Pipelines Les laboratoires creusent Ils sont tous là ou presque ! Groupes « historiques » et nouveaux entrants sont en ligne de bataille pour répondre à l’un des défis majeurs de santé du siècle. Résultat : thérapies ciblées et nouveaux cytotoxiques se disputent les honneurs de pipelines prometteurs1. AstraZeneca : thérapies ciblées et life cycle management autorisé dans sa 1ère indication, le cancer du rein à un stade avancé, in 2005 aux Etats-Unis et en juillet 2006 en Europe. En 2007, le produit a obtenu le statut de revue prioritaire auprès de la FDA et un avis favorable du CHMP (Comité européen pour les médicaments éthiques) dans le carcinome hépatocellulaire (foie). Il fait l’objet d’autres essais cliniques, les plus avancés étant dans le poumon, le sein et le mélanome. Le groupe développe aussi le ZK-PRA, antagoniste des récepteurs de la progestérone, et le ZK-EPO, une épothilone, deux nouvelles classes de médicaments actuellement en phase II, dans le cancer du sein pour le premier et dans les tumeurs de l’ovaire, du sein, du poumon et de la prostate pour le second. Enin, les anticancéreux plus anciens, Campath® (alemtuzumab) et Zevalin® (ibritumomab tiuxetan), ont fait l’objet de développements en 1ère et 2ème ligne, respectivement dans la leucémie lymphoïde chronique et le lymphome non hodgkinien. Deux molécules découvertes au centre de recherche de Reims et appartenant à la nouvelle classe des anti-angiogéniques se trouvent à un stade avancé : Zactima® (vandetanib) est la première thérapie orale inhibant à la fois deux mécanismes majeurs du développement tumoral, à savoir les récepteurs au VEGF et à l’EGF, et la kinase RET. Zactima® est en phase III dans le cancer du poumon non à petites cellules et en phase II dans le cancer de la thyroide. La seconde, Recentin® (cediranib), est un inhibiteur du récepteur au VEGF en phase III dans le glioblastome (tumeur du cerveau), le cancer du poumon non à petites cellules et le cancer colorectal. D’autres molécules sont aussi à un stade avancé d’essais cliniques, notamment le ZD4054 (antagoniste de l’endothéline) dans le cancer de la prostate hormono-résistant. Par ailleurs, AZ poursuit des développements sur des molécules comme Iressa® (geitinib) – dans le cancer du poumon – et Faslodex® (fulvestrant) dans le cancer du sein en 1ère ligne. Parallèlement, MedImmune apporte son expertise Des effectifs en R&D dans les biotechnologies. Bayer Schering : Nexavar® ouvre une nouvelle voie 44 PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007 La R&D de Boehringer-Ingelheim en cancérologie datant d’une dizaine d’années, aucune molécule n’est encore commercialisée. L’importance de la R&D en cancérologie a fait doubler les efectifs dans ce domaine depuis deux à trois ans. Quatre molécules sont en développement : BIBF 1120, anti-angiogénique (Anti VEGF-R) per-os (phase II) dans les cancers du poumon non à petites cellules, de l’ovaire, en R&D doublés en trois ans Le produit majeur au sein de la recherche en oncologie est le Nexavar® (sorafénib), un antiangiogénique oral possédant une double action : anti-VEGF et anti-RAF-kinase. Développé avec Onyx, il a été Boehringer-Ingelheim : une recherche assez récente Dossier Cancérologie de la prostate et du côlon. BW2992, anti-EGFR per-os, également une petite molécule, qui agit sur le domaine intracellulaire du récepteur, dans le traitement des cancers du sein, du poumon et ORL (phase II). BI2536, inhibiteur de la pololike kinase, enzyme clé de la division cellulaire, pour les cancers du poumon, de la prostate et du pancréas (phase I et II). Enin, phase I pour BI811283 (inhibiteur de l’aurora-B kinase). Bristol-Myers Squibb : une recherche diversifiée Engagé dans la lutte contre le cancer depuis plus 40 ans, la recherche en oncologie reste une priorité pour BMS. Plusieurs thérapies ciblées sont en développement : 1) Immunothérapie : l’ipilimumab, anticorps entièrement humain contre l’antigène CTL4 humain, agit sur le système immunitaire des patients atteints de cancer. Il est développé avec Médarex dans les mélanomes malins métastatiques (phase III). 2) Angiogénèse tumorale : une autre cible de recherche ; un inhibiteur du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) est en développement ainsi qu’un agent multicibles (récepteur à l’EGF et pan-Her). Concernant les agents multicibles, le groupe a obtenu une AMM in 2006 pour Sprycel® (dasatinib), inhibiteur de tyrosines kinases (BCR-ABL et SRC), nouveau traitement des leucémies myéloïdes chroniques résistantes à une thérapie antérieure. Pour BMS, les thérapies ciblées ne seront pas les seules solutions au traitement du cancer avancé des 10 prochaines années. Le groupe développe donc aussi des cytotoxiques, notamment Ixempra® (ixabepilone), représentant d’une nouvelle classe de médicaments dérivés de l’épothilone qui modiie la dynamique des microtubules : développé pour les cancers du sein devenus résistants aux anthracyclines et aux taxanes, il vient d’obtenir l’approbation de la FDA. GlaxoSmithKline : une recherche large et variée qui accélère Tout d’abord, GSK vient d’obtenir de nouvelles AMM en Europe pour Atriance® (nelarabine), médicament orphelin destiné au traitement de 3ème ligne de certaines formes rares et sévères de leucémies et lymphomes lymphoblastiques à cellules T, et Cervarix®, vaccin pour la prévention du cancer du col de l’utérus. Tyverb® (lapatinib), inhibiteur de tyrosine kinase dispensé par voie orale ciblant les récepteurs HER-1 et HER-2, fait l’objet d’un important plan de développement dans le cancer du sein adjuvant et est en cours d’enregistrement en Europe, en 2ème ligne, en association avec Xeloda® (capécitabine) dans le cancer du sein métastatique après traitement par anthracyclines, taxanes et trastuzumab. Il est aussi en cours d’essais cliniques en ORL. Le pazopanib, un autre inhibiteur de tyrosine kinase anti-angiogénique oral multi-cibles, est développé en priorité dans le rein, les sarcomes des tissus mous et l’ovaire tandis que le vaccin thérapeutique MAGE-A 3 va entrer en phase III dans le cancer du poumon non à petites cellules. GSK développe aussi des molécules de « supportive care », les plus avancées étant Revolade® (eltrombopag), un facteur de croissance plaquettaire oral destiné au traitement des thrombopénies idiopathiques, et Casopitant®, un inhibiteur NK1 pour les nausées-vomissements induits par la chimiothérapie. Groupe Pierre Fabre : des projets ambitieux Grâce notamment à son cytotoxique Navelbine® Gérer le cycle (vinorelbine), l’oncologie de vie est un domaine dans lequel Pierre Fabre revendique une réussite certaine et nourrit des projets ambitieux : 50 % de ses dépenses de R&D en médicaments y sont consacrés. Ses projets les plus avancés sont Javlor® (vinlu- nine), une molécule chimique en phase III dans les cancers du poumon non à petites cellules, du sein et de la vessie, et Onectyl ® (leuprorelin), une hormonothérapie développée dans le cancer de la prostate. Le groupe a aussi des projets plus en amont, parmi lesquels d’autres cytotoxiques et F50035, un anticorps monoclonal humain dirigé contre le récepteur cellulaire IGF1, faisant l’objet d’un accord de co-développement avec Merck & Co. Ipsen : renforcer la franchise et gérer le cycle de vie Tout d’abord, Ipsen poursuit ses développements sur Décapeptyl® (triptorelin), analogue de la GnRH : le produit est en phase III dans le cancer du sein pré-ménopause en association avec un suppresseur d’oestrogènes ainsi que dans une formulation à libération prolongée d’une durée de quatre mois (prostate). Le groupe développe en outre de nouvelles applications pour ses molécules, la plus avancée étant Acapodène® (citrate de torémifène), un modulateur sélectif des récepteurs aux oestrogènes, en phase III dans la prévention du cancer de la prostate et dans le traitement des efets secondaires liés à l’hormonothérapie anti-androgénique. Ipsen a d’autres projets à un stade moins avancé, parmi lesquels le cytotoxique BN80915 (dilomotécan) en phase II dans les cancers métastatiques avancés, BN83495, un inhibiteur sélectif de l’enzyme sulfatase, qui va rentrer en phase II dans >>> 45 NOVEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES Dossier Cancérologie >>> le cancer du sein post-ménopause, et des thérapies ciblées en phase I. Merck-Serono : un acteur de premier plan en quelques années Merck-Serono est le leader européen en biotechnologies et est devenu en quelques années un acteur de premier plan en cancérologie avec Erbitux® (cetuximab). Cet anticorps monoclonal ciblant le récepteur de croissance épidermique (EGF-R) a révolutionné le traitement du cancer colorectal métastatique en permettant d’opérer des patients jusque-là inopérables et d’envisager un espoir de guérison. Par ailleurs, associé à la radiothérapie, Erbitux® représente une des plus grandes avancées thérapeutiques depuis 25 ans dans le carcinome épidermoïde de la tête et du cou localement avancé. Son développement se poursuit en 1ère ligne et stade adjuvant du cancer colorectal, cancer du poumon, de l’estomac et du sein. La R&D de Merck-Serono combine des approches ciblant la cellule cancéreuse, l’environnement tumoral et le système immunitaire. Sont ainsi développés : matuzumab, un anticorps monoclonal humanisé anti EGF-R (phase II), Stimuvax®, un vaccin thérapeutique liposomal anti MUC-1, en phase III dans le poumon non à petites cellules, cilengitide, un inhibiteur de l’angiogenèse en phase II dans le gliobastome, et deux immunocytokines en phase II : EMD273063 dans les tumeurs exprimant GD2 (neuroblastome de l’enfant et mélanome) et tucotuzumab celmoleukin pour les tumeurs exprimant l’EpCAM (ovaire et poumon à petites cellules). Novartis : devenir le numéro un vascularisation tumorale, va entrer en phase III dans le cancer du poumon. En phase I et II, Novartis développe de nombreuses autres nouvelles classes de produits. Novartis aiche son ambition en oncologie : devenir le lea- Novo Nordisk : un nouveau venu der grâce à un pipeline couvrant tous les axes de recherche Fort de son expertise en immunothérapie et en ingénierie de et un grand nombre de cancers. Tout d’abord, le protéines, Novo Nordisk se positionne comme un nouveau groupe poursuit des développements sur des venu sur un axe qui ne sera ni marginal ni occasionnel. produits existants, notamment Zometa® A ce jour, le groupe possède deux molécules en dé(acide zoledronique), avec le dépôt d’un veloppement clinique : l’interleukine IL-21, en dossier auprès de l’EMEA pour la préphase II dans le mélanome malin, le cancer du vention de la perte osseuse induite par rein, de l’ovaire et colorectal, et Anti-KIR, un Couvrir les axes les inhibiteurs de l’aromatase, ou Gliagoniste des récepteurs NK, en phase I dans la vec® (imatinib mesylate) qui a montré leucémie myéloïde aigüe. de recherche des résultats positifs dans les GIST en situation adjuvante. Tasigna® (nilotinib) a obtenu un avis positif du CHMP Pfizer : 12 produits en développement en septembre dans la leucémie myéloïde Pizer est aujourd’hui le premier investisseur mondial chronique en phase chronique ou accélérée privé en R&D tous secteurs confondus, précise Rémy de chez les patients résistants ou intolérants au GliFrance (Directeur médical oncologie – Pizer), et la cancérovec® et des études sont en cours en hématologie et dans les logie (25 % des investissements) est une priorité majeure. 12 GIST. Le groupe a aussi trois nouvelles molécules en phase molécules sont en développement chez l’homme dans quaIII : SOM230, un analogue de la somatostatine, est déve- tre domaines : nouveaux anti-angiogéniques, inhibiteurs de loppé dans la maladie de Cushing, l’acromégalie et les tu- la transduction du signal, immunothérapie et nouveaux cymeurs carcinoïdes. RAD001 fait partie de la nouvelle classe totoxiques. Le développement de trois produits en phase III des inhibiteurs de mTOR et est développé dans le rein et les s’accélère pour une sortie espérée dans les deux à quatre ans. tumeurs neuro-endocrines. Parmi les cytotoxiques, patupi- L’axitimib, anti-angiogénique, pour le traitement des cancers lone, qui appartient à la nouvelle famille des épothilones, est du pancréas, de la thyroïde et du poumon. Le CP751871, andéveloppé dans le cancer de l’ovaire. Enin, ASA404 (licence ticorps monoclonal dirigé contre le récepteur IGF1 inhibant d’Antisoma), appartenant à une nouvelle classe détruisant la la transduction du signal liée à ce facteur de croissance, dans le >>> 46 PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007 Dossier Cancérologie et une demande d’AMM pour le cancer métastasé du rein est en cours. Au total, avec Avastin®, le pipeline du groupe en oncologie compte 19 molécules pour 42 indications diférentes. Parmi ces molécules, le pertuzumab, un anticorps monoclonal qui élargit la cascade de signalisation HER Evalué en dernière ligne du cancer du sein en association avec l’Herceptin® (phase II), il semble très prometteur. Sanofi-Aventis : thérapies ciblées et chimiothérapie >>> traitement de certains sarcomes et du cancer du poumon. Un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène CTLA4 (tremelimumab) dans le mélanome métastatique. Quant à la gamme existante, elle comprend quatre produits (Farmorubicine®, Aromasine®, Campto®, Sutent®) dont le développement vers de nouvelles indications se poursuit. L’étendue des besoins non satisfaits dans les cancers dont le diagnostic est fait à un stade avancé et une solide expertise expliquent que cet axe soit jugé stratégique par le groupe. Deux thérapies ciblées et deux chimiothérapies font partie des projets les plus avancés. L’alibercept (VEGF-Trap), développé avec Regeneron, prévient la vascularisation tumorale. Il fait l’objet de plusieurs développements, notamment dans le cancer de l’ovaire (3ème ligne), le cancer colorectal et le cancer du poumon non à petites cellules (2ème ligne), ainsi que dans des indications dans lesquelles Avastin® (bevacizumab), qui a un spectre de ciblage moins large, n’a pas montré de bénéice signiicatif (pancréas). L’AVE 8062 (licence acquise auprès d’Ajinomoto) est un dérivé de combretastatine qui détruit la vascularisation tumorale. Il est développé dans les sarcomes des tissus mous, les cancers du poumon et de l’ovaire. En chimiothérapie, le S-1 (tegafur associé à deux inhibiteurs enzymatiques) est un traitement oral du cancer gastrique déjà commercialisé au Japon par Taiho. Il est développé par Sanoi dans le cancer gastrique, colorectal et du pancréas. Des taxanes de nouvelle génération sont aussi en développement, dont larotaxel (sein métastatique) et XRP6258 (prostate métastatique). Les vaccins sont un autre axe stratégique, le Trovax®, développé dans le cancer du rein métastatique et le cancer colorectal avec Oxford BioMedica, étant le projet le plus avancé. Wyeth : thérapies ciblées Le groupe américain, situé au quatrième rang mondial sur les biothérapies, possède quatre produits de thérapie ciblée en phase III. Torisel® (temsirolimus), un inhibiteur de la kinase Roche : garder une longueur d’avance mTor autorisé par la FDA en mai 2007, vient de recevoir un Roche, précurseur de la mise au point des anticorps mono- avis favorable en Europe dans le cancer du rein en 1ère ligne clonaux (mab), a ouvert des voies entièrement nouvelles pour chez les patients de mauvais pronostic. L’autorisation est le traitement des cancers. Le groupe, qui appuie ses attendue d’ici la in de l’année. Il est également déverecherches sur les thérapies ciblées issues des bioloppé dans le lymphome non hodgkinien. Deux technologies, consacre 30 % de ses programautres inhibiteurs des tyrosines kinases, le SKI mes et 40 % des investissements de R&D à 606 (bosutinib) et le HKI 272 (administré la cancérologie. Leader mondial en oncopar voie orale), vont démarrer des phases logie, Roche commercialise trois anticorps courant 2008, respectivement dans la Vers de nouvelles III monoclonaux : Mabthera® (rituximab), leucémie myéloide chronique et dans le Herceptin® (trastuzumab) et Avastin® (becancer du sein. Enin, le CMC 544, un anindications vacizumab). Le développement clinique ticorps monoclonal anti CD22, démarrera d’Avastin® est loin d’être terminé, souligne une phase III en 2008, en association avec Henry-Vincent Charbonné (Head of PharRituxan® (rituximab), dans le lymphome non ma Strategic Marketing – Bâle), puisque les hodgkinien de type B folliculaire. n essais cliniques en cours avec cette molécule intéressent 40 000 patients, dans diférents types de cancers et Emmanuel Cuzin, Valérie Moulle à tous les stades de la maladie, notamment en traitement adjuvant. Avastin® a obtenu récemment une AMM européenne pour les cancers métastasés du côlon, du poumon et du sein, (1) Liste non exhaustive 48 PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007