources marketing des entreprises doivent être mobilisées pour assurer le plus grand succès commercial possible. On comprend alors aisément le recours croissant aux différents outils du marketing sportif en support de la conception et du lancement des nouveaux produits. Ces nouveaux produits peuvent avoir un rapport direct ou indirect avec le sport. On assiste depuis quelques années à de très nombreux lancements de nouveaux produits en rapport avec le sport. On peut citer des exemples dans l’alimentaire (boissons énergétiques), dans l'habillement, dans les loisirs (formules de vacances), dans les produits d'information (télévision numérique, téléphonie, presse…), etc. Se faisant, la frontière entre des produits sportifs et les autres devient ainsi de plus en plus floue. Produits et services « sportifs » et « à connotation sportive » On distinguera les produits sportifs, qui sont nécessaires à la pratique sportive, et les produits « à connotation sportive ». Ces derniers ont un territoire de communication en lien avec le sport. La communication du produit est alors basée sur une congruence plus ou moins importante entre son image 1 source : Sponsor Click 2004. Source : Neil Duffy et Jo Hooper: Passion Branding Harnessing the power of emotion to build strong brands – Wiley, Juillet 2003 2 382 et le sport. La congruence elle-même peut être définie comme le partage de dimensions abstraites de l’identité d’une marque (Park et Hastak, 1994) et de l’identité d’un sport, comme par exemple l’esprit d’équipe de la Société Générale et celui du rugby. Cette congruence peut être le résultat des efforts marketing passés et des investissements répétés dans le même évènement ou le même sport de façon à créer une histoire commune. Comme le soulignent Johar & Pham (1999), tout produit peut avoir un « lien sémantique » plus ou moins fort avec l’activité sportive. Ce lien de sens a en réalité deux dimensions : un produit peut être lié à la pratique sportive, ou au spectacle sportif. Dans la première catégorie (pratique sportive), le lien sémantique sera fort pour des produits nécessaires à la pratique d’un sport, ou qui peuvent en accroître la performance. Le lien sera plus faible si le produit améliore simplement l’organisation de la manifestation sportive, ou peut être utile à la pratique, sans lui être spécifique (assurances, eau…). Dans la deuxième catégorie (spectacle sportif), le lien sémantique sera intense pour des produits ou des services nécessaires pour assister à un spectacle sportif (billets d’entrée dans un stade, retransmission télévisée ou radiophonique), il sera un moins fort s’il s’agit d’obtenir des informations sur un spectacle sportif, et moins encore dans le cas des produits destinés aux supporters (objets à l’effigie d’un joueur ou d’une équipe…). Pour radicaliser la distinction entre les produits sportifs et les autres, nous spécifierons dans cet article que les produits sportifs sont des produits ayant un lien sémantique (congruence fonctionnelle) fort avec la pratique sportive ou le spectacle sportif. Figure 1 : Typologie des produits selon leur lien avec le sport (Lardinoit & Le Nagard, 2004) Fort Indispensable au spectacle Améliore Lien sémantique avec l ’activité de supporter l ’engagement Faible Billetterie, retransmission télévisée, ... Indispensable à l ’information spécialisée Presse, téléphonie, internet,.. Maillot de club, écharpes, ... Utile à la célébration Indispensable à la pratique Bière, soda, pizza,... Chaussures, maillots,.. Utile à l ’organisation Utile à la pratique Transports, hôtels,... Assurances, eau.. Améliore l ’organisation Chronomètre ,.. Lien sémantique avec la pratique sportive Améliore la performance Aliments et boissons énergétiques Fort Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons uniquement aux produits non sportifs tels que définis ci-dessus, mais qui présentent toutefois des « connotations sportives », dans la mesure où il existe un lien sémantique avec le sport, même si celui-ci est faible. D’autre part, nous nous limiterons à une perspective « Business to Consumer ». Nous nous situerons donc délibérément dans une perspective de 383 marketing par le sport, tel que le marketing sportif pratiqué par des sociétés (Coca-Cola, Visa…), et non dans la logique du marketing du sport, celui des fédérations sportives (ex. la FIFA) ou des organisateurs d’événements. L’utilisation du Marketing par le Sport dans le Lancement de Produits nouveaux non sportifs Le marketing sportif peut contribuer au moins à trois niveaux dans le lancement de produits nouveaux : • Dans le développement d’idées de nouveaux produits ; il s’agit alors de mettre en place des programmes de recherche et développement afin de garder une avance par rapport aux concurrents. Dans le domaine de la compétition sportive, les conditions et les exigences sont extrêmes, cela nécessite de développer des technologies de pointe qui peuvent ensuite être adaptées au grand public. Par ailleurs, l’observation de la pratique sportive permet de repérer des besoins et des usages adaptables aux loisirs sportifs ou carrément à la vie quotidienne. • Dans le positionnement, notamment dans une perspective de différenciation, en utilisant les valeurs du sport. L’implication dans la compétition sportive peut alors renforcer la crédibilité du produit. Par exemple, la communication de l’ensemble de la gamme des montres Tag Heuer s’appuie sur le chronométrage des compétitions, même si elles ne sont d’évidence pas toutes destinées aux sportifs. Ceci permet de crédibiliser le discours de la marque autour des valeurs d’exigence, de performance et de précision. • Dans la diffusion des nouveaux produits, notamment dans le domaine de la communication et de la distribution. L’utilisation du marketing par le sport est également utile dans des phases plus opérationnelles du lancement. Ainsi, si l’on reprend les étapes traditionnelles de l’adoption d’un nouveau produit, le marketing par le sport peut servir à : • le faire connaître (création de notoriété), • le faire essayer (échantillonnage) , • le faire acheter (exploitation de réseaux). Un des premiers défis dans le lancement d’un nouveau produit est d’atteindre rapidement une notoriété significative, notamment dans un contexte international. Dans cet objectif, le parrainage d’événements sportifs internationaux, grâce à leur capacité à fédérer les cibles, peut se révéler très efficace. Aux Etats-Unis, la finale du football américain, le Super Bowl est l’événement publicitaire de l’année, avec des audiences et des tarifs record (49% de part d’audience en 2004). De très grands annonceurs, et notamment ceux souhaitant s’adresser aux hommes, public majoritaire de l’événement, programment le lancement de leurs nouveaux produits à cette occasion. C’est ainsi lors du Super Bowl que furent lancés des produits comme la Next Generation de Pepsi, le premier Mac, la nouvelle bière de Budweiser, etc. Pour atteindre ces différents buts, plusieurs types de moyens peuvent être envisagés, pour mieux affirmer le positionnement. Les techniques les plus usuelles sont : • le sponsoring de la preuve, en organisant ou sponsorisant des épreuves permettant de démontrer l’efficacité de leur produit ou service. • l’association à un événément spécifique, par l’intermédiaire du parrainage. • le co-branding avec un partenaire sportif. Pour être efficace, cette stratégie exige alors une parfaite adéquation et complémentarité des valeurs et de l’image de chaque partenaire (ex. authenticité, esthétique et solidité pour la Peugeot Quick Silver). Il importe également que chaque partenaire soit très représentatif de sa catégorie de produit (typicalité des marques). • Les sportifs ont souvent été utilisés dans les communications publicitaires pour le lancement de nouveaux produits ou services. 384 • • L’utilisation des communautés et des événements sportifs dans l’échantillonnage. En effet, la diffusion des innovations repose fortement sur le bouche-à-oreille et la propagation de l’information dans les différents réseaux sociaux. Dans cette logique, les organisateurs japonais de la Coupe du monde 2002, en partenariat avec Master Card, ont fourni 5 000 porte-monnaie électroniques aux supporters détenteurs de billets. Le porte-monnaie était utilisable dans les transports en commun et les boutiques de souvenirs, ainsi que dans certains commerces sud-coréens. L’utilisation des réseaux de distribution des produits sportifs Plusieurs de ces moyens peuvent être utilisés simultanément pour donner une « connotation sportive » au produit, sans pour autant en faire un produit sport. On observe fréquemment que les disciplines à fort contenu technologique sont utilisées pour promouvoir des produits dans des secteurs technologiques, comme l’informatique, l’électronique grand public, ou encore les montres. Certains sports sont ainsi porteurs d’une image technologique, comme la F1, ou la voile (Etude Occurrence, Koroibos, & Hyckory, 2001). Dans ce dernier sport, alors que le marché de la photographie « papier » s’effondre, Fuji s’appuie sur Loïck Peyron pour diffuser sa technologie numérique et pour promouvoir l’usage de ses consommables via les NTIC. Cependant, il est également intéressant de voir, au travers des différents exemples cités tout au long de l’introduction, que les nouveaux produits promus appartiennent à des secteurs très variés (services, produits de haute technologie, biens de grande consommation), et que les disciplines support peuvent également être très différentes. Le lien ne semble donc pas être exclusivement lié à un goût pour la technologie. La figure 2 montre ainsi le positionnement perçu de différentes disciplines sportives sur des valeurs particulièrement importantes pour les nouveaux produits, à savoir la modernité d’une part, et la créativité d’autre part. 385 Figure 2 : Les valeurs véhiculées par les différents sports Source : étude Occurrence, Koroibos, Hyckory 2001 Nous venons de le voir, le marketing sportif est de plus en plus utilisé de façon diverse pour promouvoir des nouveaux produits ou services, qu’ils soient sémantiquement reliés au sport ou non. Le but de ce papier est de mieux comprendre le sous-bassement théorique de ces stratégies, en particulier celles relatives à des nouveaux produits non sportifs. Nous ne cherchons pas ici à expliquer les phénomènes de congruence ou de transfert d’image et de valeur, c’est un champ déjà passablement étudié (ex. Didellon, 1997, Johar et Pham, 1999, Lardinoit et Quester 2001, Walliser 2003). Nous cherchons par contre à vérifier si les fans de spectacles sportifs télévisés sont plus ouverts aux innovations que les individus moins impliqués. Hypothèses de la recherche Définition de « l’ouverture à l’innovation » Il est nécessaire avant toutes choses de définir ce que nous entendons par ouverture ou sensibilité à l’innovation. La notion d’innovateur est abordée selon deux approches majeures dans la littérature. - La première approche est comportementale (Rogers, 1995) : les innovateurs sont les consommateurs qui adoptent les premiers les nouveaux produits. Cependant, cette définition est peu opérationnelle dans la mesure où il est délicat d’identifier ex-post les premiers acheteurs d’un nouveau produit. Il serait pour cela nécessaire de réaliser des études longitudinales, qui sont difficiles à mener et présentent souvent des biais. Dans cette perspective, pour distinguer les innovateurs, une autre méthode utilisée à été d’identifier les possesseurs de produits encore peu distribués. - Une deuxième approche, beaucoup plus répandue considère la propension à innover (« l’innovativité ») comme un trait de personnalité, qui peut être selon les auteurs, spécifique à la catégorie de produits (Goldsmith et Hofacker, 1991) ou plus générale (Le Louarn, 1997). Ce trait est alors mesure sur une 386 échelle, selon une méthode auto-déclarative. Ce caractère auto-déclaré a souvent été dénoncé comme une faiblesse. Cependant, le caractère explicatif de l’innovativité sur l’achat de produits nouveaux a été démontré, avec un coefficient de corrélation de l’ordre de .4. (Im, Bayus et Mason, 2003). Vu l’importance du rôle joué par les innovateurs dans les processus de diffusion des nouveaux produits, une littérature très importante en marketing est consacrée à la définition des caractéristiques des innovateurs (Cestre, 1996 ; Roerich,1993). Ces différentes études, parfois partiellement contradictoires montrent cependant : - qu’ils ont en général des revenus et un niveau d’éducation supérieurs à la moyenne. Ils sont experts de la catégorie de produits, sur laquelle ils s’informent régulièrement. - qu’ils sont également plus jeunes que la moyenne, (si l’on élimine l’effet revenu) (Baumgartner, 1975, Midgley & Dowling, 1993). - que, d’un point de vue plus psychologique, ils se révèlent moins dogmatiques, moins hostiles au risque en général. En outre, ils sont fortement exposés aux médias. Le profil sociodémographique Une première justification de l’utilisation du parrainage d’événements sportifs dans la promotion de nouveaux produits est le fait que les innovateurs partagent certaines caractéristiques sociodémographiques avec les innovateurs. - Ainsi, si les innovateurs sont de grands consommateurs de médias, les amateurs de sport le sont également. Il est bien connu que les plus grandes chaînes de télévision utilisent le sport pour fédérer les cibles autour des plages horaires en prime time (McDaniel, 2003) et que les meilleures audiences sont atteintes pour les programmes sportifs (MPG 2004). Les fans de sport, consommant fortement les médias, sont donc automatiquement exposés aux publicités pour les (nouveaux) produits (Pham 1992) et sont donc rapidement au fait des nouveautés. C’est notamment vrai lorsque l’on prend en compte les disciplines sportives à plus forte audience. - H1: Il existe un lien positif entre la fréquence de consommation des spectacles sportifs télévisés et la consommation de produits/services nouveaux - Un autre facteur explicatif commun de la consommation de produits nouveaux et de la fréquentation du spectacle sportif est l’âge. Sur cette dimension, les innovateurs peuvent présenter un profil proche de celui des amateurs de spectacle sportif. En effet, les jeunes constituent les cibles préférentielles des événements sportifs majeurs et de leurs sponsors (Tavassoli, Shultz and Fitzsimons, 1995) : 32% des 18-19 ans sont passionnés de Football et 28% de Basket Ball. L’âge moyen des audiences de la NBA est seulement de 36 ans (St John, 1998). Notre première hypothèse concerne le lien entre la consommation de programmes sportifs télévisés et le comportement d’achat de produits nouveaux. Outre cette relation, nous testerons également les liens soulignés par la littérature entre l’innovativité (mesurée comme un trait général), les variables sociodémographiques d’une part et le comportement d’achat de produits nouveaux d’autre part. Nous observerons également les liens entre l’âge, l’innovativité et la fréquence de consommation de programmes sportifs. Sur le plan théorique, l’origine de la consommation de programmes sportifs devrait se trouver dans l’implication pour le spectacle sportif. L'implication constitue une variable explicative majeure du comportement (Derbaix, 1987 ; Strazzieri, 1994). Elle « est un état non observable de motivation, d'intérêt ou d'éveil. Elle est créée par un objet ou une situation spécifique. Elle entraîne des comportements : certaines formes de recherche de produit, de traitement de l'information et de prise de 387 décision" (Houston et Rothschild, 1978). L'implication présente deux dimensions temporelles (Richins et Bloch, 1986 ; Kapferer et Laurent, 1986, 1993 ; Celsi et Olson,1988) : les implications durable et situationnelle. Dans le cadre de cette recherche, notre attention se focalise sur la composante durable. Elle correspond à une forme d'enthousiasme intrinsèque, un intérêt puissant et stable qui dérive de la pertinence d’un sujet ou d’un objet pour l'individu (Chéné, 1994). De façon générale, il existe de nombreuses recherches mettant en évidence le lien entre l’implication et l’exposition à l’objet de l’implication (ex. Richins et Bloch,1986) et plus spécifiquement, Couty (1994) a souligné le lien positif entre implication pour le sport et exposition aux événements sportifs. - H2: Il existe un lien positif entre l’implication pour les programmes sportifs télévisés et la fréquence de consommation de ces spectacles. Une autre origine de la consommation de programmes sportifs devrait résider dans le « Niveau optimal de stimulation » (Optimal Stimulation Level - OSL). Steenkamp et Burgess (2002) ont mis en évidence que les personnes avec un OSL élevé ont un goût prononcé pour les voyages, les activités physiques en général et la pratique du sport plus particulièrement. Par extension, nous pensons que les gens présentant des hauts niveaux d’OSL doivent s’exposer à des programmes télévisés de sport susceptibles de les stimuler. Pons et al (2001) ont d’ailleurs mis en évidence l’importance de la recherche de sensation dans la motivation pour les spectacles sportifs. Par ailleurs, un certain nombre de recherches ont montré que l’OSL est relié positivement à l’innovativité (Steenkamp et Baumgartner, 1992). Ce lien entre OSL et consommation de programmes télévisés sportifs est potentiellement très intéressant car nous savons que les fans de sport sont de gros consommateurs de média et que cette consommation est reliée au comportement d’achat de produits nouveaux. - H3a: L’OSL est reliée positivement à la fréquence de consommation de programmes télévisés sportifs - H3b : L’OSL est reliée positivement à l’innovativité Echantillon et méthodologie Echantillon 398 personnes (53% d’hommes et 47 % de femmes) ont été questionnées. 38% avaient entre 15 et 24 ans, 15% avaient entre 25 et 34 ans, 28% avaient entre 35 et 49 ans, 19% avaient plus de 50 ans. Ils ont été recrutés dans des lieux publics (gares, rues et métro) en proportion égale entre Paris, l’Ile-deFrance et les régions. Le questionnaire a été administré en face à face. Outre les questions classiques relatives aux variables sociodémographiques, les questions portaient sur l’implication par rapport aux retransmissions télévisées de football, la fréquence de consommation des programmes télévisés, l’innovativité, l’OSL et la possession de produits nouveaux. Le football a été choisi pour différentes raisons : - c’est le sport roi en Europe, du point de vue de l’audience. Ceci permet d’interroger une cible assez large, et de recruter des sujets sur l’ensemble de l’amplitude du continuum d’implication - c’est un sport qui n’a pas de connotation particulière reliée à l’innovation (modernité, technologie…). Echelles utilisées Les 6 items de l’échelle de Cotte et Wood (2004) ont été utilisés pour mesurer l’innovativité (voir tableau 1). En ce qui concerne l’OSL, nous nous référons à Steenkamp & Baumgartner (1996). • L’échelle d’implication est celle de Laurent et Kapferer (1985). Nous avons utilisé les 3 items de la dimension « intérêt » et les 3 items de la dimension plaisir (cfr tableau 1). 388 Tableau 1 : Exemple d’items des échelles d’implication et d’innovativité Concept Implication* OSL* Dimension Exemples d’items Intérêt On peut dire que regarder du football à la télévision, cela m’intéresse Tout à fait Plutôt Moyennement Plutôt pas Pas du tout d’accord d’accord Plaisir Pour moi regarder du football à la télévision, c’est un peu un plaisir Tout à fait Plutôt Moyennement Plutôt pas Pas du tout d’accord d’accord Je suis sans cesse à la recherche d’idées et d’expériences nouvelles Tout à fait d’accord Plutôt Moyennement Plutôt pas Pas du tout d’accord J’aime avoir l’opportunité d’acheter des marques peu connues juste pour varier un peu mes achats. Innovativité* Tout à fait Plutôt Moyennement Plutôt pas Pas du tout d’accord d’accord J’aime présenter des nouveaux produits ou de nouvelles marques à mes amis Tout à fait d’accord Plutôt Moyennement Plutôt pas Pas du tout d’accord J’aime changer sans arrêt d’activités. Tout à fait d’accord Plutôt Moyennement Plutôt pas Pas du tout d’accord * Echelle inversée Le tableau 2 montre la fiabilité interne de chacune des échelles. Les scores d’alpha de Cronbach sont supérieurs à 0.75. Les analyses factorielles ont confirmé les dimensions spécifiques de chacune des échelles énoncées dans la littérature. En ce qui concerne l’implication, l’échelle de Laurent et Kapferer est un outil particulièrement bien rodé. Sans surprise, l'A.C.P. met en évidence que les dimensions intérêt et plaisir ne forment qu’un seul facteur. Il n'est pas étonnant dans le domaine des spectacles sportifs de constater que les dimensions Intérêt et Plaisir se confondent dans le même facteur. Valette-Florence (1989), Rodgers et Schneider (1993) ainsi que Kapferer et Laurent (1993) ont déjà souligné ce phénomène. Plus proche du sport, dans son étude de l'implication pour l'athlétisme, Giannelloni (1990) a montré que ce facteur commun (Intérêt/Plaisir) explique une part très importante (49,1%) de la variance de l'implication pour ce sport. Cette fusion des facettes est logique dans le secteur des produits à forte valeur hédonique. Très naturellement, une personne s'intéresse à ce qu'elle apprécie et, inversement, apprécie ce qui l'intéresse. 389 Tableau 2: Echelles utilisées Source Nombre d’items Fiabilité Cotte & Wood, (6 items) α = .765 2004 Niveau optimal de Steenkamp & (7 items) α = .853 stimulation Baumgartner 1996 Implication dans le Laurent & (6 items) 1ère dimension: Intérêt/Plaisir spectacle sportif Kapferer, 1985 α =.925 télévisé Variable Innovativité Pour mesurer la variable possession de produits nouveaux, 3 questions ont été posées aux sujets :(ex. Possédez-vous un téléphone portable équipé d’un appareil photo numérique, Avez-vous déjà effectué un achat sur Internet ? Avez-vous déjà acheté la boisson Perrier Fluo ?). Les produits choisis étaient lancés depuis peu de temps en France à la date de l’étude, et concernent une cible assez large, non typée en termes de sexe, ou de région. Les questions étaient dichotomiques OUI = 1 / NON = 0. Le score de chaque sujet résultait d’une addition des trois items. Cette opérationnalisation suit celle de Im, Bayus et Mason (2003). 4. Résultats Table 3: Variable dépendante : possession de nouveaux produits Coefficients(a) Unstandardized Standardized Model Coefficients Coefficients B Std. Error Beta 1,936 ,202 (Constant) -,167 ,032 -,244 âge ,124 ,026 ,220 Instruction -,093 ,029 -,148 Consommation programmes sportifs* -,093 ,029 -,148 Innovativité* Dependent Variable: Possession produit * échelles inversées t Sig. 9,600 -5,220 4,737 -3,172 -3,172 ,000 ,000 ,000 ,002 ,002 Comme cela a été démontré dans des recherches antérieures, le lien entre l’innovativité et la possession de produits nouveaux est très hautement significatif. La jeunesse et le niveau d’instruction expliquent également la possession de produits nouveaux mais pas la catégorie socioprofessionnelle. Cette variable a été rejetée de la régression (méthode backward). Le R² ajusté de cette régression est de 0.177. L’incidence de la fréquence de consommation de programmes sportifs télévisés est également significative. La corrélation entre consommation de programmes sportifs et la possession de produits est hautement significative (r= .15, p = .004) lorsque les 3 variables sociodémographiques sont contrôlées. En raison de ces derniers points, H1 est validée 390 Table 4 : Variable dépendante : Fréquence de consommation de programmes sportifs Coefficients(a) Unstandardized Standardized Coefficients Coefficients Model t B Std. Error Beta ,135 ,213 ,635 (Constant) ,098 ,049 ,091 2,010 âge ,082 ,037 ,093 2,229 Instruction Implication programmes football ,737 ,043 ,658 17,120 télévisés* -,039 ,023 -,083 -1,730 CSP Dependent Variable: Consommation programmes sportifs* * Echelles inversées Sig. ,526 ,045 ,026 ,000 ,085 Comme anticipé, l’implication pour le football télévisé est un déterminant puissant de la consommation de programmes sportifs. Le R² ajusté est de 0,45; ce qui s’explique par la très forte incidence de l’implication (ß standardisé = .66). H2 est donc validée Par contre, l’OSL n’est pas significatif et est évacué de la régression par la méthode backward. Les CSP n’ont pas d’incidence sur la consommation de programmes sportifs au seuil de 5% de probabilité d’erreur de première espèce. Notons toutefois la tendance négative. La littérature insistant sur les liens entre innovativité et exposition aux médias, nous avons également vérifié si cette variable était reliée à la fréquence de consommation de programmes sportifs. Aucun lien significatif ne ressort. H3a n’est pas validée Dans le cadre d’autres vérifications, il apparaît que l’âge est bien un déterminant de la consommation de programmes sportif (cfr. Tableau 4) ainsi que l’innovativité (cfr. Tableau 5). Le caractère prédictif de l’OSL sur l’innovativité est également confirmé. H3b est validée Tableau 5 : Variable dépendante : Innovativité Coefficients(a) Unstandardized Standardized Model Coefficients Coefficients B Std. Error Beta 2,530 ,143 (Constant) ,065 ,032 ,103 âge ,191 ,049 ,197 OSL* Dependent Variable: Innovativité* * Echelles inversées Le R² est de 0.06. t Sig. 17,732 2,019 3,887 ,000 ,044 ,000 Une autre régression a mis en évidence que l’implication dans les programmes télévisés de Football est indépendante de l’âge, du niveau d’éducation et des CSP. 391 Discussion et conclusion Tout d’abord, cette recherche a permis de confirmer des résultats obtenus précédemment dans la littérature, comme le lien positif et important entre l’innovativité et le niveau optimal de stimulation, ainsi que la corrélation entre l’innovativité et le comportement d’achat de produits nouveaux. Cependant, une limite réside dans la conceptualisation du comportement d’achat de produits innovants, basée sur un nombre trop réduit de produits. Une prochaine collecte de données pourrait permettre de pallier cette faiblesse. L’apport principal de ce papier tient dans le rapprochement, encore jamais fait à notre connaissance, entre l’implication pour le spectacle sportif, et le caractère innovateur d’un individu. Cette originalité explique que l’étude revête un caractère encore exploratoire. Un modèle intégrateur devrait être testé, notamment en ayant recours à des équations structurelles. Nonobstant ces remarques, les résultats de cette étude exploratoire nous semblent d’ores et déjà déboucher sur un certain nombre d’observations intéressantes. • Premièrement, il apparaît que la consommation de programmes sportifs et l’innovativité sont deux variables complémentaires et distinctes qui permettent d’expliquer la consommation de produits nouveaux. Au-delà des stratégies de transfert d’image, l’utilisation du marketing sportif pour promouvoir le lancement de produits nouveaux semble présenter un vrai potentiel. En effet, les sujets fortement impliqués dans le spectacle sportif, de par leur grande consommation de télévision, sont des consommateurs ouverts aux produits innovants. Ceci même lorsque les variables âge, niveau d’instruction et CSP sont contrôlées. Le potentiel de généralisation de ces premiers résultats nous semble réel puisque, rappelons-le : a) les produits/services testés ne présentent aucun lien sémantique, ni fonctionnel ni d’image, avec le sport ; b) les cibles naturelles des produits/services testés sont plutôt les jeunes. Deuxièmement, les individus en recherche de stimulations (OSL élevé) ne semblent pas trouver dans les programmes sportifs télévisés ce qu’ils cherchent. Steenkamp et Baumgartner (1996) avaient souligné le lien entre l’OSL et la pratique active d’un sport. De même Pons et al (2001) ont mené leurs collectes de données dans des stades, là où les spectateurs sont plus connectés et stimulés à l’événement. Il semble que les programmes sportifs télévisés soient bien trop passifs pour des niveaux d’OSL élevés. Dans une perspective de prolongement de recherche, il serait intéressant d’étudier la relation entre l’OSL et l’implication pour la pratique sportive. D’autre part, il serait également intéressant de considérer l’implication pour d’autres disciplines sportives, considérées par les spectateurs comme plus excitantes, pour voir un lien éventuel avec l’OSL. La consommation de programmes sportifs trouve pour l’essentiel son origine dans l’implication pour le sport (ici le Football). Il serait intéressant de voir si c’est la relation au sport seule qui entraîne cette ouverture aux innovations ou si d’autres types de programmes tels les talks shows, les reality shows, le cinéma…sont également susceptibles de générer le même effet. D’un point de vue managérial, ces résultats soulignent aussi le fait qu’il n’est pas strictement nécessaire d’investir dans des sports à forte connotation technologique ou d’innovation, tels la Voile, la Formule 1, le Ski, pour soutenir le lancement de produits nouveaux. Des sports à forte fréquence d’exposition et à forte part d’audience, tel le Football en Europe, sont susceptibles de sensibiliser efficacement les cibles aux produits innovants. En outre, il ne semble pas nécessaire que les produits aient un lien sémantique fonctionnel fort avec le sport. Ceci soutient le recours croissant au marketing « par le sport ». 392 References Baumgarten, S. (1975), “The innovative communicator in the diffusion process”, Journal of Marketing Research, 12, 12-18. Celsi, R.L. et Olson, J.C. (1988), “The Role of Involvement in Attention and Comprehension Processes”, Journal of Consumer Research, Vol. 15, Sep.,pp. 210-224. Cestre G. 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