l`invention de l`autre essais sur le discours

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L'INVENTION DE L'AUTRE
ESSAIS SUR LE DISCOURS ANTHROPOLOGIQUE
I
SUR LA NATURE DU DISCOURS
ANTHROPOLOGIQUE
1) Distance et connaissance. L'invention de la culture dans le discours anthropologique
A) Exotisme et esthétique du divers dans le projet anthropolgique
Michel Leiris:" A chaque pas de chaque enquête, une nouvelle porte s'ouvre, qui ressemble le plus
souvent à un abîme ou à une fondrière". Par cette ciation, il adresse une critique à l'ethnologie qui
veut tout savoir au pont de réifier l'autre dans une relation où l'observateur se retire.
Kilani s'interroge sur l'éventuelle nécessité de se pencher sur la notion de distance si importante en
anthropologie. La distance agit dans toute sa singularité, son opacité tel un révélateur de soi.
La distance entre l'autre et soi ne pourra jamais être totalement abolie. La notion du différent fait
prendre conscience que quelque chose n'est pas soi-même et donne le pouvoir de concevoir autre.
L'EXOTISME N'EST DONC PAS LA RECONFIGURATION DE L'AUTRE A PARTIR DU
MEME, CAR CE SERAIT LA ASSUREMENT SA PERTE, MAIS LA RECONNAISSANCE
FASCINEE DE SA DISTANCE.
Le travail de tout anthropologue est une médiation sur l'identité et la différence. Et Kilani de citer
Marie-Jeanne Borel:" L'Autre qui parle et pense, mon objet donc, ne parle ni ne pense comme moi.
Sinon ce ne serait pas mon objet. Mais je dois bien parler, penser comme lui, puisque je dis et pense
quelque chose, censé vrai, de ce qu'il dit ou pense. Sinon ce ne serait pas mon objet... ni le sien non
plus. Que pourrais-je bien rapporter à son sujet? Sans ce jeu de différence et d'identification il n'y
aurait pas de science de cela même qu'on veut connaître."
B) Traduction et connaissance: l'invention du possible
Discourir en anthropolgie rime toujours avec traduire. L'important est d'assurer le passage de la
culture indigène à la culture de l'observateur et du lecteur. La traduction n'est pas l'assimilation de
l'autre à soi, mais appréciation de distance entre soi et l'autre. Traduire ne veut pas dire "une simple
refonte de la façon dont les autres présentent les choses afin de les présenter en termes qui sont les
nôtres, mais une démonstration de la logique de leur présentation selon nos propres manière s de
nous exprimer." IL FAUT CONCEVOIR LA TRADUCTION NON EN TERME
D'EQUIVALENCE STRUCTURALE, MAIS PLUTOT DE FACON DYNAMIQUE, EN
TERMES D'INTERACTION ENTRE LES DIFFERENTS INTERLOCUTEURS D'UNE
SITUATION.
L'anthropologie ne dit pas que l'autre est égal à moi, mais plutôt que je ne suis pas l'autre et que je
me comprends en relation avec l'autre comme mon autre possible, par comparaison et par
différence... à travers l'invention de l'autre, justement, et selon une conception contrastante, non
symétrique, de l'identité. (Mondher Kilani).
Inventer l'autre, c'est se comprendre soi-même comme vivant dans un monde dont on peut, par
contraste avec celui de l'autre, dessiner les contours.
C) Expérience et écriture de l'altérité
L'anthropologue est historiquement et culturellement situé par les questions qu'il pose à son terrain
et par la manière dont il cherche à comprendre le monde, de la même façon que les réponses
données par les informateurs résultent elles-mêmes d'interprétations médiatisées par leur culture et
leur histoire.
D) Symétrie et réflexivité dans le discours anthropologique
Il ne consiste pas à poser a priori Eux et Nous comme égaux, mais questionner l'observateur dans la
manière de construire sa relation à l'autre, à l'observé. Kilani insiste sur le fait qu'iil "faudrait
réinventer une nouvelle forme de holisme qui ne soit plus conçue, comme on l'a fait jusqu'ici, en
terme de totalité culturelle juxtaposant des éléments épars, mais en terme de relation entre les
éléments, comme un espace global dont l'anthropologue fait partie. Relevant de l'espace partagé de
l'expérience de terrain, le tout n'est plus vu de l'extérieur, il est expérimenté de l'intérieur dans le
dessein d'en apprendre comment les gens construisent, changent et réadaptent leurs propres espaces
sociaux."
E) L'universalisme hiérarchique
C'est toujours à partir d'un lieu culturel que l'anthropologue projette l'universalisable. Mais il faut se
rendre attentif sur la dichotomie qui existe entre la Déclaration universelle des droits de l'homme qui
prêche l'égalité entre les hommes et l'uité du genre humain et la propoension universelle
universellement partagée par les cultures de séparer le Nous du Eux et d'affirmer que les hommes
sont membres de différentes espèces. Etablir des distinctions sociales et affirmer des relations non
égalitaires entre les hommes, les cultures, est l'attitude la mieux partagée par toutes les sociétés.
Durant l'époque médiévale, la découverte et le désir de l'autre ont été marques par la fascination de la
nouveauté et par son inscription dans l'extraordinaire, la bizzarerie, voire l'anomalie et la
monstruosité. Le voyageur de la Renaissance découvrait sur son chemin des femmes et des hommes
nus, des cannibales féroces et d'étranges créatures hybrides. La frontière entre lui et le sauvage ne
pouvait être aussi grande. Au Moyen-Age et à la Renaissance, la frontière entre Eux et Nous était
représenté par une ligne qui séparait la culture et la nature, l'homme et le monstre, le chrétien et
l'idolâtre.
Aux 19 et 20èmes siècles, lorsque le sauvage fut intégré à la généalogie de l'homme blanc et
considéré enfin comme un animal historique, il ne le fut qu'à titre d'une variante distante dans le
temps, qu'à titre de fossile vivant, d'un signe originel. Eux n'ont été incorporés dans l'histoire
universelle que pour être projetés dans la distance historique et sociale, et être assimilés à notre
propre passé. Dans la perspective moderne, l'Autre est ainsi un Nous différe.
Ce problème de frontières et de définition de la catégorie de l'étranger, auquel doit faire face le
discours anthropologique, est donc d'abord un problème idéologique avant d'être un problème
scientifique. Il relève avant tout d'une représentation sociale. Autrement dit, le civilisé, l'Européen, ou
plus généralement l'observateur de la société dominante, produit, par écart, l'idée du sauvage, du noncivilisé, ou du primitif. C'est ainsi que l'anthropologue qui se contente d'affirmer que l'Autre est
semblable à moi occulte en même temps la différence culturelle la différence culturelle qu'il est bien
obligé de lui reconnaître par ailleurs et qui est au fondement même de son projet. Dès lors, la
promesse universaliste d'une humanité unifiée à égale et la profession de foi relativiste de l'égalité
entre la différence apparaissent comme fallacieuse dans leur principe même. Les deux font fi du
principe hiérarchique qui ordonne toujours entre eux les éléments constituant le tout et qui intrduit
l'asymétire.
F) L'exclusion des femmes ou les charmes du Nous masculin
L'universalisme est à l'origine d'un savoir global sur l'humanité.
G) La culture et la société: espaces de négociations et structures d'action
Il faut se défaire de la conception supra-organique de la culture, comme une réalité surplombant les
acteurs sociaux et guidant leurs actions. La culture est cette instance qui fournit les moyens de ces
interprétations que les gens partagent en commun. Cette nouvelle orientation valorise l'acteur comme
sujet et le chercheur comme interprète de l'autre. Le chercheur ne peut plus considérer son objet
comme quelque chose de déjà donné, mais il doit le construire dans le cadre des relations qui lient
les acteurs sociaux entre eux avec le chercheur.
La culture comme l'identité culturelle sont des lieux de négociations en effervescence continue,
comme ces espaces inscrits aussi bien dans l'histoire des acteurs sociaux que dans la temporalité qui
li l'observateur à ce qu'il enregistre.
2
Décrire ou évoquer?
Sur le mode de représentation en anthropologie
A) Crise de la représentation et représentation de la crise en anthropologie
La discipline traverse une période de crise que l'on peut résumer en ces termes: Peut-elle encore
prétendre représenter positivement la réalité de l'autre; ou au contraire ne doit-elle pas se contenter
de l'évoquer dans la reconstruction d'une expérience de soi?
B) Du terrain au texte ou la distance de l'écriture
Toute enquête ne peut se détacher d'une narration personnelle (écho du témoin). L'anthropologue
procède à la transfomration et au rapatriement de ses objets, sous la forme d'entités descriptives,
capables de les donner à lire et à voir à un public lointain, comme s'il y était. Le travail
anthropologique appartient à une double temporalité: le temps du terrain et le temps de l'écriture.
C) Savoir local, savoir global: sur la nature du savoir anthropologique
Le savoir anthropologique vise à extraire les données de leur temporalité pour les rapporter au
présent de la science et du lecteur occidental auquel il s'adresse en priorité (asymétrie entre pouvoir
local et pouvoir local car rencontre inégalitaire entre un centre et une périphérie).
D) Universalisme, comparaison, hiérarchie dans le discours anthropologique
C'est sur le socle d'une raison taxinomique, apparue en Europe au 18ème, que repose l'universalité
de la démarche anthropologique. Soutenu par une raison classificatoire qui répartit les diverses
humanités et les diverses temporalités selon la même échelle de ressemblance et de différences, le
travail de l'anthropologie consiste à rapporte les contenus empiriques observés à la positivité
historique du sujet observant.
Les anthropologues ont fait de la différence une vertu méthodologique, la fameuse règle de la
distanciation-dépaysement, dont ils n'ont jamais véritablement interrogé la nature ni la portée.
Pourtant, toute la question du fonement du discours anthropologique réside dans cette interrogation.
La comparaison que mène l'anthropologie ne peut se résumer à la dichotomie Eux et Nous. Elle est
entre Eux et Nous qui parlons d'Eux (Le paysan est plus parlé qu'il ne parle). La véritable nature du
travail anthropologique est un effort continuel d'explication et de distanciation par rapport aux
conditions mêmes de son existence.
Selon Kilani l'anthropologie n'est pas seulement le prétexte à une oeuvre littéraire ou à une
affirmation de soi, mais aussi à une discipline qui ne cesse de nous faire penser qu'il existe quelque
chose de réel, quelque chose d'important qu'on peut interroger et décrire. Sinon, serions-nous là
pour en débattre avec autant de passion?
3
Terrain, culture, texte.
Sur la construction de l'objet
anthropologique
A) Ce que le travail anthropologique veut dire
Tout d'abord, l'anthropologue possède un terrain choisi. Il y fait un apprentissage d'une culture, d'un
mode de pensée. Au temps du terrain succède le temps de l'écriture qui est une communication de
l'expérience des membres de la société dans laquelle le chercheur a vécu.
Il faut récuser l'idée qu'il y aurait une réalité - un terrain - qui existerait indépendamment du travail
de l'anthropologue et que le précèderait. Le terrain n'est pas une entité déjà là qui attend la
découverte et l'exploration.
La connaissance anthropologique est un travail de médiation sur la distance et la différence, et ce
travail commence tout de suite sur le terrain. Autrement dit, le terrain s'organise d'abord et
essentiellement comme un travail symbolique de construction de sens, dans le cadre d'une
interaction discursive, d'une négociation des points de vue entre l'anthropologue et ses informateurs.
B) Le terrain comme construction sémiotique ou la sémiotique du terrain
Le terrain sert à désigner aussi bien l'objet de recherche que le lieu où s'effectue cette recherche. Son
expérience garantit que la vérité se trouve dans le texte ethnographique (établissement d'un rapport à
l'autre) (attention de ne pas confondre objet à voir et acte de voir).
Kilani s'appuie sur l'exemple de Jeanne Favret-Saada pour dire que ce qui prime, c'est la
participation de l'anthroplogue à un ensemble d'actes communicatifs réglés, à un réseau
d'énonciation dans lequel on lui assigne une ou plusieurs positions (mettre l'anthropologue au défi
de dévoiler son identité..)
C) Le texte comme construction rhétorique ou la rhétorique du texte
La monographie est une analyse intensive et synthétique de la vie ordinaire, enregistrée par
l'anthropologue dans la langue indigène, durant un assez long séjour. Elle construit l'image unifiée
d'un anthropologue en symbiose avec une culture et des gens.
D) La fiction de la totalité ou l'ethnographie comme fiction
La monogrpahie doit créer chez le lecteur un sens de la totalité et de l'ordre.
Dans l'anthropologie d'hier, la conscience des risques d'une rapide extinction culturelle a fourni
l'élan et la justification à l'entreprise d'archivage des sociétés exotiques, à l'effort monographique par
conséquent. Aujourd'hui, le propos de l'anthropologie est plutôt de documenter minutieusement les
résistances, de raconter comment la tradition et l'identité ethnique se maintiennent ou se réélaborent,
comment des détournements de la logique dominante s'effectuent.
E) De la fiction à la connaissance
Si l'anthropologie est un dialogue, une méditation entre soi et l'autre, elle est aussi assurément une
volonté de connaissance et une intention méthodologique. Quelque chose existe avant qu'on ne
parle, quelque chose de la réalité de l'autre que l'on peut comprendre et interpréter et que l'on doit
rappoter au public d'ici.
4
Découverte et invention de l'autre
dans le discours anthropologique.
De Christophe Colomb
Claude Lévi-Strauss
Dans la tradition occidentale, l'histoire est souvent assimilée à l'expérience réaliste de ses acteurs et
l'événement à un réel qui impose son évidence au regard. Dans la tradition occidentale, également,
l'événement et l'histoire ne sont vus que dan la nouveauté qu'ils peuvent offrir.
Au-delà de l'aveuglante évidence de la découverte pour nos yeux d'aujourd'hui, il faut s'interroger sur
la manière dont des événements comme la découverte de l'Amérique a été vécu par ses témoins. Et
comment ils ont été reconnus dans leur singularité.
A) Le voir et le dire ou comment décrire l'inédit
Comment décrire ce que l'on reconnaît pour de la nouveauté? L'inédit peut-il être perçu et encore
plus raconté? Problème crucial que celui de définir les choses et les gens vus, car de cette définition
dépend non seulement le sens du Nouveau Monde mais aussi son appropriation. C'est ainsi que les
imposants édifices des incas et des Mayas furent comparés en grandeur et en ingéniosité aux
pyramides d'Egypte et aux ouvrages romains, les tempels aztèques aux mosquées, que la belle
indigène évoqua la belle mauresque, ou que le lama fut tout à la fois un âne, un brebis, un chameau.
Dans un premier temps, la foi permit aux grands découvreurs d'élaborer un discours concernant le
terrain d'investigation. Colomb, par exemple , apèrs avoir vu une femme nue déduit que la population
entière l'était. Il n'attend pas de voir pour le dire, c'est une chose entendue. Comment cela est-il
possible?
Un tel discours général s'explique par le fait de l'incapacité de voir le réel autrement que dans un
discours précédant la prise de contact. Colomb comme beaucoup de ses contemporains avait déjà
une idée dans la tête , préétablie de ce qui l'attendait. Il est dès le départ influencé apr le but de son
expédition et le mythe qui est attaché; Colomb est à la recherche de l'Eden. Il s'attend donc à
observer la population nue, puisqu'elle est dans l'état originel.
Le mythe influence le chercheur qui décrit en quelque sorte ce qu'il va voir ou ce qu'il attend de voir.
Le regard anticipateur, qui est une procédure descriptive, permet à Colomb de donner un certain
degré d'humanité et leur assigne une place parmi la diversité des sociétés et des cultures. Dans
d'autres traditions extra-européennes se retrouvent les mêmes mécanismes d'analogies entre des
événements passés ou à venir, tels qu'ils peuvent figurer dans les mythes et les légendes, et les
situations nouvelles qui se présentent aux acteurs (Aztèques considèrent les Conquistadors comme
des Dieux et ne remettent en doute leur cosmogonie; idem pour la mise à mort du capitaine Cook).
Lors du contact de deux cultures émerge donc des deux bords une description de l'autre qui permet
de l'incorporer dans son univers, dans un corps de représentation mythique et familier. L'autre est
ainsi apprivoisé, neutralisé par la médiation de la culture. Par sa différence maîtrisée, l'autre va
renforcer ou réalimenter le système de signification et l'identité propre.
B) L'écriture de l'altérité ou l'anthropologue comme héros culturel
Le voir se fait écriture parce qu'il sert à montrer à et à prouver. Faire valoir et rien d'autre. Faire voir
par le pouvoir des mots.
C) Le discours anthroplogique comme ouverture herméneutique
La compréhension de l'autre passe toujours par une rhétorique de l'altérité dont les catégories et les
finalités appartiennent à l'anthropologue en propre. Dans l'Amérique vu et rêvée, des générations de
voyageurs, de défricheurs, de colons, d'administrateurs et de missionnaires ont construit l'indien, ou
plus précisément leur Indiens respectifs, sans vraiment les écouter. Ces derniers sont servi de
prétexte à la lutte politique, aux rêves d'évasion et d'exotisme, à la création artistique, à
l'évangélisation, aux élans nationaux émancipateurs, au discours anthropologique. Il y a eu l'Indien
du révolutionnaire, l'Indien du patriote, l'Indien de l'utopiste comme celui de l'anthroplogue.
L'Orient entretient également l'imaginaire des européens. Invention des romantiques, il délimite un
espace codifié de lecture / écriture de l'autre. Le voyage vers où le soleil se lève prend une valeru de
voyage initiatique pour celui qui l'effectue. Il permet un retour vers les origines de la culture
occidentale et une célébration de ses valeurs, en même temps qu'il effectue une mise en parenthèse
historique de l'autre. Le tableau peint de l'empire Ottoman resplendit par sa myriade d'éléments
pittoresques que sont: circoncisions, mariages, bains, marchés, harems, fêtes, cafés, sérails. MAIS
CE CHATOIEMENT EXOTIQUE D'OPERETTE QUE LE VOYAGEUR DOIT SAVOIR
DELAISSER POUR PORTER SON REGARD DERRIERE CE QU'IL CACHE, A SAVOIR LA
VERITABLE SCENE DE L'HISTOIRE: LA OU ONT BRILLE DE LEURS MILLE LUMIERES
LES CIVILISATIONS ANCIENNES A L'ORIGINE DE LA CULTURE OCCIDENTALE ET
QUE LES INNOMBRABLES SIGNES ENFOUIS RAPPELLENT ENCORE A LA MEMOIRE
DE CEUX QUI SAVENT VOIR ET DECRYPTER.
Voyage et littérature, l'autre est déjà rêvé ou imaginé avant d'être découvert. Tout cela témoigne que
le voyageur ne porte jamais un regard complétement neuf sur les réalités qui se donnent à voir à lui.
Sa vision du monde nouveau est toujours guidée par un modèle qui lui préexiste. Elle se réalise
toujours dans la réitération des expériences qui le précèdent. La référence au passé quel qu'il soit
permet d'éclairer l'événement à la lumière du mythe et de lire (ou de relire) à son tour le mythe à la
lumière de l'événement.
5
Le discours anthropologique
et le siècles des Lumières.
Ou comment construit-on l'histoire
de la discipline?
A) Quelques repères
B) Lévi-Strauss et Rousseau ou le regard porté au loin
Quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi; mais pour étudier l'homme, il faut
apprendre à porter sa vue au loin; il faut d'abord observer les différences pour découvrir les
propriétés.
C) Les Observateurs de l'homme: la naissance de l'anthropologie
S'affirmant comme un groupe, les Observateurs inaugurent une démarche scientifique collective
pluridsciplinaire, fondée sur une théorie élaborée et une méthodologie orientée vers l'observation.
Composée de médecins, de publicistes, de voyageurs, d'historiens, de naturalistes et de philanthrope,
la société s'est donnée pour finalité de se dévouer à la science de l'homme envisagée sous un triple
aspect, physique, moral et intellectuel.
Parmi les projets de cette société, il faut citer: anthropologie comparée des us et coutumes des
peuples; une anthropologie topographique de la France; un dictionnaire comparatif de toutes les
langues; une classification méthodique des races et un musée d'ethnographie comparée... Mais ce
qui retient surtout l'attention des historiens, c'est la volonté de procéder à une critique et à une
évaluation des méthodes de l'observation. La collecte de l'information ne doit plus être menée par
des amateurs, mais par des professionnels.
Une question se pose: Comment passe-t-on d'une anthropologie spéculative et compilatoire du
18ème à une anthropologie empirique et critique consciente d'elle-même et de ses objets?
L'anthroplogie moderne telle que nous la connaissons à partir de la fin du 19ème commence à
exister le jour où elle a eu une pratique de terrain spécifique, centrée sur les relations sociales
définies par la situation coloniale.
D) Les enquêtes sociales ou l'ethnologie de l'intérieur
Les préoccupations et les méthodes des Observateurs ne sont pas totalement une innovation de la fin
du 18ème et du début du 19ème. Dès 1800, on assiste à l'avènement d'une ethnographie (soutenue
par le pouvoir de Napoléon dont l'enjeu est de rassembler des données et les informations
nécessaires pour mettre en évidence la variété des situations locales, pour cerner les écarts et les
obstacles qui les séparainent du projet d'unification et de construction de la nation française, en
cours de réalisation.
E) Les récits de voyage et les nouvelles techniques d'inscription
Au 18ème, l'exotisme retentit comme le champ des sirènes. On parle d'ethnologie des voyageurs.
Le récit de voyage, au 18ème, passe définitivement de la quête cosmographique, si caractéristique
des siècles précédents, et où les descriptions de la flore, de la faune, de la terre, du ciel se mêlaient
étroitement à celle de l'homme, de ses productions culturelles et sociales, à l'enquête de type
ethnographique, centrée sur les récits que rapportaient des hommes curieux d'autres hommes et
d'autres pays lointains. Aller sur place, porter directement son regard sur les choses et revenir pour
en témoigner devient la règle au 18ème. Pour des raisons politiques, mais surtout scientifiques on
s'efforce de rendre compte de la totalité de ce qui est vu.
F) L'histoire naturelle ou l'affirmation du paradigme moderne de la classification
Durant les Lumières, on assiste au passage de l'histoire comme relation diachronique à l'histoire
comme réflexion sur l'histoire, comme lieu géométrique des histoires singulières des différentes
nations du monde considérées comme un seul et même univers moral.
Cette histoire s'adresse à un homme conçu, dans l'esprit d'unicité de l'espèce humaine, comme
universel dans le temps et dans l'espace, et qu'on va relier à une vue de la nature orientée vers une fin
et articulant hiérarchiquement les différents types d'hommes. L'ensemble des penseurs du 18ème
partagent peu ou prou cette vision; de sorte que ce qui va les séparer, ce n'est pas le paradigme
naturaliste de l'histoire, mais les types de sociétés sur lesquels pourra porter cette histoire.
Buffon pour ne citer que lui se trouve devant la difficulté d'intégrer les peuples sauvages dans cette
histoire. Ils n'ont pu créer de société civile car ils ne disposent d'aucune archive, donc d'aucune
mémoire. D'autres comme Rousseau, postulent l'hypothèse non plus une dégénérescence mais
constituent l'état de nature comme le temps d'une socialité heureuse et l'état civilisé comme le résultat
d'une dégénération rapide. La différence entre le sauvage et soi n'est plus une différence de nature
mais de degré.
Certains chercheurs, comme Péron, à l'aide d'un dynamomètre prétendent pouvoir tester l'hypothèse
du Noble Sauvage. Ils concluent à la débilité physique comme morale du sauvage.
G) L'anthropologie du 19ème siècle ou le triomphe du déterminisme naturaliste
Le siècle des Lumières fait descendre l'homme sauvage de son piédestal et en proclamant sa chute
définitive du paradis. On affirme la supériorité de l'homme civilisé et du même coup légitime sa
mission civilisatrice, et derrière elle l'entreprise coloniale. La faiblesse du sauvage vient par contraste
confirmer la force non seulement morale mais physique du civilisé, et lui révéler que le progrès est
une question d'énergie.
Dès le début du 19ème, un lien sera établi entre l'indigène exotique et l'indigent, le peuple pauvre de
la société. L'hétérogénéité externe désormais repérable sur la même échellle d'évolution et de
perfectibilité que soi sera logiquement rejointe par l'hétérogénéité interne de la société industrielle
naissante elle-même.
La métaphore du sauvage comme berceau de l'humanité se prolonge dans la société des
Observateurs pour englober l'indigent, le paysan et le montagnard. Leur préoccupation de civiliser
les indigents primitifs s'accompagne d'une même volonté auprès des citoyens indigents.
Avec l'avènement du 19ème siècle, la figure de l'altérité externe, celle du sauvage primitif sera
désormais rejoint par la figure de l'altérité interne, et toutes les deux seront appréhendés à partir
d'une même histoire, celle de l'observateur européen.
II
DE QUELQUES CONSTRUCTIONS CULTURELLES
6. Porapora. Ou les péripéties d'un premier contact
A la page 107, Kilani souligne l'étonnement devant le fait que les indigènes de Porapora ne
connaissent pas la dénomination de leur île. L'auteur souligne le fait que ce manque "était
désicurisant, nous qui provenions d'une civilisation de marque et du découpage. Nous étions devant
le même besoin quéprouvaient les premiers voyageurs de désigner par une image sonore les
nouvelles terres foulées".
"Donner un nom, c'est en partie surmonter ses craintes devant l'inconnu et l'étranger; c'est espérer
s'attirer, par la magie du mot, la complicité des éléments naturels et des êtres vivants. Mais quelques
fois, c'est aussi exercer déjà sa souveraineté sur un territoire et anticiper sur la soumission de ses
habitants."
Kilani montre que les Mélanésiens essaient de contrôler la situation à leur avantage. Par exemple,
adhérer à l'Eglise, c'est une manière d'incorporer une partie des vertsu du Blanc. C'est à la fois un
lieu d'identification au Blanc, le moyen de devenir le même, et un geste d'indépendance, le moyen
d'affirmer que l'on est aussi capable d'entendre l'universalité proclamée du message chrétien tout en
restant soi. (113).
7
Les cultes du cargo mélanésiens. Ou comment l'esprit des Blancs vient aux Papous par
l'intermédiaire de leurs ancêtres.
La Mélanésie ne faut jamais prétexte à des rêves d'altérité.
Les Papous et leurs ancêtres dans les ténèbres des Tropiques
P. 120. Le débarquement des Européens, à la fin du 19ème siècle, sur les rivages de la NouvelleGuinée, a tout de suite plongé les Papous dans les ténèbres du sous-sol des Tropiques.. Rien chez
eux ne semblait se prêter dans le regard européen aux allégories habituellement associées aux mers
du Sud. Ni la couleure noire de leur peau, qu'ils portent aussi en stigmates dans le nom par lequel
on les désigne (Mélanésien, du grec melas:noir), ni leur physionomie, que l'appelation de Papou,
l'autre terme qu'on leur donne (du malais papuwa: crépu, et par extension en portugais singe),
associé à une forme simiesque. Homme à la peau sombre, que la proximité avec la nature n'anoblit
pas, mais corrompt, cible priviliégiée du trafic des négriers modernes, main-d'oeuvre toute indiquée
pour le travail dans les chaleurs torrides des Tropiques, le Mélanésien possède aussi une âme Noir.
Ne descend-il pas de la lignée maudite de Cham, ce fils indigne de Noé qui n'eut pas honte de
contempler la nudité de son père
Le système généalogique des Blancs: Cham, fils de Noé, et la destinée noire des Papous
P. 123. Finalement, la rencontre entre les Mélanésiens et les Européens ne fut-elle pas d'abord un
rencontre de regards qui se sont entrecroisés et jugés, avant qu'elle ne se transforme en un
affrontement de forces objectives? Dans le travail de codage de l'autre qui résulte de la
communication entre deux systèmes culturels différents, chacun des deux protagoniste, l'Européen
comme le Mélanésien, ajuste le regard qu'il porte sour les nouvelles réalités à ses propres idées
culturelles.
L'européen débarque en Mélanésie vers la fin du 19ème siècle, époque conquérante et impérialiste,
où les rêves de puissance coloniale remplacent les rêves d'altérité et d'exotisme.... C'est l'époque de
la mise à nu de l'homme sauvage, de son envrionnement qui doivent servir à la rentabilisation des
entreprise économiques des colonies
P,124. Au 16ème siècle, moment de la grande expansion européenne dans le monde, une structure
généalogique mythique était ainsi en place pour interpréter et intégrer la diversité qui allait s'offrir
aux regards des marins découvreurs et des militaires conquérants. Lors de la découverte de
l'Amérique, les peuples nouveaux, dont on ignorait jusqu'ici l'existence et dont la Bible ne aprlait
guère, furent, après quelques hésitations sur leur véritable nature d'êtres humains, rattachés à la
descendance de Sem. Les Indiens furent identifiés aux 10 tribus perdus d'Israël dont parle la Bible.
Cette interprétation permettait de reconnaître la valeur universelle du récit biblique qui accorde une
origine commune à toute l'humanité, en même temps qu'elle confirmait la prophétie contenue dans la
Bible et selon laquelle Japhet (l'ancêtre des Européens) était appelél un jour à habiter la demeure de
Sem.
Dans le comparatisme hiérarchique de la descendance de Noé, la destinée de l'Africain fut encore
plus noire que celle de l'Indien. Ayant eu le triste privilège d'être situé plus clairement que l'Indien
dans la hiérarchie des exclusions produites par les interprétations historiques de la Bible, le Noir
s'est trouvé, selon les mots de Sala-Molins, éditeur et commentateur du code Noir, bréviaire de
l'esclavagisme depuis louis 14, "prédestiné à poret le fardeau le plus lourd le jour où il ferait
sérieusement irruption dans la façon blanche et chrétienne d'écrire l'histoire et de modeler l'espace."
Les siècles suivants vont aggraver son rejet, car les anomalies qu'on lui associait, et que l'on croyait
dues à Dieu, allaient être progressivement remplacées par celles que l'on imputait au milieu dans
lequel il vivait (18ème).
La divinisation des Blancs: apothéose et chute
Les Mélanésiens voit en l'homme blanc, l'incarnation de l'humanité et de la divinité. Ils reconnaissent
les explorateurs comme leurs ancêtres; de leur relation naît une expérience du passé dans le présent,
cad que l'histoire sera organisée explicitement comme la métaphore de réalités mythiques.P 127.
Se soumettre au christinanisme est un moyen d'accéder à l'explication et à la maîtrise d'un de ses
comportements essentiels: la cargo. Les Mélanésiens admettent l'histoire généalogique des Blancs
pour en inverser la perspective et en changer la portée.
8
Les image de la Montagne au passé et au présent.
L'exemple des Alpes valaisannes
P138. Plus la croyance en un progrès inconditionnel et en un développement économique continu
s'affirme comme la vision légitime du monde, plus les montagnards apparaissent comme comme une
humanité en quelque sorte primitive, une survivance du développement linéaire de la civilisation.
P.139. La montagne est une justification et une défense d'un présent moderne et dynamique par
rapport auquel le passé serait la figure de la pénurie et ou moyen de rassurer sur les conséquences
d'un développement économique parfois autrancier par l'invocation d'une continuité avec le passé et
la tradition. Une telle déstructuration du passé revient finalement à s'interroger sur les enjeux actuels
de la tradition et de la modernité, du passé et du présent, dans le développement économique et
social de la montagne, et sur l'efficacité de la manipulation d'une telle image dans l'organisation des
réalités des populations de cette région.
La reconstitution de l'itinéraire historique de Kilani se découpe en 3 parties:
La première s'étend de la fin du 18ème siècle au milieu du 19ème. Cette période est celle de
l'exploration de la montagne par les voyageurs originaires de la ville. Le regard est donc celui des
citadins.
La deuxième période concerne une longue durée qui se situe entre 1850 et 1950. Durant
celle-ci, la montagne est soumise aux pressions réformatrices exercées principalement de la plaine.
La troisième période commence en 1950 et se prolonge jusqu'à notre époque. A travers le
développement de l'énergie hydro-électrique et davantage encore à travers l'industrie toursitque, les
vallées latérales s'insèrent effectivement et totalement dans la modernité de la société industrielle.
La montagne à la fin du 18ème siècle et au début de 19ème siècle: entre l'altérité et la
marginalité
Quand la nature ne détermine pas l'homme
La beauté des paysages vient s'ajouter à l'émerveillement de la découverte de sites insolites. On parle
alors de beautés riantes, de beautés sauvages, de beauté apocalyptique, de nature sublime, de ruines
majestueuses.
L'autarcie valaisanne s'explique par le fait que la popluation préfère s'éloinger du joug de
l'administration française plus qu'elle préfère un cloisonnement physique et une arriération morale.
Ce qui ressort des différents textes de l'époque, c'est l'absence d'une vision univoque de la nature et
de ses effets sur les montagnards. Autant pour certains auteurs la nautre peut-être tenue pour
responsable de l'isolement physique et donc de l'état de dégradation physique et morale du
montagnard, autant pour d'autres - et parfois pour les mêmes- l'isolement peut être la conséquence
d'un choix délibéré, donc l'affirmation d'une différence culturelle.
Le montagnard comme gardien de son altérité
On le perçoit comme honnête, intègre, bon, sobre... Si on s'en tient à toutes les descriptions qui sont
récoltées, on se doit de reconnaître leur validité certaine et constater que le personnage du
montagnard est complexe et dans ce ce sens difficilement réductible à la seule image nostaglique du
bon sauvage P.142
La montagne, une société relativement prospère
L'image de la montagne est donc une totalité culturelle complexe et souvent contradictoire.
La montagne, une totalité culturelle originale
En règle générale, on s'accorde à dire que la montagnard est amoureux de la liberté et s'oppose au
luxe comme au besoin factice. Par son style de vie, il apparaît comme attachant et empreint de
moralité et de générosité
Deux tendance vont se trouver face-à-face: la première revendique l'autarcie de cette nature primitive;
la seconde revendique une ouverture par des voies de communication.
La montagne entre 1850 et 1950
de la nature à la culture
Durant cette période, les changements culturels, économiques et sociaux sont légion. On assiste à
une réification et à une occultation croissantes de la réalité présente et passée du montagnard. Ce
dernier est perçu comme ayant abdiqué sa liberté face à une nature rude et indigente, laquelle aurait
réussi à le façonner presque entièrement à son image.
La pauvreté de la montagne comme un état de nature
La nature est belle, mais pauvre et indomptable. P.148. Rendre la nature responsable de la pauvreté,
c'est renforcer l'image de misère globale que l'on veut donner de la montagne... Livré à lui-même, et
ignorant les ressources potentielles dont il dispose, le montagnard doit, selon de Torrenté, implorer
le concours de forces nationales et étrangères....P.150. C'est donc à l'industrice et au développement
économique en général qu'il appartient, selon l'auteur d'éveiller l'intelligence naturelle et l'activité du
citoyen.
La sociabilité montagnarde: expression de pratiques primitives
La frugalité habituelle est occultée lors de fêtes religieuses ou lors de funérailles. Ce qui provoque le
mécontentemenent de bon nombre de gens de la plaine. On dit que le montagnard chercherait refuge
dans des croyances et des coutumes empreintes de religiosité naturelle. Il va à Dieu par une foi
sincère et profonde. La religion vient à son secours, l'encourage et le console, en lui disant que les
phénomènes de la nature sont dirigés par la Providence, que Dieu écoute la prière directe.
L'habitant de la montagne apparaît donc dans toute son arriération et toute sa sauvagerie.
Du constat de l'arriération au souci de l'intervention
Il apparaît donc clairement que le regard extérieur porté sur le montagnard est indissociable d'une
volonté d'intervention et de réformation... La prise en charge paternaliste fut considérée comme la
meilleure solution pour assurer le passage du montagnard d'un état arriéré à un état avancé...
L'idéologie du progrès constitue alors les différences qu'elle observe en des signes de manque et de
retard inhérents à la condition de ces régions. Tout se passe, dans le discours, comme si ce constat
de l'état dégradé de la montagne n'était pas lui-même le produit d'un regard extérieur et d'une
politique d'intégration dans la société globale.P154.
L'intervention réussie ou une nouvelle image du montagnard
Le montagnard change de statut: il accède à l'humanité et à la civilisationP.156. Le montagnard ne
devint une figure nationale qu'après une double transformation. La première s'est traduite par la
destruction avanceé de la société traditionnelle en général et l'avènement d'une société urbanisée et
industrielle, laquelle a fait naître un sentiment d'insécurité que seule une forte identification à un
modèle valorisé du passé pouvait apaiser; la seconde a concerné le montagnard lui-même qui, après
avoir été un être isolé, marginal et lointain, est devenu un paysan laborieux, attaché à ses traditions
grâce au travail de la terre. P.157
La montagne aujourd'hui, l'enjeu de la tradition
L'insertion dans l'économie de marché provoque l'abandon accéléré des cultures et de l'élevage, en
tant qu'activités principales, au profit d'un emploi salarié sur les sites hydro-électriques... On craint
qu'un trop grand arrivage de touristes ne corrompent finalement l'esprit même du montagnard, ce qui
justifie les réactions de certaines institutions comme l'Eglise.
Le passé comme critère d'évaluation du présent
Il faut lier de manière permanente et indissociable passé et présent, tradition et modernité... L'image
d'un passé statique, pauvre et réduit au strict nécessaire, devient le reflet fidèle et inversé d'un présent
dynamique, ouvert sur l'abondance et le bien-être. Le passage obligé d'une civilisation pastorale
misérable à une société technicienne d'abondance devient l'emblème de toute représentation du
changement.P.159
Une image apparemment contradictoire du passé
L'accroissement du bien-être et de la richesse pourra libérer les valeurs cachées qui ne trouvaient pas
à s'exprimer jusque-là et permettra de pratiquer le désintéressement et la générosité.. L'irruption de
la modernité aurait presque été une nécesssité pour que les montagnards découvrent leurs qualités et
puissent les goûter en toute quiétude. P.161
L'identité de la montagne prise entre tradition et modernité
Les autorités souhaitent que dasn l'explosion économique et sociale, le pays garde son caractère et
conserve son âme. On met sur pied des mesures de sauvegarde du patrimoine.
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Tigresse, Panthère, Lionne et les autres
Ou la passion de la vache en Valais
Il ne faut pas oublier que l'attrait de la montagne exerce sur le citadin depuis plusieurs siècles. Celuici y projette tour à tour sa nostalgie d'un univers sauvage, son désir de conquête et de domestication
de l'espace naturel.P.167
Motivations socio-culturelles
et centralité de la vache dans l'agriculture de montagne
Sans la présence de certains bovins, l'agriculture aurait très certainement disparu. Le rapport à la
terre de l'agriculteur à temps partiel est plus qu'un rapport de propriété et de conservation du
patrimoine foncier, il est le lien qui assure la continuité avec les anciennes générations et le lieu d'une
insertion toute actuelle à l'intérieur des collectivités locales ou régionales. Dans l'agriculture
accessoire, ce sont essentiellement des facteurs d'ordre qualitatif, comme la répartitions des t'âches
au sein de la famille, l'organisation du temps libre, la qualité des rapports entre les générations et les
inclinations personnelless qui assurent l'équilibre de l'exploitation P.169.
Les satisfactions personnelles et la sociabilité qui découlent de l'élevage de bovins sont privilégiées
au détriment de la recherche d'une augmentation du rendement laitier.
Gestes et paroles: la proximité avec la vache
La vache est un axe autour duquel s'organise les rapports sociaux ( in Ecole, différenciation entre les
sexes...)
Le bétail, pivot de la sociabilité
Il existe un code de politesse entre les hommes qui dicte à la fois leurs paroles et leurs gestes vis-àvis du bétail.P.176. ... Le bétail de la race d'Hérens constitue un prétexte à des relations
interpersonnelles intenses et riches
...L'alpage et les combats de reines:
lieu géométriques de la communauté
Le bétail tire également son importance des relations sociales qu'il contribue à mettre en place ou à
renforcer.P.188
Le combat de reines est un combat authentique et d'honneur. Il est imaginé comme une lutte âpre et
sans cesse recommencée, à l'image de la lutte du montagnard contre le déchaînement des forces de la
nature... Elles représentent tout à la fois l'idée de l'effort et de la conquête, de la persévérance et de
l'héroïsme, de la nécessité et de la liberté, au point d'un glissement s'effectue dans le discours et qu'à
son tour la race d'Hérens devient la métaphore du montagnard, du Valaisan.P.190
C'est parce qu'il synthétise un ensemble d'activités et d'attitudes qui débordent largement l'alpage et
l'événement proprement dit que le combat de reines acquiert une telle force métaphorique.P.192
12
La France et la voile islamique
Universalisme, comparaison, hiérarchie
Comparaison et hiérarchie:
les paradoxes de l'anthropologie
P.265 Il est nécessaire de considérer l'anthropologie à la fois comme une histoire et une praxis.
L'anthroplogie est une histoire dans le mesure où elle s'est constituée dès la fin du 15ème siècle en
Occident comme le disours qui parle des autres. Elle est une modalité particulière et moderne de la
relation historique que l'Occident ne cesse depuis d'entretenir avec les autres. L'anthropologie est
une praxis parce qu'elle relève de la temporalité propre à une civilisation, la civilisation occidentale.
Elle est la résultante d'un découpase géopolitique du monde, lui-même articulé et solidaire d'un
ensemble de représentations qui mettent en perspective, à travers leurs différentes transformations,
nous et eux. L'anthropologe moderne, telle qu'elle a commencé à se dessiner à la fin du 19ème, est
une mise à plat de la diversité dans le cadre du projet pargmatique d'évaluation et de contrôle des
hommes, des sociétés et de la nature, spécifique à la modernité naissante.
A partir de la fin du 18ème siècle en Occident, l'altérité a été arrachée à son étrangeté, parfois à son
irréductibilité pour être intégrée dans la temporalité propre à la civilisation occidentale, sous la forme
d'une diversité à la fois relative et mesurable. A partir de ce moment, l'altérité, de valeur et de
qualité,est devenue une différence, quantifiable et susceptible d'une logique descriptive. Elle est
devenue une fonction de la raison classificatrice qui répartit les diverse humanités et les diverse
temporalités selon la même échelle de ressemblances et de différences. c'est sur le socle de cette
raison taxinomique que repose l'universalité de la démarche anthropologique. C'est au nom de cette
raison qu'une civilisation particulière, la civilisation européenne, est devenue sinon toute la
civilsation, du moins la référence première pour penser toutes les autres, que l'histoire particulière est
devenue toute l'histoire de l'humanité.
L'appréhension de l'autre par le Nous relève d'un problème de perception. Elle procède d'une cécité
théorique et méthodologique du majoritaire, de celui qui parle, par rapport à ceux qui sont en
position minoritaire dans la culture globale. P.267
L'immigration maghrébine
et le modèle français d'intégration
Il est complexe de concilier les valeurs républicaines et laïques de la France avec les valeurs de la
culture d'origine des Maghrébins que l'on identifie massivement avec l'Islam. L'étranger doit
absoulment abandonner sa culture, sa religion ou sa langue, cad les signes de différence. Exgeant
uniquement la connaissance de la langue française, l'état laisse à la société civile le soin de digérer
les caractéristiques culturelles d'origine du nouveau citoyen. P.272
P.299 Il est en effet illusoire de croire qu'une position équilibrée dans la comparaison puisse surgir
de la règle méthodologique postulant que la vérité de la démarche scientifique est enracinée dans une
observation équitable et indifférente. Le fondement sur lequel repose l'anthropologie moderne - la
rhétorique du regard et la référentialité au terrain- ne suffit pas à garantir l'objectivité du regard de
l'anthropolgue sur l'autre. Même le regard le plus profond ne parle qu'en surface, car voir et être vu
ne constituent pas des réalités symétriques ou équivalentes. Autrement dit, il ne suffit pas
d'apprendre l'autre, il faut aussi poser les conditions de regard porté sur lui. Le problème le plus
épineux dasn le discours de l'anthropologue se résumerait ainsi à la question suivante: à partir de
quoi et d'où compare-t-il? Mais pour y répondre, il est nécessaire qu'il accède à sa propre identité et
qu'il se pose la question de savoir qui voit qui.
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