I N F O R M A T I O N S La cuisine italienne et les maladies cardiovasculaires ● M.L. Lachurie* lusieurs thèmes concernant la prévention cardiovasculaire ont été abordés à l’occasion d’une réunion de formation P médicale continue. PRISE EN CHARGE DE LA PRÉVENTION DES MALADIES CARDIOVASCULAIRES EN ÎLE-DE-FRANCE : PEUT-ON MIEUX FAIRE ? Le Pr Thomas de l’Institut de cardiologie de la Pitié-Salpêtrière a précisé la prise en charge de la prévention des maladies cardiovasculaires en Île-de-France. État des lieux Les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de décès en France (165 000 décès/an) avec 25 % de décès avant 75 ans et 16 % avant 65 ans. En Île-de-France, 20 500 décès/an sont dus aux maladies cardiovasculaires, essentiellement par cardiopathie ischémique et accident cérébrovasculaire. Trois femmes sur dix et un homme sur quatre meurent de cause cardiovasculaire. Les principaux facteurs de risque cardiovasculaire sont : – le cholestérol : un adulte sur cinq en France a un cholestérol > 2,5 g/l ; – l’hypertension artérielle (HTA) : 8 millions d’hypertendus ; – le diabète des types 1 et 2 : 1,8 million de sujets atteints ; – l’obésité, qui touche 7 à 10 % des adultes ; à noter une augmentation de la fréquence du surpoids chez l’enfant associée à un accroissement de la sédentarité ; – le tabac : 33 % de fumeurs, avec une stagnation du tabagisme, sachant que 30 % des enfants entre 10 et 15 ans ont déjà fumé ou fument. Intérêt de la prévention cardiovasculaire La prévention cardiovasculaire présente un intérêt majeur dont les bénéfices sont supérieurs aux progrès thérapeutiques : elle doit être systématique, intensive, multirisque, médicalisée. ● La prévention primaire doit être adaptée aux risques cardiovasculaires (nécessité de les identifier et de les médicaliser) : * Aubergenville. La Lettre du Cardiologue - n° 388 - octobre 2005 importance des messages communautaires de prévention, éducation et comportement de prévention (très important pour les jeunes). Il existe un important décalage entre les connaissances et la pratique : ● En prévention secondaire, en Île-de-France, après infarctus, les patients ont le plus souvent un bêtabloquant, de l’aspirine, une statine, un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC). Cependant, un tiers des patients continuent à fumer ; le LDL-cholestérol est supérieur à 1,3 g/l dans un tiers des cas ; HTA, diabète et surpoids sont mal contrôlés, la sédentarité est importante : la prise en compte des facteurs de risque cardiovasculaires est donc encore insuffisante. À l’avenir, il faudra développer la culture de prévention et un investissement au quotidien de l’ensemble des médecins sera nécessaire pour appliquer les recommandations des sociétés savantes, c’est-à-dire un travail d’information et de suivi du patient. DIABÈTE-LIPIDES : QUOI DE NEUF ? Le Pr Fruchart a détaillé les nouveautés sur le diabète et les lipides. On assiste à une augmentation du nombre d’obèses, car notre mode de vie n’est pas adapté à notre “génétique”. Le syndrome métabolique évolue le plus souvent vers le diabète, d’où l’importance majeure de la prévention et l’emploi de médicaments efficaces. L’étude CARDS (Collaborative Atorvastatin Diabetes Study) a été présentée. On sait que le diabète de type 2 est associé à une augmentation du risque cardiovasculaire. Le rôle des hypolipémiants, en particulier des statines, dans la prévention secondaire des maladies cardiovasculaires a été démontré. Par contre, l’efficacité et la tolérance des hypolipémiants en prévention primaire chez les patients avec un LDL-cholestérol bas n’ont pas été prouvées. Le but de CARDS était donc d’évaluer l’efficacité et la bonne tolérance de 10 mg/j d’atorvastatine versus placebo en prévention primaire des maladies cardiovasculaires chez les patients diabétiques de type 2 sans taux de cholestérol élevé. 17 I N F O R M A T I O N S Les critères d’inclusion étaient les suivants : diabète de type 2, âge entre 40 et 75 ans, homme ou femme, absence d’antécédent de maladie coronaire cérébrovasculaire ou d’artérite sévère des membres inférieurs, LDL-cholestérol < 1,6 g/l, triglycérides < 6 g/l, et la présence d’une hypertension, d’une rétinopathie, d’une micro- ou macro-albuminurie ou d’un tabagisme. L’HTA était définie par la prise d’un traitement antihypertenseur, pression artérielle systolique (PAS) > 140 mmHg ou pression artérielle diastolique (PAD) > 90 mmHg. Les critères de jugement primaires étaient la survenue d’un décès cardiaque, d’un infarctus non fatal – silencieux ou non –, d’une hospitalisation pour syndrome coronaire aigu, d’un arrêt cardiaque ressuscité, d’une revascularisation coronaire ou d’un accident vasculaire cérébral. Les critères de jugement secondaires étaient la mortalité totale et les paramètres lipidiques. Cette étude a porté sur 2 838 patients, avec un suivi chez plus de 99 % d’entre eux (figure 1). Les caractéristiques des patients étaient identiques dans les 2 groupes, avec un âge moyen de 61 ans, 32 % de femmes, 37 % d’obèses (IMC > 30 kg/m2), une pression artérielle moyenne à 144/83 mmHg, un tabagisme actif chez 22 % des patients. La tolérance du traitement ou du placebo a été bonne avec paradoxalement une augmentation des CPK plus élevée dans le groupe placebo (élévation des CPK à plus de 10 fois la normale chez 11 patients sous placebo et 2 patients sous atorvastatine). Le groupe traité atteint un LDL-cholestérol cible < 1 g/l dans 80 % des cas (figure 2). L’étude a été arrêtée prématurément devant une réduction de 37 % du risque d’événement cardiovasculaire majeur et de 48 % du risque d’accident vasculaire cérébral dans le groupe traité par atorvastatine (figure 3). En conclusion, quel que soit le taux de LDL-cholestérol en prévention primaire chez le diabétique de type 2, un traitement par atorvastatine 10 mg/j est bien toléré et prouve son efficacité en réduisant le risque d’événement coronarien et d’accident vasculaire cérébral. Proportion de patients avec LDL-c < 2,6 mmol/l (100 mg/dl) sous traitement Placebo Atorvastatine 100 80 60 (%) 40 20 0 Avant 3 mois 12 mois 24 mois 36 mois 48 mois Figure 2. Étude CARDS : proportion de patients avec LDL < 1 g/l. Effets du traitement Événement Placebo* Atorvastatine* Hazard-ratio Réduction de risque (IC) 127 (9,0 %) 83 (5,8 %) 37 % (17-52) p = 0,001 Événement coronaire aigu 77 (5,5 %) 51 (3,6 %) 36 % (9-55) Revascularisation coronaire 34 (2,4 %) 24 (1,7 %) 31 % (– 16-59) AVC 39 (2,8 %) 21 (1,5 %) 48 % (11-69) Critère primaire 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 * N (% randomisé) Atorvastatine Placebo Figure 3. Étude CARDS : réduction des taux d’événements sous atorvastatine à la fin du suivi. LA CUISINE ITALIENNE ET LE SYSTÈME CARDIOVASCULAIRE Recrutement et suivi 4 053 présélectionnés 3 249 (80 %) inclus 2 838 (70 %) randomisés 1 410 sous placebo 1 428 sous atorvastatine 10 mg/j 1 398 (99,1 %) de suivi 1 421 (99,5 %) de suivi Perdus de vue pour : mortalité 4 (0,3 %) morbidité 12 (0,9 %) Perdus de vue pour : mortalité 1 (0,1 %) morbidité 7 (0,5 %) Figure 1. Étude CARDS : nombre de patients inclus et taux de suivi. 18 M. Cocaul André (endocrinologue-nutritionniste) a exposé les conséquences cardiovasculaires de la cuisine italienne. La mortalité cardiovasculaire augmente avec la consommation de graisses saturées. Une enquête épidémiologique en 1948 en Crète montrait qu’un régime à base de légumes, de fruits, de légumes secs, de peu de viande et peu de poisson entraînait moins de mortalité cardiovasculaire. L’obésité augmente la morbidité cardiovasculaire ; elle devient un problème surtout en Italie du Sud où elle touche plus de 30 % des enfants avec une prévalence de diabète de type 2 de 6,7 %. Concernant l’HTA, la moitié des hypertendus n’est pas traitée et les hypertendus traités atteignent rarement les objectifs tensionnels. Il faut donc insister sur la diminution des apports en graisses saturées, sur l’intérêt des agents antioxydants et de la vitamine E, et sur la lutte contre ■ l’obésité et l’HTA. La Lettre du Cardiologue - n° 388 - octobre 2005