le syndrome hémolytique et urémique a propos de

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LE SYNDROME HÉMOLYTIQUE ET URÉMIQUE
A PROPOS DE 5 CAS
OUZEDDOUN N.*, RHOU H*, BENAMAR L.*, EZAITOUNI F.*, BAYAHIA R.*, AL HAMANY Z.**, BALAFREJ L.*
RÉSUMÉ
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) affection
fréquente chez l’enfant, rare chez l’adulte est définie
par l’association d’une insuffisance rénale aiguë, d’une
thrombopénie et d’une anémie hémolytique avec fragmentation des hématies. A ce propos, les auteurs rapportent 5 cas de SHU survenu chez 2 enfants et 3 adultes. L’histologie rénale montre des lésions de microangiopathie thrombotique (MAT) glomérulaire chez un
enfant, de MAT à prédominance artérielle chez l’autre
enfant et 2 adultes et d’une nécrose corticale chez le
3ème adulte. 4 patients ont reçu en plus du traitement
symptomatique, un traitement corticoïde sous forme de
bolus de méthyl prédnisolone avec récupération d’une
fonction rénale normale chez les 2 enfants, amélioration
de la créatininémie dans 1 cas et sa stabilité dans l’autre.
ciation d’une anémie hémolytique, d’une thrombopénie et
d’une insuffisance rénale aiguë. Ce tableau est décrit pour
la pre m i è re fois par Gasser et coll (1) en 1995, et les
lésions histologiques ont été définies par Habib et coll (2).
Une étiologie infectieuse est retenue devant la survenue de
ce syndrome par épidémie estivale et après épisodes diarrhéiques chez des nourrissons. Mais l’existence de formes
atypiques de l’adulte, de cas survenus après prise médicamenteuse, ou lors de la grossesse ou de maladies malignes
ont démontré que le SHU pouvait correspondre à des étiologies différentes. A ce propos, les auteurs rapportent 5 cas
de SHU observés chez 2 enfants et 3 adultes, colligés au
service de néphrologie de 1984 à 1996 et qui semblent
intéressants du fait de la variabilité du terrain, des circonstances de survenue, des variations de l’évolution et enfin de
la discussion du traitement.
Observation n°1
SUMMARY
Uremic hemolytic syndrome - Report of 5 cases
The uremic hemolytic syndrome, more common in child
than in adult, is defined by association of an acute
kidney failure with thrombocytopenia and hemolytic
anemia with red cells fragmentation. In this way, the
authors report 5 cases of uremic hemotyic syndrome
o c c u ring in 2 ch i l d ren and 3 adults. The re n a l
h i s t o l ogical study shows a glomerular thro m b o t i c
microangiopathy in one child, a thrombotic microangiopathy with arterial prevalence in the other and 2 adults,
and cortical necrosis in the third adult. 4 pat i e n t s
underwent, in addition to the symptomatic therapeutical management, a corticoïd treatment as methyl prednisolone bolus with recovery of the renal function in the
2 children, improvement of creatininemia in one case
and its stadiness in the others.
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) est une
m i c ro a n gi o p athie thrombotique caractérisée par l’asso-
T.O., jeune patient de 6 ans, sans antécédents pathologiques personnels ou familiaux a présenté en mars 1992
une éruption fébrile généralisée, ayant intéressé même le
cuir chevelu, très évocatrice de varicelle. Une semaine plus
tard apparaissent une diarrhée liquidienne striée de sang,
une impotence fonctionnelle totale avec crises convulsives,
puis survient une anurie totale. Ce jeune patient est alors
hospitalisé au service de néphrologie le 24 mars 1992 dans
un tableau d’obnubilation avec dysarthrie d’allure cérébelleuse, une raideur axiale et une hypotonie des 4 membres. Il n’y a pas de déficit des fonctions supérieures, ni de
déficit des nerfs crâniens, ni de déficit moteur. Le fond
d’oeil est normal, l’étude du liquide céphalo-ra ch i d i e n
aussi, et l’électroencéphalogramme ne montre pas d’éléments en faveur d’une encéphalopathie. Une complication
nerveuse de la varicelle est éliminée. la tension artérielle
(TA) est à 110/70 mmHg et le reste de l’examen somatique
est normal en dehors d’un purpura pétéchial au niveau des
membres inférieurs. Le bilan biologique montre une fonction rénale altérée avec une urée sanguine à 64 mmol/l et
* Service de Néphrologie-hémodialyse - CHU Ibn Sina - Rabat.
** Service d’Anatomie pathologique - CHU Ibn Sina - Rabat.
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une créatininémie à 893,8 µmol/l. Après reprise de la diurèse, les urines sont hématiques et la protéinurie des 24 H
est de 0,4 à 1 g. La protidémie est à 67 g/l. La NFS montre
une anémie hypochrome microcytaire et une thrombopénie
: le taux d’Hb est à 5,7 g/dl, le VGM à 70 µ3 et la CCMH à
25, le taux de plaquettes est à 24.000/mm3.
La biopsie rénale, effectuée loin de toute anomalie de la
crase sanguine à J + 6 montre 14 glomérules présentant un
aspect boursouflé des parois des capillaires glomérulaires
avec aux colorations argentiques, un aspect feuilleté et
irrégulier des membranes basales. Des thrombi-fibrinoïdes
obturent la lumière des capillaires dans plusieurs glomérules. Le tissu interstitiel est infiltré par un œdème et les
vaisseaux sont normaux.
Il s’agit donc d’une microangiopathie thrombotique (MAT)
glomérulaire.
En plus du traitement symptomatique de l’insuffisance
rénale aiguë par hémodialyse, un traitement anticoagulant
et un traitement par corticoïdes sous forme de bolus de
méthyl prednisolone est instauré à raison de 20 mg/kg/j
pendant 3 jours par mois, relayé par un traitement oral
(3 cures en tout). L’évolution clinique et biologique est
favorable : reprise d’une diurèse normale après 5 jours
d’anurie et récupération d’une fonction rénale normale 15
jours après la 1ère série de bolus de méthyl prednisolone.
Au dernier bilan du mois de septembre 1993, soit après un
recul de 17 mois, la fonction rénale est toujours normale, la
protéinurie des 24 H est négative. Il n’y a pas d’anémie, ni
de thrombopénie.
Observation n°2
Mlle A.A. est une patiente de 7 ans, 2ème d’une fratrie de
4, sans antécédents pathologiques ni personnels ni familiaux.
En février 1992, elle présente des signes fo n c t i o n n e l s
d’HTA à savoir céphalées, brouillards devant les yeux ;
puis apparaissent une bouffissure du visage, des oedèmes
des membres inférieurs et des douleurs abdominales sans
troubles du transit. Le 22 Avril 1992, elle est hospitalisée
dans un tableau d’encéphalopathie hy p e rt e n s ive ave c
c o nvulsions. Le bilan biologique met en évidence une
fonction rénale altérée avec une urée sanguine à 69,7
mmol/l et une créatininémie à 477,9 µmol/l. La protidémie
est à 68 g/l et la protéinurie des 24 H est de 0,75 g pour une
diurèse de 400 à 600 cc par jour. Au compte d’Addis existe
une hématurie microscopique à 8100 H/min. La NFS met
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OUZEDDOUN N., RHOU H, BENAMAR L, EZAITOUNI F.,
BAYAHIA R., AL HAMANY Z., BALAFREJ L.
en évidence une anémie hypochrome microcytaire avec la
présence de quelques schizocytes : l’Hb est à 8,5 g/dl, le
VGM à 84µ3 et la CCMH à 28. Le taux de plaquettes est à
103.000/mm3. Sur le plan immunologique, la recherche
d’anticorps antinucléaires est négative, de même que le test
au Latex et la réaction de Waaler Rose.
L’histologie rénale montre 10 glomérules, dont 2 en pain à
cacheter, présentant tous une prolifération endocapillaire.
Les membranes basales présentent un aspect feuilleté et
irrégulier aux colorations argentiques. Plusieurs lumières
des capillaires glomérulaires sont obstruées par des thrombi fibrinoïdes. Les artérioles ont un énorme épaississement
sous endothélial «oedémateux» et quelques artérioles périt u bu l a i res ont des lumières obstruées par des thro m b i
fibrinoïdes. Les lésions tubulo-interstitielles sont diffuses
avec des travées de fi b ro s e, des plages d’infi l t rat i o n
inflammatoire, et quelques tubes atrophiques ou dilatés. Il
s’agit donc, d’une MAT glomérulaire et artérielle.
La patiente a bénéficié de 2 séries de bolus de méthyl
prednisolone à un mois d’intervalle relayées par une corticothérapie orale, associée à un traitement anticoagulant,
en plus du traitement antihypertenseur.
L’évolution est marquée par une normalisation de la fonction rénale 6 mois après le début du traitement et la protéinurie des 24H est à l’état de traces. La patiente est par la
suite perdue de vue depuis Novembre 1992.
Observation n°3
Mme F.N. est une patiente de 38 ans, originaire et habitant
en Mauritanie, et ayant comme antécédent personnel un
paludisme en 1981 correctement traité. Cette patiente est
9ème geste, 9ème pare, les grossesses sont bien suivies,
avec découverte lors de la 1ère grossesse d’une HTA dite
«essentielle». Les accouchements se sont bien déroulés.
Au 7ème mois de sa dernière grossesse, elle présente des
douleurs abdominales et des métrorragies minimes. Le 28
février 1993, elle subit une césarienne pour hématome
retroplacentaire. Les suites opératoires sont marquées par
un syndrome hémarrogique et CIVD. L’état de choc est
jugulé par de multiples transfusions sanguines mais découverte d’une insuffisance rénale avec anurie ne répondant
pas au traitement diurétique. La patiente est transférée en
néphrologie le 5 Mars 1993.
L’examen somatique trouve une TA à 160/90 mmHg sous
inhibiteur calcique, un souffle systolique fonctionnel le
long du bord gauche du sternum et au niveau du foyer
LE SYNDROME HÉMOLYTIQUE…
mitral.
Le bilan biologique montre une créatininémie à 1239
µmol/l et une urée sanguine à 9,96 mmol/l.
La biopsie rénale, après contrôle de la crase sanguine,
montre 30 glomérules. Ils sont le siège d’une prolifération
endocapillaire diffuse et généralisée, d’une fibrose mésangiale, et d’un aspect épaissi et feuilleté de la membrane
basale glomérulaire. La lumière des capillaires est obstruée
par de volumineux thrombi fibrinoïdes. Les artérioles présentent également de volumineux dépôts sous endothéliaux
fibrinoïdes et hyalins obturant les lumières. Les lésions
tubulo-interstitielles sont importantes : oedème interstitiel
diffus, atrophie tubulaire, aspect pseudo-thyroïdien de certains tubes dont les lumières sont encombrées de cylindres
hyalins et hématiques.
Le diagnostic de MAT glomérulaire et artérielle est retenu.
Le traitement symptomatique de l’insuffisance rénale et de
l’HTA a permis de récupérer une diurèse normale mais la
fonction rénale reste toujours altérée avec créatininémie
stable à 415,9 µmol/l et une HTA bien équilibrée sous inhibiteur calcique. La patiente est retransférée en Mauritanie
avec un traitement symptomatique de l’insuffisance rénale
et de l’HTA.
Observation n°4
Mme B.K. 82 ans, connue hypertendue depuis 3 ans, présente 3 semaines avant son hospitalisation un épisode de
diarrhée, de rectorragie, et d’oedèmes des membres inférieurs. La patiente est hospitalisée au service de néphrologie le 29 septembre 1995. L’examen somatique trouve une
TA à 180/80mmHg, des taches purpuriques au niveau des
membres inférieurs qui sont oedematiés.
La rectosigmoïdoscopie montre une muqueuse rectale normale jusqu’à 40 cm, parsemée de quelques taches purpuriques rouges clairs de 5 mm de diamètre.
Le bilan biologique montre à l’admission une insuffisance
rénale qui s’est rapidement aggravée avec une créatininémie à 1460 µmol/l. La protidémie est à 67 g/l avec albuminémie à 28 g/l et des ga m m ag l o bulines à 15 g/l. La
protéinurie des 24 H est de 1,7 g/l, la protéinurie de Bence
Jones et l’immunoelectrophorèse du protéines urinaires est
normale éliminant ainsi une dysglobulinémie.
A la NFS, l’Hb est à 10 g/dl, le VGM à 86 µ3 et la CCMH
à 36. Le taux de plaquettes est à 148.000/mm3.
L’échographie rénale montre 2 reins de taille normale,
échogènes et la biopsie rénale montre 8 glomérules dont
23
3 sont en pain à cacheter. Les autres ont un mesangium
abondant avec 5 à 7 polynucléaires neutrophiles par anse
capillaire, avec des thrombi au niveau de 2 glomérules. A
la réticuline la membrane basale glomérulaire a un aspect
feuilleté. Le tissu interstitiel est scléreux, est modérément
parsemé de lymphocytes et plasmocytes. Au niveau des
tubes, existent des cylindres hématiques avec des tubes
ectasiés et atrophiques. Les artérioles péritubulaires ont
une parois épaissie avec quelques rares micro-thrombi. Il
s ’ agit donc d’une MAT gloméru l a i re et art é ri e l l e. La
patiente est alors traitée par bolus de méthyl prednisolone à
la posologie de 20 mg/kg/j pendant 03 jours à 1 mois
d’intervalle, relayé par une corticothérapie orale. Après la
2ème série de bolus de méthyl prednisolone la fonction
rénale s’est nettement améliorée, avec créatininémie à
256,6 µmol/l.
En Janvier 1996, soit 4 mois plus tard, la patiente est réadmise pour douleurs retro sternales à irradiation ascendante,
avec dyspnée paroxystique nocturne. L’examen somatique
est normal en dehors d’un rythme cardique rapide. La TA
est à 120/60 mmHg sous inhibiteur de l’enzyme de conversion. L’électrocardiogramme montre une tachycardie sinusale et quelques troubles de repolarisation. Les enzymes
c a rdiaques sont normales. La ra d i ographie pulmonaire
montre une cardiomégalie, et des signes parenchymateux
gauches avec attraction du médiastin. Malheureusement, la
patiente est décédée le 31/1/96.
Observation n°5
Mr. O.A., âgé de 40 ans, mauritanien d’origine présente en
Août 1995 un syndrome néphrotique et une insuffisance
rénale diagnostiquées en Mauri t a n i e. Sur ces simples
données, un traitement par corticoïdes est démarrée sous
forme de bolus de méthyl prednisolone à la dose de 20
mg/kg/j pendant 3 jours, relayé par une corticothérapie
orale à la dose de 1 mg/kg/j puis à dose dégressive. La
durée du traitement étant de 3 mois et demi. La non amélioration biologique de ce patient a motivé son transfert
dans notre formation le 23-1-96. L’examen somatique est
normal. La TA est à 130/100mmHg. Les examens biologiques confirment le syndrome néphrotique avec une altération de la fonction rénale : l’urée sanguine est à 22,2
mmol/l, la créatininémie à 345 µmol/l, la protidémie à
48,9 g/l et l’albuminémie à 16 g/l.
A la NFS, existe une anémie microcytaire normochrome :
Hb est à 9,3 g/dl, le VGM à 73 µ3 et la CCMH à 36. La
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recherche de schizocytes est négative et le taux de plaquettes est à 328.000/mm3. Aucune étiologie immunologique,
infectieuse ou autres n’est retrouvée à l’origine de ce syndrome néphrotique. L’échographie rénale et l’échodoppler
des vaisseaux rénaux sont normaux. La biopsie rénale
montre des lésions de nécrose corticale en travées épargnant quelques glomérules au nombre de 7 : la membrane
basale de ces glomérules a un aspect feuilleté et les anses
capillaires sont le siège de quelques thrombi.
L’analyse des vaisseaux met en évidence quelques thromboses artériolaires. Un examen attentif montre, au niveau
des tubes, la présence de poly nu cl é a i res et de quelques
amas fibrino leucocytaires et des macrophages chargés en
hémosidérine.
Devant cet aspect, les étiologies éventuelles de nécrose
corticale sont recherchées :
- la drepanocytose : l’électrophorèse de l’Hb est normale,
- l’endocardite subaigue : les antécédents personnels du
patient et son examen clinique ne permettent pas de retenir
ce diagnostic,
- une angéite nécrosante : il n’y a pas de signes formels en
sa faveur et la recherche des ANCA est négative.
Le diagnostic retenu est donc celui de SHU suggéré par les
lésions glomérulaires, avec nécrose corticale, compliquée
d’insuffisance rénale et d’une HTA bien équilibrée sous
inhibiteur calcique et inhibiteur de l’enzyme de conversion.
DISCUSSION
Le SHU défini par la survenue brutale d’une insuffisance
rénale aiguë associée à une anémie hémolytique microangiopathique avec fragmentation des hématies et à une
thrombopénie, présente des formes cliniques nombreuses
essentiellement en fonction de l’âge du patient et des circonstances de survenue. Ainsi chez l’enfant sont décrites
2 formes :
- une forme typique, survenant chez les enfants de moins
de 2 ans dans 71% des cas et au-delà de 2 ans dans 29%
des cas (3), entre mai et octobre, avec une phase prodromique faite de diarrhée dans 83% des cas, et, de fièvre
dans 56% des cas. Après un délai allant jusqu’à 15 jours,
s’installe la triade caractéristique du SHU. L’HTA est
observée dans 47% des cas. Une atteinte extra-rénale
digestive et/ou neurosensorielle est rencontrée dans 20%
des cas. Cette dernière peut être source de complications
graves à type de coma, convulsions, signes neurologiques de focalisation, ou de séquelles neurologiques
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dans 2 à 10% des cas à type de cécité corticale, d’épilepsie ou de retard intellectuel,
- Une forme atypique qui ne survient que dans 9% des
cas, quel que soit l’âge mais plus volontiers chez le
grand enfant. La diarrhée prodromique est rare, et le
début est insidieux avec une hémolyse pouvant précéder
l’atteinte rénale. Une HTA incontrôlables est souvent
associée à ces signes. Elle serait secondaire aux lésions
artérielles rénales.
Chez l’adulte, le tableau clinique est hétérogène, souvent
sous forme d’une HTA sévère voire maligne, avec retentissement oculaire et cérébral. La grande prédominance
féminine est liée à la fréquence des cas secondaires à la prise de contraceptifs oraux et de cas survenant au cours ou au
décours de la grossesse. Il peut survenir au cours du 2ème
ou 3ème trimestre de la grossesse.
Les signes biologiques confirment l’insuffisance rénale, et
lorsque l’anurie n’est pas totale, une protéinurie importante,
associé ou non à une hématurie microscopique est notée
(4). L’étude de la crase sanguine ne montre que rarement
des signes de coagulopathie de consommation et la thromb o cytopénie semble être secondaire à une destru c t i o n
rapide des plaquettes plutôt qu’à une production insuffisante.
Sur le plan histologique, 3 types de lésions peuvent être
observés :
- La nécrose corticale étendue, non diffuse, associée à des
lésions d’endartérite obstructive affectant les artères
i n t e rl o bu l a i res mais épargnant les art è res arquées et
interlobaires. Elle est rencontrée dans 30% des SHU
typiques et 14% des SHU atypiques (3).
- La MAT glomérulaire, caractérisée par un gonflement et
un détachement des cellules endothéliales, se traduisant
par un espace clair sous endothélial donnant un aspect
en double contour aux parois des capillaires glomérulaires. Les cellules mésangiales peuvent être hy p e rt ro phiées et la matrice mésangiale peut présenter un aspect
fibrillaire. Son interposition le long des parois capillaires, participe à l’obstruction de la lumière des capillaires. Mais lorsque cette dernière est perméable, elle
contient parfois des hématies, des plaquettes ou des
thrombi de fibrine. La juxtaposition des glomérules porteurs de ce type de lésions et de glomérules normaux ou
peu altérés est caractéristique. La MAT glomérulaire est
rencontrée dans 57% des SHU typiques et 28% des formes atypiques (3).
LE SYNDROME HÉMOLYTIQUE…
- La MAT à prédominance artérielle est la forme la plus
fréquemment rencontrée chez l’adulte. Elle est également rencontrée dans 57% des SHU atypiques de l’enfant. A un stade précoce, les artères de moyen calibre,
surtout les artères interlobulaires, présentent une prolifération intimale, une thrombose fibrineuse et surtout une
nécrose de la média. A un stade tardif, il existe une
endartérite fibreuse avec un aspect lamellaire en «bulbe
d’oignon» des artérioles. Le 2ème type de lésion concerne les glomérules qui présentent un aspect plissé des
m e m b ranes basales, associé à un dédoublement des
parois. Il n’y a pas de feutrage fibrillaire du mésanguin.
cet aspect glomérulaire serait le résultat d’un processus
ischémique.
Les lésions tubulo-interstitielles n’ont rien de spécifique et
dépendent de la sévérité et de la durée de la maladie.
En immunofluorescence, le sérum antifibrine se fixe sur
certains glomérules, dans le mésangium et sur la parois des
c ap i l l a i res gloméru l a i res. Il peut aussi se fi xer sur des
thrombi contenus dans la lumière des capillaires et dans les
artérioles.
L’évolution est va ri able chez l’enfant : les formes avec
nécrose partielle ou les formes glomérulaires, formes les
plus fréquemment observées chez le nourrisson ou le jeune
enfant, ont un pronostic meilleur à long terme. L’HTA,
quand elle existe, est le plus souvent réversible et le pronostic relativement favorable. Néanmoins, les lésions de
MAT ne sont pas réve rs i bles, elle laissent des cicatrices
plus ou moins étendues dans le parenchyme rénale lorsque
plus de 50% des glomérules sont touchés au début de la
maladie. Des séquelles plus ou moins sévères à type de
p ro t é i nu ri e, d’HTA et/ou de diminution de la fi l t rat i o n
glomérulaire, ont été notées lors des formes typiques par
plusieurs auteurs après un recul de 10 ans environ. Ainsi,
Gagnadoux (5) en 1987 rapporte 43% des séquelles après
un recule de 10 à 24 ans, Dejong (6) et Vandyck (7) en
1988 rapportent respectivement 23 et 30% après un recul
de 10 ans, Siegler (8) en 1991 note des séquelles dans 39%
des cas après un recul de 7 à 18 ans, et Fitzpatrick (9) en
1991, en rapporte 59% pour un recul de 5 à 21 ans.
Chez l’adulte, le pronostic est le plus souvent sévère et
l’évolution à long terme se fait fréquemment vers l’installation d’une insuffisance rénale terminale.
Les observations rapportées dans notre étude répondent
bien aux critères biologiques et surtout histologiques du
SHU. En effet, le cas décrit dans l’observation 1 est celui
25
d’une forme typique de SHU de l’enfant avec un anurie
ayant duré 05 jours et dont l’histologie rénale montre une
MAT glomérulaire. L’évolution du patient est favorable
sans séquelles rénales, ni HTA durant les 17 mois d’évolution. L’observation 2, décrit par contre une forme atypique
de SHU de l’enfant, avec une diurèse conservée et à l’histologie rénale des lésions de MAT glomérulaire et artérielle
associées à des lésions tubulo-interstitielles diffuses. Après
une évolution de 6 mois, la fonction rénale est restée normale, la protéinurie est négative mais l’HTA persiste.
Une durée d’anurie excédant 15 jours malgré plusieurs
séances d’hémodialyse associées à des lésions de MAT glomérulaire et artérielle et de lésions tubulo-interstitielles
rénales, expliquent la persistance de l’insuffisance rénale
dans les cas décrits dans les observations 3 et 4.
Malgré l’absence de schizocytes et de thrombopénie pour
le cas décrit dans l’observation 5, et qui pourrait s’expliquer par un effet bénéfique du traitement corticoïde, le
diagnostic de SHU est retenu en présence de lésions histologiques rénales évocatrices. Le patient présente actuellement une insuffisance rénale ch ronique avec une HTA
contrôlée par une bithérapie.
Concernant la physiopathologie du SHU, la lésion initiale
semble être au niveau de la cellule endothéliale, déclenchée
par des endotoxines bactériennes, différents toxiques, la
grossesse ou l’HTA. La mise à nu des structures sous endothéliales riches en collagène, provoque la fo rm ation de
microthrombi fibrino-plaquetaires.
Upshaw (10) et Remuzzi (11) ont suggéré que les malades
atteints de SHU et de purpura thrombotique thrombocytopénique, manquaient d’un facteur qui stimulerait la production de pro s t a cy clines (PGI2) par la parois va s c u l a i re.
L’absence de ce facteur favoriserait la formation de thrombi
de plaquettes dans la microcirculation et jouerait un rôle
dans la pat h ogénie de l’HTA, pour cela l’ex s a n g u i n o transfusion, la plasmaphérèse et surtout la perfusion de
plasma frais congelé semblent efficaces dans les formes
sévères.
Les essais thérapeutiques prospectifs randomisés ave c
contrôles histologiques n’ont pas démontré d’effet significatif de l’héparine ni des fibrinolytiques. Il en est de même
pour les agents anti-agrégants plaquettaires (13). En ce qui
concerne les corticoïdes, plusieurs auteurs ont rapportés
dans quelques cas des résultats favorables, mais ceci n’a
pas été confirmé par d’autres (13, 14, 15). Les échanges
plasmatiques, utilisés pour la première fois en 1977, semblent donner de meilleurs résultats (14).
Médecine du Maghreb 1997 n°63
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BAYAHIA R., AL HAMANY Z., BALAFREJ L.
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Tous nos patients, sauf le cas décrit dans l’observation 3,
ont reçu un traitement corticoïde sous forme de bolus de
m é t hyl prednisolone à la dose de 20 mg/kg/j pendant
3 jours relayé par une corticothérapie per os. Pourrait-on, à
court terme, attribuer la récupération d’une fonction rénale
normale (observation 1 et 2) ou du moins son amélioration
ou sa stabilité (observation 4 et 5) à ce traitement ?
En prat i q u e, selon plusieurs auteurs (3), un tra i t e m e n t
symptomatique de l’insuffisance rénale aiguë et de l’HTA,
permet d’améliorer le pronostic vital du SHU. Ce traitement serait largement suffisant dans les forme typiques de
l’enfant. Ce traitement a permis de faire passer en 2 ans la
mortalité de plus de 60% à moins de 10% (15). Mais dans
les formes atypiques et chez l’adulte, ce traitement sera
associé à des perfusions de plasma frais congelé suiv i
d’échanges plasmatiques, en cas d’échec. Un traitement
plus agressif comportant d’emblée des échanges plasmatiques avec du plasma frais congelé comme liquide de rem-
placement, peut également être préconisé.
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