IMPACT TERRITORIAL SUR L’UNION EUROPEENNE DES EVOLUTIONS DANS LA REGION DE LA MER NOIRE TAD Agence – Territoires Aménagement Développement F-75012 Paris, 14, rue Moreau Téléphone: +33 1 43 43 27 50 e-mail: [email protected] Télécopie: +33 1 43 43 44 30 SOMMAIRE 1ERE PARTIE – DIAGNOSTICS ET TENDANCES 7 A La population de la Mer Noire : les enjeux démographiques 11 B Les économies des PMN 29 C Transports et infrastructures 81 D Problèmes environnementaux 111 E Aménagement du territoire et politique régionale 117 2EME PARTIE – IMPACTS, ENJEUX ET PERSPECTIVES 125 A Un scénario de référence pour l’évolution des pays de la Mer Noire 129 B Impacts économiques du scénario de référence à 2010 161 C Enjeux et perspectives 185 3 FIGURES Graphique 1 Evolution démographique comparée des PMN : Base 100 en 1950 12 Graphique 2 Population par âge / Perspective en % 16 Graphique 3 Perspectives d’évolution démographique des PMN : Base 100 en 1999 17 Graphique 4 Principaux groupes de ressortissants non nationaux en Europe 21 Graphique 5 Evolution de la population urbaine 27 Graphique 6 Les villes des PMN – Evolution démographique 1950-2015 (en milliers d’habitants) 27 Graphique 7 PNB / Habitant en 1999 en US Dollars Comparaison des PMN avec les Pays de l’Union Européenne, les PECO et les autres Pays de la CEI 32 Graphique 8 Evolution du PIB – Base 100 en 1999 35 Graphique 9 Part de la valeur ajoutée par secteurs du PIB 39 Graphique 10 Ecarts entre les PIB corrigés et les PIB pour chacun des PMN en 1999 45 Graphique 11 Evolution des échanges commerciaux dans les PMN : Base 100 en 1993 63 Graphique 12 Taux d’ouverture des PMN 64 Graphique 13 Part de chaque pays dans les échanges intra-PMN 65 Graphique 14 Evolution des échanges commerciaux entre l’Union Européenne et les PMN 66 Graphique 15 Taux de couverture 1993-1999 : PMN – Union Européenne 67 Graphique 16 Part des échanges avec les PMN pour chacun des pays de l’UE (1993-1999) 69 Graphique 17 Part des échanges avec l’UE pour chacun des PMN (1993-1999) 69 Graphique 18 Part de chaque PMN dans le flux total d’aides 73 Graphique 19 Répartition de l’aide mondiale aux PMN 73 Graphique 20 Part des pays de l’UE dans l’aide au PMN 73 Graphique 21 Evolution du trafic des ports du Danube 91 Graphique 22 Flux aériens de l’UE vers les PMN 93 Graphique 23 Flux aériens des PMN vers l’UE 93 Les principales filières clandestines qui traversent la France 25 Les liaison aériennes entre les différents aéroports des pays de la Mer Noire et la Moldavie, l’Ukraine, les 3 krai et oblast russes, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie 96 Les liaison aériennes entre les différents aéroports des pays de la Mer Noire et la Turquie, la Grèce, l’Albanie, la Bulgarie, la Roumanie, Chypre 97 Oléoducs et gazoducs en Mer Noire 103 Eléments pour l’organisation de l’espace EUROMERNOIRE Synthèse 192 4 TABLEAUX Tableau n° 1 Population totale en millions d’habitants et poids relatif 11 Tableau n° 2 Variations annuelles de population 14 Tableau n° 3 PIB / P.I.B. – P.P.A. /P.I.B. corrigé des PMN 30 Tableau n° 4 Evolution des revenus par habitant 33 Tableau n°5 Variations annuelles des emplois, de la population active et du chômage Tableau n° 6 49 Situation de la transition dans les PECO, les Etats Baltes et les Etats de la CEI 56 Tableau n° 7 Tonnage des marchandises transportées En millions de tonnes 84 Tableau n° 8 Transports ferroviaires voyageurs et marchandises 85 Tableau n°9 Marchandises chargées et déchargées dans les ports maritimes En milliers de tonnes 87 Tableau n°10 Scénario de référence – Hypothèse PIB 2010 En milliers USD 5 148 6 1ERE PARTIE DIAGNOSTICS ET TENDANCES 7 8 SOMMAIRE A LA POPULATION DE LA MER NOIRE : LES ENJEUX DEMOGRAPHIQUES 11 A.1 Une grande disparité des poids démographiques 11 A.2 Des écarts de croissance importante 13 A.3 Des changements structurels 15 A.4 Des perspectives contrastées 17 A.5 Les flux migratoires 19 A.5.1 Bref état des lieux des mouvements de population en Mer Noire 19 A.5.2 Les enjeux pour l’Union Européenne 22 A.5.3 Les pays sensibles de l’Union Européenne 23 A.5.4 Les flux interieurs 26 B LES ECONOMIES DES PMN B.1 Inégalités de développement 29 B.2 Accroissement et inégalités de croissance 34 B.3 La restructuration des économies 38 B.3.1 La restructuration sectorielle 38 B.3.2 Economie et restructuration institutionnelle 42 B.3.3 Restructuration ou crise sociale 49 Situation du processus de transition en Mer Noire 54 B.4.1 Signification et tendances 54 B.4.2 Situation de la transition selon les domaines 57 Union Européenne – PMN une integration moderée à forte 62 B.5.1 Les échanges commerciaux des PMN 62 B.5.2 Echanges commerciaux UE – PMN 66 B.5.4 Autres indicateurs d’intégration 74 B.5.5 Union Européenne – PMN : des niveaux d’intégration très différencies 76 B.4 B.5 29 C TRANSPORTS ET INFRASTRUCTURES C.1 Les transports 81 C.1.1 Des systèmes en mutation 81 C.1.2 Des réseaux et structures problématiques 84 C.1.3 Les corridors 98 C.2 81 Ressources et transport d’énergie 101 C.2.1 Problématique de l’énergie entre l’Union Européenne et les PMN 101 C.2.2 Profils énergétiques des PMN 102 9 D PROBLEMES ENVIRONNEMENTAUX D.1 Le système fluvial 111 D.2 Situation écologique de la Mer Noire 112 D.3 La contamination radioactive 114 D.4 Orientations stratégiques 115 E AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET POLITIQUE REGIONALE E.1 111 117 Les problèmes généraux d’aménagement du territoire et de politique régionale dans le bassin de la Mer Noire 118 E.1.1 L’héritage : centralisation / décentralisation 118 E.1.2 Les fragmentations et les divisions 119 E.1.3 L’aménagement du territoire et la cohésion 120 E.1.4 Les politiques régionales : des états d’avancement très inégaux 121 E.1.5 L’entité Mer Noire et la politique régionale 123 10 A LA POPULATION DE LA MER NOIRE : LES ENJEUX DEMOGRAPHIQUES A.1 Une grande disparité des poids démographiques Tableau n° 1 Population totale en millions d’habitants et poids relatif1 1999 Pop 1995 % Pop 1980 % % Pop % ALBANIE 3,4 1,3 3,5 1,1 1,8 2,7 0,9 ARMENIE 3,8 1,2 3,7 1,1 1,9 3,1 1,1 AZERBAIDJAN 8,0 2,4 7,3 2,2 3,8 6,2 2,1 BULGARIE 8,2 2,5 8,5 2,6 4,4 8,9 3,0 CHYPRE 0,8 0,2 0,7 0,2 0,4 0,6 0,2 GEORGIE 5,5 1,7 5,4 1,7 2,8 5,1 1,7 GRECE 10,5 3,2 10,5 3,2 5,4 9,6 3,2 MOLDAVIE 4,3 1,3 4,3 1,3 2,2 4,0 1,4 ROUMANIE 22,5 6,9 22,7 6,9 11,7 22,2 7,5 146,5 44,6 147,0 45 - 139 47,0 TURQUIE RUSSIE 64,4 19,5 62,6 18,6 32,3 44,5 15,0 UKRAINE 49,9 6,9 52,0 6,9 26,8 50,0 7,5 327,8 100,0 328,2 100,0 - 295,9 100,0 TOTAL PMN. Régions russes 12,5 - de la Mer Noire * Krasnodar - 5,2 * Stavropol - (2,9) * Rostov - (4,4) TOTAL2 - 1 2 193,7 100,0 Source Banque Mondiale Population des PMN-population de la Russie + population des 3 régions russes 11 - - Graphique 1 (Source :Nations Unies) Evolution démographique comparée des PMN : Base 100 en 1950 350 300 TURQUIE ARMENIE ALBANIE AZERBAIDJAN 250 MOLDAVIE CHYPRE P M N GEORGIE RUSSIE 200 GRECE ROUMANIE UKRAINE BULGARIE 150 100 1950 1960 1970 1980 1990 12 1995 1999 L’ensemble des PMN pèse en 1999, près de 328 millions d’habitants. On inclut toutefois dans ce chiffre la totalité de la population de la Fédération de Russie, soit 146,5 millions d’habitants. Si l’on s’en tient aux trois régions riveraines de la Mer Noire de la Fédération de Russie, Krasnodar, Rostov et Stavropol, on obtient près de 194 millions d’habitants. A titre de comparaison, le premier chiffre (328 millions) se mesure à celui de l’Union Européenne, ou encore à celui de l’Amérique du Nord (USA + Canada). Avec le second chiffre (194 millions), la zone « Mer Noire » se compare à l’Afrique du Nord -du Maroc au Soudan-, ou à la seule Indonésie ... Les chiffres globaux masquent cependant une grande diversité à l’échelle des pays. Deux pays ont une population supérieure à 50 millions d’habitants : la Russie 146.5 millions en 1999 et la Turquie : 64.4 millions ; l’Ukraine vient de passer en dessous de la barre des 50 millions. Quatre petits pays sont au dessous des 5 millions d’habitants. Si on ne prend en compte que les régions russes riveraines de la Mer Noire (12.5 millions d’habitants, plus que la Grèce), la Turquie représente le tiers de la population riveraine et la Fédération de Russie : 6.5%. A.2 Des écarts de croissance importante On observe deux phases distinctes : 1. De 1980 à 1990 L’ensemble des PMN se caractérise par une croissance modérée. Les croissances les plus fortes concernent les pays musulmans de la Mer Noire : Turquie, Albanie et Azerbaïdjan auxquels se joint l’Arménie. Le Caucase est une zone de croissance démographique. Les croissances de l’Ukraine et de la Roumanie sont faibles. La Bulgarie connaît, dès cette période, une diminution de sa population. 13 Tableau n° 2 Variations annuelles de population Variations annuelle en % 1980-1990 1990-1999 1995-1999 Albanie 2,1 0,3 -0,70 Arménie 1,4 0,8 2,00 Azerbaïdjan 1,5 1,2 2,60 -0,2 -0,7 -0,80 - - 1,10 Géorgie 0,7 0,0 0,00 Grèce 0,5 0,4 0,40 Moldavie 0,9 -0,2 0,00 Roumanie 0,4 -0,4 -0,20 Russie 0,6 -0,1 -0,07 Turquie 2,3 1,5 0,80 Ukraine 0,2 0,3 -1,00 - - -0,03 Bulgarie Chypre PMN 2. De 1990 – 1999 La population des PMN n’a que légèrement diminué mais cette baisse globale cache des disparités importantes selon les pays considérés : n Les PMN qui poursuivent leur croissance antérieure : la Turquie avec un rythme qui va en se ralentissant, Chypre, les pays du Caucase : Azerbaïdjan et Arménie mais avec il est vrai, des flux importants dus aux déplacements engendrés par les conflits des 10 dernières années. n Les PMN qui poursuivent leur déclin démographique structurel : c’est le cas de la Bulgarie. n Les PMN qui connaissent une inversion de tendances, passant d’une évolution antérieure à croissance modérée ou faible à une baisse de leur population, c’est le cas de la majorité des ex-pays de l’Est ou de l’ex-URSS : Moldavie, Roumanie, Russie, Ukraine et Albanie, dans ce dernier cas la chute est spectaculaire en raison de la violence des conflits et des troubles. n Les PMN qui connaissent, pour des raisons très différentes, une quasi stabilité démographique : La Grèce et la Géorgie. Les PMN n’ont pas connu de véritables ruptures démographiques. La croissance était déjà modérée antérieurement aux événements qui se sont succédés à partir de 1990, mais on observe cependant,, une sensible inflexion à la baisse qui traduit à la fois l’impact négatif des 14 évènements politiques sur les mouvements de population et l’évolution négative dûe aux structures démographiques elles-mêmes. La zone des PMN est donc une zone de faible pression démographique qui comprend quelques zones de croissance (Turquie) mais aussi de vastes zones dépressives (Russie, Ukraine). A.3 Des changements structurels n On observe une chute de la nuptialité, s’accompagnant d’une baisse importante de la natalité. En Bulgarie et en Roumanie, par exemple, les taux de nuptialité ont chuté respectivement de 40% et 13,3% entre 89 et 94. Des situations incertaines en termes d’emploi expliquent sûrement des attitudes d’attente ou même de rejet s’agissant de la constitution d’une famille ; la natalité s’en ressent nécessairement, avec une baisse très significative des taux de fécondité. La Bulgarie, avec un taux de 1,4 enfant par femme, est très en-dessous du taux qui assurerait une reproduction nette de la population. Seule la Grèce avait entamé depuis longtemps un processus de baisse de la fécondité, comme la plupart des autres pays de l’Union Européenne. n Jusqu’en 1990, la Grèce et la Bulgarie présentaient des taux de fécondité inférieurs au taux de reproduction (2.1). En 1995, seuls 4 PMN sont au-dessus de ce seuil : Albanie, Azerbaïdjan, Turquie et Chypre. Par contre, connaissent des taux très faibles risquant d’hypothéquer leur futur démographique : Russie (1.35), Grèce et Ukraine (1.38), Roumanie (1.4), Bulgarie (1.45) ; Cependant, tous les PMN ont connu une évolution négative de leur fécondité entre les deux périodes. Il en résulte des taux de natalité en forte chute, et seuls trois pays ont des taux largement inférieurs à 20‰ : l’Albanie, l’Azerbaïdjan et la Turquie. Pour tous les autres le taux de natalité est proche de 10‰. 1. Diminution de la croissance naturelle Cette baisse de la natalité confrontée à des taux de mortalité en hausse, explique des évolutions naturelles négatives : Bulgarie, Roumanie, Ukraine et Russie. L’espérance de vie diminue pour les hommes dans plusieurs pays entre 1989 et 1995 : en Bulgarie elle régresse de 68,2 ans à 67,3 de 1985 à 1994, de 66,8 à 65,9 en Roumanie : les perturbations que connaissent alors les systèmes de santé ne sont pas étrangères au phénomène ainsi que les accroissements de la mortalité dues aux accidents de la route, les suicides, les homicides, les victimes des nombreux conflits armés…. 15 2. Vieillissement de la population En 1995, en considérant comme “jeunes” les PMN où la proportion de la population avait entre 0 et 25 ans, on observe les cas de la Turquie (52.5%), de l’Albanie et de l’Azerbaïdjan. Les pays « vieux », ceux où la proportion de la population des 65 ans et plus dépassent – 15%, étaient représentés par la Grèce (17.1%) et la Bulgarie (15.4%). L’évolution 1995-2015 est marquée par un vieillissement très net de la population, concernant tous les PMN, sans exception. Seule la Turquie aura une population jeune (0-24 ans >40%) par contre les pays vieux (65 ans et plus >15%) comprendront, en plus de la Grèce et de la Bulgarie, l’Ukraine et la Roumanie. Graphique 2 (source : Banque Mondiale) : Population par âge / Perspective en % Russie 2015 Russie 1995 Géorgie 2015 Géorgie 1995 Azerbaidjan 2015 Azerbaidjan 1995 Arménie 2015 Arménie 1995 Ukraine 2015 Ukraine 1995 Moldavie 2015 Moins de 15 ans Moldavie 1995 De 15 à 64 ans Plus de 65 ans Turquie 2015 Turquie 1995 Chypre 2015 Chypre 1995 Roumanie 2015 Roumanie 1995 Bulgarie 2015 Bulgarie 1995 Grèce 2015 Grèce 1995 Albanie 2015 Albanie 1995 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 16 70% 80% 90% 100% A.4 Des perspectives contrastées Graphique 3 (Source :Nations Unies) Perspectives d'évolution démographique des PMN : Base 100 en 1999 130 125 TURQUIE 120 ALBANIE AZERBAIDJAN CHYPRE 115 MOLDAVIE ARMENIE 110 GEORGIE PMN GRECE 105 ROUMANIE UKRAINE BULGARIE 100 RUSSIE 95 90 1999 1. 2010 2025 La baisse simultanée de la nuptialité et de la fécondité dans certains pays, notamment dans ceux de l’Europe de l’Est, entraînant celle de la natalité, la mise en perspective des trajectoires démographiques de chacun d’entre eux ne peut évidemment qu’accentuer les contrastes et accroître les différences : apparaît clairement l’émergence d’un « géant démographique » : la Turquie, pendant que diminuent les populations de Bulgarie, Roumanie, Ukraine et Russie. Dans l’un et l’autre cas, les enjeux seront certes opposés, mais ils concerneront la prise en charge des classes d’âge « dépendantes », les plus jeunes d’un côté, les plus âgées de l’autre ... 2. Trois pays poursuivent leur dynamisme démographique :la Turquie, l’Albanie et l’Azerbaïdjan. La Turquie, surtout, qui croît de plus de 22% de 1995 à 2010, et 41% à l’horizon 2025, pour atteindre 82 millions d’habitants. Ce chiffre placerait la Turquie au second rang en Europe, après la Fédération de Russie, mais avant l’Allemagne, qui serait entrée dans une phase de baisse démographique. Ces prévisions établies par les Nations-Unies tiennent compte d’une inflexion prévisible de la croissance démographique, du fait d’une inévitable baisse de la natalité, allant de pair avec le progrès social : elles s’appuient sur un taux de croissance de 1,62 pour la période 90- 17 95 et de 1,39 pour 95-2000. Or, le recensement turc de novembre 1997 révèle certes une décrue de la natalité, mais un taux qui se maintient à 1,9% au lieu du 1,55% attendu ...Quoi qu’il en soit, l’arrivée en âge de fécondité de classes d’âges plus nombreuses compensera longtemps encore la baisse de la natalité : la Turquie gagne un million d’habitants chaque année, et, à ce rythme, c’est 75 millions d’habitants qu’il faudrait prévoir en 2010, et 90 millions en 2025 ... L’Azerbaïdjan verrait sa population croître de 12,5% d’ici 2010, et de 29% à l’horizon 2025. En valeur absolue, le gain serait de près de 2 millions d’habitants en 30 ans. Enfin l’Albanie, malgré la chute de sa natalité à partir de 1990, continue d’afficher des gains de population : plus 25% -d’ici 2025. A ces trois pays, on pourrait adjoindre Chypre dont le dynamisme démographique reste soutenu. 1. Géorgie et Moldavie maintiendront leur population actuelle comme la Grèce, avec cependant sur le long terme, une légère diminution. 2. Quatre pays entrent dans une phase de baisse démographique. : la Bulgarie, la Russie, la Roumanie et l’Ukraine perdent déjà des habitants, et ce depuis le début des années 90. La tendance se poursuit jusqu’en 2025, à des rythmes situés entre 0,30 et 0,50% par an. Dans ces conditions, l’Ukraine perdrait près de 5 millions d’habitants à l’échéance 2025, la Bulgarie plus d’un million, la Roumanie plus de deux. Quant à la Fédération de Russie, elle perdrait au total 14 millions d’habitants. Il est difficile de situer la part des régions de la Mer Noire dans cet ensemble, sachant qu’elles sont l’objet de phénomènes migratoires positifs importants et éminement fluctuants. De tels phénomènes peuvent d’ailleurs affecter l’ensemble de la région, qu’ils soient internes à chaque pays ou externes, les causes majeures étant l’exode rural, puis les conflits à base ethnique. Ainsi, si on considère les enjeux démographiques en Mer Noire, du seul point de vue des facteurs naturels, il apparaît que le Bassin de la Mer Noire va constituer une zone de dépression démographique à l’exception notable de la Turquie. Il faut s’attendre aux conséquences habituelles à ce genre de situation : alourdissement des charges publiques pour assurer la satisfaction des besoins d’une population âgée de plus en plus nombreuse, perte de vitalité, perte de dynamisme, affaiblissement du goût d’entreprendre, faible créativité, tendance au conservatisme, aux attitudes sécuritaires. Par ailleurs, il apparaît que ce n’est pas la pression démographique liée aux facteurs naturels qui pourra être le moteur des flux émigratoires. 18 A.5 Les flux migratoires A.5.1 Bref état des lieux des mouvements de population en Mer Noire La grande diversité, ethnique et linguistique, du Caucase et de la Transcaucasie, la présence encore actuelle de minorités russes dans les Républiques devenues indépendantes, les incessants remodelages de frontières intervenus dans les Balkans au cours de l’histoire, y compris la plus récente, font resurgir, depuis la fin de l’Union Soviétique et de l’Europe socialiste, des risques de conflits soit entre Etats, soit à des niveaux infra-nationaux avec, pour conséquences, de possibles déplacements de population ou la reprise de mouvements migratoires. La Région de la Mer Noire est loin d’avoir retrouvé une situation de calme politique et de « calme démographique ».De fait, la région de la Mer Noire inclut à peu près tous les types de migrations : 1. Les migrations liées à l’histoire, celles qui correspondent à l’établissement ancien de populations dans des territoires où elles sont minoritaires. Les modifications dans les rapports entre populations au sein d’un même territoire entraînent le départ, ou plus exactement le retour, de ces populations dans leur pays d’origine, même si cette origine remonte à plusieurs siècles ... Il y a en quelque sorte comme le « vidage » d’un réservoir de population qui ne s’estime plus chez elle, ou qui n’est plus jugée « chez elle » et qui retourne ou qui est autorisée à retourner « au pays », « à la maison » ... Pour la région de la Mer Noire, c’est le cas des Grecs « pontiques » installés depuis l’Antiquité autour de la Mer Noire, mouvement amplifié par l’époque byzantine qui retournent en Grèce, des russes et des ukrainiens implantés dans les républiques non slaves de l’URSS, notamment les républiques caucasiennes, qui retournent dans la « Maison Russie ».. ou l’Ukraine, voire des « Auslieders », allemands implantés depuis plus de deux siècles en Russie, qui retournent en Allemagne. 2. Les migrations « structurelles », liées aux inégalités dans les croissances démographiques et économiques. 3. Les migrations conjoncturelles, celles liées à des conflits en cours : a. Le Caucase et Transcaucasie sont la première zone de la région Mer Noire où sont apparus ces types de phénomènes. « Le Caucase » est une montagne de langues », selon l’écrivain franco-géorgien Georges Charachidze. Cette observation indique assez la multiplicité ethnique de cette région, et peut expliquer en partie l’abondance des conflits qui la marque aujourd’hui. Le plus important a concerné l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabagh. Dès le début du conflit, les Arméniens ont quitté les parties du territoire azéri où 19 ils étaient présents, notamment après les émeutes de Sumgaït. Ils sont retournés en Arménie, mais plus fréquemment ils sont allés grossir leurs diasporas de l’étranger. Puis plus d’un million d’azéris ont été déplacés à l’intérieur de l’Azerbaïdjan, essentiellement vers Bakou, en situation de grande précarité. Les deux pays sont toujours en état de guerre, même si celle-ci se limite pour le moment à quelques escarmouches. Les négociations piétinent. Le problème n’est pas résolu et peut à tout moment retourner au conflit violent. b. La Géorgie abrite de nombreuses minorités : Abkhazes et Ossètes au nord du pays, Adjars à l’ouest sur la frontière turque, arménienne en Djavakhetie. Trois d’entre elles constituent des régions autonomes, même si celle d’Ossétie du Sud a été officiellement dissoute. Le conflit entre le gouvernement central et l’Abkhazie a provoqué, de part et d’autre du fleuve Ingouri des déplacements de populations, essentiellement des Géorgiens désormais réfugiés à Tbilissi (200 000 environ). Aucune solution apparente ne semble être actuellement donnée à leur statut de réfugiés précaires. c. L’Albanie est devenue, parmi les PMN, le plus grand émetteur actuel de « personnes déplacées » : 500 000 personnes environ ont quitté le pays pour la Grèce au cours des dernières années, plus ceux qui ont gagné, clandestinement ou pas, l’Italie et d’autres pays de l’Union Européenne. Le conflit du Kosovo a grossi les flux de kosovars d’origine albanaise et d’albanais d’Albanie, fuyant les violences accrues et la pauvreté grandissante, liées au conflit dans leur pays. Compte tenu de sa structure démographique, on peut prévoir que l’Albanie détiendra pour longtemps encore des « réserves » de migrants, sa population d’âge actif devant croître de 300 000 personnes d’ici 2005 et 600 000 d’ici 2015. 20 d. La Turquie Graphique 4 (Source : EUROSTAT) Principaux groupes de ressortissants non nationaux en Europe Turquie Ex-Yougoslavie Italie Maroc Portugal Algérie Irlande Grèce Espagne Royaume-Uni Etats-Unis Pologne Allemagne France Tunisie 0 1. 500000 1000000 1500000 2000000 2500000 3000000 La Turquie a été, dans les années 70 et 80, un émetteur important de migrants vers l’Europe, notamment l’Allemagne, et, dans une moindre mesure, la France, l’Autriche et la Suède. Cette vague a concerné près de 3 millions de personnes, dont une forte proportion originaire de l’est du pays, mais pas uniquement. Aujourd’hui, la voie « officielle » de l’émigration paraît tarie, du fait des barrières mises en place aux portes de l’Europe, mais l’immigration clandestine ne cesse de se développer. Certes la croissance économique intérieure et l’absorption par les villes d’importants quotas de migrants a pu présenter une alternative interne à la forte croissance de la population active ; mais cette croissance n’est pas terminée : les gains globaux d’actifs seront de l’ordre de 15 millions de personnes d’ici 2015 et il demeure 45% des emplois dans le secteur agricole (9 millions) : une telle situation fait de la Turquie un géant potentiel de l’émigration, même si l’on considère que la question kurde peut désormais être résolue par des voies négociées. Cependant, les politiques ambitieuses de développement menées par le gouvernement turc dans le sud-est du pays ont contribué d’une part à regrouper la population rurale kurde, mais aussi à susciter de nouveaux flux migratoires vers l’Europe. La Turquie a connu un autre flux de population, plus discret et de moindre envergure, celui des retours des bulgares musulmans d’origine turque. On 21 estime entre 250.000 et 300.000 ce flux de retour, mais il reste encore près d’un million de musulmans en Bulgarie. Il apparaît nettement que la conjonction de ces différents types d’émigrations, même si les migrations historiques finissent par s’amenuiser et s’épuiser d’elles-mêmes, fait de la région de la Mer Noire, un véritable creuset migratoire. A.5.2 Les enjeux pour l’Union Européenne « Un Arc de crise bordant l’Europe ? » Il s’agit bien, en effet, d’une zone de turbulences longeant le versant sud-est de l’Union Européenne où la Grèce occupe une position centrale. La crainte a été plusieurs fois exprimée d’un « afflux massif de migrants venant de l’Est », soit à la faveur de l’élargissement de l’Union Européenne, soit du fait de troubles motivant un exode durable, soit enfin du fait de l’existence de « surplus démographiques » inabsorbables localement. Les facteurs d’émigration liés à la conjoncture politique et aux pressions démographiques doivent cependant être relativisés : « l’élargissement de l’UE ne devrait pas déclencher de vague d’émigration à long terme », selon un rapport de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM Genève, janvier 1999). Il est en effet apparu qu’à conditions de vie sinon égales, mais avec pour le moins des perspectives similaires, les habitants des pays susceptibles d’intégrer l’UE souhaiteraient très majoritairement demeurer là où ils sont. L’émigration n’a jamais été, dans les faits, une vocation, pas davantage en Europe de l’Est qu’ailleurs. Dans le cas des PMN se sont surtout les dysfonctionnements des économies qui sont la cause essentielle des mouvements de population de longue durée. Ainsi : 2. En Arménie, c’est la chute brutale de la production des années 91-94 qui a conduit un nombre important d’Arméniens à émigrer vers l’Europe et les Etats-Unis. Le mouvement s’atténue dès le retour à la stabilité, à la reprise économique, mais reprend dès qu’il y a crise. C’est le cas actuellement compte tenu des énormes difficultés de l’économie arménienne. Les statistiques officielles avancent une population de 3.8 millions d’arméniens alors que des sources « officieuses » l’estime entre 2.5 et 3 millions…la situation arménienne est véritablement dramatique. 3. En Albanie, pays ayant de forts potentiels liés à ses ressources naturelles (agriculture, énergie, tourisme) c’est avant tout la désorganisation de la production qui est à l’origine des flux migratoires tels que ce pays, où la vitalité démographique est forte risque, en fin de compte, d’aboutir à une population stagnante et vieillie. 22 4. En Russie, en Ukraine, en Moldavie, en Roumanie, en Bulgarie, plusieurs facteurs interviennent comme facteurs d’émigration mais c’est avant tout la « désespérance économique qui pousse les citoyens à quitter leurs pays ; la pression démographique sur ce plan est inexistante. 5. En Turquie, plusieurs tendances sont à l’œuvre qui font de ce pays le seul qui pose réellement problème, en bordure de l’Europe. Le problème fondamental est celui de l’emploi. La population turque en âge d’activité passera de 39 millions de personnes en 1995 à environ 54 millions en 2015, soit un gain total de 14 millions d’actifs en 20 ans. On mesure l’ampleur du défi posé à ce pays, avec la présence encore effective de 9 millions d’actifs dans l’agriculture. La Turquie n’est plus, « l’homme malade » de l’Europe. Sa croissance économique atteint des rythmes inconnus au sein de l’Union Européenne, même chez les plus performants d’entre ses membres. Cela sera-t-il suffisant pour donner un emploi à tous les actifs arrivant sur le marché du travail au cours des vingt prochaines années ? C’est une des grandes questions posées à ce pays et, par voie de conséquence, à l’Union Européenne, son principal partenaire économique. La crise actuelle que connaît la Turquie ne fait qu’aggraver cette situation de déséquilibre actifs/emplois et par là d’alimenter les flux de clandestins. A.5.3 Les pays sensibles de l’Union Européenne Du fait de la libre circulation des personnes au sein de l’Union Européenne, en particulier les pays liés par les accords de Schengen, tous les Etats de l’UE sont concernés par le problème de l’émigration, mais plus ou moins intensément et par des flux d’origines différentes. Dans le cas des PMN, les pays les plus concernés sont l’Allemagne, l’Autriche, la Grèce, l’Italie, c’est à dire les plus proches géographiquement . 1. L’Allemagne La présence de près de 4 millions d’étrangers en Allemagne, est source de litiges et de frictions tant à l’intérieur du pays lui-même qu’avec les principaux pourvoyeurs de main d’œuvre clandestins, au premier rang desquels la Turquie. La reconnaissance éventuelle d’un droit du sol pour toute personne née en Allemagne de parents travaillant dans le pays devrait entraîner la naturalisation de près de deux millions d’étrangers. L’Allemagne a également dû faire face à un retour de personnes d’origine allemande au titre, cette fois, du « droit du sang », seul reconnu jusqu’à présent dans ce pays et en provenance notamment de Russie, et de Roumanie. Ce dernier pays pose de sérieux problèmes à l’Union Européenne du fait de son incapacité à relancer son économie : 500 000 personnes auraient ainsi quitté le pays depuis 1991, surtout en direction de l’Allemagne et l’Autriche. L’incertitude est donc grande, sachant que la population roumaine d’âge actif (15-64 ans) sera stable jusqu’en 2015 (autour de 15 millions). 23 2. L’Autriche L’Autriche se sent particulièrement exposée aux flux migratoires en provenance des pays de l’Est ou des pays pour lesquels les PECO font partie de la chaine émigratoire, ce qui est le cas de la majorité des PMN. Selon une analyse de l’Institut Economique de Vienne (WIFO)3 quelque 5.2 millions d’étrangers vivent suffisamment près de la frontière pour être tenté de chercher du travail en Autriche tout en continuant à habiter chez eux. L’institut estime que le nombre de personnes qui afflueraient sur le marché autrichien dans les cinq premières années après l’adhésion de leur pays à l’UE, vers 2005 oscillerait entre 150 000 et 200 000 en cas de libération immédiate de la circulation des personnes. 3. La Grèce La Grèce, pays d’émigration jusque dans les années 70, est devenue, à la fin de cette décennie, pays d’accueil : 500 000 Albanais y auraient trouvé refuge, avec un pic des entrées en relation avec la crise de 1997. Mais d’autres migrants paraissent utiliser le territoire grec comme « tremplin » ou « entonnoir » vers le reste de l’Union Européenne, en particulier les Kurdes et les Asiatiques du sud-est (Philippins, Sri-Lankais). La Grèce a, pour l’instant, bien accueilli ces nouveaux arrivants. Son propre développement lui permet de faire face à un flux qui compense, dans l’immédiat, ses déficits de main d’oeuvre. Rien n’indique cependant que ce comportement se poursuive, si un chômage élevé devait un jour la concerner. Il faut ajouter que de nombreux migrants albanais sont héllénophones, tout comme les Grecs « pontiques » rentrés de pays de l’ex-URSS de confession orthodoxe. Ce qui se dessine actuellement en Grèce, c’est l’accueil de deux types de flux migratoires : les flux « définitifs » ceux pour lesquels la Grèce est la destination finale, c’est le cas par exemple des migrants pontiques et albanais et des flux de transit, le territoire grec servant d’espace de transit maritime et continental vers l’Europe occidentale. L’origine de ces flux, qui vont croissant est très large, on remarque un nombre important de kurdes. La Grèce devient au Sud-Est de l’Europe une place tournante des flux migratoires clandestins. 4. L’Italie Avec plus de 7000 Km de côtes, l’Italie reste le point d’entrée le plus accessible de l’Europe. L’afflux des émigrants maghrébins dans un premier temps a amené l’Italie à afficher une ligne plus dure en matière d’immigration clandestine. Pour la seconde vague migratoire : turcs, chinois, kurdes irakiens, et surtout albanais, l’Italie est à la fois terre de transit et terre d’accueil. Il est difficile de donner des chiffres précis sur l’émigration clandestine mais si on en juge par les demandes de régularisation, celles-ci étaient de 250 000 en Italie (400 000 en Grèce, mais 90 000 en France) ce qui illustre l’importance de la pression migratoire sur l’Italie, notamment en provenance d’Albanie et des zones kurdes de Turquie. 3 Cité par le journal le Monde du 22.09.98 24 5. La Russie C’est un cas un peu particulier. La Russie est pays d’accueil. Il s’agit surtout de Russes installés dans les ex-républiques socialistes et effectuant leur retour « au pays ». Dans le même temps, la Russie est dans un processus de diminution de sa population totale (moins 10 millions à l’horizon 2015) et de sa population active (moins 4 millions) . Dans la configuration d’une économie qui se redresse et qui progresse, la Russie pourrait faire face à d’importants retours de ses propres émigrés dans le cas contraire,... Source: Le Monde En conclusion à long terme, on se trouve face à deux phénomènes apparemment contradictoires : 6. selon le Bureau International du Travail (BIT) « les mouvements de biens et de capitaux entre pays riches et pauvres ne seront pas suffisamment importants pour compenser la pénurie d’emplois dans les pays pauvres. La destabilisation des sociétés causée par les restructurations économiques poussera davantage de personnes hors de leur communauté d’origine et les incitera à chercher du travail à l’étranger ». 7. D’autre part, des perspectives de soldes migratoires reposant sur les seuls facteurs démographiques font apparaître une évolution des soldes migratoires pour l’ensemble des PMN qui tendrait vers zéro à l’horizon 2015. 25 Cette apparente contradiction est significative. Elle indique qu’en ce qui concerne les PMN le moteur principal des migrations n’est pas la pression démographique mais le niveau inégal des économies et des niveaux de vie. A.5.4 Les flux interieurs En 1990, populations urbaines et rurales sont proches de l’équilibre à l’exception de deux pays : l’Albanie, encore fortement rurale, et la Russie, déjà très urbanisée. A l’horizon 2010, deux grands groupes de pays apparaissent : ceux dont la population urbaine représente les trois quarts et plus de la population totale et ceux dont elle avoisine les deux tiers. Dans le premier groupe figurent la Russie, avec l’Arménie, la Bulgarie, l’Ukraine, et la Turquie, qui connaît un processus d’urbanisation extrêmement rapide. Tous les autres pays figurent dans le second groupe à l’exception de l’Albanie officiellement à dominante rurale. Ce schéma demeure pratiquement le même jusqu’en 2025. Ce qui change dans certains pays, c’est la part des villes en valeur absolue et avec elle l’émergence d’une question urbaine, donc d’enjeux territoriaux importants. Toutes les grandes unités urbaines ont connu une croissance soutenue jusqu’en 1990, y compris dans les ex-pays socialistes. Nombre d’entre elles ont doublé, voire triplé leur population en l’espace de 40 ans. Ce rythme chute à partir de 1990, pour devenir proche de zéro. Un tel phénomène n’est que le reflet d’une évolution générale déjà mentionnée, et la fin du processus de concentration urbaine dans les plus grandes villes. Deux pays font cependant exception : l’Azerbaïdjan et la Turquie. Bakou a vu sa croissance ralentir jusqu’à environ 1%/an actuellement, mais elle s’accélère de nouveau à 1,5% à partir de 2000. Bakou conserve toutefois d’une dimension « supportable » avec 2,3 millions d’habitants en 2015. Les villes turques ont connu des taux de croissance exceptionnels jusqu’au début des années 80 (jusqu’à 7% par an pour Adana ...). Cette croissance s’est ralentie, mais reste élevée (plus de 3% par an en moyenne). Elle devrait se stabiliser autour de 1% vers 2015. En chiffres absolus, Istanbul est devenue la plus grande ville d’Europe (9,4 millions d’habitants) devant Paris. Elle devrait dépasser 12 millions en 2015. 26 Graphique 5 (Source : Banque Mondiale - PNUD) Evolution de la population urbaine 90 80 1990 2025 % de la population urbaine 70 60 50 40 30 20 10 0 Russie Bulgarie Grèce Géorgie Turquie Moldavie Graphique 6 (Source : Banque Mondiale et divers) Les villes de PMN - Evolution démogarphique 1950 - 2015 (en milliers d'habitants) Lvov Kichinau Rostov Odessa Donetsk Sofia Salonique Gaziantep 1950 1970 Yerevan 1990 Tbilissi 2000 2015 Dnepropétrouk Kharkov Adana Burça Bucharest Baku Kiev Athènes Izmir Ankara Istanbul 0 1 000 2 000 3 000 Milliers d'habitants 27 4 000 5 000 6 000 Une telle croissance pose évidemment d’énormes problèmes d’équipements et de logement, auxquels s’ajoutent les difficultés du site (franchissement du Bosphore, notamment). Toutes les grandes villes turques souffrent des mêmes problèmes : faiblesse des systèmes de transports en commun, étalement extrême des aires urbaines en raison d’une pénurie de logements collectifs, pollutions en tous genres. On peut toutefois envisager une résorption à moyen terme de ces problèmes, compte-tenu d’une stabilisation progressive de la croissance urbaine à des taux plus modestes. Mais cette perspective ne paraît prendre en compte que de manière faible le réservoir considérable de migrants potentiels que constituent, les populations rurales de Turquie. Ainsi, sauf pour l’Albanie et la Turquie, les migrations internes, des campagnes vers les villes, ne devraient connaître qu’une ampleur limitée. Dans la mesure où les villes, notamment les grandes, servent de base de départ vers l’étranger, le ralentissement des migrations internes va dans le sens du freinage des flux émigratoires. Cependant la persistance de la crise économique et des conflits régionaux qui frappe durement les zones rurales risquent d’alimenter le flux des ruraux vers les villes et par là les pressions à l’émigration. 28 B LES ECONOMIES DES PMN B.1 Inégalités de développement 1. Une contribution modeste et diminuée à la production mondiale En 1999, le Produit National Brut (PNB)4 des PMN représentait près de 2,6% du produit mondial. contre 5,6% de la population mondiale. Le poids économique des PMN est inférieur à son poids démographique par rapport à l’ensemble mondial, ce qui indique pour la région un relatif retard de développement. Le PNB des PMN en 1999, c’est un peu plus que le PNB du Brésil (743 millions d’USD) ou la Chine (960 millions d’USD). Il est nettement inférieur au PNB des principaux états européens : Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie. Cependant, il est supérieur d’un peu plus du tiers au PNB du bloc arabe (Maghreb, Proche-Orient et péninsule arabique). En termes d’enjeux, il est intéressant de noter que le PNB des PMN et le PNB des pays européens non-membres de l’UE et non inclus dans les PMN5 sont à peu près égaux (760 millions d’USD). 4 5 A l’hétérogénéité des sources statistiques, en dépit des efforts de normalisation effectués par les institutions internationales, s’ajoutent les absences complètes de données pour certains territoires, ainsi : la Transnistrie pour la Moldavie, l’Abkhazie pour la Géorgie, Chypre-Nord, les territoires azéris sous contrôle arménien, etc ... Pays Baltes, Croatie, Hongrie, Islande, Norvège, Pologne, , Slovaquie, Slovénie, Suisse, République Tchèque 29 Tableau n° 3 PIB / P.I.B. – P.P.A. /P.I.B. corrigé des PMN En millions USD PIB 1990 PIB 1996 % PIB PPA 1996 % PIB 1999 % PIB corrigé 1999 % % Albanie 1 680 1,2 2 800 0,4 14 800 1,0 3 220 0,5 4 830 0,5 Armnénie 1 080 0,1 1 160 0,2 8 200 0,6 2 130 0,3 3 200 0,4 Azerbaïdjan 2 440 0,2 3 200 0,4 11 300 0,8 4 530 0,7 14 040 1,6 Bulgarie 8 000 0,8 9 790 1,3 35 800 2,4 13 790 2,0 17 930 2,0 Chypre 5 090 0,5 8 040 1,0 15 100 1,0 9 100 1,3 10 000 1,1 Géorgie 4 200 0,4 3 980 0,5 9 800 0,7 5 380 0,8 8 610 1,0 82 900 8,0 122 900 16,0 141 400 9,6 121 520 17,4 121 520 13,5 9 600 0,9 3 200 0,4 6 200 0,4 1 500 38 290 3,7 37 100 4,8 103 500 7,0 42 410 6,1 55 130 6,1 Russie 579 000 55,6 327 000 42,6 619 000 42,2 275 980 39,5 386 370 42,7 Turquie 140 720 13,5 176 300 23,0 388 800 26,5 184 440 26,4 230 550 25,5 Ukraine 168 000 16,1 72 000 9,4 113 100 7,8 33 380 4,8 48 400 5,4 1 041 000 100,0 767 740 100,0 1 467 000 100,0 697 380 100,0 902 680 100,0 Grèce Moldavie Roumanie PMN Sources : PIB 1990 PIB-PPA 1996 PIB-PPA 1999 PIB 99 corrigé 0,2 2 100 0,2 Banque Mondiale Nations Unies, Banque Mondiale Banque Mondiale 2000 Estimation TAD, sources diverses Si on prend le PIB corrigé, estimé en 1999, la participation de la région au PIB mondial serait approximativement de 3,5%. En 1996, si on prend le PIB/PPA , la participation des PMN monte à près de 4%. En comparant avec 1990, début de la transition, la part des PMN dans le produit mondial serait passé de 4% à environ 3%. On peut donc estimer qu’un des premiers impacts économiques de la transition pour les PMN a été de faire baisser d’environ du quart sa contribution à la production mondiale. D’autre part, il est intéressant d’observer que l’ensemble des pays européens hors UE/hors PMN pèse à peu près autant que les PMN. n Des poids économiques inégaux On observe de larges disparités entre les différents poids économiques des PMN, la Russie et la Turquie constituant les « poids lourds » de cette zone. En 1999, la Russie représentait 40% du PIB/PMN, suivie par la Turquie puis la Grèce. En 1990 la Russie représentait 56% du PIB/PMN devant l’Ukraine 16% et la Turquie 13,5%. En 1990, les pays de la zone Nord de la Mer Noire (Moldavie, Ukraine, Russie) représentaient 73% du PIB/PMN, ils en représentent moins de la moitié en 1999 (44,5% pour le PIB, 48% pour le PIB corrigé) . Les pays de la côte Sud (Grèce, Turquie, Chypre) sont passé de 22% en 1990 à 45% en 1999 soit un doublement de leur poids relatif. Si on ne prend que les trois régions du Sud de la Russie, et non toute la Fédération russe, les rapports changent, la côte Sud représente alors 70% du PIB de la Mer Noire contre 15% pour la Moldavie, l’Ukraine et les régions de la Russie 30 du Sud. A elles seules, les trois régions de la Russie du Sud, avec un PIB en 1994 de près de 30 000 millions d’USD, ont un PIB sensiblement inférieur au PIB de la Roumanie. 1. Inégalités dans les niveaux de développement : Une situation générale « moyenne basse »6 En se référant à la classification des revenus Banque Mondiale, avec un PIB corrigé /hab en 1999 de 2760 USD, l’ensemble des PMN se situe en haut de la catégorie moyenne basse. La prise en considération de l’économie informelle est indispensable pour une appréciation correcte des revenus censés permettre à la population des PMN de vivre. La lecture du graphique met en évidence les différences considérables entre les revenus des PMN et ceux de l’Union Européenne, puisque le premier PMN : la Grèce est en avant-dernière position, devant le Portugal, au sein de l’Union Européenne. La différence est aussi très nette avec les pays de l’Europe Centrale et Orientale, à l’exception bien entendu de la Grèce et Chypre, seules la Russie et la Turquie sont au niveau moyen des revenus des PECO. Par contre, le niveau moyen PMN est légèrement supérieur au niveau de revenu des autres Etats de la CEI, notamment ceux de l’ex-Asie Soviétique. Ce simple constat permet de mesurer l’effort nécessaire pour amener les PMN, mais aussi les PECO, au niveau moyen européen ... 2. Inégalités internes Au sein des PMN, on observe un groupe majoritaire relativement homogène de pays appartenant à la catégorie « moyenne basse » (revenu/hab compris entre 800 et 3000 USD) ce sont tous des états de l’ex-bloc socialiste. Dans ce groupe c’est la prise en compte de l’économie informelle (PIB corrigé) qui permet à l’Arménie, l’Azerbaïdjan et l’Ukraine de passer de la catégorie « basse » à la catégorie « moyenne basse ». Seule la Moldavie reste dans la catégorie basse, elle cumule en effet un déclin continu de sa production et une population qui reste stationnaire. C’est avec l’Arménie les deux états les plus pauvres des PMN. 6 Cette hiérarchie est adaptée à la classification de la Banque Mondiale : bas revenus : inférieurs à 800 USD/hab moyen bas : compris entre 800 et 3000 USD/hab moyen haut : compris entre 3000 et 10 000 USD/hab hauts revenus supérieurs à 10 000 USD/hab 31 Graphique 7 (Source : Banque Mondiale) PNB / Habitant en 1999 en US Dollars Comparaison des P.M.N. avec les Pays de l'Union Européenne, les PECO et les autres Pays de la CEI Moldavie Arménie Azerbaïdjan Géorgie Ukraine Albanie Kazakhstan Bulgarie Roumanie Slovénie Russie Turquie Estonie Hongrie Portugal Grèce Chypre Espagne Irlande 0 5000 10000 15000 20000 25000 L’Arménie survit en partie grâce à l’assistance et l’aide internationale publique et privée (diaspora). La prise en compte de l’IDH7 aurait tendance à revaloriser sensiblement la position des PMN, en effet l’IDH prend en compte la qualité des systèmes d’éducation et de santé, or c’est dans ce domaine où l’héritage des systèmes socialistes se révèle le moins pénalisant. Dans de nombreux cas, les équipements et les hommes existent, mais c’est l’argent qui manque pour que « ça marche ». Il faut noter que la Russie apparaît comme le moins pauvre des PMN, elle est un peu en-dessous du seuil des 3 000 USD/h, mais avec un fort apport il est vrai de l’économie informelle. 7 Indicateur de Développement Humain (IDH) 32 Tableau n° 4 Evolution des revenus par habitant PIB/h En USD 1990 PIB/h corrigé 1999 Indice de Développement Humain 1999 1995 1998 620 950 1 420 0,633 0,713 Arménie 1 525 560 840 0,680 0,721 Azerbaïdjan 1 200 570 1 760 0,665 0,722 Bulgarie 1 780 1 680 2 190 0,773 0,772 Chypre 8 900 11 125 12 500 - - Géorgie 1 400 980 1 570 0,645 0,762 Grèce 8 390 11 570 11 570 0,909 0,875 Moldavie 1 300 350 490 0,663 0,700 Roumanie 1 650 1 880 2 450 0,738 0,770 Russie 3 660 1 880 2 640 0,804 0,771 Turquie 2 510 2 860 3 580 0,711 0,732 Ukraine 2 970 670 970 0,719 0,744 PMN 3 215 2 130 2 750 - - Albanie Sources : Banque Mondiale et PNUD Le deuxième groupe, c’est celui des pays « riches » ... mais parmi les pauvres, avec un PIB/h au-dessus de 3 000 USD/h. Il s’agit de la Turquie juste un peu au-dessus du seuil des 3 000 USD/h (catégorie moyenne-haute) de la Grèce et Chypre seuls PMN à appartenir à la catégorie des pays à « haut revenu ». 1. L'appauvrissement La comparaison des indicateurs 1990 et 1999,permet d’estimer l’impact de la transition. Le PIB/h a diminué d’un tiers pendant la période. Si on prend le PIB corrigé/h, la diminution n’est plus que de 15%. Globalement, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, on peut avancer qu’après 9 ans de transition, l’impact global de baisse des revenus se résorbe lentement, à condition de prendre en compte le développement de l’économie informelle. Cette situation d’ensemble couvre une profonde dichotomie : 2. De 1990 à 1999, le PIB/h est passé pour les trois pays à économie de marché (Chypre, Grèce, Turquie) de 3 150 USD/h à 4780 USD, soit une augmentation de 42% du PIB,près de 4%/an, plus de 50% avec le PIB corrigé près de 4.6%/an. 3. Le PIB/h des pays en transition aurait baissé de plus de la moitié, passant de 3190 USD /hab en 1990 à 1520 USD/hab en 1999. Si on considère le PIB corrigé la chute serait inférieure, de l’ordre de 30%. Au sein des PMN on peut parler de véritable effondrement pour l’Arménie, la Moldavie et l’Ukraine, d’une chute profonde 33 pour la Russie. C’est l’économie informelle qui permet pour le moment à l’Azerbaïdjan et la Géorgie d’éviter une rupture trop violente. La secousse a été relativement mieux amortie en Bulgarie et en Roumanie. En conclusion, on peut estimer qu’il y a croissance effective de richesse quand population et production augmentent ensemble c’est le cas de la Grèce, de Chypre, de la Turquie et statistiquement de l’Albanie, c’est à dire les PMN du SudMéditerranée. A l’inverse, il y a appauvrissement absolue quand se conjuguent baisse de population et de production : Moldavie, Ukraine, Russie. B.2 Accroissement et inégalités de croissance Les rythmes de croissance varient considérablement d’un PMN à l’autre. Globalement, le PIB des PMN aurait diminué d’un tiers depuis 1990. Même en prenant en compte l’économie informelle, l’ensemble PMN n’aura pas en 1999 rattrapé son niveau de production de 1990. Cette diminution globale recouvre des situations économiques différentes face à la croissance, on peut distinguer trois types : 1°) PMN à croissance régulière Il s’agit des trois PMN méditerranéens intégrés dans l’économie de marché en 1990 : Chypre, Grèce, Turquie. Entre 1990 –1999 leur PIB a augmenté globalement de 38%. Leur poids dans l’économie des PMN a doublé, passant de 22% en 1990 à 45% en 1999. La croissance des flux commerciaux entre ces trois PMN et les autres PMN indique que leur croissance a été en partie alimentée par la transition des pays de l’ex-bloc socialiste. La croissance de Chypre a été la plus régulière de tous les PMN : une croissance continue au rythme annuel de 6,6%.Depuis 96-97 le rythme s’est ralenti mais demeure soutenu (+9,3% en 99). La menace de surchauffe semble écartée. Avec un peut moins de 800 000 habitants, Chypre a un PIB a peu près égal à l’ensemble des PMN caucasiens. La croissance de la Grèce (+4,4% /an en 90-99) n’a connu qu’un seul arrét, lors de la crise européenne de 1993, mais elle a repris un rythme soutenu de croissance et son PIB en 1999 est de 2,5 fois supérieur à celui de l’Ukraine près de 5 fois plus peuplée, alors qu’en 1990 il lui était inférieur de la moitié. 34 Graphique 8 (Source Banque Mondiale) Evolution du PIB - Base 100 en 1990 200 180 Chypre Albanie 160 Grèce 140 Azerbaïdjan Turquie 120 Bulgarie 100 Arménie Géorgie 80 Roumanie 60 PMN Russie 40 Ukraine 20 Moldavie 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 La Turquie a connu elle aussi une croissance régulière depuis 1990 (+3%/an ) freinée par la récession de 1994, suivie d’une reprise soutenue, à nouveau ponctuée par une récession en 1999 liée aux réformes entreprises ; après un léger mieux en 2000, la Turquie est à nouveau touchée par la crise en 2001. Au delà de la situation actuelle économiquement et surtout financièrement fragile, la période de transition en Mer Noire a fait de la Turquie la 2ème puissance économique régionale, derrière la Russie. L’écart avec le poids russe se réduit, le rapport des PIB était de 1 à 4 en 1990, il est passé de 1 à 1,5 en 1999 (1,7 en PIB corrigé). La Turquie est démographiquement et économiquement la puissance montante en Mer Noire. 2°) Les PMN ayant connu une chute régulière de leur PIB Il s’agit de trois PMN en transition, tous trois Etats du nord de la Mer Noire : Russie, Ukraine, Moldavie. Ce « bloc » du nord de la Mer Noire représentait 72% du PIB Mer Noire en 1990, il en représentait moins de la moitié en 1999, 48% en PIB corrigé. La perte de production a été de 60% (42% en PIB corrigé). C’est le secteur de la Mer Noire qui a le plus profondément souffert de la transition. Le cas de la Moldavie est dramatique, sa production s’est effondrée entre 1990-1992, une relative stabilisation n’intervient qu’en fin de période, à partir de 1995, mais la baisse de la production s’est poursuivie en 1999. Avec un rythme annuel de -22%, le PIB moldave 35 n’est plus que de 15% du PIB 1990 (20% avec le PIB corrigé). Le rythme annuel de baisse du PIB ukrainien, proche de 13% met la production de l’Ukraine en 1999 à 34% de son niveau 1990. La situation paraît s’être stabilisée à la baisse à partir de 1996, l’Ukraine a renoué avec la croissance en 2000 mais les graves difficultés actuelles du pays risquent de le faire retomber dans la stagnation. Pendant la transition, l’Ukraine est passée du 2ème au 5ème rang des PMN, après la Roumanie. Comte tenu de son poids économique, c’est la situation russe qui pose le plus de problèmes au sein des PMN. Depuis 1999, son PIB a diminué au rythme annuel de 8%, le niveau de sa production 1999 représente 48% du niveau 1990 (les 2/3 en PIB corrigé). Cependant, à partir de 1999, la Russie a renoué avec la croissance essentiellement grâce à la bonne conjoncture mondiale pour le prix du pétrole et du gaz. Il faut remarquer que si les évolutions turques et russes se poursuivaient au même rythme que le rythme 1996-1998, dans 3 ans, en 2003-2004 la Turquie devancera la Russie comme puissance dominante en Mer Noire. 3°) PMN Ayant connu une croissance irrégulière C’est le cas de la moitié des PMN : les trois états caucasiens, la Bulgarie, la Roumanie et l ‘Albanie, leurs trajectoires sont cependant différentes. Les trois états caucasiens représentaient 0,5% du PIB PMN en 1990, ils représentaient 1,3% en 1999, ou 3,0% en PIB corrigé. L’ensemble des états caucasiens, c’est à peu près le même poids que la Bulgarie ou Chypre. L’évaluation du PIB fluctue considérablement selon que l’économie informelle est prise en compte ou pas. Dans un cas (PIB corrigé), le PIB PMN/Caucase aurait plus que triplé, dans l’autre cas (PIB – Banque Mondiale), la croissance pour la période n’aurait été que de 50%. Il est clair que l’impact de l’économie informelle est particulièrement lourd dans les trois états caucasiens. Ces trois états ont connu à peu près les mêmes cycles : une chute très brutale de la production entre 1990 et 1993, suivie d’une forte reprise en 1994 pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en 1995 pour la Géorgie, reprise qui ne paraît pas s’être démentie depuis. La croissance la plus faible a été celle de la Géorgie qui a connu l’effondrement économique le plus fort au sein des PMN (niveau 29 de production en 1995 pour 1990 = 100, seule l’Azerbaïdjan avait connu un tel « score » en 1991). La multiplication et la persistance des conflits internes (abkhaze, ossète, adjar) expliquent en grande partie la durée de la crise et la relative modération de la reprise dans un pays où le potentiel de développement est réel. La situation de l’Arménie, pays le plus pauvre des PMN avec la Moldavie, est proche de la Géorgie, avec pour différence que son potentiel est nettement inférieur à celui de son voisin. La reprise s’est amorcée en 1996, en 1999 le niveau de production était plus du double que 36 celui de 1990. Il est certain que le développement de l’Arménie a été considérablement entravé par le conflit du Karabagh dont les effets continuent de se faire sentir. L’Azerbaïdjan constitue un cas particulier : sa chute a été particulièrement rapide (1991) et brutale (-70%), mais la reprise relativement précoce (1992-93), continue et surtout s’est accélérée. En 1999, le PIB azéri aurait presque doublé par rapport à 90 il aurait presque été multiplié par 5 si on prend en compte le secteur informel. L’Azerbaïdjan a connu une forte reprise visiblement liée aux perspectives et aux débuts de l’exploitation pétrolière en Caspienne. Cette croissance aurait été plus forte encore si le conflit du Karabagh ne pesait sur l’économie et la société azérie. Cependant, il faut souligner les incertitudes quant à l’importance effective des richesses en hydrocarbures de la Caspienne. Les prévisions connaissent des fluctuations incessantes qui fragilisent les perspectives de développement de l’économie azérie. 4. Le cas albanais peut surprendre. La violente crise de 1997 suivie du conflit kosovar a pu faire croire que l’économie albanaise était anéantie et que ses forces vives avaient fui le pays ; apparemment il n’en est rien. Après avoir connu une chute brutale de sa production entre 1990 et 1992, l’Albanie a connu une croissance particulièrement rapide, puissamment aidée il est vrai par ses partenaires européens, notamment l’Italie. En 1996, le PIB albanais était à l’indice 166 (1990 = 100). La violente crise, économique, sociale et politique de 1997 ne s’est soldée, apparemment, que par une chute de 7% du PIB. En 1999, le PIB aurait dépassé son niveau 1996 ; en prenant en compte le secteur informel, le PIB albanais 1998 aurait été multiplié par 2,8 par rapport à 1990. Il existe un réel potentiel de développement de l’Albanie, la reprise de la croissance a un bon niveau, en dépit de ses difficultés endémiques financières et politiques, tendrait à le confirmer. 5. La Bulgarie est en situation de pré-adhésion. Son économie représentait 0,8% du PIB PMN en 1990, elle en représentait 2% en 1999. Son poids est légèrement supérieur à celui des trois états caucasiens, de Chypre. A titre de comparaison, le PIB bulgare n’est supérieur qu’à celui des petits états européens moins peuplés : les 3 pays baltes, Fyrom, mais il est inférieur à celui d’autres petits états : Croatie, Slovaquie, Slovénie. Il ne représente qu’ un peu plus de la moitié du PIB du Luxembourg, à population à peu près égale le PIB du Portugal est dix fois supérieur.La chute de la croissance après le début de la transition a peu duré en Bulgarie . A partir de 1992, il y a reprise mais, à la différence des états caucasiens, il y a rechute en 1996-1997 suite à la crise monétaire et financière, puis reprise à nouveau qui s’est poursuivie jusqu’en 1999. En 1999, le PIB bulgare était supérieur de 70% à sa valeur 1990, soit une croissance annuelle sur la période de 6,2%. La situation s’est donc nettement améliorée, mais elle paraît encore fragile, d’autant plus que la Bulgarie ne fait qu’aborder la deuxième phase de la transition. 37 6. La Roumanie est en situation de pré-adhésion, sur le plan de la croissance économique sa situation apparaît moins satisfaisante que celle de la Bulgarie. Dans le cadre de la transition, le déclin de la production roumaine n’a pas été aussi brutal que dans d’autres PMN, il a été plus progressif. Après une légère reprise en 1996, la baisse de la production a repris et s’est poursuivie depuis. La production roumaine de 1999 est légèrement supérieure de 10% a celle de 1990, de 43% en tenant compte du secteur informel. Le PIB de la Roumanie qui représentait 3,7% du PIB PMN en 1990 en représentait 6,1% en 1999, mais ceci doit être apprécié en termes relatifs compte-tenu de l’effondrement des économies russes et ukrainiennes. Par rapport à ses voisins européens, le PIB roumain est supérieur au PIB de l’ensemble des pays baltes, il est supérieur de 50% de celui de petits états comme la Slovénie, la Croatie, la Slovaquie, avec une population très largement supérieure. Avec des populations inférieures, le PIB roumain est la moitié de celui de l’Irlande, le tiers du Portugal, le cinquième du PIB danois. Son rapport PIB/Population est à peu près le même que celui du Maroc. La situation roumaine est plus proche de celles du groupe des Etats du nord de la Mer Noire que de celles de la majorité des PECO. Les causes de ce blocage de la croissance sont essentiellement à chercher dans les fortes rigidités des structures économiques roumaines. B.3 La restructuration des économies B.3.1 La restructuration sectorielle 7. La trajectoire « classique » Entre 1990 et 1999 l’évolution des secteurs productifs a été la suivante : n agriculture: de 19% à 13% du PIB avec une baisse de 54% de la production agricole n industrie : de 43% à 30% du PIB avec une baisse de 53% de la production industrielle n services : de 39% à 57% du PIB avec une baisse de 2% de la production de services Les économies de la Mer Noire, dominées par le processus de transition, ont donc connu un profond bouleversement de leurs structures de production. Le processus général présente une relative similitude pour les douze PMN : n Diminution de la valeur ajoutée agricole. n Lourde chute de la production industrielle. n Montée très nette du tertiaire (commerces et services). 38 Graphique 9 (Source : OCDE) Part de la valeur ajoutée par secteurs du PIB Répartition du PIB 1999 120 100 % tertiaire 80 % industrie 60 % agriculture 40 20 k U u T ra rq u in e ie e si us R an ie ie m R ou o M C h ld y p av re ie ar g ul B A ze A rb ai lb d a ja ni n e 0 8. La poursuite du processus classique dans les trois PMN à économie de marché Ce processus se déroule régulièrement et sans à coups. En 1990 la part de l’agriculture était de 18% en Turquie, 11% en Grèce, 8% à Chypre. Elle est restée stable pour la Turquie et a sensiblement diminué pour Chypre et la Grèce. Il faut souligner que cette diminution du poids de l’agriculture n’est que relative, elle est dûe dans les trois cas à une croissance absolue des secteurs tertiaire (Chypre), industriel (Grèce) ou des deux (Turquie), par contre le PIB de l’agriculture s’est accrû dans ces trois PMN entre 1990 et 1999, de 50% à Chypre, 80% en Grèce et 31% en Turquie, chiffres qui traduisent un réel dynamisme agricole. L’évolution du secteur industriel a été un peu plus contrastée : en baisse pour Chypre mais en légère hausse pour la Grèce et la Turquie, mais dans les trois cas la valeur de la production industrielle a augmenté. Quant au secteur tertiaire, il a crû à Chypre, diminué en valeur relative en Grèce, resté stationnaire en Turquie. 9. Ce processus est en cours dans la majorité des PMN de la transition mais il s’accompagne d’une baisse importante de la production En Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie, Roumanie, Ukraine, Russie, non seulement la part relative de l’agriculture dans le PIB a diminué mais, à la différence des PMN à économie de marché, la production agricole a connu des baisses importantes notamment dans les trois pays du Nord de la Mer Noire. n Baisse de la production agricole L’agriculture russe est passée de 17% du PIB en 1990 à 7% en 1999 avec une production 1999 égale à 20% de celle de 1990. La Russie premier pays agricole des PMN en 1990 39 est largement devancée par la Turquie en 1999. Effondrement de l’agriculture ukrainienne qui ne représentait en 1999 qu’un peu plus de 10% de la production 1990, le poids de l’agriculture passant de 26% à 14% du PIB, plaçant l’Ukraine 2ème pays agricole en 1990, en 5ème position en 1999. Effondrement aussi pour la Moldavie dont l’agriculture 1999 représente à peine 8% de la production 1990, avec une participation au PIB passant de 43% à 21%. En Roumanie, en Azerbaïdjan, en Géorgie la chute a été moins brutale : 10. niveau 1999 : 90% du niveau 1990, part relative passant de 20 à 16% pour l’agriculture roumaine 11. niveau 1999 : 90% du niveau 1990, part relative passant de 39 à 19% pour l’agriculture azéri 12. niveau 1999 : 90% du niveau 1990, part relative passant de 32 à 22% pour la Géorgie A l’inverse de cette évolution générale on observe dans trois PMN ; Albanie, Arménie, Bulgarie une sensible augmentation du poids de l’agriculture. Il est difficile de savoir si cette tendance est structurelle, elle semble plutôt conjoncturelle, en fait la valorisation du secteur agricole aurait presque triplé en 1990 et 1999. En Arménie où les problèmes d’approvisionnement alimentaire sont considérables, la part de l’agriculture est passée de 17 à 33% et une production presque multipliée par 4. La part de l’agriculture bulgare est restée stable à 18% et la production a crû de 77%. La part de la production industrielle a diminué dans ces 3 PMN, par contre on assiste à une croissance générale des services. n Baisse de la production industrielle L’industrie qui représentait le secteur économique dominant pour la Roumanie, la Russie et l’Ukraine a connu aussi une chute brutale : effondrement de l’économie industrielle pour l’Ukraine : niveau 1999 = 15% du niveau 1990, part relative passant de 45 à 34%, pour la Moldavie : niveau 1999 = 11% du niveau 1990, part relative passant de 33 à 24%. Fortes chutes pour : la Russie, la production industrielle 1999 représentant le tiers de la production 1990, la part de l’industrie passant de 48 à 34%. La Russie reste cependant le premier pays industriel de la Mer Noire ; la Géorgie : niveau 1999 à 50% du niveau 1990, part relative passant de 33 à 13%. Baisse plus modérée pour la Roumanie, la production roumaine 1999 représentant un peu moins de 90% de la production 1990 la part relative passant de 50 à 40%. L’Azerbaïdjan est le seul état de ce groupe à connaître une progression de son secteur industriel avec un doublement de sa production industrielle lié à la production d’hydrocarbures, la part de l’industrie passe de 38 à 43%. 40 13. Un processus global de tertialisation Il faut souligner la force de la tendance à la tertiarisation de l’économie, le développement même relatif – des commerces et des services. En 1990 seuls Chypre, la Grèce et la Turquie avaient un secteur des services représentant plus de 50% du PIB, en 1999 ils sont rejoints par la Bulgarie, la Géorgie, la Moldavie, la Russie, l’Ukraine. Il est vrai qu’en dehors de Chypre, la Grèce et la Turquie, ce gonflement du tertiaire est relatif, le secteur des services concerne encore, en majorité, des services d’Etat, administratifs et commerciaux, même si les évolutions en cours ont amené une augmentation des commerces et services privés. Ce secteur tertiaire d’Etat n’a pas encore vraiment fait l’objet de restructurations de masse, notamment au niveau de l’emploi, sa part dans la production et l’emploi a eu tendance à croître corrélativement au fait que l’activité s’effondrait dans les secteurs agricoles et/ou industriels. Le poids du tertiaire résulte donc plus d’un ajustement apparent dû à la chute des autres secteurs économiques que d’un dynamisme endogène spécifique du secteur. Au sein de ce processus global de tertiarisation qui concerne l’ensemble des PMN, on peut distinguer plusieurs trajectoires de développement : celles où l’activité tertiaire correspond à un dynamisme réel de l’activité commerciale et des services, ceux où la production de biens et de marchandises repose plutôt sur la production industrielle et celles où elle repose plutôt sur la production agricole. En conclusion, on observe trois types de structures dominants au sein des PMN a. Les PMN de services : Chypre, Grèce, Turquie Il s’agit des trois économies méditerranéennes, les plus « développées » des PMN, la structure est donc proche des pays de l’Union Européenne. En dehors des facteurs économiques généraux qui augmentent le poids des services dans toutes les économies, cette « tertiairisation » vient pour Chypre du tourisme, du fret maritime, de l’offshore, pour la Grèce du tourisme et du fret maritime, et pour la Turquie, du tourisme, du commerce et du poids important de l’administration d’Etat. b. Les PMN « industriels » Cette dominante est plus ou moins nette selon l’importance relative d’un secteur tertiaire d’Etat plus parasitaire que productif. La base productive, héritage de la période socialiste, est surtout constituée par des industries extractives et des industries lourdes qui furent à un moment donné la force des économies socialistes. Il s’agit de la Russie, la Moldavie, la Roumanie, l’Ukraine, la Bulgarie et l’Azerbaïdjan. Pour ces pays, les problèmes futurs de développement passent nécessairement par la reconversion, la restructuration et la modernisation d’un appareil industriel pour une large part obsolète qui constitue encore la base de leur économie réelle. 41 En ce qui concerne les trois régions de la Russie du Sud, le profil sectoriel est proche de celui de la Fédération de Russie. L’impact du tertiaire évalué à partir des emplois est identique à celui de la Fédération de Russie mais moins accentué pour Krasnodar. Le kraï de Krasnodar et l’oblast de Stavropol sont plutôt des régions agricoles. L’oblast de Rostov, a un caractère industriel plus accentué. c. Les PMN « agricoles » Trois PMN ont une production agricole supérieure à leur production industrielle : Albanie, Arménie, Géorgie, on pourrait mettre la Moldavie dans ce groupe compte tenu de son potentiel viticole important. Pour ces PMN se continent une agriculture de subsistance et une valorisation encore limitée d’un réel potentiel agricole, le renforcement initial de l’agriculture conditionne le renforcement de leur économie. Il est de l’intérêt de l’Union Européenne d’accompagner ce processus de restructuration des économies des PMN de la transition, notamment par : 14. la reconversion industrielle 15. la réforme agraire : privatisation des terres et des exploitations agricoles, et modernisation de l’agriculture 16. l’assainissement du tertiaire, notamment dans le secteur d’Etat, mise sur pieds d’un système moderne de distribution. B.3.2 Economie et restructuration institutionnelle Ce sont surtout les pays de la transition qui sont concernés par cette restructuration, non qu’il n’y ait des évolutions institutionnelles à Chypre, en Grèce ou en Turquie notamment dans la sphère de la décentralisation, mais elles n’impliquent pas de profondes restructurations des institutions, contrairement aux processus en cours dans les PMN de la transition. 17. Restructuration bloquée ? La secousse initiale passée, on peut mieux apprécier le temps nécessaire pour aller jusqu’au bout de la transition, tout au moins pour les Etats qui persisteront dans cette voie ; l’accord est à peu près unanime mais encore implicite : ce sera de l’ordre d’une génération. Comme le souligne l’analyse de la situation de la transition dans les PMN, la première phase de la transition concerne plus les instruments de la politique économique (libéralisation, privatisation) que la réforme en profondeur des structures de production, elle est certainement moins ardue à mettre en oeuvre que la seconde phase qui touche le moteur même de l’économie : l’entreprise. Dans la majorité des PMN, les grands combinats miniers, industriels, les grandes exploitations agricoles (kolkhozes, sovkhozes) sont toujours soit sous la responsabilité de 42 l’Etat, soit n’ont connu qu’une privatisation interne, c’est-à-dire que les parts des entreprises privatisées ont été cédées en priorité au personnel de l’entreprise avec des participations éventuelles de partenaires publics (villes, régions). Cette privatisation interne n’amène pas de capitaux frais extérieurs, notamment étrangers. Rien ne change dans la gestion de l’entreprise, les erreurs et défaillances passées sont reconduites, les mesures d’assainissement sont reportées, les arriérés de salaires s’accumulent, les relations de troc prennent de plus en plus d’importance dans les relations inter-entreprises. Si le secteur des petites et moyennes entreprises a été effectivement privatisé, notamment dans le secteur de la distribution et des services, le processus est lent, voire bloqué, en ce qui concerne les grosses unités. La restructuration en profondeur n’est pas réalisée. Si ce sont surtout les PMN de la CEI qui sont concernés, cette situation se retrouve aussi dans les PECO, notamment en Roumanie et à un niveau moindre, mais effectif, en Bulgarie et en Albanie. Il est certain que ces PMN auront besoin d’une forte assistance technique et financière de la part des instances internationales, notamment de l’Europe, pour mener le processus à son terme. D’autre part, il est probable que chaque pays va suivre sa propre trajectoire, selon son propre rythme il ne faut pas exclure que certains d’entre eux, notamment la Russie, s’écartent même très sensiblement de cette trajectoire de référence. 18. La crise de l’Etat Ce qui caractérise les PMN de la transition sur le plan institutionnel, c’est la permanence et la rémanence des institutions administratives antérieures, à la différence des institutions politiques qui ont été totalement bouleversées. Les administrations ont pu changer d’intitulé voire leurs domaines de compétence s’élargir ou se réduire sensiblement, mais les hommes et la hiérarchie sont restés. La bureaucratie demeure toujours présente. Contrairement à quelques idées reçues, les états de la CEI et dans une moindre mesure les PECO/PMN ne sont pas en état de chaos administratif. Les administrations par leur endurance à maintenir leur position stratégique en pleine mutation économique et sociale finissent par imposer leur ordre. Le pouvoir des fonctionnaires reste surdimensionné et souvent incontrôlé8. Ce phénomène est particulièrement aggravé en Russie, mais il concerne aussi les autres PMN de la transition eux aussi « bénéficiaires » de l’héritage socialiste en ce domaine. Le paradoxe apparent est que l’administration est forte mais l’Etat est faible, l’administration détourne le pouvoir à son profit aux dépens de l’intérêt général qu’incarne l’Etat. La faiblesse de l’Etat est particulièrement inquiétante dans deux domaines : la fiscalité et la décentralisation. L’ensemble des PMN de la transition souffre, à des niveaux variables, plus accentués dans les PMN/CEI, de crise budgétaire. Cette crise est liée à une insuffisance chronique des recettes qui résulte des graves défaillances du système et de l’appareil fiscal. Sans recettes régulières 8 Enrichissement et clientélisme en Russie. Marie MENDRAS (« Problèmes économiques » - Décembre 1998). 43 et suffisantes, l’Etat ne tient pas ses engagements (arriérés de salaires, pensions, retraites, remboursement de la dette,) et ne peut intervenir efficacement dans l’équilibre économique et social du pays. Une des fonctions régaliennes de l’Etat : l’impôt, étant mal assurée, l’Etat perd ses moyens d’intervention et de régulation, d’où la difficulté de la mise en oeuvre effective des politiques générales et sectorielles qui peuvent être lancées. C’est en partie ce phénomène qui explique les difficultés de la décentralisation. La décentralisation suppose que les échanges financiers entre le centre et les périphéries fonctionnent bien, que la part des recettes perçues par les périphéries au bénéfice de l’Etat central arrive effectivement dans les caisses de l’Etat et inversement que les fonds d’Etat destinés aux unités décentralisées arrivent bien à destination. Ce mécanisme ne marche pas d’une manière satisfaisante, voire ne marche pas du tout dans les PMN de la transition, du moins ceux qui ont mis en oeuvre, comme la Russie, une réforme décentralisatrice. En dépit des plans, des mesures lancées souvent avec l’aide du FMI, la situation ne s’est pas améliorée globalement. La réforme budgétaire et fiscale demeure la réforme prioritaire des PMN en transition, elle conditionne la bonne marche des processus de décentralisation en cours. 19. Une restructuration « informelle » La croissance de l’économie informelle concerne tous les PMN y compris ceux à économie de marché comme Chypre et la Turquie. L’importance prise par l’économie informelle dans les PMN est telle qu’elle doit absolument être prise en compte dans l’évaluation de leurs performances économiques, d’où le calcul d’un PIB 1999 « corrigé ». Au delà de la précision toujours contestable du chiffre, ce qui importe c’est l’ordre de grandeur. 20. Une estimation pour les PMN à près du 1/3 du PIB officiel En recoupant les estimations calculées par la Banque Mondiale9, les estimations d’autres organismes comme la BERD et les informations de TAD, une estimation du PIB informel des PMN en 1999 donnerait un montant d’environ 200 000 millions USD, soit 30% du PIB officiel total. Dans ce cas, le PIB corrigé (officiel + informel) serait d’environ 900 000 millions USD, c’est-à-dire presqu’au niveau du PIB officiel 1990 ; ce qui ne veut pas dire que l’économie réelle des PMN aurait rattrapé son niveau antérieur, car en 1990 l’économie informelle était déjà prospère dans les PMN, notamment dans certains d’entre eux ; mais il est certain que l’effondrement des économies de transition a été sérieusement tempéré par le « matelas » des différentes formes d’économies informelles. Dans ces conditions, le PIB/h officiel qui était de 2 130 USD/h en 1999 pour l’ensemble des PMN passerait à plus de 2 750 USD/h, les PMN resteraient toujours cependant dans la catégorie moyenne /basse des revenus par habitant. 9 « Integrating the Unofficial Economy into the Dynamics of Post-Socialist Economies » - World Bank Policy Research Working Paper - December 1996. 44 Graphique 10 (Source : Nations Unies - Estimations TAD) Ecarts entre les PIB corrigés et les PIB pour chacun des PMN en 1999 Ecart PIB corrigé/hab - PIB/hab 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% pr e ie C hy u rq m u R o Tu an ar ie ie e lg ol M Bu da vi ie ss e u R ai n n kr ja U d A ze rb A ai lb an ie 0% 21. Des économies informelles plus qu’une économie informelle Les formes d’économies informelles sont multiples. 1. La forme plus répandue de l’économie informelle est le travail « au noir », le travail clandestin, le travail illégal. On peut avoir une certaine idée de cette masse de travailleurs clandestins en comparant les données de la population active, celles de l’emploi et celles du chômage, mais cette évaluation ne prend pas en compte les travailleurs émigrés clandestins, les réfugiés, nombreux notamment dans les républiques du Caucase. Certains PMN essaient d’enregistrer ce phénomène, d’où la catégorie des « non-enregistrés » en Azerbaïdjan (11,5% de la population active) des « hors-économie » en Arménie (20% de la population active), des « sans-emploi » en Turquie, 7% de la population active, différents de la catégorie des chômeurs. La pratique du double travail, un emploi officiel et un emploi « au noir » est classique dans les pays où les agents de l’Etat, quels qu’ils soient, du plus bas ou plus haut niveau, ont des rémunérations faibles. Cette pratique est généralisée, on pourrait dire presque « officieuse » dans les PMN ex-socialistes, elle est plus faible en Turquie, plus encore en Grèce et à Chypre. 45 2. Les PMN connaissent un développement impressionnant des échanges commerciaux illégaux, de la contrebande. Plus que de contrebande, il faut parler de « trabendisme », appelé aussi « tchelnokisme » en Russie, ou « shuttle » (navette) par les Anglos-Saxons ou « commerce de la valise » en Turquie. A la différence de la contrebande, qui existe aussi, bien entendu, dans les PMN, mais en principe interdite et sanctionnée, le trabendisme est légal. Le trabendiste est autorisé à acquérir un montant déterminé de devises pour aller acquérir des biens à l’étranger qu’il rapatrie ensuite dans son pays pour les écouler, le trabendiste est une sorte de société d’importations à lui tout seul ... Il est clair que ce trafic légal, émergeant, dissimule en fait des trafics immergés, illégaux, beaucoup plus importants, contrebande et trabendisme sont étroitement imbriqués. Le trabendisme implique un pays récepteur celui qui reçoit les importations- et un pays émetteur : celui qui vend. Les PMN sont tous plus ou moins l’un et l’autre, mais la dominante est cependant que les ex-pays socialistes de la Mer Noire sont récepteurs, les trois pays méditerranéens et autres pays occidentaux sont émetteurs. Pour essayer d’identifier les principaux flux d’échanges, sont pris comme indicateurs les trafics aériens. En effet, le transport des marchandises importées s’effectue par tous les moyens : terrestre transfrontalier quand les pays sont limitrophes, par bateau au sein de la Mer Noire, mais aussi beaucoup par avion du fait de la localisation des pays émetteurs. On peut distinguer trois grands flux aériens significatifs sur ce point: 1°) Un flux Turc La Turquie joue un rôle de premier plan dans le trafic commercial trabendiste en Mer Noire, que ce soit par voie routière avec la Bulgarie10, que ce soit par voies maritimes sur les ferries qui relient Istanbul et Trabzon avec Varna, Odessa, Anapa, Sotchi, que ce soit par avion, la Turquie a de nombreuses liaisons hebdomadaires avec Moscou, Bakou, Bucarest, Kiev, Odessa, etc... en tout 179 vols hebdomadaires près de 25 vols quotidiens – à destination des autres PMN. 2°) Un flux Union Européenne Le flux commercial peut se confondre avec les flux des travailleurs migrants et des touristes venant des PMN, mais l’importance des flux, du moins certains d’entre eux, souligne l’existence d’échanges trabendistes. Ces échanges empruntent de préférence les liaisons routières existantes dans les PECO et se concentrent sur la Bulgarie et la Roumanie. Quant aux liaisons aériennes, les plus concernées sont les liaisons entre l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine. Le cas grec, pays de l’Union Européenne et PMN, est particulier et les liaisons de la Grèce avec les autres PMN sont relativement intenses: 10 Turquie et Bulgarie ont certainement, toutes proportions gardées, les plus fortes flottes routières des PMN 46 3°) Un flux intra PMN Il existe un flux intra-PMN alimenté de deux façons : les pays récepteurs et émetteurs sont tous deux des PMN, ou le PMN « émetteur » ne sert que d’intermédiaire ou de plaque tournante au profit d’un autre pays émetteur réel. Au sein des PMN, les échanges informels sont considérables et les zones transfrontalières, notamment dans le sud de la Russie et le Caucase, sont des lieux de circulations particulièrement denses. Les relations aériennes internes PMN s’élèvent à près de 1400 vols hebdomadaires. La Russie constitue une véritable « plaque tournante » des PMN ex-socialistes. 22. De l’économie informelle à la société mafieuse Les deux phénomènes ne se recouvrent pas, une large part de l’économie informelle n’est pas mafieuse, l’économie mafieuse peut être partiellement officielle ... Ils ne se recouvrent pas, mais ils s’alimentent l’un l’autre. Des études récentes ont mis en évidence les rapports entre économie parallèle et corruption d’une part, entre corruption et société mafieuse d’autre part11. On peut parler d’économie mafieuse lorsque la part des activités liées au secteur mafieux est significative par rapport au produit national réel. Il faut aussi que les hommes et les structures mafieuses aient réussi à intégrer les rouages de l’Etat, à créer une confusion croissante entre public et privé. Les circuits mafieux sont en grande partie alimentés par la corruption, le détournement des fonds publics. Ainsi, selon un sondage réalisé auprès des responsables de groupes britanniques, scandinaves, allemands et américains12, trois PMN figureraient dans les dix premiers pays en matière de corruption pour les signatures de contrat : la Russie -classée première-, l’Ukraine et l’Azerbaïdjan. L’administration vit sur une rente simple et efficace. Les PMN de la transition, en particulier dans la CEI, restant très bureaucratiques dans leur fonctionnement et les administrations ayant encore assez de pouvoir pour obliger les acteurs économiques et les particuliers à se soumettre à de lourdes procédures, un monopole de fait s’exerce. Même les mafias n’ont pu jusqu’ici mettre en danger le système bureaucratique, probablement parce qu’elles se servent des administrations et les utilisent comme relais ou couvertures dans de nombreux cas. Deux flux financiers sont venus alimenter les mécanismes de l’économie mafieuse, l’aide financière internationale et les privatisations. Une grande partie de l’aide financière a été détournée. Ainsi, il est estimé13 qu’en 1992 et 1996, 60 milliards de dollars ont quitté la Russie et que, depuis lors, les sorties illégales annuelles seraient de l’ordre de 12 milliards de dollars. 11 12 13 Daniel KAUFMANN and Aleksander KALIBERDA « Integrating the unofficial Economy into the Dynamics of PostSocialist Economies » - Economic Transition in Russia and the New States of Eurasia. the Guardian Londres - 5 novembre 1997. Financiel Times - 14 février 1997. 47 Les privatisations ont injecté dans le budget de l’Etat d’importantes liquidités dont une partie seulement a été affectée à des objectifs nationaux (paiement des arriérés), l’autre partie ayant été de facto redistribuée au sein des oligarchies politico-financières qui se sont reconstituées à partir des appareils politiques de l’époque soviétique. L’évasion fiscale constitue une forme de détournement de fonds publics et un passage obligé pour accéder au statut de « nouveaux riches ». Au sein du phénomène général de démantèlement des appareils d’Etat, les services chargés de recouvrir l’impôt et les taxes (les douanes) ont été particulièrement touchés par la corruption. Ces pertes de recettes pour les finances publiques expliquent, en partie, les dérives budgétaires, la crise des finances publiques et les désordres monétaires et financiers de ces pays. Enfin, l’économie mafieuse vit, dans les PMN comme dans d’autres états développés, de la criminalité. Le trafic de drogue a considérablement augmenté dans les PMN avec un rôle de plus en plus important joué par la Turquie : « ... environ 75% de l’héroïne saisie en Europe est fabriquée ou provient de Turquie ... de nombreux laboratoires de purification de l’opium utilisés pour transformer la base morphine en héroïne sont installés sur le sol turc »14 Le rapport cité souligne que la Turquie est l’un des pays les plus touchés par le blanchiment de l’argent pratiqué notamment par le « commerce de valise » avec les pays exsoviétiques ... Quelles que soient les solutions palliatives que l’économie informelle peut amener face à des situations de crise, où ses mécanismes pervers se substituent à des mécanismes légaux qui ne fonctionnent pas ou plus, l’économie informelle empêche la stabilisation durable des économies et toute croissance équilibrée. Elle engendre en se développant une société mafieuse instable et dangereuse. Le phénomène a atteint une telle ampleur dans les PMN que la réintégration de l’économie informelle et la lutte contre l’économie mafieuse doivent constituer des axes forts de la politique d’assistance et de coopération de l’Union Européenne, au même titre sinon plus que le rétablissement des équilibres macro- économiques fondamentaux. 14 International Narcotics Control Strategy Report (INCSR) du département d’Etat Américain - Février 1998. 48 B.3.3 Restructuration ou crise sociale Tableau n°5 Variations annuelles des emplois, de la population active et du chômage En % Var/an emplois 1990-1998 Var/an Pop.active 1990-1999 -4,0 Albanie 3,2 Taux de chômage 1990 1999 9,5 18,0 (1) -4,5 -2,0 3,5 11,6 0,6 -0,4 0,5 13,9 -9,0 -2,0 1,7 16,0 Chypre 1,2 1,0 1,8 3,3 Géorgie -5,0 -2,5 5,4 14,9 0,5 1,3 7,0 9,6 -2,5 -0,4 0,7 Arménie Azerbaïdjan Bulgarie Grèce Moldavie Roumanie 0,0 0,5 (2) (2) (1) 2,0 (3) 11,5 (2) 3,0 Russie -1,7 -1,0 0,8 11,7 Turquie 1,1 2,3 7,5 6,2 Ukraine 0,0 0,0 0,3 11,3 -1,0 -2,0 - - PMN (2) (2) (1) 1992 ; (2) 1998 ; (3) 1991 Sources : Statistiques financières internationales – FMI –2000 Transition Report – EBRD -2000 1. Croissance progressive du chômage 2. Une baisse de l’emploi à un rythme inférieur à celui du PIB Globalement, sur la période 90-99, les emplois ont diminué de 9%, passant de 140 000 000 à 128 200 000. La population active a aussi diminué de 148 000 000 à 145 000 000, soit 2%. Le taux de chômage a augmenté dans tous les PMN, sauf en Turquie. Dans la même période, trois PMN ont connu un certain dynamisme démographique : Albanie, Azerbaïdjan, Turquie, à un degré moindre l’Arménie et Chypre ; plusieurs PMN sont restés relativement stables : la Géorgie, la Grèce, la Moldavie et la Russie, les autres ont connu une légère diminution de leur population. Même compte-tenu des réserves à faire sur les statistiques officielles de la population active, de l’emploi et du chômage, on constate que l’emploi a nettement moins baissé que le PIB. Cet état de fait est dû à une pratique observée dans tous les pays de la transition en Mer Noire : la sauvegarde -au moins apparente- de l’emploi. Dans le secteur public, on ne licencie pas -ou peu. Les employés, non payés parfois pendant plusieurs mois, peuvent rester à domicile sans présence effective sur les lieux de travail. En guise de salaire, ils peuvent recevoir des avantages en nature (nourriture, combustible, etc,) ou bénéficier du troc 49 inter-entreprises, mais ils conservent, théoriquement, leur emploi. Ce qui fait évoluer cette situation, c’est la privatisation progressive de l’économie et la restructuration des entreprises. Les mouvements de privatisation et les restructurations se poursuivant et même s’accélérant, il faut s’attendre à une continuation de la baisse des emplois notamment industriels, baisse qui risque d’être supérieure aux nouveaux emplois pouvant être créés dans le commerce ou les services. 3. Une baisse modérée de la population active La diminution globale de la population active résulte en fait de deux mouvements : une croissance modérée de la population active de certains PMN : Albanie, Chypre, Grèce, Roumanie, Turquie, une chute pour les autres PMN.Cette baisse de la population active à plusieurs causes : 4. baisse de la population totale et vieillissement, c’est surtout le cas de la Russie et de la Bulgarie 5. flux migratoires importants : Arménie, Azerbaïdjan , et Géorgie 6. effet mécanique des structures démographiques : Chypre, Grèce, mais surtout la Turquie et l’Albanie pays de forte vitalité démographique 7. en Moldavie, en Roumanie, en Ukraine il est vraisemblable qu’il y ait compensation entre un croît naturel très modéré d’actifs lié à la structure par âge, et des flux émigratoires encore limités. 8. Forte croissance du chômage D’une manière générale le chômage dans les PMNà atteint des niveaux élevés en 1999, plus élevés que dans l’UE En fait si l’on met à l’écart la Grèce, Chypre et la Turquie, la poussée du chômage s’est faite en deux étapes : 9. certains PMN (Albanie, Bulgarie, Roumanie) ont connu une brusque augmentation du chômage dès le début de la crise de 1990 suivie d’une détérioration progressive qui amène en 1999 l’Albanie à 18% de chômage officiel, la Bulgarie à 16%, la Roumanie à 11,5%. 10. Les autres PMN ont « tenu le coup » plus longtemps ce fut le cas dans les PMN de l’ex-URSS où les travailleurs ont été maintenu à leur poste, sans travail et sans salaires versés. Le système de protection, notamment sous l’effet de la progression des privatisations a fini par craquer et ces PMN ont alors connu des taux de chômage élevés et croissants: La Russie est passée de 8,5% de chômage en 1995 à 11,7% en 1999, l’Arménie de 4,3% en 1995 à 11,6%, l’Azerbaïdjan de 1% en 1996 à 13,9%, la Géorgie de 3,4% en 1995 à 14,9%, l’Ukraine de 1% en 1996 à 11,3%. 50 La croissance économique soutenue explique le taux relativement faible de chômage en Turquie et à Chypre. La persistance d’un chômage élevé en Grèce malgré une croissance soutenue s’explique par l’augmentation du taux d’activité des femmes, la sévérité des conditions de mise à la retraite, une participation plus grande à l’activité des classes jeunes quand la situation de l’emploi s’améliore ainsi que le développement des flux d’immigration (Albanais, Roumains, Bulgares, Pontiques, ...). Le phénomène le plus significatif à prendre en compte par l’Europe dans le domaine du chômage, c’est la poursuite de sa croissance en raison de l’accélération des privatisations et de la restructuration des entreprises, notamment dans le secteur des entreprises agricoles et des grandes entreprises d’Etat. Il y a dans ce processus déjà à l’oeuvre et qui s’accélère une forte pression à l’émigration. 11. Des perspectives préoccupantes L’évolution de la population active en âge de travailler (15-64 ans) constitue un indicateur pertinent sur l’importance prévisible de la démographie sur les besoins d’emplois dans la mesure où en moyenne les 2/3 de cette catégorie de population se transformeront en actifs et chercheront un emploi. Si le marché du travail ne peut répondre à la demande, trois phénomènes peuvent se produire : diminution du taux d’activité : les enfants poursuivent plus longtemps leurs études, ou les femmes restent au foyer, augmentation du chômage et émigration. De 1995 à 2010, dans les PMN, la population en âge de travailler devrait croître de 7% (environ + 15 500 000 personnes), en supposant que les 2/3 s’intègrent dans la population active, on peut estimer que sur une période de 15 ans un peu plus de 10 000 000 actifs se présenteront sur le marché du travail, soit un peu moins de 700 000/an. Or, en considérant les évolutions respectives de l’emploi et de la population active de 1990 à 1995, on observe à la fois une baisse de la population active et une baisse près de trois fois plus forte des emplois. Ainsi, si les évolutions en cours se poursuivent au même rythme, l’arrivée en 15 ans de dix millions d’actifs supplémentaires va se traduire par : 12. Le retour à l’inactivité d’actifs, mais ce phénomène « d’ajustement sauvage » a des limites. 13. L’accroissement du chômage, déjà inscrit dans les tendances actuelles 14. L’accroissement des flux migratoires. Cependant, cette vision, plutôt alarmante globalement, doit être nuancée par la prise en compte des différences nationales. 51 15. Des pays où la population en âge de travailler va diminuer : Bulgarie, Grèce, Ukraine. Ce mouvement peut être compensé par une hausse du taux d’activité vraisemblable pour la Grèce, moins pour la Bulgarie et l’Ukraine. Cette baisse de la population en âge de travailler va alléger les pressions sur le marché du travail, elle n’amplifiera pas la montée du chômage et freinera les éventuels flux émigratoires. 16. Un groupe de pays pour lesquels la croissance de la population en âge de travailler restera modérée ou nulle : Roumanie (0%), Russie (+ 1,2%, soit + 1 800 000 personnes), Géorgie (+ 3,3%, soit + 119 000 personnes), Moldavie (+ 12,2%, soit + 347 000 personnes). Même constat que pour les pays du 1er type, ce n’est pas l’effet mécanique de la faible croissance démographique qui sera la cause principale de hausses éventuelles du chômage et des flux émigratoires. 17. Le 3ème groupe de pays pour lesquels la croissance de la population en âge de travailler est réelle : Albanie, Arménie, Chypre (+ 20% et respectivement + 414 000 personnes, + 450 000 personnes, + 95 000 personnes), Azerbaïdjan (+ 25% et + 1 162 000) Turquie (+ 30% et + 11 550 000 personnes). Il ne paraît pas impossible pour l’économie chypriote, à moyen terme, d’absorber ces actifs supplémentaires, mais la tension est déjà forte sur son marché du travail. Pour l’Azerbaïdjan, les perspectives de croissance liées au pétrole sont plutôt positives, des emplois devraient pouvoir se créer, si la rente pétrolière est effectivement redistribuée au bénéfice de l’ensemble de l’économie. La situation est plus délicate pour l’Arménie où la situation conflictuelle actuelle, les faibles performances économiques, le niveau limité des ressources naturelles ne permettront pas, si ces phénomènes se maintiennent, d’absorber un flux annuel de nouveaux demandeurs de travail d’environ 20 000 personnes. Dans ce cas, il est vraisemblable que la diaspora absorbera de nouveaux flux migratoires. La situation est toute aussi préoccupante pour l’Albanie dont les flux migratoires déjà importants risquent de continuer si l’économie ne repart pas solidement. A défaut, c’est chaque année, jusqu’en 2010, un flux moyen de 20 000 émigrés qui iront en Grèce, en Italie, en Allemagne. Il est clair que l’intérêt de l’Europe est d’aider vigoureusement au développement d’un pays enclavé en son sein, par ailleurs non dépourvu de potentialités. Quant à la Turquie, en 15 ans la population turque en âge de travailler va croître de 30% et de 11 550 000 personnes, soit approximativement un équivalent de 7 000 000 personnes, soit + 462 000/an. De 1990 à 1999, en raison d’une croissance économique soutenue, le volume des emplois en Turquie a augmenté de près de 2 000 000, soit environ 400 000/an. Il existerait donc un déficit annuel d’environ 60 000 emplois et cependant le chômage a diminué et se situe autour de 6%. L’explication à cette situation apparemment paradoxale réside dans : 52 18. La non-inscription au chômage et le développement du secteur informel, particulièrement actif en Turquie dans le secteur commercial, notamment avec les autres pays de la Mer Noire. 19. La génération de flux migratoires, amplifiés par le conflit kurde. Compte-tenu de l’importance en Turquie des demandeurs d’emploi d’ici 2010, on ne pourra limiter les flux migratoires qu’avec une croissance élevée de l’ordre de 4 à 5% par an, ce qui sur longue période constitue une performance difficile à maintenir mais envisageable. Il est certain par ailleurs que la cessation du conflit kurde interromprait en même temps son effet amplificateur sur les migrations. En fin de compte au sein des PMN, c’est la Turquie qui pose à terme les problèmes les plus importants du point de vue des migrations potentielles. 20. L’accroissement des inégalités sociales Les données concordent sur un point : celui de l’accroissement des inégalités sociales dans les PMN, en particulier dans les pays de la transition. Tous ces pays ont connu, plus ou moins accentuée, la même évolution. La crise économique brutale a provoqué une baisse générale du PIB par tête, passant de 3 215 USD/h en 1990 à 2130 USD/h en 1999, cette baisse ne concernent pas les trois pays méditerranéens. On assiste à une diminution du niveau de vie de près du tiers, allant de 75% en Moldavie à 61% en Bulgarie. Cette baisse n’a pas été subie de la même manière par les différents groupes sociaux, même si elle a concerné une large majorité de la population. En effet, deux phénomènes se sont produits : l’apparition d’une classe de nouveaux riches et la naissance d’une classe moyenne urbaine. Cette classe des nouveaux riches concerne l’ensemble des PMN ex-socialistes et pas simplement la Russie, même si c’est dans ce pays où le phénomène le plus évident pour plusieurs raisons : 21. Le trabendisme et la contrebande, où les fortunes peuvent être rapides et importantes, ce qui attire beaucoup d’énergies. 22. La montée de la criminalité, parallèle à celle de l’économie informelle : argent de la drogue, des rançons, corruption, détournement de fonds publics, spéculations. 23. La collusion entre certains nouveaux dirigeants avec l’économie mafieuse tant au niveau fédéral qu’au niveau régional. D’autre part, l’essor du commerce et de certains services privés, notamment dans les zones métropolitaines comme Moscou, tels les banques-assurances, les hôtels-restaurants, les services immobiliers, les services informatiques, favorise l’émergence d’une petite classe 53 moyenne dont le niveau de vie cherche à s’aligner sur celui des classes moyennes de l’Europe occidentale. En Russie, on a estimé à 35 millions d’individus l’importance de cette classe moyenne et à plus de 7 millions les « nouveaux riches », soit en tout près de 30% de la population russe. C’est cette population relativement privilégiée qui a « tiré » au cours de ces dernières années le marché des biens de consommation qui constitue un enjeu pour les entreprises étrangères. Entre ces « nouveaux riches », cette classe moyenne émergente ainsi que certains nomenklaturistes ayant réussi à conserver tant leurs prérogatives que leurs revenus, et la majorité de la population, le fossé se creuse. Or l’accroissement des inégalités sociales, surtout dans le contexte d’un appauvrissement global de la population, risque fort à terme de déboucher sur des tensions sociales violentes dont les solutions n’empruntent pas obligatoirement les voies de la démocratie. L’analyse des inégalités de développement a souligné le niveau général « moyen-bas » du PIB/h des PMN ainsi que la diminution du PIB/h depuis le début de la transition. La prise en compte du PIB corrigé ou de l’IDH revalorise sensiblement la position des PMN, mais il n’en reste pas moins que le niveau moyen des revenus des PMN est faible, cette faiblesse globale cache au sein de chaque état des disparités internes qui vont en s’exacerbant. La conjonction d’un chômage qui augmente et d’inégalités sociales croissantes ne peut que créer des situations n’allant pas dans le sens de la croissance, de la stabilisation économique et de la cohésion sociale. Cette situation risque d’installer aux portes de l’Europe actuelle et de la future Europe élargie des foyers de troubles sociaux et de déstabilisation politique permanents. B.4 Situation du processus de transition en Mer Noire B.4.1 Signification et tendances Le processus de transition caractérise la phase économique actuelle des Etats de l’ex-bloc socialiste dans leur passage de l’économie planifiée à l’économie de marché. Ce processus ne concerne pas les Etats de la Mer Noire déjà en économie de marché : Chypre, Grèce, Turquie, même si ces trois états connaissent des problèmes qui caractérisent le processus de transition. Ainsi, la Grèce et la Turquie sont engagées dans un processus de privatisation qui paraît irréversible même s’il s’accomplit sur un rythme assez lent en Turquie. D’autre part, l’inflation et le déficit budgétaire chronique que connaît la Turquie rappellent, mais rappellent seulement, les problèmes des pays de la transition dans les domaines monétaires et budgétaires. Cependant, ces similitudes partielles de problèmes de développement ne 54 justifient pas de parler de transition dans les cas grec et turc. Si la transition s’applique à tous les Etats de l’ex-bloc socialiste : pays de l’Europe Centrale et Orientale : Albanie, Bulgarie, Roumanie, pays de la Communauté des Etats Indépendants : Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie, Russie, Ukraine, le phénomène est loin d’être homogène au sein de cet ex-bloc. D’une manière générale, les PMN les plus avancés dans le processus de transition le sont nettement moins que les autres PECO. Quant aux PMN de la CEI, après les turbulences économiques et politiques de 1997 et 1998, en dépit d’un certain nombre de réformes allant dans le sens de l’économie du marché, ils enregistrent un important retard dans le processus de transition. Il apparaît, de plus en plus que pour les Etats PMN de la CEI, la transition se produira selon des trajectoires différentes de celles des PECO. Cette différence dans les trajectoires s’observera aussi au sein même des PMN de la CEI 55 Tableau n° 6 Situation de la transition dans les PECO, les Etats Baltes et les Etats de la CEI ENTREPRISES ECHANGES, MARCHES Part du Privatisation Privatisation Gouver- Libéralisa- Système Politique de grande Petite la concursecteur des nance et tion des prix échelle échelle restructurarence privé dans échanges le PNB extérieurs tion d'entreprises INSTITUTIONS FINANCIERES Réformes Marché des ESTIMAT. valeurs et GLOBALE banque (2) institut. liberalisation Taux Finan. non d' intérêt bancaires * PMN ALBANIE 75 2(1) 4 2 3 4+ 2- 2- 21 ARMÉNIE 60 3 3+ 2 3 4 1 2+ 2 20+ AZERBAÏDJAN 45 2- 3+ 2 3 3+ 2 2 2- 19 BULGARIE 70 4- 4- 2+ 3 4+ 2+ 3 2 24+ GÉORGIE 60 3+ 4 2 3+ 4+ 2 2+ 2- 22+ MOLDAVIE 50 3 3+ 2 3+ 4 2 2+ 2 21+ ROUMANIE 60 3 4- 2 3 4 2+ 3- 2 23- RUSSIE 70 3+ 4 2 3 2+ 2+ 2- 2- 20+ UKRAINE 60 3- 3+ 2 3 3 2+ 2 2 20+ BOSNIE-H. 35 2 2+ 2- 3 3 1 2+ 1 16+ CROATIE 60 3 4+ 3- 3 4+ 2+ 3+ 2+ 24+ RÉP. TCHÈQUE 80 4 4+ 3+ 3 4+ 3 3+ 3 27+ FYROM/MAC. 55 3 4 2+ 3 4 2 3 2- 23+ HONGRIE 80 4 4+ 3+ 3+ 4+ 3 4 4- 29+ POLOGNE 70 3+ 4+ 3 3+ 4+ 3 3+ 4- 27+ SLOVAQUIE 75 4 4+ 3 3 4+ 3 3 2+ 26+ SLOVÉNIE 55 3 4+ 3- 3+ 4+ 3- 3+ 3- 26+ ESTONIE 75 4 4+ 3 3 4+ 3- 4- 3 28 LITONIE 65 3 4+ 3- 3 4+ 2+ 3 2+ 24+ LITUANIE 70 3 4+ 3- 3 4 3- 3 3 26 BIELORUSSIE 20 1 2 1 2- 2- 2 1 2 13- KAZAKHSTAN 60 3 4 2 3 3+ 2 2+ 2+ 21+ KIRGISTAN 60 3 4 2 3 4 2 2+ 2 22+ TADJIKISTAN 40 2+ 3+ 2- 3 3+ 2- 1 1 17+ TURKMENISTAN 25 2- 2 1 2 1 1 1 1 11- OUZBÉKISTAN 45 3- 3 2- 2 1 2 2- 2 17- * PECO * Etats Baltes * CEI Source : Transition Report 2000 - BERD (1) Plus la note (de 1 à 4+) est élevée, plus le processus de transition est avancé dans le domaine considéré : – Le niveau 1 : correspond à un processus faiblement engagé, voire pas engagé du tout. – Le niveau 2 : le processus est engagé mais l’application des mesures est encore limitée, d’importants blocages subsistent. – Le niveau 3 : le processus est déjà bien engagé, des résultats significatifs ont été atteints, mais le processus n’est pas encore irréversible. – Le niveau 4 : le processus arrive à son terme, voire est abouti, même si quelques blocages freinent encore. (2) TAD a calculé cette estimation globale qui n’est donc pas directement issue du tableau BERD. On peut estimer qu’en dessous d’une note globale 16, le processus de transition est faible et en panne. De 16 à 24, le processus de transition est plus ou moins amorcé mais des difficultés importantes subsistent. Au-dessus de 24, le processus est bien engagé et devrait arriver à son terme . 56 Les Etats PMN apparaissent nettement moins avancés dans leur processus de transition que les PECO et les Etats baltes, par contre ils sont globalement en avance sur les Etats de la CEI. On retrouve dans cette position intermédiaire au regard de la transition, le caractère ambigu de la zone Mer Noire qui appartient à deux espaces géo-économiques différents : l’Europe et l’Asie. Au sein des PMN les différences sont sensibles entre des Etats comme la Bulgarie ou la Roumanie plutôt relativement avancés dans la transition sans cependant être au niveau moyen des autres PECOS et des PMN de la CEI plutôt en retard plus proches du modèle « asiatique »notamment l’Azerbaïdjan mais aussi la Russie et l’Ukraine La première phase de transition (libéralisation des prix, privatisation, libéralisation des échanges extérieurs) est relativement bien engagée en Mer Noire. La libéralisation des échanges extérieurs et la privatisation des commerces et des services, sont les domaines les plus avancés du processus, c’est d’ailleurs sur ce point que les pressions des Etats Unis, de l’UE, du Japon et de l’OMC, ont été les plus insistantes. Les avancées sont aussi sensibles dans les domaines de la libéralisation des prix intérieurs, où subsistent cependant, pour certains Etats, des blocages et des fixations de prix arbitraires. La privatisation des grandes entreprises, d’une manière générale se poursuit plutôt mollement, avec des situations très différentes selon les Etats. La seconde phase de la transition : gouvernance, restructuration des entreprises, régulation du marché financier, renforcement du système budgétaire et fiscal, réformes et mise en oeuvre de nouvelles règles institutionnelles et légales, mise sur pieds d’un système de garantie sociale, progresse plus lentement ; il est vrai qu’elle touche les structures institutionnelles et politiques des Etats. Les écarts de situations au sein des PMN sont importants. C’est dans le domaine de la restructuration du système budgétaire et fiscal que les progrès sont les plus difficiles, il s’agit pourtant d’un secteur qui conditionne toutes les politiques d’Etat, à travers la politique budgétaire, et qui rythme les avancées et les reculs de la transition. B.4.2 Situation de la transition selon les domaines 1. La libéralisation des échanges extérieurs Le bon niveau moyen de libéralisation des échanges extérieurs a permis à l’Albanie et à la Géorgie de devenir en 2000 membres de l’OMC, rejoignant ainsi la Bulgarie et la Roumanie. Des négociations sont en cours avec l’Arménie, la Moldavie où subsistent encore des mesures protectionnistes concernant l’agriculture et l’Azerbaïdjan où ces mesures protectionnistes concernent l’industrie. Les deux PMN les plus en retard dans ce domaine sont l’Ukraine, où subsistent des taxes sur les importations pour protéger l’industrie, les négociations sont en cours avec l’OMC, et surtout la Russie qui maintient un système de taxations et de quotas sur un des secteurs essentiels de son économie : l’énergie. 57 2. La libéralisation des prix Des progrès notables ont été accomplis, les PMN sont sur ce point à peu près au même niveau que les PECO et les Etats Baltes. Les politiques de stabilisation, d’ajustement qui concernent la majorité des PMN ont apparemment maîtrisé l’inflation qui reste encore relativement élevée en Roumanie, en Géorgie, en Moldavie, en Russie, en Ukraine. Les interventions de l’Etat dans la fixation des prix se font plus rares mais elles demeurent cependant, notamment en Russie et en Ukraine. Un code des taxes a été adopté en Russie en Juillet 2000, l’Ukraine devrait adopter sont projet de code en 2001. 3. La privatisation Dans tous les PMN, à l’exception de l’Azerbaïdjan, la part du secteur privé dépasse 50% du PNB, elle est la plus élevée en Albanie, en Bulgarie, en Russie. La privatisation des économies des PMN est donc bien avancée même si elles le sont moins que celles des PECO et des pays baltes (le taux de privatisation en Hongrie et en République Tchèque atteint 80%) mais plus que les autres Etats de la CEI, la Bielorussie ayant le plus faible niveau de privatisation avec 20% . La privatisation des petites et moyennes entreprises, notamment dans les commerces et les services est bien avancée sans être au niveau des PECO. Il en va différemment pour les grandes entreprises. Ces dernières années ont été marquées par une volonté politique d’accélérer la privatisation des grandes entreprises en ayant recours à diverses méthodes: vente par un fonds spécial (ex : Fonds de la Propriété d’Etat en Ukraine), vente directe aux investisseurs en totalité ou en partie, vente d’actions ou de participations, liquidation pure et simple. Plus que la volonté politique ce qui freine la privatisation des grandes entreprises et explique la lenteur du processus, c’est la motivation des investisseurs et les capacités financières du marché. La majorité des entreprises mises sur le marché est déficitaire, la restauration de leur rentabilité passe par des mesures très sévères de restructuration, notamment des réductions considérables d’effectifs. Dans ces conditions, compte tenu du volume très important d’entreprises offertes, en même temps ou presque, sur le marché, il y a en quelque sorte saturation par rapport aux capitaux effectivement disponibles. L’ajustement pour l’écoulement de cette offre d’entreprises s’effectue en s’échelonnant dans le temps. Ce sont les plus rentables qui partent les premières, les autres restent en stand-by jusqu’à leur liquidation programmée. L’Albanie a accéléré ses privatisations de grandes entreprises dans la période 1999-2000, à l’inverse de l’Arménie qui n’a pu mener à bien son programme de privatisation et qui envisage de liquider celles qui ne seront pas vendues. En Azerbaïdjan, en Géorgie, la privatisation des grandes entreprises progresse lentement, ainsi qu’en Moldavie où cependant le Parlement veut faire échapper à la privatisation un secteur économique vital de l’économie moldave : le vin et le tabac. En Russie le mouvement a été très lent mais devrait s’accélérer avec un 58 programme de privatisations 2001, plutôt ambitieux. Il est vrai que l’absence de transparence qui a régné dans la privatisation des grandes entreprises russes ne motive guère les investisseurs potentiels . Même avancées molles en Ukraine, mêmes ambitions d’intensifier le processus dans le cadre d’un programme 2000-2002. Du fait de son statut de pré-adhésion la Bulgarie est bien avancée dans le processus de privatisation, ce qui n’est pas le cas de la Roumanie où le mouvement reste lent, essentiellement du fait de la situation déficitaire chronique des entreprises offertes. La période récente 1998-2000 a connu des évolutions significatives dans le domaine de la privatisation du secteur agraire. Il s’agit d’un processus en plusieurs étapes qui comprend : la restitution des terres, l’établissement de titres de propriété, d’un cadastre, le droit de vendre les terres ainsi restituées et cadastrées. Le processus est inégalement avancé selon les PMN. Il est quasiment achevé en Bulgarie, il est bien avancé en Albanie, dans les trois états caucasiens, en Moldavie. Il avance en Ukraine avec l’adoption en juillet 2000 d’un Code Foncier mais les interventions de l’Etat restent encore lourdes. Il piétine en Russie où la privatisation reste limitée, l’absence d’un Code foncier freinant sérieusement le mouvement. 4. Réforme des entreprises Cet aspect de la transition est étroitement lié à celui de la politique de la concurrence. C’est un domaine des PMN où la transition apparaît nettement en retard. Il s’agit d’une composante essentielle de la transition puisqu’elle concerne le cœur même de la vie économique : l’entreprise et la dimension sociale fondamentale : l’emploi. C’est à travers une réforme réussie du fonctionnement des entreprises que la transition avancera véritablement . Il ne faut pas s’étonner si c’est le domaine où les avancées sont les plus faibles, les résistances les plus fortes, les possibilités de retour en arrière les plus tentantes. Toutes les entreprises des PMN souffrent d’une grave insuffisance de productivité qui alimente les déficits structurels de leur exploitation. Dans ce cas la plus mauvaise solution, du point de vue de la restructuration des entreprises, est celle qui consiste à recourir aux subventions et laisser grossir l’arriéré des dettes des entreprises, c’est notamment le cas de la Roumanie. La bureaucratie, la multiplication des taxes, la corruption, le développement du secteur informel, les difficultés pour les petites et moyennes entreprises d’accéder au crédit, la pratique généralisée du troc créent un climat qui décourage les investisseurs qu’ils soient nationaux ou étrangers, sans investissements pas de gains possibles et durables de productivité, d’où l’engrenage déficitaire. Il faut ajouter une grave insuffisance manageriale. L’ensemble de ces facteurs explique la lenteur de la progression de la restructuration des entreprises des PMN. 59 Plusieurs mesures pour assainir cette situation ont été prises : 5. Lois sur la faillite (Albanie, Arménie 1997, Azerbaïdjan 1997, Bulgarie 1996, Géorgie 1997, Moldavie 1997, Roumanie 1995, Russie 1998, Ukraine 1992) 6. Mesures pour améliorer la situation financière des petites et moyennes entreprises et favoriser leur accès au crédit (Arménie 2000, Russie 1999, Ukraine 2000) 7. Mesures d’assistance à la gestion : Géorgie 1999, Moldavie. Il semble qu’après avoir longtemps hésité à favoriser les mesures de restructurations nécessaires, pour des raisons politiques et sociales, les autorités des PMN s’orientent, lentement, vers une politique plus ferme de restructuration. 8. Réforme des Institutions bancaires et financières Dans ce domaine aussi, les PMN marquent un net retard par rapport aux PECO et aux Etats Baltes. La privatisation des grands établissements bancaires n’avance que lentement. Le développement du secteur privé, est surtout le fait de petits établissements avec des capitalisations très faibles. Les banques des PMN n’assument pas, ou mal, leur rôle d’intermédiaire financier permettant en particulier aux PME, d’accéder au crédit. Trop de banques des PMN travaillent en spéculant sur les multiples obligations, bons, certificats émis par les autorités centrales pour pallier leurs insuffisances budgétaires. De nombreuses mesures d’amélioration du système bancaire ont cependant été prises : 9. Recapitalisation des banques, IBA en Azerbaïdjan, Banco Agricola en Roumanie 10. Privatisation de banques d’Etat (NCB en Albanie, Armsberbank en Arménie) le secteur bancaire est presque complètement privatisé en Bulgarie 11. Loi bancaire : Bulgarie 1997 12. Instauration d’un capital minimal : Albanie 1999 13. Instauration de réserves minimales : Moldavie 2000 14. Création d’une Agence de restructuration des banques : Russie – ARCO – 1998 15. Suppression des restrictions des participations étrangères : Ukraine 1998 16. etc... En dépit de ces mesures, le système bancaire des PMN reste à la fois inadapté aux fonctions d’intermédiation financière qui devrait être les siennes et surtout très vulnérable. 60 17. Réforme sociales Le mouvement de transition s’est traduit par un accroissement important de la pauvreté dans les PMN. La chute des recettes publiques a entraîné une forte chute des financements des politiques sociales. Les situations des populations des PMN sont souvent dramatiques. La catégorie de population la plus touchée dans l’ensemble des PMN est celle des retraités : nonpaiement des pensions, perte considérable du pouvoir d’achat des pensions versées. Devant la gravité des situations et la montée des mécontentements, des mesures encore timides ont été prises pour améliorer cette situation. Plusieurs PMN ont engagé une réforme profonde de système de retraite : la Bulgarie en 1999, la Roumanie en 2000, la Moldavie en 1998, de même, quelques mesures visant à renforcer le système d’assurance sociale : Albanie, Arménie, Bulgarie avec la création en 1999 d’un Fonds d’Assurance Santé. En Russie, où la situation est particulièrement dramatique, le nouveau gouvernement s’est fixé un programme ambitieux de réformes dans le secteur social, notamment les retraites et la sécurité sociale, il faudra attendre pour voir..... 18. En conclusion La transition a fait des avancées importantes dans l’ensemble des PMN, le phénomène apparaît maintenant bien engagé même s’il se déroule à des rythmes et des modalités différents selon les Etats. Les domaines de la libéralisation, de la privatisation sont les plus avancés, il en va différemment pour les réformes qui touchent aux restructurations en profondeur de l’appareil économique, notamment les entreprises, les institutions financières et bancaires, la gouvernance. Dans ces domaines, le caractère d’irréversibilité est loin d’être atteint, même si le processus est effectivement engagé. Le prix à payer est socialement lourd, il faudrait parler d’une troisième phase de la transition, nécessaire, urgente : la phase sociale. Au sein des PMN on peut schématiquement distinguer deux groupes : 19. Ceux où la transition est bien engagée : Bulgarie, Roumanie, qui ont retrouvé un réel dynamisme ; Albanie, Géorgie, Moldavie, pour ces Etats le phénomène semble difficilement réversible même si des retours en arrière ne sont pas impossibles notamment pour la Géorgie et la Moldavie. 20. Ceux où la transition évolue lentement, où les freins sont encore puissants, les retours en arrière nombreux : Azerbaïdjan, Arménie, Ukraine et la Russie. Pour ce dernier pays les incertitudes sont particulièrement lourdes or ce pays est encore la première puissance économique riveraine en Mer Noire. 61 B.5 Union Européenne – PMN une integration moderée à forte Deux niveaux d’intégration sont pris en compte : l’intégration Union Européenne – PMN et l’intégration entre les PMN. L’évaluation du niveau d’intégration repose sur 4 indicateurs de flux : 1°) les échanges commerciaux et financiers 2°) les mouvements de population 3°) les solidarités environnementales 4°) les infrastructures d’échanges B.5.1 Les échanges commerciaux des PMN n PMN moins de 3% des échanges mondiaux, un peu plus de 7% des échanges de l’Union Européenne Durant la période 1993-1999, les échanges commerciaux extérieurs des PMN ont représenté un peu plus de 2 000 millions USD soit 2.85% des échanges mondiaux, 7.4% des échanges commerciaux globaux de l’Union Européenne et 18.5% des échanges extra-communautaires. La balance commerciale des PMN est à peu près équilibrée pour l’ensemble de la période 1993-1999, puisque le taux moyen de couverture s’établit à 98,5%. En fait ce relatif équilibre est dû uniquement au solde largement excédentaire de la Russie, tous les autres PMN présentent des déficits commerciaux. n L’ouverture des PMN en 1999 fait apparaître des situations contrastées : Des pays ayant une ouverture relativement importante : Bulgarie, Ukraine, Chypre, Moldavie mais à l’exception de Chypre, cette ouverture est plus apparente que réelle et reflète plutôt une faiblesse structurelle du potentiel économique mesuré par le PIB qu’une grande capacité d’échanges, notamment à l’exportation : Des pays relativement ouverts avec un taux d’ouverture autour de 30% mais avec plusieurs types de situations : 21. Celles de l’Albanie, de l’Arménie dans une situation du type moldave 22. Celles de la Grèce et de la Turquie où existent tant un réel potentiel économique qu’une capacité effective d’échanges 23. Celles de la Roumanie et de la Russie, types médians 62 Graphique 11 (Source : FMI) Evolution des échanges commerciaux dans les PMN Base 100 en 1993 300 250 Géorgie Arménie Albanie 200 Roumanie Moldavie T urquie 150 Russie PMN Ukraine Chypre 100 Azerbaïdjan Grèce Bulgarie 50 0 1993 1994 1995 1996 1997 63 1998 1999 Des pays plutôt fermés, l’Azerbaïdjan et la Géorgie conjuguant faiblesse du potentiel économique et faible capacité d’échanges, avec des tendances plus favorables, mais récentes pour l’Azerbaïdjan. Graphique 12 (Source : FMI) Taux d'ouverture des PMN G é o r g i e G r è c e P M N T u r q u i e Russie R o u m a n i e A z e r b a ï d j a n Albanie C h y p r e A r m é n i e Bulgarie U k r a i n e M o l d a v i e 0 20 40 60 80 100 120 140 D e g r é d ' o u v e r t u r e n Entre 1993 et 1999, les échanges commerciaux des PMN ont crû de 43% soit un peu plus de 5% par an, mais en partant d’un effondrement des échanges, pour la majorité d’entre eux, au début des années 1990. Il s’agit plutôt d’un effet de rattrapage d’un potentiel d’échanges qui s’était effondré que d’une croissance fondée sur une dynamique économique réelle. L’évolution des échanges suit une courbe « en cloche » avec une croissance importante et régulière entre 1993 et 1995-96, c’est essentiellement l’effet « rattrapage » qui joue ensuite de 1995-96 à 1999 avec une diminution des échanges plus ou moins accentuée selon les PMN. L’effet « rattrapage » est spectaculaire pour les petits pays comme la Géorgie, l’Arménie, l’Albanie la Moldavie, mais il reste très fragile et ne doit pas dissimuler leur faible potentiel d’échanges. La Roumanie, la Russie, l’Ukraine après avoir connu l’effet « rattrapage » enregistre une chute sensible de leurs échanges (crise russe de 1998, crise bulgare de 1997). L’allure de la Grèce, Chypre et la Turquie est aussi « en cloche » mais la croissance est plus solide, les fluctuations moins brusques. 64 24. Les partenaires commerciaux L’Union Européenne est le principal partenaire des PMN ; sur la période 1993-1999, l’Union Européenne a représenté plus de 39% des échanges commerciaux des PMN, 38% de leurs exportations,48%de leurs importations. Le solde commercial entre l’Union Européenne et les PMN est nettement déficitaire pour ces derniers, le taux de couverture avec l’Union Européenne était de 78% pour la période 1993-1999 ( 85% en 1999). La CEI constitue le 2 ème partenaire des PMN, elle représente 11% des échanges totaux des PMN pour la période 1993-1999. Les PMN les plus sensibles à ces échanges sont : Moldavie (53%), Ukraine (39%), Géorgie (33%), Arménie (32%) et Azerbaïdjan (25%) à un niveau moindre Bulgarie (16%). L’impact est très faible pour l’Albanie (0,5%), la Grèce (4%), faible mais non négligeable pour Chypre (6,7%) la Turquie (7,3%), la Russie (8.3%) la Roumanie (9,4%). Là aussi a joué un effet de rattrapage. Avec l’effondrement du bloc soviétique, les échanges des PMN avec la CEI ont brutalement chutés : 4% en 1993 pour remonter à près de 14% en 1995, depuis cette date on observe une diminution régulière de la part de la CEI dans les échanges des PMN, elle ne représentait plus que 9% en 1999. 25. Les échanges intra PMN Graphique 13 (Source : FMI) Part de chaque pays dans les échanges intra-PMN Géorgie 1 % Arménie 1 % Albanie 1 % Chypre 2 % Azerb. 2 % Moldavie 3 % Roumanie 5 % Grèce 6 % Bulgarie 8 % Turquie 12% Ukraine 2 4 % Russie 3 5 % 0% 10% 20% 65 30% 40% Entre 1993-1999 les échanges commerciaux internes aux douze PMN ont représenté 16% du commerce extérieur de l’ensemble de ces pays, largement en deçà de ce que représentent les échanges avec l’Union Européenne. Après avoir représenté jusqu’à 18% des flux commerciaux globaux des PMN en 1995, la part relative des flux intra PMN diminue régulièrement et ne représente plus que 14% en 1999. Ces échanges internes sont dominés par les flux commerciaux russes et ukrainiens qui représentent près de 60% des flux internes. Au sein de la Mer Noire les principaux partenaires de la Russie sont l’Ukraine, la Turquie, à un niveau moindre la Bulgarie et la Roumanie. Pour l’Ukraine, la Russie représente plus des trois quart de ses échanges, loin derrière viennent la Turquie et la Bulgarie. Si on examine la sensibilité des différents PMN au marché Mer Noire, mesurée par le rapport entre les flux de chaque pays avec les autres PMN par rapport à ses flux commerciaux totaux pour la période 1993-1999, on observe 3 types de situations : 26. des PMN très sensibles au marché régional Mer Noire : Moldavie, Géorgie, Azerbaïdjan, Ukraine 27. des PMN sensibles: Bulgarie, Albanie, Arménie, Chypre 28. des PMN peu sensibles: Roumanie, Russie, Turquie et Grèce. Pour la Russie il faut prendre en compte que les flux commerciaux dont elle est l’origine ou la destination sont prépondérants en Mer Noire, en fait la Mer Noire est plus « sensible » à la Russie, que la Russie l’est vis à vis de la Mer Noire. B.5.2 Echanges commerciaux UE – PMN Graphique 14 (Source : FMI) Evolution des échanges commerciaux entre l'Union Européenne et les PMN 160 % des échanges 150 140 130 120 110 100 1993 1994 1995 1996 66 1997 1998 1999 n Sur l’ensemble de la période la balance commerciale a été régulièrement favorable à l’Union Européenne avec un excédent global de 95 000 millions USD soit en moyenne 13 000 millions USD/an, retombé à moins de 10 000 millions USD en 1999 : SOLDE COMMERCIAL DE L’UE AVEC LES PMN - 1 584 millions USD 1985 - 2 723 millions USD 1990 + 425 millions USD 1995 + 10.636 millions USD 1997 + 21.900 millions USD 1999 + 11.000 millions USD Sur la période 93/99, le taux de couverture moyen a été de 79% avec une légère amélioration en fin de période dûe plus à une baisse des importations (Russie, Ukraine) qu’à une augmentation des exportations (Roumanie, Turquie).Sur 7 ans, le solde commercial cumulé PMN- Union Européenne représente un déficit commercial de 95 000 millions USD pour les PMN. Les échanges avec l’Union Européenne sont excédentaires pour la Russie et l’Azerbaïdjan en raison de leurs exportations d’hydrocarbures et déficitaires pour les autres PMN. Dans ces échanges, ceux avec la Russie représentent 35%, la Turquie près de 27% et la Grèce 20%. Graphique 15 (Source : FMI) Taux de couverture 1993-1999 :PMN - Union Européenne 180 160 140 120 en % 100 80 60 40 20 67 pr hy C an lb A e ie e vi e da ui ol rq ai ne Tu kr U e PM N ri ga ul B M R ou m us an si e ie 0 R n 1980 n Sur longue période 1985-1999, le volume global des échanges entre l’Union Européenne et les PMN a augmenté de 45%. Cette croissance provient surtout d’une forte augmentation des exportations de l’Union Européenne vers les PMN qui ont plus que doublé, alors que l’augmentation des importations n’était que de 13%. Sur cette période longue marquée par la transition on observe : 1. un déficit régulier depuis 1980 des échanges avec l’URSS puis avec la Russie, plus récemment avec l’Azerbaïdjan 2. un reversement de tendances, le solde devenant favorable à l’Union Européenne avec la Roumanie, la Bulgarie, l’Arménie, la Géorgie, la Moldavie, l’Ukraine. 3. Des soldes excédentaires, rapidement croissants, de l’Union Européenne avec les trois pays à économie de marché : Chypre, Grèce, Turquie, puis l’Albanie, c’est à dire les quatre PMN méditerranéens. 68 Graphique 16 (Source : FMI) Graphique 17 (Source : FMI) Part des échanges avec les PMN Part des échanges avec l'UE pour chacun des pays de l'UE (1993-1999) pour chacun des PMN (1993 - 1999) 100 16 9 0 14 8 0 12 7 0 6 0 8 % des échanges Exportation Importation Total 6 Exportation 5 0 Importation TOTAL 4 0 3 0 4 2 0 2 1 0 Portugal 69 Ukraine Moldavie Azerbaïdjan Géorgie Arménie Russie PMN Bulgarie Chypre Turquie Roumanie Grèce 0 Albanie Espagne Belgique-Lux. France Suède Grande-Bretagne Pays-Bas Danemark Irlande Autriche Union Européenne Italie Allemagne Finlande 0 Grèce % des échanges 10 n Il est donc évident que l’Union Européenne a bénéficié du processus de transition dans ses échanges commerciaux avec un accroissement non seulement du volume global des échanges, mais aussi de son solde devenu excédentaire dès le début du processus. n Sur la période récente 1993-1999, l’Union Européenne s’affirme comme le premier partenaire commercial des PMN : 4. l’Union Européenne représente 39% des flux commerciaux des PMN, 38% de leurs exportations et 48% de leurs importations 5. Les PMN représentent pour l’Union Européenne un peu moins de 3% de ses échanges totaux, 3,2% de ses exportations et 2,6% de ses importations. En 7 ans les flux sont passés à l’indice 140 en 1999 (1993=100) avec un indice maximum de 155 en 1997. Les exportations sont à l’indice 145 en 1999, et les importations à l’indice 137 d’une manière générale les importations ont crû un peu plus fortement que les exportations. Après un effet logique de rattrapage dans les années qui ont immédiatement fait suite à l’effondrement des économies socialistes entre 1990 et 1992, les fluctuations des échanges commerciaux entre l’Union Européenne et les PMN se font sur des rythmes proches de l’ensemble des échanges de l’Union Européenne. Le maintien d’un solde excédentaire favorable à l’Union Européenne, voire son renforcement certaines années, doit attirer l’attention. Il faudrait éviter que le déséquilibre commercial entre PMN et Union Européenne n’aille en s’accentuant, au bénéfice des exportations de l’Union Européenne, c’est au niveau des possibilités d’exportations des PMN vers l’Union Européenne que la balance devrait pouvoir s’améliorer dans un contexte global de croissance des échanges. 6. Les niveaux d’integration UE –PMN Trois niveaux pour les PMN15 7. Intégration forte : Albanie (91%) Grèce (63%), Roumanie et Turquie (55%). La forte dépendance de l’Albanie vis à vis de l’Union Européenne apparaît nettement. L’intégration de la Grèce est logique puisqu’elle est membre de l’Union Européenne. Il est significatif de noter l’importance de l’intégration pour la Roumanie et la Turquie en pré-adhésion. La Roumanie a une intégration plus forte pour ses exportations que pour ses importations, c’est l’inverse pour les trois autres PMN. 15 En adoptant les seuils suivants : % des échanges avec l’UE>50% des échanges totaux =forte intégration commerciale % des échanges avec l’UE>entre 25 et 50% des échanges totaux =intégration commerciale moyenne % des échanges avec l’UE< 25 =intégration commerciale faible 70 8. Intégration faible : l’Ukraine, la Moldavie, l’Azerbaïdjan (16%), la Géorgie (17%), l’Arménie (20%). Il s’agit d’un groupe homogène : celui des PMN de la CEI, excepté la Russie. Dans ce groupe c’est la CEI qui constitue le bloc partenarial dominant : 72% pour la Moldavie, 39% pour l’Ukraine, 35% pour la Géorgie, 33% pour l’Azerbaïdjan, 29% pour l’Arménie. Au sein de ce bloc c’est la Russie qui représente le premier partenaire. La rémanence des liens économiques tissés avec l’ex-URSS reste encore très présente pour ces PMN. 9. Intégration moyenne : Il s’agit de Chypre (47%) en pré-adhésion mais dont les importations proviennent de l’Union Européenne à raison de 51%, de la Bulgarie (45%) elle aussi en pré-adhésion dont 46% des exportations sont dirigées vers l’Union Européenne et de la Russie (38%), pour ces deux PMN la persistance des liens intra CEI explique en partie la part plus modérée de l’Union Européenne que dans le premier groupe, ce qui n’empêche pas l’Union Européenne d’être le premier partenaire pour ces deux pays. 10. Niveau d’integration des pays de l’Union Européenne : Une integration commerciale globalement moderée Pendant la période 1993-1999, l’Allemagne a réalisé 30% des échanges entre l’Union Européenne et les PMN et dégagé un solde commercial positif cumulé de 29000 millions USD, ce qui représente un solde positif annuel moyen de plus de 4 000 millions USD. L’Italie est le second partenaire avec 18,5% des échanges et un solde commercial positif de l’ordre de grandeur du solde allemand. Ces deux pays représentent près de la moitié des échanges entre l’Union Européenne et les PMN, 48% pour la période 1998-1999, 44% en 1999. Si on ajoute la part de l’Autriche, un peu plus de 3% des échanges, on s’aperçoit que les états de l’Union Européenne appartenant à l’Europe Centrale (Allemagne, Autriche, Italie)16 représentent un peu plus de 50% des échanges entre l’Union Européenne et les PMN. Derrière ce groupe dominant dans les échanges viennent la Grèce et la Finlande. Pour la Grèce, se sont essentiellement les exportations vers la Bulgarie, la Russie, la Turquie et Chypre qui représentent un flux significatif : près de 14% des exportations grecques. A l’inverse, pour la Finlande c’est l’impact des importations qui est plus important : 10% notamment celles en provenance de Russie. En conclusion, pour les pays de l’UE les niveaux d’intégration commerciale sont relativement forts pour la Grèce, la Finlande, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche et plutôt modérés pour les autres pays de l’UE. 16 Il s’agit essentiellement de l’Italie du Nord qui occupe une position dominante dans les échanges commerciaux italiens. 71 Du côté des PMN, les pays les plus intégrés sont l’Albanie, la Grèce, la Roumanie, la Turquie et Chypre. Les autres Etats PMN, à l’exception de la Bulgarie dont l’intégration commerciale avec l’UE croît, le niveau d’intégration sur le plan commercial reste modéré voire faible. n Sur longue période (1991-1998), l’aide par habitant pour les PMN se situe à 39 USD/h/an. A titre de comparaison, pour la même période des chiffres étaient : 11. 35 USD/hab. pour les pays au Nord-Sahara (Maghreb, Machrek) 12. 33 USD/hab. pour les autres Etats africains du Sud-Sahara. 13. 82 USD/hab. pour les Etats d’Amérique du Sud, 14. 126 USD/hab. pour les états de la CEI et les PECO. Les PMN se situent plutôt dans la fraction basse de l’aide n PMN récepteurs Au sein des PMN les situations sont très différentes avec : 15. des PMN plutôt favorisés par l’aide au développement : l’Albanie (85 USD), la Roumanie (50 USD), la Turquie (46 USD), la Russie (44 USD), l’Arménie (42 USD). 16. Des PMN plutôt défavorisés par cette aide : la Bulgarie qui a beaucoup remboursé pendant cette période, l’Ukraine (17 USD), la Moldavie (16 USD), l’Azerbaïdjan (25 USD), la Georgie (38 USD). n Pays de l’Union Européenne émetteurs Par rapport aux pays émetteurs l’aide représente une contribution très modeste par rapport à leur PIB. Globalement, en 1999, l’aide publique au développement n’atteint pour l’Union Européenne que 0,32% du PNB combiné des Quinze allant de 1,01% pour le Danemark à 0,15% pour l’Italie, c’est loin des 0,7% du PIB qui furent un moment l’objectif des pays riches envers les pays en développement. Cependant l’aide des pays de l’Union Européenne vers le PMN à tendance à croître dans la période récente, elle était de 33 USD/an/hab. entre 1991 et 1995, mais de 50 USD entre 1996 et 1998. 72 Graphique 18 (Source : CAD 2000) Graphique 19 (Source CAD 2000) Graphique 20 (Source : CAD 2000) Part de chaque PMN Répartition de l'aide mondiale Part des pays de l'UE dans le flux total d'aides aux PMN dans l'aide au PMN Russie Turquie Roumanie Ukraine Chypre Albanie Géorgie Azerbaïdjan Arménie Moldavie Bulgarie Union Europénne Multilatéral USA Japon Autres 73 Allemagne Pays-Bas France Italie G rande-Bretagne Belgique Autriche Espagne Finlande Suède Danemark Portugal Irlande Luxembourg n Pour l’ensemble des PMN, la part de l’aide multilatérale est de 19% de l’aide totale, la faiblesse de ce taux provient de la Russie qui draine plus de la moitié de l’aide totale (51%) et dont le bilatéral couvre 82% des aides reçues. Par contre la proportion du multilatéral est supérieure ou proche de la moitié de l’aide pour les petits Etats des PMN : Moldavie 64%, Arménie 60%, Georgie 54%, Albanie 48%. Cette distribution très différenciée entre le bilatéral et le multilatéral reflète la géostratégie des états émetteurs qui pour des motivations économiques et politiques accordent de préférence leurs aides aux états potentiellement les plus importants, laissant au multilatéral l’assistance aux petits Etats de la Mer Noire. Au niveau de l’aide bilatérale, la part allemande est très largement dominante : 74% de l’aide à destination des PMN :C’est le résultat de l’importance de l’aide bilatérale allemande vers la Russie, viennent loin derrière les Pays-Bas, la France et l’Italie. C’est le bilatéral italien qui est prépondérant en Albanie, le néerlandais en Arménie et en Azerbaïdjan, dans les autres PMN, c’est le bilatéral allemand. Toute aide confondue, bilatérale et multilatérale, la part de l’Union Européenne (bilatérale + aide communautaire + BERD) dans l’aide au développement en Mer Noire est d’environ 75%. Elle est particulièrement présente à Chypre, Turquie, Albanie, Russie. Elle n’est minoritaire qu’en Moldavie ou domine l’aide américaine, la BIRD et l’IDA, en Arménie (aide américaine et IDA), en Azerbaïdjan (aide américaine, japonaise et IDA). Cette situation souligne l’importance fondamentale pour les PMN des liens financiers avec les pays de l’Union Européenne. n L’intensité des flux financiers entre deux Etats constitue un indicateur de leur niveau d’intégration réciproque. La première place qu’occupe un pays émetteur dans l’aide au développement révèle, dans une certaine mesure une volonté d’influence : 17. l’Allemagne est le premier fournisseur d’aide pour Chypre, la Roumanie, la Russie, la Turquie et l’Ukraine. 18. l’Union Européenne est le premier fournisseur d’aide en Albanie, suivie de près par l’Italie, en Bulgarie et en Georgie, suivie de près par l’Allemagne. 19. Les Etats-Unis sont les premiers fournisseurs d’aide en Azerbaïdjan et en Arménie, la BIRD en Moldavie. B.5.4 Autres indicateurs d’intégration 20. Les flux migratoires L’examen des flux migratoires indique que trois PMN générent des flux migratoires importants vers l’Europe : la Turquie, la Roumanie, l’Albanie. Les flux vers l’Europe en provenance de la Bulgarie, de la Moldavie, la Russie et l’Ukraine ont tendance à augmenter les migrations intra- 74 CEI ne jouant plus, ou beaucoup moins, le rôle d’intermédiation du début des années 1990. Ces flux migratoires en provenance de l’Union Européenne atteignent progressivement la totalité du territoire de l’Union Européenne. Les migrants vont d’abord vers les Etats limitrophes de l’Union Européenne qui leurs sont limitrophes et se distribuent ensuite sur l’ensemble de l’Union Européenne avec pour principaux critères les opportunités offertes par les réglementations et dispositions diverses concernant l’accueil des émigrés et les opportunités d’accueil liées à l’existence d’une population d’émigrés de leur pays dans le pays d’accueil souhaité. Les pays de l’Union Européenne les plus exposés sont ceux qui sont géographiquement les plus proches des PMN : Allemagne, Autriche, Grèce et Italie. 21. Les infrastructures Pour prendre en compte le niveau d’intégration dans ce domaine, il faut tenir compte de la qualité de l’accessibilité et des dessertes ainsi que de la fréquence des liaisons routières, ferroviaires, aériennes, fluviales et maritimes. Pour ce faire, on prend en compte : la position des différents pays (Union Européenne et PMN) sur les grands corridors et les autres grands axes routiers, les lignes maritimes régulières entre l’Union Européenne et les PMN, les lignes aériennes les plus fréquentées entre l’Union Européenne et les PMN. Cet examen fait apparaître que les PMN les mieux intégrés l’Union Européenne dans ce domaine sont la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie, la Turquie et l’Albanie, à l’inverse : les PMN plutôt enclavés, Chypre et Moldavie, ou mal desservis : Russie, Ukraine, Pays du Caucase, l’effet distance jouant. Pour l’UE les pays les mieux reliés avec les PMN sont d’abord la Grèce, puis l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, les moins bien reliés : la péninsule ibérique, les îles britanniques et la France. Cette distribution recoupe d’ailleurs celle des flux commerciaux. 22. Les facteurs environnementaux Les niveaux d’intégration sont liés aux solidarités de l’environnement qui peuvent s’exercer dans les deux sens, dans le sens bénéfique comme partager les bienfaits d’un écosystème protégé, dans le sens nuisance comme partager les pollutions d’un écosystème commun. Dans les rapports entre l’Union Européenne et les PMN, on se trouve plutôt dans le deuxième cas. Les phénomènes qui créent des « solidarités négatives » entre l’Union Européenne et les PMN sont la pollution de la Mer Noire, la pollution du Danube, la pollution atmosphérique. La pollution de la Mer Noire est liée pour moitié à la pollution du Danube et pour l’autre moitié aux rejets des pays riverains. Sont donc concernés du côté de l’Union Européenne les pays riverains du Danube : Allemagne et Autriche, auxquels il faut ajouter la Slovaquie, et la Serbie. Du côté des PMN sont concernés, soit en tant que riverains du Danube soit en tant que riverains de la Mer Noire : La Roumanie, la Bulgarie, la Moldavie, l’Ukraine, la Russie et la Turquie. En ce qui concerne la pollution atmosphérique, il s’agit du problème très préoccupant de la contamination atmosphérique radioactive des PMN nucléaires, qui peut s’étendre sur 75 l’ensemble de l’Union Européenne avec des risques accrus pour les pays de l’Union Européenne limitrophes des PMN nucléaires, notamment la Grèce. B.5.5 Union Européenne – PMN : des niveaux d’intégration très différencies A partir des différents flux et indicateurs d’intégration, on a effectué une synthèse des niveaux d’intégration Union Européenne/PMN a été réalisée. Celles-ci font apparaître une situation très différenciée selon les PMN et les pays de l’Union Européenne. 23. PMN et intégration : trois niveaux d’intégration des PMN à l’Union Européenne a. Un niveau d’intégration relativement élevé : Turquie, Russie, Grèce La Turquie possède l’indice d’intégration le plus élevé des PMN en raison de l’intensité relative de ses échanges commerciaux avec l’Union Européenne tant à l’export qu’à l’import et du volume des flux financiers dont elle bénéficie. Il faut y ajouter, le poids des flux migratoires. Son premier partenaire européen est l’Allemagne très impliquée dans ces échanges, suivie par la France et l’Italie. L’intégration avec la Russie est relativement élevée en raison de l’importance de ses flux commerciaux et financiers avec l’Union Européenne, notamment dans le volume de ses exportations (pétrole, gaz). Quant à la Grèce à la fois membre de l’Union Européenne et des PMN son niveau d’intégration à l’Union Européenne est relativement limitée par la faiblesse de son potentiel d’échanges commerciaux, cependant, si les flux importants des biens et services (tourisme, activités off-shore) entre la Grèce et les autres pays de l’UE étaient pris en compte, le niveau d’intégration de la Grèce s’élèverait très sensiblement et la placerait certainement au premier rang des PMN.Dans le cadre des indicateurs utilisés, les principaux partenaires européens de la Grèce sont l’Allemagne et l’Italie. b. Un niveau d’intégration modéré : Roumanie, Bulgarie, Chypre Trois PMN concernés par l’élargissement de l’Union Européenne, le niveau de l’intégration roumaine est sensiblement supérieur à celui de la Bulgarie. Le niveau encore modéré résulte pour ces deux PMN des flux commerciaux avec l’Union Européenne, certes significatifs et en croissance, mais déséquilibrés. Pour la Roumanie comme pour la Bulgarie l’Union Européenne est le premier fournisseur et le premier marché, par contre pour les pays de l’Union Européenne les PMN, à l’exception de la Grèce, la Russie et la Turquie, n’ont qu’un faible potentiel d’où une intégration plus limitée. Vient cependant renforcer les facteurs d’intégration, l’impact des flux financiers tant pour la Bulgarie, que pour la Roumanie, pour ce dernier pays il faut ajouter les interdépendances liées à l’environnement (Danube) et aux flux migratoires. Pour la Roumanie les principaux partenaires sont l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et la France, pour la Bulgarie : la Grèce, l’Allemagne et l’Autriche. 76 La situation chypriote rappelle celle de la Grèce, son niveau d’intégration est limité par son faible potentiel d’échanges commerciaux, il serait nettement supérieur si on prenait en compte les échanges de services (tourisme et off-shore) particulièrement intenses à Chypre, dans ce cas Chypre rejoindrait la Grèce dans les pays fortement intégrés. Les deux principaux partenaires de Chypre sont la Grèce et la Grande-Bretagne suivis de l’Allemagne. c. Une intégration faible : Albanie, Armenie, Azerbaidjan, Georgie, Moldavie, Ukraine Il s’agit, à l’exception de l’Ukraine, de petits Etats dont cinq sur six font partie de l’ex-URSS. La faible intégration résulte essentiellement d’une faiblesse des échanges commerciaux dûe à l’effondrement de leur potentiel économique, à leur enclavement ou leur isolement. Les pays de la CEI ont toujours des liens forts avec l’économie russe, leur ouverture sur les économies européennes est encore timide et limitée quelle que soit leur volonté d’ouverture. L’éloignement géographique joue, notamment pour les républiques caucasiennes. L’Albanie dépend entièrement de l’Europe, il s’agit d’intégration par le bas, avec pour principaux partenaires l’Italie et la Grèce. La Moldavie reçoit une aide américaine importante, son potentiel d’échanges est très faible, seule l’Allemagne parmi les pays européens a un partenariat significatif avec la Moldavie. L’Azerbaïdjan est le PMN pour lequel le niveau d’intégration à l’Europe est le plus faible, mais la Georgie et l’Arménie ne le précèdent que de peu. Les principaux partenaires européens des républiques du Caucase sont l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Quant à l’Ukraine, la faiblesse de son ouverture sur l’Europe est liée à la dépendance persistante de son économie et de ses échanges avec la Russie, seule l’Allemagne enregistre des échanges significatifs avec l’Ukraine. 24. Union Européenne et intégration Trois niveaux d’intégration des pays de l’Union Européenne avec les PMN : a. Un niveau d’intégration relativement élevé : Allemagne et Italie Avec l’ensemble des critères d’intégration retenus, l’Allemagne est de loin le pays européen le plus « concerné » par l’évolution des PMN. L’Allemagne est de fait le financier des PMN. Sa présence est particulièrement significative en Russie, en Turquie, en Ukraine, en Roumanie, en Moldavie. L’Italie se place en deuxième position, en raison essentiellement de ses échanges commerciaux et de l’impact des flux migratoires en provenance des PMN, ses liens sont importants avec l’Albanie, la Roumanie, la Turquie. 77 b. Un niveau d’intégration modéré : la Grèce, les Pays-Bas, la France, l’Autriche, la Grande-Bretagne On pourrait penser que le niveau d’intégration grec serait plus élevé compte-tenu de sa situation géographique , mais plusieurs facteurs freinent cette intégration : 25. la faiblesse relative du potentiel d’échanges commerciaux : la Grèce n’est pas une puissance commerciale stricto-sensu, c’est essentiellement le niveau de ses services qui valorise son potentiel économique avec l’extérieur. 26. La faiblesse de l’aide financière grecque vers les PMN, la Grèce ne fait pas partie du CAD. 27. Une bonne situation géographique, mais mal valorisée par les infrastructures de transports notamment terrestres et maritimes. 28. Un lent déblocage de ses relations avec le PMN qui pourrait être son premier partenaire, la Turquie, qui arrive pour le moment après la Bulgarie, Chypre et l’Albanie en matière d’intégration. La qualité de l’intégration concernant les Pays-Bas met en relief le rôle important que joue ce pays dans l’aide financière pour les pays en développement, sur ce plan, les Pays-Bas arrivent au sein de l’Union Européenne après l’Allemagne. L’aide néerlandaise est la première aide européenne au développement en Arménie, en Azerbaïdjan, la deuxième à Chypre, en Moldavie en Russie, la troisième en Albanie, en Georgie, en Turquie. L’ Autriche possède à un niveau en-dessous, les mêmes facteurs d’intégration que l’Allemagne notamment ceux liés aux flux migratoires, cependant son aide financière reste limitée. Ses principaux partenaires sont la Roumanie et la Bulgarie. Les deux puissances « occidentales » de l’Union Européenne : la France et la Grande-Bretagne n’ont qu’une intégration modérée avec les PMN. Leur action se concentre sur quelques PMN : la Turquie et la Roumanie pour la France, la Russie, la Turquie et Chypre pour la Grande-Bretagne. a. Un niveau d’intégration faible : Belgique, Finlande, Suède, Danemark, Espagne, Irlande, Portugal Les autres Etats européens sont peu intégrés à la « sphère » PMN. Il s’agit des Etats les plus éloignés géographiquement : Scandinavie et Péninsule Ibérique. Cependant on note quelques liens significatifs : la Belgique avec la Turquie, la Finlande avec la Russie (mais on est là dans une logique « hors-PMN »). Le plus faible niveau d’intégration avec les PMN est celui du Portugal, suivi du Danemark, de l’Espagne, de l’Irlande et de la Suède. 78 Le renforcement global de l’intégration entre l’Union Européenne et les PMN pourrait s’appuyer sur une stratégie qui : 29. prendrait appui sur les Etats européens les plus concernés par le développement des PMN : la Grèce et l’Allemagne mais aussi l’Italie et l’Autriche. 30. Chercherait à s’élargir à d’autres Etats européens notamment la Grande-Bretagne et la France. 31. Développerait un programme spécifique vers les PMN de la CEI, sans inclure la Russie, qui fait déjà l’objet de nombreux partenariats et de multiples aides. 32. Réorienterait les échanges commerciaux et de services en s’efforçant d’acheter plus aux PMN et de leur vendre moins afin de rétablir une balance trop systématiquement défavorable, 33. Dirigerait les aides financières vers les PMN les plus fragiles, 34. Renforcerait les coopérations en matière de transport et communications, et les coopérations environnementales 79 80 C TRANSPORTS ET INFRASTRUCTURES C.1 Les transports C.1.1 Des systèmes en mutation Jusqu’en 1990, l’Union Soviétique constituait un grand marché intérieur, au sein duquel se structuraient les transports et en fonction duquel s’organisaient les liens entre espaces affectés à certaines filières ou segments de l’appareil productif. Les pays socialistes de l’Europe de l’Est appartenaient à ce système et leurs relations avec le reste de l’Europe étaient faibles. D’autre part s’agençait, avec plus ou moins d’intensité, une économie méditerranéenne, dans laquelle la Turquie et Chypre étaient impliqués à fortiori la Grèce membre de l‘Union Européenne. Les échanges vers la Mer Noire sans être négligeables restaient relativement modestes par rapport aux autres grands flux intercontinentaux. Les ports importants, par exemple s’appuyaient fondamentalement sur le commerce extérieur du bloc de l’Est. Quant aux infrastructures, elles n’étaient pas particulièrement orientées vers les marchés occidentaux et les débouchés européens. L’éclatement de l’Union Soviétique, la création de nouveaux Etats, les perspectives de l’élargissement de l’Europe vers la Roumanie, la Bulgarie, Chypre et la Turquie, la croissance mondiale soutenue avec une accélération du développement des échanges, notamment les croissances grecque et turque, autant de facteurs qui vont entraîner des restructurations profondes et radicales dans les réseaux de communications et de transports entre l’Union Européenne et les PMN. L’état des infrastructures dans les PMN n’est pas à la hauteur des enjeux liés à l’amélioration des liaisons trans-européennes. Les systèmes sont vétustes ou mal organisés. Les complexes portuaires sont sous-dimensionnés eu égard à une possible croissance des échanges extérieurs de la zone. La Mer Noire n’a pas de véritable façade portuaire. Les pays de la Mer Noire sont dispersés et fractionnés, ce qui ne favorise pas une convergence des moyens de transports. Les « plaques tournantes » du trafic ne sont encore que virtuelles et un gros effort de modernisation, de rationalisation et d’articulation doit être entrepris. Pour l’Union Européenne, l’enjeu fondamental est d’améliorer très fortement les axes de communications entre les pays de l’Europe de l’Ouest et les pays du bassin de la Mer Noire. 81 35. Les facteurs d’évolution Les bouleversements survenus au tournant de la décennie dans les pays d’Europe Centrale et Orientale ainsi que dans l’ancien bloc soviétique, ont eu pour conséquence immédiate l’effondrement du système d’échanges économiques (COMECOM, CAEM). Les pays du bassin de la Mer Noire ont été profondément affectés, soit qu’ils aient appartenu (c’est le cas pour la grande majorité d’entre eux) à l’ancien bloc soviétique, soit qu’ils en aient été les voisins immédiats (Turquie, Grèce), soit encore qu’il s’agisse de pays à économie planifiée, extérieurs au bloc soviétique (Albanie, ex-Yougoslavie) passant à un système libéral. 36. La suppression du marché plus ou moins intégré de l’ancien bloc soviétique, allié à l’obsolescence des systèmes productifs, a eu pour conséquence une forte chute des flux d’échanges, aussi bien intérieurs que transnationaux dans les pays concernés. 37. L’économie de l’ancien bloc soviétique reposait fortement sur l’industrie lourde et l’agriculture. La part des industries de services et des industries technologiques y était faible. Le mode ferroviaire dominait. D’une manière générale, les systèmes de transport des pays concernés révélaient un degré élevé de vieillissement, qu’il s’agisse des infrastructures, du matériel roulant ou navigant, ou bien du retard technologique. 38. La période de transition économique s’est traduite par une forte chute des recettes publiques, des investissements dans les infrastructures et les systèmes de transport. Il ne s’agit pas seulement d’investissements nouveaux, mais aussi de l’entretien des réseaux et des équipements. Il en découle une forte dégradation de ces systèmes. 39. L’économie des transports n’était pas autonome, pour ce qui était de sa rentabilité propre. Le paiement de l’énergie au prix du marché a eu pour conséquence une augmentation considérable des tarifs qui a affecté le volume des flux, la répartition intermodale et jusqu’à la nécessité ou la possibilité de se déplacer. 40. Le taux de motorisation était très bas dans les pays à l’économie planifiée. L’augmentation des flux routiers n’est pas sans poser de problèmes dans au moins deux domaines : la gestion du trafic dans les grandes agglomérations et la détérioration des réseaux routiers résultant de l’augmentation du trafic de camions. 41. Les conflits inter-ethniques dont le bassin de la Mer Noire et ses environs a été le théâtre depuis le début de la décennie, ont eu un impact sensible sur les flux d’échanges, leur répartition par modes, les routes commerciales, etc... 42. Des flux réorientés Le développement des échanges des pays du bassin de la Mer Noire avec les pays de l’Union Européenne et la progression de leur globalisation économique détermine depuis plusieurs années une réorientation des flux d’échanges et l’émergence de nouveaux besoins en matières 82 de routes commerciales. Dans ce contexte, se profile prioritairement le développement de nouveaux axes de transport entre l’Est et l’Ouest, qu’il s’agisse de répondre aux opportunités d’échanges entre l’Union Européenne et les pays concernés, ou bien, au delà, aux nouvelles perspectives d’échanges entre l’Europe et l’Asie, pour lesquelles les pays du bassin de la Mer Noire et la Mer Noire elle-même, pourraient jouer un rôle essentiel de plaque tournante et de transit. 43. Les volumes transportés : si on prend la fin des années 90 comme référence, on a assisté au début de la présente décennie, jusque vers 1995, à une forte réduction des flux de transport dans la plupart des pays à économie anciennement planifiée, qu’il s’agisse des flux intérieurs, ou des flux internationaux. Un seuil semble avoir été atteint vers le milieu des années 90 au-delà duquel semble se dessiner une stabilisation, voire une légère reprise du volume des flux. Les pays du Sud de la zone, à économie libérale, ont vu s’accroître la progression de leurs flux de transport. 44. De fortes mutations se sont également opérées dans la nature des flux. D’une manière générale, ce sont les exportations de matières premières et de produits d’industrie lourde qui ont le plus chuté, alors que les importations de biens d’équipements et de consommations ont eu tendance à s’accroître. 45. En ce qui concerne les modes de transports, l’évolution générale est en faveur du transport routier, mais aussi du transport maritime, alors que le transport ferroviaire, trop lent, peu flexible et peu performant, connaît dans la plupart des pays une chute de sa part modale. Le conflit des Balkans a accentué ce déclin, en particulier pour les trafics entre l’Union Européenne la Grèce et la Turquie. 46. Le transport combiné et international connaît un développement rapide. C’est le cas en particulier du trafic ro-ro (route maritime et route fluviale). 47. Le transport maritime et fluvial a nettement augmenté dans la région des Balkans, ces dernières années, en particulier dans l’Adriatique. 48. La modification directionnelle des flux tient à la mutation des flux commerciaux. La transition économique des PECO a eu son plus fort impact sur les exportations. D’une manière générale, les courants d’échanges entre les PECO et les pays de la CEI ont fortement chuté depuis le début des années 90, alors qu’ils se renforçaient avec les pays de l’Europe Occidentale. Les flux au sein de l’ancien COMECON ont été fortement orientés Nord-Sud, les grandes régions urbaines et industrielles russes étant les génératrices ou émettrices des principaux flux. Dans le contexte actuel, ce sont surtout les flux Est-Ouest qui s’affirment le plus, ce qui n’empêche pas certains flux de se développer également dans le sens Sud-Nord, depuis la Grèce et la Turquie vers les PECO et les républiques transcaucasiennes. 83 49. L’administration en réorganisation La première moitié des années 90 a été mise à profit, dans la quasi-totalité des pays concernés, pour privatiser, déconcentrer, décentraliser la gestion de l’administration des transports. Les secteurs les plus concernés par la privatisation des transports sont les compagnies de transports (en-dehors du ferroviaire) : les compagnies aériennes, les compagnies de transport routier par camions et autobus, les compagnies de navigation intérieures et maritimes. Si la privatisation est favorable à la compétitivité des systèmes de transport, elle ne peut à elle seule résoudre l’ensemble des problèmes, notamment ceux de la carence des capitaux d’investissement pour la modernisation, du faible niveau de compétences professionnelles pour l’utilisation des technologies avancées et de la logistique des transports, du retard en matière d’informatisation, de télécommunications, etc… La période transitoire en matière d’administration et de gestion des transports est sans doute appelée à se prolonger encore un certain nombres d’années. C.1.2 Des réseaux et structures problématiques C.1.2.1 Réseaux routiers Tableau n° 7 Tonnage des marchandises transportées En millions de tonnes ALBANIE ARMÉNIE AZERBAÏDJAN BULGARIE 1990 7 715 - 153 000 295 870 1998 19 079 11 087 16 300 144 186* GEORGIE MOLDAVIE ROUMANIE - 262 800 1 939 362 15 000 27 600 637 353 RUSSIE 2 941 000 TURQUIE UKRAINE 65 710 4 897 000 969 940 152 210 1 087 000 * 1997 Source : Bulletin annuel de statistiques des transports par l'Europe et l'Amérique du Nord - 2000 - Nations Unies Les réseaux routiers des anciens pays à économie planifiée, bien que développés sur le plan du kilométrage, présentent de nombreuses déficiences. Ils n’ont pas été conçus pour les trafics lourds. En raison d’un manque général d’entretien depuis le début de la décennie, ils ont connu ces dernières années une dégradation accélérée . Le réseau routier albanais est extrêmement déficient, différents projets sont en cours, la majorité d’entre eux sur les axes Est-Ouest. L’Arménie possède parmi les pays de l’ex-URSS, la densité de routes à surface dure au km2, la plus élevée, mais le réseau est fortement dégradé. La seule route internationale qui permet à l’Arménie d’échapper à un isolement routier total, la route Erevan-Tbilissi, est tout juste praticable. En Bulgarie on estime à 70% la proportion du réseau dégradé et à remettre en état. En Géorgie, le réseau est assez développé mais en très mauvais état notamment les 84 liaisons avec Erevan et Bakou. La détérioration des 10 000 km de routes moldaves, auxquels il faut ajouter les 9.500 km de routes appartenant à des entreprises d’Etat ou d’autres types d’organisation, est profonde. En Roumanie, le réseau routier a été négligé au profit du réseau ferré, environ un tiers du réseau principal (5 000 km) doit être amélioré. La Russie dispose de 489 000 km de routes publiques dont 56% ont un revêtement dur. D’après les statistiques russes 25% des routes fédérales seraient en état satisfaisant, mais 38% seraient en état de dégradation avancée. Le réseau routier ukrainien comprend plus de 170.000 km de voies nationales et 260 000 km de routes secondaires, généralement dans un état acceptable. Il existe de nombreux tronçons à quatre voies. Une autoroute payante de 80 km, la première, devrait relier Lviv à Krakovets à la frontière polonaise. En ce qui concerne la Turquie le réseau a fait et continue de faire l’objet d’importants investissements, notamment en matière de construction de voies express sur les corridors principaux. Dans ce pays, le développement du réseau routier correspond à une forte augmentation du trafic à la fois intérieur et international, elle-même soutenue par une forte progression de la motorisation et des échanges dans le bassin de la Mer Noire, avec l’Europe Occidentale et le Moyen-Orient. Les échanges avec les républiques transcaucasiennes connaissent un développement soutenu qui se matérialise par une pression du trafic sur le réseau routier du littoral Mer Noire, des améliorations routières importantes sont en cours de réalisation entre Samsun, Trabzon et la frontière géorgienne. C.1.2.2 Transports ferroviaires Tableau n° 8 Transports ferroviaires voyageurs et marchandises Albanie Voyageurs Arménie Azerbaïdjan Bulgarie Géorgie Grèce Moldavie Roumanie Russie Turquie Ukraine 1990 11 900 20 00 15 500 102 400 - 12 070 20 000 407 930 3 143 000 139 090 657 000 1998 1 775 1 590 4 290 64 260 2 320 11 680 9 400 146 800 1 471 300 109 780 553 700 Marchandises 1990 8 050 15 000 32 690 63 250 28 300 3 710 65 400 218 830 2 140 000 220 1 760 10 600 24 460 2 130 11 090 (en milliers) - 974 300 15 610 335 050 transportées (en milliers de 1998 8 500 76 000 834 760 tonnes) Source : Nations Unies 2000 Les réseaux ferroviaires avaient une importance centrale dans les anciens pays à économie planifiée, mais ils étaient utilisés essentiellement pour les besoins de l’industrie lourde, avec des performances faibles en matière de vitesse, d’automatisation de qualité des voies. La transformation et l’adaptation des réseaux ferroviaires aux besoins d’une industrie légère et au transport des personnes nécessitent des programmes d’investissement conséquents pour lesquels les ressources financières nécessaires dépassent souvent de beaucoup les disponibilités actuelles. 85 En Albanie, 720 km de réseau, il n’existe pas de relations internationales. En Arménie, l’axe essentiel du réseau ferroviaire est celui qui relie Erevan à Tbilissi, mais le trafic vers la Russie est bloqué en Abkhazie, et celui vers l’Iran par le Nakhitchevan, territoire azerï enclavé entre l’Iran et l’Arménie. La voie ferroviaire pour le moment ne brise pas l’isolement arménien. En Géorgie, le réseau est axé sur la voie « bloquée » Sotchi-Tbilissi -Bakou, qui n’est pas interconnecté avec le réseau turc. En Bulgarie, le réseau (6 588 km) est encore assez robuste, mais détérioré. En Grèce, la côte est relativement bien équipée : Pirée-Athènes-Salonique, vers la frontière avec Fyrom. En Roumanie, le réseau est très développé, avec 1 090 km de lignes, mais son état est très dégradé alors que la densité du trafic y demeure élevée. Le réseau ferroviaire russe est encore aujourd’hui le troisième du monde pour le transport des passagers –après le Japon et l’Inde - et 25% du volume mondial des marchandises après les Etats-Unis et la Chine. Les défis à relever pour ce secteur sont nombreux. Dans le moyen terme, il s’agit pour le rail russe d’éviter l’obsolescence de son matériel en le modernisant et la sclérose de ses structures en entamant une réforme. Dans le long terme, il s’agit d’atteindre les standards occidentaux concernant les services et l’exploitation du réseau. Il s’agit également de décider la poursuite des réformes afin de rendre le rail russe plus efficace. Cette réforme passerait par une gestion rigoureuse de ses services et une refonte progressive de ses structures (séparation des activités marchandises et passagers, rationalisation des finances, mise en concurrence par la création de compagnies, ...) En Ukraine, le transport ferroviaire est assuré par la société publique uz, qui gère aussi les trois réseaux métropolitains du pays à Kiev, Kharkiv et Dnipropetrovsk. uz dispose de 1 800 stations et de 500 dépôts. Une modernisation profonde de ce secteur, qui représente 7% du PIB de l’Ukraine, est à l’ordre du jour. Les autorités vont s’employer à mettre en conformité leurs infrastructures avec les normes européennes (rétrécissement des voies notamment). Le réseau ferroviaire turc long de 10 500 km, accuse un grand retard dans sa modernisation. Malgré des besoins croissants, le réseau a peu évolué depuis 10 ans. Seuls 100 km supplémentaires ont été construits depuis 1993 et les projets importants ne concernent que l’électrification des lignes. Dans le développement de ses infrastructures de transport, la Turquie privilégie ces dernières années la route sur le rail. Cette tendance est appelée à perdurer pour les cinq années à venir. L’enjeu sur l’avenir des transports ferroviaires est une question cruciale en raison de la densité des flux de transports prévisibles à moyen et long terme dans les pays du bassin de la Mer Noire, flux auxquels s’ajoutera le trafic de transit entre l’Europe et l’Asie, qui pourrait être important à terme. Actuellement, le problème est que la chute du trafic n’est pas favorable à la justification d’améliorations substantielles des réseaux, en particulier pour la vitesse et la capacité. 86 C.1.2.3 Transports maritimes Tableau n°9 Marchandises chargées et déchargées dans les ports maritimes En milliers de tonnes Albanie Azerbaïdjan Bulgarie Chypre 1990 - - 23 180 7 170 1998 790 8 200 17 850 6 160 Géorgie 11 500 7 000** Grèce Roumanie 57 410 45 800 58 060 * 34 000 * Russie Turquie - - 89 800 14 200 Source : Nations Unies * ** 1. 1997 1993 Trafics maritimes Le complexe maritime « Mer Noire- Mer Egée Méditerranée Orientale et Adriatique » constitue une composante importante du système de transports de la zone, et trouve un prolongement vers la Mer Caspienne par le Don, (Canal du Don-Volga et la Volga). Les compagnies de navigation ont été largement privatisées et de nouvelles compagnies se sont constituées. L’abolition des monopoles dans le transport maritime des anciens pays communistes a également ouvert de nouvelles opportunités pour les compagnies de navigation grecques et turques, ainsi que pour les armements chypriotes. A la différence du complexe EgéeAdriatique, où le trafic maritime s’est fortement développé depuis le début de la décennie, le trafic des ports du bassin de la Mer Noire en particulier en Ukraine,en Bulgarie, en Roumanie, en Russie a chuté fortement. Les difficultés pour faire transiter par voie terrestre des marchandises par la Russie et l’Ukraine, la libéralisation des services de transports ont cependant favorisé le développement de lignes maritimes et ferrées à travers la Mer Noire depuis la Géorgie et l’Ukraine vers les ports bulgares et roumains avec une continuation des flux vers l’Europe Occidentale. Durant l’époque soviétique, la Caspienne était un centre maritime important, depuis, le trafic a fortement baissé. Les ports de la Caspienne sont situés sur des têtes de lignes ferroviaires. Ils ont, de ce fait, une grande importance stratégique, et devraient regagner en importance avec le développement de l’extraction pétrolière et gazière. Quant à Chypre, le pays se profile comme un des « hubs » de transport de la Méditerranée orientale et comme une importante plate-forme de cabotage le long de la côte de Méditerranée orientale. Dans la zone Egée-Adriatique, les liaisons de cabotage les plus fréquentées mettent en relation quatre principaux ports : Ancône, Durres, Le Pirée et Istanbul. Si Le Pirée est le port le plus fréquenté, Durres est celui qui entretient les liaisons régulières les plus nombreuses, notamment trans-adriatiques. Il est certain que les conflits internes à l’ex-Yougoslavie ont détourné vers le maritime – et le roll-onroll-off - une part importante des trafics qui empruntaient jusqu’alors le corridor terrestre de la vallée du Danube et de la Morava vers 87 Salonique et Istanbul d’une part, vers Trieste et Vienne d’autre part. Il n’est pas démontré que la paix retrouvée ramène les flux de transport Egée-Adriatique vers la grande voie terrestre que constitue la « E 65 ». A l’inverse de cette zone maritime, celle de la Mer Noire a connu une forte chute de ses trafics depuis 1990, même si les ports bulgares et roumains commencent à connaître un regain d’activité, du fait des difficultés du transit terrestre en Ukraine et en Russie, mais aussi au développement de services de ferries à travers la Mer Noire depuis la Géorgie, la Russie ou la Turquie. 2. Trafics portuaires La Mer Noire ne connaît pas de grands sites portuaires comparables à ceux de la Méditerranée et encore plus à ceux de la Mer du Nord. L’intégration éventuelle du bassin de la Mer Noire dans les logiques économiques occidentales, notamment celles de l’Union Européenne, devrait renforcer le rôle des ports, mais pas nécessairement ceux situés sur le littoral de la Mer Noire. Les ports bien positionnés à l’articulation de l’Europe de l’Est, de la Méditerranée et des PMN présentent des avantages comparatifs. L’Albanie représente moins de 1% du trafic maritime des PMN, 70% sont assurés par le port de Durres puis Vlore. Durres est très orienté vers le trafic « ferry » avec la côte italienne. La situation intérieure albanaise, tout autant que le franchissement difficile des Alpes Dinariques et le mauvais état de l’équipement portuaire, n’en font pas, pour le moment, un port de grand avenir. L’Azerbaïdjan représente entre 3 et 4% du trafic maritime des PMN, essentiellement via Bakou, protégé dans son golfe avec deux complexes : le terminal pétrolier et le terminal train-ferries. Dans l’ancien système, la majeure partie du commerce international de la Caspienne transitait par Bakou. La Bulgarie c’est environ 8% du trafic maritime des PMN à partir de ses deux ports : Burgas et Varna. Après un « sommet » de 21 millions de tonnes en 1990, Burgas a connu un important déclin jusqu’en 1995, mais connaît depuis un regain d’activité significatif. Ce sont actuellement les importations qui l’emportent sur l’export, mais la part de plus en plus forte des métaux non ferreux dans le trafic global devrait inverser la tendance. Le port est sous-équipé pour le trafic roulier, les conteneurs et les denrées périssables (viandes). Un programme d’investissements de 260 millions de dollars jusqu’à l’horizon 2015 devrait lui permettre de jouer pleinement la fonction de port d’éclatement que peut lui conférer sa position géographique. Varna arrive loin derrière Burgas, malgré une position avantageuse au débouché du Danube, via le port fluvial de Ruse auquel il est relié par route. Il a perdu entre 1990-1995 plus du tiers de son trafic. Le trafic maritime chypriote c’est environ 3% du trafic maritime PMN. Deux ports principaux servent le commerce de Chypre : Limassol et Larnaca. Ces ports multifonctions offrent des installations spécialisées pour les conteneurs, la manutention des vracs solides et le service des trafics de passagers. La Géorgie c’est environ 3% du trafic maritime des PMN avec ses deux ports Supsa-Poti et Batoumi. La construction d’un nouveau terminal pétrolier et surtout la réalisation envisagée d’un nouvel oléoduc entre Bakou-Ceyhan dans le Golfe d’Iskenderun, via Suspsa, relancerait 88 l’activité portuaire des côtes géorgiennes. La Grèce assure plus du quart du trafic maritime en Mer Noire. Le Pirée avec un trafic de près de 10 millions de tonnes en 1995, dont 575 000 EVP, est en fait le premier port de conteneurs de l’espace Balkans-Mer Noire. Le port a en projet un nouveau terminal pouvant traiter 1,2 millions d’EVP, mais il présente, en termes d’avenir, deux inconvénients majeurs : sa position excentrée par rapport aux grands courants d’échanges de la zone Adriatique-Egée, et des possibilités d’extension limitées, du fait de l’environnement urbain enserrant le port. Salonique arrive très en retrait par rapport au Pirée, avec seulement 1,3 millions de tonnes en 1995. Le port dispose de vastes surfaces pour de possibles extensions, il est admirablement positionné au débouché du couloir MoravaVardar (Axos). Igoumenitza est essentiellement utilisé pour desservir Corfou, il est également le point le plus au nord du littoral de la Grèce et sert à des relations « ferry » vers Brindisi et Bari. Il souffre d’être enclavé, sans liaison ferrée avec le reste du réseau, et des liaisons routières difficiles, il manque d’espaces de stationnement. Une liaison autoroutière (via Egnatia) en direction de Salonique peut modifier de façon radicale la « donne » portuaire en Grèce et dans les Balkans. La Roumanie c’est environ 15% du trafic maritime des PMN. Avec ses 250 terminaux et une capacité de trafic de 230 millions de tonnes par an, Constanta est le plus grand des ports de la Mer Noire ; du point de vue trafic il reste dans les premiers, même avec un trafic qui est passé de 62 millions de tonnes en 1989 à 30 millions en 1995. Les vracs solides (charbon) et liquides (pétrole) forment l’essentiel de son trafic. Il est actuellement insuffisamment équipé, notamment pour faire face à une montée très forte du trafic des conteneurs : le terminal existant est saturé (90 000 EVP/an). Des travaux en cours devraient porter sa capacité à 330 000 EVP en 2001, et à 750 000 en 2010. La réouverture totale du corridor danubien ne peut que renforcer la fonction portuaire de Constanta, surtout si est réouverte une ligne de ferry sur Istanbul. La Turquie c’est entre 6 et 7% du trafic maritime des PMN. L’infrastructure portuaire turque est relativement faible par rapport à son potentiel économique et commercial. Les deux premiers ports turcs Istanbul – Haydarpasa et Izmir ont des tonnages proches de 5 millions de tonnes. Le trafic d’Istanbul Haydarpasa concerne pour moitié les conteneurs. Ce trafic est en croissance de 30% par an, faisant d’Istanbul le port turc le plus ouvert au trafic international. Izmir a un trafic total proche de celui d’Istanbul, avec des insuffisances d’accès pour les porte-conteneurs et son hinterland reste insuffisamment irrigué par les réseaux routiers et ferroviaires. Samsun et Trabzon, sur la Mer Noire, paraissent retrouver quelque vigueur du fait d’une reprise des échanges avec la Géorgie et surtout la Russie, mais Trabzon souffre d’une absence de desserte ferroviaire. On observe toutefois une forte croissance des trafics sur l’axe routier Ankara-Samsun-Trabzon-Georgie, avec une mise en œuvre de caractéristiques autoroutières. Les ports russes17 de la Mer Noire : Novorossiysk, Tuaspse, Gelenzhik, Sotchi assurent environ 20% du trafic maritime des PMN. Le port de Novorossiysk serait avec un trafic de 40 17 Pour la Russie seuls les ports russes de la Mer Noire ont été pris en compte 89 millions de tonnes le premier port des PMN et de la Mer Noire, devant Constanta. L’essentiel (75%) de son trafic est assuré par du vrac liquide (pétrole). Mais le port est appelé à croître, du fait d’une demande russe en forte croissance –dont l’exportation du pétrole de la Caspienneet d’un « recentrage » des trafics empruntant actuellement les ports ukrainiens (Odessa et Ilchevsk). Le port a été récemment privatisé. L’Ukraine c’est près de 14% du trafic maritime des PMN à travers ses ports d’Odessa, Ilchevsk, Kilolayer, Dnopr-Bugdkii, Khersov, Zhdanor. Le trafic des ports ukrainiens a considérablement chuté pendant la première moitié de la décennie. Ils sont actuellement utilisés à moins de 50% de leur capacité. C’est par Odessa 18 millions de tonnes en 1996 que transite la plus grande part des importations de l’Ukraine. Odessa joue toujours un rôle important de transit pour le commerce extérieur russe. Il s’agit également d’un terminal important d’exportation pétrolière. C.1.2.4 Transport fluvial La moitié nord du bassin de la Mer Noire est bien dotée en fleuves navigables (Danube, Dniepr, Don), complétés par certains canaux de jonction (canal Danube-Mer Noire, canal Don-Volga). La partie nord-orientale du bassin est handicapée par les conditions climatiques, les fleuves et canaux étant gelés pendant plusieurs mois durant la période hivernale. Du côté nordoccidental, ce problème, sans être absent, est moins pénalisant. D’une manière générale, le transport sur les fleuves et voies navigables a accusé le coup de la chute des trafics au début des années 90. Toutefois, un certain nombre de facteurs se combinent : ouverture de la voie d’eau Main-Danube en 1992, mauvais état des réseaux routiers, faible performance des transports ferroviaires, développement du transport combiné, émergence de nouveaux courants d’échanges Est-Ouest, etc pour offrir aux voies navigables de nouvelles opportunités de développement. Un aspect important réside dans le fait que la plupart des fleuves navigables se déversant dans la Mer Noire sont également accessibles dans leur cours inférieur aux navires de mer. Le trafic fluvio-maritime est une composante importante, notamment pour les échanges entre pays riverains de la Mer Noire. 90 Graphique 21 (Source : Nations Unies) EVOLUTION DU TRAFIC DES PORTS DU DANUBE 160 140 Autriche 120 Slovaquie 100 Hongrie 80 Ukraine 60 Yougoslavie 40 Roumanie 20 Burgarie 0 1980 3. 1990 1995 1998 Le complexe danubien Avec un total de 2 850 km, le Danube est le second fleuve européen après la Volga. Le trafic fluvial total sur le Danube avait déjà amorcé sa décroissance entre 1980-1990, mais cette baisse était due à une baisse de 36% du trafic intérieur alors que le trafic international progressait de 30%. La chute à partir de 1990 est brutale et concerne les deux types de flux : le trafic intérieur baisse de 75% et le trafic international de 55%, soit une baisse globale de trafic des 2/3. En 1998, l’Ukraine représentait 26% du trafic total sur le Danube, mais 40% du trafic international et seulement 5% du trafic interne, les deux ports les plus actifs étant Izmaïl et Reni. Viennent ensuite la Roumanie et la Yougoslavie avec 19% du trafic global chacune mais avec une forte dominante des trafics intérieurs : 36% pour la Roumanie et 40% pour la Yougoslavie, leur part dans le trafic international n’étant respectivement que de 9% et 5% avec notamment le port roumain de Galati à l’embouchure du Danube. La Hongrie représente 16% du trafic mais 27% du trafic international sur le Danube. Le trafic fluvial pour l’Autriche (8%), la Slovaquie (5%) et la Bulgarie (4%) est faible. Pour la Bulgarie c’est le trafic international qui est relativement bas, alors que c’est le trafic interne pour la Slovaquie. Tous les ports PMN situés sur le Danube nécessitent une modernisation profonde, ceci paraît d’autant plus indispensable que le Danube constitue l’axe privilégié des échanges entre l’Union Européenne et les PMN. 91 C.1.2.5 Transport combiné et intermodal Le transport combiné et intermodal se développe rapidement dans les pays du bassin de la Mer Noire sous diverses formes : route/mer, fleuve/route, rail/route, fleuve/rail, et mer/rail. Le transport maritime ro-ro et le développement du conteneur y ont fortement contribué. Le transport ro-ro (route/mer et route/fleuve) a considérablement augmenté dans la région des Balkans ces dernières années, en particulier pour la traversée de l’Adriatique, mais aussi du Danube entre la Bulgarie et la Roumanie. Dans l’Adriatique et en Mer Ionnienne, le développement des services ro-ro a été soutenu ces dernières années. Le port de Durres, par exemple, tout comme les ports de Patras et Igoumenitsa, en ont largement bénéficié. Les ports grecs sont particulièrement bien équipés en terminaux ro-ro. Ce mode de trafic est par contre moins développé dans les ports turcs, où l’intermodalité repose davantage sur le conteneur. En Bulgarie, les ports de Burgas et Varna sont équipés pour assurer plusieurs types de transport combiné. Une ligne régulière de train ferry est assurée par deux navires entre Varna et Ilchevsk en Ukraine. Ce service était assuré par quatre navires avant 1990. Du port de Rousse en Bulgarie, il existe plusieurs lignes de navigation fluviale vers l’Allemagne et l’Autriche qui utilisent des convois poussés de quatre barges . Il faut mentionner également les lignes de Vidin en Bulgarie à Turnu Severin en Roumanie et de Rousse vers l’Ukraine. Les ports danubiens roumains de Galati et Tulcea sont également équipés pour l’intermodalité ro-ro et pour les conteneurs. Les ports ukrainiens, russes et géorgiens sont davantage équipés pour l’intermodalité sur la base des conteneurs que sur celle du ro-ro. Il existe néanmoins un certain nombre de terminaux de trains-ferries. En ce qui concerne le transport intermodal utilisant la voie ferrée, son développement est significatif en Bulgarie et en Roumanie. En Bulgarie la compagnie BDZ opère sur sept terminaux ferroviaires pour les conteneurs, mais la qualité et l’entretien des équipements sont notoirement insuffisants. En Roumanie, il existe un assez grand nombre de terminaux ferroviaires de transports combinés répartis sur quatre zones principales : Arad-Timisoara, Iasi, Bucarest, Constanta. Dans les années à venir devraient se développer avec la Roumanie et avec la Bulgarie, des lignes régulières de transport combiné à partir des régions de l’Europe occidentale, comme il en existe déjà plusieurs avec la Hongrie. En Bulgarie, par exemple, il existe un projet de « route roulante » entre Dimitrovgrad et l’Italie. Des zones franches sont en construction à Rousse, Vidin, Burgas, Varna et Dimitrovgrad. Elles peuvent s’avérer des localisations favorables pour des terminaux de transports combinés. C.1.2.6 Transports aériens L’examen des flux de transports aériens de passagers entre l’Union Européenne et les PMN d’une part au sein des PMN d’autre part, présente un grand intérêt non seulement sur le plan des dynamismes respectifs des différents aéroports, mais aussi pour le niveau d’intégration entre l’Union Européenne et les PMN, les flux aériens sont, sur ce plan, un excellent indicateur. 92 4. Les flux Union Européenne/PMN Graphique 23 (Source : OAG World AirWays Guide) Graphique 22 (Source : OAG World AirWays Guide) Flux aériens des PMN vers l'UE Flux aériens de l'UE vers les PMN Allemagne France Royaume-Uni Italie Autriche Grèce Pays-Bas Luxembourg Belgique Espagne Danemark Suède Finlande Irlande Portugal Turquie Russie Roumanie Chypre Géorgie Ukraine Bulgarie Moldavie Albanie Arménie Azerbaïdjan 93 Au quatrième trimestre 2000, on pouvait estimer les vols réguliers hebdomadaires entre l’Union Européenne et les PMN à près de 2 200. Du côté européen l’Allemagne est de très loin le principal producteur de flux, (38% avec l’Autriche), ce qui souligne le rôle essentiel de ces deux Etats dans les échanges et l’intégration entre l’Union Européenne et les PMN. Viennent ensuite, loin derrière, la France, le Royaume-Uni, et l’Italie dont les flux aériens passagers ne sont pas à la hauteur de l’importance de ses échanges de biens et de services. En sixième position la Grèce, situation honorable mais qui montre qu’Athènes n’est pas encore le « hub » de l’Union Européenne et des PMN. Du côté des PMN , la Turquie absorbe 43% des flux avec l’Union Européenne ce qui est considérable et souligne l’importance des flux de personnes entre la Turquie et l’Europe. Vient ensuite, loin derrière la Turquie : la Russie avec 15% des flux dont la majorité concerne Moscou. Il n’y a aucun vol régulier direct entre l’Europe et les trois régions de la Mer Noire du Sud de la Russie alors qu’il existe des liaisons directes avec Istanbul, Ankara, Adana, Antalya, Gazantep, Izmir, Trabzon. A lui seul le flux aérien entre l’Allemagne et la Turquie représente 15% du total des flux Union Européenne/PMN, le flux le plus dense ensuite est celui entre le Royaume-Uni et la Turquie avec 5,5% des flux totaux. Les flux en provenance ou à destination de l’Allemagne sont non seulement dominants pour la Turquie mais aussi pour tous les autres PMN à l’exception de l’Albanie, où dominent les flux avec la Grèce et l’Italie. On constate du côté des PMN la même prédominance de la Turquie, en effet les flux avec la Turquie sont dominants non seulement avec l’Allemagne, mais aussi tous les autres PMN, à l’exception de la Finlande et du Luxembourg pour lesquels se sont les flux avec la Russie qui sont prépondérants. Le cas irlandais et portugais sont marginaux puisqu’ils ne représentent chacun que 0,5% des vols Union Européenne/PMN. En dehors de ces flux dominants on observe des flux aériens relativement intenses entre l’Union Européenne et Chypre (Grèce, Espagne, Italie, Autriche), entre l’Union Européenne et la Roumanie (Italie, Autriche, Grèce). Les échanges sont plutôt faibles avec les pays du Caucase, la Bulgarie et surtout l’Ukraine qui ne représente que 5% des flux totaux. La prépondérance de l’Allemagne n’est pas liée à un seul « hyper-aéroport » mais à une répartition des trafics entre plusieurs aéroports : Francfort (155 liaisons Union Européenne/PMN) Munich (132), Berlin ( 96), Dusseldorf (94), Hambourg (69), Hanovre (63), Stuggart (65), Cologne, Brême, Nuremberg. Cependant, Londres est la première place aéroporturaire pour les flux Union Européenne/PMN, avec 241 vols réguliers hebdomadaires, mais le deuxième aéroport britannique sur ce plan, Manchester, n’offre en tout que 26 vols. On retrouve en Autriche le même phénomène qu’en Allemagne, un aéroport dominant : Vienne 71 vols mais plusieurs aéroports moyens : Graz (41), Linz (31), Klagenfurt, Salzbourg, Innsbruck. La France se rapproche du cas anglais avec Paris, deuxième aéroport avec Francfort pour les échanges Union Européenne/PMN, viennent ensuite Nice (33), Lyon (23), Marseille. Dans ce 94 positionnement Athènes n’arrive qu’en septième position avec Luxembourg, derrière Londres, Francfort, Paris, Amsterdam, Munich et Bruxelles. 5. Les flux intra-PMN Les flux aériens totaux, vols réguliers hebdomadaires intra-PMN, sont de 1 358 vols soit 62% par rapport aux échanges avec l’Union Européenne, pour les PMN les flux avec l’Union Européenne sont donc sensiblement dominants, ce qui traduit à la fois une certaine qualité d’intégration mais aussi l’existence de fortes solidarités au sein des PMN. 6. Au sein de ces échanges, trois PMN dominent nettement le trafic intra-PMN : La Russie, l’Ukraine et la Turquie qui, à eux trois, représentent 55% des vols, la Grèce arrive loin derrière avec 164 vols intra-PMN. La distribution est relativement égale, entre 2 et 6%, entre les autres PMN. Le flux Russie-Ukraine, avec 100 vols hebdomadaires est largement dominant, viennent ensuite plusieurs liaisons importantes d’environ 50 vols hebdomadaires : Turquie-Ukraine, Russie-Arménie, Russie-Azerbaïdjan, GrèceTurquie. D’autre part on observe entre certains PMN de véritables « ponts aériens » qui traduisent une forte intensité des relations entre les Etats concernés ainsi : RussieArménie, Russie-Azerbaïdjan, Russie-Ukraine, Grèce-Chypre, Géorgie-Russie. Ces « ponts aériens » soulignent l’importance des liens qui existent entre la Russie et les autres PMN de la CEI, y compris la Moldavie dont les vols avec la Russie sont les plus fréquents par rapport aux autres PMN (Turquie, Grèce). 95 96 97 7. Dans ce trafic aérien intra-PMN c’est l’aéroport de Moscou qui pourrait faire figure de « hub » en Mer Noire, il regroupe 230 vols intra-PMN (14%), viennent ensuite Athènes (145 vols), Istanbul (115), Kiev (101), mais pour Moscou et Kiev c’est essentiellement le poids des liaisons Moscou-Kiev et Moscou-Bakou qui explique l’importance du trafic intra-PMN de ces deux aéroports. En fait pour un « hub », plus que le nombre de vols, c’est l’éventail des destinations qui importe et sur ce plan les trois grands aéroports des PMN sont au même niveau : 8. Moscou offre 67 destinations différentes dont 35 vers l’Union Européenne et 32 vers les PMN, 9. Athènes offre 63 destinations différentes dont 46 vers l’Union Européenne et 17 vers les PMN, 10. Istanbul offre 62 destinations différentes dont 43 vers l’Union Européenne et 19 vers les PMN. Si on cumule les deux trafics : Union Européenne et intra-PMN c’est Athènes qui offre la plus forte fréquence de vols : 644 vols hebdomadaires, 469 pour Istanbul et 468 pour Moscou, viennent ensuite Bucarest (206), Larnaca (191), Ankara et Kiev (170), Salonique (168), Adana (144), Tbilissi (137). En conclusion, … il n’y a pas encore de véritable « hub » en Mer Noire. Moscou fait figure de « hub » pour le trafic intra-PMN essentiellement en raison de ses liens préférentiels avec les Etats de la CEI, mais les liaisons avec l’Union Européenne sont moins diversifiées qu’à Athènes ou Istanbul. La place d’Athènes, tant par la fréquence des vols que l’éventail des destinations souligne bien le rôle essentiel d’interface que peut jouer non seulement Athènes mais l’ensemble du territoire grec dans le développement et l’aménagement de la zone de la Mer Noire. C.1.3 Les corridors Les progrès de l’intégration économique entre l’est et l’ouest ainsi qu’entre les pays du bassin de la Mer Noire s’inscrivent physiquement dans les réseaux de transport. L’analyse des grands corridors, de leur état d’équipement, de leurs capacités et de leurs carences constitue une démarche importante pour l’intégration européenne, et ce d’autant plus que les aides communautaires substantielles, sous forme de subventions ou de prêts (PHARE, TACIS, BERD, FEDER, Fonds de Cohésion, BEI) sont consenties aux pays concernés ; qu’il s’agisse des PECO et des pays de la CEI, ou bien des pays membres de l’Union Européenne (Grèce, Italie). 98 n Les corridors Européens desservant la Mer Noire La seconde Conférence Paneuropéenne des Transports, qui s’est tenue en Crète en 1994, a sélectionné, parmi ses nombreuses propositions, une série de neufs corridors, prolongeant vers l’Est le Réseau Transeuropéen de Transport et devant conduire à un développement prioritaire. Ces corridors et l’avancement des travaux ont été réexaminés lors de la troisième Conférence Paneuropéenne qui s’est tenue à Helsinki en juin1997. Parmi les neuf corridors retenus lors de la Conférence de Crète, quatre sont d’un intérêt direct pour les pays du bassin de la Mer Noire : a. Le corridor IV : Dresde/Nuremberg, Prague, Vienne/Bratislava, Budapest, Constanta, Sofia, Salonique/Plovdiv, Istanbul Dans le domaine ferroviaire, la partie nord du corridor est dans un meilleur état que la partie sud et est en mesure de recevoir des volumes de trafics plus importants. Les réseaux ferrés roumain et bulgare sont en cours de modernisation. Les programmes concernent particulièrement le corridor IV. b. Le corridor VII : le Danube En 1992, la liaison Main-Danube a été inaugurée. Elle permet à des barges de 1800 à 2000 tonnes et à des convois de 3300 tonnes de relier la Mer du Nord à la Mer Noire sur une distance de 3500 km Pour le cours de la voie d’eau située en amont, la limitation principale du système Rhin-Main-Danube réside dans le nombre et la faible capacité des écluses en amont de Bratislava. c. Le corridor VIII : Durres - Tirana - Sofia - Plovdiv - Burgas - Varna Son objectif est de relier le port albanais de Durrës, à travers le Fyrom, aux ports bulgares de la Mer Noire, (Varna et Burgas) et, à travers eux, les régions méridionales de la Russie riveraines de la Mer Noire (Rostov, Krasnodar). Le corridor VIII est un projet conjoint de la Bulgarie, du Fyrom et de l’Albanie. La Turquie et l’Italie soutiennent également le projet. d. Le corridor IX : Helsinki, St-Petersbourg - Moscou - Kiev - Chisinau - Bucarest Alexandropolis Il a pour objectif de relier la Mer Baltique à la Mer Noire et à la Méditerranée. Il comprend deux embranchements au nord convergeant à Kiev, et deux au sud, vers Alexandropolis et Odessa. Le protocole d’accord pour l’intégralité du corridor, ainsi que l’addendum y incluant la Grèce, ont été signés par les parties concernées en janvier 1995. 99 n Les points frontières Le passage des frontières routières et ferroviaires dans les PECO et les pays de la CEI représente en général un handicap important pour la compétitivité des chaînes de transports (frontières Turquie-Bulgarie, Turquie-Grèce, Bulgare-Fyrom, Bulgarie-Roumanie, AlbanieGrèce). Tous les équipements routiers sur la frontière occidentale de l’Ukraine sont obsolètes, mal entretenus, et ne correspondent pas aux standards actuels. Les formalités douanières durent de 2 à 7 jours. Une série d’améliorations apparaissent nécessaires : la standardisation juridique des dispositions relatives au trafic de transit, l’élimination de l’inspection des wagons, conteneurs et remorques plombés, la standardisation des documents requis par la douane, l’introduction de tarifications « point à point » plutôt qu’en fonction de la distance, la mise en place de systèmes et procédures de contrôle du trafic. L’Union Européenne, dans le cadre de la coopération transfrontalière, a mis en œuvre de nombreux projets d’amélioration des passages aux frontières cette politique doit être étendue à l’ensemble des frontières des PMN alors que pour le moment elle concerne surtout les frontières avec les pays de l’élargissement. n Après la conférence d’Helsinki... Lors de cette conférence a été réalisé un bilan sur l’avancement des corridors qui a conduit à un réexamen des objectifs stratégiques. Les compléments et ajustements aux corridors doivent être considérés dans le contexte d’un processus d’évolution vers le développement d’un réseau de transport multimodal paneuropéen équilibré. Plusieurs, parmi ces ajustements ou compléments, concernent le bassin de la Mer Noire : 11. dans l'ex-Yougoslavie, un nouveau Corridor (X) a été adopté, qui suit globalement l'axe de transport du Sud-Est de l'Europe, l'un des plus utilisés avant les conflits. Il comprend au Nord-Ouest deux embranchements: l'un depuis Ljubliana (et en deçà depuis l'Autriche et l'Italie), l'autre depuis Budapest, convergeant à Belgrade et se séparant à Nis en deux embranchements, l'un allant vers Sofia et l'autre vers le Nord de la Grèce (à nouveau en deux branches). 12. Le développement d'un axe entre la Baltique (Gdansk) et la Mer Noire (Odessa, Constanta) par Varsovie et Kovel. Il apparaît d’autre part que le concept de corridor reposant sur le développement des liaisons entre les principaux centres d'activité, n'est pas tout à fait adapté aux zones entourant des bassins maritimes. Une approche plus intégrative, reflétant la structure complexe des besoins de transport, dont la plupart sont fortement influencés par la mer, devrait être adoptée. C'est la raison pour laquelle des Zones de Transport Paneuropéennes ont été définies pour certains bassins maritimes, dont celui de la Mer Noire. Pour chacune de ces Zones devrait être élaboré un plan de développement des infrastructures, prenant en compte les liaisons avec les Corridors, les TENs et l'Asie Centrale. Ces plans devront inclure l'étude des possibilités de 100 compléter les Corridors Paneuropéens, de manière à assurer la meilleure intégration possible avec la Zone en question. Etant donné que les échanges entre l'Europe et l'Asie devraient s'accroître, les réseaux devraient être développés en direction de la Transcaucasie et de l'Asie Centrale. Pour le bassin de la Mer Noire, il s'agit en particulier des liaisons : 13. TRACECA (Transport Corridor Europe-Caucase-Asie). 14. Vers la mer Caspienne par le canal Don-Volga depuis les côtes de la Mer Noire vers le Caucase, le Proche et le Moyen-Orient et l'Asie Centrale. La Conférence d'Helsinki a mis en avant la nécessité d'une approche multi-modale pour les Corridors et les Zones, visant à assurer une mobilité durable au niveau paneuropéen. Les modes de transport devront être choisis sur des critères à la fois d'efficacité et de protection de l'environnement. Une telle approche multimodale inclura les aéroports, ports maritimes et fluviaux d'importance internationale, en tant que noeuds de connexion et points d'alimentation entre les réseaux. Par ailleurs, la qualité, l'efficacité et la sécurité des systèmes de transport seront développés. Le problème des transports dans le bassin de la Mer Noire ne se réduit pas à l’application des corridors envisagés dans une perspective différente. La constitution d’un espace d’échanges entre l’Union Européenne et les Pays de la Mer Noire suppose une certaine concentration des infrastructures et des équipements sur les axes et les zones stratégiques. C.2 Ressources et transport d’énergie C.2.1 Problématique de l’énergie entre l’Union Européenne et les PMN Des nombreuses études menées par l’Union Européenne concernant ses ressources et ses besoins en énergie, quelques fait importants se dégagent. L’Europe sera à l’avenir beaucoup plus dépendante de ses importations d’énergie. Elles représentent aujourd’hui près de 50% de la consommation brute et se rapprochent des 75% d’ici à 2020. Le gaz disputera au pétrole la première place dans l’utilisation combustibles. Une grande flexibilité existera dans la gamme des produits énergétiques offerts. Les consommateurs européens seront de plus en plus approvisionnés par des réseaux interconnectés de distribution d’énergie. La consommation énergétique européenne augmente d’1% par an. La production énergétique de la Communauté semble vouée à décliner, d’un cinquième peut-être d’ici à 2020, bien que le progrès technologique puisse fortement freiner ce déclin. Même si la situation actuelle n’appelle pas de mesures urgentes concernant la sécurité de l’approvisionnement énergétique sur le plan physique, cette aggravation de la dépendance énergétique et le risque de chocs économiques résultant de l’augmentation du prix des 101 sources énergétiques, obligeront la Communauté à rester vigilante et à adopter une stratégie énergétique à long terme. Au cours des deux prochaines décennies, la consommation européenne de pétrole devrait être stable et les fournisseurs traditionnels du Golfe et de l’Afrique du Nord devraient suffire. En revanche, l’Europe aura besoin de quantités supplémentaires de gaz naturel qui pourraient provenir de Russie, d’Iran ou du Turkmenistan. A long terme, la mise en œuvre des réseaux énergétiques trans-européens créera donc des liens énergétiques non seulement entre les Etats membres de la Communauté ; mais également avec leurs proches voisins. Et dans ce cadre, la coopération avec des pays plus éloignés, comme la région de la Mer Noire et même des pays plus lointains, serait aussi justifiée par la nécessité d’assurer la sécurité du transit. Pour la Mer Noire et l’Union Européenne, il apparaît que les besoins énergétiques de l’Europe seront, dans les décennies à venir, davantage orientés vers le gaz naturel du Kazakhstan et du Turkmenistan que vers le pétrole de l’Azerbaïdjan et de la Caspienne. Pour l’Europe, les principaux pays de transit du gaz naturel seront la Russie et l’Ukraine au nord des deux bassins maritimes (Caspienne et Mer Noire) d’une part et la Turquie et l’Iran au sud, d’autre part. Ceci n’exclut pas l’importance des échanges de pétrole et de produits pétroliers ainsi que la fonction de transit que peut jouer le bassin de la Mer Noire, avec les oléoducs, les ports pétroliers et le transport par voie maritime. La présence européenne dans les enjeux énergétiques du bassin de la Caspienne est de toute façon encore très faible et mériterait d’être accrue. Les incertitudes demeurent quant aux conditions d’exploitation du pétrole de la Caspienne. Celles-ci sont essentiellement de nature économique, si le pétrole de la mer Caspienne devenait trop coûteux à exploiter, et donc trop incertain, les contrats d’investissements signés pourraient être retardés, voire oubliés. Les oléoducs traversent des zones de conflits (Azerbaïdjan ; Daghestan, Tchétchénie, Haut Karabakh, Abkhazie). Les détroits de Turquie soulèvent par ailleurs des problèmes environnementaux. Les investissements internationaux pourraient se tourner vers la Russie, dont l’industrie pétrolière a besoin d’énormes investissements, lorsqu’elle sera prête à ouvrir son industrie pétrolière aux investissements étrangers. Le retour possible de l’Irak sur le marché pourrait modifier les volumes de ressources pétrolières, mais aussi la destination des investissements occidentaux. C.2.2 Profils énergétiques des PMN 15. Caractéristiques communes 16. Les équipements de production (pour la plupart ce sont des centrales thermiques) sont obsolètes et les réseaux de transport et de distribution (pipelines..) sont insuffisants et anciens . 102 Oléoducs et gazoducs en Mer Noire Source : Le Monde Diplomatique 103 17. le prix de l’énergie se situe en général au-dessous du niveau mondial et même du coût réel de production. Il en découle une incapacité à réaliser les investissements de modernisation nécessaires dans le domaine des infrastructures de production et de distribution. Néanmoins, ces dernières années, les prix ont connu de fortes augmentations, ce qui a provoqué certains bouleversements économiques notamment dans les transports . 18. le niveau d’efficacité énergétique est faible. Les incitations aux économies d’énergie font largement défaut . 19. les standards de sécurité et de santé en matière de production énergétique sont largement inférieurs aux standards internationaux . 20. les ressources énergétiques sont très inégalement réparties entre les pays du bassin de la Mer Noire, ce qui a pour conséquence l’existence d’importants flux de transport de produits énergétiques . Le plus important pays producteur d’énergie de la région est la Russie. Elle est le plus grand producteur de pétrole brut et de gaz naturel. La production de charbon est également dominée par la Russie, mais l’Ukraine a également une production significative. L’énergie d’origine nucléaire est produite principalement en Russie, en Ukraine et en Bulgarie, alors que l’énergie d’origine hydro-électrique est surtout produite en Russie, en Turquie, en Roumanie et en Ukraine. La consommation énergétique finale de la région de la Mer Noire est dominée par la demande en produits pétroliers (près de 30% du total) et en combustibles solides (près de 20% du total). La consommation de gaz naturel et d’électricité a aussi une part importante. En Ukraine et Russie, les réseaux de chauffage urbain sont très développés. Traditionnellement, les flux de transport énergétique étaient intenses entre les Républiques de l’ancienne Union Soviétique et également entre l’URSS et les autres pays communistes. Bien que des efforts aient été faits pour diversifier les importations d’énergie, les traces de l’ancien système sont encore très visibles dans la structure géographique des importations et exportations d’énergie. 21. Profils énergétiques 22. L’Albanie est bien dotée en ressources énergétiques par rapport à sa taille. Elle a été autosuffisante jusqu’en 1988. Les facteurs qui ont fait de l’Albanie un importateur net d’énergie sont la forte chute des exportations de pétrole et la forte croissance des importations de charbon. L’Albanie dispose de réserves de lignite et de schistes bitumineux ainsi que de production hydro-électrique. La biomasse (bois de chauffage) joue également un rôle important dans ce pays encore très rural. L’importation nette d’énergie est faible par rapport à la consommation énergétique totale. L’entreprise d’Etat de production et de distribution de l’énergie (KESH) connaît de graves difficultés 104 financières. La BERD, la Banque Mondiale, la Compagnie italienne ENEL apportent leur aide pour la restructuration du secteur. 23. L’Arménie ne dispose pas d’énergie fossile en exploitation, bien qu’elle possède quelques réserves de pétrole qui n’ont jamais été exploitées. Sa production d’énergie primaires provient principalement de l’hydro-électricité et de la production nucléaire (Centrale de Medzamor). Néanmoins, la majeure partie de la consommation provient du pétrole et du gaz importés. Le gaz naturel est importé par les gazoducs traversant la Géorgie et l’Azerbaïdjan. La consommation énergétique a décliné ces dernières années en raison de la crise économique et de la réduction des approvisionnement d’Azerbaïdjan résultant de la crise politique du Haut Karabakh. La privatisation des compagnies de distribution d’électricité a été reportée au printemps 2001. 24. L’Azerbaïdjan est depuis longtemps un important producteur de pétrole et de gaz naturel. La production d’hydro-électricité représente seulement 1% de la production énergétique. Les équipements sont largement obsolètes et le rendement énergétique faible. La consommation intérieure d’énergie provient essentiellement du gaz naturel. La baisse de production a été compensée par des importations d’autres pays, en particulier du Turkmenistan. Le passage à l’exploitation off-shore du pétrole fait appel à des technologies que seules maîtrisent correctement les compagnies occidentales. La découverte d’importantes réserves off-shore de pétrole représente une opportunité significative de développement économique pour le pays. En 1994 a été signé le « contrat » du siècle entre les autorités azeris (SOCAR) et un consortium pétrolier international comprenant des compagnies telles que British Pétroleum, Amoco, Luk-oil, Mac Dermott, Exxon, Statoil, les italiens sont aussi présents. L’enjeu est l’exploitation de nombreux gisements continentaux : Shakhdeniz, Nakhichevan, Guneshli, Chirag, Kiapaz ainsi que maritimes, dans la Caspienne. L’évaluation des ressources est éminemment fluctuante mais l’importance des gisements potentiels ne fait aucun doute. Les investissements initiaux sont considérables compte-tenue de l’obsolescence des installations existantes et surtout de la nécessité de construire un nouvel oléoduc. Le tracé de cet oléoduc est âprement discuté tant les concurrences politiques et économiques des différentes puissances mondiales et régionales se focalisent sur le choix du tracé, plusieurs sont possibles . 25. En Bulgarie, 60% des ressources énergétiques sont importées. La Bulgarie ne dispose pas de réserves significatives de combustibles fossiles, mise à part de la lignite à faible pouvoir calorifique et à forte teneur en soufre, dans le sud du pays. La production de lignite atteint son apogée en 1987 avec 36,8 millions de tonnes pour chuter de 20% entre 1987 et 1991. La capacité de production électrique repose tout d’abord sur les centrales thermiques fonctionnant à la lignite (60% de la capacité), sur les centrales hydro-électriques (35%) et sur l’énergie nucléaire (25%). La consommation de gaz naturel, qui avait connu une forte croissance à partir de 1975, 105 s’est fortement réduite, reflétant la contraction de l’économie bulgare. Le réseau électrique bulgare est connecté avec ceux de Russie, d’Ukraine et de Moldavie, des connections sont prévues avec la Serbie, Fyrom, la Grèce et la Roumanie. En 1999 a été adopté une loi qui progressivement va permettre l’intégration du secteur énergétique dans l’économie de marché. La consommation énergétique de Chypre est assurée par la production de deux centrales au fioul : Dekhelia près de Larnaca (76% de la production chypriote en 1998) et une plus ancienne Moni proche de Limassol. Une nouvelle centrale est prévue à Vassilikos, toujours au sud de l’Ile, qui doublerait la puissance installée actuelle. Le secteur électrique relève de la compétence de l’Electricity Authority of Cyrpus (EAC) entité publique autonome. Le processus d’adhésion de Chypre à l’Union Européenne devrait s’accompagner d’une évolution dans le sens d’une libéralisation du secteur. Malgré les dissensions entre le Nord et le Sud de l’île depuis les évènements de 1974, l’EAC a pendant longtemps continué à approvisionner la zone Nord. Ces livraisons ont aujourd’hui beaucoup diminué depuis que Chypre Nord possède son propre dispositif, administré par Kib-Tek-Authority. L’effondrement de l’URSS a sévèrement affecté l’approvisionnement énergétique de la Géorgie, car le pays faisait partie d’un réseau intégré qui couvrait toute la Transcaucasie et était également relié au reste de l’URSS. La production de charbon a fortement décru en raison de la disponibilité d’énergie importée à bas prix dans l’ancien système. La seule source d’énergie exploitée à grande échelle est l’hydroélectricité, mais la Géorgie ne dispose pas de suffisamment de capacité de production électrique pour faire face à la demande en périodes de pointe. Cependant la Géorgie n’est pas dépourvue de ressources : ses réserves de charbon sont estimées à 450 millions de tonnes. Celles de pétrole connues sont de 12 millions de tonnes, mais sont peut-être proches de 500 millions de tonnes. Les chiffres correspondants pour le gaz naturel sont de 2 milliards de m3, et de 98 milliards en probabilités…Tout cela sans évoquer les potentiels importants dans les énergies géothermiques et éoliennes. Tout le problème reste celui des investissements nécessaires à l’exploitation de ces ressources. La lignite est la principale ressource énergétique de la Grèce. Elle assure 70% de la production d’électricité et les réserves disponibles suffiront pour 30 ans. La lignite continuera donc à être le principal vecteur de production électrique dans les années à venir. La Grèce est très dépendante du pétrole importé, bien que la part du pétrole dan la fourniture d’énergie primaire ait décru de 20% au cours des 20 dernières années. La Grèce n’a pas consommé de gaz naturel, mais la décision a été prise d’importer du gaz naturel de Russie et d’Algérie, de manière à diversifier les sources d’approvisionnement. Le réseau grec est interconnecté avec les réseaux albanais, yougoslaves et bulgares. La plupart des infrastructures nécessaires pour l’exploitation des énergies renouvelables sont localisées dans les Iles de la Mer Egée. Le développement des capacités concerne les énergies éolienne, géothermique et solaire, la production actuelle est de 90 MW. Ce faible niveau de la production indique que les 106 ressources d’énergie alternative ne peuvent jouer un rôle significatif que dans les îles éloignées où la demande est faible, d’autant plus que ce type d’énergie est plus favorable à l’environnement. En 1991, en Moldavie la consommation d’énergie primaire atteignait 33 fois le niveau de production. L’économie moldave est excessivement dépendante de la stabilité des approvisionnements depuis les républiques voisines, principalement de Russie et d’Ukraine. Ces dernières années, la production électrique a chuté, en raison des difficultés d’approvisionnement en énergie primaire. Les sociétés énergétiques d’Etat ne disposent plus de suffisamment d’accords commerciaux pour obtenir assez de combustible pour les besoins du pays. La dépendance par rapport à l’approvisionnement depuis la Russie a causé de sérieux problèmes. La Moldavie a diversifié ses sources d’approvisionnement en produits pétroliers : 50% proviennent de Roumanie, Bulgarie, Italie et Grèce. Mais pour le gaz naturel, elle reste dépendante de la compagnie russe Gazprom. L’énergie constitue un véritable goulet d’étranglement de l’économie roumaine en dépit des gros efforts d’investissements dont il a fait l’objet entre 1970 et 1980. D’exportatrice de pétrole qu’elle était jusqu’à la fin des années 70, la Roumanie est devenue importatrice, sa production qui tourne autour de 6 à 7 millions de tonnes couvre moins de la moitié des besoins. De même pour le gaz, dont la production décline, passant de 37 milliards de m3 en 1984 à environ 20 en 1995. Le charbon et la lignite, principales sources d’énergie domestique, contribuent pour près de 40% à l’alimentation des centrales thermiques. Les installations pétrolières et gazières, les centrales hydroélectriques sont vétustes, l’extraction du charbon fondamentale pour l’équilibre énergétique implique des restructurations drastiques : le gouvernement compte en partie sur la mise en fonctionnement de la centrale nucléaire de Cernavoda pour diversifier les sources d’électricité. La Banque Mondiale et la BEI soutiennent un programme à long terme (20 ans) en vue de revitaliser l’industrie du pétrole et du gaz en Roumanie. Ceci implique l’établissement d’un nouvel organisme de régulation, indépendant de l’Etat, l’adoption d’une politique basée sur les prix du marché, et la préparation à la privatisation, la modernisation des 3 000 km de pipe-lines et le développement de technologies satisfaisantes du point de vue environnemental. La restructuration du secteur est en cours. La Russie possède des atouts très importants dans le secteur énergétique. Le territoire recueille 36% des réserves de gaz de la planète et celles des gisements d’huile atteignent 20 milliards de tonnes. Cependant, la production de pétrole et de gaz s’est contractée de moitié en quelques années passant de 600 millions de tonnes en 1987 à 303 en 1998. Cette chute brutale et durable sanctionne l’effondrement des investissements constatés depuis 1991.La production d’énergie primaire a doublé entre 1970 et 1989, depuis, elle est en déclin. A partir de 1991, la disparition de l’URSS a rendu le marché domestique largement insolvable,et Gazprom a d’énormes difficultés de trésorerie qui retardent les investissements. L’effondrement des investissements d’origine russe n’a pas été compensé par une hausse 107 équivalente des investissements étrangers. Les principales régions productrices sont : la région Bolga-Oural, la Sibérie Occidentale qui deviendra la première région productrice de pétrole et la bassin sédimentaire de Timan Petchora au Nord-Est de la Russie d’Europe, des perspectives intéressantes existent en Sibérie Orientale et l’Ile de Sakhaline. La Russie est le premier producteur mondial de gaz 643 millions m3 en 1990, 591 millions m3 en 1998. Avec la dislocation de l’URSS, la Russie a perdu les gisements turkmènes et ouzbeks, les gisements d’Europe : Stavropol, Krasnodar, Volgograd, Oufa, Astalehan s’épuisent, l’avenir est d’ores et déjà en Sibérie occidentale (Tioumen) qui représente les 2/3 de la production russe. Les exportations énergétiques constituent la première ressource en devises de la Russie. Les exportations vers les pays de la CEI ont tendance à se réduire, celles vers l’Union Européenne augmentent sensiblement. La restructuration du secteur entreprise à partir de 1994 s’est traduite par la création de 15 groupes intégrés nationaux et groupes à vocation régionale. La première phase de privatisation s’est traduite par la distribution d’une partie des actions aux salariés et aux cadres des entreprises, l’introduction des titres en Bourse s’est faite progressivement. La plupart des sociétés pétrolières ont été partiellement privatisées en 1996 au profit d’un groupe restreint d’investisseurs russes avec pour résultat le contrôle des groupes intégrés par les groupes industriels et financiers. La production charbonnière, malgré l’importance des réserves, est en déclin et les prix sont très inférieurs aux coûts de production. La production d’électricité provient essentiellement des centrales thermiques et très secondairement de l’hydro-électricité (15%) et du nucléaire (10%). La Turquie souffre d’une dépendance grandissante en matière d’énergie primaire, 60% en 1998, 70% en 2010. Les ressources énergétiques de la Turquie sont évaluées à 246 milliards de kWh, dont 120 milliards d’origine thermique (les réserves de lignite sont évaluées à plus de 8 milliards de tonnes) et 125 milliards d’origine hydraulique. Le problème essentiel de la Turquie est une production très insuffisante face à une demande en très forte croissance. La consommation nationale d’électricité a atteint 130 milliards kWh en 2000, les estimations fondées sur la croissance démographique et industrielle prévoient que la consommation atteindra 290 milliards kWh en 2010, 540 milliards en 2020. La capacité des centrales devrait tripler dans les 10 ans. La consommation de gaz naturel a atteint 12 milliards m3 en 1999 pour une production locale quasi-inexistante, la Turquie importe massivement son gaz de Russie, mais cherche à développer ses approvisionnements notamment vers le Turkmenistan.: La production annuelle de pétrole (entre 3 et 4 millions de tonnes) contraint la Turquie à dépendre, à hauteur de 88% de ses besoins, des importations. Grâce aux différents projets d’évacuation du pétrole de la Caspienne, enjeu stratégique majeur pour la Turquie dans les dix prochaines années, de nouveaux pays fournisseurs sont appelés à voir le jour, notamment l’Iran, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et le Kazakhstan. Le grand projet de transport est celui de l’oléoduc Bakou-Ceyhan. L’Ukraine dispose d’importantes ressources énergétiques, en particulier en matière de charbon et de gaz naturel. Le charbon représente 30% de la production énergétique du pays 108 et le charbon à coke a été un des principaux produits d’exportation de l’Ukraine. La production de gaz naturel a décliné depuis les années 70 et l’Ukraine a dû en importer d’importantes quantités de Russie et du Turkmenistan. Les réserves de pétrole actuellement exploitées sont modestes et la production a décliné ces dernières années, bien qu’il existe des ressources inexploitées. De ce fait l’Ukraine est fortement dépendante de la Russie en matière de pétrole et de gaz brut importé est raffiné dans les grandes raffineries ukrainiennes. L’énergie nucléaire représente près de 30% de la production énergétique ukrainienne, mais son avenir est incertain depuis l’accident de Tchernobyl. Elle importe 90% de son gaz et 50% de son pétrole de Russie. Les importations de gaz et de pétrole ont décru depuis 1994. Par contre, les importations de charbon ont augmenté. Dans le souci de se détacher de la Russie et du Kazakhstan dont près de 90% de ses approvisionnements en pétrole et en gaz dépendent, l’Ukraine développe les recherches off-shore et multiplie les contacts pour trouver d’autres sources. La chute de la production de charbon a été de plus de 50% entre 1990 et 1998. La plupart des 263 mines sont obsolètes, le coût du charbon ukrainien est très largement audessus du coût du marché mondial. La part du charbon dans la consommation énergétique du pays s’élevait encore à 35% en 1998. La restructuration de ce secteur s’avère donc d’autant plus indispensable qu’il représente un poids exceptionnellement lourd dans l’économie . Cela ne saurait se faire toutefois sans un remaniement profond des effectifs et une réévaluation globale du secteur des charbonnages. Malgré ses difficultés, le secteur de l’électricité demeure parmi les plus importants de l’économie ukrainienne. Il contribue à hauteur de 9% au PIB national.. La politique nationale dans le domaine électrique est définie par le programme national à l’horizon 2010. Celui-ci prévoit un montant d’investissements dans le secteur de l’ordre de 1 milliard d’USD par an. L’objectif majeur est la modernisation et la réhabilitation des unités de production. 109 110 D PROBLEMES ENVIRONNEMENTAUX Pour comprendre la situation environnementale dans la région de la Mer Noire, il faut prendre en compte la situation spécifique liée à la phase de transition. Les changements politiques et socio-économiques y ont créé une situation complètement nouvelle pour ces pays, notamment dans le domaine des perspectives environnementales. En 1989-1990, la chute des régimes communistes a révélé un véritable drame environnemental. Des décennies d’indifférence, de mauvaise gestion, de négligences des régimes antérieurs ont dégradé, souvent d’une manière irréparable le sol, l’eau, l’air et la santé des Etats de l’Europe orientale et de l’ex-URSS, en particulier dans le domaine des pollutions industrielles et nucléaires. Aujourd’hui, ces pays doivent non seulement relever le défi d’assumer cet héritage écologique, mais aussi inscrire leur développement économique et social dans une perspective de développement et d’aménagement durable. D.1 Le système fluvial L’écosystème du bassin de la Mer Noire est dégradé en permanence par l’action de certains polluants, notamment les polluants nutritifs. Les éléments nutritifs qui entrent en Mer Noire sont véhiculés par les fleuves et les rivières venant du continent. Le Danube participe pour plus de la moitié à la pollution de la Mer Noire. L’eutrophisation est un phénomène qui s’étend sur de vastes zones de la Mer Noire. Les rejets des déchets insuffisamment traités comportant la présence d’agents de contamination biologique, représentent une menace pour la santé publique, et constituent un obstacle pour le développement du tourisme et de l’aquaculture. Les rejets d’autres produits nocifs, en particulier le pétrole, menacent eux aussi l’écosystème Mer Noire. Le pétrole entre dans l’écosystème par les rejets en mer de produits pétroliers des navires, ou suite à un accident (origine pélagique) ; il entre aussi avec les apports terrestres véhiculés par les fleuves et les rivières. Presque la moitié des rejets de pétrole en Mer Noire provenant du continent (origine tellurique) sont véhiculés par le Danube. Les déchets, les eaux usées, les rejets non traités d’Istanbul, ville de 10 millions d’habitants , se répandent dans la Corne d’Or et le Bosphore. Peu de villes de la Mer Noire sont saines de ce point de vue. Les eaux fluviales sont encore plus polluées que celles de la mer. Par ailleurs, il faut ajouter la pollution par les métaux lourds et la contamination radioactive depuis la catastrophe de Tchernobyl en 1986 ainsi que les dégradations provoquées par l’utilisation sans retenue de pesticides complexes (ex. : pollution du Dniestr, catastrophe de Stebniki en 1983). Les fleuves eux-mêmes ont été maîtrisés et jugulés. La construction de barrages gigantesques pour contrôler le débit du fleuve, irriguer, produire de l’électricité a diminué l’apport en eau 111 douce, et perturbé l’équilibre des eaux dans les estuaires, causant des dommages irréparables au cycle de vie des poissons anadromes qui remontent le fleuve pour se nourrir. Le réservoir de Tsimlyansk sur le Don moyen a pratiquement supprimé l’inondation annuelle dans le delta du Don, tandis que le barrage sur le Kuban a stoppé la remontée des esturgeons, des « shads » et des saumons. Les 3/4 de l’eau douce alimentant la Mer Noire vient du Danube, pour cette raison les barrages fluviaux entre les frontières roumaines et yougoslaves ont provoqué l’épanouissement des algues qui ont triplé en 25 ans, le nombre d’espèces dans le plancton produit par les algues a diminué. D’autre part, l’introduction d’espèces exotiques, avec le déballastage des navires, a aussi gravement endommagé l’écosystème de la Mer Noire, et représente une menace pour les mers voisines : méditerranéenne et caspienne. La mauvaise gestion des ressources naturelles, des politiques inadaptées, notamment dans le domaine de la pêche et de la gestion des zones côtières font obstacle au développement durable de la région de la Mer Noire. La plupart des stocks halieutiques, déjà dégradés par la pollution, ont été et sont encore surexploités et menacés gravement par cette surexploitation. De nombreuses zones littorales sont dégradées du fait de l’érosion, du développement incontrôlé de l’urbanisation, des industries et des constructions. En conséquence, il existe un risque sérieux de disparition d’habitats et de paysages naturels remarquables et, en fin de compte, d’une régression profonde de la diversité et de la productivité biologiques de l’écosystème Mer Noire. Il est tout à fait exact que la Mer Noire est morte aux 9/10èmes et que ses eaux en-dessous de 200 m oxycline sont rendues toxiques par l’hydrogène sulfureux. Sa mort n’est pas seulement provoquée par l’action de l’homme, c’est aussi l’action des forces naturelles qui participent à cette pollution considérable. La décomposition de milliards de tonnes de boues, de vases, de végétaux en provenance de l’intérieur, de micro-organismes morts avec les cinq grands fleuves qui se jettent dans cette mer pourrissent littéralement le fond de la Mer Noire depuis le dernier âge glaciaire. D.2 Situation écologique de la Mer Noire La Mer Noire constitue un écosystème marin unique. Il est enserré dans les terres et l’aération de ses eaux profondes par des apports latéraux est plutôt pauvre, de plus, une sédimentarisation de forte densité, empêche le mélange vertical des eaux. Il existe une situation permanente d’anoxie pour 87% de ses eaux, faisant de la Mer Noire le bassin anoxique le plus grand de tous les océans du monde. Sa superficie est cinq fois plus petite que son bassin de captation qui s’étend sur l’Europe et l’Asie, continents où les activités humaines produisent des charges organiques qui se déversent dans le bassin. 112 La Mer Noire est une mer semi-fermée qui reçoit les eaux de près d’un tiers de l’ensemble du territoire européen, de 17 pays, 13 métropoles et environ 160 millions d’habitants. Le Danube, le Dniepr et le Don se jettent en Mer Noire, cette dernière n’ayant qu’une seule connexion avec le monde océanique à travers le canal étroit du Bosphore. Au sein des nombreuses zones océaniques mondiales, la dégradation environnementale dans la Mer Noire est la plus grave. (La crise environnementale en Mer Noire résulte de la poussée anthropogénique), en liaison avec les changements et variations naturels, notamment climatiques, elle se manifeste par des évolutions dramatiques dans la ressource biologique et les écosystèmes. Les pêcheries ont diminué de 80% ces dernières années et seulement 6 des 26 espèces commercialisables valables des années 1960 restent en quantité exploitables. De nombreuses hypoxies et anoxies occasionnelles sont provoquées par l’eutrophisation et ont amené une dégradation complète du benthos dans toutes les régions de la plate-forme continentale. Rien que sur la côte roumaine, un seul phénomène d’anoxie en 1991 a éliminé environ 50% des poissons benthiques existants. La diminution de la pénétration de la lumière a amené 95% de pertes dans les zones de pêche des espèces commercialisables en raison des eaux « sombres » provoquées par l’algue phyllophora. Des pertes irréversibles de zones humides deltaïques, remarquables par leurs habitats naturels, se sont produites. Des marées rouges toxiques sont fréquemment observées. Des modifications dans la composition des espèces et la structure du plancton et une perte de diversité dans le phytoplancton ont été constatées. Le système nutritif du bassin a été sérieusement atteint à cause de l’arrivée rapide et croissante des prédateurs. Les métaux lourds, les pesticides, les hydrocarbures, la plupart provenant des zones terrestres en particulier via le Danube, ont atteint des niveaux alarmants. La Mer Noire a souffert d’une dégradation catastrophique de ses ressources naturelles ces trois dernières décennies. Les apports accrus de matière nutritive par les fleuves ont provoqué la surproduction de plancton et par suite la crise de l’écosystème sensible de la Mer Noire. La pollution et la surexploitation des stocks halieutiques ont entraîné une chute brutale des ressources de la pêche. En 1984, l’anchois « harmst » fournissait 320 000 tonnes de poissons, en 5 ans l’approvisionnement est descendu à 15 000 tonnes. Le tonnage des poissons pêchés représente moins du 1/7ème de ce qu’il était il y a 10 ans et plusieurs espèces ont vraisemblablement disparu. De même pour les mammifères marins, le phoque-moine a maintenant disparu. Les trois espèces de dauphins ou marsouins ont diminué de près d’un million dans les années 1950, d’environ un tiers à un dixième. D’énormes efflorescences planctoniques ont commencé à apparaître à la surface des eaux du rivage nord-ouest de la Mer Noire où le fond est au-dessus du niveau d’anoxie et où de nombreuses espèces importantes viennent se reproduire . Les marées rouges formées à partir de phytoplancton mort ont commencé dès le début des années 1970 leurs apparitions régulières. Le pire de ces désastres écologiques eut lieu en Baie d’Odessa en 1989 lorsque fut atteint une concentration énorme de l’ordre d’un kg de plancton pour 1 m3 d’eau de mer. 113 La signification de ces faits et de ces données est que, pour la première fois de son histoire, l’espèce humaine est en train de faire disparaître complètement la vie d’une mer entière. Quelques formes de vie survivront : algues stériles, ou des méduses. Mais les êtres vivants avec lesquels l’homme s’est développé en Mer Noire, les millions de poissons argentés migrant dans les mêmes traces depuis la dernière glaciation, le dauphin « grinning », ceux-là sont en voie de nous quitter définitivement. Les causes sont connues. La plupart d’entre elles, à part une infime partie criminelle et consciente -comme l’immersion des déchets toxiques-, vient de l’absence de maturité des hommes. 160 millions de personnes vivent maintenant autour du bassin de la Mer Noire, c’està-dire dans la zone traversée par les fleuves qui se jettent en Mer Noire, parmi eux il y a des agriculteurs, des ouvriers, des pêcheurs, des marins. Mais, dans ces 15 ou 20 dernières années, leurs activités ont été débordées par l’innovation technique, avec de nouveaux engrais, des superpétroliers, des process industriels basés sur les hydrocarbures, la dioxine et autres produits toxiques (CFCS), la localisation électronique des bancs de poissons et des filets de pêche moderne. D.3 La contamination radioactive 25. Le problème de la contamination radioactive causée par la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine en 1986 est l’autre problème environnemental le plus inquiétant du bassin de la Mer Noire. Bien qu’en raison des vents dominants à cette époque, les effets de la contamination se sont surtout fait sentir dans les directions nord et nord-ouest, les effets de Tchernobyl peuvent être trouvés dans l’ensemble du bassin de la Mer Noire. Les affluents de l’accident de Tchernobyl ont contaminé environ 125 000 km2 de terres en Biélorussie, Ukraine et Russie avec des niveaux de caesium radioactif supérieurs à 37 Kbq/m2 et environ 30 000 km2 avec du strontium radioactif supérieur à 10 Kbq/m2. Environ 52 000 km2 de l’ensemble de ces surfaces sont utilisés par l’agriculture, le reste sont des forêts, des étendues d’eau, des centres urbains. La migration du caesium, de plus en plus profond dans le sol, est généralement lente, notamment dans les forêts et les sols tourbeux, très variable et dépend de nombreux facteurs tels que la nature des sols, le PH, les chutes d’eau et les labours agricoles. Il n’est pas possible de prévoir le taux de diminution de cette radioactivité, trop de facteurs, de variables entrent en jeu. Aussi des limitations de l’usage des sols sont toujours nécessaires dans les régions biélorussiennes, ukrainiennes et russes les plus contaminées. Dans ces régions, la levée des restrictions est vraisemblable dans un avenir prévisible. 114 D.4 Orientations stratégiques Une stratégie sur la réduction de la pollution dans le bassin de la Mer Noire doit être développée pour attaquer le problème de l’eutrophisation en Mer Noire. L’objectif serait une série des réductions progressives, sagement étagées, des charges nutritives. Avec un bassin de cette envergure, il faut aussi agir en vue de réduire les rejets de polluants dans la Mer Noire, en particulier le pétrole. Etant donné que le Danube est la première source de pollution en matière de production d’éléments nutritifs dans la Mer Noire, il est important d’adopter des stratégies de réduction de ces éléments, en particulier pour le Danube. La pollution atmosphérique devrait bénéficier d’une attention centrée sur les sites prioritaires afin de réduire les rejets de polluants dans ces zones. En plus de cette priorité concernant ces « points chauds », des stratégies d’ensemble sur les émissions de déchets insuffisamment traités devraient être préparés dans chacun des Etats de la Mer Noire. Compte-tenu de la croissance rapide du trafic dans les ports, un système harmonisé de contrôle de l’activité portuaire par les Etats devrait être établi. Il serait nécessaire d’envisager une interdiction totale du rejet des ordures et déchets urbains en mer et dans les zones côtières et estuariennes. Dans ce contexte, les Etats riverains de la Mer Noire devraient développer et mettre en oeuvre des politiques de gestion des déchets environnementalement « correctes », prenant en compte la minimalisation, le recyclage et la réutilisation des déchets. Des plans d’urgence nationaux et locaux, concernant à la fois les navires et les installations off-shore doivent être adoptés et fournir une base pour assurer que ces plans mis en oeuvre dans les Etats de la Mer Noire soient suffisamment coordonnés. Il serait souhaitable que cette coordination puisse se faire à travers un plan d’urgence régional. Un système de contrôle Mer Noire pour évaluer et surveiller tout type de pollution fournirait les éléments d’un rapport régulier sur l’état de la pollution dans la Mer Noire, avec les mesures des principaux contaminateurs et les données concernant les rejets de produits toxiques, au niveau des sources de pollution, des fleuves, des zones de pollution diffuses, etc ... Les poissons sont une partie intégrante de l’écosystème marin. Afin de réhabiliter l’écosystème de la Mer Noire et obtenir des politiques halieutiques « durables », il est nécessaire de lancer des politiques de gestion dans ce domaine. Un tel système des gestion du secteur halieutique pourrait être basé sur les actions suivantes : régulation régionale et coordination des évaluations de stocks, droits nationaux de pêche, système régional d’autorisations. Dans les zones marines et littorales, en particulier dans les zones humides, de nouvelles zones de protection doivent être définies et la protection des zones existantes doit être renforcée. Des campagnes publiques de sensibilisation, pour les collectivités locales et pour les usagers des ressources naturelles, devront être engagées. Des campagnes de cette nature devraient être coordonnées au niveau régional. 115 Tous les états de la Mer Noire pourraient adopter des critères pour les audits et bilans environnementaux, l’évaluation des impacts, pour tout projet public ou privé. Les critères devraient être harmonisés avec ceux de l’Union Européenne. Une stratégie régionale Mer Noire en vue d’une gestion intégrée des zones littorales est nécessaire. Cette stratégie régionale élaborerait des principes de base et des méthodologies en matière de planification et d’occupation des sols et des zones marines. Elle définirait des systèmes de zonage. Des politiques d’aménagement et de gestion intégrés des zones côtières seraient établies aux niveaux nationaux, régionaux et locaux de l’administration publique. L’aquaculture et le tourisme sont deux domaines considérés comme ayant un bon potentiel de croissance dans le bassin de la Mer Noire pouvant bénéficier à l’ensemble de la région, afin de prévenir les préjudices causés à l’environnement, par l’exercice de ces activités, leur développement devrait être géré selon des principes et des règles proches de celles de l’Union Européenne. Le développement de l’écotourisme serait favorisé dans la région avec la réalisation de projets-pilotes concrets. Enfin, chaque Etat de la Mer Noire adopterait et mettrait en oeuvre des règles qui garantiraient le droit à l’information environnementale, qui donnerait le droit au public et aux ONG de participer à la prise de décisions et conférerait le droit aux individus et aux groupes de saisir les juridictions administratives et judiciaires. L’implication du public dans la prise de décision en matière environnementale pourrait se faire en s’inspirant des règles en vigueur dans l’Union Européenne. 116 E AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET POLITIQUE REGIONALE Le bassin de la Mer Noire représente une certaine unité d’un point de vue historique et géographique. L’histoire nous enseigne que cette zone a constitué un creuset de civilisations, de cultures et de rapports entre l’Europe et l’Asie. La géographie nous démontre que les bassins versants de grands fleuves comme le Danube, le Dniepr ou le Don débouchent sur la Mer Noire, qu’il existe un ensemble de foyers de peuplements le long de ses rives et dans l’arrière-pays. Si, au long des siècles, cette unité territoriale a vu s’exprimer des conflits, s’épanouir des empires, se rencontrer des peuples différents, si elle a constitué, de Rome à l’empire Ottoman, en passant par Byzance, un espace de convergence d’intérêts et d’enjeux géopolitiques, au XXème siècle, elle a connu, au contraire, une coupure très prononcée entre le monde soviétique et ses satellites d’une part, les pays tournés vers l’Occident d’autre part. Depuis 1989, cette fracture est, en théorie, en voie de résorption. On peut à nouveau parler d’un espace centré sur la Mer Noire et d’un « bassin » qui regrouperait les pays riverains ou proches dans une communauté d’intérêts et d’avenirs. Toutefois, les analyses montrent de profondes différences, voire des divergences entre les douze pays qui forment le bassin de la Mer Noire. Ces différences ne tiennent pas à des déterminismes profonds. Certes, l’Albanie, comptée dans cet ensemble, est plus proche de l’Union Européenne que les pays du Caucase. Certes, la dimension de la Russie n’a aucune commune mesure avec celle de la Moldavie ou de Chypre. Extrêmement différents par la taille, par l’évolution démographique, par les niveaux de développement, par les perspectives économiques, par leur ouverture vers l’Europe, ces pays, si on les examine à l’échelle de la Mer Noire, et si on les considère dans leur ensemble, présentent quelques traits communs ou convergents qui justifient une appréhension en terme d’aménagement du territoire et de politiques régionales. De par le seul fait de leur proximité, des problèmes de relations entre pays se posent. De par leur histoire récente, ils connaissent tous l’héritage d’une centralisation politique et administrative. De par leur situation en transition économique, ils se positionnent sur des « marchés » nouveaux de territoires et ont à affronter de nouvelles réalités liées à la concurrence, à la libéralisation et au marché. De par leurs réformes ou leurs projets de réformes, ils rencontrent des problèmes de cohésion nationale et territoriale, un de leurs points communs étant la difficile recherche d’un équilibre entre Etat et collectivités, entre centre et périphéries, entre interventionnisme et laisser-faire. 117 E.1 Les problèmes généraux d’aménagement du territoire et de politique régionale dans le bassin de la Mer Noire L’intérêt n’est pas de chercher des points communs entre les différents pays, mais de mettre en évidence les problèmes lourds qui se posent avec assez de force pour interroger l’ensemble de la Mer Noire et questionnent, de façon cruciale, l’existence et la forme de politiques régionales. E.1.1 L’héritage : centralisation / décentralisation C’est une des caractéristiques majeures de ces pays. Ils ont été et sont parfois encore très centralisés. L’histoire, pour la plupart d’entre eux, s’est faite à partir de pouvoirs forts et ce sont plutôt les Etats qui ont produit des nations, à tout le moins des pays, car certains, sinon la majorité, comptent de nombreuses et importantes minorités se revendiquant comme peuples. Cette centralisation est attachée à l’image de l’Union Soviétique, mais elle ne s’y résume pas. Certes, le modèle de l’URSS, sa planification par branche, sa constitution (aux sens historique aussi bien qu’institutionnel), la concentration des pouvoirs, la faiblesse des espaces démocratiques sont un héritage lourd pour les pays issus de l’URSS qui voudraient moderniser les structures d’organisation et de gestion de leurs territoires. Sur les douze pays de la Mer Noire, six sont issus de l’Union Soviétique. Si l’on ajoute les ex-pays socialistes (Bulgarie, Roumanie, Albanie), le nombre est porté à neuf, soit les 3/4. Il ne faut pas s’étonner si, après seulement dix années de sortie du système socialiste, alors que les pays sont en transition économique, alors que des incertitudes évidentes planent sur leur développement, ces pays n’ont pas ou peu engagé de réforme territoriale et mis en oeuvre des politiques d’aménagement du territoire, au sens où nous l’entendons dans l’Union Européenne. Par ailleurs, les autres pays, comme la Grèce et la Turquie, héritent, eux aussi, de structures centralisées. La Grèce a engagé depuis son adhésion à l’Union Européenne un processus de déconcentration et décentralisation qui a abouti à la création de régions et des réformes des collectivités locales. La Roumanie et la Bulgarie, aidées par l’Union Européenne, s’orientent vers la conception et la mise en oeuvre de politiques d’aménagement du territoire et leur corollaire institutionnel obligé : les politiques régionales. Les autres pays demeurent centralisés, même si des tendances se font jour en faveur de l’expression régionale. Mais, même dans cette hypothèse, les résultats sont ambigus. En Ukraine, il existe des zones économiques différentes. L’est et l’ouest semblent diverger de plus en plus. L’ouest s’ancre vers l’Europe et, déjà, des échanges non négligeables ont lieu avec la Pologne et les pays limitrophes. L’Est est toujours engagé dans la proximité de la Russie et 118 des liens avec le grand état voisin. Des esquisses de nouvelles régions existent, mais les structures administratives ne sont pas adaptées à une re-formulation territoriale autre que la centralisation à Kiev, suppléant l’ancienne centralisation sur Moscou. La Russie est composée de républiques, de régions, d’oblasts, de kraïs. La réforme de 1995 permet théoriquement aux gouverneurs des régions, élus au suffrage universel, de disposer de plus en plus de pouvoirs qui contrebalancent l’hégémonie du centre, et ce d’autant plus que ce centre redistribue moins, faute de moyens financiers suffisants et que les régions ne transfèrent que partiellement la part des impôts qu’elles collectent qui revient au gouvernement central. Les régions existent, mais pas les politiques régionales. Elles tourneraient à vide, faute de programmes d’aménagement du territoire à l’échelle du pays ou de grands ensembles territoriaux structurés. L’évolution récente marquerait plutôt un retour de la centralisation comme réponse du gouvernement central au développement de l’anarchie, à l’arbitraire des autorités régionales, aux menaces de sécession.. La Moldavie, comme les pays du Caucase, ne connaissent pas, compte-tenu de leur taille, des problèmes de clivages territoriaux de même nature que l’Ukraine et la Russie. Seuls les conflits, ouverts ou larvés, marquent le rythme des partitions spatiales. Les concepts de politique régionale et développement territorial sont évanescents. Leurs enjeux sont prioritairement l’unité du pays, la transition économique et la cohésion sociale. La Turquie demeure un pays très centralisé, héritage de l’état turc fondé au début du XX siècle. Les déterminants de sa géographie vont plutôt dans les sens d’un morcellement et de disparités importantes. Les perspectives d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne ont favorisé les tendances à la décentralisation qui commençaient à se développer. En fait, dans la phase actuelle, il s’agit plutôt d’une déconcentration que d’une réelle décentralisation. C’est dire que l’expression de politiques régionales est difficile dans cette partie du monde… E.1.2 Les fragmentations et les divisions Plusieurs facteurs jouent en faveur de la fragmentation territoriale de ces pays : Dans un cas, celui de la Russie, c’est la perte même de substance de l’Etat qui est en cause. L’immensité du pays par elle-même ne joue pas dans le sens de la cohésion, sauf si la Russie dispose d’un état fort et d’une relation très structurée et clarifiée avec des pouvoirs régionaux, forts eux aussi et disposant de moyens. Faute de politique réelle d’aménagement du territoire, les forces centrifuges s’exercent sur les pays, des souverainetés locales ou régionales s’épanouissent au gré des circonstances ou des nouvelles élites, et le centre peut se rétracter sur Moscou et les régions environnantes. 119 Sans entrer dans une problématique de conflits et de géopolitique, on ne peut parler d’aménagement du territoire sans faire référence aux problèmes posés par les diverses sécessions, luttes, revendications des minorités au sein des états. La Turquie, en raison de la question kurde, connaît des difficultés et des lenteurs pour une politique régionale rigoureuse, on y envisage quand même un processus prudent de décentralisation. La Russie, avant 1991, comprenait des républiques autonomes. La Géorgie en comptait trois : celles d’Abkhazie, d’Adjarie et la région autonome d’Ossétie du Sud. L’Azerbaïdjan comprenait la république autonome de Nakhitchevan et la région autonome du Haut-Karabakh. La Crimée est devenue, en 1991, par référendum, une république autonome au sein de l’Ukraine. En Moldavie, pendant que le petit peuple gagaouz du sud de la république revendiquait son autonomie, la population largement russophone de la rive gauche du Dniestr, se sentant menacée par la « roumanification », a proclamé dès 1990 une république moldave de Transnistrie, dont le statut est fort incertain. On peut évoquer également le Caucase dans son ensemble où la cohésion des pays est bien plus à l’ordre du jour que les politiques régionales. Quant à l’Albanie, les événements récents montrent que la cohésion nationale est encore à venir. Au delà des aspects ethniques ou géopolitiques, les territoires des pays du bassin de la Mer Noire sont relativement morcelés. Nombre d’entre eux souffrent d’enclavement et le principe unificateur qu’était le monde socialiste pour neuf d’entre eux ne tient plus. La logique du système soviétique « faisait » de l’aménagement du territoire très volontariste au moyen d’investissements et d’équipements, industriels et urbains, lourds par branche d’activités. C’est moins le territoire qui nécessitait un aménagement que l’aménagement qui produisait du territoire. Le bloc soviétique était ainsi segmenté en territoires affectés à des pans du système économique dont la rationalité était assurée par l’ensemble et le centre. Aujourd’hui, les nouveaux pays ne disposent plus de perspectives globales et les survivances du système, à l’intérieur des frontières de chaque pays, vont dans le sens d’une fragmentation accrue. E.1.3 L’aménagement du territoire et la cohésion La cohésion est au coeur de l’aménagement du territoire des pays de la Mer Noire. La Grèce, dont les politiques sont d’inspiration communautaire, est elle-même un pays géographiquement morcelé, par des déterminismes physiques, et les problèmes des liens y sont très importants. La partition de Chypre n’est plus à évoquer. La Turquie est composée d’entités fort différentes dans un cadre physique très diversifié, où les disparités se creusent plutôt. Les pays de l’ex-URSS, soit témoignent du maintien d’un centralisme profond jugé nécessaire à la cohésion nationale, soit voient les processus de régionalisation institutionnelle ou de provincialisation prendre le pas sur une vraie politique régionale. 120 De cette approche à très grande échelle, on conçoit mieux la finalité de politiques d’aménagement du territoire. Diminuer les enclavements, créer des relations entre les espaces, atténuer les disparités voire réduire les fractures, requalifier des zones entières héritant de la division spatiale antérieure de l’appareil productif, utiliser le rôle des villes et l’armature urbaine, encore très imparfaite, tirer parti de nouvelles ressources et mettre à niveau de compétitivité adéquate le maximum de territoires, sont des objectifs essentiels pour la cohésion de ces pays, et à plus long terme pour la convergence économique et territoriale d’un ensemble organisé autour du bassin de la Mer Noire. Cela posé, l’héritage et les tendances à la fragmentation des pays de la Mer Noire, au moins la majorité d’entre eux, ne peuvent déboucher seulement que sur des projets de régionalisation, même s’ils sont nécessaires. La régionalisation est une enveloppe institutionnelle dans laquelle il convient de mettre du contenu. Dans ces pays de tradition centralisatrice, on ne peut attendre, par génération spontanée, l’émergence de plans ou programmes régionaux sans une intervention forte de l’Etat. De même que ces pays sont en transition économique, ils sont de même en transition institutionnelle. L’affirmation d’une politique d’Etat forte en matière d’aménagement du territoire doit aller de pair avec des processus de décentralisation et de régionalisation. L’ouverture brutale à l’économie libérale d’une part et l’exacerbation des revendications territoriales d’autre part vont à l’encontre de la cohésion en aggravant les inégalités et en cloisonnant un peu plus les espaces. A ce titre, l’Union Européenne dispose de l’expérience nécessaire pour insuffler des dynamiques d’aménagement du territoire, comme elle l’entreprend en Bulgarie et en Roumanie. L’aménagement du territoire de ces pays devrait être orienté vers l’intégration des sous-ensembles qui les composent, en termes de réduction des disparités, mais aussi en intensifiant les moyens de communication. Une finalité doit être prise en compte très tôt et très en amont de toute démarche en ce sens. C’est celle du développement durable. Le passif est lourd en Mer Noire. Des zones entières sont déqualifiées ou en friche. L’environnement est dégradé en de nombreux endroits. Des pollutions de toute nature se sont accumulées et s’accumulent dans les sols et dans les eaux. Le risque d’un concurrence territoriale non maîtrisée et d’un libéralisme sans contraintes, succédant à l’industrialisation forcée et aveugle, est réel. Seules des fonctions d’arbitrage, d’intérêt général, de vision à long terme peuvent traduire des politiques d’aménagement du territoire au niveau des Etats. E.1.4 Les politiques régionales : des états d’avancement très inégaux Les pays de la Mer Noire, schématiquement, héritent de conceptions et institutions centralisées. La situation se modifie cependant, mais à des vitesses extrêmement différentes. Dans certains cas, ce sont la constitution même du pays, sa formation, sa dimension ou sa fragmentation tendancielle qui l’engagent vers une déconcentration, voire une régionalisation 121 de fait, plus imposée que voulue. C’est le cas de la Russie, et, sans doute, tôt ou tard, de l’Ukraine. A l’opposé, certains pays n’ont pas engagé et n’envisagent pas d’engager, à court terme, aucune réforme en ce sens, ce sont plutôt les petits pays, qui vivent des relations internes conflictuelles ou sont soumis à des forces divergentes sur leur territoire : les pays du Caucase, la Moldavie, l’Albanie. La Turquie présente une configuration particulière, c’est un état très centralisé où s’amorce un processus, moins de décentralisation que de déconcentration. Trois pays avancent sur la voie de politiques régionales. Ce sont trois pays qui sont dans l’Union Européenne ou qui attendent d’y entrer. La Grèce, pays encore centralisé il y a peu de temps, a adapté ses structures aux normes européennes, et après la régionalisation, complète son dispositif par une réforme des collectivités municipales. La Bulgarie et la Roumanie avancent sur le chemin de réformes qui prendraient en compte simultanément la politique régionale et l’aménagement du territoire. Ce dernier domaine paraît plus avancé en Bulgarie. On peut ainsi établir, globalement, trois processus d’avancement des politiques régionales, ou, du moins, trois niveaux de préoccupations régionales et d’aménagement du territoire dans les douze pays de la Mer Noire. 26. Le niveau le plus bas de la problématique régionale, constitué par les pays du Caucase, la Moldavie, l’Albanie et Chypre. Dans ces pays, des problèmes lourds de cohésion nationale et territoriale existent. Le morcellement du Caucase s’aggrave. Ses divisions ethniques sont toujours aussi vives. La morphologie même de ces pays ne les dispose pas à plus d’unité. L’Albanie est déchirée au moins en deux ensembles, nord et sud, et soumise à des pressions caractéristiques de l’histoire des Balkans. La Moldavie est enserrée entre la présence russe et le problème de la Transnistrie au nord et l’attraction roumaine au sud qui peut devenir un projet pour le pays, compte-tenu des affinités historiques, linguistiques et culturelles. Quant à Chypre, sa problématique fondamentale, voire unique, est celle de la division de l’île et sa répartition entre unités administratives, compte-tenu de la taille du pays, n’est pas un processus de régionalisation. On peut dire de ces pays que, plutôt qu’un engagement vers une politique régionale, leur enjeu est de disposer de pouvoirs forts, d’administrations réhabilitées, d’interventions publiques efficaces et de cohésion nationale qui, pour l’instant, passe par une cohésion territoriale transcendant les conflits ou divisions internes. L’aménagement du territoire y va plutôt dans le sens d’un recentrage que d’une politique régionale. 27. Le niveau intermédiaire est composé des grands pays de la Mer Noire. Pour des facteurs historiques divers, l’Ukraine, la Russie et la Turquie héritent de pouvoirs forts, centralisés et d’une administration intensive du territoire. Certes, les processus à l’oeuvre sont différents. Mais, dans une perspective d’évolution à moyen-long terme, ces trois pays témoignent de caractéristiques communes ou convergentes : 122 a. Ils occupent la plus grande part du littoral de la Mer Noire et pèsent du poids le plus lourd en termes d’économie, de population, d’espace. b. Ces pays sont d’essence très centralisée et centralisatrice, mais leur dimension et les disparités territoriales qui les traversent les conduisent ou les conduiront nécessairement à des politiques d’aménagement du territoire et des réformes de structure. c. Les politiques régionales y correspondent et y correspondront plus à la nécessité de résoudre des problèmes de partitions internes subies que de rationaliser la distribution des ressources sur le territoire national. 28. Le niveau le plus élevé sera atteint, à terme, dans les Balkans (excepté l’Albanie). Grèce, Roumanie et Bulgarie formeront un ensemble où, avec l’appui de l’Union Européenne, des structures propices à la mise en oeuvre de politiques régionales devraient être établies. E.1.5 L’entité Mer Noire et la politique régionale Les PMN sont très divers quant à leur évolution vers une politique régionale et quant à l’expression de leurs problèmes d’aménagement du territoire. On peut cependant se demander si, dans certains domaines, n’existent pas des enjeux communs qui pourraient conduire, à terme, à des politiques convergentes, ou de grands problèmes communs à traiter, sur lesquels l’Union Européenne pourrait appuyer son action. Quelques grandes questions transversales apparaissent : I. Le développement durable et la préservation de l’environnement. C’est sans doute une des caractéristiques majeures de ces pays d’avoir sacrifié la qualité des espaces à la quantité des investissements et des équipements. Qu’il s’agisse des milieux naturels ou du cadre bâti, l’environnement est très dégradé et les formes nouvelles de développement économique ne peuvent s’accommoder de cette dévalorisation des espaces. Un travail en profondeur est nécessaire auprès des administrations de ces pays; II. La coordination des systèmes de transports et de communications. III. La maîtrise de la croissance urbaine et l’utilisation des armatures urbaines. Dans les pays de l’ex-URSS, la spécialisation très poussée des villes ne les prédispose pas à jouer aujourd’hui le rôle moteur que jouent les unités urbaines, plus ou moins grandes, dans l’aménagement du territoire et le développement régional. Il convient d’introduire plus « d’horizontalité » dans les vocations urbaines, moins de spécification « verticale » et introduire progressivement les conceptions et les objectifs d’armature urbaine. Par ailleurs, dans presque tous les pays, à commencer par la Turquie, mais pas seulement, la tendance est à la concentration démographique et 123 économique dans les capitales et les grandes agglomérations, ce qui va entraîner des déséconomies d’échelle, des déséquilibres territoriaux, des difficultés de gestion urbaine. IV. La requalification des espaces. Pour une part, le bassin de la Mer Noire est en friche. Asseoir une compétitivité de ces pays et de certaines régions dans ces pays, souvent les plus importantes autrefois, nécessite des politiques régionalisées, de requalification des espaces. 124 2EME PARTIE IMPACTS, ENJEUX ET PERSPECTIVES 125 126 SOMMAIRE A UN SCENARIO DE REFERENCE POUR L’EVOLUTION DES PAYS DE LA MER NOIRE 129 A.1 Avant Propos : politique et méthode 129 A.2 Méthode et politique 130 A.3 Les scénarios de travail 134 A.3.1 Un scénario défavorable 134 A.3.2 Un scénario favorable 137 A.3.3 Un scénario de référence pour les PMN : la transition 142 B B.1 IMPACTS ECONOMIQUES DU SCENARIO DE REFERENCE A 2010 161 Les flux commerciaux 161 B.1.1 Un accroissement important des échanges 161 B.1.2 Les impacts 162 B.2 Impacts des investissements directs étrangers (IDE) 164 B.3 Impacts territoriaux 165 B.3.1 La gestion des espaces communs 165 B.3.2 La gestion des concurrences : sensibilités territoirales 172 B.3.3 La gestion des flux 178 C ENJEUX ET PERSPECTIVES 185 C.1 Enjeux et perspectives démographiques 185 C.2 Enjeux et perspectives économiques 188 C.2.1 La stabilisation macro-économique 188 C.2.2 La cohésion sociale 190 C.2.3 Le partenariat économique 191 C.2.4 Le partenariat politique 193 Enjeux et perspectives territoriales (cf carte de synthese) 194 C.3.1 Une dorsale euromernoire 194 C.3.2 Les axes et systèmes périphériques : Nord, Sud et Caucasien 196 C.3.3 Zone stratégique, armature urbaine et arc littoral Ouest-Mer Noire 197 C.3.4 Nord, est et sud Mer Noire 199 C.3 127 128 A UN SCENARIO DE REFERENCE POUR L’EVOLUTION DES PAYS DE LA MER NOIRE A.1 Avant Propos : politique et méthode L’objectif est d’identifier les opportunités de coopération entre les Pays de la Mer Noire et leur impact sur les Etats membres et les pays candidats. A cette fin, un scénario de référence a été établi, à partir des hypothèses de rapprochement des pays concernés avec l’Union Européenne. n Un scénario de référence consiste à mettre en perspective les évolutions vraisemblables des pays concernés à partir de la situation présente et des tendances récentes. l’élaboration de scénarios est un exercice de prospective qui nécessite l’utilisation de variables décrivant la poursuite, l’inflexion, les modifications possibles, prévues ou prévisibles, de ces tendances. En ce qui concerne le bassin de la Mer Noire et dans l’optique de l’Union Européenne, quelques considérations préalables doivent être formulées et quelques choix a priori doivent être effectués : § La plupart des pays sont en transition. A l’exception de la Grèce, de Chypre et de la Turquie, ils émergent tous du « bloc de l’Est », depuis moins de dix ans, c’est-à-dire très récemment à l’échelle des grandes évolutions économiques. Ces économies ne sont pas stabilisées. Elles ont souvent connu des fluctuations très importantes ces dernières années. Certaines sont en crise structurelle profonde. Pour nombre de pays, le futur est incertain, l’éventail des possibilités est large. Il convient donc d’introduire une dose plus ou moins importante d’hypothèses volontaristes et de rupture dans les évolutions pour proposer des repères plausibles servant de bases pour les trajectoires des pays concernés. L’action de l’Union Européenne fait partie de ces éléments volontaristes. § Dans ce contexte, on ne dispose pas d’informations antérieures qui soient indubitables et s’inscrivent dans la durée. A la diversité des situations économiques et sociales des Pays de la Mer Noire s’ajoute l’accélération récente de l’histoire. Des scénarios d’évolution, élaborés dans les années 7080, n’auraient jamais abouti à la configuration actuelle. La chute du mur de Berlin, l’effondrement des régimes communistes auraient été considérés comme spéculations de scénario utopiste, incluant une rupture trop grande avec le tendanciel. C’est pourtant ce qui s’est passé. Les vicissitudes qu’ont connues la plupart des économies de la Mer Noire, ces dernières années, ne 129 nous autorisent pas à en extrapoler, purement et simplement, les tendances futures. § C’est pourquoi il ne s’agit pas d’établir des prévisions précises et fiables, mais de proposer des références. Celles-ci se fondent sur les structures économiques des pays, sur leurs potentialités de développement, sur leurs capacités d’échanges. Nous ne faisons pas entrer dans les variables utilisées pour l’élaboration de scénarios celles qui dépendent des incertitudes géopolitiques, de l’émergence ou de l’exacerbation de conflits ou de bouleversements internes. Leur prise en compte conduirait à formuler des images du futur dont nous ne maîtrisons pas les données et qui n’auraient aucun rapport avec les attentes de l’Union Européenne quant aux coopérations avec les PMN. § Au regard du niveau de développement économique susceptible d’être atteint par les PMN, à terme, nous nous référons aux perspectives qui leur sont offertes en terme d’intégration avec l’Union Européenne. Ce niveau d’intégration est à la fois cause et conséquence de développement économique. Le scénario de référence doit donc s’appuyer sur les engagements actuels de l’Union Européenne vis-à-vis de ces pays et les hypothèses de rapprochement les plus généralement admises, sans que l’on puisse fixer d’échéancier précis. L’espace Mer Noire s’étend de la proximité des côtes italiennes aux confins de la Mer Caspienne et de l’Asie Centrale. Les pays qui le composent sont très divers, leurs situations économiques sont aujourd’hui très disparates, leurs proximités géographiques et institutionnelles de l’UE vont de l’intégration effective de la Grèce à l’éloignement relatif des pays du Caucase. On ne saurait établir un scénario homogène pour le bassin de la Mer Noire. Chaque pays doit être replacé dans cet ensemble en fonction de ses caractéristiques propres. A.2 Méthode et politique La méthode s’appuie sur des données existantes, ne cherche pas à « inventer » des futurs improbables et s’inscrit dans l’ordre des possibles. Elle peut se scinder en quatre temps successifs : 1. La formulation d’hypothèses de niveau de développement. 2. La simulation de niveaux d’intégration. 130 3. L’élaboration de configurations ou « images » des relations futures UE/PMN. 4. La proposition de scénarios. 1°) La formulation d’hypothèse de développement n Le choix des hypothèses repose sur la construction de courbes d’évolution future du PIB/h par pays pour les années 1999-2010 à moyen terme, à partir des évolutions constatées de 1990 à 1999 et des données corrigées de l’économie informelle. Trois hypothèses sont retenues : 29. Une hypothèse pessimiste fondée sur les années les plus défavorables, entre 1990 et 1999. 30. Une hypothèse optimiste fondée sur les années les plus favorables ou en référence avec des pays voisins en situation comparable. 31. Une hypothèse intermédiaire cherchant à proposer une évolution qui s’inscrive dans les tendances du passé récent, mais qui tienne également compte de modifications intervenues ces dernières années, ou d’une approche plus fine sur le terrain. n Ces hypothèses nous conduisent à définir une « fourchette » de niveaux de développement économique, sur lesquels peut s’appliquer une simulation de niveaux d’intégration à l’Union Européenne. 2°) La simulation de niveaux d’intégration n Si les hypothèses de niveaux de développement sont d’ordre quantitatif, la simulation de niveaux d’intégration est essentiellement d’ordre qualitatif, même si nous constatons, par expérience, que niveaux d’intégration et niveaux de développement inter-agissent l’un avec l’autre. Il est évident que plus le niveau d’intégration est élevé, plus le développement économique du pays a des chances d’être impulsé par l’économie européenne. L’inverse est également vrai. Pour qu’un pays s’intègre progressivement à l’Union Européenne, son économie doit répondre à des critères d’assainissement, de productivité et de performance. C’est pourquoi l’utilisation de critères basés sur les échanges économiques entre les PMN et l’Union Européenne présenterait des caractères de redondance avec les niveaux de développement. Il est donc nécessaire d’introduire une variable « stratégique » correspondant aux liens institutionnels entre les PMN et l’Union Européenne. C’est donc à un « classement » de ces pays qu’on a procédé ; ce classement varie selon les niveaux d’intégration avec l’Union Européenne auxquels ils peuvent prétendre, compte-tenu des engagements pris à ce jour par l’Union Européenne, compte-tenu des volontés exprimées officiellement par ces pays, compte-tenu de leur situation géo-économique. 131 Les catégories significatives de simulations correspondent à cinq situations possibles des PMN vis-à-vis de l’Union Européenne : § Etat membre de l’Union Européenne. § Pays associé en pré-adhésion. § Pays associé candidat à l’adhésion. § Accord de partenariat et de coopération. § Libre-échange. Trois simulations ont été testées : a. Une simulation « basse », dans laquelle l’élargissement de l’Union Européenne, marque un temps d’arrêt, et dans laquelle les critères exigés pour un processus d’intégration à l’Union Européenne ne sont pas remplis pour ces pays en 2010. b. Une simulation « haute », dans laquelle à la fois l’évolution économique des pays et la volonté de l’Union Européenne convergent vers une extension (la plus large prévisible aujourd’hui) communautaire à l’ensemble des PMN en 2010. c. Une simulation « intermédiaire » dans laquelle les liens globaux se resserrent entre les PMN et l’Union Européenne, mais où une partition assez nette s’opère entre des pays qui sont sur la voie d’une intégration institutionnelle avec l’Union Européenne et des pays qui, en 2010, ne bénéficient que d’accords plus ou moins étendus, mais demeurent en dehors d’un processus d’intégration. 3°) Trois configurations ou « images » des relations futures Union Européenne/ PMN Le croisement des niveaux de développement d’une part, et des niveaux d’intégration d’autre part, nous permet d’aboutir à des configurations différentes quant aux relations stratégiques entre les différents pays et l’Union Européenne. Les scénarios imposent des choix, trois configurations ont été retenues : n La première fait coïncider un niveau de développement faible avec une intégration générale faible. C’est l’image d’une situation globale défavorable, marquant les limites du développement des PMN et de l’ouverture à l’Est de l’UE. Cette image indique une divergence croissante entre les économies et les pays. La zone Mer Noire n’apparaît plus. n La seconde fait coïncider un niveau de développement élevé avec une intégration générale forte. Ces pays auraient alors connu une poursuite ou une reprise vigoureuse de la croissance. L’UE étend son influence à l’Est et recule ses limites. 132 Cette image indique une convergence accrue entre les économies et les pays. Une entité Mer Noire s’exprime. n La troisième rassemble les hypothèses et les simulations intermédiaires. La croissance et l’intégration à l’UE sont inégales. L’Europe n’intègre progressivement qu’une partie des PMN. L’image indique une partition entre deux groupes de pays. Les convergences s’intensifient entre certains pays, mais les divergences s’accusent avec d’autres. Seule, une partie européenne de la Mer Noire se dessine. L’examen de ces trois configurations permet de définir les contours généraux de trois « cas de figure » possibles auxquels serait confrontée l’Union Européenne vis-à-vis des pays de la Mer Noire. Ces configurations sont des représentations fictives mais vraisemblables des relations PMN/Union Européenne en 2010. Elles donnent des références alternatives pour mesurer les différences possibles entre la configuration actuelle, et les configurations futures qu’il est permis d’envisager. 4°) La proposition de scénarios a. Les scénarios de travail Ils consistent en l’exposé des processus qui peuvent conduire de la configuration actuelle aux configurations futures. Ces scénarios sont, dans leur esprit, tendanciels, en ce sens qu’ils s’appuient sur les tendances récentes qui aboutissent à l’image actuelle de la zone : mais ils sont également volontaristes, puisque les deux variables retenues (niveau de développementniveau d’intégration) renvoient à la capacité des Etats à redresser leurs économies (ou les maintenir en croissance) ou à la volonté de l’Union Européenne de poursuivre son ouverture orientale et reculer les limites territoriales de l’Europe. Il faut, en ce qui concerne les scénarios, insister sur deux points : 32. Les contrastes entre eux importent moins par leurs précisions ou leurs schématisations que par l’ampleur des différences possibles en 2010. A partir d’une situation identique connue, en 1999-2000, les scénarios nous indiquent l’éventail des futurs, c’est-à-dire le champ des opportunités. Cela signifie que, d’ici 2010, des processus différents peuvent conduire à une configuration qui se situera quelque part entre les deux configurations extrêmes. 33. 2010 est une date préfixée par l’exercice. Elle peut être aussi bien considérée comme une échéance que comme un repère ou une étape. La description des scénarios propose des « itinéraires » d’évolution alternatifs pour la Mer Noire. 133 b. Le scénario de référence L’examen des scénarios de travail conduit à opérer les choix les plus pertinents et les plus vraisemblables pour décrire un scénario dit « de référence » qui représente pour chaque pays, et pour l’ensemble Mer Noire, une trajectoire dans laquelle pourrait se situer les projets de coopération. Ce scénario constitue un compromis le plus vraisemblable et le plus volontariste pour les relations entre l’Union Européenne et les PMN. Plutôt que de proposer plusieurs scénarios alternatifs qui n’auraient que peu de valeur au plan opérationnel pour les coopérations Union Européenne/PMN, il apparaît plus judicieux de proposer un seul scénario qui intégrerait les enseignements des autres scénarios, qui utiliserait des hypothèses et des simulations raisonnables et raisonnées, qui servirait de guide ou de repère pour les différents pays dans leurs itinéraires et leurs trajectoires futures, qui serait opérationnel pour l’Union Européenne dans l’évaluation des projets de coopération qu’elle engagerait avec les PMN. A.3 Les scénarios de travail Pour concevoir et constituer un scénario de référence, il est nécessaire de passer par l’intermédiaire de scénarios de travail qui délimitent l’ampleur des évolutions et l’éventail des opportunités. En quelque sorte, il importe, à partir des tendances observées, de définir un scénario défavorable et un scénario favorable fixant les limites hautes et basses des hypothèses retenues ainsi que des simulations opérées. Nous les évoquerons succinctement car elles donnent un éclairage intéressant sur les incertitudes qui pèsent en Mer Noire. A.3.1 Un scénario défavorable Il est construit : 34. à partir d’hypothèse de stagnation économique ou d’une faible croissance selon les Etats 35. à partir d’une intégration faible Union Européenne/PMN, un partenariat limité dans l’espace, et différé à des échéances s’éloignant de celles initialement prévues. Dans cette hypothèse les PMN de la CEI plus l’Albanie connaîtraient une stagnation ou une croissance faible. Ceci implique pour des PMN comme la Moldavie, l’Ukraine et la Russie que cesse la chute du PIB (comme la Russie en 2000). Pour les autres états de la CEI : Arménie, Georgie, Azerbaïdjan, comme pour l’Albanie, cela implique après une reprise plus ou moins affirmée un retour à la crise et à la stagnation. La Grèce, la Turquie, Chypre connaissent une croissance modérée par rapport à la décennie antérieure (1990/1999) ; quant à la Roumanie et la Bulgarie, l’effet ‘élargissement » leur permet de conserver une croissance positive mais plus 134 faible que leur croissance antérieure. Dans ces conditions la croissance globale des PMN d’ici 2010 serait de l’ordre de 2% par an, ce qui de toute façon traduirait une amélioration par rapport à la décennie antérieure 1990/1999 où la chute du PIB s’est réalisée au rythme de 4,5% par an et même de la période quinquennale plus récente (1994/1995) où la chute du PIB a été de -2% an. Cette hypothèse dite « défavorable » suppose que les économies des PMN, autres que la Grèce, la Turquie et Chypre ont atteint « le fond », de la crise et que la solution la plus défavorable est l’arrêt de la reprise. Dans ces conditions le mouvement de bascule de la puissance économique en Mer Noire du Nord vers le Sud, observé depuis 1990 se poursuivrait, les trois Etats méditerranéens Turquie, Grèce, Chypre représenteraient presque la moitié du potentiel économique de la Mer Noire. Les trois Etats du Nord : Russie, Ukraine, Moldavie passeraient à 45% du PIB Mer Noire à 40% en 2010. Le poids économique de la Turquie se rapprocherait de celui de la Russie en 2010. L’ensemble communautaire (Grèce) et pré-communautaire (Bulgarie, Chypre, Roumanie, Turquie) verrait son poids économique en Mer Noire passer de 53% à 58%. 36. Signification géo-stratégique : éclatement et divergences L’Union Européenne agit dans le cadre de ses engagements pris à ce jour, mais limite nettement ses frontières orientales. Deux ensembles apparaissent très contrastés : 37. l’ensemble « Mer Noire Occidentale » : Il comprend la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie et Chypre, la Turquie et l’Albanie. La Bulgarie, la Roumanie et Chypre ont adhéré à l’Union Européenne mais seulement entre 2005 et 2010. Leur adhésion est donc récente et la poursuite de l’intégration dans l’Europe des pays d’Europe orientale est en sursis ou fait l’objet d’un examen différé dans le temps. L’Union Européenne assimile lentement les nouveaux pays membres, les différences de niveau économique au sein de l’Union, les inégalités territoriales qui nécessitent des moyens importants de rééquilibrage et de régulation économique. La Turquie n’a pas encore adhéré à l’Union Européenne, son adhésion est reportée après 2010, elle ne bénéficie donc pas des aides et des incitations qui accompagnent la qualité d’état membre de l’Union Européenne. Il en est de même pour l’Albanie. 38. L’ensemble « Mer Noire orientale et septentrionale » recouvre les pays de l’ex- URSS. Russie, Ukraine, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie, mais aussi bien leurs structures que leurs évolutions économiques ne les ont pas rapprochées des enjeux et des seuils définis par l’UE. La séparation entre les pays européens et les pays de l’ex-Union Soviétique est nette. Autour de la Russie a pu renaître une quelconque fédération de pays qui voient l’écart se creuser entre eux et l’Europe. Les inégalités entre l’Ouest et l’Est se sont approfondies. Il est possible aussi, dans cette configuration, que l’ensemble Nord et Est de la Mer Noire connaisse des déséquilibres internes très importants. L’appartenance à cette même catégorie « stratégique » ne signifie pas que les pays soient homogènes, loin s’en faut. Les divergences de niveau 135 de développement entre l’Azerbaïdjan et la Moldavie peuvent être tout aussi importantes qu’entre ces pays et l’Union Européenne. Cette première simulation conduit à une configuration d’éclatement et d’accentuation progressive des divergences au sein de la zone Mer Noire. En tant que telle, celle-ci n’existe plus, ni en terme économique, ni en terme politique. A l’exception des PMN membres de l’Union Européenne, l’Union Européenne est un partenaire commercial, au même titre que d’autres, au prorata du niveau de développement atteint par chacun des pays, en fonction de la proximité géographique. Elle n’est pas un principe fédérateur de l’évolution économique de la zone. Les inégalités initiales de développement s’aggravent par le seul jeu du fonctionnement des marchés économiques, entre les pays, mais aussi entre régions au sein même des différents pays non communautaires. Dans cette image, l’adhésion de Chypre, la Bulgarie et la Roumanie ne suffit pas à transformer la réalité globale de la zone. Au contraire, elle crée une accentuation de la coupure entre l’Union Européenne et les autres PMN. Cette coupure est aussi due au fait que, dans ce cas de figure, l’Union Européenne n’annonce plus, pour un temps, de nouveaux élargissements et reporte de facto ceux qu’elle avait pu envisager (Turquie, Albanie). La Communauté Economique des PMN (BSEC.) demeure un organisme sans réelle efficacité. La Russie se sent peu concernée par les enjeux de la Mer Noire et son développement relatif est très polarisé, notamment sur Moscou, ce qui ne bénéficie pas aux territoires riverains de la Mer Noire. Les accords passés entre la Russie et l’Ukraine quant à la résorption de la dette ukrainienne, les bases navales russes en Crimée, la répartition et l’entretien de la Marine sont toujours fragiles. L’Ukraine n’a réussi que très partiellement sa transition, comme la Russie elle connaît des déséquilibres internes très préoccupants : l’Est se paupérise et l’Ouest se tourne de plus en plus vers les pays de l’UE qui lui sont limitrophes : Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie. En Russie comme en Ukraine, l’économie parallèle et ses traductions illégales voire mafieuses transgressent les frontières de l’UE. Il en va de même pour la Moldavie, petit pays enclavé, qui peut connaître des crises identitaires profondes, stimulées par l’intégration de ses « cousins » roumains à l’UE. La Russie ne peut et/ou ne veut pas exercer son poids et son influence dans le sens d’un développement harmonieux du Caucase. Les différenciations ethniques sont toujours aussi actives. L’Arménie et l’Azerbaïdjan n’ont pas réglé le fond de leurs différents. L’Arménie demeure handicapée, marginalisée, car enclavée. L’Azerbaïdjan connaît une croissance modérée mais soutenue, liée à sa rente de pétrolière mais les investissements ne sont pas générés par les pays européens et ce pays regarde de plus en plus vers d’autres horizons ... La Roumanie et la Bulgarie appartiennent désormais à l’Europe, mais leur niveau de développement initial était tel que leur retard par rapport aux autres pays de l’Union Européenne est loin d’être comblé. L’Union Européenne fait de gros efforts en direction de ces 136 pays, mais les résultats ne sont pas aussi rapides et probants que lors des élargissements antérieurs. Chypre fait aussi partie de l’Union Européenne, l’impact de cette intégration, sa position stratégique, le dynamisme de son économie marchande lui assurent un développement soutenu mais la part de la Mer Noire dans son activité tend à se réduire. L’Albanie, compte-tenu de cette sorte de « moratoire » instauré par l’Union Européenne quant à de nouvelles adhésions, demeure isolée et fragile et les milieux économiques comme les citoyens témoignent de leur réserve à l’égard d’une Union Européenne avec qui l’on commerce mais qui diffère l’intégration. Il en va de même pour la Turquie, toujours aux portes de l’Union Européenne, le sentiment anti Union Européenne prend de plus en plus d’importance en Turquie. L’antagonisme gréco-turc demeure et le problème chypriote n’est pas résolu. La Turquie cherche à se tourner vers l’Est, vers le monde islamique et l’Asie Centrale avec lesquels son influence linguistique et culturelle, son poids économique notamment commercial, sa position « eurasiatique » lui confèrent de réels avantages. A elle seule, la Turquie forme un ensemble d’une partie de la Mer Noire qui possède sa trajectoire spécifique même si elle appartient toujours et pleinement à la sphère occidentale et tire parti de son statut de pré-adhésion avec l’Union Européenne. La Grèce va renforcer son insertion dans le monde balkano-méditerranéen, elle va progressivement se désintéresser des PMN de l’ex-URSS en raison de l’instabilité et de la faiblesse relative de leurs économies : fournisseurs irréguliers et médiocres, faibles niveaux de solvabilité, il y a mieux à faire ailleurs ... Ainsi, chaque PMN, sauf pour les pays adhérents et dans une certaine mesure pré-adhérents, suit sa trajectoire propre faite beaucoup plus de résolutions de conflits et d’adaptations bilatérales permanentes que d’options stratégiques globales à moyen et long terme. En schématisant, dans cette image, la Mer Noire n’a pas de raison d’être en tant que telle, c’est une configuration de divergences et d’éclatement qui s’impose. Elle n’est pas obligatoirement porteuse de cataclysme ou de « quart-mondialisation », mais elle peut obérer très sérieusement les possibilités ultérieures de l’UE de poursuivre son élargissement vers l’Est. A.3.2 Un scénario favorable Il est construit : 1°) à partir d’hypothèse de croissance soutenue de l’ensemble des PMN, soit la poursuite d’une croissance antérieure déjà élevée soit l’accélération d’une croissance modérée, soit la reprise d’une croissance un moment interrompue, soit la relance économique après la crise. Le caractère démonstratif de cette hypothèse réside dans l’aspect « potentiel », elle indique un niveau de capacité, un potentiel de développement des différents PMN. Si les PMN ont pu, pendant une période, connaître 137 un développement économique soutenu voire important, on peut prendre comme hypothèse que ces pays ont la capacité virtuelle (potentielle) de prolonger cet effort sur un peu plus d’une décennie, d’où le fondement optimiste de cette hypothèse. Cependant, cette hypothèse favorable n’est ni la plus optimiste, ni l’hypothèse optimale. Elle n’est pas la plus optimiste, car certains Etats peuvent et surtout devront mieux faire pour stabiliser leur économie et se développer, notamment les pays du Nord de la Mer Noire. Elle n’est pas non plus la plus optimale car elle laisse subsister des écarts de développement, des inégalités trop importantes non seulement entre les PMN et les pays de l’UE, mais aussi au sein des PMN eux-mêmes. 2°) à partir d’une intégration plus poussée des PMN à l’Union Européenne, une extension des partenariats économiques et institutionnels entre l’Union Européenne et les pays de la Mer Noire. Elle s’inscrirait dans une logique d’extension vers l’Est de la zone d’influence de l’Europe. La zone dite de la Mer Noire est en quelque sorte une « nouvelle frontière » des Européens. L’Union Européenne est volontariste, elle a lancé vers les pays de l’Est et de l’ex-Union Soviétique un ensemble de projets de coopération et de programmes de soutien économique pour les rapprocher des niveaux de développement et des structures politico-économiques qui prévalent dans l’Union Européenne. 39. Une croissance soutenue L’ensemble des PMN connaît une croissance soutenue, voire forte pour certains d’entre eux. La croissance sera particulièrement élevée dans les pays de la CEI et l’Albanie en raison de l’effet « rattrapage » lié à l’effondrement de leur économie pendant la décennie antérieure. Cet effet se conjuguera avec les résultats d’une transition qui aura réussi ou sera en passe de l’être. Elle se réalisera aussi grâce à l’aide soutenue qu’apportera l’Union Européenne soucieuse de mieux intégrer les Etats à l’Europe. La Bulgarie et la Roumanie recueilleront les fruits de leur adhésion à l’Union Européenne avec ce qu’elle implique de stabilité institutionnelle et de stratégies de développement économique et social. La Grèce, la Turquie et Chypre poursuivront, ou reprendront, les rythmes de développement soutenu qu’ils avaient connu la décade précédente. Dans ces conditions la croissance globale des PMN d’ici 2010 serait de 5,5% l’an ce qui traduirait une véritable rupture avec la phase précédente et marquerait l’entrée de l’ensemble des PMN dans la sphère des pays développés. Un léger rééquilibrage s’effectuerait au profit des pays du Nord et de l’Est de la Mer Noire. Les six pays de la CEI qui représentaient 46% du PIB Mer Noire en 1999 en représenteraient 48% en 2010. La modération de ce rééquilibrage souligne l’amplitude de la crise qu’ont connu ces états entre 1990 et 2000 et aussi l’importance et la continuité des efforts qu’il faudra effectuer pour que leurs économies se mettent véritablement au niveau de développement des pays européens. Dans cet ensemble CEI, qui n’existera peut être plus en 2010 dans cette hypothèse, le poids 138 de la Russie sera de 37% du PIB Mer Noire (40% en 1999), mais son différentiel de potentiel avec la Turquie ne sera pas aggravé. Les PMN communautaires (Grèce, Roumanie, Bulgarie, Chypre, Turquie) et l’Albanie représenteront juste la moitié du PIB Mer Noire 2010 (près de 54% en 1999), ce qui traduit le sensible rééquilibrage en faveur du Nord et de l’Est de la Mer Noire. 40. Signification géo-stratégique : une intégration progressive de la Mer Noire à l’Europe. Cette configuration part du constat qu’à travers les élargissements successifs, l’UE poursuit progressivement l’intégration à son système de nouveaux territoires européens. Ce qui au début se faisait ponctuellement, à intervalles espacés, a tendance à devenir un processus continu, de nouveaux candidats remplaçant au fur et à mesure ceux qui sont intégrés. Il se produit alors un phénomène cumulatif, l’intégration renforce les échanges qui eux-mêmes en retour renforcent l’intégration ... Rentrer dans ce processus d’intégration implique le respect par les candidats de nombreux critères dans tous les domaines, en particulier ceux liés à un mouvement de convergence de l’économie du pays candidat avec le niveau moyen de l’économie européenne. 41. La Grèce et Chypre connaissent un développement d’autant plus soutenu que ces pays, situés en interface, peuvent tirer parti du développement économique et de la stabilité retrouvée de leurs voisins de la Mer Noire. La Grèce déborde le cadre balkanoméditerranéen pour retrouver vers le Nord de la Mer Noire et le Caucase un rôle commercial que ses ressortissants avaient eu du temps de Byzance, des Tsars et de l’Empire Ottoman. La Grèce, dans cette image, devient le point d’articulation Europe/Mer Noire, ce que traduit d’une manière un peu prémonitoire sa double appartenance à l’UE et à la BSEC. Chypre, dont les liens avec les autres PMN sont initialement soit historiques (Grèce, Turquie), soit culturels liés à l’orthodoxie (Russie) avant d’être économiques, pourra servir de base logistique et financière s’articulant sur l’Est du bassin méditerranéen, le Proche-Orient et le bassin de la Mer Noire. 42. La Bulgarie et la Roumanie ont adhéré nettement avant 2010 et bénéficient déjà des retombées positives liées à ce niveau élevé d’intégration : l’adhésion. S’y ajoute le fait qu’en raison de leur situation géographique, d’affinités et de réseaux antérieurs, l’ouverture économique, en particulier l’ouverture commerciale, vers les pays de l’exURSS, va constituer un facteur supplémentaire de croissance, adhésion et ouverture vers l’Est tirent vers le haut la croissance de ces deux Etats. 43. La Turquie est membre de l’Union Européenne, les obstacles qui freinait l’adhésion turque ont été levés et les effets de la croissance peuvent jouer efficacement. Les tensions existantes entre la Grèce et la Turquie s’estompent. La Grèce constitue bien un maillon incontournable de l’intégration économique et géopolitique de la Turquie 139 dans l’Europe…et la Turquie constitue à la fois un vaste marché en croissance pour la technologie, le savoir-faire grec dans le domaine des services et un relais vers l’Est de la Mer Noire et l’Asie pour ses échanges commerciaux. L’image de ce scénario, c’est l’image d’une complémentarité des économies grecques et turques. 44. L’Albanie est membre de l’Union Européenne. Le processus qui conduit des accords ponctuels aux accords d’Association et ensuite à la pré-adhésion puis enfin à l’adhésion se sera accéléré ou raccourci. L’Albanie est « condamnée » à l’intégration, elle n’a pas d’autres alternatives. L’Europe y verra aussi la possibilité de stabiliser le pays, d’encourager ses efforts et de poser un jalon de plus dans l’intégration des Balkans à l’Europe. 45. La Russie occupe une situation bien particulière, continent à elle seule, il n’est pas encore question qu’elle adhère à l’Union Européenne. Toutefois, elle a repris, à allure modérée, les chemins de la croissance et du développement. La taille de son marché intérieur attire les investissements directs étrangers. Ses ressources naturelles, un des plus forts potentiels de la planète dans ce domaine, assurent à la Russie une base solide de croissance économique à partir du moment où elles sont mises en valeur dans le cadre de véritables stratégies de développement. Le développement régional, l’aménagement du territoire, commencent à être pris en compte et une tendance au rééquilibrage intérieur s’amorce. La Russie se tourne plus nettement vers ses rives Sud et son potentiel agricole, logistique et touristique. Ses zones riveraines de la Mer Noire ne sont plus vécues comme espaces de conflits avec les peuples caucasiens ou les responsables ukrainiens, mais apparaissent comme des territoires composants d’un ensemble maritime régional appelant la complémentarité des fonctions économiques sur des bases nouvelles.L’Union Européenne a signé avec la Russie un Accord d’Association comportant la mise en oeuvre d’une Union Douanière puis Zone de Libre-Echange entre l’Union Européenne et la Russie. Dans ce cadre, l’Union Européenne intensifie ses programmes de coopération, aide au renforcement des transports et des communications vers l’Europe, à la reconversion industrielle, à la maîtrise du potentiel énergétique, à l’équité territoriale. La Russie est sur la voie d’une croissance économique durable. § L’Ukraine et la Moldavie pourraient être en 2010 en situation de pré-adhésion. L’Ukraine, dès la fin des années 90, a manifesté son souhait et sa volonté de participer de plus en plus étroitement à la construction européenne. Celle-ci représente une excellente opportunité pour un rééquilibrage de son économie par rapport à la Russie et ce qui reste de la CEI. Du fait de sa contiguïté avec l’Europe communautaire, les régions ouest de l’Ukraine se développent plus rapidement que la partie Est. Le cercle vertueux intégration/échanges/ croissance commence à faire sentir ses effets. L’Ukraine a certes risqué une fracture de son territoire entre l’Ouest et l’Est, mais l’impact du couple 140 intégration UE/croissance, amplifié par un Accord d’Association passé avec l’UE, les conditions de cohésion imposées au processus de pré-adhésion contribuent progressivement à un nouveau redéploiement géographique de l’économie ukrainienne. § La Moldavie est elle aussi en 2010 en situation de pré-adhésion. Comme dans le cas de l’Ukraine, la croissance de l’économie mondiale, notamment des économies européennes, l’ouverture de l’économie, l’augmentation des échanges, les programmes ambitieux menés avec l’appui de l’Union Européenne, le passage à la pré-adhésion par l’intermédiation plus ou moins longue d’un Accord d’Association, ont enclenché un processus durable de croissance économique et de développement stable. L’adhésion de la voisine roumaine à l’Union Européenne a mobilisé les citoyens moldaves et l’opinion publique. En fait, les deux pays sont trop proches géographiquement, historiquement, culturellement, pour que l’Europe fasse deux poids deux mesures et instaure entre eux une frontière économique. 46. En 2010, les pays du Caucase sont en accord d’Association avec l’Union Européenne. La réponse économique, fortement appuyée par les programmes communautaires, l’aide internationale FMI-BM et les diasporas pour l’Arménie, s’instaure sur des bases durables spécifiques à chaque état caucasien : § L’Azerbaïdjan bénéficie à plein du boom pétrolier qui attire des flux importants d’investissements étrangers. Le conflit avec l’Arménie a fini par trouver une solution consensuelle. Avec l’aide extérieure, en particulier celle de l’UE, l’Azerbaïdjan utilise les revenus tirés du pétrole pour jeter les bases d’une diversification industrielle et promouvoir une agriculture dans les zones fertiles du Sud afin de faire face aux besoins d’une population en augmentation rapide. § La Géorgie met en valeur ses ressources naturelles, notamment sa production agricole et agro-alimentaire. Elle utilise à plein sa position géo-économique pour développer son rôle d’espace logistique de l’Est Mer Noire après avoir considérablement amélioré ses infrastructures et technologies logistiques et accueilli sur son sol les infrastructures de transport d’hydrocarbures. § L’Arménie, moins bien dotée que ses voisines caucasiennes, mettra en valeur ses ressources naturelles, en particulier dans le domaine minéral. Elle pourra elle aussi prétendre jouer un rôle logistique parce que désenclavée, elle pourra transformer et distribuer, en s’appuyant sur son savoir-faire commercial, vers la Russie, la Géorgie, l’Iran, la Turquie, l’Azerbaïdjan et les états riverains de la Caspienne. Avec la Russie, les trois états caucasiens peuvent constituer, dans cette image, une zone de libre échange avec l’Europe. 141 A.3.3 Un scénario de référence pour les PMN : la transition Le scénario dit « de référence », décrit ci-après, est proposé comme le compromis à la fois le plus vraisemblable et le plus volontariste pour les relations entre Union Européenne et Pays de la Mer Noire. Un scénario est toujours en partie arbitraire et plutôt que proposer plusieurs scénarios alternatifs qui n’auraient que peu de valeur au plan opérationnel pour les coopérations UE/PMN, il est apparu plus judicieux de mettre au point un seul scénario qui : 47. Intègre les enseignements des scénarios de travail très contrastés, 48. Utilise des hypothèses et des simulations raisonnables et raisonnées, dans l’ordre à la fois du souhaitable et du possible. 49. Serve de « guide » ou de repère pour les différents pays dans leurs itinéraires et leurs trajectoires futures. 50. Soit utile pour l’UE dans l’évaluation a priori des projets de coopération qu’elle peut engager en direction du bassin de la Mer Noire. Il n’est pas nécessaire de fixer une échéance précise à cette réflexion prospective. La politique de l’Union Européenne est un processus qui suit un ordre logique en fonction de la capacité des Etats de l’Europe de l’Est à répondre aux critères d’intégration plus ou moins poussée et de coopération plus ou moins intensive. Si la référence à 2010 est parfois utilisée, c’est qu’elle correspond à une vision à moyen terme. On pourrait tout aussi bien retenir 2008 ou 2015. Il est plus judicieux de définir une configuration quelle qu’en soit la durée qui nous en sépare et d’envisager l’évolution des PMN en fonction de cette configuration à terme. 142 A.3.3.1 Hypothèses de niveau d’intégration PAYS SITUATION ACTUELLE VIS-À-VIS DE L’UE SITUATION FUTURE OU SOUHAITEE Grèce Etat membre Etat membre Bulgarie, Chypre, Roumanie, Turquie pré-adhésion Etat membre Albanie Accord de partenariat et de coopération Etat membre Arménie, Georgie, Moldavie, Ukraine Accord de partenariat et de coopération Pays associé ou pays candidat Russie, Azerbaïdjan Accord de partenariat et de coopération Libre Echange L’Union Européenne intégrera d’ici 2010-2015 cinq nouveaux membres issus des PMN : Bulgarie, Chypre, Roumanie, Turquie et Albanie. Il est possible, et même vraisemblable, que l’intégration de ces nouveaux membres ait été précédé par des réformes structurelles profondes de l’Union Européenne. En effet, il est clair d’une part, que l’intégration de la Turquie qui en 2010 comptera près de 75 millions d’habitants, et d’autre part celle de l’Albanie ne pourront se faire que dans le cadre d’une intégration globale des Etats balkaniques (Croatie, Bosnie, Serbie, Fyrom),ce qui impliquera une modification de vaste ampleur des principes et modes de fonctionnement de l’Union Européenne. D’ores et déjà les responsables communautaires sont conscients de ces perspectives et des problèmes qu’elles posent. Si pour la Turquie son adhésion à l’Union Européenne dans le cadre de ce scénario de référence s’inscrit dans les engagements pris par l’Union Européenne, pour l’Albanie le scénario suppose une démarche nouvelle. Il apparaît de plus en plus clairement que les pays balkaniques, dont fait partie l’Albanie, n’ont pas d’autre choix que l’intégration à l’Europe quel qu’en soit l’horizon c’est, d’autre part, le seul choix durable à long terme que l’Union Européenne puisse leur proposer. C’est la prise en compte de cette problématique qui justifie l’intégration de l’Albanie dans l’Union Européenne. Il faut ajouter par ailleurs que l’Albanie a déjà largement bénéficié des aides de l’Union Européenne et qu’elle possède avec la Grèce et l’Italie, deux tuteurs européens. La Moldavie et l’Ukraine devront faire un pas supplémentaire vers l’Europe en devenant Etats associés puis candidats en fin de période, ceci implique que les Accords de Partenariat soient réalisés d’une manière satisfaisante pour pouvoir passer à une phase d’intégration supérieure. Le processus semble relativement plus aisé pour la Moldavie que pour l’Ukraine. L’Union Européenne peut plus facilement intégrer une économie de taille modeste comme l’économie moldave qu’une économie de la taille de l’économie ukrainienne. L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne constituera un puissant facteur d’attraction de la Moldavie vers l’UE. Les affinités culturelles, notamment linguistiques, pousseront aussi dans ce sens,. La situation est plus complexe pour l’Ukraine, même si le désir d’Europe y est vif, ne serait-ce que pour échapper à la dépendance jugée trop lourde vis-à-vis de la Russie. L’Ukraine, c’est 8% du PIB 143 des PMN, un potentiel agricole considérable, mais une économie en pleine crise, un appareil industriel d’envergure mais obsolète, une population appauvrie, une économie rongée par les circuits mafieux, une bureaucratie de type soviétique encore très présente. Dans ces conditions, la marche vers l’Europe ne peut être que très progressive, d’où les perspectives du scénario de référence pour l’Ukraine : réussite de l’Accord de Partenariat, puis accession en mi-période au statut d’Etat associé la possibilité d’être candidat en fin de période. Les autres PMN de la CEI : Russie, Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie ne verraient pas changer officiellement leur statut, celui de partenaires de coopération, statut qu’ils ont déjà en 1998. Pour les trois Etats caucasiens, quelle que soit la volonté d’intégration à l’Union Européenne : forte pour l’Arménie et la Géorgie, plus distante pour l’Azerbaïdjan, plusieurs problèmes se posent : 1°) Celui du principe même d’admettre comme adhérents à part entière à l’Union Européenne des pays d’Asie, même s’il s’agit d’une proche Asie. 2°) L’absence de contiguïté, de continuité géographique avec les pays de l’Union Européenne, ce qui fut possible avec la Grèce en 1981 , état européen à part entière, pose beaucoup plus de problèmes lorsqu’il s’agit d’Etats d’Asie situés à des milliers de kilomètres de Bruxelles et séparés de l’Europe par deux puissances régionales voire mondiales : la Russie et la Turquie. 3°) Le différentiel de développement très important entre un des plus pauvre, ou un des moins riche, des Etats de l’UE : la Grèce, avec le niveau encore très faible des pays caucasiens. Sur le seul plan des critères économiques, beaucoup de chemin reste à faire pour les économies caucasiennes pour arriver au seuil d’un nouveau pas en avant dans l’intégration. Quant à la Russie, il est clair qu’elle n’envisage pas d’intégrer l’Union Européenne mais qu’elle souhaite établir avec l’Europe un partenariat privilégié. Pour la Russie, l’Europe c’est à la fois son principal marché, des transferts possibles de technologies et des aides financières importantes. On peut envisager d’ici 2010, la création d’une zone de libre échange entre la Russie, éventuellement d’autres Etats de la CEI comme l’Azerbaïdjan, et l’Europe. A.3.3.2 Hypothèses économiques du scénario 1°) L’hypothèse d’une croissance soutenue et réaliste Il est vraisemblable que la réalité de la trajectoire du développement des PMN d’ici 2010 se situera entre le scénario défavorable volontairement pessimiste et le scénario favorable, volontairement optimiste. Le scénario de référence se situera donc à l’intérieur d’une fourchette limitée par les deux scénarios de travail. Ce qu’il reprend du scénario favorable c’est une perspective de croissance pour tous les PMN, corrigée par le potentiel de développement 144 spécifique à chaque PMN tel qu’il apparaît à travers l’évolution économique de la dernière décennie et ses tendances lourdes actuellement existantes. Ce scénario à la fois volontaire mais raisonnable peut constituer une sorte de tableau de bord sur lequel appuyer une stratégie de développement des PMN en coopération avec l’Union Européenne. La construction du scénario s’est faite à partir des constats suivants : Pour la Grèce on a retenu un rythme de croissance d’ici 2010 soutenu mais inférieur au rythme moyen qu’a connu la Grèce entre 1990/1999. Il est vraisemblable que la forte croissance de l’Union Européenne pendant cette période se ralentisse sensiblement, d’autre part que la Grèce a connu une mini récession en 1997/1998. Les quatre PMN qui seront membres de l’Union Européenne d’ici 2010 bénéficient d’un effet dynamique sur la croissance, une sorte de « bonus » de croissance pour des PMN comme la Bulgarie, la Turquie et Chypre qui ont connu une croissance importante entre 1990 et 1999. La croissance de la Bulgarie a certes été plutôt discontinue mais entre 1990 et 1999 son PIB a augmenté de près des trois-quarts. On a repris par la Turquie le rythme qu’elle a connu sur longue période, l’effet positif de l’adhésion et de la pré-adhésion pouvant compenser les difficultés actuelles que connaît l’économie turque. Pour Chypre on a retenu un rythme soutenu mais lui aussi sensiblement inférieur au rythme de longue période et qui prend en compte le léger ralentissement de l’économie chypriote de ces trois dernières années ; rappelons qu’une des principales craintes des responsables chypriotes est celle de la surchauffe de leur économie dont certaines bases sont fragiles. Pour l’Albanie le problème est différent des trois PMN précédents, il faut tenir compte de plusieurs facteurs : a. une croissance 1990/1999 apparemment forte 7% an, b. un effet de dynamisation de la croissance dû à la pré-adhésion et à l’adhésion à l’Union Européenne, c. un effet « booster » qui caractérise les économies qui se sont rapidement effondrées au début des années 1990. Lorsque ces économies ont atteint le « fond » de la crise, pour l’Albanie ce fut en 1992, le redémarrage de leur économie se traduit dans les premières années par des rythmes de croissance d’autant plus élevés que le niveau du « fond de crise » est bas, il dépasse fréquemment les 10% annuels, ainsi en 1997/1998 la croissance du PIB albanais a été de 8,8% et de 13,7% en 1998/1999. Ce n’est qu’après une certaine période, très variable que la croissance se stabilise à des niveaux plus habituels. Il faut tenir compte de cet effet dans le cas de l’Albanie, d’où un taux globalement élevé sur la période jusqu’à 2010 qui combine un taux élevé en début de période et un taux stabilisé mais soutenu (effet de l’adhésion à l’Union Européenne) par la suite. 145 La Roumanie a connu une croissance sur longue période à peine supérieure à 1%, il s’agit d’une croissance faible qui reflète les grandes difficultés de l’économie roumaine à s’adapter à l’économie de marché. Dans le scénario de référence, on mise sur l’action conjuguée de trois facteurs pour obtenir une croissance relativement forte sur longue période, de l’ordre de 4 à 5% : 1. la mise en œuvre effective des réformes de structures qui s’impose, ceci avec « l’aiguillon » du statut de pré-adhésion, 2. l’effet de cette pré-adhésion et de l’adhésion sur la croissance économique, notamment des échanges, 3. l’effet « booster » qui n’a pas encore joué en Roumanie et qui devrait se manifester dans le cadre d’une relance de la croissance impliquée par le scénario de référence. Pour les trois PMN qui ont connu jusqu’en 1999, une baisse continue de leur PIB : Russie, Ukraine, Moldavie, on a pris comme hypothèse que le « fond de crise » était atteint. De fait l’économie russe aurait crû de 7,6% en 2000 et l’économie ukrainienne d’environ 5%, seule l’économie moldave aurait continué sa chute, au mieux stagné. Pour la Russie, on ne peut escompte un effet « adhésion ou pré-adhésion à l’Union Européenne » ; quant à l’effet « booster » il paraît s’être manifesté en 2000 mais la taille même de l’économie russe le rendra moins spectaculaire que pour les petits pays. La raison essentielle d’un développement soutenu et durable de l’économie russe repose sur l’avancement de ses réformes de structures qui permettraient la mise en valeur du potentiel économique russe qui est considérable. Il est clair que l’amélioration et l’intensification des échanges entre l’Union Européenne et la Russie, dans le cadre d’un partenariat protégé, contribuerait très efficacement à soutenir la croissance russe, dans ce cadre l’hypothèse de référence est celle d’une croissance forte mais raisonnable. L’Ukraine est dans une situation encore plus difficile que la Russie car elle n’a pas sa richesse en matières premières ; gaz, pétrole, diamants… A la différence aussi de la Russie, le gouvernement ukrainien actuel souhaite un rapprochement étroit avec l’Union Européenne voire à terme une intégration à l’Union Européenne ; en 2010 dans le scénario de référence l’Ukraine serait officiellement candidate à l’Union Européenne. Le redémarrage de l’économie ukrainienne est à la fois très récent et fragile. L’ « effet Union Européenne » n’existe pas même si l’Europe, notamment l’Allemagne, aide l’Ukraine d’une manière importante. L’effet « booster » n’a pas eu l’occasion de jouer. A l’instar de la Russie c’est d’abord en réalisant les réformes structurelles impératives que l’économie ukrainienne pourra « redécoller » d’une manière durable, c’est ce facteur qui est pris en compte dans le scénario de référence. 146 Le cas de la Moldavie est sensiblement différent : c’est le seul PMN qui a connu jusqu’en 2000 un déclin continu de son PIB,et elle a des liens privilégiés avec la Roumanie qui sera membre de l’Union Européenne en 2010. Le potentiel agro-alimentaire est réel, par contre son appareil industriel, même obsolète, est localisé essentiellement en Transnistrie, territoire moldave sécessionniste. L’ ‘effet Union Européenne » pourra jouer, via la Roumanie, surtout quand cette dernière appartiendra à l’Union Européenne. Entre temps l’Europe devra renforcer son aide avec ce petit Etat, le plus pauvre des PMN surtout soutenu actuellement par les Etats-Unis et la BIRD. L’effet « booster » sera d’autant plus important que la Moldavie est tombée à un niveau économique très bas. Les trois PMN du Caucase connaissent des trajectoires similaires, mais d’amplitude différente. Ces trois Etats ont connu une reprise importante après avoir touché le « fond de crise » : 1994 pour l’Armenie, 1995 pour l’Azerbaïdjan, 1994 en Georgie. L’effet « booster » a ensuite joué à plein puisque entre 1994 et 1999 le PIB de l’Arménie a été multiplié par 3, celui de l’Azerbaïdjan par 2,8 et de la Georgie par 4,5 ; il est vrai qu’on était économiquement tombé très bas. Rappelons par ailleurs qu’il s’agit des chiffres officiels ne prenant pas en compte l’économie informelle particulièrement importante et pleine de vitalité. Dans le cadre du scénario de référence on a repris le rythme de la période 1994/1999 qui se situait à un niveau élevé : 7% an et qui prenait en compte l’effet « booster ». Pour l’Arménie et la Georgie qui souhaitent un rapprochement plus fort avec l’Europe, le scénario de référence les place en 2010 en tant qu’Etats Associés ce qui peut amener un sensible « effet Union Européenne » dynamisant la croissance. Pour l’Azerbaïdjan, la forte croissance repose surtout sur l’exploitation de ses gisements d’hydrocarbures. 147 Ces hypothèses donnent les résultats suivants : Tableau n°10 Scénario de référence – Hypothèse PIB 201018 En milliers USD PIB corrigé 1999 Croissance annuelle (%) Albanie 4 830 7 9 500 Arménie 3 200 7 6 300 Azerbaïdjan 14 040 7 27 600 Bulgarie 17 930 5 29 200 Chypre 10 000 4 11 700 8 610 5 14 000 121 520 3 163 300 2 100 7 4 200 55 130 4 81 600 Russie 386 370 4 571 800 Turquie 230 550 3 310 000 Ukraine 48 400 5 78 800 902 680 4 1 308 000 Georgie Grèce Moldavie Roumanie PMN 2°) PIB 2010 Un reéquilibrage vers l’Est des PMN La croissance annuelle jusqu’en 2010 serait de 4% an, croissance forte mais envisageable. De telles croissances ont été observées sur des périodes similaires pour des pays développés, notamment les Etats-Unis où l’effet « booster » n’existe pas. Le scénario de référence aboutit à un rééquilibrage en faveur du Nord de la Mer Noire et plus globalement en faveur des PMN de l’ex. URSS. En 2010 le poids en PIB corrigé des six PMN : Russie, Ukraine, Moldavie et les trois pays caucasiens par rapport au PIB total des PMN, serait de 54% contre 51% en 1999, celui du bloc communautaire : Grèce, Turquie, Roumanie, Bulgarie, Chypre, Albanie serait donc de 46% contre 49% en 1999. Le poids de l’économie turque – la deuxième en Mer Noire passerait de 25% à 23%. Le scénario de référence se traduit donc par un léger transfert du centre de gravité de l’espace Mer Noire de l’Ouest vers l’Est. Observons que malgré des différences sensibles dans les rythmes de croissance, les écarts entre 1999 et 2010 restent relativement modérés en ce qui concerne le positionnement des PMN les uns par rapport aux autres. Ceci souligne le poids de l’inertie des appareils économiques des appareils économiques des PMN ex. socialistes et l’impact profond et durable de la crise brutale qu’ils ont subie au début des années 1990. 18 Nous avons raisonné à partir de nos situations de 1999 de PIB corrigé 148 3°) Echanges extérieurs : renforcement des liens avec l’Union Européenne Deux phénomènes contribueront à un accroissement global des échanges : 1. une croissance économique positive de tous les PMN. 2. Une intégration renforcée avec l’Union Européenne. Cet accroissement global n’accompagnera pas de profonds bouleversements dans l’origine et la destination des flux de marchandises, cependant certaines évolutions se feront jour : 3. la part de l’Union Européenne dans les échanges avec les PMN va croître considérablement du simple fait de l’adhésion de nouveaux membres et du renforcement des liens avec les autres PMN, 4. le léger recentrage vers l’Est et le Nord de l’économie de la Mer Noire devrait permettre de relancer l’activité de ports actuellement en crise ou en difficulté : Constanta, Odessa, Novorossyisk, Supsa, Burgas. Les ports turcs, Istanbul mais surtout Samsun et Trabzon devraient voir croître leur rôle en Mer Noire. Le scénario de référence permettrait la construction d’une Zone de Libre Echange, englobant tous les PMN. Ceci ne pose pas problème pour les nouveaux membres de l’Union Européenne. Pour les autres PMN, tous membres de la CEI, la constitution d’une ZLE dépendra de la nature des liens qu’ils auront établis avec l’Europe, il y aura donc dans ce scénario une différence de traitement entre l’Ukraine et la Moldavie d’une part, la Russie et les pays du Caucase d’autre part. Enfin, cette ZLE dépendra des liens commerciaux qu’auront instaurés ces Etats avec d’autres. 4°) Les flux migratoires Ce scénario implique l’assainissement et la modernisation des structures économiques des PMN qui se traduiront vraisemblablement dans une première phase par des licenciements et des réductions d’effectifs. Dans un premier temps, on assistera donc à une augmentation du chômage réel et à un sensible accroissement des flux migratoires, notamment vers l’Europe. La reprise économique plus modérée, l’inégalité des niveaux d’intégration avec l’Europe, donc de son aide, ne permettront pas de mener une politique d’accompagnement économique et sociale aussi forte que dans le scénario optimiste, les flux migratoires seront donc plus élevés, notamment ceux en provenance de Russie et d’Ukraine. Dans le scénario optimiste, la 2ème phase de la croissance marque une diminution progressive des flux migratoires, dans le scénario de référence cette diminution sera plus lente et moins ample, sans cependant que l’amplitude des flux qui subsisteront crée des déséquilibres graves et durables au sein des pays d’accueil européens, des tensions ponctuelles seront toutefois inévitables. 149 A.3.3.3 Les trajectoires nationales Le scénario pessimiste est celui de la sommation de trajectoires nationales divergentes, ou s’ignorant entre elles, à l’exception de l’ensemble balkanique. Le scénario optimiste est celui de trajectoires convergentes permettant de parler d’une trajectoire d’ensemble. Pour le scénario de référence, il n’y a pas de divergence systématique, mais la convergence est moins accentuée, on trouve essentiellement deux types de trajectoires : 5. Celle des pays engagés dans un processus d’intégration à l’Europe : Albanie, Bulgarie, Chypre, Roumanie, Turquie, 6. Celle de pays dont le processus d’intégration n’est pas encore engagé ou envisagé : Moldavie, Ukraine, Georgie, Arménie: Azerbaïdjan, Russie. 1°) L’intégration en marche a. La Bulgarie La Bulgarie aura mené à bien sa transition, assumé ses obligations liées à la pré-adhésion, notamment le respect des équilibres fondamentaux, mais n’intégrera l’UE comme membre qu’en fin de période, c’est-à-dire autour de 2005-2006. Dans ces conditions, les effets bénéfiques que l’on peut escompter d’un assainissement et d’une restructuration de l’économie ne se feront pas encore pleinement sentir, d’autant plus que l’élaboration et la mise en oeuvre d’une stratégie globale de développement économique commenceront seulement à se mettre en place. La croissance de la Bulgarie s’effectuera au rythme moyen de 5% an, son PIB/h s’élèvera de 2 200 USD/h en 1999 à 3 900 USD/h en 2010. La progression sera donc sensible, elle est dûe non seulement à la croissance économique elle-même mais aussi à un volume de population qui aura légèrement diminué. La Bulgarie, dans ce scénario, illustre le fait qu’une restructuration aussi radicale de l’économie, qu’une réorganisation complète de l’Etat, qu’une adaptation effective, en profondeur à l’économie de marché, demandent du temps : 10 ans minimum et plutôt une génération. La différence pour la Bulgarie entre le scénario favorable et celui-ci n’est pas dans le sens du processus de développement ni dans la qualité et le niveau de l’intégration, mais elle est dans la dimension temporelle, dans la prise en compte du temps nécessaire pour que les réformes engagées portent réellement leurs fruits. Pour la Bulgarie, le scénario de référence sera celui de l’apprentissage à l’Europe, de l’intégration progressive, prudente, équilibrée dans l’économie de marché, ce ne sera pas encore celui de l’épanouissement économique. Dans ces conditions, deviendraient négligeables. 150 les flux migratoires bulgares b. La Roumanie La trajectoire roumaine de ce scénario sera proche de la trajectoire bulgare, puisque la croissance moyenne d’ici 2010 serait de 4% an, un PIB/h qui passerait de 2 450 USD/h à 3.860 USD/h en 2010. La trajectoire roumaine serait donc relativement proche de la trajectoire du scénario favorable. Ceci est logique, il faut y voir l’impact de l’aide européenne dans une première phase et celui de l’intégration à l’Union Européenne dans une deuxième phase. La Roumanie aura donc assuré ses équilibres fondamentaux et réussi sa transition du fait de la mise en œuvre des réformes nécessaires de la restructuration de son économie, de la réorganisation de l’Etat, d’un potentiel économique plus dense. Ce sont les premiers impacts de cette mise en valeur du potentiel économique dans le cadre d’une stratégie globale de développement économique qui expliquent cette croissance relativement élevée et satisfaisante, notamment : la modernisation de l’agriculture et du secteur agro-alimentaire, la reconversion réussie dans le secteur industriel, le développement du secteur commercial et des services liés au développement des échanges sur la Mer Noire et le Danube avec la modernisation du port de Constanta. L’émigration tzigane, dont les raisons sont interdépendantes autant politiques qu’économiques, devrait diminuer nettement. c. Chypre Avec un taux de croissance annuel moyen de 4% an jusqu’en 2010, un PIB/h qui passerait de 12 500 en 1999 à 17 700 en 2010, l’économie chypriote connaîtra une croissance élevée et soutenue. Paradoxalement, ce scénario serait peut-être plus bénéfique pour Chypre que le scénario favorable car il permettrait d’éviter la surchauffe de l’économie chypriote. Il éviterait aux autorités chypriotes de prendre des mesures, toujours dangereuses, visant à casser l’emballement de la machine économique. La trajectoire du scénario pour Chypre est parallèle, mais à un niveau en-dessous, avec celle du scénario favorable. Dans le cas chypriote, la différence entre les deux scénarios ne vient pas du facteur temps, mais simplement du rythme de croissance. Ainsi, Chypre devra impérativement renforcer ses mesures de contrôle et de surveillance de ses banques et des flux financiers qui transitent plus qu’ils ne s’investissent dans l’île. Dans ces conditions, l’île pourra devenir une place financière internationale jugée fiable et sérieuse et non un paradis fiscal. Elle pourra développer ses fonctions commerciales logistiques et touristiques, pour lesquelles son potentiel est important. Pour Chypre, le scénario de référence peut se réaliser même si la séparation de l’île subsiste, la croissance de Chypre cette dernière décade le prouve. Par contre, le maintien de la division de l’île signifierait la persistance du principal conflit entre Grecs et Turcs, ce qui freinerait d’autant l’évolution du bassin de la Mer Noire vers un ensemble « Euromernoire ». Remarquons enfin que la réunification de l’île, qu’elle se fasse sous forme confédérale ou fédérale serait un facteur de dynamisme supplémentaire pour Chypre compte-tenu des besoins considérables en infrastructures et en équipements de Chypre Nord, de son bassin de main d’oeuvre, de son potentiel touristique et des capitaux disponibles sur la place chypriote. 151 d. L’Albanie La croissance de l’économie albanaise dans ce scénario serait parmi les plus forts des PMN : + 7% an jusqu’en 2010, le PIB/h passerait de 1 420 USD/h en 1999 à 2 710 en 2010. Ce taux élevé de la croissance albanaise peut surprendre. Rappelons que cette croissance n’est qu’une extrapolation de tendances, le chiffre n’a donc rien d’invraisemblable, pour des économies ayant une masse globale faible, ce qui est le cas de l’Albanie, l’effet « booster » jouera à plein. Dans ce scénario, l’Albanie aura rétabli et maintenu ses équilibres budgétaires, monétaires et financiers fondamentaux, réorganisé son appareil d’Etat en ayant notamment éliminé les séquelles mafieuses liées à la crise financière de 1997, freiné l’hémorragie de sa population active vers l’Italie, la Grèce, l’Allemagne, relancé son agriculture en la modernisant, mis en valeur ses ressources énergétiques et minières, développé son tourisme, bref elle aura mené à bien sa transition. Pour se faire, elle aura été vigoureusement aidée par l’Europe, d’abord comme état candidat, puis en pré-adhésion, puis comme membre de l’Union Européenne en fin de période. Il faut souligner à nouveau l’intégration de facto de l’Albanie dans l’Europe et qu’il n’y avait aucune autre alternative, si ce n’est un nouvel isolement, pour ce petit Etat. Dans ce scénario, les flux migratoires devraient diminuer d’une manière sensible. La différence entre le scénario favorable et le scénario de référence pour l’Albanie se situe à la fois dans le temps et dans les rythmes de croissance mais non dans l’allure générale des trajectoires. e. La Turquie Le scénario de référence prévoit pour la Turquie une croissance plutôt modérée au regard de certaines de ses performances récentes : le taux de croissance annuel moyen du PIB serait de 3%, le PIB/h passerait de 3 580 USD/h en 1999 à 4 280 USD/h en 2010. Cette situation est le produit de deux facteurs contradictoires : le dynamisme de l’économie turque d’une part, ses défauts structurels d’autre part. La Turquie a prouvé qu’elle pouvait soutenir un rythme élevé de croissance et gagner des marchés notamment en Mer Noire où elle apparaît de plus en plus comme une grande puissance commerciale ; dans ce cadre, les perspectives de croissance de ce scénario ne peuvent qu’aller dans le sens d’une amplification de ces tendances favorables. Mais, d’autre part, la Turquie souffre de graves handicaps structurels qui peuvent brutalement interrompre la croissance en cours et plonger le pays dans la crise, il s’agit du déficit budgétaire, d’une inflation « frisant » l’hyper-inflation, d’une dette extérieure excessive, du déficit de la balance commerciale, de l’impact négatif des entreprises d’Etat sur les finances publiques. Ce scénario est donc pour la Turquie un scénario qui prend en compte ces facteurs, il est certainement plus réaliste que le scénario favorable. Dans ce scénario, la Turquie est membre de l’Union Européenne vraisemblablement en fin de période. Plusieurs conditions devront donc être remplies pour que cette évolution puisse se faire effectivement : 7. l’élimination des handicaps structurels énumérés ci-dessus, notamment tout ce qui concourt à l’instabilité monétaire et financière. 152 8. La solution pacifique et équitable des conflits actuels : le problème chypriote qui suscite le blocage de la Grèce pour toute avancée de la Turquie vers l’intégration, le problème kurde qui met la Turquie dans les domaines des Droits de l’Homme en mauvaise posture pour son adhésion à l’Union Européenne. La Turquie a la pression démographique la plus forte de la Mer Noire, celle-ci étant plutôt une zone de dépression démographique, il se crée une sorte d’appel à l’émigration de la Turquie vers certains PMN et surtout vers l’Europe. A la différence du scénario favorable, le scénario de référence ne s’appuie pas sur une croissance suffisamment forte pour faire cesser les flux migratoires. On se trouvera jusqu’en 2010, sur ce point, dans une situation assez proche de la situation actuelle, rappelons que ces perspectives migratoires sont une des raisons profondes des réticences de certains pays de l’Union Européenne à l’entrée de la Turquie dans l’Europe. La trajectoire turque est représentative de la logique de ce scénario, celle d’un développement effectif mais relativement modéré, prenant en compte les retards ou les insuffisances dans les réformes structurelles nécessaires, la mise en place d’une stratégie de développement qui ne portera ses fruits qu’en fin de période, une intégration mesurée dans l’espace européen. f. La Grèce Le scénario de référence prévoit pour la Grèce une croissance annuelle moyenne du PIB de 3%, le PIB/h passerait de 11 580 USD en 1999 à 15 900 USD en 2010. Ce scénario est relativement proche du scénario favorable. Les grandes orientations des deux scénarios sont identiques, à savoir : 9. La poursuite du programme de réformes structurelles et d’ajustement fiscal (déficit budgétaire, stabilité monétaire, diminution de la dette publique, déréglementation, privatisation). 10. Actions de développement économique : baisse des taux d’intérêt, amélioration des infrastructures, relance des investissements, renforcement des échanges avec l’UE et les PMN, amélioration de la productivité agricole, développement des secteurs privilégiés : commerce international, transports, banques, tourisme, ... 11. Faire de la Grèce le pivot géo-économique de l’Euromernoire, ce scénario représentant, une grande opportunité pour la Grèce de servir d’espace d’articulation entre l’UE et la Mer Noire. La valorisation de cette situation d’interface passe par une politique active de développement des services à destination des PMN. Cette politique n’est pleinement réalisable que si les différents gréco-turcs sont résolus. Ce décalage de la trajectoire grecque du scénario de référence avec celle du scénario favorable peut être due au retard pris dans la mise en oeuvre des réformes, à l’inadaptation 153 des règlements et des mentalités aux besoins de l’ouverture extérieure, et à la persistance des tensions avec la Turquie. 2°) Aux portes de l’Europe Les autres pays de la Mer Noire seront sans doute pour plus longtemps aux portes de l’Europe, il s’agit de tous les PMN de l’ex.URSS, actuellement regroupés au sein de la CEI. Le processus d’intégration à l’Union Européenne mettra sans doute plus de temps, compte tenu de leur éloignement et de leurs structures économiques. Toutefois il faut distinguer deux cas de figure : 12. les PMN qui seraient en situation d’associé ou candidat : Arménie, Georgie, Moldavie, Ukraine, 13. Les PMN qui seraient en situation de libre-échange : Russie et Azerbaïdjan. g. L’Arménie Des trois pays du Caucase, l’Arménie sera celui où la croissance relativement soutenue de ce scénario sera la plus difficile à tenir. Le rythme annuel moyen de croissance du PIB serait de 7%. Le PIB/h passerait de 840 USD/h en 1999 à 1 740 USD/h en 2010, donc une progression importante. L’Arménie aura terminé sa transition. Les équilibres budgétaires, monétaires et financiers auront été rétablis et maintenus, le Dram restera stable. L’appareil d’Etat aura bien engagé sa réforme et progressivement une administration moderne, « désoviétisée » se mettra en place. l’Arménie aura pu accomplir cette progression satisfaisante grâce à un appui sans défaillance des organismes internationaux (FMI, Banque Mondiale), des Etats-Unis et de l’Union Européenne. Le problème fondamental que met en évidence ce scénario dans la trajectoire arménienne, c’est la difficulté de son intégration dans l’économie de marché qui conditionne la poursuite d’une croissance économique satisfaisante. La reprise de la croissance constatée ces dernières années en Arménie est dûe à la conjonction de deux facteurs : l’augmentation de la production agricole liée aux avancées de la privatisation des terres et des exploitations, l’importance de l’aide internationale, sensibilisée par la catastrophe de Spitak dans la région de Lori au nord du pays. Par contre le secteur industriel tarde à se privatiser et à engager sa reconversion. L’industrialisation arménienne était complètement dépendante du système soviétique de planification de l’économie. Le système s’écroulant, l’Arménie se trouve brutalement privée de clients et de fournisseurs. Elle doit subir de plein fouet le jeu de ses insuffisances essentielles : l’exiguïté de son marché intérieur amplifiée par son enclavement géographique et politique. La reprise de la croissance arménienne est conditionnée en partie par le reconversion de ses industries -rappelons que du temps de l’URSS, l’Arménie était jugée sur-industrialisée-, leur modernisation et leur positionnement compétitif sur les marchés extérieurs. L’Arménie devra aussi jouer dans ce scénario la carte commerciale et logistique 154 mais cela suppose son désenclavement politique -le règlement du conflit du Karabagh- et économique, la réalisation d’infrastructures routières aptes à assurer des liaisons correctes vers Tbilissi et Poti, vers Bakou, vers Téhéran, vers Ankara. Ce scénario de référence, comptetenu de ces réserves, paraît plus plausible qu’un scénario favorable, il implique comme on peut le voir une forte mobilisation des hommes et des capitaux. Pour des raisons déjà exposées : appartenance géographique à l’Asie, absence de continuité territoriale, importance du différentiel de développement, rapports avec la Turquie, « parrainage » russe, il sera difficile, quelles que soient les volontés arméniennes, de faire franchir à l’Arménie un pas supplémentaire dans l’intégration avec l’Union Européenne. Certes, les liens et les échanges s’intensifieront, mais les liens avec la Russie resteront forts. h. La Géorgie Pour la Géorgie, le scénario de référence prévoit une croissance annuelle moyenne du PIB de 5%, le PIB/h passerait de 1 570 USD/h en 1999 à 2 700 en 2010, donc une croissance soutenue qui paraît théoriquement plus à la portée de l’économie géorgienne qu’elle ne l’est pour l’économie arménienne. La Géorgie aura terminé sa transition. Les équilibres budgétaires, monétaires et financiers auront été rétablis et maintenus, le Lari restera stable. L’appareil d’Etat aura bien engagé sa réforme et progressivement une administration moderne se mettra en place. Ce scénario suppose que soit mis fin aux conflits qui opposent la Géorgie à la Russie par Abkhazes ou Ossètes interposés. La persistance de ces conflits constitue un facteur qui freine les évolutions démocratiques, notamment la réorganisation de l’Etat et par là même l’adaptation de l’économie géorgienne à l’économie de marché. Les différences avec le scénario favorable se situent à la fois dans le délai de réalisation des réformes et dans la rapidité d’intégration à l’Union Européenne. La Géorgie, dont l’économie semble redémarrer après un effondrement brutal grâce à la reprise du secteur agricole, secteur dominant de ce pays fertile, liée à la privatisation, assurera sa croissance en : 14. Développant sa production agricole et agro-alimentaire pour laquelle son potentiel est considérable et ses possibilités d’exportation certaines. Elle aura dû préalablement moderniser son appareil de production et dégager les investissements nécessaires. D’ores et déjà, d’ailleurs, des firmes multinationales de l’agro-alimentaire s’intéressent à la Géorgie. 15. Développant son secteur commerce, transport et logistique. De tous les pays du Caucase et de l’Est Mer Noire, la Géorgie est la mieux positionnée pour assumer à terme la fonction d’espace logistique de la Mer Noire orientale. C’est le seul état caucasien à avoir des frontières communes avec les deux grandes puissances économiques, la Russie et la Turquie. Via l’Azerbaïdjan, on peut atteindre rapidement les rives de la Caspienne, la Géorgie assurant alors une fonction économique de liaison entre le bassin de la Mer Noire, le bassin de la Caspienne et par là les pays asiatiques. Tbilissi est situé sur la grande voie internationale qui relie Moscou via Rostov au 155 Caucase et à l’Iran : « la Transcaucasienne ». La Géorgie possède -théoriquementtrois ports sur la Mer Noire : Poti, Batoumi en Adjarie et Suchumi en Abkhazie, cependant Suchumi est pour le moment inaccessible et Batoumi est en situation d’autonomie de fait qui interdit toute intervention de l’Etat géorgien. Cette situation géo-économique favorable, notamment entre la Mer Noire et la Caspienne, explique les raisons pour lesquelles un oléoduc est prévu entre Bakou et Supsa (port géorgien au Sud de Poti), une variante est prévue avec un décrochement à hauteur de Tbilissi vers la région littorale turque de Ceyhan. Avec les ports de Novorossijk en Russie, PotiSupsa en Géorgie, et Trabzon en Turquie, l’Est de la Mer Noire pourrait donc se doter d’une solide capacité portuaire. Dans le scénario favorable, on suppose que ce processus de pôle logistique de l’Est Mer Noire serait très engagé, dans le scénario de référence on suppose seulement qu’auront commencé la modernisation portuaire, et la réalisation des infrastructures. D’une manière générale, les réformes de restructuration concernant l’économie géorgienne seront engagées mais n’auront pas commencé à porter leurs fruits. Ce scénario prévoit le statut d’Etat associé ou candidat pour la Géorgie, il traduit la volonté intégratrice de l’Union Européenne et correspond d’ailleurs aux souhaits exprimés des Géorgiens. i. La Moldavie Avec l’Ukraine et la Russie, la Moldavie fait partie des PMN de la CEI pour lesquels les hypothèses retenues traduisent un taux de croissance qui marquerait une nette rupture avec les tendances passées. Le taux de croissance annuel moyen du PIB serait de 7%. Le PIB/h passerait de 490 USD en 1999 à 980 USD en 2010, ce qui en fera malgré tout le plus faible PIB/h des PMN. La Moldavie ne sera engagée qu’à « mi-corps » dans l’économie de marché, mais elle le sera plus que ses voisins ukrainiens et russes ; autrement dit, elle aura plus avancé qu’eux dans la voie des réformes de structures et de la mise en place d’une stratégie globale de développement économique. Elle aura rétabli d’une manière durable les grands équilibres budgétaires, monétaires et financiers, ce qui suscitera la confiance des investisseurs étrangers et se traduira par une augmentation sensible des IDE19 attirés par une loi sur les investissements étrangers très favorable. Par contre, la réorganisation de l’appareil d’Etat engagée effectivement, se heurtera encore à quelques blocs de résistance bureaucratique freinant l’amélioration de la productivité, limitant la croissance et le développement. La Moldavie, avec l’aide de l’Union Européenne, aura élaboré une stratégie d’ensemble du développement de son économie dans le cadre d’une intégration à l’économie de marché, elle aura commencé sa mise en oeuvre et les premiers résultats se feront sentir en fin de période. La Moldavie se tournera résolument vers l’Union Européenne pour ses mouvements de marchandises, d’hommes, de capitaux, d’informations. Elle s’appuiera notamment sur sa 19 IDE : Investissements Directs Etrangers. 156 voisine roumaine avec laquelle des protocoles d’association plus étroite pourraient exister. La Moldavie entamera un processus d’intégration avec l’Union Européenne, à terme elle pourrait avoir le statut d’Etat associé. Ce processus implique que l’Accord de Partenariat et de Coopération en cours se soit déroulé dans de bonnes conditions, ce qui permettra, dans ce scénario, de passer à un niveau supérieur d’intégration ; ceci implique aussi une politique d’aide volontaire et soutenue de l’Union Européenne. j. L’Ukraine L’Ukraine fait partie des trois PMN de la CEI pour lesquels est envisagé un taux de croissance traduisant une nette rupture avec les tendances passées ; ce scénario ne s’appuie donc pas sur l’hypothèse tendancielle. Le taux de croissance annuel moyen du PIB serait de 5%. Il s’agit donc d’une perspective de croissance soutenue qui paraît compatible avec le potentiel économique du pays. L’Ukraine ne sera engagée qu’à « mi-corps » dans l’économie de marché, moins que la Moldavie mais plus que la Russie, elle sera en quelque sorte à michemin. Les équilibres budgétaires, monétaires et financiers auront été rétablis mais la réforme fiscale, qu’on aura tardé à mettre en oeuvre, n’apportera pas tous les résultats escomptés, notamment au niveau des recettes, le déficit budgétaire sera toujours latent, fragilisant la base économico-financière relativisant la confiance des investisseurs étrangers. La réorganisation de l’Etat aura été entreprise mais subsisteront encore des bastions de conservatisme, qui freineront la modernisation de l’Etat et l’adaptation à l’économie de marché. L’Ukraine, avec l’aide de l’Union Européenne, aura élaboré une stratégie d’ensemble du développement de son économie qu’elle commencera à mettre en oeuvre en fin de période. Ce scénario est celui, dans une première phase, du rattrapage par l’Ukraine de son niveau antérieur de développement, ce n’est que dans une seconde phase que les efforts de modernisation et de réorientation de son économie commenceront vraiment à faire sentir leurs effets. Ce n’est qu’ainsi que, dans une seconde phase, l’Ukraine pourra afficher de plus en plus clairement sa volonté de s’intégrer à l’Europe et cherchera à travers ses réformes à se mettre en harmonie avec les réglementations communautaires et progressivement à se « doter » de l’acquis communautaire. Elle n’aura pas cependant coupé ses liens économiques avec la Russie qui constituera toujours pour ses produits un marché essentiel et qui continuera à satisfaire en partie ses besoins énergétiques. k. La Russie La Russie fait partie des trois PMN de la CEI pour lesquels a été pris l’hypothèse d’une croissance traduisant une nette rupture avec les tendances passées. Le taux de croissance annuel moyen du PIB serait de 4%. Il traduit une reprise nette mais compatible avec les performances actuelles et le potentiel des économies concernées. Il s’agit d’un taux moyen qui peut donc comporter de fortes croissances avec des années de croissance plus molle. Le PIB/h passerait de 2 640 USD en 1999 à 4 220 USD en 2010. Néanmoins, la trajectoire russe dans le scénario de référence est différente de la trajectoire ukrainienne, certes les deux pays 157 ne sont engagés qu’à « mi-chemin » dans l’économie de marché, mais c’est la Russie qui l’est le moins. La Russie est de tous les PMN ex-socialistes celui où la mise en oeuvre des réformes structurelles a le plus tardé, où les résultats acquis sont les plus fragiles. Les équilibres budgétaires, monétaires et financiers seront fluctuants. La Russie devra toujours faire appel à l’aide internationale, au moins dans une première phase, pour faire face aux obligations de remboursement de sa dette. La réforme fiscale, ajournée en 1997, finira par être votée mais sa mise en oeuvre sera lente et ses effets bénéfiques ne se feront sentir qu’en fin de période. L’importance du marché russe explique que les IDE continueront de venir en Russie, mais nettement moins que dans le scénario favorable en raison du caractère précaire des équilibres économiques, qui suscite la réserve des investisseurs. L’ensemble de l’appareil de production d’Etat aura été privatisé mais la reconversion et la modernisation des structures économiques ne seront qu’à mi-chemin et commenceront à faire sentir leurs effets qu’en fin de période. En particulier, elle n’aura pas complètement éradiqué les puissants secteurs mafieux de l’économie qui continueront, certes moins qu’avant, à perturber le jeu des mécanismes économiques. La réorganisation de l’Etat n’avancera que lentement, elle rencontrera des retours en arrière. La Russie coeur de l’ex-URSS et moteur du système soviétique devra attendre une génération pour que les transformations en profondeur de ses structures politiques, économiques et sociales aboutissent, en 2010 nous n’en serons qu’à mi-chemin. Sur le plan extérieur, les richesses naturelles de la Russie : pétrole, gaz, minéraux, or/diamants et sur le plan intérieur la dimension même du marché intérieur, permettront à la Russie, dans une première phase, de tenir un rythme de croissance élevé permettant juste de rattraper son niveau de production antérieur. A l’image des réformes mises en oeuvre tardivement, la Russie tardera à mettre en oeuvre une stratégie globale de développement économique qui ne sera à peine effectivement engagée qu’en fin de période. Dans ce scénario, la Russie n’aura donc pas terminé sa transition, il sera bien celui d’une phase transitoire de la Russie celle du passage progressif à l’économie de marché. Dans ce processus, la Russie aura été devancée par les autres PMN. Certes, la Russie continuera à réclamer un niveau supérieur d’intégration à l’UE, mais les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des accords de partenariat et de coopération, les lenteurs et les lourdeurs dans les processus de réformes feront qu’elle n’aura pas réuni rapidement les conditions qui permettront à l’UE d’envisager une avancée de l’intégration. l. L’Azerbaïdjan Dans le scénario de référence, le rythme de croissance annuelle moyenne du PIB serait de 7%, le PIB/h passerait de 1 750 USD/h en 1999 à 3 620 USD/h en 2010. Là aussi, comme pour l’Arménie, une croissance soutenue mais, à la différence de la situation arménienne, la réalité risque d’être plus proche du scénario favorable, du fait de l’expansion dûe au développement de l’exploitation des hydrocarbures. 158 L’Azerbaïdjan aura terminé sa transition. Les équilibres budgétaires, monétaires et financiers auront été rétablis et maintenus, le Manat restera stable. L’appareil d’Etat aura engagé sa réforme mais dans ce pays qui a abordé avec retard le processus de transition, quelques freins du développement liés au conservatisme et à la bureaucratie subsisteront, cependant ils seront sans effets sur le développement du secteur moteur : les hydrocarbures20. L’Azerbaïdjan aura achevé ses privatisations, il aura terminé en fin de période la reconversion et la modernisation de son premier combinat industriel : Sumgaït. Attirés par les perspectives de développement des activités induites liées au pétrole, les capitaux étrangers amèneront une forte poussée des IDE. Ce qui explique la différence entre ce scénario et le scénario favorable, c’est la stratégie de développement qui sera liée à l’exploitation du pétrole. Dans le scénario favorable, les revenus tirés de l’exploitation pétrolière seront réinjectés dans l’économie nationale sous forme de redistributions de revenus, d’investissements dans les secteurs productifs ; dans les infrastructures, dans les équipements, dans la modernisation de l’appareil économique ; les mécanismes des effets d’entraînement, du multiplicateur d’investissements joueront à plein. Dans le scénario de référence, c’est un comportement « à l’algérienne » qui sera adopté. Le secteur pétrolier et ceux qui lui sont liés directement connaîtront effectivement une forte croissance qui entraînera l’ensemble de l’économie azerbaïdjanaise vers le haut. Mais ce secteur pris globalement fonctionnera en vase clos, ses effets d’entraînement sur les autres secteurs économiques resteront limités. Les profits bénéficieront à un groupe limité de privilégiés et ne seront pas réinvestis sur place, ils iront gonfler la bulle spéculative mondiale sur différentes places financières internationales. L’effet-consommation qui pousse l’incitation à investir ne jouera que d’une manière limitée. La masse des capitaux susceptibles de s’investir dans l’économie nationale soit par le biais des dépenses publiques, soit par l’intermédiaire des crédits bancaires restera elle aussi limitée en raison du départ, légal, des capitaux vers des places financières étrangères ou tout simplement vers des paradis fiscaux. De tous les PMN, l’Azerbaïdjan est celui où la demande d’Europe est la plus faible. Certes, elle existe mais elle n’est pas privilégiée comme elle l’est dans d’autres PMN. L’Azerbaïdjan n’est pas riverain de la Mer Noire et ses regards sont portés vers l’ensemble turco-iranien auquel le lient non seulement la proximité géographique mais aussi les affinités culturelles et religieuses. Elle regarde bien évidemment vers la Caspienne bordée d’Etats riverains eux aussi producteurs de gaz et/ou de pétrole, avec lesquels la concertation doit être permanente. Enfin, elle conserve des liens encore étroits avec la Russie. Dans ces conditions, la situation du partenariat paraît correspondre au positionnement objectif des deux partenaires et, à la différence des autres PMN, il ne s’agit pas d’une position transitoire mais bien d’une situation durable de partenariat. 20 Il faut observer cependant que les estimations concernant le potentiel des ressources en hydrocarbures de la Caspienne fluctuent fortement d’une année sur l’autre. Ainsi, au début de l’année 1999, de sérieuses révisions à la baisse se sont fait jour quant aux ressources supposées. Il faut donc être prudent pour le bon déroulement d’un scénario plutôt optimiste pour l’Azerbaïdjan. 159 160 B IMPACTS ECONOMIQUES DU SCENARIO DE REFERENCE A 2010 B.1 Les flux commerciaux La méthode repose sur l’application de coefficients d’élasticité des flux commerciaux par rapport à l’évolution du PIB et des prix relatifs. Pour la croissance du PIB des pays de l’Union Européenne jusqu’à 2010, a été reprise une prévision « consensus » des différentes organisations internationales : + 2,5% an. Quant aux PMN, ce sont des prévisions des différents scénarios. L’estimation des taux de change réels à 2010 est basée sur une appréciation des monnaies des PMN par rapport à celles de l’Union Européenne. Ce phénomène d’appréciation à terme est souligné par la plupart des experts21. Pour tenir compte des différents niveaux d’intégration des PMN à l’Union Européenne, selon le scénario de référence, on a ajusté l’élasticité de la manière suivante : n + 10% pour les PMN qui deviendront membres de l’Union Européenne. n + 3% pour les PMN associés ou candidats. n Sans modification pour la situation des autres PMN. B.1.1 Un accroissement important des échanges Dans le cadre du scénario de référence, on observerait un accroissement important des échanges qui doubleraient entre 1999 et 2010, à un rythme moyen annuel proche de 7%. Le rythme de croissance des importations avec un rythme annuel de près de 9% serait supérieur à celui des exportations de l’Union Européenne vers les PMN : + 5,5%. L’amplitude et le sens de ces évolutions correspondent à la conjonction d’une reprise durable et soutenue de la croissance des PMN avec un croissance régulière (+ 2,5% an) des pays de l’Union Européenne. Le différentiel de croissance en faveur des importations permettra aux PMN d’avoir un solde commercial excédentaire avec les pays de l’Union Européenne. Selon la logique du libre échange les importations de l’Union Européenne devraient bénéficier aux consommateurs de ces pays dans la mesure où l’augmentation des importations reposera sur des prix PMN inférieurs. Il en résultera aussi une concurrence accrue des PMN pour 21 Cf. L. HALPHERN et C WHYPLOSZ : « Equilibrium exchange rates in transition economies ». IMF Staff Papers December 1998 - Cf. K. KRAJNYAK et J. ZETTELMEYER : « Competitiveness on transition economies : what scope for real appreciation ? » - IMF Staff Papers - June 1998. 161 certains produits de l’Union Européenne. Cependant, cette concurrence accrue des importations des produits en provenance de l’Union Européenne aura pour contrepartie une croissance des exportations des pays de l’Union Européenne vers les PMN. Il faut souligner qu’il s’agit du déficit du solde commercial marchandises de l’Union Européenne, ce solde commercial sera compensé avec les PMN par le solde positif des « invisibles » (services, transferts financiers). Par contre, l’accroissement des exportations des PMN ne peut que favoriser leur croissance et renforcer leur stabilisation macro-économique. Si cet accroissement des échanges bénéficiera aux deux zones, il sera nécessaire pour l’Union Européenne d’identifier, avec précision, les secteurs de production où la concurrence des PMN sera la plus vive et d’envisager des actions préventives pour éviter sur le territoire de l’Union Européenne des difficultés économiques et sociales des régions concernées par ces échanges Union Européenne/PMN. B.1.2 Les impacts Cette croissance globale des échanges entre l’Union Européenne et les PMN aura des impacts différents selon les pays de l’Union Européenne et les PMN. 1°) Les pays européens qui connaîtraient la plus forte croissance en valeur relative dans leurs échanges avec les PMN d’ici 2010 seraient l’Espagne, le Portugal et surtout la Grèce dont le poids relatif dans les échanges Union Européenne/PMN passerait de 3,2% en 1999 à 4% en 2010. La croissance serait aussi relativement soutenue pour les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, le Royaume Uni et la France. La croissance des échanges serait relativement modérée pour les principaux partenaires actuels des PMN l’Allemagne et l’Italie, ainsi que l’Autriche. La part de ces trois pays passerait de près de 50% en 1999 à 48% en 2010. L’impact sur les échanges avec les PMN du Danemark, de la Finlande, de l’Irlande et de la Suède sera relativement faible. 1. L’Allemagne resterait en 2010 le premier partenaire de l’Union Européenne vers les PMN avec 27% des échanges en 2010 (28% en 1999), ses principaux partenaires : la Turquie et la Roumanie. L’Italie resterait le second partenaire, sa part dans les échanges avec les PMN resterait stabilisée à 19%. Les principaux partenaires de l’Italie seraient la Russie, la Turquie et la Roumanie, où l’Allemagne devancera l’Italie comme premier partenaire. Une forte augmentation des échanges se produira avec l’Albanie dont l’Italie sera le premier partenaire. La France passerait devant le Royaume-Uni comme troisième partenaire des PMN, ces deux pays ayant des rythmes de croissance supérieurs à ceux de l’Italie et de l’Allemagne. C’est essentiellement la croissance des importations qui tirera l’augmentation des échanges. La Turquie restera le premier partenaire de la France suivi de plus en plus près par la Russie, une augmentation importante des échanges se produira avec la Roumanie et Chypre. Pour le Royaume-Uni la prépondérance des échanges avec la Russie se confirmera, des 162 croissances importantes auront lieu avec la Roumanie et Chypre. Les Pays-Bas connaîtront une croissance relativement forte de leurs échanges avec les PMN notamment les petits Etats comme l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Georgie ainsi qu’avec la Turquie et la Roumanie. Le cas de la Grèce retient l’attention, c’est l’Etat européen qui en valeur relative, connaîtra l’augmentation la plus importante de ses échanges avec les PMN. Le positionnement géographique grec joue dans cette situation ainsi que les réseaux qu’elle a déjà constitués dans cette zone, son indice de croissance passera à 250 soit une croissance annuelle des échanges supérieure à 9%. Tous les PMN seront concernés par cette amplification des échanges avec la Grèce, plus particulièrement : l’Albanie, la Bulgarie, Chypre, la Georgie, la Moldavie, la Roumanie. 2°) Pour les PMN ceux qui bénéficieront le plus de la croissance des échanges avec l’Union Européenne sont l’Albanie, la Roumanie, Chypre et la Bulgarie. Inversement la croissance des échanges sera relativement faible pour la Moldavie, la Russie, l’Ukraine, la Georgie et la Turquie. Pour les autres PMN la croissance des échanges sera soutenue. Dans les échanges avec l’Union Européenne les poids « lourds » resteraient la Russie et la Turquie, mais leurs parts dans les échanges passeraient de 52% en 1999 à 44% en 2010. Les principaux bénéficiaires seraient la Grèce, Chypre, la Roumanie et la Bulgarie, ainsi la part de la Grèce dans ces échanges passerait de 20% en 1999 à 24% en 2010. 3°) Les impacts par produits L’accroissement des échanges entre l’Union Européenne et les PMN d’ici 2010, dans le cadre de la trajectoire de référence, aura un rythme différent selon les branches. Les échanges augmenteront pour les matières premières, les produits énergétiques et les articles manufacturés (métallurgie, textiles, bois, papier-carton), ils diminueront en poids relatifs pour les produits alimentaires, les boissons et le tabac, les produits chimiques. Ils resteront stables pour les autres produits, notamment les machines et le matériel de transport. Globalement, les importations des pays de l’Union Européenne en provenance des PMN s’accroîtront presque deux fois plus rapidement que leurs exportations. Les secteurs qui verront leurs poids relatifs diminuer sont ceux où le flux d’exportations restera supérieur à celui des importations, en particulier les produits alimentaires et les produits chimiques. Ceux qui verront leur part relative augmenter sont soit ceux dont le solde était déjà importateur comme les matières premières et les produits énergétiques, soit ceux qui passeront d’une position exportateur à une position importateur, c’est le cas des produits manufacturés (métallurgie, textiles ...). Le solde des articles manufacturés divers restera importateur avec une forte croissance des importations, celui du secteur machines et matériels de transports restera exportateur (Union Européenne ð PMN). Dans le cadre de cette trajectoire de référence, il y aura donc un net rééquilibrage des 163 échanges entre l’Union Européenne et les PMN, dû essentiellement à un accroissement de leurs importations, notamment dans les articles manufacturés, les matières premières et les combustibles. Cependant, le volume des exportations restera soutenu dans les produits alimentaires, les machines et le matériel de transport. Pour les pays de l’Union Européenne, l’accroissement des concurrences devrait donc porter, globalement, sur l’ensemble des produits manufacturés, notamment : la métallurgie, les articles métalliques, le textile et le vêtement, le bois et le papier-carton, les meubles, les chaussures, les appareils de photo, optique, horlogerie, etc ... Dans le domaine des produits alimentaires l’accroissement des exportations sera équivalent à celui des importations. Certes, la concurrence va s’accroître entre l’Union Européenne et les PMN, mais le marché des PMN va lui-même augmenter. B.2 Impacts des investissements directs étrangers (IDE) Le volume et l’origine-destination des flux d’investissement direct entre les pays de l’Union Européenne sera affecté par le flux des IDE entre les pays de l’Union Européenne et les PMN. Les flux des IDE vers les PMN dépend de trois facteurs : 1. Les taux de croissance comparés des PMN. 2. L’existence de barrières commerciales qui peut constituer un handicap mais aussi une incitation à investir dans un pays protégé. 3. Les mouvements du taux de change réel entre les pays de l’Union Européenne et les PMN. La projection d’hypothèses à 2010 de ces trois indicateurs, dans le cas du scénario de référence, souligne que la Bulgarie, la Roumanie, la Russie, la Turquie et l’Ukraine, et l’Albanie seraient les principaux PMN d’accueil des IDE en provenance de l’Union Européenne, essentiellement en raison de la dimension initiale et de la croissance de leur marché intérieur. Dans la dernière décade les principaux pays de l’Union Européenne émetteurs d’investissements dirigés vers les PMN furent l’Allemagne, la France, le RoyaumeUni et dans une mesure encore significative : les Pays-Bas, et Belgique-Luxembourg. Les principaux PMN récepteurs furent la Russie, la Turquie, la Roumanie et dans une moindre mesure l’Ukraine et la Bulgarie. L’hypothèse, dans le cadre du scénario de référence est que le flux des IDE de l’Union Européenne vers les PMN s’accroîtrait selon le même rythme global que dans la période antérieure. Après avoir évalué les flux d’IDE de l’Union Européenne vers les PMN, nous prenons comme hypothèse que l’impact dans les PMN sera proportionnel à la part actuelle 164 des IDE de l’Union Européenne dans chacun des PMN. Cette méthode permet de déterminer la baisse des capitaux d’IDE possédés par les pays de l’Union Européenne dans les autres pays de l’Union Européenne, dûe à l’effet de substitution entre les flux intra-Union Européenne et les flux dans les PMN. Une fois estimé l’impact des flux annuels, on peut évaluer l’impact total sur le stock des IDE en 2010. Il résulte que les pays pour lesquels l’impact de la réduction des IDE venant de l’Union Européenne sera le plus sensible sur leur territoire seront dans l’ordre : la France, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique et le Luxembourg. La baisse en France sera de l’ordre de 4 milliards d’Euro, 3,6 milliards d’Euro pour les Pays-Bas et l’Allemagne, 3,4 milliards d’Euro pour le Royaume-Uni et 3,2 milliards pour la Belgique et le Luxembourg. La Suède et l’Italie connaîtront des baisses modérées. B.3 Impacts territoriaux B.3.1 La gestion des espaces communs L’extension de l’Union Européenne vers l’est de l’Europe va bien sûr élargir, non seulement politiquement, mais aussi économiquement les dimensions de l’Europe. L’adhésion de la Roumanie, la Bulgarie, Chypre et la Turquie augmentera la superficie de l’Union Européenne de 1 240 000 km2, de 97 millions d’habitants. Cette extension viendra après l’intégration d’autres pays importants en nombre, et parfois aussi en taille et en population (Pologne, Estonie, Slovénie, République Tchèque, Slovaquie). C’est donc un sensible déplacement vers l’est du centre de gravité de l’Europe qui va se produire. Mais, au delà de cet accroissement de superficie et d’habitants, l’adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie, de Chypre et de la Turquie témoigne d’un processus nouveau. Cette fois, l’Europe atteint les rives de la Mer Noire. Autant que quantitatif, cet élargissement sera qualitatif. La construction politique européenne rejoindra les données de l’histoire qui a vu, à certaines périodes, les Etats de l’Europe Centrale s’impliquer dans le bassin de la Mer Noire. Par la Bulgarie et la Roumanie, c’est l’ensemble de l’axe danubien qui s’insère dans l’entité européenne, c’est-à-dire la première vallée et le premier corridor naturel du continent. Roumanie et Bulgarie sont aussi situées à des points stratégiques, entre le monde méditerranéen et turc d’une part, et les Etats de l’ex-URSS comme l’Ukraine et la Moldavie qui font partie de l’Europe et s’enfoncent comme des « coins » entre Pologne, Slovaquie et Roumanie d’autre part. Il s’agit donc bien d’envisager une nouvelle frontière pour l’Europe, à la fois au sens géographique et au sens mythique du terme. On ne peut imaginer que le recul des frontières vers l’est ne modifie pas la configuration de la zone, ne suscite pas des attentes et des nouveaux courants d’échanges entre l’Europe et le reste des pays de la Mer Noire, y compris ceux qui ne seront ni adhérents ni pré-adhérents. A une échelle géographique et historique plus vaste, avec l’adhésion de la 165 Turquie c’est l’idée que l’Union Européenne repousse ses limites jusqu’au concept d’espace eurasiatique qui est avancée. Ce faisant, les implications ne concernent pas que les pays de la Mer Noire, mais l’Europe Centrale, et même Occidentale. C’est un nouvel espace de références, une nouvelle architecture des territoires du continent européen qui apparaît, c’est-à-dire un patrimoine commun, des zones communes, des couloirs communs à prendre en compte, à organiser et à gérer. L’aménagement du territoire de l’Europe, s’il ne change pas de nature, est nécessairement modifié en échelle et en contenu. B.3.1.1 La Mer Noire, une nouvelle frontière ? L’Union Européenne s’est penchée sur ses relations avec les pays du sud et de l’est de la Méditerranée. Elle a examiné les modalités d’une meilleure coopération avec ces pays, tout en intégrant le principe que passe en Méditerranée une ligne de séparation économique, historique, culturelle. On a pu poser la question : « La Méditerranée, nouvelle frontière pour l’Europe ? », c’est-à-dire nouveau champ de préoccupations, d’implications et ensemble de nouveaux enjeux, élargissant les limites vers le sud de l’intervention européenne. Mais, à l’exception de la Turquie, autant « Mer Noire » que Méditerranée, et du Maroc, à certaines périodes, il n’a, jusqu’à présent, jamais été envisagé d’étendre l’Union Européenne vers les rives africaines. Ce n’est pas le cas des pays de la Mer Noire, et ce pour diverses raisons : n Ces pays sont situés à la rencontre de l’Europe et de l’Asie. Même si les géographes tentent de répondre à l’histoire en fixant des limites continentales, cette zone est bien eurasiatique. La parenthèse du XXème siècle et la partition de fait imposée par la dualité ouest-est et l’unité du monde soviétique fait place aujourd’hui à une réinterprétation des configurations territoriales. Il n’y a jamais réellement eu de solution de continuité entre l’Europe et l’Asie, autour de la Mer Noire. Le XXème siècle a montré, au contraire, une anomalie dans les échanges pacifiques ou belliqueux au sein de cet ensemble. n Les pays de la Mer Noire se situent en continuité territoriale avec les pays européens, du moins à terme. La vraie coupure était celle qui séparait les pays d’Europe de l’Ouest et ceux d’Europe de l’Est. Depuis que l’Union Européenne envisage son élargissement oriental, il n’y a plus de limite géopolitique stricte et la géographie n’offre aucun déterminisme pour définir une barrière précise à l’extension vers l’est. Au contraire, Bulgarie et Roumanie se situent dans les Balkans, qui débutent aux portes de l’Italie. La Grèce, membre de l’UE, fait partie des Balkans et est frontalière de la Bulgarie. Plus au nord, une Pologne intégrée à l’UE sera frontalière d’un pays comme l’Ukraine, encore plus important en espace et en population. La Moldavie dispose d’un patrimoine commun, historique et culturel avec la Roumanie. Quant à la Turquie, outre qu’elle compte un territoire en Europe et l’une des plus grandes agglomérations du continent, elle correspond à ce qu’elle a toujours été, à savoir un pont entre l’Europe et l’Asie. Au delà, il est bien difficile, à l’exception sans doute de l’Azerbaïdjan, de ne pas 166 associer a priori les pays du Caucase, plus tournés vers l’Europe que vers l’Asie Centrale. n L’Union Européenne est un concept géopolitique ouvert. Elle n’a pas déterminé ses limites territoriales a priori et une fois pour toutes. Dès lors que des pays peuvent remplir les conditions d’adhésion, dès lors que leur niveau de développement est suffisant et correspond aux critères définis, dès lors que leurs structures administratives sont adéquates, ils peuvent théoriquement être progressivement intégrés à la logique de l’Union Européenne. n Quelle que soit la rapidité et la dimension de l’extension vers l’est de l’Union Européenne, le centre de gravité de l’Europe se trouvera déplacé. Dans un premier temps, les frontières réelles des pays membres se situeraient à l’est de la Pologne, de la Slovaquie, de la Hongrie, et comme actuellement, de la Grèce. Dans un second temps, le littoral Mer Noire constituera un rivage de l’Europe et l’Ukraine comme la Moldavie seront frontalières de l’Union Européenne. L’intégration de la Turquie renforcera ce déplacement vers l’est, Istanbul n’apparaissant plus comme l’extrêmité de l’Europe ou celle de l’Asie, mais une place centrale de l’Europe du Sud-Est. Dans cette configuration, on voit bien que les pays centraux de l’Europe se situent en position charnière, République Tchèque, Hongrie, sud-Pologne, mais aussi l’Autriche, déjà membre, bénéficient d’un positionnement stratégique au coeur de l’Euromernoire. n Cette retombée territoriale sur l’Europe est d’autant plus fondée que l’axe danubien représente le lien normal et privilégié entre les pays de la Mer Noire et l’Europe de l’Ouest et que les échanges actuels ou prévisibles entre les PMN et les pays européens montrent la part prépondérante de l’Europe du Nord-Ouest, en particulier de l’Allemagne. n La nouvelle frontière de l’Europe, que l’on ne peut encore préciser, dans l’espace et dans le temps, créera un ensemble d’espaces communs nouveaux que l’Union Européenne aura à prendre en charge, dans ses références, ses objectifs et ses actions : 4. Un nouveau littoral, celui de la Mer Noire. 5. Des liens de communication à l’échelle de l’Europe, nouveaux en structures et en intensité. 6. Des interfaces territoriaux privilégiés, à la rencontre du développement de l’Europe de l’Ouest et de celui des PMN. 7. Des zones transfrontalières nouvelles. 8. Un patrimoine environnemental élargi, à protéger et à valoriser. 167 9. Des équilibres territoriaux nouveaux à trouver, notamment par la prise en compte d’une politique d’aménagement du territoire élargie dans l’espace et les politiques régionales. B.3.1.2 Vers un espace « EuroMerNoire ? » Le déplacement du centre de gravité de l’Europe, l’intégration de nouveaux pays dans l’Union Européenne - après ceux de la « première vague » (Pologne, République Tchèque, Slovénie, Estonie...) – le processus d’intégration en cours d’autres pays tels que définis dans le scénario de référence, vont créer de fait un nouvel espace, lui aussi de référence. Cet espace, composite, correspond à une grande partie des Balkans, l’ouest de la Mer Noire et à une part non négligeable de la Turquie, et ce dans un premier temps, selon des perspectives envisagées dans le scénario de référence. A plus long terme, si l’évolution est positive, la configuration décrite dans le scénario ne s’achève pas avec lui. Ce scénario, non daté, représente une étape possible dans un processus d’extension vers l’est de l’influence de l’Union Européenne. Au delà du scénario de transition, qui concerne essentiellement l’ouest du bassin de la Mer Noire, c’est l’ensemble de la zone qui est impliqué. Soit par des procédures de pré-intégration à l’Union Européenne, soit par le seul jeu des marchés et des échanges que la proximité de la nouvelle frontière de l’Europe favorisera. Cet enjeu n’est pas neutre et cette référence n’est pas sans signification. De même que le concept d’Euroméditerranée est passé dans les faits, de même celui d’Euromernoire est riche de contenu car il sous-entend : 10. Qu’une zone économique existe dans cette région du globe, au moins potentiellement et qu’elle est émettrice et réceptrice d’échanges importants avec l’Union Européenne. 11. Que l’Europe ne s’arrête pas à des limites strictes pré-définies, même si les processus peuvent être plus longs, même si la plupart des économies de ces pays sont loin de correspondre aux normes communautaires. L’Euromernoire signifie pour les PMN que l’Union Européenne est une entité ouverte et disponible. 12. Que, dans ces conditions, ces pays peuvent faire valoir les efforts qu’ils entreprennent, les règles qu’ils s’imposent, les objectifs qu’ils s’assignent pour justifier de leur rapprochement avec l’Union Européenne. Parallèlement, la notion d’Euromernoire sous-entend que la discrimination de fait entre les pays dont l’adhésion est prévue et ceux qui ne peuvent aujourd’hui que l’envisager, ne sera pas porteuse de fractures territoriales trop larges. Le bassin de la Mer Noire, on l’a vu, est très hétérogène. Une vision globale des PMN, avec leurs singularités, mais aussi avec leurs particularités, est sans doute fructueuse pour rationaliser les politiques communautaires dans cette zone et pour préserver l’intérêt d’une cohérence économique minimale entre ces pays à plus long terme. 168 Cet espace Euromernoire, considéré en tant que tel, a des implications importantes en termes d’aménagement du territoire, de politiques régionales, de transports et communications et de gestion des zones sensibles. La carte de synthèse montre à l’évidence les interactions, leur intensité, leurs directions, entre l’Union Européenne et les Pays de la Mer Noire. Elle prend comme base les échanges prévisibles dans le cadre des hypothèses du scénario de référence. c’est dire qu’il est raisonnablement prospectif et vraisemblable. Elle représente, selon la grosseur des traits, les liens privilégiés de pays à pays entre l’Union Européenne et les PMN. Il apparaît clairement : 13. L’existence d’une « dorsale » Euromernoire dont l’axe principal, l’ossature relie la Turquie Occidentale et l’Est des Balkans d’une part à l’Europe du Nord-Ouest d’autre part, particulièrement les pays germaniques. La position de l’Europe Centrale est stratégique à ce titre. 14. La part que prend la Russie à elle seule dans ces flux, mais il faut relativiser ce poids au regard de la spécificité énergétique de ces échanges, ce qui fait qu’à la différence des autres ils concernent quasiment tous les pays d’Europe, sans direction privilégiée des flux. La Russie est un pays de la Mer Noire et il doit être pris en compte dans cette perspective, mais la carte de synthèse, sans la Russie, mettrait encore plus en valeur cette dorsale Euromernoire. 15. La différence considérable d’intensité des flux entre la partie sud et ouest de la Mer Noire, ce que l’on pourrait appeler la zone stratégique d’impact, et la partie nord et est (non comprise la Russie). Il est visible que si l’Euromernoire existe, le bassin de la Mer Noire lui-même est encore (en 2010) très différencié dans ses relations à l’Union Européenne. Ce constat ne peut que renforcer l’enjeu d’une approche globale de l’espace Mer Noire, pour assurer plus de convergence territoriale et de cohérence économique, bénéfiques tant pour ces pays que pour l’Union Européenne. 16. La mise en évidence, au sud de cette dorsale centrale, d’un lien fort, quoique moins important, entre le sud-est avec la Turquie et Chypre et le sud-ouest de l’Europe. Il s’agit d’un axe plutôt méditerranéen qui ne correspond pas aux mêmes impacts territoriaux dans les pays de l’Union Européenne. Il engage la Turquie, Chypre, la Roumanie, l’Albanie, la Bulgarie d’une part, comme PMN non communautaires et la Grèce et l’Italie d’autre part comme pays communautaires. De même que la Mer Noire peut représenter une « nouvelle frontière » pour l’Europe, de même l’émergence d’un espace Euromernoire s’impose avec les conséquences qu’il faut en tirer sur la gestion des espaces communs, les corridors de transports, la prise en compte du transfrontalier, la préservation du patrimoine environnemental, les enjeux d’aménagement du territoire, pour l’Europe et pour chacun des pays. 169 B.3.1.3 Les frontières et les zones transfrontalières Parmi les espaces communs les plus importants, figurent les zones transfrontalières, soit entre les Pays de la Mer Noire, soit entre les PMN eux-mêmes. Les instruments communautaires existent en ce domaine. On soulignera l’intérêt du bassin de la Mer Noire pour les objectifs assignés dans le cadre du Schéma de Développement de l’Espace Communautaire. Le concept fort est celui de coopération. Le SDEC met l’accent sur les coopérations transnationales, par delà les frontières des pays et sur les coopérations. Comme le souligne la Commission, si les programmes de coopération avec des pays tiers ne mentionnent pas explicitement l’aménagement du territoire, ils peuvent s’inspirer des options du SDEC dans différentes zones transnationales. Il va de soi que l’élargissement de l’Union Européenne va générer des enjeux communs pour l’Europe, enjeux qui vont se traduire dans l’espace. Les flux mis en évidence dans la carte de synthèse montrent que des problèmes transnationaux et de gestion transfrontalière se poseront. Les principaux concerneront les pays suivants : 17. La Grèce, tout d’abord, pays de l’Union Européenne, située à la fois dans l’Europe communautaire et dans la zone stratégique d’impact Euromernoire. Deux frontières très importantes pour elle : celle qui la sépare de la Bulgarie, et celle qui la sépare de l’Albanie. Roumanie et Bulgarie doivent intégrer l’Union Européenne. On mesure que la frontière avec la Bulgarie, jusqu’à présent, relativement peu ouverte, va devenir une « porte » au sein des Balkans, et ce d’autant plus que la partie nord de la Grèce, de Salonique à la frontière turque est la plus sensible aux enjeux de l’Euromernoire. Il est clair aussi que, dans la perspective d’une intégration de la Turquie, le couloir grécoturc constitue un axe transnational important. 18. La Roumanie et la Bulgarie, aux frontières de l’Union Européenne pendant la période qui séparera l’adhésion de ces deux pays et celle des pays d’Europe Centrale et Orientale, qui sera intervenue auparavant. C’est essentiellement la frontière hongroise qui sera concernée, d’autant plus que la Hongrie, dans la continuité de l’Autriche, sera localisée sur la dorsale Euromernoire, axe privilégié d’échanges. Dans la même logique, les frontières avec la Serbie et Fyrom. Ces deux pays sont situés à la charnière des voies principales qui, en toute logique territoriale, relieront le bassin de la Mer Noire et l’Union Européenne. 19. L’Ukraine et la Pologne, lorsque cette dernière aura adhéré, ont une frontière commune qui connaît déjà des échanges significatifs. L’ouest ukrainien et la ville de Lvov se tournent et se tourneront vers le sud de la Pologne, Cracovie et la Silésie et vers Varsovie et, au delà, Gdansk. 170 B.3.1.4 Les interfaces et les points d’appui du développement Gérer des espaces communs ne signifie pas seulement que ces espaces sont contigus ou appartiennent à une même entité territoriale, mais aussi qu’ils sont solidaires du point de vue de l’aménagement du territoire et qu’ils participent ensemble à de mêmes processus de développement. Cette dimension peut être interprétée dans le cadre des objectifs assignés par l’Union Européenne, notamment à travers le SDEC. Pour l’instant, et dans la perspective du scénario de référence, il faut mentionner les interfaces et les points d’appui, c’est-à-dire, pour l’essentiel, des villes, des aires urbaines ou des réseaux de villes particulièrement concernés par l’intensification des échanges Euromernoire. n Au sein du bassin de la Mer Noire, les interfaces majeurs seront d’abord les villes et ports des Balkans (Roumanie, Bulgarie, Grèce). L’orientation et la concentration des échanges entre l’Europe du Nord-Ouest et l’Europe du Sud-Est privilégieront les villes importantes de ces trois pays, plus particulièrement Bucarest, Sofia, Salonique au débouché oriental de l’axe Centre-Europe-Danube. Les ports de la façade ouest de la Mer Noire seront, eux aussi, très concernés (Constanta, Varna, Burgas). A un degré moindre, compte-tenu de la dimension du pays, on peut identifier le binôme formé de Tirana et de Durres en Albanie. n Au sein des pays de l’Union Européenne, deux zones apparaissent particulièrement sensibles à l’ensemble Euromernoire. La première, la plus importante, se situe en Europe Centrale, espace commun entre les débouchés est et ouest de l’axe principal Euromernoire. Elle correspond aux deux capitales que sont Vienne et Budapest auxquelles il faut ajouter Bratislava. Plus à l’ouest, le sud de l’Allemagne, notamment autour de Nuremberg, sera concerné. De façon générale, c’est l’armature urbaine d’Autriche, de Hongrie, du sud de l’Allemagne qui constituera un pivot pour les interfaces Euromernoire, ainsi que le complexe portuaire des Pays-Bas-Flandres, débouché naturel de la dorsale Euromernoire. La seconde zone regroupe l’ensemble de la Grèce, en position stratégique et le sud de l’Italie, tous deux sur l’axe secondaire, sud-méditerranéen de l’Euromernoire. Dans le cadre des objectifs d’aménagement du territoire, la problématique de développement doit être un élément à prendre en compte. Les attendus du SDEC vont dans ce sens. Ils encouragent le dynamisme nouveau de certaines « villes-portes » avec une attention particulière pour celles qui sont situées aux frontières extérieures de l’Union Européenne. 171 B.3.1.5 Le patrimoine naturel et environnemental L’environnement ne connaît pas les limites frontalières et il s’agit d’un domaine très sensible du bassin de la Mer Noire. La prise en compte d’une zone Euromernoire implique que l’environnement à cette échelle renvoie à une communauté d’espaces. Le Danube participe pour plus de la moitié à la pollution de la Mer Noire. C’est précisément le long de l’axe danubien que se met en évidence la dorsale Euromernoire. Le bassin du Danube constitue une unité environnementale qui concerne l’ensemble des pays d’Europe Centrale au débouché sur la Mer Noire. Outre les problèmes liés à la pollution, il faut citer ceux liés à la régulation des eaux, notamment aux effets liés aux projets de barrages comme ceux situés entre la Yougoslavie et la Roumanie, cette dernière devant faire partie de l’espace communautaire. Plus largement, la Mer Noire est géographiquement en Europe et à cheval sur deux continents. La pollution et la destruction de cette mer, sont un drame qui concerne l’Europe dans son ensemble et le bassin de la Mer Noire est un espace commun d’autant plus crucial que les PMN peuvent se rapprocher de l’Union Européenne et s’y intégrer. Avec la Mer Noire et son extension orientale, l’Europe prend en compte une vaste zone à très forte problématique environnementale. Enfin, le littoral de la Mer Noire va constituer, surtout à l’ouest, un lieu privilégié d’interactions terre-mer et le débouché oriental de la dorsale Euromernoire. Une stratégie régionale d’aménagement doit être envisagée sur cet « arc littoral », de la Turquie aux rivages de l’Ukraine. B.3.2 La gestion des concurrences : sensibilités territoirales L’orientation générale du scénario de référence dans le domaine des échanges est celle d’une ouverture accrue dans un contexte de croissance qui va se traduire par une augmentation importante des échanges. Le solde commercial actuellement excédentaire pour l’Union Européenne deviendrait déficitaire en 2010. L’augmentation des importations en provenance des PMN va introduire de nouvelles concurrences, ou des concurrences renforcées, au sein du territoire de l’Europe communautaire, certaines zones de production européennes vont devoir affronter ces produits des PMN, il y a donc certaines zones européennes plus que d’autres qui seront sensibles aux importations en provenance des PMN. Dans l’autre sens, les PMN vont offrir des débouchés accrûs, dans certains secteurs, pour les produits de l’Union Européenne. Certaines zones exportatrices européennes vont s’en trouver favorisées plus que d’autres, ce seront les zones sensibles aux exportations des produits vers les PMN, d’où le concept de sensibilité territoriale. Une analyse précise de ce phénomène aurait impliqué de travailler systématiquement sur des séries statistiques homogènes sur une certaine durée, avec une nomenclature de produits à deux chiffres, pays par pays (les 15 pays de l’Union Européenne avec les 11 PMN) et régions par régions. De telles données ne sont pas directement disponibles, les lacunes sont 172 considérables quant aux statistiques d’échanges au niveau des régions. Il faudrait effectuer une analyse détaillée à partir de chaque appareil statistique national. On a donc utilisé les statistiques disponibles au niveau national. B.3.2.1 Un impact global non négligeable Compte tenu des analyses précédentes des flux commerciaux entre l’Union Européenne et les PMN, ainsi que des perspectives 2010, on peut prendre comme hypothèse que les échanges Union Européenne -PMN représenteront, à peu près, 10% des échanges commerciaux de l’Union Européenne et près du quart des échanges extracommunautaires. L’impact sera donc très sensible, tant aux niveaux nationaux qu’aux niveaux régionaux ; bien entendu, cet impact sera différent selon les Etats membres et selon les produits. 20. Un impact modéré sur les zones agricoles de l’Union Européenne Les produits agricoles sont parmi ceux dont les échanges vont croître le plus modérément. Pour les PMN, une des premières exigences de l’accroissement de la production agricole sera la satisfaction des besoins internes plus que l’exportation. Le problème est plutôt inverse : celui d’éviter que les surplus alimentaires de l’Union Européenne viennent étouffer la reconstitution des marchés alimentaires des PMN. Si on ajoute les différences des sols et des climats entre la majorité des pays de l’Union Européenne et les PMN, il est vraisemblable que la concurrence des PMN sur les produits sera plutôt modérée. Les PMN vendront essentiellement à l’Union Européenne des fruits des légumes et du tabac en provenance de Turquie, de Bulgarie et de Roumanie à destination de l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Italie. La concurrence sur ces produits existe déjà, elle sera renforcée avec l’adhésion de la Bulgarie et la Roumanie, la Turquie et Chypre. En contrepartie, le développement des économies des PMN va offrir des débouchés accrûs aux pays européens, notamment pour la Grèce, l’Allemagne, l’Italie, avec comme clients la Roumanie, l’Albanie et Chypre. Il s’agira essentiellement de céréales, de viandes et de boissons alcoolisées, notamment la bière. Les zones européennes les plus sensibles aux flux d’importation seront celles de production de fruits et légumes spécifiques des PMN exportateurs, c’est-à-dire surtout les zones horticoles de Grèce, d’Italie, d’Espagne et de France. Au niveau des exportations, il faut souligner la position potentielle de la Grèce dans le commerce agro-alimentaire entre l’ Union Européenne et les PMN. Les zones européennes les plus sensibles aux flux d’importation seront limitées à celles ou sont localisés les unités de productions de cuirs et peaux, de bois, de pâte à papier. 21. Matières premières L’impact de la concurrence sur les produits de l’Union Européenne restera faible. Les PMN vendront essentiellement à l’Union Européenne, des cuirs et peaux, du bois, de la pâte à papier, des minerais, des pierres précieuses ou semi-précieuses. Les PMN exportateurs seront 173 la Russie, la Bulgarie, l’Ukraine, la Roumanie. En contrepartie, le développement des économies des PMN offrira des débouchés accrûs aux pays européens, notamment l’Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, en particulier vers la Turquie. 22. Pétrole et gaz La part de l’énergie dans les échanges Union Européenne / PMN sera de près de 15% en 2010. L’exportation de pétrole russe restera largement prépondérante, tous les pays de l’Union Européenne, à des niveaux variables, importeront du pétrole et du gaz russe. Il est clair que dans ce secteur très spécifique, les problèmes de concurrence ne se posent pas au niveau territorial. Il faut cependant envisager une concurrence entre les charbons russes, ukrainiens et roumains avec les charbon subventionnés, de l’Union Européenne, ce qui rendrait ces zones communautaires encore productrices de charbon sensibles à l’importation. 23. La concurrence dans les branches industrielles D’ici 2010, les PMN vendront à l’Union Européenne des produits de la chimie organique et inorganique, des produits pharmaceutiques, des engrais, des matières plastiques. En contre partie, l’industrie chimique européenne trouvera des débouchés vers les PMN. Seule une analyse plus fine, produits par produits, permettrait une localisation territoriale effective ce qui apparaît vraisemblable, c’est une concurrence réelle des PMN pour certains produits dans le secteur « chimie », sont donc sensibilisés aux importations les sites européens de production chimique, notamment de chimie lourde. 24. Les zones sidérurgique et textiles22 D’ici 2010, les PMN vendront à l’Union Européenne essentiellement : des produits et demiproduits sidérurgiques, notamment des produits laminés, des produits non-ferreux (cuivre, aluminium), des articles métalliques, des biens d’équipements mécaniques et électriques, des vêtements et accessoires du vêtement, des chaussures. En contre partie, l’industrie européenne trouvera des débouchés supplémentaires vers les PMN. La concurrence des produits PMN dans le domaine des produits manufacturés, en ce qui concerne la sensibilité aux importations concernera vraisemblablement en premier lieu : les sites sidérurgiques et métallurgiques et les régions textiles de l’Union Européenne. Pour la sensibilité aux exportations du secteur seront bien positionnés les sites, zones et régions se trouvant localisés en Allemagne et dans l’Europe méditerranéenne (Italie, Espagne, Grèce). 22 Ce secteur représentera plus du tiers des échanges en 2010. Là aussi, compte tenu de la diversité des produits, seule une analyse origine-destination produit par produit permettrait l’identification régionale de l’impact dû aux échanges de ce secteur. 174 25. Machines et matériel de transport Le secteur des machines et matériel de transports, notamment l’automobile, représentera près du quart des échanges entre l’Union Européenne et les PMN. Ce secteur comprend entre autres les machines-outils, la bureautique et les ordinateurs, les télécommunications, les appareils électriques, c’est-à-dire une bonne partie des industries dites de « pointe ». Jusqu’en 2010, la balance de ce secteur restera largement excédentaire pour l’Union Européenne, autrement dit la concurrence due à l’importation de produits PMN sera limitée, alors que les perspectives de débouchés vont s’accroître. D’ici 2010, les PMN vendront à l’Union Européenne essentiellement : des appareils électriques, des machines, des composantes pour automobiles (moteurs et pièces détachées). En contre partie l’industrie « high tech » européenne trouvera des débouchés supplémentaires vers les PMN. La concurrence des produits des PMN dans le secteur « machines et matériel de transports », en ce qui concerne la sensibilité aux importations, concernera vraisemblablement en premier lieu : les sites d’appareillage électrique, de construction de machines, et ceux liés à l’activité automobile (pièces détachées, moteurs, fournitures, etc ...). Pour la sensibilité aux exportations du secteur, seront bien positionnées les zones et régions se trouvant localisées dans le Nord-Ouest de l’Union Européenne. n En conclusion L’impact sur le territoire communautaire du développement des échanges avec les PMN sera plutôt modéré, dans les deux sens : impacts négatifs et impacts positifs. Les principaux secteurs d’activités qui seront concernés seront : n Les fruits et légumes. n Le tabac. n Les cuirs et peaux. n Le bois et le travail du bois. n La pâte à papier. n Le charbon. n La chimie « lourde ». n Sidérurgie et métallurgie. n Textile-habillement. 175 n Appareillage électrique. n Construction de machines. n Composants pour automobiles. n Les impacts négatifs sur le territoire de l’Union Européenne, en raison de la concurrence des produits des PMN sur l’appareil productif des régions d’Europe, concerneront : 26. Les zones horti-fruticoles de l’Europe méditerranéenne (Grèce, Italie, France, Espagne). 27. Les régions houillères. 28. Les zones et sites accueillant des activités relatives aux cuirs et peaux, du bois et au travail du bois, à la production de pâte à papier. 29. Les sites de chimie lourde. 30. Les sites sidérurgiques et métallurgiques. 31. Les régions textiles. 32. Les sites d’appareillage électrique, de construction de machines, de composants automobiles. n Les impacts positifs sur le territoire de l’Union Européenne, en raison des nouveaux débouchés offerts aux appareils productifs régionaux concerneront particulièrement : 33. La Grèce, notamment sur le plan agro-alimentaire, plus particulièrement les activités de négoce. 34. Les régions industrielles du Nord-Ouest de l’Europe, en particulier les régions allemandes, 35. Les régions industrielles méditerranéennes, en particulier en Italie et en Grèce. B.3.2.2 Avantage comparatifs et delocalisation La moyenne des salaires des PMN de la transition est plus faible que celles des PECO. On peut donc en déduire qu’il existe une incitation à délocaliser les industries de main d’oeuvre des pays de l’Union Européenne vers les PMN, notamment les plus proches : la Bulgarie et la Roumanie. En fait, la prise en compte de salaires moyens n’est pas le seul facteur pris en considération dans les décisions de transferts d’activités hors Union Européenne. Il y a tout l’environnement économique : sécurité des biens et des personnes, système bancaire fiable, des moyens de communications fiables, possibilités rapides et satisfaisantes d’accès aux 176 marchés, etc .... Sur ces derniers facteurs, les pays de la transition, en particulier ceux de la CEI, présentent des conditions tout à fait insuffisantes. Aussi, les transferts d’activités liés au jeu des avantages comparatifs liés aux salaires sont restés pour le moment limités entre l’Union Européenne et les PMN de la transition. Ce phénomène est d’ailleurs confirmé par la faiblesse des investissements productifs directs des pays de l’Union Européenne dans les PMN. Il n’en demeure pas moins que si les conditions de l’environnement économique s’améliorent sensiblement, le différentiel des salaires persistant vraisemblablement, une augmentation de tels transferts n’est pas à exclure, notamment vers la Roumanie et la Bulgarie. En fait, les transferts d’activités entre les pays de l’UE et les PMN peuvent revêtir trois formes qui obéissent à des logiques économiques différentes. 36. Les filiales Il s’agit essentiellement des grands groupes qui créent au sein des PMN des filiales avec pour principal objectif de s’implanter dans ces marchés émergents, voire comme certaines implantations en Turquie d’utiliser l’implantation dans les PMN comme plate-forme régionale (Moyen et Proche-Orient, CEI d’Asie) de production et de distribution. 37. Les délocalisations Il s’agit du transfert pur et simple d’activités localisées dans les pays de l’UE sur le territoire des PMN en raison des avantages comparatifs liés au niveau des salaires. On manque d’informations fiables sur ce type de délocalisation. Certes, un tel phénomène s’est produit mais il semble n’avoir connu qu’une envergure limitée n’ayant pour le moment que peu d’impact sur le territoire communautaire. 38. Le perfectionnement Il s’agit d’une forme de sous-traitance. Le processus de perfectionnement repose aussi sur les avantages comparatifs, il concerne essentiellement les industries textiles et dans une moindre mesure les industries électriques et électroniques. En Bulgarie, la sous-traitance et le travail à façon ne cessent de se développer en raison de la qualité des installations de production dont la plupart ont été confiées au secteur privé, la confection occupe une place grandissante. La sous-traitance se développe aussi dans le secteur de l’électronique/informatique, notamment dans l’assemblage des matériels, les perspectives de développement de ce type d’activités sont réelles compte-tenu du bas prix de la main d’oeuvre et de ses compétences. On observe les mêmes processus en Roumanie. Dans l’ensemble, quelles que soient les modalités de transferts ou de créations d’activités, les flux de délocalisation, de perfectionnement de l’Union Européenne vers les PMN restent encore limitées et concernent surtout la Bulgarie, la Roumanie. Plusieurs phénomènes devraient limiter à l’avenir l’envergure de ces flux : 177 1°) le différentiel des salaires va tendre à diminuer les implantations d’activités liées aux niveaux de salaires, et celles-ci souvent volatiles, vont chercher d’autres pays d’accueil que les PMN, peut-être la CEI. 2°) Ce phénomène ne s’applique qu’aux activités de main d’oeuvre, dans les phases de montage et/ou d’assemblage, et dans ce domaine beaucoup de pays de l’Union Européenne, notamment dans le textile et l’électronique, ont déjà -en partie- connu de tels flux. Certes d’autres transferts sont possibles, mais ils devraient rester limités. Toutefois, compte-tenu des différentiels existants, un potentiel de transfert et de délocalisation existe, il faut en tenir compte quant aux impacts sur le territoire européen, notamment sur certaines régions productrices. B.3.3 La gestion des flux A partir du moment où l’on peut considérer l’Euromernoire comme un ensemble, sinon cohérent, du moins convergent quant aux échanges économiques et humains, pour l’Union Européenne il est important de prendre en compte les flux nouveaux qui seront engendrés par le rapprochement Union Européenne-PMN. L’observation des flux commerciaux entre PMN et pays de l’Union Européenne, à échéance 2010, montre une intensification et une orientation assez nette des flux. Ceux-ci seront liés aux échanges de biens, mais peuvent aussi concerner les mouvements de personnes, notamment les migrations entre pays, ou entre espaces différents au sein même des pays. B.3.3.1 Rappel du scénario de référence Ce scénario retenu comme base possible des évolutions entre l’Union Européenne et les PMN intègre un accroissement sensible des échanges extérieurs.. On ne peut dire que le sens et l’orientation des flux seront bouleversés, c’est plutôt en intensité et en origine-destination qu’ils connaîtront des modifications sensibles, et ce pour plusieurs raisons : 39. La part de l’Union Européenne dans les échanges avec la Mer Noire tiendra à croître du fait de l’adhésion de la Bulgarie, de Chypre, de la Roumanie et de la Turquie, mais aussi du rapprochement des autres pays de la Mer Noire. 40. Le centre de gravité de l’Europe se trouvera ainsi déplacé vers l’est ou, à tout le moins, les échanges et les transports s’intensifieront nettement plus vers le centre du continent et l’est des Balkans. 41. On pourrait voir émerger progressivement un espace commercial à l’est de la Mer Noire avec la Turquie, le Caucase, l’Iran. 178 42. La Turquie, de par son poids et son développement attendu, sera plus émettrice et réceptrice d’échanges avec l’Europe toute entière et l’Europe méditerranéenne. Dans ce scénario, se constituera une zone stratégique d’interface et d’impact Euromernoire dans la partie ouest du bassin de la Mer Noire, au débouché de la dorsale continentale qui reliera l’Europe du Nord-Ouest à l’Europe du Sud-Est via l’Europe Centrale, et aussi sur l’axe sud-méditerranéen de l’Italie du Sud à la Turquie, via l’Albanie et la Grèce. Cette zone stratégique pour la gestion des flux regroupe l’ouest de la Turquie et la première agglomération d’Europe qui sera Istanbul, la Grèce dans son ensemble, interface de premier ordre entre l’Europe et la Mer Noire, et la Roumanie et la Bulgarie au coeur de l’espace Euromernoire. En ce qui concerne les flux de personnes, le scénario de référence admet que l’assainissement et la modernisation des structures économiques se traduiront d’abord par des licenciements, des réductions d’effectifs, donc des pressions sur les marchés du travail, c’est-à-dire des incitations migratoires. Des flux migratoires devraient donc se manifester, compte-tenu du différentiel de développement que va entraîner la « nouvelle frontière » de l’Europe. Il faut cependant rappeler que ce scénario est « de transition » et qu’au delà de la phase transitoire, les processus de développement à l’oeuvre dans les PMN devraient réduire les tendances à l’émigration et stabiliser les flux. B.3.3.2 La gestion des flux migratoires Du point de vue des logiques inhérentes aux structures démographiques, les démographes s’accordent à penser que vers 2015-2020, les flux migratoires en provenance des pays de la Mer Noire devraient se tarir. Certes, selon le niveau de développement de ces pays, cette prévision est plus ou moins fondée, et plus ou moins à court terme. Ce sont les deux prochaines décennies qui vont être les plus cruciales. Les tendances ou incertitudes les plus notables du point de vue de l’Union Européenne sont les suivantes : n Trois pays de l’Union Européenne sont particulièrement sensibles aux faits migratoires. L’Allemagne compte quatre millions d’étrangers, le déplacement du centre de gravité de l’Europe vers l’est place les pays « germaniques » en première ligne des pressions migratoires. Là aussi, la dorsale Euromernoire existe et l’axe centre-européen peut canaliser les courants de population. Comme l’Allemagne, l’Autriche est un réceptacle naturel des immigrations. L’autre pays sensible est la Grèce. De pays d’émigration, elle est devenue pays d’immigration. 500 000 Albanais y ont trouvé refuge. D’autres migrants utilisent le territoire grec pour se redistribuer dans l’Europe. On ne peut sous-estimer les mouvements de population spontanés trouvant leur origine en Bulgarie et Roumanie, pays qui doivent intégrer l’Union Européenne, à plus ou moins brève échéance. La Grèce, jusqu’ici, a fait face à l’afflux migratoire, compte-tenu de son développement soutenu. Des tendances se font jour toutefois en 179 Grèce pour limiter le niveau de l’immigration. Ceci est le « revers de la médaille » de la position stratégique du pays dans l’espace central de l’Euromernoire. n La Roumanie est le pays de la Mer Noire qui peut poser le plus de problèmes à l’Union Européenne du fait de ses difficultés actuelles à redresser son économie. On ne peut dire que le mouvement qui a porté vers l’ouest des centaines de milliers de Roumains soit tari. L’incertitude demeure quand on sait que la population roumaine d’âge actif sera stable jusqu’en 2015. n La Turquie ne pose pas de problèmes nouveaux que l’on ne connaisse déjà. Ce pays sera le plus peuplé du bassin de la Mer Noire et le second de l’espace Euromernoire après l’Allemagne. Il risque de subir de fortes pressions à l’émigration à cause de l’augmentation considérable de sa population active dans les 20 ans à venir. Les déséquilibres territoriaux, la dégradation de vie dans certains milieux urbains, la crise aiguë de l’emploi poussent vers le départ. La Turquie, géant démographique à l’échelle du bassin de la Mer Noire (et de la Méditerranée) est aussi un géant migratoire en puissance. L’aménagement du territoire en Turquie est un enjeu décisif de la maîtrise de ses flux migratoires. n L’urbanisation posera des problèmes à l’équilibre des flux. L’exode rural caractérise l’ensemble des pays de la Mer Noire et le développement de l’urbanisation n’est pas achevé. Si elle semble approcher ses limites en Grèce, Chypre, Russie et Ukraine, la situation est toute autre dans le reste du bassin. Les difficultés économiques de la Roumanie, de la Bulgarie, de l’Albanie, le développement de la Turquie, les crises non résolues risquent de provoquer des flux importants de populations rurales à la recherche de sécurité ou de meilleures conditions de vie en ville. L’évolution démographique, de ce point de vue, renvoie, là aussi, à une problématique fondamentale d’aménagement du territoire dans laquelle l’Union Européenne peut jouer un rôle stimulateur et exemplaire. n L’incertitude demeure sur les facteurs géopolitiques. Cette étude ne s’appuie pas sur les données géopolitiques et le scénario de référence ne les prend pas en compte. Toutefois, on ne peut en faire totalement abstraction, car de la résolution des conflits et dissensions dépend la plus ou moins grande vulnérabilité de certaines populations et la plus ou moins grande rapidité des pays à émerger de la crise. En Turquie, le problème kurde demeure, précisément, dans une région à forte croissance démographique. Dans l’ex-URSS, les revendications territoriales s’expriment à la faveur de la libéralisation. Quant au Caucase, il est loin d’avoir dépassé son émiettement territorial et ethnique. C’est dire que de l’action qui peut être menée en faveur des processus d’apaisement des conflits dépend, pour une part, les tendances de certaines populations au départ, vers les pays de l’Union Européenne. 180 B.3.3.3 La gestion des echanges La mise en évidence des principaux courants d’échanges entre les PMN et les pays de l’Union Européenne montre que les flux vont s’accroître et qu’ils vont se concentrer sur quelques itinéraires privilégiés et quelques plates-formes en situation nodale. C’est un nouvel espace de référence logistique qu’il va falloir prendre en compte c’est-à-dire devoir gérer l’ensemble des conditions d’acheminement des biens et des personnes d’un point à un autre de l’ensemble Euromernoire. Deux domaines sont à privilégier dans la gestion des flux de transports : les corridors et les plates-formes d’échanges et les corridors. 43. Les plates-formes d’échanges Elles seront localisées aux intersections et croisements des voies de communications ou correspondront aux interfaces entre différentes zones ou différents modes de transports. L’observation de la dorsale Euromernoire montre qu’un nombre relativement restreint de sites seront privilégiés à l’échelle des échanges continentaux. On peut certes identifier nombre de points situés au croisement de routes d’importance nationale, mais ce qui importe c’est de définir les « portes » de l’Euromernoire, les lieux principaux de transit et d’échanges. Ce seront, essentiellement : n Istanbul Plaque tournante de la Mer Noire et du double interface : Europe-Asie d’une part, Mer NoireMéditerranée d’autre part. La dimension de l’aire urbaine et son contrôle du Bosphore en font le centre premier du bassin de la Mer Noire. Toutefois, la ville ne sera pas localisée au centre de ce que l’on peut appeler la zone stratégique Mer Noire (Bulgarie, Roumanie, Grèce). Par ailleurs, Istanbul n’est pas un grand port, du moins pas un port à la hauteur de son poids démographique et économique. Son acheminement vers l’Europe est terrestre, son développement portuaire est restreint, son hinterland est limité à une partie de la Turquie et de la Mer Noire et le Bosphore présente des contraintes considérables. C’est sans doute dans le domaine aérien qu’Istanbul jouera un rôle important. Elle a vocation à devenir le « hub » du bassin de la Mer Noire. n La Grèce Le pays, dans son ensemble, est à même d’assumer la fonction d’intermédiation entre différentes logiques économiques et territoriales qui s’appliquent à l’espace Euromernoire. La Grèce est à la fois le bastion avancé de l’Union Européenne dans cette zone, mais aussi le pays le plus développé du bassin de la Mer Noire, tournée résolument vers l’ouest. Elle se situe au débouché des couloirs Europe Centrale-Mer Noire, au contact immédiat de la Roumanie et de la Bulgarie, elle est la place centrale des Balkans tout en participant de l’économie méditerranéenne. C’est, bien sûr, sur sa côte orientale que l’enjeu Mer Noire est le plus manifeste. Salonique et Athènes, et sans doute Volos sont des villes portuaires très bien 181 situées, en tout cas plus flexibles que le site d’Istanbul. En outre, le niveau de développement économique et technologique atteint par la Grèce l’autorise à envisager de devenir la véritable plate-forme logistique de l’Euromernoire, c’est-à-dire produisant de la valeur ajoutée en termes de services et prestations de haut niveau pour un espace d’échanges qui ne se résume pas à la seule interconnexion d’infrastructures. n Le triangle Belgrade-Bucarest-Sofia Constitué des trois capitales aux portes de la zone stratégique Mer Noire. On peut, sans trop d’erreurs, estimer qu’une grande partie des flux transiteront par les zones centrées autour de ces villes ou réparties le long des axes qui les relient. Ceux-ci sont encore médiocres. Un travail important est à accomplir pour que cette esquisse d’armature urbaine de niveau sub-continental voit le jour et assure sa fonction de concentration-redistribution. Belgrade, n’est pas dans le bassin de la Mer Noire, mais il est évident que sa situation doit être pris en compte dans le cadre de l’Euromernoire. n Tbilissi A un degré moindre, dans la gestion des lieux d’échanges, il faut mentionner Tbilissi pour le Caucase, seule ville en position carrefour réelle. Kiev est une agglomération importante, mais relativement excentrée par rapport à la Mer Noire. n Les ports Les ports devront retrouver un rôle essentiel dans la gestion des flux en Euromernoire, d’autant plus qu’ils sont sous-représentés dans la zone. La Mer Noire n’a pas développé son littoral au niveau de la population des pays riverains et les trafics intra-Mer Noire n’ont pas, jusqu’ici, suscité de grandes vocations maritimes. Si la géographie semble positionner les ports du littoral Mer Noire, au débouché danubien, comme les mieux appropriés à répondre à l’accroissement des flux, le raisonnement mérite d’être nuancé. La dorsale Euromernoire se distribue entre Moldavie et Grèce, sur la Mer Noire, mais aussi sur la Méditerranée. Les trafics de la zone avec le reste du monde tendraient plutôt à favoriser les ports de Grèce. Salonique est très bien situé au centre des logiques balkaniques, à proximité de deux pays qui doivent intégrer l’Union Européenne : la Roumanie et la Bulgarie. Athènes, bien que le port du Pirée ne présente pas une grande flexibilité, est le premier, au sud sur les voies Méditerranée-Mer Noire, bien avant le Bosphore et les ports de Bulgarie et de Roumanie. Volos, autre port grec, peut s’affirmer comme une alternative intéressante. Les ports bulgares et roumains ne peuvent que tirer profit d’un accroissement des échanges, mais ils ne sont pas nécessairement les mieux placés pour les trafics au long cours. Constanta bénéficiera d’une rente de situation au sortir des bouches du Danube. Burgas et Varna sont promis à une croissance des trafics, mais à un degré certainement 182 inférieur à Constanta. Il faut comprendre, semble-t-il, que le trafic Mer Noire, par lui-même, n’est pas un enjeu déterminant. Les relations entre les PMN sont encore trop faibles, les économies encore trop fragiles pour faire décoller les flux internes. De ce point de vue, les distances de navigation, le passage du Bosphore, l’hinterland des ports bulgares et roumains est favorable aux avantages comparatifs dont disposent les ports grecs. Les autres ports de la zone sont moins importants, stratégiquement, pour notre problématique. Novorossijk est le premier port, mais il est étroitement lié au marché russe et n’est pas réellement un port de l’Euromernoire. Odessa bénéficie des trafics de transit russes, mais il ne fonctionne plus qu’à 50% de ses capacités et lui non plus n’entre pas dans les enjeux directement Euromernoire. Les ports géorgiens (Batoumi et Poti) ont des possibilités, notamment avec la construction d’un nouveau terminal pétrolier, mais reflètent un hinterland caucasien peu étendu et peu développé. Quant à Izmir, son trafic équivaut à celui d’Istanbul, mais il présente des insuffisances en termes d’accès pour les portes-conteneurs. 44. Les corridors et les axes L’impact de l’Euromernoire sur les axes de transports portera sur les corridors définis à Helsinki, mais avec des nuances, non pas sur le bien-fondé des corridors, mais sur les priorités au sein de ces corridors. Du point de vue de la coopération en Europe et d’une meilleure intégration entre les PMN et l’Union Européenne, l’accent doit être mis sur la zone stratégique Ouest Mer Noire, l’interconnexion centrale en Europe, le désenclavement des villes pouvant former l’armature urbaine, les liens avec le littoral et les ports, la pratique de l’intermodalité. Les liaisons prioritaires pour l’Euromernoire paraissent être les suivantes : a. L’axe Vienne-Brastislava-Budapest, vers le littoral Mer Noire-Mer Egée, via les capitales Bucarest, Sofia, Skopje Cet axe routier et ferroviaire correspond à une partie du corridor IV et ses variantes. Il correspond aussi au corridor VII concernant le Danube. C’est à partir de l’espace austrohongrois que se distribueront les voies desservant les interfaces prioritaires de la Mer Noire. n Vienne-Budapest-Arad-Bucarest-Constanta. n Vienne-Budapest-Belgrade-Sofia-Burgas. n Vienne-Budapest-Belgrade-Skopje-Salonique. Ces axes sont majeurs. Ils doivent être renforcés au plan routier. Tout ce qui concerne le ferroviaire sur ces axes doit être renforcé. Ils constituent la trame centrale de la dorsale Euromernoire. Fer, route et fleuve doivent converger pour favoriser la multimodalité et relier au mieux l’arc littoral ouest Mer Noire, les capitales balkaniques et l’axe central européen. 183 Dans sa partie sud, cet axe correspond au corridor X. La structuration de la dorsale Euromernoire passe donc par la convergence de priorités incluses dans les corridors IV, VII et X. b. L’axe Sud-Méditerranée Il relie le sud de l’Italie à la Turquie et à la zone stratégique ouest Mer Noire. Il s’articule à l’Italie du Sud. Il concerne l’Albanie pour laquelle la situation est difficile. Le corridor VIII, auquel il correspond le mieux, relie Tirana à Skopje et Sofia, puis Burgas et Varna, mais cette liaison est plus virtuelle que réelle, compte-tenu des déterminants géographiques et des niveaux d’échanges. L’enjeu est de mieux relier l’Albanie aux PMN mais aussi de mieux structurer l’axe Igoumenitza-Salonique (et Athènes)-Istanbul avec un itinéraire alternatif vers Sofia et Burgas. c. L’axe Nord-Sud L’organisation générale des échanges Euromernoire se fera essentiellement dans le sens estouest. L’aménagement du territoire et la structuration de la zone stratégique ouest Mer Noire supposent que soient mieux reliées les grandes villes qui constituent une armature potentielle aux portes de l’Europe. Cet axe va de Kiev à Chisinau et Bucarest puis vers Sofia et Salonique d’une part, vers le littoral, Burgas et Istanbul d’autre part. 184 C ENJEUX ET PERSPECTIVES C.1 Enjeux et perspectives démographiques n La puissance démographique turque En 2025, la Turquie sera après la Russie, mais devant l’Allemagne la 2ème puissance démographique européenne avec 85 millions d’habitants. Sa structure de population sera plus jeune, plus active que celles des populations de l’actuelle Union Européenne. L’existence d’un état démographiquement puissant et dynamique n’est jamais sans conséquence pour ses voisins : l’Union Européenne dans le cas de la Turquie. Les conséquences sont démographiques (potentiel migratoire), économiques (marché : offre, demande) et politiques. L’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne ne concerne pas un Etat de quelques millions d’habitants, mais un Etat qui atteindra 75 millions d’habitants en 2010. Par son seul poids démographique, la Turquie constitue un partenaire incontournable pour toute recherche d’une politique Euromernoire. n Des puissances vieillissantes Au delà des écarts de croissance constatés, le bassin de la Mer Noire se caractérise globalement par un net ralentissement de la croissance de la population. C’est particulièrement net pour les quatre principaux PMN de la transition qui amorcent un mouvement à la baisse de leur population : Russie, Ukraine, Roumanie, Bulgarie. Baisse de la nuptialité, baisse de la fécondité, baisse de la natalité enclenchent un mouvement de régression démographique qui va se traduire par un vieillissement de la population. Là aussi, les conséquences d’un tel phénomène sont démographiques (accroissement des inactifs), économiques (poids des pensions et retraites, équipements du 3ème âge, ...) et politiques; n Vers un solde migratoire nul en 2015, les conditions économiques et politiques En ne prenant en considération que les variables démographiques, le solde migratoire des PMN tendrait vers son annulation d’ici 2015. Si l’on ajoute à ce constat celui souligné par l’enquête de l’OIM23, que la majorité des populations souhaitent rester dans leur pays si elles ont du travail, on peut en conclure que le potentiel d’émigration des PMN vers l’UE aura une tendance naturelle à se résorber. Ce n’est donc pas la pression démographique qui alimentera des flux migratoires importants. 23 Organisation Internationale des Migrations (OIM). 185 Ce constat, plutôt positif, doit cependant être nuancé par deux autres observations : 1°) La persistance de la pression économique Lorsqu’on ne trouve pas de travail dans son pays on émigre, quelque soit le sens des évolutions démographiques. Le phénomène se trouve amplifié dans le cas où, même dans un contexte de stagnation ou régression démographique, le nombre des actifs continue d’augmenter du fait des croissances démographiques des périodes antérieures. A ce croît naturel des actifs s’ajoute le mouvement migratoire lié à l’exode rural. Le schéma classique de l’actif quittant sa zone rurale est d’abord son installation dans les villes ou agglomérations de son pays, et -éventuellement- dans une deuxième phase, le départ vers l’étranger. Or, le potentiel d’actifs ruraux susceptibles d’émigrer reste élevé dans certains PMN : l’Albanie l’impact s’est fait sentir en Grèce et en Italie- et surtout la Turquie. Ces flux migratoires ne peuvent être maîtrisés que si on offre des emplois aux nouveaux actifs, donc si les pays émetteurs connaissent une croissance soutenue et saine. Pour l’UE, la maîtrise des flux migratoires en provenance des PMN passe d’abord par l’aide au développement économique. Compte-tenu de la faible pression démographique, voire de son absence, un tel objectif est accessible. 2°) Les incertitudes liées aux pressions politiques Les conflits internes ou inter-étatiques dans les PMN ont provoqué d’importants déplacements de population : Turquie, Albanie, Arménie Azerbaïdjan, Géorgie ... Les conflits actuels ne sont pas tous apaisés et les potentiels de conflits nouveaux ne sont pas à éliminer, les risques de la pression politique sur l’accroissement des flux migratoires vers l’Union Européenne ne sont pas négligeables. La solution pour l’Union Européenne, c’est son intermédiation diplomatique pour des solutions négociées, non seulement pour maintenir une certaine stabilité politique à ses frontières, mais aussi pour tarir les sources de nouveaux flux de migrants. Aide économique, intermédiation diplomatique constituent les instruments de l’Union Européenne pour sa politique de maîtrise des flux migratoires en provenance des PMN. 45. Les enjeux urbains Il semble que l’on assiste à la fin de la concentration urbaine autour de la Mer Noire, ou tout au moins à un fort ralentissement. Cependant, le jeu des tendances démographiques et migratoires antérieures va amener certaines villes à connaître une croissance forte de leur population : Istanbul, Ankara, Izmir, Bakou, Bursa, Adana, et dans une moindre mesure : Dniepopetrovsk, Tbilissi, Erevan, Chisinau. Il s’agit surtout d’un problème turc et caucasien. Les problèmes d’équipements urbains (logements, réseaux viaires, transports en commun, 186 assainissement) seront très aigus. L’aide de l’Union Européenne serait particulièrement opportune et indiquée, notamment pour Istanbul, métropole de la Mer Noire. Pour les autres centres urbains de la Mer Noire comme Odessa, Bucarest, Sofia, Krasnodar, Constanta, Burgas, les besoins sont les mêmes bien que faiblement liés à la pression démographique, mais surtout à la dégradation, l’obsolescence, voire l’absence des équipements publics urbains nécessaires. 46. Les sensibilités européennes spécifiques Dans le cadre des problèmes d’ensemble posés par les flux migratoires entre l’UE et les PMN, il faut attirer l’attention sur : 1°) L’émigration turque : Le potentiel restera très élevé, au moins jusqu’en 2010. Son impact ne se limitera pas au territoire allemand, mais s’étendra à l’ensemble de l’UE, comme cela est déjà le cas. Une politique coordonnée de l’UE au regard de ce flux paraît souhaitable. 2°) Le cas roumain : C’est la difficulté de la Roumanie à trouver les chemins de la croissance, avec le problème de ses minorités qui risquent d’alimenter des flux migratoires déjà non négligeables vers l’Europe, toute l’Europe et pas simplement l’Allemagne et l’Autriche, d’autant plus que la Roumanie est, par sa population, le deuxième Etat des PECO. L’Union Européenne devra porter une attention toute particulière sur ce point dans sa politique d’aide à la Roumanie. 3°) Les pays européens d’accueil : Allemagne, Italie, Grèce n L’Allemagne est à la charnière de l’Europe Occidentale, de l’Europe Centrale et Orientale, de l’espace des PMN. Elle est donc particulièrement sensible aux flux migratoires et donc directement concernée par les perspectives dégagées ci-dessus. n L’Italie est aussi très concernée, et il s’agit là d’un pays européen qui n’a pas une « tradition » d’immigration. Cela concerne l’émigration albanaise mais aussi roumaine. n La Grèce, pays d’émigration jusque dans les années 70, est devenue, à la fin de cette décennie, pays d’accueil, et ce de façon soutenue. D’autres migrants que les Albanais utilisent le territoire grec comme « tremplin » ou « entonnoir » vers celui du reste de l’Union Européenne, en particulier les Kurdes et les Asiatiques du sud-est (Philippins, Sri-Lankais). La Grèce a, pour l’instant, bien accueilli ces nouveaux arrivants. Son propre développement lui permet de faire face pour le moment à une immigration qui compense, dans l’immédiat, et pour certains secteurs d’activités ses propres déficits de main d’oeuvre. Rien n’indique cependant que ce comportement se poursuive, si un chômage élevé devait un jour la concerner ou si le flux des migrants continuait d’augmenter. 187 C.2 Enjeux et perspectives économiques Quatre enjeux pour Union Européenne en Mer Noire : stabilisation macro-économique, cohésion sociale, partenariat économique, partenariat politique. C.2.1 La stabilisation macro-économique La mondialisation, la prépondérance absolue de l’économie de marché, la multiplicité des interdépendances entre Etats, la constitution de blocs régionaux économiques d’abord, parfois politiques ensuite, autant de processus qui établissent entre les états voisins de profondes solidarités de fait. C’est le cas entre l’Union Européenne et les PECO, c’est aussi le cas entre l’Union Européenne et les PMN dans leur ensemble. Après le choc de 1990 et les violentes turbulences qui ont suivi, il est indispensable pour l’équilibre durable de la société européenne que les PMN, en particulier ceux de l’ex-bloc socialiste, s’engagent sur la voie durable de la stabilisation macro-économique. Cet enjeu global pour l’Union Européenne passe par : n La réussite de la transition. n La restructuration économique et institutionnelle. n En ce qui concerne la transition Il faut distinguer quatre situations des PMN par rapport à ce processus : 1°) Les PMN pour lesquels le processus de transition ne se pose pas ou plus : Chypre, Grèce, Turquie. 2°) Les PMN pour lesquels la transition paraît effectivement engagée : Bulgarie, Roumanie. Après la crise de 1996, la Bulgarie semble avoir non seulement réussi sa stabilisation macroéconomique, mais elle apparaît comme le PMN le plus avancé dans la seconde phase de transition. La situation de la Roumanie est plus préoccupante, notamment dans le domaine de la politique de gouvernance et de restructuration des entreprises. C’est dans la mise en oeuvre de cette 2ème phase que l’aide de l’Union Européenne sera fondamentale. Les violences et les tensions que suscite en Roumanie la restructuration du secteur minier illustrent les difficultés qui attendent les responsables roumains; 3°) Les PMN qui, après avoir bien progressé dans la première phase, semblent connaître des difficultés sérieuses pour mettre en oeuvre la seconde phase : l’Albanie, la Géorgie, l’Arménie et la Moldavie. 188 4°) Les PMN où la transition a pris un tel retard, en particulier dans la 2ème phase, où les blocages ou/et les retours en arrière se multiplient, qu’on peut se demander si le processus de transition tel qu’il a été conçu, notamment par le FMI et la Banque Mondiale, selon un véritable « modèle de transition », est applicable à ces pays. Il s’agit de l’Azerbaïdjan, de l’Ukraine et surtout de la Russie. On peut estimer que la situation en Azerbaïdjan n’est pas irrattrapable compte-tenu de l’engagement tardif des réformes par les autorités azerbaïdjanaises; Quant à l’Ukraine, elle connaît les mêmes types de problèmes structurels que la Russie, mais un seuil en-dessous, elle a réussi à surmonter, pour le moment, l’impact de la crise russe de 1998. Le cas russe est de loin le plus préoccupant et la question de l’adéquation du modèle de transition actuel à l’économie et à la société russe se pose sans équivoque. L’aide européenne, pour la Russie mais aussi pour l’Ukraine et l’Azerbaïdjan, gagnerait certainement à suggérer des trajectoires alternatives pour cette transition, n En ce qui concerne la restructuration Elle se situe aux niveaux productif et institutionnel : § Au niveau productif Les PMN de la transition, mais aussi dans une certaine mesure la Grèce et la Turquie en ce qui concerne l’agriculture, sont engagés dans une phase nécessaire de restructuration de leur appareil de production : modernisation de l’agriculture, modernisation de l’appareil de production industrielle, création d’un secteur moderne de services, notamment dans la banque et la distribution. La restructuration industrielle constitue un enjeu majeur pour les poids lourds de la transition qui ont hérité des systèmes socialistes un appareil de production dégradé et obsolète : la Russie, l’Ukraine, la Bulgarie et l’Azerbaïdjan. Pour ces pays, les problèmes futurs de développement passent nécessairement par la reconversion, la restructuration et la modernisation de leur appareil industriel qui constitue encore la base de leur économie réelle. Quatre PMN ont un secteur agricole plus important que leur secteur industriel. Pour deux d’entre eux : la Moldavie et la Géorgie, il s’agit d’un réel potentiel agricole (hortifruticulture, vins, ...), pour les deux autres : Albanie et Arménie, il s’agit plus d’une agriculture de subsistance. Pour ces PMN, le renforcement initial de l’agriculture conditionne le renforcement de leur économie. Il est de l’intérêt de l’Union Européenne d’accompagner ce processus de restructuration des économies des PMN de la transition, notamment : 189 47. La reconversion industrielle et le développement d’industries « high tech ». 48. La réforme agraire : la privatisation des terres et des exploitations agricoles et la modernisation de l’agriculture. 49. L’assainissement du tertiaire, notamment dans le secteur d’Etat, avec la mise sur pieds de systèmes bancaires et de systèmes de distribution modernes et efficaces. § Au niveau institutionnel La tâche est considérable et sa réussite conditionne la réussite des autres réformes, l’aide de l’Union Européenne peut être déterminante dans ce type d’action qui paraît prioritaire. Il s’agit surtout et avant tout pour l’Union Européenne d’aider les PMN de la transition à reconstruire l’Etat et son administration. Cela passe par : 1. La création d’une administration d’Etat moderne et compétente en lieu et place du système bureaucratique actuel. 2. Une réforme budgétaire et fiscale radicale; 3. Une réforme de la décentralisation indispensable pour briser le carcan de la centralisation socialiste et libérer les énergies locales. 4. La réduction progressive mais irréversible de la part de l’économie informelle. 5. Une lutte impitoyable contre l’économie mafieuse et la corruption. Si ces cinq points s’appliquent à tous les PMN de la transition à des niveaux divers, là encore il ne peut y avoir de trajectoire-modèle ou de trajectoire unique, il ne peut y avoir que des trajectoires spécifiques, adaptées aux réalités nationales dans le cadre de ces grandes orientations. C.2.2 La cohésion sociale Il est difficile d’imaginer une coexistence harmonieuse, des relations stables entre deux régions voisines où l’une serait l’objet de troubles, de tensions, de conflits incessants. D’une manière ou d’une autre l’instabilité finit par s’exporter et l’insécurité gagner du terrain, l’Union Européenne a bien compris l’enjeu d’une cohésion sociale au sein des PMN ; or que constatet-on ? Les informations concordent sur un point : celui de l’accroissement des inégalités sociales dans les PMN, en particulier dans les pays de la transition. Tous ces pays ont connu, plus ou moins accentuée, la même évolution. La crise économique brutale a amené une baisse générale du PIB par tête, cette baisse ne concernant pas les trois pays méditerranéens ; on 190 assiste donc à une diminution du niveau de vie. Cette baisse n’a pas été subie de la même manière par les différents groupes sociaux, même si elle a concerné une large majorité de la population. En effet, deux phénomène se sont produits : l’apparition d’une classe de nouveaux riches et la naissance d’une classe moyenne urbaine. Entre ces « nouveaux riches », cette classe moyenne émergente ainsi que certains nomenklaturistes ayant réussi à conserver tant leurs prérogatives que leurs revenus, et la majorité de la population, le fossé se creuse. On sait bien que l’accroissement des inégalités sociales, surtout dans le contexte d’un appauvrissement global de la population, risque fort à terme de déboucher sur des tensions sociales violentes dont les solutions n’empruntent pas obligatoirement les voies de la démocratie. D’autre part, pour des raisons déjà exposées, il faut s’attendre dans les prochaines années à une montée du chômage dans les PMN de la transition. La conjonction d’un chômage qui augmente et d’inégalités sociales croissantes ne peut que créer des situations n’allant pas dans le sens de la croissance, de la stabilisation économique et sociale et de la cohésion sociale. Cette situation risque d’installer aux portes de l’Europe actuelle et de la future Europe élargie des foyers de troubles sociaux et de déstabilisation politique permanents. La réduction de la fracture sociale qui va en s’aggravant dans les PMN constitue un enjeu essentiel pour l’Union Européenne dans sa politique Euromernoire. C.2.3 Le partenariat économique Un des autres grands enjeux des rapports entre l’Union Européenne et les PMN, c’est la croissance croisée des économies, avec essentiellement le développement des échanges. Depuis 1990, la balance commerciale a été excédentaire pour les pays de l’Union Européenne, dans le scénario de référence à 2010 la balance entre l’Union Européenne et les PMN serait déficitaire pour l’Union Européenne. Non seulement ce déficit succédant à un excédent n’est pas alarmant, mais en permettant le développement des exportations des PMN, il permettra de tirer leur croissance et par conséquent d’augmenter les débouchés pour les produits européens. Le basculement du solde commercial jusqu’alors favorable à l’Union Européenne paraît une nécessité économique pour le développement des PMN, les deux partenaires y trouvant leur intérêt. Il faut respecter l’adage du commerce selon lequel nos fournisseurs d’aujourd’hui seront nos clients de demain ... La croissance des marchés « export » des PMN va particulièrement concerner des pays « sensibles » à l’exportation vers les PMN : l’Allemagne, l’Italie et surtout la Grèce. Cependant, il faut souligner que les pays européens doivent acquérir vis-à-vis des PMN une double culture : savoir vendre certes, mais aussi savoir acheter ... 191 192 C.2.4 Le partenariat politique n Le scénario de référence implique une montée très nette de l’intégration des PMN vers l’Union Européenne à l’exception, peut-être, de la Russie et de l’Azerbaïdjan. Mais il ne suffit pas de décider un peu plus d’intégration pour qu’elle se fasse, il faut mettre en oeuvre des actions concrètes d’intégration. L’enjeu sera de passer d’une intégration modérée à forte en ayant comme base de départ : n Du côté des PMN : des pays ayant déjà une intégration assez forte : Roumanie, Bulgarie, Turquie, Chypre, auxquels il faut ajouter la situation particulière de l’Albanie et des PMN n’ayant qu’une intégration plutôt faible : Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Ukraine et dans une certaine mesure la Russie. n Du côté des pays de l’Union Européenne, le pays européen le plus intégré à la Mer Noire: l’Allemagne (Allemagne et Autriche), les liens avec les PMN y sont élevés dans les secteurs démographiques, économiques, financiers, écologiques et géographiques. D’autres pays de l’Union Européenne ont une intégration assez élevée : La Grèce pour des critères historiques forts, démographiques et géographiques. L’Italie pour des critères démographiques, économiques, financiers et géographiques. Si l’Union Européenne souhaite renforcer l’intégration avec les PMN, elle peut développer ses actions selon plusieurs stratégies: 1°) Renforcer les coopérations à partir des états les plus intégrés et dans les domaines d’intégration déjà bien développés. 2°) Renforcer les coopérations en priorité avec les états ayant les plus faibles niveaux d’intégration sur les domaines d’intégration les moins développés. 3°) Renforcer pour tous les état de l’Union Européenne les coopérations avec les pays les plus faiblement intégrés. 4°) Renforcer pour tous les états de l’Union Européenne les coopérations dans les domaines où l’intégration est la plus faible. 193 C.3 Enjeux et perspectives territoriales (cf carte de synthese) L’accroissement des relations entre l’Union Européenne et les Pays de la Mer Noire, l’intégration croissante de certains pays, une évolution globale proche du scénario de référence créent un espace commun, des rives de l’Atlantique à celles de la Mer Noire. Toutefois, tous les pays de l’Union Européenne se seront pas également concernés, ni toutes les régions dans chaque pays de l’Union Européenne. De même, en Mer Noire, tous les PMN n’arriveront pas simultanément à acquérir une importance équivalente. Selon leurs niveaux de développement, le degré de maturation de leurs relations avec l’Union Européenne, selon l’intensité des échanges Union Européenne/Mer Noire, les configurations seront différentes. Ce qui importe, c’est d’identifier les points-clés, les zones stratégiques, les espaces d’impacts majeurs, tant au sein de l’Union Européenne que du bassin de la Mer Noire. On s’appuiera, pour dresser une première évaluation des enjeux d’aménagement du territoire, sur l’hypothèse que l’évolution va dans le sens du scénario de référence, sur les courants principaux d’échanges observés et prévisibles, en intensité, en nature, en direction, et sur les armatures urbaines et de communications potentiellement les plus impliquées dans une configuration Euromernoire de transition. C.3.1 Une dorsale euromernoire n A l’échelle du continent, les relations entre les pays de l’Union Européenne et ceux de la Mer Noire vont être sélectives, au moins dans un premier temps, c’est-à-dire celui pendant lequel les pays d’Europe Centrale et Orientale vont adhérer et s’intégrer à l’Union Européenne. Les pays dont l’adhésion est d’ores et déjà prévue sont situés au centre de l’Europe (République Tchèque, Slovénie, Slovaquie, Pologne, Pays Baltes) ou à l’extrême sud-est, aux confins de la Méditerranée (Chypre). L’impact du rapprochement avec la Mer Noire concerne fondamentalement la Bulgarie, la Roumanie, la Turquie. Les pays de la Mittel-Europa sont encore peu concernés par une logique Mer Noire. La Pologne et les Pays Baltes se situent dans des logiques d’échanges nord-européens. L’Ukraine et la Moldavie ne font pas partie, dans le scénario de référence, des pays ayant adhéré, mais ils appartiennent au bassin de la Mer Noire, et leurs orientations stratégiques ne sont pas forcément les mêmes, l’Ukraine tournant normalement ses regards vers les échanges avec la Pologne et la Moldavie les siens vers la Roumanie. Quant à la Grèce, elle est déjà dans l’Union Européenne. La Turquie, est un espace carrefour à elle seule, dont une partie s’insère pleinement dans la zone stratégique de l’Euromernoire, et une autre, plus tendanciellement, vers les courants économiques méditerranéens. L’Albanie, pour sa part, est résolument tournée vers le sud de l’Union Européenne (Grèce, Italie). 194 n Les déterminants géographiques et économiques sont clairs : § L’essentiel des échanges entre l’Union Européenne et les PMN va concerner une « dorsale Euromernoire » qui s’étendra, très schématiquement, de l’Europe du Nord-Ouest à l’Europe du Sud-Est, comme une sorte de double entonnoir, se resserrant dans un espace carrefour au centre de l’Europe, plus précisément autour de l’armature urbaine austro-hongroise. § Au nord-ouest, la zone d’impact privilégiée de cette dorsale correspond en priorité à l’Allemagne, qui est et restera le partenaire occidental essentiel du bassin de la Mer Noire. Plus largement, c’est un espace correspondant à l’Europe au Nord-Ouest qui sera concerné. D’une part c’est à partir de l’Allemagne occidentale et sud que s’organiseront la plupart des échanges (Bavière, Rhin-Main, Rhénanie-Westphalie) d’autre part, c’est la façade maritime d’Amsterdam à Dunkerque qui constitue l’interface majeur entre les échanges venant de l’Europe centrale et de la Mer Noire et le reste de l’Europe et du monde. Les Bouches du Rhin sont le débouché naturel de l’axe primordial Euromernoire et de la dorsale continentale. § Au sud-est, la zone stratégique Mer Noire, celle qui sera la plus proche, le débouché oriental naturel de la dorsale Euromernoire, qui générera le plus d’échanges commerciaux avec le reste de l’Europe, s’organisera dans un espace comprenant la Roumanie, la Bulgarie, la Grèce (tout au moins une large façade est de ce pays) et le nord-ouest de la Turquie. A un degré moindre, on inclura potentiellement la Moldavie, très proche de la Roumanie, et une partie sud de l’Ukraine. Cela ne signifie pas que les autres espaces ne sont pas impliqués dans les rapports Union Européenne/PMN, mais ils appartiennent à d’autres logiques (Russie, au nord, Chypre, Albanie au sud) ou ne connaissent pas le même poids ni la même intensité des échanges (pays du Caucase, régions « Mer Noire » de la Russie). § Au centre, les zones charnières. Elles sont logiquement situées sur l’axe danubien et correspondent au resserrement de la dorsale, entre l’Allemagne et l’axe métropolitain du nord-ouest et la zone stratégique du sud-est. Au sud-est de l’Allemagne, la Bavière, et particulièrement la ville de Nuremberg seront un espace de passage et d’éclatement vers les grands centres économiques et portuaires du nord-ouest. Au centre même, on peut identifier un espace incontournable et crucial dans les échanges Euromernoire. Il s’organisera entre Vienne-Budapest et Bratislava, si l’on admet, comme dans le scénario de référence, qu’Hongrie et Slovaquie auront adhéré à l’Union Européenne. D’ores et déjà, on distingue, en Autriche, les signes précurseurs organisation des transports, notamment aériens de constitution d’un interface majeur entre les pays de la Mer Noire et l’Union 195 Européenne Enfin, il faut mentionner la place particulière de l’axe serbomacédonien. La dorsale Euromernoire intègre nécessairement cet espace dans sa partie orientale, à moins d’envisager des contournements nord et sud, tout à fait inadaptés à une progression des échanges et une intégration des marchés. De Belgrade à Skoplje, s’organisera la distribution des voies de communication et de transports majeurs vers la Roumanie et la Bulgarie. C.3.2 Les axes et systèmes périphériques : Nord, Sud et Caucasien A côté de cette dorsale Européenne qui repose sur le constat des corridors de circulation, de l’essentiel des échanges économiques Euromernoire, et des facteurs de proximité géographique et institutionnelle, on distinguera trois autres espaces ou systèmes de relations Europe-PMN, dont l’intensité et l’orientation sont différentes et complémentaires. n Au nord, l’Ukraine connaît déjà un accroissement des échanges avec la Pologne. Les relations transfrontalières de Lvov sont importantes. Kiev, en tant que capitale et métropole économique, draine une partie significative des flux issus des bassins industriels de l’est-ukrainien qui sont, par ailleurs, encore largement tournés vers la Russie. Elle est encore en interaction étroite avec Moscou, et relativement peu connectée à l’économie du sud ukrainien et de la Crimée. Au delà de Kiev-Lvov, c’est vers Cracovie, Katowice, la Silésie, Varsovie et la Baltique que s’orienteront les couloirs de circulation et d’échanges. La Moldavie, quant à elle, souhaite se rapprocher de l’Ukraine, mais surtout de la Roumanie. Si les communications Chisinau-Kiev doivent s’améliorer, la tendance va nettement dans le sens d’une intégration de ce petit pays dans la zone stratégique Mer Noire, via la Roumanie. n Au sud, les échanges principaux se feront entre le sud de la Mer Noire et l’Italie ainsi que la Grèce. Après l’Allemagne, en poids économique, avec l’Autriche, en position stratégique, l’Italie est, sans doute, le troisième pays le plus « sensible » à la configuration tendancielle Euromermoire de transition. Toutefois, il ne s’agit pas, dans ce cas, d’un nouvel espace économique et d’un nouvel axe d’échanges. L’arc méditerranéen existe de ce point de vue et le développement des pays de la Mer Noire ne fera que renforcer des courants d’échanges existants, beaucoup plus qu’en créer de nouveaux. L’économie chypriote est déjà tournée vers l’Europe, la Méditerranée et la Grèce. Pour une part, la Turquie verra ses échanges canalisés par la dorsale Euromernoire. Pour une autre part, elle continuera de participer de l’économie méditerranéenne. L’Albanie, elle, est résolument proche de la Grèce et tournée naturellement vers l’Italie. Quant à la Grèce, elle constitue l’interface privilégié entre la zone stratégique ouest-Mer Noire et les logiques d’échanges intraméditerranéens. C’est le sud de l’Italie qui pourrait devenir une « plaque 196 tournante » des échanges avec la partie méditerranéenne du bassin de la Mer Noire à l’est, le reste de l’Italie et l’Europe du Sud-Ouest. n A l’est, le « système » caucasien est encore embryonnaire et fort éloigné des zones stratégiques Euromernoire. Il faut mettre à part les régions de Russie (Stavropol, Rostov, Krasnodar) qui font partie de l’Etat russe, ce sont des zones un peu mieux pourvues sur le plan des ressources alimentaires que le reste du pays. Par la présence de la Mer Noire et le poids de Novorossijk, elles sont un débouché vers l’ouest. Elles forment un ensemble en tant que tel dont l’avenir pourrait être tourné plus favorablement vers le littoral estMer Noire jusqu’à la Turquie, et vers les pays du Caucase.Les pays du Caucase ne présentent pas d’unité. Si Tbilissi apparaît en devenir comme le centre d’un système caucasien, les conflits existants, l’enclavement de l’Arménie, l’orientation de l’Azerbaïdjan sont plutôt des facteurs divergents. Des liens maritimes existent entre les rives de la Mer Noire, mais ils ne constituent pas encore la trame d’un système maritime Mer Noire performant et intégré. C.3.3 Zone stratégique, armature urbaine et arc littoral Ouest-Mer Noire Les impacts les plus forts sur le bassin de la Mer Noire, du rapprochement Union Européenne/PMN se feront sentir sur un espace qui recouvre la Bulgarie, la Roumanie, tout ou partie de la Grèce, la partie « riche » de la Turquie. A plus long terme, on y inclura la Moldavie. Cet espace peut être qualifié de zone stratégique, dans la mesure où il va constituer l’interface essentiel de l’Euromernoire et où, à la différence des régions développées de l’Europe germanique ou de l’aire métropolitaine du Nord-Ouest, cette zone souffre encore de retard, en termes aussi bien de développement que d’équipements ou d’armature urbaine. Elle représente un ensemble cohérent pour une politique intégrée d’aménagement du territoire. Les enjeux et perspectives fondamentaux reposent sur l’amélioration des infrastructures, le renforcement de l’armature urbaine, la politique régionale d’équilibre territorial, la gestion des espaces transfrontaliers, la programmation d’un aménagement concerté sur l’arc littoral ouest Mer Noire. n Les infrastructures doivent être améliorées. L’axe Rhin-Danube est prioritaire. Les foyers de développement étaient relativement bien distribués dans les pays socialistes. C’était le fruit du volontarisme économique et territorial et de la centralisation administrative. Les exigences de compétitivité de ces pays soumis à l’économie de marché vont conduire à des concentrations vers les aires urbaines de taille critique, ou vers les zones d’interface et d’échanges avec les autres pays. A partir de l’espace centre-européen (Vienne-Bratislava-Budapest), la dorsale Euromernoire s’incline et s’élargit vers le sud-est, via la Serbie, la Macédoine et la Grèce. A terme, la liaison Belgrade-Bucarest-Constanta est un enjeu majeur. C’est le lien le plus direct et le 197 plus au nord du système d’échelle et barreaux qui se dessine dans la zone stratégique. Le second barreau relie Skopje à Sofia et Burgas et constituera l’artère européenne de la Bulgarie. Le troisième barreau est évident, bien que problématique, en l’état actuel, il relie Salonique à Istanbul, c’est-à-dire la métropole de cette zone stratégique et la seconde agglomération de Grèce qui apparaît comme l’aire urbaine grecque la plus sensible à l’ensemble Euromernoire. Le quatrième barreau est plus une entité maritime (la Mer Egée) qu’une infrastructure proprement dite, l’ouest de la Turquie, partie la plus riche, et la capitale de la Grèce (Athènes-Izmir) devraient pouvoir développer des interactions importantes dans le cadre du scénario de référence. Les ports ont un rôle fondamental dans ce dispositif et font partie des infrastructures à renforcer dans le cadre de l’Arc Ouest Mer Noire (Constanta, Burgas, Varna, Salonique). n Le renforcement de l’armature urbaine est un autre enjeu essentiel. Les Pays de la Mer Noire peuvent s’inspirer des politiques à l’oeuvre en Europe visant à hiérarchiser les niveaux d’agglomération urbaine tous en visant des complémentarités, des vocations et la maîtrise des espaces. L’agglomération de premier niveau, dans cet ensemble Euromernoire est Istanbul. Que la Turquie adhère ou non rapidement à l’Union Européenne, la métropole turque rayonnera à l’échelle de tout le bassin de la Mer Noire, particulièrement sur la zone stratégique. Elle peut en devenir le véritable « hub ». Cinq autres agglomérations joueront un rôle moteur dans l’entraînement économique de cet ensemble et dans la redistribution du développement. Les trois premières constituent le « montant » ouest de « l’échelle » à laquelle correspond la zone stratégique : Sofia, Salonique, sorte d’épine dorsale intérieure de cet ensemble. Deux autres villes joueront un rôle important, bien que moins directement liées à la spécificité de l’Euromernoire et plus intégrées dans la logique méditerranéenne : Athènes et Izmir. A ce montant occidental de l’échelle correspond le montant oriental qui s’appuie sur la façade maritime de la Mer Noire. Il regroupe d’Istanbul-métropole à Constanta les ports et lieux d’échanges complémentaires des villes du montant ouest, dans le cadre d’une armature urbaine d’ensemble. Il faut envisager le rapprochement, voire l’intégration, de la Moldavie, organisée autour et à partir de Chisinau. n Les politiques régionales d’équilibre territorial devront viser à répartir au mieux le développement attendu de l’Euromernoire. Les aires urbaines situées en première ligne occidentale des échanges seront favorisées, de même, sans doute, que les ports les mieux situés. Le risque est celui d’une excessive concentration de la croissance économique, de migrations vers les grandes agglomérations, d’une relative désertification des espaces situés entre le littoral et l’axe ouest (Bucarest-SofiaSalonique) de la zone stratégique. Par ailleurs, s’il convient de renforcer l’armature 198 urbaine, encore déficitaire et peu structurée, ces pays ne pouvant faire l’impasse sur le rôle des grandes villes dans une première phase, il importe de traiter les zones dites défavorisées par une politique régionale de redistribution, d’aide, de maillage territorial et de décentralisation institutionnelle pour libérer des initiatives nouvelles. n La gestion des espaces transfrontaliers a déjà été évoquée. L’Euromernoire crée des espaces communs nouveaux. Certains d’entre eux apparaissent cruciaux au regard de la problématique et des enjeux issus du scénario de référence. La zone charnière comprise entre Serbie, Roumanie, Bulgarie, Fyrom et nord de la Grèce est un lieu de passage des principaux itinéraires reliant l’Europe Centrale au bassin de la Mer Noire. Ses perspectives doivent être précisées. La frontière roumano-bulgare est à traiter avec d’autant plus d’acuité que ces deux pays envisagent un avenir convergent dans l’Europe et sont unis par la vallée du Danube. La zone qui sépare aujourd’hui la Grèce de la Bulgarie devra être plus ouverte et donc soumise à des échanges et des flux plus importants. A une échelle plus vaste, et aux limites du concept de transfrontalier, il sera nécessaire d’aborder les relations de proximité et d’interconnexion entre la nouvelle frontière de l’Union Européenne et la Turquie, tant que ce pays n’en est pas membre, à fortiori quand il le deviendra. n L’aménagement concerté de l’arc littoral ouest Mer Noire devrait s’imposer progressivement. D’abord pour mieux relier entre eux les centres portuaires ainsi que le littoral lui-même, à potentialité de croissance plus élevée et l’arrière-pays à potentialité plus faible. Ensuite pour gérer cet espace privilégié qu’est le littoral d’une mer très polluée dans un contexte environnemental défavorable et dégradé. Enfin pour prendre en compte les extrémités nord et sud de cette zone stratégique, aux composantes opposées. Au nord, il s’agit de mieux relier cet arc littoral au sud de l’Ukraine et à la Crimée, au sud, il s’agit de trouver les équilibres favorables avec Istanbul. C.3.4 Nord, est et sud Mer Noire Au delà de cette zone stratégique, l’ensemble Euromernoire interroge d’autres espaces, soit parce qu’ils sont directement concernés par la dorsale Euromernoire elle-même, soit parce qu’ils participent à d’autres courants d’échanges significatifs entre l’Union Européenne et le bassin de la Mer Noire, soit parce qu’à terme, l’enjeu pour l’Union Européenne est d’étendre l’Euromernoire et associer progressivement ces pays. n Au nord, les enjeux sont moldaves, russes et ukrainiens. La Moldavie a vocation historique à se rapprocher de la Roumanie et par là de l’Union Européenne. Il sera important de renforcer le rôle de Chisinau, de valoriser les ressources du milieu rural, de mieux relier Bucarest-Chisinau-Kiev, si les difficultés frontalières s’estompent, de faire participer la Moldavie aux perspectives de développement littoral auxquelles elle n’a pas vraiment accès et de gérer la zone transfrontalière avec la Roumanie. En 199 Ukraine, l’enjeu est le rapport nord-sud d’une part, avec le rôle de Kiev, l’intégration de la Crimée, l’interconnexion de l’armature urbaine, et la coupure est-ouest d’autre part, l’Ukraine Orientale héritant de structures industrielles enchâssées dans l’ex-Union Soviétique alors que l’ouest du pays tend à participer aux courants d’échanges avec l’Europe du Nord et de l’Est, avec la Pologne et la zone de la Baltique. En Russie du Sud, les trois régions de la Mer Noire ont intérêt à s’ouvrir plus vers le littoral Mer Noire et proposer un ensemble territorial polycentré où les liaisons portuaires peuvent être valorisées. Les liens avec le système caucasien sont géographiquement inscrits dans la virtualité, mais pas dans la réalité. n A l’est, le système caucasien est éclaté. L’Arménie est enclavée. Le désenclavement est son enjeu majeur. L’Azerbaïdjan regarde vers l’est et la Caspienne. La Géorgie dispose de perspectives intéressantes vers le littoral, Batoumi et l’est de la Turquie. Il existe potentiellement un arc oriental de la Mer Noire susceptible de porter des projets intégrés, au moins à long terme. n Quant au sud, il participe de l’amélioration des liaisons intra-méditerranéennes. Les enjeux concernent la Mer Egée, sa valorisation mais aussi sa gestion. Ils concernent l’équipement de l’Albanie et son ouverture maritime. Ils concernent, bien sûr, l’axe transversal grec reliant l’est et l’ouest méditerranéen. 200