ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT Année 2008 VARIATIONS DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PETITS CETACES : CARTOGRAPHIE ISOTOPIQUE DES INDIVIDUS ET STRUCTURE DES COMMUNAUTES DE PETITS CETACES THESE Pour le DOCTORAT VETERINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL le…………… par Vanessa, Lydie ESTRADE Née le 29 décembre 1982 à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) JURY Président : M. Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL Membres Directeur : Mme COMBRISSON Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort Assesseur : M. COURREAU Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort LISTE DES MEMB RES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur MIALOT Jean-Paul Directeurs honoraires : MM. les Professeurs MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles, TOMA Bernard Professeurs honoraires: MM. BUSSIERAS Jean, CERF Olivier, LE BARS Henri, MILHAUD Guy, ROZIER Jacques, CLERC Bernard DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP) Chef du département : Mme COMBRISSON Hélène, Professeur - Adjoint : Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences - UNITE D’HISTOLOGIE , ANATOMIE PATHOLOGIQUE -UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES M. CRESPEAU François, Professeur Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur * M. DEGUEURCE Christophe, Professeur* Mme BERNEX Florence, Maître de conférences Mme ROBERT Céline, Maître de conférences Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences M. CHATEAU Henri, Maître de conférences -UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE , MICROBIOLOGIE, IMMUNOLOGIE Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur* M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur -UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE M. BRUGERE Henri, Professeur Mme COMBRISSON Hélène, Professeur* M. TIRET Laurent, Maître de conférences -UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur * M. TISSIER Renaud, Maître de conférences M. PERROT Sébastien, Maître de conférences -UNITE : BIOCHIMIE M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences M. BELLIER Sylvain, Maître de conférences - UNITE DE VIROLOGIE M. ELOIT Marc, Professeur * Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences -DISCIPLINE : PHYSIQUE ET CHIMIE BIOLOGIQUES ET MEDICALES M. MOUTHON Gilbert, Professeur -UNITE DE GENETIQUE MEDICALE ET MOLECULAIRE M. PANTHIER Jean-Jacques, Professeur Mlle ABITBOL Marie, Maître de conférences -DISCIPLINE : ETHOLOGIE M. DEPUTTE Bertrand, Professeur -DISCIPLINE : ANGLAIS Mme CONAN Muriel, Ingénieur Professeur agrégé certifié DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC) Chef du département : M. POLACK Bruno, Maître de conférences - Adjoint : M. BLOT Stéphane, Maître de conférences - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE M. FAYOLLE Pascal, Professeur * - UNITE DE MEDECINE M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur* M. MOISSONNIER Pierre, Professeur Mme CHETBOUL Valérie, Professeur Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Maître de conférences M. BLOT Stéphane, Maître de conférences Mme RAVARY Bérangère, Maître de conférences (rattachée au DPASP) M. ROSENBERG Charles, Maître de conférences M. ZILBERSTEIN Luca, Maître de conférences contractuel Mme MAUREY Christelle, Maître de conférences M. HIDALGO Antoine, Maître de conférences contractuel - UNITE DE CLINIQUE EQUINE M. DENOIX Jean-Marie, Professeur - UNITE DE RADIOLOGIE Mme BEGON Dominique, Professeur* M. AUDIGIE Fabrice, Maître de conférences* Mme STAMBOULI Fouzia, Maître de conférences contractuel Mme MESPOULHES-RIVIERE Céline, Maître de conférences contractuel Melle PRADIER Sophie, Maître de conférences contractuel - DISCIPLINE : OPHTALMOLOGIE Mlle CHAHORY Sabine, Maître de conférences contractuel -UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE Mme CHASTANT-MAILLARD Sylvie, Maître de conférences* - UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES M. CHERMETTE René, Professeur (rattachée au DPASP) M. POLACK Bruno, Maître de conférences* M. NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences M. GUILLOT Jacques, Professeur M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences contractuel M. REMY Dominique, Maître de conférences (rattaché au DPASP) Mlle HALOS Lénaïg, Maître de conférences M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences Mlle CONSTANT Fabienne, Maître de conférences (rattachée au DPASP) -UNITE DE NUTRITION-ALIMENTATION M. PARAGON Bernard, Professeur * Melle DEGUILLAUME Laure, Maître de conférences contractuel M. GRANDJEAN Dominique, Professeur (rattachée au DPASP) DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP ) Chef du département : M. MAILLARD Renaud, Maître de conférences - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Maître de conférences -UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES - UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE M. BENET Jean-Jacques, Professeur* M. COURREAU Jean-François, Professeur Mme HADDAD/ HOANG-XUAN Nadia, Maître de conférences M. BOSSE Philippe, Professeur Mme DUFOUR Barbara, Maître de conférences Mme GRIMARD-BALLIF Bénédicte, Professeur Mme LEROY Isabelle, Maître de conférences -UNITE D’HYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS M. ARNE Pascal, Maître de conférences M. PONTER Andrew, Maître de conférences* D’ORIGINE ANIMALE M. BOLNOT François, Maître de conférences * M. CARLIER Vincent, Professeur - UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES Mme COLMIN Catherine, Maître de conférences ANIMAUX DE BASSE-COUR M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Maître de conférences M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences* Mme BRUGERE-PICOUX Jeanne, Professeur (rattachée au DSBP) M. MAILLARD Renaud, Maître de conférences - DISCIPLINE : BIOSTATISTIQUES M. SANAA Moez, Maître de conférences M. ADJOU Karim, Maître de conférences Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique recherche * Responsable de l’Unité Mme GIRAUDET Aude Clinique équine, Ingénieur de REMERCIEMENTS Merci à Hélène COMBRISSON d’avoir accepté d’être mon directeur de thèse. Merci à Jean François COURREAU d’être mon assesseur de thèse. Merci à Gérard BLANCHARD de m’avoir acceptée dans son laboratoire. Je tiens à remercier Florence CAURANT pour son encadrement, sa gentillesse et son aide très précieuse (et croyez moi, elle a du mérite !). Merci encore à Paco BUSTAMANTE pour son encadrement et ses nombreuses suggestions. Merci à Vincent RIDOUX pour sa sympathie et pour son aide (et pour sa relecture finale de « naïf » comme il dit). Merci à Pierre RICHARD pour ses explications et sa patience. Merci à Yves CHEREL de m’avoir ouvert les portes de sa bibliothèque bibliographique. Merci à Gaël GUILLOU pour avoir fait passer mes échantillons dans le spectromètre. Merci à toute la petite communauté du CRMM (Willy DABIN, Olivier VAN CANNEYT, Jérôme SPITZ…) pour leur aide, et leur bonne humeur… Enfin merci à Tiphaine CHOUVELON (je ne t’ai pas oubliée!) de m’avoir aidée à la longue et odorante préparation de mes échantillons, ainsi que de m’avoir supportée dans les moments les plus durs (en fait il n’y en a pas eu, mais je trouvais que ça sonnait bien). TABLE DES MATIERES INTRODUCTION........................................................................................................................ 3 PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES ISOTOPES STABLES............... 5 DU CARBONE ET DE L’AZOTE.............................................................................................. 5 I. Isotopes stables du carbone et de l’azote : marqueurs écologiques discriminants........... 7 1. Isotopes stables du carbone .......................................................................................... 7 2. Isotopes stables de l’azote ............................................................................................ 8 II. Variabilité des signatures isotopiques chez les prédateurs supérieurs dans l’écosystème marin : difficultés d’interprétation et outil de détermination écologique........... 9 DEUXIEME PARTIE : ETUDE PERSONNELLE VARIATIONS DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PETITS CETACES : CARTOGRAPHIE ISOTOPIQUE DES INDIVIDUS ET STRUCTURE DES COMMUNAUTES DE PETITS CETACES................. 15 I. Problématique de l’etude................................................................................................ 15 1. Préalable à l’étude ...................................................................................................... 15 2. Contexte de l’étude..................................................................................................... 16 3. Objectifs de l’étude .................................................................................................... 18 II. Matériels et méthodes..................................................................................................... 21 III. Résultats ..................................................................................................................... 27 1. Taux de lipides des tissus ........................................................................................... 27 a. Ratio C/N................................................................................................................ 27 b. Comparaison des pourcentages en lipides des différents tissus au sein de chacune des espèces étudiées ....................................................................................................... 27 2. « Cartographie » des rapports isotopiques dans les différents tissus des quatre espèces de delphinidés ....................................................................................................... 31 a. Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents tissus au sein d’une espèce donnée....................................................................................................... 31 b. Influence des taux de lipides sur les différences de valeurs isotopiques observées entre les tissus................................................................................................................. 37 c. Variabilité intraspécifique des valeurs isotopiques observées pour les différents organes ........................................................................................................................... 38 3. Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la communauté des petits delphinidés................................................................................................................ 40 IV. Discussion .................................................................................................................. 49 1. Efficacité de la délipidation........................................................................................ 49 2. Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents tissus au sein d’une même espèce ...................................................................................................................... 49 a. Effet du taux et de la nature des lipides sur les valeurs isotopiques ...................... 50 b. Effet de la composition biochimique globale d’un tissu sur sa valeur isotopique . 52 3. Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la communauté des petits delphinidés................................................................................................................ 54 a. Taux de turnover .................................................................................................... 54 b. Interprétation écologique des valeurs isotopiques ................................................. 56 c. Paramètres mixtes et variabilité des signatures isotopiques................................... 59 4. Conclusion de la discussion ....................................................................................... 60 CONCLUSION .......................................................................................................................... 63 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................... 65 1 2 INTRODUCTION Les isotopes stables, et notamment ceux du carbone et de l’azote, correspondent à un objet d’étude en pleine expansion dans le domaine de l’écologie, qui se veut complémentaire des méthodes conventionnelles. En effet, l’analyse des isotopes stables permet d’apprécier l’écologie trophique des espèces étudiées (zones de nourrissage, niveau trophique et régime alimentaire) à plus ou moins long terme. Les isotopes stables ont été utilisés chez de nombreuses espèces d’organisation plus ou moins complexe, de l’insecte au mammifère (Tieszen et al., 1983 ; Hobson et Wassenaar, 1999). Dans cette dernière classe, la taille des animaux ainsi que le métabolisme différentiel entre les tissus imposent une analyse des isotopes stables tissu par tissu, et non sur l’animal entier comme cela était possible chez les invertébrés. Ainsi, chez les euthériens, l’analyse des isotopes stables revêt deux composantes : une composante métabolique et une composante écologique. La préparation des échantillons en vue de l’analyse des isotopes stables est longue, divisée en plusieurs étapes, et fait appel à une technicité lourde et onéreuse. C’est pourquoi la majorité des chercheurs se sont limités à un nombre faible de tissus analysés par espèce étudiée (généralement deux ou trois). Nous nous proposons, dans cette étude, d’analyser les isotopes stables du carbone et de l’azote dans sept tissus chez quatre espèces de petits cétacés échoués le long des côtes du Golfe de Gascogne ces six dernières années. Ce sujet, proposé par le Centre de Recherche sur les Ecosystèmes Littoraux Anthropisés, a été traité sur une période de six mois, dans le cadre de mon stage de master recherche « Exploitation Durable des Ecosystèmes Littoraux » au Centre de Recherche sur les Mammifères Marins de La Rochelle. Après avoir rappelé les connaissances déjà acquises sur les isotopes stables, nous dresserons une cartographie des tissus en comparant la position relative des tissus les uns par rapport aux autres en terme de δ13C et de δ15N dans une espèce donnée afin d’évaluer les métabolisme différentiel intertissulaire. Après s’être affranchi de cette composante métabolique, nous interpréterons les valeurs isotopiques du point de vue de l’écologie trophique des espèces étudiées. 3 4 PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES ISOTOPES STABLES DU CARBONE ET DE L’AZOTE L’utilisation des isotopes stables naturels a considérablement augmenté ces dernières années dans le domaine de l’écologie (Hobson & Wassenaar, 1999). Ceci a été rendu possible par les développements techniques qui ont rendu cette méthode accessible à un grand nombre de chercheurs. Par exemple, dans le cas de l’étude des régimes alimentaires, les méthodes conventionnelles impliquent l’étude des contenus stomacaux, des fèces ou des pelotes de régurgitation, voire les observations du comportement de prédation in situ. Cependant ces techniques montrent uniquement la nourriture ingérée à un instant t et qui peut donc s’avérer peu représentative du régime alimentaire de l’animal sur le long terme. C’est pourquoi, l’analyse des isotopes stables se révèle complémentaire en fournissant des informations sur la nourriture assimilée à plus long terme. De la même façon, il n’est pas toujours facile d’étudier par les techniques classiques (pose de balises, marquage-recaptures…) les déplacements ou mouvements migratoires des organismes. Là encore l’analyse d’isotopes stables naturels comme le deutérium peut fournir des indications précieuses sur les différents habitats et/ou zones géographiques fréquentés par des organismes quand on sait que les précipitations fournissent une signature locale. Ainsi Wassenaar et Hobson (1998) ont pu retracer les routes migratoires du papillon monarque (Danaus plexippus) entre ses sites de reproduction et ses zones d’hivernage au Mexique. De nombreux isotopes stables sont aujourd’hui utilisés (Hobson, 1999) : oxygène, carbone, azote, strontium, plomb, soufre, deutérium. L’utilisation conjointe de ces isotopes stables permet d’étudier l’écologie alimentaire et/ou les habitats d’origine, et donc finalement, les mouvements possibles des organismes. Cette approche est basée sur le fait que la composition isotopique d’un consommateur est similaire ou augmentée d’un rapport constant, par rapport à sa source alimentaire (De Niro et Epstein, 1978, 1981) et reflète donc la signature isotopique du réseau trophique auquel il appartient. Cette constante d’enrichissement, aussi appelée « fractionnement » varie selon l’isotope étudié (Tieszen et al., 1983) et dépend du producteur primaire, du consommateur, de son régime alimentaire (De Niro et Epstein, 1978, 1981) et du tissu analysé (Tieszen et al., 1983). Le fractionnement serait dû à l’effet combiné de l’assimilation sélective des composants alimentaires et de la discrimination isotopique dépendante des tissus (Tieszen et al., 1983). Cette dernière résulterait de la composition biochimique différentielle des tissus, et 5 de ce que l’on appelle communément le «routing isotopique». Néanmoins, cette discrimination n’est pas parfaite, et la signature peut varier spatialement et temporellement du fait d’un ensemble de processus biogéochimiques impliqués dans la labilité du rapport isotopique chez les organismes. Les rapports d’abondance absolue s’expriment par le rapport entre l’isotope le plus lourd et l’isotope le plus léger, par exemple 13 C/12C. Les abondances relatives des isotopes stables, notées δ, sont exprimées en ‰ selon la formule : δ X = [(Rech./Rstandard)-1]*1000 avec X correspondant à l’isotope lourd d’un élément (en l’occurrence 13 C ou représentant le rapport entre l’isotope lourd et l’isotope léger (13C/12C ou 15 15 N) et R N/14N). Le R standard est basé sur le rapport isotopique de la bélemnite PDB pour 13C et sur le rapport de l’azote atmosphérique pour 15N. Par convention, la valeur δ des standards universels est égale à 0‰. Cette approche est plus facilement utilisable quand l’animal in toto peut être analysé. Cela se complique quand il s’agit d’animaux de grande taille pour lesquels seuls certains tissus peuvent être analysés. En effet, chez les endothermes, contrairement aux ectothermes (Hesslein et al., 1993), il existe des différences significatives de signatures isotopiques en fonction des tissus (Tieszen et al., 1983) principalement dues au fractionnement et aux taux de turnover spécifiques de chaque tissu. Cette propriété apporte une difficulté supplémentaire à l’interprétation. Une première partie sera consacrée au rôle des isotopes stables du carbone et de l’azote en tant qu’outil discriminant des différents lieux de nourrissage, et donc des habitats et de la position trophique des organismes. Cependant, ce pouvoir discriminant n’est pas parfait et admet des facteurs de variabilité pouvant impliquer, en particulier chez les grands animaux, des difficultés d’interprétation des isotopes stables. Ceci fera l’objet d’une seconde partie. 6 I. ISOTOPES STABLES DU CARBONE ET DE L’AZOTE : MARQUEURS ECOLOGIQUES DISCRIMINANTS 1. Isotopes stables du carbone Deux isotopes stables du carbone sont majoritairement représentés dans la nature : l’isotope léger (98.89%) et 13 12 C C, l’isotope lourd qui est aussi le plus rare (1.11%). Il n’existe qu’un faible enrichissement entre une proie, d’un niveau trophique donné, et son consommateur (généralement inférieur à 1‰ - De Niro et Epstein, 1978), et les hétérotrophes conservent donc une composition isotopique très proche de celle de leur nourriture. Selon le modèle de photosynthèse des plantes à la base de la chaîne trophique (enzymes impliquées, cinétique de synthèse, lieu de fixation du C, lieu d’échange avec l’atmosphère), le δ13C des plantes peut différer (Peterson et Fry, 1987): • Les plantes en C4, pour la plupart côtières ou benthiques, fixent d’avantage le 13C, et présentent donc des δ13C importants, variant de -14 à -10‰. • Les plantes en C3, plus pélagiques (phytoplancton) sont au contraire appauvries en 13C et présentent des valeurs de δ13C qui varient de -35 à –21‰. Les producteurs primaires possédant ainsi des valeurs de δ13C variables selon leur origine, δ13C constitue donc un indicateur efficace de la source de production primaire des consommateurs, et donc, dans certains cas, de leur habitat dans l’hypothèse de l’absence de migrations (Fry, 1988 ; Hobson et Welsh, 1992). Plus précisément, un organisme, côtier ou benthique sera plus enrichi en 13C qu’ un organisme pélagique (Mac Connaughey et Mac Roy, 1979 ; Rau et al., 1983 ; France 1995b). De même, les écosystèmes marins sont plus enrichis en 13 C que les écosystèmes d’eau douce, pour les mêmes raisons (Mizutani et al., 1990 ; France, 1995a). Les paramètres physico-chimiques de l’environnement (bathymétrie locale, latitude, concentration en nutriments, température ambiante, intensité du vent, courant, salinité…) sont fluctuants en fonction des zones géographiques et/ou selon la période de l’année dans un site donné et affectent directement les signatures isotopiques des producteurs primaires (Fontaine et al., 2007). Certains paramètres physico-chimiques affectent plus ou moins spécifiquement le δ13C des producteurs primaires. C’est par exemple le cas de la température. En effet, à faible température, la solubilité du CO2 atmosphérique dans l’eau augmente, et, ce dernier étant 7 déprimé en 13 C, le δ13C des producteurs primaires diminue. C’est pourquoi le δ13C diminue quand la latitude augmente (Goericke et Fry, 1994 ; Fontaine et al., 2007). Inversement δ13C augmenterait aux températures élevées (Hobson et Welsh, 1992 ; France, 1995b). En milieu marin, δ13C augmente également avec la salinité et les faibles profondeurs (Goericke et Fry, 1994). En milieu terrestre, l’aridité influence positivement le δ13C des producteurs primaires (Lajtha et Marshall, 1994). Par contre, quel que soit le milieu, l’apport de CO2 anthropogénique induit un appauvrissement en δ13C (Kroopnick, 1985). Ces facteurs abiotiques, de par leur action sur le taux de croissance du phytoplancton, influencent indirectement le δ13C de ce dernier. En effet, une productivité primaire importante est favorable à un fractionnement diminué du carbone utilisé et donc à un enrichissement en 13 C du producteur primaire (Hirons et al., 2001). C’est ainsi que δ13C augmente lors des blooms phytoplanctoniques. 2. Isotopes stables de l’azote Deux isotopes stables de l’azote sont prédominants: 14 N, le plus léger et le plus répandu (99.63%), et 15N le plus lourd, présent en quantité moindre (0.37%). Un consommateur expire et excrète préférentiellement l’isotope léger 14N, sous forme d’urée, de NH3 chez les mammifères ou d’acide urique chez les oiseaux par réaction de désamination et/ou transamination (Minagawa et Wada, 1984 ; Michener et Schell, 1994). C’est ainsi qu’il se trouve enrichi en 15N par rapport à sa proie (De Niro et Epstein, 1981). L’enrichissement moyen d’un niveau trophique à un autre est de 3,4‰ chez les consommateurs marins (Minagawa et Wada, 1984 ; Fry, 1988). On parle de fractionnement métabolique au sein du réseau trophique (De Niro et Epstein, 1981 ; Tieszen et al., 1983). La teneur en 15 N des consommateurs et donc le δ15N est un bon indicateur du niveau trophique d’un organisme dans un écosystème (Peterson et Fry, 1987). De même que pour le carbone, plusieurs facteurs abiotiques peuvent expliquer la variabilité du δ15N. Tout d’abord, l’exploitation des différentes sources d’azote disponibles (azote inorganique et azote dissous) est fluctuante selon les producteurs primaires et selon les saisons (Cabana et Rasmussen, 1996). C’est ainsi que le δ15N des producteurs primaires peut varier de 6 à 10 ‰ au cours de l’année (Mariotti et al., 1984). En milieu marin, la valeur du δ15N augmente avec la salinité, les faibles profondeurs et la température (Jennings et Warr, 2003). Ceci expliquerait la corrélation négative entre δ15N et latitude (Fontaine et al., 2007). L’apport d’azote sous forme de fertilisants naturels (fèces,…) ou artificiels contribue à 8 l’enrichissement en δ15N des milieux terrestres et côtiers et donc des producteurs primaires (Cabana et Rasmussen, 1996). Finalement, les signatures isotopiques en δ13C et δ15N des producteurs primaires varient au cours de l’année, grâce à l’exploitation fluctuante des différentes sources trophiques dans des sites distincts selon les saisons. C’est ainsi que les δ13C et δ15N du phytoplancton suivent la tendance des δ13C et δ15N de leurs sources. II. VARIABILITE DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PREDATEURS SUPERIEURS DANS L’ECOSYSTEME MARIN : DIFFICULTES D’INTERPRETATION ET OUTIL DE DETERMINATION ECOLOGIQUE La variabilité des signatures isotopiques chez les organismes situés à la base du réseau trophique se répercute au niveau des prédateurs supérieurs via les proies. En effet, les paramètres physicochimiques énoncés précédemment entraînent une fluctuation de l’abondance des producteurs primaires, ainsi qu’une variation de leur composition spécifique, et de leur taux de croissance. De là découle une variabilité de la présence, de l’abondance et de la diversité des herbivores et enfin des consommateurs (Hirons et al., 2001). Cependant, cette variabilité n’est pas nécessairement conservée car les prédateurs peuvent eux-mêmes changer d’habitat et/ou de comportement alimentaire (Walker et Macko, 1999), afin de s’adapter aux conditions océanologiques locales. De plus, leur métabolisme peut aussi influencer la valeur des rapports isotopiques. Tout cela rend leur interprétation très délicate. Les prédateurs supérieurs tels que les mammifères marins sont des organismes de grande taille pour lesquels la technique des isotopes stables impose une analyse tissu par tissu. Cependant, il existe des différences intertissulaires qui constituent une difficulté supplémentaire à l’interprétation des résultats. Taux de turnover, composition biochimique distincte et métabolisme spécifique au tissu expliquent ces variations intertissulaires. Deux tissus différents ont des taux métaboliques (turnover moléculaire) et donc des taux de turnover en carbone et en azote différents (Tieszen et al., 1983). Ils intègrent donc l’information trophique à des échelles de temps différentes (Tieszen et al., 1983 ; Schell et al., 1989) ce qui peut aussi correspondre à des variations à différentes échelles spatiales si l’animal est mobile (Bearhop et al., 2002). On distingue ainsi : 9 ¾ Les tissus kératinisés (cheveux, poil, crin, plume, ongle et fanons), en perpétuelle croissance en phase anagène, qui deviennent métaboliquement inertes après leur synthèse (Schell et al., 1989). Ils permettent un enregistrement trophique qui reflète les circonstances dans lesquelles le tissu a été synthétisé (Schell et al., 1989 ; Mizutani et al., 1990). La croissance des phanères d’un même animal n’étant pas synchrone, l’échantillonnage de plusieurs d’entre eux, non invasif, permet d’avoir accès à une échelle de temps plus importante (Bearhop et al., 2002). ¾ Les dents ne subissent pas de turnover. Elles résultent de dépôts concentriques annuels de couches de dentine qui viennent combler la cavité pulpaire. C’est ainsi que ces tissus peuvent être étudiés dans leur intégralité et reflètent alors le régime alimentaire de l’individu intégré sur sa vie entière. L’existence des différentes couches permet aussi d’avoir accès à des phases différentes de la vie de l’animal (Walker et Macko, 1999). ¾ Les os sont synthétisés durant la vie embryonnaire, puis subissent un processus lent et continu de turnover et de remodelage pendant toute la vie de l’individu (Schoeninger et De Niro, 1984). Ils intègrent donc une information à des échelles de temps très importantes. ¾ Les tissus mous sont métaboliquement actifs et correspondent à une intégration temporelle du régime alimentaire, variant de quelques jours pour le foie (Hesslein et al., 1993) à quelques mois pour le muscle (Tieszen et al., 1983 ; Hobson et Clark., 1992a). Tieszen et al. (1983) ont montré que le turnover du carbone, et donc le temps de demivie (T1/2C) dans un tissu donné, est corrélé positivement au taux métabolique de ce tissu. Il en est de même pour T1/2N (Bearhop et al., 2002). Hobson et Clark (1992a) ont exprimé δ13C de l’humérus de la caille japonaise comme étant une fonction exponentielle du temps. Finalement, ils aboutissent à l’expression du temps de demi-vie du carbone en fonction du taux de turn over : T1/2C = ln(0.5)/c c étant le taux de turnover fractionnel dans un tissu donné, à savoir l’ estimation de la période mise par le C pour être incorporé dans ce tissu, et donc plus généralement de la période nécessaire au tissu pour intégrer l’information alimentaire. Il faut généralement entre 2 T1/2C et 3 T1/2C pour que l’information isotopique de l’élément en question soit complètement intégrée dans un tissu (Hobson, 1993). Ainsi, pour peu que les animaux adoptent des régimes alimentaires isotopiquement distincts au cours de leur vie, les organes refléteront cette variation après des pas de temps qui différeront entre eux. Les taux de turnover à partir des tissus de mammifères marins n’ont pas 10 été estimés. Cependant, les taux de turnover d’autres mammifères peuvent être utilisés pour avoir un ordre d’idée de la tendance générale que suivent les différents tissus en termes de temps de renouvellement (Tieszen et al., 1983). Les temps de demi vie des différents tissus sont résumés dans le tableau 1 : Tableau 1 : Temps de demi-vie des différents tissus Tissu lent Turnover rapide T1/2C Collagène os 173,3 jours (Hobson et Clark, 1992) Poil 47,5 jours (Tieszen et al., 1983) Cerveau 28,2 jours (Tieszen et al., 1983) Muscle 27,6 jours (Tieszen et al., 1983) Lard 15,6 jours (Tieszen et al., 1983) Foie 6,4 jours (Tieszen et al., 1983) Espèce étudiée Caille japonaise Gerbille La composition biochimique des tissus est une autre cause de variation des signatures isotopiques. En effet, chaque tissu est composé d’un mélange complexe et spécifique de molécules, qui ont chacune leur propre signature isotopique, et finalement, qui confèrent à l’organe sa valeur isotopique globale. De plus, la composition biochimique différentielle des organes induit une différence de discrimination isotopique et donc de fractionnement isotopique intertissulaire (Gaston et Suthers, 2004). Ainsi, les variations de δ13C intertissulaires sont imputables au contenu lipidique de chacun de ces organes (Tieszen et al., 1983). En effet, les lipides sont connus pour être déprimés en δ13C par rapport aux autres constituants biochimiques (Parker, 1964 ; De Niro et Epstein, 1978 ; Tieszen et al., 1983) et ainsi semblent déterminants dans la signature en δ13C de l’organe en question. C’est ainsi que les racines des poils de mammifères, riches en sécrétions sébacées, donc en lipides, sont plus appauvris en δ13C que le poil seul constitué majoritairement de kératine (West et al., 2004). La différence entre signature isotopique δ13C des lipides et des protéines serait due à un fractionnement isotopique plus important pendant le cycle métabolique des acides aminés (Hare et al., 1991) par rapport à la biosynthèse lipidique. Cependant, dans les tissus faiblement pourvus en lipides et à contenu majoritairement protéique (os/collagène ; poil/kératine), le δ13C s’explique davantage par la structure primaire de ces protéines, à savoir la nature, le nombre et enfin l’enchaînement des acides aminés au sein de la molécule (O’Connell et al., 2001). En effet, les signatures isotopiques des acides 11 aminés diffèrent entre eux, reflétant divers processus métaboliques, synthétiques et cataboliques (Gaebler et al., 1966 ; Hare et al., 1991). Au contraire, la signature isotopique δ15N des différents organes n’est peu ou pas influencée par le contenu lipidique, mais seulement par la composition protéique spécifique des tissus (Gaebler et al., 1966). Ainsi pour la plupart des tissus, seule la structure primaire des protéines les constituant détermine leur signature isotopique. La plupart des acides aminés non essentiels ont un δ15N similaire (Hare et al., 1991). Néanmoins, la thréonine est fortement appauvrie en δ15N par rapport aux autres acides aminés (Gaebler et al., 1966) et confère aux tissus la contenant en grande quantité (kératine par exemple) leur valeur basse en δ15N (O’Connell et al., 2001). Enfin, un organe ou un tissu donné n’admet pas une signature isotopique constante au cours du temps. En effet, les composés chimiques des différents tissus possèdent une dynamique métabolique propre, d’où des modèles distincts de variations temporelles des tissus. Les informations précédentes sont basées sur le fait que les tissus métaboliquement actifs sont synthétisés uniquement grâce à l’apport exogène des nutriments. Néanmoins, les métabolites permettant la synthèse et/ou le turnover des tissus peuvent provenir de la nourriture (exogène) et/ou des réserves corporelles (endogène). Ces deux types de molécules se distinguent isotopiquement. La part des métabolites issus de l’alimentation, et donc la part des métabolites provenant de la remobilisation des réserves, sont variables et dépendent de plusieurs facteurs saisonniers tels que la disponibilité de nourriture dans le milieu ou l’état physiologique de l’animal. Cette contribution relative des métabolites exogène et endogène diffère selon les organes (Hobson et Clark, 1992a) et confère aux tissus une variabilité saisonnière de leur signature isotopique. Enfin, les échanges entre organes selon les saisons et les différentes phases de la vie peuvent expliquer la variabilité temporelle intratissulaire. Une fois ces sources de variabilité connues, les isotopes stables peuvent permettre de discriminer des segments de population et de détecter des différences de régime alimentaire ou d’habitat en fonction du statut des individus constituant cette population. L’espèce est un facteur de variabilité des signatures isotopiques (Das et al., 2003a). Au sein de chacune des espèces, il existe une variabilité intraspécifique due à des facteurs intrinsèques (age, sexe, statut physiologique…) indirects. Par exemple, le sexe est responsable de différences de signatures isotopiques. Ainsi, Hooker et al. (2001) trouvent que les mâles ont des valeurs isotopiques légèrement supérieures à celles des femelles chez Hyperoodon ampullatus. De même, chez les marsouins communs Phocoena phocoena de la mer du Nord, les femelles se nourrissent plus près des côtes et à un niveau trophique supérieur à celui des 12 mâles (Das et al., 2003b,2004). Par ailleurs, l’âge s’avère être un facteur de variabilité isotopique. En effet, Niños-Torres (2006) chez le dauphin commun Delphinus delphis, a démontré l’existence d’une différence significative des signatures isotopiques entre des groupes de classes d’age distinctes, imputable à des changements de la nature de l’aliment (lait maternel par exemple chez les nouveaux nés et proies chez les individus sevrés), des zones de chasse et de la taille des éventuelles proies (les juvéniles se nourrissent davantage de proies côtières ou estuariennes, de petite taille et de faible niveau trophique comparés aux adultes). On interprète ces différences de signatures isotopiques entre genres et/ou entre classes d’âge (Lesage et al., 2001) par la possible ségrégation trophique en groupes homogènes de même âge et de même sexe, ayant le même régime alimentaire (Watson, 1981) et se nourrissant dans des zones données, au même niveau trophique. C’est ainsi que Delphinus delphis capensis se nourrit plus ou moins au large selon la phase de vie (Niños-Torres, 2006) et occupe un niveau trophique d’autant plus élevé qu’il avance en âge. Watson (1981) a même souligné une compétition entre groupes de D. delphis capensis subadultes et adultes, ces derniers écartant les jeunes de leur territoire de chasse. Les signatures isotopiques varient aussi en fonction du stade physiologique. Ainsi, pendant la gestation, au moment de la mise bas et pendant la lactation, les femelles possèdent une signature isotopique δ15N supérieure à celle des autres femelles et des mâles (Smith et Gaskin, 1983 chez P. phocoena). Ces phases sont gourmandes en énergie et, si la balance énergétique devient négative, les protéines sont mobilisées à partir du corps pour le maintien des muscles squelettiques et du fœtus, voire des organes vitaux. Il y aura donc un enrichissement en δ15N dans les organes cibles de la femelle. Ce même processus existe chez les individus subissant un jeûne prolongé (stress nutritionnel), face à l’absence de source de nourriture exogène récemment assimilée (Hobson et Clark, 1992b). De plus, on observe des migrations saisonnières ou des déplacements vers des zones où d’une part la signature isotopique des producteurs primaires sera différente et où d’autre part les prédateurs vont soit se nourrir des mêmes espèces, soit se nourrir d’espèces différentes et changer de statut trophique, selon l’abondance et les disponibilités de ces dernières. Cela peut conduire à des influences contraires sur les rapports isotopiques des prédateurs. Ainsi des populations de la même espèce, avec un régime alimentaire similaire, mais vivant dans des zones géographiques distinctes, peuvent avoir des signatures isotopiques différentes. Inversement, deux populations se nourrissant de proies différentes peuvent cependant montrer des signatures isotopiques proches (Walker et Macko, 1999). Toute la difficulté réside dans 13 l’affranchissement des facteurs de variabilité abiotiques et tissulaires, pour interpréter l’analyse des isotopes stables selon les facteurs intrinsèques propres aux individus. Finalement, l'analyse des isotopes stables est une technique intéressante et qui a largement fait ses preuves en écologie. Il est ainsi possible en utilisant plusieurs tissus aux turnovers distincts d’évaluer l’historique trophique et écologique d’un animal. Cependant, l’interprétation des données reste très délicate et nécessite de bien connaître certains aspects biochimiques et/ou physiologiques avant de pouvoir émettre des conclusions sur les sources de matière organique, les régimes alimentaires et/ou les habitats. Dans le cas des consommateurs, l’utilisation des isotopes stables ne peut permettre de s’affranchir de l’utilisation d’autres traceurs et/ou des techniques traditionnelles d’études de régime alimentaire ou d’habitats, complémentaires. 14 DEUXIEME PARTIE : ETUDE PERSONNELLE VARIATIONS DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PETITS CETACES : CARTOGRAPHIE ISOTOPIQUE DES INDIVIDUS ET STRUCTURE DES COMMUNAUTES DE PETITS CETACES I. PROBLEMATIQUE DE L’ETUDE 1. Préalable à l’étude Un écosystème, et en particulier le milieu marin, est caractérisé par un réseau trophique complexe reliant les producteurs primaires aux prédateurs marins supérieurs. La connaissance de l’écologie des mammifères marins passe par la compréhension de leur rôle dans ces écosystèmes. A ce titre, l’étude de l’écologie alimentaire est primordiale puisqu’elle permet d’évaluer la réponse des prédateurs aux variabilités spatio-temporelles de la disponibilité des ressources. Différentes méthodes conventionnelles existent pour analyser le régime alimentaire d’un prédateur marin : analyse des contenus stomacaux sur des individus échoués, observations du comportement de prédation in situ… Cependant ces techniques montrent uniquement la nourriture ingérée à un instant t qui peut s’avérer peu représentative du régime alimentaire sur le long terme de l’animal. D’autres possibilités d’étude des régimes alimentaires existent et passent par l’utilisation de traceurs écologiques. Ces traceurs sont de différentes natures : acides gras, métaux, isotopes stables du carbone et de l’azote. Ils vont fournir chacun un type de signature de la nourriture assimilée et peuvent apporter des informations sur les préférences alimentaires et/ou les habitats d’une population à plus ou moins long terme selon le tissu ou l’organe dans lequel ces traceurs sont analysés. Une approche actuellement très utilisée en écologie est l’analyse des isotopes stables, naturels, dans les tissus de ces prédateurs. Cette méthode, permet d’acquérir des informations sur la composition isotopique de la partie assimilée de la nourriture, qui est ainsi distribuée au sein des différents organes de l’animal. Les zones de nourrissage (via le δ13C) et le niveau trophique (via le δ15N) peuvent être ainsi évalués. Pinnegar et al. (2002) ont ainsi quantifié le niveau trophique d’une espèce donnée par la formule : TLNi(Trophic Level espece i)=[( δ15Ni- δ15Nref)/3.4]+2 15 Avec TL = 1 (1er niveau trophique) pour les détritus et les producteur primaires (phytoplancton, microphytobenthos…) et TL = 2 pour les détritivores et les herbivores. On notera que d’après ces conventions, les mammifères marins en tant que prédateurs supérieurs présentant un régime alimentaire relativement varié, présentent un TL relatif entre 3 et 5 (Pauly et al., 1998). 2. Contexte de l’étude Le Golfe de Gascogne et le nord de l’océan Atlantique adjacent supportent une diversité de cétacés importante, au sein de laquelle les delphinidés sont de loin les plus abondants (Goujon 1996 ; Hammond et al., 2002). Au sein du Golfe de Gascogne, deux compartiments assez contrastés existent : un domaine océanique et un domaine néritique séparés par le plateau continental présent à plus de 200 Km au large du nord du Golfe, et à moins de 10 Km au large du sud du Golfe (figure 2). 16 Figure 2 : Cartographie et bathymétrie du Golfe de Gascogne Sources Météo France et SHOM Le grand dauphin (Tursiops truncatus - Montagu 1821, Annexe 1a) occupe un habitat majoritairement océanique au sein du Golfe de Gascogne, mais peut être observé en zone néritique ou côtière (Spitz et al., 2006b). Son comportement alimentaire est très flexible et il peut se nourrir de grands poissons démersaux comme de céphalopodes (Spitz et al, 2006b). Le dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba – Meyen, 1833, Annexe 1b) est un petit delphinidé océanique, occupant occasionnellement les habitats néritiques et erratiquement la zone côtière dans le Golfe de Gascogne (Spitz et al., 2006a). Il présente un régime alimentaire assez diversifié puisqu’il peut chasser des poissons océaniques mésopélagiques, néritiques et épibenthiques ou plus rarement côtiers (Spitz et al 2006a). Le dauphin commun (Delphinus delphis – Linnaeus, 1758, Annexe 1c) est observé à la fois au niveau du plateau continental, 17 du talus et des eaux océaniques (Goujon, 1996 ; Brereton et al., 1999). Les régimes alimentaires sont contrastés entre les individus des domaines océanique et néritique. Les myctophidés dominent largement et les céphalopodes contribuent au régime alimentaire des premiers alors que les petits pélagiques comme les clupéidés, sont les proies principales dans le cas des individus fréquentant le domaine néritique (Meynier, 2004 ; Pusineri et al., 2007). Enfin, le marsouin (Phocoena phocoena – Linnaeus, 1758, Annexe 1d) est un petit cétacé de la famille des phocoenidés vivant la majeure partie du temps près des côtes mais pouvant aussi être vu au large. Son régime alimentaire est composé de petites proies démersales mais aussi de poissons et de crevettes pélagiques (Spitz et al., 2006b). 3. Objectifs de l’étude Nous proposons de comparer ces espèces entre elles afin de vérifier ces différences d’habitat et de comportement alimentaire au travers des valeurs des signatures isotopiques du δ13 C et du δ15N. L’analyse des isotopes stables chez les grands animaux, et en particulier chez les mammifères, ne peut être réalisée sur l’animal in toto et requiert donc l’analyse séparée de différents tissus. Les études comparant les signatures isotopiques de différents organes ou tissus de mammifères sont rares, et concernent principalement les petits mammifères de laboratoire (voir par exemple Tieszen et al., 1983). En particulier, il n’existe que très peu de publications traitant de l’analyse isotopique sur plus de deux organes chez les delphinidés (Abend et Smith, 1995). Les isotopes stables du carbone et de l’azote ont donc été analysés dans sept tissus (muscle, foie, rein, lard interne, lard externe, peau et dent) des quatre espèces de petits delphinidés citées précédemment (Delphinus delphis, Phocoena phocoena, Stenella coeruleoalba, Tursiops truncatus) échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne entre 2001 et 2006. Les signatures isotopiques de ces sept tissus qui présentent des taux de turnover, des pourcentages en eau et en lipides différents seront comparées et interprétées en tenant compte des aspects relevant de la physiologie et /ou du métabolisme avant de considérer la possibilité de les utiliser afin de retracer l’histoire trophique des individus au sein d’une même espèce. En effet, selon l’âge, le genre, le statut reproducteur, les individus d’une même espèce de delphinidés peuvent se ségréger soit au travers du régime alimentaire, soit des habitats fréquentés. Nous envisagerons ces variations à la lumière des signatures isotopiques des différents organes. De plus, les signatures isotopiques des organismes situés à la base du réseau trophique sont plus ou moins fluctuantes selon les conditions océanologiques, et donc selon le climat et la période de l’année. Cette variabilité se répercute avec une intensité plus 18 ou moins grande tout au long du réseau trophique, et donc aussi au niveau des prédateurs supérieurs tels que les delphinidés. Les individus de Pleubian (échouage en masse) se sont échoués simultanément le 18 février 2002. La comparaison des signatures de ces individus avec celles des autres individus Delphinus delphis échoués aléatoirement tout le long de l’année 2002 et sur différentes années, nous permettra d’étudier la variabilité saisonnière. Enfin, nous examinerons l’apport des signatures isotopiques du 13 C et de l’15N dans l’étude globale de la communauté des petits delphinidés du Golfe de Gascogne. 19 20 II. MATERIELS ET METHODES Les isotopes stables du carbone et de l’azote ont été analysés dans sept tissus (muscle, foie, rein, lard interne, lard externe, peau et dent) de quatre espèces de petits delphinidés (Delphinus delphis, Phocoena phocoena, Stenella coeruleoalba, Tursiops truncatus) échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne entre 2001 et 2006 : ces prélèvements sont effectués régulièrement et systématiquement par les correspondants du Réseau National Echouage suivant un protocole établi par le Centre de Recherche sur les Mammifères Marins (CRMM), observatoire de l’Université de La Rochelle. Une partie de chaque tissu mou (muscle dorsal, foie, rein), est prélevée sur l’animal lors de l’autopsie et conditionnée soit dans un sac plastique hermétique à –20°C (en vue des analyses de métaux) soit enveloppée dans une feuille d’aluminium sous sac plastique à –20°C (analyses Polluants Organiques Persistants) (figure 3). Pour chaque prélèvement de tissu, les faces directement en contact avec l’aluminium ou le plastique sont enlevées, et l’échantillon est coupé grossièrement avec un scalpel lame N°24. Figure 3 : Devenir des différents prélèvements effectués pendant l’autopsie 21 Les échantillons de foie, muscle et rein ainsi obtenus sont mis dans un mixer domestique et broyés électriquement. Le tissu ainsi broyé est conditionné dans des boîtes de Pétri préalablement pesées (microbalance Sartorius), et identifiées avec le numéro, l’espèce, le sexe de l’individu ainsi que le tissu concerné. Les boîtes de Pétri sont placées au congélateur à – 20°C pendant 1 à 2 jours puis les échantillons sont lyophilisés pendant 72 à 96 heures. Ensuite, les boites de Pétri sont pesées, et le tissu qu’elles contiennent est broyé mécaniquement dans un mortier. La poudre grossière obtenue est conditionnée sous pilulier identifié. Elle sera ensuite broyée finement dans un broyeur circulaire à billes : le broyage de l’échantillon se fait à 500 tours par minutes pendant dix minutes grâce à dix billes d’agathe. La fine poudre obtenue est reconditionnée sous pilulier (figure 4). Cent milligrammes (100 +/- 5 mg) sont prélevés après homogénéisation, et mis dans un tube Pyrex. Les lipides étant appauvris en δ13C par rapport aux autres constituants biochimiques (De Niro et Epstein, 1977, 1978 ; Tieszen et al., 1983), les échantillons doivent être délipidés pour éviter tout biais. La délipidation s’effectue par ajout de 4 mL de cyclohexane dans les tubes en pyrex qui contiennent les 100 mg de tissu. Les tubes sont secoués mécaniquement pendant 1 heure à 800 tours par minute, puis centrifugés pendant 5 minutes à 4000 tours par minutes. Si le surnageant est jaunâtre, cela signifie que la délipidation peut être incomplète et le tissu est soumis à une nouvelle délipidation. Quand le surnageant est limpide, le cyclohexane est extrait et le tube est mis à sécher à l’étuve à 50 °C pendant 1 à 2 jours. Une fois sec, le contenu du tube est homogénéisé à l’aide d’une spatule fine, et conditionnée dans un Eppendorf identifié. 22 Figure 4 : Préparation des échantillons de tissus en vue de l’analyse isotopique Le prélèvement de lard et de peau est réalisé sur l’animal en partie ventrale de la nageoire dorsale ou sur un côté du tronçon caudal. Il est conditionné de la même façon que les autres tissus et au moment de la préparation, la peau est délicatement séparée du lard à l’aide d’un scalpel et d’une pince. Elle sera rincée à l’eau Milli Q, puis découpée finement avec des ciseaux. Le bloc de lard est incisé légèrement en dessous et au-dessus de la limite entre lard interne et lard externe pour ne garder que les parties homogènes, et enlever la partie intermédiaire, mixte (figure 5). 23 Figure 5 : Coupe transversale de la couche de lard sous cutanée d’un cétacé. Mise en évidence d’une stratification anatomique La peau, le lard interne et le lard externe sont ensuite mis dans des boîtes de Pétri identifiées et préalablement pesées. Elles seront stockées au congélateur à –20°C, puis seront lyophilisées pendant 96 heures. Une fois les échantillons lyophilisés, les boîtes de Pétri sont pesées et leur contenu est mis sous tube Pyrex afin de subir une ou plusieurs délipidations jusqu’à ce que le surnageant soit limpide, puis les échantillons sont mis à sécher à l’étuve pendant 3 à 4 jours. Ils seront ensuite broyés dans un broyeur latéral grâce à deux billes en inox (2 minutes pour le lard et 3 minutes pour la peau à une amplitude de 100%). La poudre obtenue est délipidée à nouveau et séchée à l’étuve. Le résidu est alors broyé finement au broyeur circulaire à billes (500 tours2/minutes pendant 5 minutes), puis 100 mg +/- 5 mg de cette poudre sont isolés, re-délipidés et mis à sécher, avant d’être conditionnés sous Eppendorf. Les dents sont extraites de la mâchoire inférieure à l’aide d’un couteau puis conditionnées sous alcool dans un pilulier. L’âge des individus est déterminé par odontochronologie à partir de certaines dents ainsi conservées. Les dents servant à l’analyse des isotopes stables sont nettoyées de leur chair et broyées au broyeur à billes latéral pendant trois minutes. La poudre ainsi obtenue est décarbonatée par ajout d’1mL d’HCl à 2 mol. L-1 jusqu’à disparition totale des bulles de CO2 après homogénéisation. La décarbonatation permet d’éliminer le carbone inorganique (sous forme de carbonates) directement incorporé à partir des carbonates de l’eau de mer et ne passant donc pas par la voie trophique qui nous intéresse. Les échantillons sont séchés sous flux d’air filtré, puis homogénéisés à nouveau par ajout d’1 mL d’eau Milli Q. Ils sont ensuite congelés à –80°C pendant 5 heures, et placés au lyophilisateur. Pour optimiser le 24 séchage, les échantillons peuvent aussi être mis sous penta-oxyde de phosphore P2O5 dans un dessiccateur. Enfin, les dents lyophilisées sont homogénéisées à l’aide d’une spatule. Une masse prédéfinie de chaque tissu (0.35 ± 0.05 mg pour les tissus mous et 1.45 ± 0.05 mg pour les dents) est placée dans une micro capsule d’étain soigneusement fermée avant de passer dans l’analyseur. Les analyses isotopiques sont réalisées à l’aide d’un analyseur élémentaire (EuroVector EA 3024) couplé à un spectromètre de masse isotopique (Isoprime, Micromass). Dans l’analyseur élémentaire, l’échantillon est introduit en tête de colonne de combustion, le carbone et l’azote organiques présents dans les échantillons sont brûlés en présence d’oxygène par « flash combustion » à 1800°C et ainsi convertis en CO2 et oxydes d’azote. La combustion libère aussi d’autres gaz (halogénures, SO2, SO3) qui seront piégés sur de l’oxyde de chrome et de l’oxyde de cobalt. Les gaz produits sont entraînés par un flux d’hélium (100 mL.min-1) vers la colonne de réduction où les oxydes d’azote sont réduits en N2 par passage des gaz sur du cuivre à l’état réduit. L’eau est piégée en passant sur du perchlorate de magnésium. Les gaz restants (CO2 purifié et N2) passent ensuite dans une colonne de chromatographie gazeuse à 40 °C où ils seront séparés, puis introduits dans le spectromètre de masse isotopique. L’analyse de ces gaz purs est comparée à des injections de gaz de référence, eux mêmes calibrés par rapport aux standards internationaux : Pee Dee Belemnite (rostre de bélemnite fossile Belemnita americana provenant des Etats Unis) pour le δ13C et diazote atmosphérique pour le δ15N. Les valeurs isotopiques δ13C et δ15N des standards sont par convention de 0‰. Les valeurs relatives de δ13C et de δ15N, qui expriment la différence relative entre les rapports isotopiques de l’échantillon et du standard sont déterminées à l’aide la formule cidessous : δ (‰) = [(RE/RS) –1] × 103 Avec RE : rapport isotopique de l’échantillon et RS : rapport isotopique du standard. La précision obtenue en suivant cette procédure est 0,15‰ pour le carbone et 0,2‰ pour l’azote. 25 Les analyses statistiques sont réalisées sous le logiciel XLStatPro7.5. On utilisera des tests non paramétriques vu le faible nombre d’individus échantillonnés. Il s’agit du test de Kruskal Wallis pour les comparaisons de k échantillons indépendants (comparaison des espèces et des tissus entre eux, …) et du test de Wilcoxon Mann Whitney pour les comparaisons de deux échantillons indépendants (comparaison entre mâles et femelles, comparaison de deux espèces entre elles…). 26 III. RESULTATS Après avoir comparé les pourcentages en lipides des différents tissus, nous nous proposons de dresser la cartographie isotopique des tissus au sein de chacune des espèces. Enfin nous comparerons les valeurs isotopiques des différentes espèces pour un tissu donné afin d’accéder à l’écologie trophique des espèces étudiées. 1. Taux de lipides des tissus a. Ratio C/N La majorité des valeurs du ratio C/N des tissus délipidés est située entre 3 et 4 montrant que les tissus ont été correctement délipidés (De Niro, 1985 ; Matthews et Mazumder, 2005). Seules deux valeurs C/N sont proches de la limite supérieure avec 4 pour le lard interne d’un marsouin et 4,02 pour le lard externe d’un autre marsouin (valeurs non fournies) . b. Comparaison des pourcentages en lipides des différents tissus au sein de chacune des espèces étudiées Une grande variabilité est observée sans qu’il soit possible de dégager des tendances du fait des trop nombreux facteurs possibles de variabilité (espèces, sexe, âge, statut reproducteur, année, saison) et du trop faible nombre d’individus de chaque catégorie. Cependant, les moyennes de pourcentages en lipides obtenues par espèce et par tissu sont représentées figure 6 afin de permettre une comparaison relative entre les espèces. La figure 6a montre les pourcentages en lipides des différents tissus de marsouin Phocoena phocoena. Le taux de lipides est de 12 ± 6% (15 à 20%) pour le muscle ; 19 ± 6% (14 à 28%) pour le foie ; 28 ± 6% (17 à 35%) pour le rein ; 27 ± 8% (22 à 38%) pour la peau ; 55 ± 23% (39 à 95%) pour le lard externe et 40 ± 19% (16 à 58%) pour le lard interne. 27 Figure 6a : Pourcentages en lipides des différents tissus de Phocoena phocoena La différence entre les tissus est significative (p = 0,001). Le muscle est le tissu le plus maigre, le lard externe est le tissu le plus gras. La différence de lipides entre les tissus restants, à savoir le foie, le rein, la peau et le lard interne est globalement non significative (p > 0,05). La figure 6b montre les différents taux de lipides des tissus de Stenella coeruleoalba. Les pourcentages de lipides sont de 13 ± 13% (4 à 28%) dans le muscle ; 18 ± 6% (8 à 26%) dans le foie ; 28 ± 17% (6 à 53%) dans le rein ; 25 ± 7% (13 à 33%) pour la peau ; 44 ± 19% (22 à 72%) dans le lard externe et 30 ± 17% (18 à 60%) dans le lard interne. Figure 6b : Pourcentages en lipides des différents tissus de Stenella coeruleoalba 28 La différence globale entre les tissus est significative (p = 0,028). Le muscle est le tissu le plus maigre, et le lard externe le plus chargé en lipides. La figure 6c montre le taux moyen de lipides des différents tissus de Tursiops truncatus. Figure 6c : Pourcentages en lipides des différents tissus de Tursiops truncatus Le foie est le tissu le plus maigre avec un taux de lipides de 21 ± 7% (11 à 28%). Le muscle possède un pourcentage en lipides de 29 ± 7% (20 à 36%) assez proche de celui du rein qui est de 33 ± 8% (27 à 45%). Le lard interne présente une teneur en lipides de 42 ± 31%. La peau et le lard externe constituent les organes les plus gras avec une teneur en lipides de 61 ± 35% (16 à 96%) et de 65 ± 20% (37 à 83%) respectivement. Néanmoins les différences entre les organes ne sont pas significatives (p = 0,073). La figure 6d montre les taux de lipides des tissus de Delphinus delphis mâle. Le foie est le tissu le plus maigre et présente une teneur en lipides de 20 ± 7% (8 à 27%). La peau possède une teneur en lipide de 24 ± 22% (9 à 49%). Le lard externe est plus gras que cette dernière puisque son pourcentage en lipides est de 30 ± 7% (23 à 35%). Le rein et le lard interne sont à peu près aussi gras l’un que l’autre, avec un pourcentage en lipides de 35 ± 4% (31 à 40%) et de 37 ± 7% (30 à 46%). Le muscle constitue le tissu le plus gras, possédant une teneur en lipides de 47 ± 13% (30 à 60%). On notera que la différence globale entre les organes est significative (p = 0,028). 29 Figure 6d : Pourcentages en lipides des différents tissus de Delphinus delphis mâle La figure 6e présente les taux de lipides par tissu chez Delphinus delphis femelle. Le lard interne est le tissu le moins riche en lipides, avec un pourcentage de 31 ± 11% (15 à 43%). La peau et le lard externe ont des teneurs en lipides assez proches, égales à 34 ± 10% (23 à 46%) et à 35 ± 16% (13 à 54%) respectivement. Le rein et le foie montrent un pourcentage en lipides de 37 ± 4% (30 à 42%) et de 45 ± 4% (38 à 50%) respectivement. Enfin, le muscle est le tissu le plus gras avec un pourcentage en lipides de 57 ± 10% (51 à 75%). Figure 6e : Pourcentages en lipides des différents tissus de Delphinus delphis femelle La différence entre les organes est significative (p = 0,009), et le muscle est significativement plus gras que les autres tissus. 30 Les organes suivent un ordre assez différent d’une espèce à l’autre. En effet, chez les marsouins et les dauphins bleus et blancs, le muscle est l’organe le plus maigre, suivi de près par le foie, puis la peau et le rein. Enfin le lard (interne et externe) constitue le tissu le plus gras. Chez le grand dauphin, l’ordre des organes n’est pas le même. Néanmoins, la différence globale entre les tissus n’est pas significative. Les taux de lipides se présentent de façon très différente chez les dauphins communs mâles ou femelles. Chez D. delphis mâle, le foie est le tissu le plus maigre alors que le muscle est le plus gras. Les autres tissus possèdent des teneurs en lipides intermédiaires entre ces deux extrêmes. De même chez les femelles, le muscle est significativement plus gras que les autres tissus mais c’est le lard interne qui est l’organe le moins chargé en graisse (annexes 8 et 9). 2. « Cartographie » des rapports isotopiques dans les différents tissus des quatre espèces de delphinidés a. Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents tissus au sein d’une espèce donnée L’annexe 2 résume les valeurs isotopiques moyennes, écarts-types et coefficients de variation des différents tissus pour chacune des espèces. Seuls les individus pour lesquels tous les tissus ont été analysés sont retenus ici. La figure 7a représente graphiquement les valeurs isotopiques des différents tissus de Phocoena phocoena. Le δ13C moyen est de –16,68 ± 0,43‰ pour le muscle, -17,08 ± 0,44‰ pour le foie, -17,13 ± 0,31‰ pour le rein, -16,95 ± 0,45‰ pour la peau, -16,30 ± 0,83‰ pour le lard externe et – 16,65 ± 0,94‰ pour le lard interne. Ces valeurs ne sont pas significativement différentes (H = 5,79 ; p = 0,327). Le δ15N moyen est de 13,66 ± 1,15‰ pour le muscle, 14,57 ± 0,81‰ pour le foie, 14,12 ± 0,74‰ pour le rein, 15,02 ± 0,95‰ pour la peau, 17,91 ± 1,33‰ pour le lard externe et 16,95 ± 0,89‰ pour le lard interne. Les valeurs sont significativement différentes (H = 17,72 ; p = 0,003). Cette différence est due aux valeurs moyennes significativement plus élevée du lard externe et du lard interne comparés aux autres tissus, comme le montrent les tests faits a posteriori entre les paires. 31 Figure 7a : Valeurs isotopiques des différents organes chez Phocoena phocoena La figure 7b présente les valeurs isotopiques des tissus de Stenella coeruleoalba. Le δ13C moyen est de –17,48 ± 0,19‰ pour le muscle, -17,79 ± 0,31‰ pour le foie, -17,74 ± 0,33‰ pour le rein, -17,17 ± 0,45‰ pour la peau, -16,61 ± 0,69‰ pour le lard externe et – 16,66 ± 0,66‰ pour le lard interne. Les valeurs sont significativement différentes (H = 19,72 ; p = 0,001). En effet, le foie et le rein sont significativement différents de la peau et du lard (U = 2 ; p = 0,010). De même, le muscle est significativement inférieur au lard interne (U = 4 ; p = 0,025). Le δ15N moyen est de 10,97 ± 0,36‰ pour le muscle, 12,31 ± 0,45‰ pour le foie, 12,34 ± 0,39‰ pour le rein, 12,62 ± 0,60‰ pour la peau, 14,13 ± 0,44‰ pour le lard externe et 13,70 ± 0,33‰ pour le lard interne. Ces valeurs sont significativement différentes (H = 29,88 ; p <0,0001). Le δ15N du muscle est significativement inférieur au δ15N des autres tissus (U = 0 ; p = 0,004) et le δ15N du lard est significativement supérieur au δ15N des autres tissus (U = 0 ; p = 0,004). 32 Figure 7b : Valeurs isotopiques des différents tissus chez Stenella coeruleoalba La figure 7c montre les valeurs isotopiques tissulaires chez Tursiops truncatus. Le δ13C moyen est de –16,11 ± 1,60‰ pour le muscle, -16,45 ± 1,53‰ pour le foie, -16,28 ± 1,54‰ pour le rein, -15,59 ± 1,74‰ pour la peau, -14,07 ± 2,17‰ pour le lard externe et –14,38 ± 1,43‰ pour le lard interne. Il n’existe aucune différence significative entre les valeurs de δ13C (H = 5,23 ; p = 0,385). Le δ15N moyen est de 14,44 ± 1,41‰ pour le muscle, 15,97 ± 1,19‰ pour le foie, 15,99 ± 1,24‰ pour le rein, 15,78 ± 0,52‰ pour la peau, 18,31 ± 2,19‰ pour le lard externe et 17,92 ± 2,00‰ pour le lard interne. Comme pour le δ13C, il n’existe aucune différence significative entre les valeurs de δ15N (H = 9,98 ; p = 0,076). 33 Figure 7c : Valeurs isotopiques des différents organes chez Tursiops truncatus La figure 7d présente les valeurs isotopiques des différents tissus de Delphinus delphis mâle. Le δ13C moyen est de –16,92 ± 0,36‰ pour le muscle, -16,96 ± 0,29‰ pour le foie, -17,05 ± 0,36‰ pour le rein, -16,75 ± 0,67‰ pour la peau, -15,63 ± 0,93‰ pour le lard externe et 15,64 ± 0,57‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ13C sont significativement différentes (H = 12,74 ; p = 0,026). Le lard est significativement différent de tous les autres tissus excepté la peau. Le δ15N moyen est de 12,70 ± 0,44‰ pour le muscle, 13,92 ± 0,15‰ pour le foie, 13,79 ± 0,21‰ pour le rein, 13,78 ± 0,76‰ pour la peau, 15,70 ± 0,73‰ pour le lard externe et 15,69 ± 0,93‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ15N sont significativement différentes entre elles (H = 18,63 ; p = 0,002). En effet, le muscle est significativement différent du foie, du rein et du lard (U = 0 ; p = 0,021). De plus, le lard est significativement différent des autres tissus (U = 0 ; p = 0,020). 34 Figure 7d : Valeurs isotopiques des différents tissus chez Delphinus delphis mâle La figure 7e montre les valeurs isotopiques moyennes des tissus de Delphinus delphis femelle. Le δ13C moyen est de –16,82 ± 0,17‰ pour le muscle, -16,73 ± 0,16‰ pour le foie, 16,66 ± 0,16‰ pour le rein, -16,45 ± 0,33‰ pour la peau, -15,88 ± 0,32‰ pour le lard externe et –15,75 ± 0,33‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ13C des différents tissus sont significativement différentes (H = 20,49 ; p = 0,001). En effet, le lard est significativement différent des autres tissus. Le δ15N moyen est de 12,49 ± 0,28‰ pour le muscle, 14,45 ± 0,22‰ pour le foie, 13,94 ± 0,34‰ pour le rein, 12,90 ± 0,31‰ pour la peau, 14,50 ± 0,26‰ pour le lard externe et 14,96 ± 0,28‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ15N des différents tissus sont significativement différentes (H = 25,37 ; p = 0,0001). Le lard interne est significativement différent des autres tissus. De la même façon, le rein se distingue significativement des autres tissus. Le foie a une valeur de δ15N significativement différente de celles des autres tissus sauf du lard externe (U = 11 ; p = 0,754), et le muscle a une valeur de δ15N significativement différente de celles des autres tissus sauf de la peau (U = 4 ; p = 0,076). 35 Figure 7e : Valeurs isotopiques des différents tissus chez Delphinus delphis femelle En ce qui concerne le δ13C, aucune différence significative entre les tissus n’est soulignée chez deux espèces, P. phocoena et T. truncatus. Chez les autres espèces, ce ne sont pas toujours les mêmes tissus qui sont significativement différents. Ainsi, du point de vue du δ13C, les tissus ne suivent pas la même tendance chez toutes les espèces. Lorsque l’on s’intéresse au δ15N, seul T. truncatus ne montre aucune différence significative entre les tissus. Globalement, les valeurs δ15N du lard sont significativement supérieures à celles des autres organes. Les valeurs δ15N du muscle sont significativement inférieures à celles des autres tissus uniquement chez S. coeruleoalba et chez les D. delphis. Cas particulier du lard externe et du lard interne Le δ13C du lard interne peut être inférieur (P. phocoena, S. coeruleoalba, T. truncatus), supérieur (D. delphis femelle) ou égal (D. delphis mâle) au δ13C du lard externe, sans que ces différences ne soient significatives chez aucune des espèces. Par contre, lorsque l’on considère le δ15N, les valeurs dans le lard interne et le lard externe, sont significativement différentes chez S. coeruleoalba, et D. delphis femelles, ce qui n’est pas le cas chez P. phocoena, T. truncatus, et D. delphis mâle. Cependant, alors que les valeurs sont supérieures dans le lard interne pour D. delphis femelle, c’est le lard externe qui présente les valeurs les plus élevées chez S. coeruleoalba. 36 b. Influence des taux de lipides sur les différences de valeurs isotopiques observées entre les tissus Les valeurs isotopiques en carbone et en azote d’un tissu donné sont globalement expliquées par un facteur métabolique (composition biochimique, taux de turnover,…) et un facteur écologique (régime alimentaire, zone de nourrissage…). Afin d’étudier l’influence des seuls facteurs biochimiques sur les signatures isotopiques, il faudrait étudier un consommateur qui ne change jamais de comportement trophique au cours de sa vie. Dans le cas de cette étude, et dans le but d’évaluer des différences qui ne seraient dues qu’au métabolisme des tissus, l’écart des signatures entre deux tissus au turnover proche sera comparé entre les espèces. Les facteurs écologiques seront ainsi quelque peu minimisés. L’écart entre ratios isotopiques, noté ε, entre un tissu A et un tissu B est définie de la façon suivante : ε A/B (C) = δ13C (tissu B) - δ13C (tissu A) pour le carbone et ε A/B (N) = δ15N (tissu B) - δ15N (tissu A) pour l’azote. L’annexe 5 donne les valeurs moyennes par espèce en comparant les tissus deux à deux. Les signes des valeurs présentées dans l’annexe 5 permettent de retrouver la position relative des tissus les uns par rapport aux autres dans une espèce donnée. ε muscle/rein (C) montre une différence significative entre les espèces (H = 10,15 ; p = 0,038) et de la même façon, ε muscle/rein (N) diffère significativement entre les espèces (H = 9,83 ; p = 0,043). Au contraire, ε muscle/foie, ε muscle/lard interne, ε peau/lard externe ainsi que ε peau/lard interne ne différent pas significativement entre les espèces que ce soit pour le carbone ou pour l’azote. Les autres écarts diffèrent significativement entre espèces pour ce qui est de l’azote seul. Ce sont les D. delphis femelles qui diffèrent significativement de P. phocoena (U = 0 ; p = 0,014) et de S. coeruleoalba (U = 3 ; p = 0,028) pour ε muscle/rein (C) (figure 8). On remarque que les écarts relatifs de ratios isotopiques entre les deux tissus concernés (muscle et rein) tendent à diminuer quand la différence relative entre les pourcentages de lipides est plus grande. 37 Figure 8 : Relation entre les écarts moyens des valeurs isotopiques de δ13c entre le muscle et le rein (notées ε muscle/rein(c) dans le texte) et les différences de pourcentages en lipides selon l’espèce et le sexe. Pour l’azote, la majorité des ε entre deux tissus (ε muscle/peau (N), ε muscle/lard externe (N), ε foie/rein (N), ε foie/peau (N), ε foie/lard externe (N), ε foie/lard interne (N), ε rein/peau (N), ε rein/lard externe (N), ε lard externe/lard interne (N)) montrent au moins une différence significative entre D. delphis femelle et les autres espèces. c. Variabilité intraspécifique des valeurs isotopiques observées pour les différents organes La variabilité intraspécifique du δ15N (coefficients de variation compris entre 1,10 % dans le foie de D. delphis mâle et 11,95 % dans le lard externe de T. truncatus) est supérieure à celle du δ13C (coefficients de variation compris entre 0,97 % dans le rein de D. delphis femelle et 15,45% dans le lard externe de T. truncatus) chez P. phocoena, S. coeruleoalba, et D. delphis femelle pour la majorité des tissus étudiés (annexe 2). En règle générale, que ce soit du point de vue du carbone ou de l’azote, les tissus admettant la plus grande variabilité sont la peau, le lard externe et le lard interne. 38 L’analyse des figures 7 nous permet de distinguer les individus qui présentent des valeurs isotopiques atypiques par rapport à la moyenne de l’espèce (annexe 2 et 4). Ces individus sont entourés d’un cercle rouge sur les figures 7. La plupart de ces disparités individuelles au sein de chacune des espèces étudiées sont retrouvées annexes 6 et 7. Chez Phocoena phocoena, l’individu 10608047 (« Pp2 ») possède des ratios isotopiques du carbone et /ou de l’azote très différentes des autres individus, et ce pour tous les tissus (individu entouré d’un cercle rouge sur la figure 7a). Un autre individu, 10309095 (« Pp3 »), possède des ratios isotopiques de carbone et d’azote bien supérieurs à la moyenne pour le muscle (-16,06‰ vs –16,68 ± 0,43‰ et 14,94‰ vs 13,66 ± 1,15‰ respectivement), la peau (-16,30‰ vs –16,95 ± 0,45‰ et 16,18‰ vs 15,02 ± 0,95‰ respectivement) et le lard externe (-15,18‰ vs –16,30 ± 0,83‰ et 19,52‰ vs 17,91 ± 1,33‰). De la même façon cet individu présente des valeurs isotopiques de carbone supérieures à la moyenne dans le foie, le rein et le lard interne (-16,44‰, -16,69‰ et – 16,46‰ respectivement). Chez Stenella coeruleoalba, l’individu 10410106 (« Sc3 ») admet des valeurs isotopiques de carbone élevées par rapport à la moyenne de l’espèce pour le muscle (-17,15‰ vs -17,48 ± 0,19‰), la peau (-16,27‰ vs –17,17 ± 0,45‰), et le lard (lard externe : -15,89‰ vs –16,61 ± 0,69‰ / lard interne : -15,69‰ vs -16.66 ± 0,66‰), et possède un δ15N inférieur pour le foie (11,71‰ vs 12,31 ± 0,41‰). Chez Tursiops truncatus, la variabilité est grande entre les individus : o L’individu 10211293 (« Tt1 ») qui a un δ13C ou l’ensemble δ13C et δ15N inférieur à la moyenne dans le muscle, le rein, la peau et le lard, o L’individu 10103024 (« Tt2 ») qui possède un δ13C supérieur à la moyenne de l’espèce dans le muscle, le foie, le rein et la peau, o L’individu 10204205 qui possède un δ15N supérieur à la moyenne dans le muscle, dans le foie, dans le rein et dans le lard. Chez Delphinus delphis mâle, deux individus présentent des valeurs isotopiques de carbone ou d’azote atypique : L’individu 10304047 (« DdM1 ») présente un δ13C largement supérieur à la moyenne dans le lard interne, le lard externe et la peau et possède un δ15N élevé dans le muscle, le lard interne et le lard externe. 39 L’individu 10202093 (« DdM3 ») présente un δ13C supérieur à la moyenne dans le foie et le rein, et un δ15N relativement inférieur dans le muscle, la peau et le rein. Ces deux individus, de par leurs valeurs isotopiques atypiques, confèrent aux tissus leurs variabilités en terme de signatures isotopiques. Chez Delphinus delphis femelle, seul l’individu, 10202167 (« DdF2 ») se détache de la moyenne du groupe avec une valeur de δ13C basse dans le rein, importante dans la peau et le lard interne ainsi qu’une valeur de δ15N forte dans le muscle et le foie et faible dans le rein et le lard interne. Globalement, ce sont les T. truncatus qui affichent la plus grande variabilité avec des coefficients de variation compris entre 9,32% (foie) et 15,45% (lard externe) pour le carbone et 3,28% (peau) et 11,95% (lard externe) pour l’azote. Au contraire des D. delphis femelles qui affichent la plus faible variabilité avec des valeurs comprises entre 0,97% (rein) et 2,08 % (lard interne) pour le carbone et 1,53% (foie) et 2, 43% (rein) pour l’azote. 3. Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la communauté des petits delphinidés L’annexe 3 présente les moyennes, écarts-types et coefficients de variation des valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des divers tissus chez les quatre espèces étudiées. Ces données sont basées sur l’ensemble des individus, et pas seulement sur les individus dont tous les tissus ont été analysés. Les valeurs isotopiques des dents analysées sur peu d’individus, ont été néanmoins incluses. Les figures 9a à 9g montrent les valeurs isotopiques moyennes des différentes espèces pour un tissu donné. 40 Figure 9a : Valeurs isotopiques moyennes du muscle selon l’espèce et le sexe En ce qui concerne le δ13C, la moyenne du muscle est de –16,71 ± 0,39‰ pour P. phocoena, de -17,48 ± 0,19‰ pour S. coeruleoalba, de –16,22 ± 1,15‰ chez T. truncatus, de –16,98 ± 0,35‰ chez D. delphis mâle et enfin –16,82 ± 0,17‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du muscle sont significativement différentes entre les espèces (H = 12,46 ; p = 0,014). En effet, la valeur δ13C du muscle de S. coeruleoalba est significativement différente de celle de P. phocoena (U = 48, p = 0,002), de D. delphis mâle (U = 3, p = 0,028) et femelle (U = 0, p = 0,006). Pour le δ15N, la moyenne du muscle est de 13,22 ± 0,97‰ pour P. phocoena, de 10,97 ± 0,36‰ pour S. coeruleoalba, de 14,39 ± 1,07‰ chez T. truncatus, de 12,41 ± 0,74‰ chez D. delphis mâle et 12,49 ± 0,28‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du muscle diffèrent significativement entre les espèces (H = 19,49 ; p = 0,001). Ces différences sont dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de toutes les autres espèces (U = 48, p = 0,002 pour P. phocoena ; U = 0, p = 0,006 pour T. truncatus ; U = 1, p = 0,011 pour D. delphis mâle et enfin U = 0, p = 0,006 pour D. delphis femelle). De même, le δ15N du muscle de T. truncatus est significativement différent de celui de D. delphis mâle (U = 24, p = 0,016) et de D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009). 41 Figure 9b : Valeurs isotopiques moyennes du foie selon l’espèce et le sexe La moyenne du δ13C du foie est de –17,05 ± 0,34‰ pour P. phocoena, de -17,89 ± 0,40‰ pour S. coeruleoalba, de –16,64 ± 1,13‰ chez T. truncatus, de –16,96 ± 0,25‰ chez D. delphis mâle et enfin –16,73 ± 0,13‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du foie sont significativement différentes entre les espèces (H = 17,11 ; p = 0,002). En effet, la valeur δ13C du foie de S. coeruleoalba est significativement différente de celle de P. phocoena (U = 56, p = 0,001), de T. truncatus (U = 2, p = 0,012), de D. delphis mâle (U = 0, p = 0,004) et femelle (U = 0, p = 0,004). Pour le δ15N, la moyenne du foie est de 14,35 ± 1,00‰ pour P. phocoena, de 12,31 ± 0,41‰ pour S. coeruleoalba, de 15,66 ± 0,94‰ chez T. truncatus, de 13,73 ± 0,43‰ chez D. delphis mâle et 14,45 ± 0,22‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du foie diffèrent significativement entre les espèces (H = 21,83 ; p = 0,0002). Ces différences sont dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P. phocoena (U = 55, p = 0,002), T. truncatus (U = 0, p = 0,004), D. delphis mâle (U = 0, p = 0,004) et D. delphis femelle (U = 0, p = 0,004). De même, le δ15N du foie de T. truncatus est significativement différent de celui de P. phocoena (U = 6, p = 0,040), de D. delphis mâle (U = 25, p = 0,009) et D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009). Enfin, les valeurs du δ15N du foie de Delphinus delphis mâle et femelle diffèrent significativement (U = 0, p = 0,009). 42 Figure 9c : Valeurs isotopiques moyennes du rein selon l’espèce et le sexe La moyenne du δ13C du rein est de –17,04 ± 0,39‰ pour P. phocoena, de -17,74 ± 0,33‰ pour S. coeruleoalba, de –16,39 ± 1,27‰ chez T. truncatus, de –17,09 ± 0,32‰ chez D. delphis mâle et enfin –16,66 ± 0,16‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du rein sont significativement différentes entre les espèces (H = 13,38 ; p = 0,010). En effet, la valeur δ13C du rein de S. coeruleoalba est significativement différente de celle de P. phocoena (U = 46, p = 0,005), de D. delphis mâle (U = 1, p = 0,011) et femelle (U = 0, p = 0,006). De plus, les valeurs de δ13C entre D. delphis mâle et D. delphis femelle sont significativement différentes (U = 3, p = 0,047). Pour le δ15N, la moyenne du rein est de 13,98 ± 0,83‰ pour P. phocoena, de 12,34 ± 0,39‰ pour S. coeruleoalba, de 15,76 ± 1,11‰ chez T. truncatus, de 13,56 ± 0,55‰ chez D. delphis mâle et 13,94 ± 0,34‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du rein diffèrent significativement entre les espèces (H = 19,26 ; p = 0,001). Ces différences sont dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celles de toutes les autres espèces : P. phocoena (U = 47, p = 0,003), T. truncatus (U = 0, p = 0,011), D. delphis mâle (U = 1, p = 0,010) et D. delphis femelle (U = 0, p = 0,006). De même, le δ15N du rein de T. truncatus est significativement différent de celui de P. phocoena (U = 1, p = 0,011), D. delphis mâle (U = 20, p = 0,014) et D. delphis femelle (U = 20, p = 0,014). 43 Figure 9d : Valeurs isotopiques moyennes de la peau selon l'espèce et le sexe La moyenne du δ13C de la peau est de –16,95 ± 0,45‰ pour P. phocoena, de -17,22 ± 0,43‰ pour S. coeruleoalba, de –15,80 ± 1,27‰ chez T. truncatus, de –16,75 ± 0,67‰ chez D. delphis mâle et enfin –16,45 ± 0,33‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C de la peau sont significativement différentes entre les espèces (H = 10,54 ; p = 0,032). En effet, la valeur δ13C de la peau de S. coeruleoalba est significativement différente de celle de T. truncatus (U = 4, p = 0,028) et de D. delphis femelle (U = 3, p = 0,019). Pour le δ15N, la moyenne de la peau est de 15,02 ± 0,95‰ pour P. phocoena, de 12,60 ± 0,55‰ pour S. coeruleoalba, de 15,48 ± 0,56‰ chez T. truncatus, de 13,78 ± 0,76‰ chez D. delphis mâle et 12,90 ± 0,31‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N de la peau diffèrent significativement entre les espèces (H = 18,50 ; p = 0,001). Ces différences sont dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P. phocoena (U = 28, p = 0,008), de T. truncatus (U = 0, p = 0,004) et de D. delphis mâle (U = 3, p = 0,008). De même, le δ15N de la peau de T. truncatus est significativement différent de celui de D. delphis mâle (U = 20, p = 0,014) et de D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009). Enfin, on observe une différence significative entre D. delphis femelle et P. phocoena (U = 20, p = 0,014). 44 Figure 9e : Valeurs isotopiques moyennes du lard externe selon l'espèce et le sexe La moyenne du δ13C du lard externe est de –16,21 ± 0,75‰ pour P. phocoena, de -16,71 ± 0,67‰ pour S. coeruleoalba, de –14,76 ± 1,81‰ chez T. truncatus, de –15,63 ± 0,93‰ chez D. delphis mâle et enfin –15,88 ± 0,32‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du lard externe ne diffèrent pas significativement entre les espèces (H = 8,10 ; p = 0,088). Pour le δ15N, la moyenne du lard externe est de 17,58 ± 1,36‰ pour P. phocoena, de 14,13 ± 0,40‰ pour S. coeruleoalba, de 17,52 ± 1,89‰ chez T. truncatus, de 15,70 ± 0,73‰ chez D. delphis mâle et 14,50 ± 0,26‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du lard externe diffèrent significativement entre les espèces (H = 20,41 ; p = 0,0004). Ces différences sont dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P. phocoena (U = 35, p = 0,004), T. truncatus (U = 0, p= 0,004) et de D. delphis mâle (U = 0, p = 0,008). De même, le δ15N du lard externe de D. delphis femelle est significativement différent de celui de P. phocoena (U = 25, p = 0,009), T. truncatus (U = 25, p = 0,009) et de D. delphis mâle (U = 20, p = 0,014). 45 Figure 9f : Valeurs isotopiques moyennes du lard interne selon l'espèce et le sexe La moyenne du δ13C du lard interne est de –16,67 ± 0,81‰ pour P. phocoena, de -16,68 ± 0,60‰ pour S. coeruleoalba, de –14,56 ± 1,22‰ chez T. truncatus, de –15,64 ± 0,57‰ chez D. delphis mâle et enfin –15,75 ± 0,33‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du lard interne diffèrent significativement entre les espèces (H = 13,16 ; p = 0,011). C’est S. coeruleoalba qui diffère significativement de T. truncatus (U = 1, p = 0,014), de D. delphis mâle (U = 2, p = 0,023) et de D. delphis femelle (U = 4, p = 0,028). De plus, la valeur δ13C du lard interne de T. truncatus est significativement différente par rapport à celle de P. phocoena (U = 1, p = 0,027). Pour le δ15N, la moyenne du lard interne est de 16,77 ± 0,88‰ pour P. phocoena, de 13,68 ± 0,30‰ pour S. coeruleoalba, de 17,43 ± 1,91‰ chez T. truncatus, de 15,69 ± 0,93‰ chez D. delphis mâle et 14,96 ± 0,28‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du lard interne diffèrent significativement entre les espèces (H= 20,20 ; p = 0,0005). Ces différences sont dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P. phocoena (U = 35, p = 0,004), T. truncatus (U = 0, p = 0,008), de D. delphis mâle (U = 0, p = 0,008) et de D. delphis femelle (U = 0, p = 0,004). De même, le δ15N du lard interne de D. delphis femelle est significativement différent de celui de P. phocoena (U = 25, p = 0,009) et de T. truncatus (U = 20, p = 0,014). 46 Figure 9g : Valeurs isotopiques moyennes des dents selon l'espèce et le sexe La moyenne du δ13C des dents est de –13,83 ± 0,30‰ pour P. phocoena, de -14,66 ± 0,41‰ pour S. coeruleoalba, de –13,71 ± 1,65‰ chez T. truncatus, de –14,01 ± 0,37‰ chez D. delphis mâle et enfin –14,22 ± 0,32‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C des dents ne diffèrent pas significativement entre les espèces (H = 6,89 ; p = 0,142). Pour le δ15N, la moyenne des dents est de 16,34 ± 0,56‰ pour P. phocoena, de 12,50 ± 0,59‰ pour S. coeruleoalba, de 15,31 ± 0,80‰ chez T. truncatus, de 13,26 ± 1,12‰ chez D. delphis mâle et 11,73 ± 0,21‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N des dents diffèrent significativement entre les espèces (H = 19,61 ; p = 0,001). Ces différences sont dues au fait que la valeur de δ15N de P. phocoena diffère significativement de celle de S. coeruleoalba (U = 30, p = 0,006), de D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009) et de D. delphis mâle (U = 25, p = 0,009). De plus, la valeur de δ15N de T. truncatus diffère significativement de celle de S. coeruleoalba (U = 0, p = 0,011), de D. delphis mâle (U = 19, p = 0,027) et de D. delphis femelle (U = 20, p = 0,014). Enfin, le δ15N des dents de S. coeruleoalba diffère significativement de celui de D. delphis femelle (U = 28, p = 0,018). En résumé, les valeurs de δ13C de Stenella coeruleoalba sont inférieures aux autres espèces quel que soit le tissu considéré. Au contraire de celles des grands dauphins qui sont 47 les plus élevées. Néanmoins, pour ces dernières, les différences ne sont pas significatives. Aucune autre tendance évidente ne peut être dégagée pour les autres espèces. Les valeurs isotopiques de l’azote montrent que Stenella coeruleoalba présente un δ15N inférieur à celui des autres espèces pour l’ensemble des tissus. Comme pour le carbone, T. truncatus possède la valeur de δ15N la plus élevée, sans que cette différence ne soit toujours significative. Les annexes 6 et 7 soulignent cette disparité des valeurs isotopiques de carbone et d’azote selon les espèces. Les dents montrent un profil totalement différent des autres tissus en ce qui concerne les valeurs isotopiques de l’azote. En effet, ce sont les individus femelles de dauphin commun qui présentent la valeur moyenne la plus faible, et les individus de marsouin qui présentent la valeur moyenne la plus élevée (annexes 6 et 7). Enfin, seules les valeurs de δ15N du lard externe et du foie ainsi que les valeurs de δ13C du rein diffèrent entre les mâles et les femelles de D. delphis. 48 IV. DISCUSSION Nous traiterons, tout d’abord, de la nécessité d’une délipidation dans la préparation de nos échantillons ; puis nous comparerons les valeurs isotopiques des tissus au sein d’une même espèce afin de dresser une cartographie isotopique et apprécier l’effet du métabolisme différentiel entre les tissus sur leurs valeurs isotopiques. Après s’être ainsi affranchi du facteur métabolique, nous accéderons à l’écologie trophique des différentes espèces étudiées. 1. Efficacité de la délipidation Les tissus ont été délipidés une ou plusieurs fois en fonction de leur taux de lipides. En particulier le lard interne et externe et même parfois la peau et le rein ont nécessité plusieurs délipidations. L’efficacité de la délipidation est reflétée par le ratio C/N qui normalement doit être compris entre 3 et 4 (De Niro, 1985 ; Matthews et Mazumder, 2005). En effet le pourcentage de carbone présent dans le tissu correspond globalement à la quantité de protéines, de glucides et de lipides alors que le pourcentage d’azote représente uniquement la quantité de protéines. Ainsi des ratios C/N trop importants signifient une proportion de lipides encore importante dans le tissu. Or il est important de délipider au mieux les tissus car les travaux de De Niro et Epstein (1977) ont montré un appauvrissement significatif des lipides en 13C par rapport aux autres fractions des tissus. Ceci conduit à un biais des valeurs avec des δ13C significativement plus faibles quand les lipides sont encore présents. Les ratio C/N de nos échantillons soulignent l’efficacité de la délipidation. 2. Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents tissus au sein d’une même espèce Les résultats (figure 7) ne montrent pas une position relative constante des tissus d’une espèce à l’autre quand on s’intéresse au δ13C. Néanmoins, le δ13C du lard externe et interne est toujours supérieur, et ce de façon significative chez S. coeruleoalba et D. delphis. Les valeurs inférieures sont observées soit pour le rein, soit pour le foie, chez toutes les espèces à l’exception des femelles de D. delphis, chez qui c’est le muscle qui présente les δ13C les plus faibles. 49 En ce qui concerne δ15N, les valeurs du lard sont significativement supérieures à celle des autres tissus, et ce chez toutes les espèces. De même, la valeur de δ15N du muscle est toujours inférieure à celle des autres tissus mais de façon significative uniquement chez S. coeruleoalba et D. delphis. Les autres tissus présentent des valeurs intermédiaires entre ces deux extrêmes chez toutes les espèces. a. Effet du taux et de la nature des lipides sur les valeurs isotopiques Cet effet est représenté dans la partie « influence directe des lipides » de la figure 10. Bien que les valeurs isotopiques soient obtenues sur des tissus délipidés, les taux de lipides sont un marqueur de l’état de l’animal au moment de sa mort. Ainsi, ils sont le témoin d’une activité de mise en réserve ou de remobilisation lipidique au sein de l’organisme dans la période qui a précédé sa mort. De plus, les lipides interviennent dans le métabolisme basal du tissu. En effet, par le jeu d’une régulation hormonale et/ou nerveuse, pointue et continue, grâce à des feed back positif ou négatif, le taux de lipides régule le métabolisme, à savoir l’anabolisme et le catabolisme des autres composants tissulaires, et peut ainsi influer sur les valeurs isotopiques du tissu.(Kruh, 1998). L’écart relatif ε, entre deux tissus dont le turnover est comparable, peut permettre d’appréhender ce facteur métabolique qui pourrait influencer la différence observée entre les tissus et entre les espèces. Ainsi, l’écart isotopique en δ13C entre le muscle et le rein, ε muscle/rein (C) observé chez D. delphis femelle est significativement différent de ceux de P. phocoena et de S. coeruleoalba. De plus, les pourcentages en lipides du muscle des D. delphis femelle et mâle sont significativement supérieurs à ceux de P. phocoena et S. coeruleoalba. On remarque même que le taux de lipides du rein de D. delphis n’est pas significativement différent de celui des autres espèces. Il semble donc que les différences d’écarts inter tissulaires observées puissent avoir un lien avec le métabolisme lipidique distinct du muscle de chacune de ces espèces. Il existerait ainsi une influence du métabolisme lipidique sur les signatures isotopiques du carbone des tissus à l’échelle des espèces. Néanmoins cette propriété n’est pas générale. En effet, l’Analyse Factorielle Discriminante effectuée sur les valeurs isotopiques des tissus avec pour variables explicatives les pourcentages en lipides de ces mêmes tissus n’est pas en faveur d’une influence de la teneur en lipides sur les valeurs isotopiques des tissus (annexes 14 et 15). 50 A l’échelle d’une espèce, la variabilité entre les individus peut être importante (figure 7, annexes 2 et 4), et certains se distinguent de la moyenne de l’espèce, pour un tissu donné, à la fois par des valeurs isotopiques et des taux de lipides extrêmes. C’est par exemple le cas de la peau de 10211293 (« Tt1 ») et de 10103024 (« Tt2 ») chez les grands dauphins. En effet, 10211293 présente des valeurs de δ13C faibles par rapport à la moyenne, mais un muscle relativement gras, ainsi qu’un rein et qu’une peau maigres. Au contraire, l’individu 10103024 présente le pattern opposé (figure 7c et annexes 6, 7, 8 et 9). Les lipides via leur métabolisme, semblent donc corrélés en partie aux valeurs isotopiques du carbone d’un tissu donné. Les travaux de Mahler et Cordes (1971) soulignent l’interdépendance des valeurs isotopiques du carbone des différentes fractions biochimiques par le biais de diverses réactions métaboliques ; en effet, le changement en δ13C d’une première fraction biochimique entraînera par la même occasion un changement de δ13C des autres fractions en équilibre dynamique avec cette première. La composition biochimique différente des tissus ainsi que l’état différent des individus au sein d’une même espèce et entre espèces (souligné par le taux de lipides) entraîneraient un fractionnement différentiel du carbone et de l’azote entre nourriture et consommateur, et aboutirait à des valeurs isotopiques δ13C et δ15N variées (Gaston et Suthers, 2004). La nature même des lipides (acides gras saturés, insaturés…) diffère entre les tissus (Guitart et al., 1999) et explique, au même titre que le taux de lipides, les différences isotopiques intertissulaires en carbone voire en azote observées via les réactions biochimiques mises en jeu (De Niro et Epstein, 1977). Par exemple, le lard est hétérogène en structure et en composition (Krahn et al., 2004). En effet, Koopman et al. (1996) et Hooker et al. (2001) montrent qu’il existe une stratification verticale significative des acides gras entre la couche de lard externe (deux premiers centimètre de lard proche de l’épiderme) et la couche de lard interne (couche proche du muscle, à une profondeur de plus de 4 cm) chez les odontocètes. Le degré de stratification varie à la fois selon l’espèce et selon le paramètre mesuré comme les acides gras (Krahn et al., 2004) et les contaminants (Aguilar et al.,1999). Ces deux facteurs pourraient expliquer les différences isotopiques significatives entre lard externe et lard interne chez D. delphis femelle, non observées chez S. coeruleoalba chez les mâles D. delphis ou chez les autres espèces. Dans notre étude, le pourcentage en lipides (seul indicateur disponible) n’est généralement pas significativement différent entre les deux strates, excepté chez S. coeruleoalba chez qui le lard externe est plus gras que le lard interne (U = 27, p = 51 0,028). De même, Krahn et al. (2004) qui étudient les différences de propriétés biochimiques entre les deux couches chez le béluga et l’orque, n’observent pas de différence entre les taux de lipides. Cependant, la couche externe est plus riche en acides gras légers que la couche interne. Il est donc évident que le taux de lipides seul est un indicateur insuffisant pour expliquer l’influence des paramètres biochimiques sur les signatures. C’est ce que montre par exemple la figure 8 ; en effet, si l’on trace une droite de régression, on se rend compte que pour un pourcentage de lipides équivalent entre le muscle et le rein, il existe un écart intertissulaire ε muscle/rein (C) négatif c’est à dire une différence résiduelle de δ13C, inhérente à chacun de ces organes. De plus, la couche interne du lard se trouve être la couche la plus active métaboliquement en terme de dépôt de lipides ou de mobilisation (Koopman et al., 1996). La couche interne aurait donc un taux de turnover plus rapide que la couche externe. De plus, le profil d’acides gras du lard externe montre une haute proportion d’acides gras endogènes biosynthétisés éventuellement sous contrôle génétique alors que la couche interne fait l’objet d’un métabolisme continu, à partir des nutriments exogènes (Koopman et al., 1996). Donc, d’un point de vue écologique, tout changement récent de comportement trophique (régime alimentaire et/ou lieu de nourrissage) se reflétera dans les valeurs isotopiques du lard interne, et non dans celles du lard externe. Il est possible que chez S. coeruleoalba, le comportement trophique compense la différence métabolique entre les deux tissus. Cet exemple souligne l’effet combiné du métabolisme biochimique intratissulaire et du comportement trophique de l’animal sur les valeurs isotopiques observées des tissus. Si l’on revient à l’ensemble des tissus : selon le statut physiologique de l’animal et le tissu étudié, les nutriments endogènes, seront plus ou moins mobilisés, et participeront ou non à la signature isotopique du tissu en question (Hobson et Clark, 1992a). Cette allocation différentielle en fonction des tissus participe encore une fois à la différence de signatures isotopiques entre les différents tissus (Robinson, 2001). b. Effet de la composition biochimique globale d’un tissu sur sa valeur isotopique Cet effet est représenté dans la partie « influence indirecte des lipides » de la figure 10. De nombreux auteurs invoquent la nature même du tissu comme facteur de variabilité des signatures isotopiques entre tissus, et ce, chez une grande variété d’organismes. La structure 52 du tissu, à savoir sa composition biochimique et les quantités relatives des différentes fractions biochimiques, influent sur les valeurs isotopiques de ce même tissu (De Niro et Epstein, 1978 ; Focken et Becker, 1998). En effet, chaque fraction biochimique possède sa propre signature isotopique, et la valeur isotopique d’un tissu donné correspond à la moyenne pondérée des signatures des différentes fractions biochimiques le constituant (Robinson, 2001). De plus, Schwarcz (1991) définit le routing isotopique par le fait que la composition isotopique d’un tissu ne reflète pas la composition du régime total de l’animal, mais seulement des fractions biochimiques utilisées pour le renouvellement du tissu. Ainsi la composition des protéines d’un tissu est seulement affectée par les protéines du régime alimentaire du consommateur alors que les lipides d’un tissu sont synthétisés à partir des lipides, glucides et acides aminés glycogéniques de la nourriture et/ou des réserves (Focken et Becker, 1998). Par ailleurs, la composition protéique en acides aminés du tissu influence la signature isotopique. En effet, chaque acide aminé possède une signature isotopique en carbone et en azote propre (Abelson et Hoering, 1961 ; Gaebler et al., 1966 ; Hare et al.,1991). Par exemple, la glycine est enrichie en 13 C par rapport aux autres acides aminés (Hare et al., 1991) et la thréonine est fortement appauvrie en 15N par rapport aux autres acides aminés (Gaebler et al.,1966). Les valeurs des écarts intertissulaires sont différentes selon que l’on considère le carbone ou l’azote. Ainsi le fractionnement isotopique du carbone et de l’azote dans un tissu donné est le résultat des processus complexes impliqués dans les métabolismes des lipides, glucides et protéines. Lorsque les espèces analysées sont considérées, les écarts de δ15N, ainsi que l’ordre des tissus semblent moins variables que pour le carbone (figure 7). A l’échelle des espèces, il semblerait donc que le métabolisme protéique soit moins variable que celui des lipides. Par contre, la variabilité inter individuelle des δ15N au sein d’une espèce est plus élevée que ne l’est celle des δ13C et ce pour tous les tissus (annexe 2). Les métabolismes lipidique et glucidique semblent ainsi réduire la variabilité qu’impliquent les processus faisant intervenir les protéines. Néanmoins, la variabilité est la combinaison d’une composante métabolique (métabolisme différentiel entre individus) et d’une composante écologique. 53 Figure 10 : Influence directe et indirecte du taux de lipides sur les valeurs isotopiques 3. Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la communauté des petits delphinidés a. Taux de turnover Le turnover d’un tissu est une moyenne pondérée des turnover des différentes fractions biochimiques le constituant (Hobson et Clark, 1992a). Pour peu que l’animal ait changé de régime alimentaire au cours de sa vie, ce phénomène ajoute un facteur de plus à la variabilité intra et intertissulaire. Les tissus ont ainsi des taux de turnover différents, et les signatures isotopiques reflètent l’alimentation des prédateurs à des échelles de temps variées (Tieszen et al., 1983). De nombreuses études ont quantifié ce taux de turnover, via le temps de demi vie du carbone et/ou de l’azote sur des petits mammifères de laboratoire (Tieszen et al., 1983 ) ou des oiseaux (Hobson et Clark, 1992a). Néanmoins, Thompson (1953) a démontré que chez les mammifères et en particulier chez les euthériens, le taux de turnover est corrélé positivement au taux métabolique ramené à la masse de l’animal. Ainsi, les mammifères marins, qui 54 consomment proportionnellement moins de dioxygène, et possèdent donc un métabolisme plus lent que les petits mammifères, présentent de même un taux de turnover moins rapide, d’où des temps de demi vie plus importants. Cependant, l’ordre des tissus entre eux semble immuable d’une espèce à l’autre. A titre d’exemple, les temps de demi vie du carbone calculés par Sponheimer et al. (2006) chez le lama sont de 37,3 jours pour le foie et de 178,7 jours pour le muscle. Le muscle a donc un taux de turnover plus lent que le foie et reflète ainsi l’alimentation d’un individu à des échelles de temps plus grandes (de l’ordre de quelques mois) que celles du foie (quelques semaines à un mois – Tieszen et al., 1983 ; Sponheimer et al., 2006). Dans les résultats de notre étude, les valeurs isotopiques du rein et de la peau sont proches de celles du foie au sein de chacune des espèces (figure 7). Le regroupement spatial de ces trois organes au sein de la cartographie tissulaire pourrait s’expliquer par des taux de turnover comparable entre ces trois tissus. Ainsi, les valeurs isotopiques du rein et de la peau refléteraient le comportement trophique des espèces à court terme. Cependant, les temps de demi-vie du carbone et de l’azote ne semblent pas avoir été étudiés à ce jour dans le rein et la peau. Le lard interne représente le régime alimentaire des espèces à une échelle de temps de l’ordre de quelques semaines (Tieszen et al., 1983). On pourrait s’attendre à ce qu’un tel tissu, de turnover proche de celui du foie, du rein et de la peau, ait des valeurs isotopiques proches de celles de ces derniers. Néanmoins, ce tissu se distingue significativement des autres, et en particulier du foie, du rein et de la peau, par ses valeurs isotopiques supérieures, et ce chez toutes les espèces. Ce tissu représente donc un bon exemple de l’influence mixte du métabolisme et de l’écologie sur ses signatures isotopiques en carbone et en azote. Le métabolisme ici semble masquer l’écologie. Les dents entières montrent un pattern différent des autres tissus. Ce tissu intègre l’information trophique sur toute la durée de vie de l’organisme (Walker et Macko, 1999). Ainsi, à long terme, les espèces s’agencent totalement différemment en termes de valeurs isotopiques comparé au court (lard interne, foie, probablement peau et rein) ou au moyen terme (muscle). Les tissus suivent donc l’ordre suivant en termes de taux de turnover croissant : T1/2 (foie)< T1/2 (lard)< T1/2 (muscle) 55 b. Interprétation écologique des valeurs isotopiques Les résultats les plus significatifs concernent les Stenella coeruleoalba dont les signatures, aussi bien en carbone qu’en azote sont significativement inférieures à celles des autres espèces dans la majorité des tissus (figure 9). L’exception la plus évidente est celle du lard externe et des dents pour lesquels il n’y a pas de différences significatives en carbone entre les espèces. La faible valeur du δ13C observée indique que les individus de cette espèce chassent davantage en milieu océanique, et la faible valeur du δ15N montre qu’ils se nourrissent de proies à faible niveau trophique, aussi bien à court terme qu’à long terme. A ce jour, les études sur cette espèce montrent que les individus se nourrissent en zone plutôt océanique (Goujon, 1996), et seulement occasionnellement en zone néritique (Evans, 1987). L’étude des contenus stomacaux montre qu’ils chassent de petits poissons mésopélagiques (myctophidés, gadidés), à faible niveau trophique ainsi que des céphalopodes et qu’ils possèdent une grande plasticité de comportement trophique. En effet, des proies océaniques mésopélagiques, néritiques épibenthiques et même côtières ont été retrouvées dans leurs estomacs (Spitz et al., 2006 a). Les valeurs isotopiques obtenues dans notre étude confirment les précédents travaux sur le régime alimentaire. Néanmoins, les dents ne montrent pas le même pattern que les autres tissus. En ce qui concerne l’azote, et en particulier, à long terme, le dauphin bleu et blanc ne représente pas l’espèce de plus faible niveau trophique. Au contraire, pour ce qui est du carbone, le pattern est assez proche de celui des autres tissus, à savoir que lorsqu’on « remonte » le temps en comparant les tissus à taux de turnover croissant, l’habitat des différentes espèces et en particulier de S.coeruleoalba est globalement inchangé. L’espèce T. truncatus a le δ13C et le δ15N les plus importants de toutes les espèces dans la grande majorité des tissus, mais surtout elle montre les plus grands coefficients de variation (annexe 2). Cela indiquerait que les grands dauphins chassent plus près des côtes, des grosses proies, à un niveau trophique supérieur. Les données de régime alimentaire montrent que les grands dauphins se nourrissent de proies épibenthiques de grande taille (merluccidés, mugilidés, sparidés, gadidés), de quelques poissons pélagiques (moronidés et clupéidés) ainsi que de quelques céphalopodes (Spitz et al., 2006b). La variabilité des signatures isotopiques de cette espèce peut s’expliquer par une hétérogénéité de comportement trophique avec une diversité de régime alimentaire et de zones de chasse. En effet, chez les T. truncatus, il existe des groupes d’individus fréquentant le plateau 56 continental, et des groupes de résidents côtiers (Van Canneyt, comm. pers.). En particulier, l’individu 10103024 est une femelle grand dauphin résidente du bassin d’Arcachon. Elle avait donc un habitat strictement côtier. Cette particularité se retrouve dans les valeurs élevées de δ13C de la plupart de ses organes (Mac Connaughey et Mac Roy, 1979). De plus, le « groupe » des grands dauphins est composé de divers individus montrant des caractéristiques diversifiées. Tout d’abord, les dates d’échouage de ces individus s’étalent de mars 2001 à juillet 2003, et représentent un facteur de variabilité. En effet, les comportements alimentaires des prédateurs supérieurs ainsi que les signatures isotopiques des producteurs primaires situés à la base du réseau trophique varient avec la saison (Walker et Macko, 1999 ; Lesage et al., 2001 ; Hirons et al., 2001). De plus, les grands dauphins montrent des âges variés qui induisent en partie la diversité de signatures isotopiques observées. En effet, l’individu 10307055 est un jeune de moins d’un an qui montre des valeurs isotopiques du carbone légèrement inférieures à la moyenne dans la peau et le lard, et des valeurs isotopiques de l’azote supérieures dans le muscle et inférieures à la moyenne dans le lard et la peau. Hobson et al. (1997) montrent que l’allaitement du nourrisson induit un enrichissement en δ15N des tissus de ce dernier par rapport à ceux de sa mère. De plus, chez les odontocètes, le sevrage est progressif et le nouveau né peut commencer à s’alimenter de poissons de petites tailles à quelques mois, tout en gardant une alimentation lactée. La mixité de ce régime alimentaire récent aboutit à des valeurs isotopiques proches des valeurs moyennes ou inférieures à la moyenne, dans les organes à turnover rapide comme le lard et la peau. Ce phénomène explique les valeurs observées pour l’individu 10307055. L’individu 10211293 est un juvénile de 1,5 ans, qui présente des valeurs isotopiques en carbone et en azote inférieures à la moyenne dans la majorité des organes. Niños-Torres (2006) observe le même phénomène d’appauvrissement en δ15N chez les dauphins communs D. delphis capensis du Golfe de Californie et l’explique par un changement brutal de régime alimentaire, avec une préférence pour les proies plus petites, et déprimées en δ15N, consommant des invertébrés et/ou des détritus (Niños-Torres, 2006). Les valeurs isotopiques de carbone observées chez les marsouins, relativement faibles dans la majorité des tissus, ne confirment pas le caractère particulièrement côtier du marsouin (Evans, 1987) établi par l’étude de méthodes conventionnelles (analyse de contenus stomacaux, observation in situ…). Cependant, Spitz et al. (2006b) ont montré que les marsouins se nourrissent de poissons benthiques (gadidés) ainsi que de poissons pélagiques (clupéidés, carangidés et scombridés) voire parfois de crustacés de type krill. Ces proies sont majoritairement retrouvées en milieu océanique, et participeraient à un appauvrissement des 57 tissus en δ13C, malgré la consommation de poissons benthiques. Cette divergence de résultats entre analyse des isotopes stables et des contenus stomacaux peut s’expliquer par une proportion relativement élevée de proies pélagiques dans le régime alimentaire du marsouin, qui se révèle ainsi ne pas être une espèce strictement côtière. Ceci montre bien que l’étude conventionnelle des contenus stomacaux, qui représentent le régime alimentaire des individus à très court terme peut être à l’origine d’une interprétation erronée, d’où la nécessité d’associer ces deux types d’études complémentaires. De plus, les marsouins peuvent expérimenter différents régimes écologiques pendant l’année afin d’adapter leur habitat trophique aux conditions océanographiques locales sans migration (Fontaine et al., 2007). Ceci pourrait expliquer les écarts types relativement importants dans cette espèce en particulier en ce qui concerne l’azote. Le « groupe » des dauphins communs et des marsouins ont des valeurs isotopiques relatives variables entre elles, ce qui montre une fluctuation des comportements alimentaires selon l’échelle de temps : par exemple, au niveau du foie, les marsouins possèdent des valeurs isotopiques inférieures à celles des dauphins communs, alors que la tendance est inversée au sein du muscle. Les dauphins communs exploitent aussi bien des habitats néritiques qu’océaniques. Meynier (2004) montre que D. delphis se nourrit de petits poissons pélagiques tels que des sardines, des maquereaux et des anchois, et plus secondairement des Gadidés dans le Golfe de Gascogne. Cette espèce montre des déplacements le long du littoral : en hiver, les dauphins communs sont plus abondants dans les eaux peu profondes de la Bretagne, de la Manche et du littoral celte et retournent fin printemps, début de l’été dans le Golfe de Gascogne (Tregenza et al., 1997). Ainsi, on peut émettre l’hypothèse qu’à court terme, les marsouins se nourrissaient plus au large, et de proies de faible niveau trophique par rapport aux dauphins communs. De la même façon, à relativement long terme, ce sont les dauphins communs et en particulier les femelles qui se nourrissaient au large. Sachant que les dauphins communs femelles se sont tous échoués en février 2002 et que les marsouins ont toujours été capturés ou se sont échoués en hiver, on peut en conclure qu’en hiver les dauphins communs migrent plus vers la côte, et reviennent au large quelques mois après. Il y aurait donc un effet saisonnier du comportement trophique. Néanmoins, les différences de valeurs isotopiques entre ces deux espèces sont pour la plupart non significatives. De plus, beaucoup de facteurs métaboliques, intrinsèques à l’individu et /ou à l’espèce rentrent en compte dans ce milieu non contrôlé, et rendent l’interprétation des données assez complexe. 58 c. Paramètres mixtes et variabilité des signatures isotopiques L’âge, la date d’échouage, le statut reproducteur, l’état physiologique, et le sexe sont autant de paramètres, qui influent, à titre métabolique et écologique sur les valeurs isotopiques des tissus. C’est ainsi que les Tursiops truncatus, qui correspondent à un groupe très hétérogène du point de vue de ces paramètres, montrent la plus grande variabilité des signatures isotopiques des différents tissus, ainsi qu’une variabilité des pourcentages en lipides des tissus généralement supérieure à celle des autres espèces. Au contraire, les femelles dauphins communs présentent peu de facteurs de variabilité, puisqu’elles se sont toutes échouées à la même date, au même endroit, et appartiennent au même groupe d’individus depuis quelques semaines comme le montrent les résultats d’acides gras (Pierce et al., 2004). De plus, elles représentent une fourchette d’âge relativement étroite (de 10 à 21 ans). La faible variabilité intraspécifique de leurs ratios isotopiques, comparée aux autres espèces, et aussi aux individus mâles de la même espèce (non échoués en même temps, et non issus d’un même groupe) tendraient à confirmer une vie commune sur une période d’au moins quelques mois, en tout cas pour ces individus analysés. Il existe une différence significative entre D. delphis mâle et femelle uniquement pour le δ15N du lard externe et du foie, et le δ13C du rein. Les taux de lipides ne différant que pour le foie entre les deux sexes, et expliquant uniquement des valeurs isotopiques différentielles de δ13C via le métabolisme lipidique, une écologie alimentaire distinctes entre les deux sexes pourrait expliquer de telles différences au sein de ces trois tissus. On notera que dans le cas particulier du δ13C du foie, statistiquement proche entre les deux sexes, il est possible que le pourcentage en lipides, et donc indirectement le métabolisme, induisent des différences entre les deux genres, qui seraient compensées par l’écologie. Les femelles possèdent un δ15N inférieur à celui des mâles dans le lard externe, supérieur à celui des mâles dans le foie ainsi qu’un δ13C significativement supérieur au niveau du rein. Les femelles présentent donc à court terme un comportement alimentaire différent de celui des mâles, avec une exploitation trophique plus près des côtes de proies plus ou moins grosses, de plus important niveau trophique. L’absence de différence significative entre les deux sexes au sein de tissus à taux de renouvellement plus lent (muscle…) témoigne d’une absence de différence de comportement trophique entre mâles et femelles à plus long terme. Ici encore, un effet de la saison expliquerait cette fluctuation. De même, Das et al. (2003b, 2004), en analysant le muscle de Phocoena phocoena capturés le long des côtes ukrainiennes de 1997 à 1998, ont démontré que les femelles se nourrissaient 59 plus près des côtes et à un niveau trophique supérieur à celui des mâles. Néanmoins, ce phénomène n’est pas général et Niños-Torres (2006) n’a pas démontré de différence significative de signatures isotopiques entre les mâles et les femelles Delphinus delphis, et aboutit donc à la conclusion que les deux sexes se nourrissent globalement des mêmes ressources aux mêmes endroits dans le Golfe de Californie. Aucune indication sur la date d’échouage de ces dauphins communs n’est précisée dans ces deux études. On ne peut donc pas savoir si l’effet saisonnier explique la présence ou l’absence de différence de comportement alimentaire entre mâles et femelles. De plus, la différence de localisation géographique et donc d’abondance et de disponibilité de certaines proies peut expliquer que dans certaines zones du globe (Golfe de Californie), les mâles et les femelles exploitent les mêmes ressources dans les mêmes habitats, et qu’au contraire, dans d’autres lieux (Golfe de Gascogne, large des côtes ukrainiennes…), les femelles et les mâles adoptent plus ou moins saisonnièrement des comportements trophiques différents. L’Analyse Factorielle Discriminante avec pour variable explicative l’espèce montre que l’influence de cette dernière est relativement importante sur les signatures isotopiques des différents tissus (annexe 10), alors qu’elle est moindre sur les pourcentages lipidiques des différents tissus (annexe 11) et donc sur le métabolisme. L’espèce imposerait donc un comportement trophique différent, seul responsable de la variabilité des signatures isotopiques. Au contraire, l’Analyse Factorielle Discriminante avec pour variable explicative le sexe montre que l’influence de ce dernier est faible sur les signatures isotopiques et les pourcentages en lipides des différents tissus (annexes 12 et 13). Dans ce dernier cas, le sexe influence peu les signatures isotopiques, que ce soit par le biais d’un métabolisme ou d’un comportement trophique différent entre mâles et femelles. Il est donc difficile de distinguer les deux composantes biologiques (métabolisme et écologie) et d’interpréter les valeurs de certains organes selon les individus. De plus, certains facteurs comme l’âge, l’état physiologique…interviennent comme facteur mixte, à la fois métabolique et écologique, et rendent l’interprétation d’autant plus complexe. 4. Conclusion de la discussion L’analyse des isotopes stables apporte diverses informations sur le comportement trophique des communautés au sein du Golfe de Gascogne. Ces informations confirment plus 60 ou moins les travaux écologiques basés sur l’étude des contenus stomacaux et/ou l’observation des comportements de prédation in situ. Ainsi, les isotopes stables confirment l’habitat océanique et le faible niveau trophique des S. coeruleoalba ainsi que l’habitat côtier et le niveau trophique élevé des T. truncatus. Néanmoins, les résultats isotopiques concernant les marsouins ne vont pas dans le même sens que l’analyse des contenus stomacaux, et montrent un comportement trophique labile et complexe chez cette espèce. Enfin, l’étude de la variabilité isotopique tissulaire des différentes espèces montre la plus ou moins grande diversité des comportements et des caractéristiques des individus au sein d’une espèce donnée. 61 62 CONCLUSION L’étude de l’écologie alimentaire d’une espèce peut être éclaircie par le biais de l’étude des isotopes stables du carbone et de l’azote. La cartographie établie sur les différents tissus nous a permis de dégager les tendances métaboliques constantes d’une espèce à l’autre, étape préliminaire à l’interprétation écologique. Certains tissus semblent redondants en ce qui concerne l’information trophique qu’ils apportent. C’est le cas du foie, du rein et de la peau. Ce « regroupement » isotopique serait imputable à un taux de turnover comparable entre les trois tissus, à savoir une intégration du comportement trophique à court terme. Cependant, les valeurs isotopiques du lard reflètent aussi le régime alimentaire récent d’un individu, et sont différentes de celles du foie, du rein et de la peau. Le taux de turnover seul ne suffit pas pour interpréter la similarité des valeurs isotopiques de ces derniers tissus. Les valeurs isotopiques du lard interne diffèrent significativement de celles du lard externe chez deux espèces étudiées. L’étude des facteurs biochimiques de stratification du lard en lard externe et interne montre que seul le lard interne est synthétisé grâce aux apports alimentaires exogènes. Le lard externe se renouvelle au moyen de réserves endogènes et ne donnera que peu d’informations en terme d’écologie alimentaire. Ces exemples montrent que les valeurs isotopiques d’un tissu donné font intervenir un facteur métabolique (fractionnement, composition biochimique…) et un facteur écologique (niveau trophique, zone de nourrissage…). Toute la difficulté réside dans la présence de ces deux facteurs. En effet, l’interprétation des résultats d’un point de vue écologique se complexifie par le fait que le métabolisme souligne ou au contraire efface les différences écologiques. Les valeurs isotopiques trouvées dans les dents suivent un pattern très particulier. En effet, par exemple la majorité des tissus de S. coeruleoalba montre que cette espèce semble se nourrir à un niveau trophique faible et ce à différentes échelles de temps ; cependant ce comportement n’est pas retrouvé à l’échelle de la vie de l’espèce (dent). L’analyse des isotopes stables permet d’évaluer l’habitat global et le niveau trophique des différentes espèces. Ces résultats sont plus ou moins en adéquation avec les résultats issus des méthodes d’étude écologiques conventionnelles (étude de contenu stomacaux…). C’est 63 pourquoi, l’analyse des isotopes stables doit être associée en parallèle aux méthodes conventionnelles afin d’éviter une mauvaise interprétation et de dégager le plus d’informations possibles sur le régime alimentaire et l’habitat de l’espèce en question. Le taux de lipides d’un tissu, et donc son « bagage métabolique » semble corrélé aux valeurs isotopiques mesurées dans ce même tissu. Le programme BIOCET a permis d’analyser la nature des acides gras présents dans le muscle et le lard de la plupart des individus étudiés dans notre étude. Il serait intéressant de comparer les différences isotopiques observées avec les différences de composition en acides gras de ces deux organes, afin de mettre ou non en évidence une corrélation. 64 BIBLIOGRAPHIE ABELSON PH, HOERING TC.(1961) Carbon isotope fractionation in formation of amino acids by photosynthetic organisms. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 47, 623–632. ABEND AG, SMITH TD.(1995) Differences in ratios of stable isotopes of nitrogen in longfinned pilot whales (Globicephala melas) in the western and eastern North Atlantic. ICES J. Mar. Sci., 52, 837–841. AGUILAR A, BORRELL A, PASTOR T.(1999) Biological factors affecting variability of persistent pollutant levels in cetaceans. J. Cetacean Res. Manage., (special issue) 1, 83-116. BEARHOP S,WALDRON S,VOTIER SC,FURNESS RW.(2002) Factors that influence assimilation rates and fractionation of nitrogen and carbon stable isotopes in avian blood and feathers. Physiol. Biochem. Zool., 75, 451-458. BRERETON TM, WILLIAMS AD, WILLIAMS R.(1999) Distribution and relative abundance of the common dolphin (Delphinus delphis) in the Bay of Biscay. European Research on Cetaceans, 13, 295–299. CABANA G, RASMUSSEN JB.(1996) Comparing aquatic food chains using nitrogen isotopes. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 93, 10844-10847. DAS K, BEANS C, HOLSBEEK L, MAUGER G, BERROW D, ROGAN E et al.(2003a) Marine mammals from northeast atlantic:relationship between their trophic status as determined by δ13C and δ15N measurements and their trace metal concentrations. Marine Environmental Research, 56, 349-365. DAS K, LEPOINT G, LEROY Y, BOUQUEGNEAU JM.(2003b) Marine mammals from the southern North Sea : insights in their feeding ecology from δ13C and δ15N measurements. Mar. Ecol. Prog. Ser., 263, 287-298. DAS K, SIEBERT U, FONTAINE M, JAUNIAUX T, HOLSBEEK L, BOUQUEGNEAU JM.(2004) Ecological and pathological factors related to trace metal concentrations in harbour porpoises Phocoena phocoena from the North Sea and adjacent areas. Mar. Ecol. Prog. Ser., 281, 283–295. DENIRO MJ.(1985) Post-mortem preservation and alteration of in vivo bone collagen isotope ratios on relation to palaeodietary reconstruction. Nature 317, 806-809. DENIRO MJ, EPSTEIN S.(1977) Mechanism of carbon isotope fractionation associated with lipid synthesis. Science, 197, 261-263. DENIRO MJ, EPSTEIN S.(1978) Influence of diet on the distribution of carbon isotopes in animals. Geochim Cosmochim Acta, 42, 495-506. 65 DENIRO MJ, EPSTEIN S.(1981) Influence of diet on the distribution of nitrogen isotopes in animals. Geochim. Cosmochim. Acta, 45, 341-351. EVANS PGH.(1987) The Natural History of Whales and Dolphins. Christopher Helm/Academic Press, London, 105p. FOCKEN U, BECKER K.(1998) Metabolic fractionation of stable carbon isotopes: implications of different proximate compositions for studies of the aquatic food webs using δ13C data. Oecologia, 115, 337–343. FONTAINE MC, TOLLEY KA, SIEBERT U, GOBERT S, LEPOINT G, BOUQUEGNEAU JM et al.(2007) Long-term feeding ecology and habitat use in harbour porpoises Phocoena phocoena from Scandinavian waters inferred from trace elements and stable isotopes. BMC Ecology 7(1). FRANCE RL.(1995a) Carbon-13 enrichment in benthic compared to planktonic algae: Foodweb implications. Mar. Ecol. Prog. Ser., 124, 307-312. FRANCE RL.(1995b) Differentiation between littoral and pelagic lakes using stable carbon isotopes. Limnol. Oceanogr., 40(7), 1310-1313. FRY B.(1988) Food web structure on Georges Bank from stable C, N, and S isotopic compositions. Limnol. Oceanogr., 33, 1182–1190. GAEBLER OH, VITTI TG, VUKMIROVICH R.(1966) Isotope effects in metabolism of 14N and 15N from unlabelled dietary proteins. Can. J. Biochem., 44, 1249-1257. GASTON TF, SUTHERS IM.(2004) Spatial variation in δ13C and δ15N of liver, muscle and bone in a rocky reef planktivorous fish: The relative contribution of sewage. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology, 304, 17–33. GOERICKE R, FRY B.(1994) Variations of marine plankton δ13C with latitude, temperature, and dissolved CO2 in the world ocean. Global Biogeochem. Cycles, 8-8590. GOUJON M.(1996) Captures accidentelles du filet maillant dérivant et dynamique des populations de dauphins au large du Golfe de Gascogne. Thèse universitaire. ENSAR Rennes, n°15, 239 p. GUITART R, SILVESTRE AM, GUERRERO X, MATEO R.(1999) Comparative study on the fatty acid composition of two marine vertebrates: striped dolphins and loggerhead turtles. Comparative Biochemistry and Physiology Part B. Biochemistry and Molecular Biology 124 (4), 439-443. HAMMOND PS, BERGGREN P, BENKE H, BORCHERS DL, COLLET A, HEIDEJØRGENSEN MP et al.(2002) Abundance of the harbour porpoise and other cetaceans in the North Sea and adjacent waters. Journal of Applied Ecology 39, 361–376. HARE PE, FOGEL ML, STAFFORD TWJr, MITCHELL AD, HOERING TC.(1991) The isotopic composition of carbon and nitrogen in individual amino acids isolated from modern and fossil proteins. J. Arch. Sci. 18, 277–292. 66 HESSLEIN RH, HALLARD KA, RAMLAL P.(1993) Replacement of sulfur, carbon, and nitrogen in tissue of growing broad whitefish (Coregonus nasus) in response to a change in diet traced by δ34S, δ13C, and δ15N. Can. J. Fish. Aquat. Sci., 50, 2071-2076. HIRONS AC, SCHELL DM, FINNEY BP.(2001) Temporal records of δ13C and δ15N in North Pacific pinnipeds: inferences regarding environmental change and diet. Oecologia, 129, 591–601. HOBSON KA.(1993) Trophic relationships among high Arctic seabirds: insights from tissuedependent stable-isotope models. Mar. Ecol. Prog. Ser., 95, 7–18. HOBSON KA.(1999) Tracing origins and migration of wildlife using stable isotopes: a review. Oecologia, 120, 314 – 326. HOBSON KA,CLARK RG.(1992a) Assessing avian diets using stable isotopes I: turnover of 13C in tissues. Condor, 94, 181-188. HOBSON KA,CLARK RG.(1992b) Assessing avian diets using stable isotopes II: factor influencing diet-tissue fractionation. Condor, 94, 189-197. HOBSON KA, SEASE JL, MERRICK RL, PIATT JF.(1997) Investigating trophic relationships of pinnipeds in Alaska and Washington using stable isotope ratios of nitrogen and carbon. Mar. Mamm. Sci., 13, 114-132. HOBSON KA, WASSENAAR LI.(1999) Stable isotope ecology: an introduction. Oecologia,. 120, 312–313. HOBSON KA, WELSH HE.(1992) Determination of trophic relationships within a high Arctic marine food web using δ13C and δ15N analysis. Mar. Ecol. Prog. Ser., 84, 9-18. HOOKER SK, IVERSON SJ, OSTROM P, SMITH SC.(2001) Diet of northern bottlenose whales inferred from fatty acid and stable isotope analyses of biopsy samples. Can. J..Zool., 79, 1442-1454. JENNINGS S, WARR KJ.(2003) Environmental correlates of spatial variation in δ15N. Marine Biology, 142, 1131-1140. KRAHN MM, HERMAN DP, YLITALO GM, SLOAN CA, BURROWS DG.(2004) Stratification of lipids, fatty acids and organochlorine contaminants in blubber of white whales and killer whales. J Cetacean Res Manage, 6, 175–189. KROOPNICK PM.(1985) The distribution of ∂13C of ∑CO2 in the world oceans. Deep-Sea Res., 32, 57-84. KRUH J.(1998) Biochimie I : Biologie cellulaire et moléculaire. Etudes Médicales et biologiques. Edts Hermann, 339 p. KOOPMAN HN, IVERSON SJ, GASKIN DE.(1996) Stratification and age-related differences in blubber fatty acids of the male harbour porpoise (Phocoena phocoena). J Comp Physiol B, 165(8), 628-639. 67 LAJTHA K, MARSHALL JD.(1994) Sources of variation in the stable isotopic composition of plants. In : Stable isotopes in ecology. Blackwell Scientific Publications, 45-62. LESAGE V, HAMMILL MO, KOVACS KM.(2001) Marine mammals and the community structure of the Gulf and Estuary regions of the St. Lawrence (Canada). Mar. Ecol. Prog. Ser., 210, 203-221. MARIOTTI A, LANCELOT C, BILLEN G.(1984) Natural isotopic composition of nitrogen as a tracer of origin for suspended organic matter in the Sheldt estuary. Geochim Cosmochim Acta, 48, 549-555. MCCONNAUGHEY T,MC ROY CP.(1979) Food web structure and the fractionation of carbon isotopes in the Bering .Sea. Mar. Biol., 53, 257-262. MAHLER HR, CORDES EH.(1971) Biological Chemistry. 2nd ed. Harper and Row, New York, 30 p. MATTHEWS B, MAZUMDER A.(2005) Temporal variation in body composition (C:N) helps explain seasonal patterns of zooplankton δ13C. Freshwater Biology, 50, 502-515. MEYNIER L.(2004) Food and feeding ecology of the common dolphin, Delphinus delphis, in the Bay of Biscay: Intraspecific dietary variation and food transfer modelling. Rapport de Master II, Université d’ Aberdeen, 63 p. MICHENER R.H., SCHELL D.M., 1994. Stable isotope ratios as tracers in marine and aquatic food web. Stable Isotopes in Ecology and Environmental Science. Blackwell Scientific Publications : 138–157. MINAWAGA M, WADA E.(1984) Stepwise enrichment of 15N along food chains: Further evidence and the relation between 15N and animal age. Geochim Cosmochim Acta, 48, 1135– 1140. MIZUTANI H, FUKUDA M, KABAYA Y, WADA E.(1990) Carbon isotope ratio of feathers reveals feeding behavior of cormorants. Auk, 107, 400-437. NINOS TORRES CA, GALLO REYNOSO JP, GALVAN MAGANA F, ESCOBAR BRIONES E, MACKO SA.(2006) Isotopic analysis of δ13C, δ15N,and δ34S “a feeding tale” in teeth of the longbeaked common dolphin, Delphinus capensis. Mar. Mamm. Sci., 22(4), 834-846. O’CONNELL TC, HEDGES REM, HEALEY MA, SIMPSON AHRW.(2001) Isotopic comparison of hair, bone and nail: modern analyses J. Arch. Sci., 28, 1247–1255. PAULY D, TRITES AW, CAPULI E, CHRISTENSEN V.(1998) Diet composition and trophic levels of marine mammals. ICES J. Mar. Sci., 55, 467-481. PARKER PL.(1964) The biogeochemistry of the stable isotopes of carbon in a marine bay. Geochim. Cosmochim. Acta, 28, 1155-1164. 68 PETERSON BJ, FRY B.(1987) Stable isotopes in ecosystem studies. Ann. Rev. Ecol. Syst., 18, 293-320. PIERCE GJ et al.(2004) Bioaccumulation of persistent organic pollutants in small cetaceans in European waters : transport pathways and impact on reproduction. Final Report. PINNEGAR JK, JENNINGS S, O'BRIEN CM, POLUNIN NCV.(2002). Long-term changes in the trophic level of the Celtic Sea fish community and fish market price distribution. Journal of Applied Ecology, 39, 377-390. PUSINERI C, MAGNIN V, MEYNIER L, SPITZ J, HASSANI S, RIDOUX V.(2007) Food and feeding ecology of the common dolphin (Delphinus delphis) in the Northeast Atlantic and comparison with its diet in neritic areas. Mar. Mamm. Sci., 23(1), 30-47. RAU GH, MEARNS AJ, YOUNG DD, OLSON RJ, SCHAFER HA, KAPLAN IR.(1983) Animal 13C/12C correlates with trophic level in pelagic food webs. Ecology, 64, 1314-1318. ROBINSON D.(2001) δ15N as an integrator of the nitrogen cycle. Trends in Ecology and Evolution, 16, 153–162. SCHELL DM, SAUPE SM, HAUBENSTOCK N.(1989) Bowhead whale (Balaena mysticetus) growth and feeding as estimated by δ13C techniques. Mar. Biol., 103, 433–443. SCHOENINGER MJ, DENIRO MJ.(1984) Nitrogen and carbon isotopic composition of bone collagen from marine and terrestrial animals. Geochim. Cosmochim. Acta, 48, 625-639. SCHWARCZ HP.(1991) Some theoretical aspects of isotope paleodiet studies. J. Arch. Sci., 18, 261–275. SMITH GJD, GASKIN DE.(1983) An environmental index for habitat utilization by female harbour porpoises with calves near Deer Island, Bay of Fundy. Ophelia, 22(1), 1–13. SPITZ J, RICHARD E, MEYNIER L, PUSINERI C, RIDOUX V.(2006a) Dietary plasticity of the oceanic striped dolphin, Stenella coeruleaoalba, in the neritic Bay of Biscay. Journal of Sea Research, 55, 309–320. SPITZ J, ROUSSEAU Y, RIDOUX V.(2006b) Diet overlap between harbour porpoise and bottlenose dolphin : an argument in favour of interference competition for food ? Estuarine, Coastal and Shelf Science, 70, 259-270. SPONHEIMER M, ROBINSON TF, CERLING TE, TEGLAND L, ROEDER BL.(2006) Turnover of stable carbon isotopes in the muscle, liver, and breath CO2 of alpacas (Lama pacos). Rapid Commun. Mass. Spectrom., 20, 1395–1399. THOMPSON RC.(1953) Studies of metabolic turnover with tritium as a tracer. Gross studies on the rat. J. Biol. Chem., 200, 731-743. TIESZEN LL, BOUTTON TW, TESDAHL KG, SLADE NA.(1983) Fractionation and turnover of stable carbon isotopes in animal tissues: implication for d13C analysis of diet. Oecologia, 57, 32–37. 69 TREGENZA NJC, BERROW SD, HAMMOND PS, LEAPER R.(1997) Common dolphin, (Delphinus delphis) by catch in bottom set gillnets in the Celtic Sea. Reprint of the International Whaling Commission, 47, 835–839. WALKER JL,MACKO SA.(1999) Dietary studies of marine mammals using stable carbon and nitrogen isotopic ratios of teeth. Mar. Mamm. Sci., 15(2), 314-334. WASSENAAR LI, HOBSON KA.(1998) Natal origins of migratory monarch butterflies at wintering colonies in Mexico: new isotopic evidence. Proc. Nat. Acad. Sci., 95, 15436– 15439. WATSON L.(1981) In : Sea guide to whales of the world. EP. Dutton, New York, 270:271. WEST AG, AYLIFFE LK, CERLING TE.(2004) Short-term diet changes revealed using stable carbon isotopes in horse tail-hair. Functional Ecology, 18 (4), 616-624. 70 ANNEXES Annexe 1 : Photographies des quatre espèces étudiées (Source : auteur) Annexe 1a : Tursiops truncatus Annexe 1b : Stenella coeruleoalba Annexe 1c : Delphinus delphis Annexe 1d: Phocoena phocoena Annexe 2: Moyennes, écart-types et coefficients de variation (CV) des δ13C et δ15N dans les différents organes analysés par espèce. Seuls les individus pour lesquels l’ensemble de ces organes ont été analysés ont été considérés. Espèce P.phocoena F n=4 Organe Muscle Foie Rein Lard interne Lard externe Peau S. coeruleoalba F Muscle n=6 Foie Rein Lard interne Lard externe Peau T. truncatus F Muscle n=3 Foie Rein Lard interne Lard externe Peau D. delphis F Muscle n=5 Foie Rein Lard interne Lard externe Peau D. delphis M Muscle n=4 Foie Rein Lard interne Lard externe Peau Moyenne -16,68 -17,08 -17,13 -16,65 -16,30 -16,95 -17,48 -17,79 -17,74 -16,66 -16,61 -17,17 -16,11 -16,45 -16,28 -14,38 -14,07 -15,59 -16,82 -16,73 -16,66 -15,75 -15,88 -16,45 -16,92 -16,96 -17,05 -15,64 -15,63 -16,75 delta 13C ± sd ± 0,43 ± 0,44 ± 0,31 ± 0,94 ± 0,83 ± 0,45 ± 0,19 ± 0,31 ± 0,33 ± 0,66 ± 0,69 ± 0,45 ± 1,60 ± 1,53 ± 1,54 ± 1,43 ± 2,17 ± 1,74 ± 0,17 ± 0,16 ± 0,16 ± 0,33 ± 0,32 ± 0,33 ± 0,36 ± 0,29 ± 0,36 ± 0,57 ± 0,93 ± 0,67 CV % 2,56 2,57 1,78 5,64 5,09 2,68 1,11 1,76 1,84 3,95 4,12 2,65 9,92 9,32 9,44 9,97 15,45 11,19 0,98 0,98 0,97 2,08 2,00 2,03 2,16 1,70 2,12 3,62 5,96 3,97 delta 15N Moyenne ± sd 13,66 1,15 14,57 0,81 14,12 0,74 16,95 0,89 17,91 1,33 15,02 0,95 10,97 0,36 12,31 0,45 12,34 0,39 13,70 0,33 14,13 0,44 12,62 0,60 14,44 1,41 15,97 1,19 15,99 1,24 17,92 2,00 18,31 2,19 15,78 0,52 12,49 0,28 14,45 0,22 13,94 0,34 14,96 0,28 14,50 0,26 12,90 0,31 12,70 0,44 13,92 0,15 13,79 0,21 15,69 0,93 15,70 0,73 13,78 0,76 CV % 8,41 5,57 5,26 5,26 7,43 6,31 3,28 3,62 3,19 2,40 3,10 4,72 9,77 7,46 7,75 11,17 11,95 3,28 2,24 1,53 2,43 1,86 1,77 2,40 3,43 1,10 1,53 5,94 4,63 5,52 Annexe 3 : Moyennes (‰), écart-types (‰) et coefficients de variation (%) des valeurs isotopiques du carbone et d’azote par organe dans les différentes espèces ; n correspond au nombre d’individus analysés. Annexe 4 : Détails par individu des valeurs isotopiques des différents tissus INDIVIDU 10412110 10601009 10601004 10608047 10309095 10210279 10409101 10201019 10401019 10410106 10211291 10207232 10210288 10211293 10204205 10211295 10307055 10103024 10202156 10202167 10202143 10202157 10202163 10304047 10301005 10201046 10202093 10301004 ESPECE GENRE Pp Sc F Tt Dd M AGE 0,6 ND 3,5 ND 0,5 6,5 ND 3 ND ND 0,6 6 18 1,5 ND ND 0,5 13 16 13 10 21 13 11,5 7,5 12 13 6,5 DATE ECHOUAGE C MUSCLE nov-04 -16,72 janv-06 -16,91 janv-06 -17,13 févr-06 -17,01 févr-03 -16,06 oct-02 -16,2 sept-04 -17,68 janv-02 -17,49 janv-04 -17,47 oct-04 -17,15 nov-02 juil-02 -17,67 oct-02 -17,43 déc-02 -17,81 avr-02 -15,87 déc-02 -16,13 juil-03 -16,64 mars-01 -14,64 févr-02 -16,87 févr-02 -16,69 févr-02 -17,09 févr-02 -16,75 févr-02 -16,71 avr-03 -16,55 janv-03 -17,16 janv-02 -17,23 févr-02 -16,66 janv-03 -17,29 C FOIE -17,13 -17,41 -17,28 -17,32 -16,44 -16,64 -17,56 -17,83 -17,75 -17,8 -18,54 -18,34 -17,43 -17,73 -16,87 -17,18 -16,68 -14,75 -16,65 -16,86 -16,94 -16,67 -16,54 -17,07 -16,98 -16,97 -16,56 -17,24 C REIN -17,24 -17,17 -17,41 -17,4 -16,69 -16,28 -17,81 -17,79 -17,75 -17,52 -18,28 -17,31 -17,87 -16,18 -16,71 -14,8 -16,5 -16,87 -16,74 -16,68 -16,49 -17,09 -17,22 -17,25 -16,53 -17,35 C DENT -13,46 -13,87 -14,95 -15,12 -14,01 -14,73 -14,8 -14,96 C LARD INTERNE -17,04 -17,66 C LARD EXTERNE -16,6 -16,26 -15,45 -16,46 -16,73 -16,35 -17,57 -16,37 -15,69 -16,78 -17,01 -16,96 -16,03 -13,63 -15,09 -13,47 -15,95 -15,21 -16,05 -15,72 -15,84 -14,97 -15,98 -17,15 -15,18 -15,84 -16,22 -17,69 -16,41 -15,89 -17,28 -16,26 -17,2 -16,54 -12,45 -16,09 -15,48 -13,22 -16,07 -16,13 -16,14 -15,6 -15,48 -14,61 -16,57 -17,15 -17,37 -17,36 -16,27 -17,51 -17,43 -17,45 -17,4 -15,44 -16,01 -16,25 -13,92 -16,15 -16,04 -16,7 -16,77 -16,6 -15,79 -17,32 -15,39 -16,22 -15,09 -16,25 -16,97 -16,93 -13,44 -11,48 -14,03 -14,15 -14,76 -14,41 -13,68 -14,07 C PEAU -17,3 -16,97 -17,22 -16,3 INDIVIDU 10412110 10601009 10601004 10608047 10309095 10210279 10409101 10201019 10401019 10410106 10211291 10207232 10210288 10211293 10204205 10211295 10307055 10103024 10202156 10202167 10202143 10202157 10202163 10304047 10301005 10201046 10202093 10301004 ESPECE GENRE Pp Sc F Tt Dd M AGE 0,6 ND 3,5 ND 0,5 6,5 ND 3 ND ND 0,6 6 18 1,5 ND ND 0,5 13 16 13 10 21 13 11,5 7,5 12 13 6,5 DATE ECHOUAGE N MUSCLE nov-04 13,87 janv-06 13,68 janv-06 12,37 févr-06 12,15 févr-03 14,94 oct-02 13,44 sept-04 11,56 janv-02 10,66 janv-04 11,24 oct-04 10,71 nov-02 juil-02 10,94 oct-02 10,72 déc-02 13,02 avr-02 15,84 déc-02 13,76 juil-03 14,87 mars-01 14,45 févr-02 12,48 févr-02 12,83 févr-02 12,13 févr-02 12,68 févr-02 12,31 avr-03 13,21 janv-03 12,66 janv-02 11,27 févr-02 12,15 janv-03 12,78 N FOIE 15,15 14,97 13,5 13,37 14,77 15,65 12,51 12,12 12,49 11,71 12,31 12,04 12,98 14,86 17,23 15,12 15,29 15,82 14,53 14,21 14,41 14,79 14,33 13,94 14,08 12,99 13,71 13,93 N REIN 14,52 14,65 13,3 13,03 14,27 15,06 12,56 12,09 12,62 11,92 11,98 12,87 14,7 17,17 15,08 16,1 14,02 13,44 13,91 14,39 13,92 13,96 13,73 12,64 13,52 13,96 N DENT 17,14 16 13,56 11,99 12 12,78 12,37 14,44 N LARD INTERNE 16,85 16,52 N LARD EXTERNE 17,33 18,34 16,21 18,23 16,02 14,15 13,4 13,84 13,46 13,62 13,37 13,95 16,54 20,22 15,96 17,01 15,32 14,66 14,78 14,85 15,17 16,96 15,01 16,43 19,52 16,29 14,51 13,49 14,53 13,88 14,14 13,89 14,48 16,76 20,81 16,62 16,07 17,35 14,48 14,25 14,34 14,5 14,92 16,76 15,24 12,97 11,74 13,31 13,06 12,5 12,22 12,4 15,18 16,11 15,23 14,85 16,04 12,65 12,93 12,52 13,16 13,23 14,52 13,71 14,97 15,81 15,22 15,56 12,75 14,13 14,92 15,61 11,63 11,86 11,64 11,63 12,87 13,36 N PEAU 14,81 15,19 13,89 16,18 Annexe 5 : Ecarts relatifs moyens (epsilon) entre valeurs isotopiques du carbone ou de l’azote de deux tissus chez une espèce donnée (Pp = Phocoena phocoena, Sc = Stenella coeruleoalba, Tt = Tursiops truncatus, DdM = Delphinus delphis mâle, DdF = Delphinus delphis femelle ε carbone Pp MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE -0.40+/-0.08 REIN -0.45+/-0.16 -0.05+/-0.21 PEAU -0.28+/-0.22 0.13+/-0.25 0.18+/-0.18 LE 0.38+/-0.47 0.78+/-0.51 0.83+/-0.53 0.65+/-0.43 LI 0.02+/-1.04 0.42+/-0.98 0.47+/-1.04 0.30+/-1.06 -0.35+/-1.43 ε azote Pp MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE 0.90+/-0.72 REIN 0.46+/-0.77 -0.44+/-0.15 PEAU 1.36+/-0.35 0.45+/-0.73 0.90+/-0.71 LE 4.25+/-0.55 3.34+/-1.07 3.78+/-1.04 2.89+/-0.42 LI 3.29+/-0.54 2.39+/-0.92 2.83+/-0.93 1.94+/-0.42 -0.95+/-0.74 ε carbone Sc MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE -0.30+/-0.32 REIN -0.26+/-0.24 0.04+/-0.17 PEAU 0.31+/-0.33 0.61+/-0.54 0.57+/-0.47 LE 0.87+/-0.69 1.17+/-0.82 1.13+/-0.82 0.56+/-0.56 LI 0.82+/-0.58 1.12+/-0.67 1.08+/-0.65 0.51+/-0.41 -0.05+/-0.37 ε azote Sc MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE 1.33+/-0.49 REIN 1.37+/-0.42 0.03+/-0.12 PEAU 1.64+/-0.49 0.31+/-0.73 0.28+/-0.61 LE 3.16+/-0.34 1.82+/-0.32 1.79+/-0.23 1.51+/-0.44 LI 2.72+/-0.28 1.39+/-0.28 1.35+/-0.19 1.08+/-0.52 -0.44+/-0.20 ε carbone Tt MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE -0.52+/-0.59 REIN -0.27+/-0.23 0.25+/-0.40 PEAU 0.42+/-0.25 0.94+/-0.48 0.69+/-0.17 LE 1.54+/-1.40 2.06+/-1.59 1.81+/-1.34 1.12+/-1.31 LI 1.73+/-0.54 2.07+/-1.03 1.90+/-0.61 1.21+/-0.69 -0.31+/-0.85 ε azote Tt MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE 1.49+/-0.23 REIN 1.50+/-0.20 0.01+/-0.19 PEAU 1.37+/-0.79 -0.12+/-0.67 -0.12+/-0.66 LE 3.62+/-0.99 2.13+/-0.99 2.12+/-1.07 2.25+/-1.64 LI 3.49+/-0.91 1.96+/-0.93 1.93+/-1.07 2.15+/-1.71 -0.38+/-0.19 ε carbone DdM MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE -0.05+/-0.32 REIN -0.13+/-0.29 -0.08+/-0.12 PEAU 0.16+/-0.49 0.21+/-0.78 0.29+/-0.76 LE 1.29+/-0.59 1.33+/-0.87 1.42+/-0.78 1.12+/-0.55 LI 1.27+/-0.22 1.32+/-0.52 1.41+/-0.48 1.11+/-0.41 -0.01+/-0.44 ε azote DdM MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE 1.21+/-0.37 REIN 1.09+/-0.26 -0.12+/-0.18 PEAU 1.08+/-0.35 -0.14+/-0.67 -0.02+/-0.56 LE 3.00+/-0.42 1.78+/-0.72 1.90+/-0.60 1.92+/-0.52 LI 2.99+/-0.58 1.77+/-0.92 1.90+/-0.77 1.91+/-0.52 -0.01+/-0.27 ε carbone DdF MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE 0.09+/-0.15 REIN 0.16+/-0.23 0.08+/-0.09 PEAU 0.37+/-0.33 0.28+/-0.39 0.21+/-0.40 LE 0.94+/-0.27 0.85+/-0.22 0.77+/-0.27 0.57+/-0.58 LI 1.07+/-0.24 0.98+/-0.39 0.90+/-0.45 0.69+/-0.31 0.13+/-0.48 ε azote DdF MUSCLE FOIE REIN PEAU LE FOIE 1.97+/-0.35 REIN 1.45+/-0.48 -0.52+/-0.15 PEAU 0.42+/-0.32 -1.55+/-0.35 -1.04+/-0.41 LE 2.02+/-0.44 0.04+/-0.33 0.56+/-0.35 1.60+/-0.25 LI 2.47+/-0.45 0.50+/-0.32 1.02+/-0.36 2.06+/-0.41 0.46+/-0.23 Annexe 6a : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F2 (18,98%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe F1 sont symbolisées en bleu ; les variables les plus représentées sur l’axe F2 sont symbolisées en orange. Annexe 6b : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F2 (18,98%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés correspondent à des individus ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes. Annexe 7a : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F3 (6,38%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe F1 sont symbolisées en vert ; les variables les plus représentées sur l’axe F3 sont symbolisées en rose. Annexe 7b : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F3 (6,38%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés correspondent à des individus ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes. Annexe 8a : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (35,35%) et F2 (25,07%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe F1 sont symbolisées en rose ; les variables les plus représentées sur l’axe F2 sont symbolisées en vert. Annexe 8b : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (35,35%) et F2 (25,07%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés correspondent à des individus ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes. Annexe 9a : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (35,35%) et F3 (16,02%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe F1 sont symbolisées en rouge ; les variables les plus représentées sur l’axe F3 sont symbolisées en bleu. Annexe 9b : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes F1 (35,35%) et F3 (16,02%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés correspondent à des individus ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes. Annexe 10 : Analyse factorielle discriminante sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour variable explicative l’appartenance d’un individu à une espèce donnée (A = Phocoena phocoena, B = Stenella coeruleoalba, C = Tursiops truncatus et D = Delphinus delphis mâle et femelle). Le lambda de Wilks pour cette analyse multivariée est de 1,32.10-4. Cette valeur est relativement faible et est en faveur d’une influence importante de l’espèce sur les signatures isotopiques. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont identiques et soulignent cette conclusion. Annexe 11 : Analyse factorielle discriminante sur les pourcentages en lipides des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour variable explicative l’appartenance d’un individu à une espèce donnée (A = Phocoena phocoena, B = Stenella coeruleoalba, C = Tursiops truncatus et D = Delphinus delphis mâle et femelle). Le lambda de Wilks pour cette analyse multivariée est de 0,065. Cette valeur est relativement importante et est en défaveur d’une influence importante de l’espèce sur les pourcentages lipidiques. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont différentes pour deux individus (10201019 et 10211293) et soulignent cette conclusion. Annexe 12 : Analyse factorielle discriminante sur les signatures isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour variable explicative l’appartenance d’un individu au sexe mâle ou femelle (A = femelle et B = mâle). Le lambda de Wilks pour cette analyse multivariée est de 0,281. Cette valeur est relativement importante et est en défaveur d’une influence importante du sexe sur les signatures isotopiques. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont différentes pour un individu (10301005) et soulignent cette conclusion. Annexe 13 : Analyse factorielle discriminante sur les pourcentages en lipides des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour variable explicative l’appartenance d’un individu au sexe mâle ou femelle. (A = femelle et B = mâle). Le lambda de Wilks pour cette analyse multivariée est de 0,427. Cette valeur est relativement importante et est en défaveur d’une influence importante du sexe sur les pourcentages en lipides. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont différentes pour deux individus (10304047 et 10301005) et soulignent cette conclusion. Annexe 14 : Classification ascendante hiérarchique des individus des quatre espèces étudiées selon les pourcentages en lipides de leurs tissus. Cette analyse permet de regrouper les individus en quatre grands groupes statistiquement homogènes A, B, C et D. Cette opération nous permet d’effectuer l’analyse factorielle discriminante sur les signatures isotopiques des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour variables explicatives les pourcentages en lipides de ces mêmes tissus (annexe 15). Annexe 15 : Analyse factorielle discriminante sur les signatures isotopiques des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour variable explicative l’appartenance d’un individu à un groupe « lipidique » (A, B, C ou D) défini par la figure 14. Le lambda de Wilks pour cette analyse multivariée est de 2,98.10-5. Cette valeur est relativement faible et est en faveur d’une influence importante du taux lipidique des tissus sur leurs valeurs isotopiques. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont identiques et soulignent cette conclusion. VARIATIONS DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PETITS CETACES : CARTOGRAPHIE ISOTOPIQUE DES INDIVIDUS ET STRUCTURE DES COMMUNAUTES DE PETITS CETACES ESTRADE Vanessa RESUME : Les analyses des ratios isotopiques du carbone et de l’azote sont de plus en plus utilisées comme traceurs en écologie alimentaire. Cependant différents tissus aux turn-over variables peuvent être analysés rendant les comparaisons entre espèces difficiles à interpréter. Les ratios isotopiques du carbone et de l’azote ont été analysés dans différents tissus (foie, muscle, rein, peau, lard interne et externe, dent), échantillonnés sur un petit nombre d’individus appartenant à quatre espèces de petits cétacés du Golfe de Gascogne : Phocoena phocoena, Delphinus delphis, Stenella coeruleoalba et Tursiops truncatus. Dans le Golfe de Gascogne, les odontocètes présentent des comportements trophiques (zones de chasse et des régimes alimentaires) variés et exploitent ainsi différentes ressources du milieu. L’objectif de ce travail est double : 1° réaliser une cartographie des signatures au sein de chaque espèce, 2° interpréter les différences observées en termes d’écologie. Les résultats montrent un pattern tissulaire plus variable pour le 13C que pour l’15N. La composition biochimique du tissu, l’état de mise en réserve ou au contraire de remobilisation lipidique, ainsi que le routing isotopique sont autant de facteurs qui peuvent influencer les ratios isotopiques. D’un point de vue de l’écologie, les signatures confirment nettement le caractère océanique de S. coeruleoalba mais au contraire infirment le caractère côtier de P. phocoena. Toute la difficulté d’interprétation réside dans l’influence conjointes des facteurs métaboliques et des facteurs écologiques. En effet, divers paramètres comme l’âge ou le sexe sont des facteurs que l’on pourrait qualifier de « mixtes » puisqu’ils induisent des différences métaboliques entre individus mais aussi des comportements trophiques variés, par le phénomène de ségrégation des individus en groupes homogènes du point de vue du comportement alimentaire. Mots-clés : ODONTOCETES, CARTOGRAPHIE, ISOTOPES STABLES, TISSU, GOLFE DE GASCOGNE JURY : Président : Pr Directeur : Pr COMBRISSON Assesseur : Pr COURREAU Adresse de l’auteur : Mlle ESTRADE Vanessa 5 rue de l’espérance 94380 Bonneuil-sur-Marne DIFFERENCES OF ISOTOPIC RATIOS OF SMALL CETACEAN : ISOTOPIC MAPPING AND ECOLOGY OF EACH SPECIES SURNAME : ESTRADE Given name : Vanessa SUMMARY : Analyses of C and N stable isotope ratios are increasingly used as tracers in feeding ecology. Different tissues with specific turnover rates can be analysed which makes it difficult to interpret inter-specific comparisons. C and N isotopic ratios were analysed in various tissues (liver, muscle, kidney, skin, inner and outer blubber, tooth) of four species of small cetacean collected from the Bay of Biscay: Phocoena phocoena, Delphinus delphis, Stenella coeruleoalba et Tursiops truncatus. In the Bay of Biscay, small toothed cetaceans display diversified feeding strategies (diets and foraging zones) and thus exploit different food sources. The goal of this work includes: 1° to map isotopic signatures in selected tissues within each species, 2° to interpret inter- and intra-specific differences in terms of ecology. The 13C isotopic ratio pattern among tissues is more variable than the 15N isotopic ratio. The tissue-specific biochemical composition, lipid storing or, in contrast, remobilization, as well as isotopic routing all are factors that can influence isotopic ratios. In terms of ecological interpretation, isotopic signatures obtained in this study clearly confirm that striped dolphins use oceanic resources, but challenge the classical view that harbour porpoises would be merely restricted to coastal habitats. The main difficulty, however, relates to the disentanglement of crossed influences of metabolic and ecological factors. Indeed, multiple parameters, including age and gender, could be qualified as mixed factors since they induce both divergences in metabolic processes and in foraging behaviours as well, as a result individuals forming groups based on age and reproductive-status categories that are homogeneous in terms of foraging. Key words : TOOTHED DOLPHINS, ISOTOPIC MAPPING, STABLE ISOTOPES, TISSUE, BAY OF BISCAY JURY : President : Pr Director : Pr COMBRISSON Assessor : Pr COURREAU Author’s Adress : Mss ESTRADE Vanessa 5 rue de l’espérance 94380 Bonneuil-sur-Marne