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ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT
Année 2008
VARIATIONS DES SIGNATURES ISOTOPIQUES
CHEZ LES PETITS CETACES : CARTOGRAPHIE
ISOTOPIQUE DES INDIVIDUS ET STRUCTURE DES
COMMUNAUTES DE PETITS CETACES
THESE
Pour le
DOCTORAT VETERINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
le……………
par
Vanessa, Lydie ESTRADE
Née le 29 décembre 1982 à Maisons-Alfort (Val-de-Marne)
JURY
Président : M.
Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL
Membres
Directeur : Mme COMBRISSON
Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort
Assesseur : M. COURREAU
Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort
LISTE DES MEMB RES DU CORPS ENSEIGNANT
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recherche
* Responsable de l’Unité
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REMERCIEMENTS
Merci à Hélène COMBRISSON d’avoir accepté d’être mon directeur de thèse.
Merci à Jean François COURREAU d’être mon assesseur de thèse.
Merci à Gérard BLANCHARD de m’avoir acceptée dans son laboratoire.
Je tiens à remercier Florence CAURANT pour son encadrement, sa gentillesse et son aide très
précieuse (et croyez moi, elle a du mérite !).
Merci encore à Paco BUSTAMANTE pour son encadrement et ses nombreuses suggestions.
Merci à Vincent RIDOUX pour sa sympathie et pour son aide (et pour sa relecture finale de
« naïf » comme il dit).
Merci à Pierre RICHARD pour ses explications et sa patience.
Merci à Yves CHEREL de m’avoir ouvert les portes de sa bibliothèque bibliographique.
Merci à Gaël GUILLOU pour avoir fait passer mes échantillons dans le spectromètre.
Merci à toute la petite communauté du CRMM (Willy DABIN, Olivier VAN CANNEYT,
Jérôme SPITZ…) pour leur aide, et leur bonne humeur…
Enfin merci à Tiphaine CHOUVELON (je ne t’ai pas oubliée!) de m’avoir aidée à la longue
et odorante préparation de mes échantillons, ainsi que de m’avoir supportée dans les moments
les plus durs (en fait il n’y en a pas eu, mais je trouvais que ça sonnait bien).
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION........................................................................................................................ 3
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES ISOTOPES STABLES............... 5
DU CARBONE ET DE L’AZOTE.............................................................................................. 5
I. Isotopes stables du carbone et de l’azote : marqueurs écologiques discriminants........... 7
1. Isotopes stables du carbone .......................................................................................... 7
2. Isotopes stables de l’azote ............................................................................................ 8
II. Variabilité des signatures isotopiques chez les prédateurs supérieurs dans
l’écosystème marin : difficultés d’interprétation et outil de détermination écologique........... 9
DEUXIEME PARTIE : ETUDE PERSONNELLE VARIATIONS DES SIGNATURES
ISOTOPIQUES CHEZ LES PETITS CETACES : CARTOGRAPHIE ISOTOPIQUE DES
INDIVIDUS ET STRUCTURE DES COMMUNAUTES DE PETITS CETACES................. 15
I. Problématique de l’etude................................................................................................ 15
1. Préalable à l’étude ...................................................................................................... 15
2. Contexte de l’étude..................................................................................................... 16
3. Objectifs de l’étude .................................................................................................... 18
II. Matériels et méthodes..................................................................................................... 21
III.
Résultats ..................................................................................................................... 27
1. Taux de lipides des tissus ........................................................................................... 27
a. Ratio C/N................................................................................................................ 27
b. Comparaison des pourcentages en lipides des différents tissus au sein de chacune
des espèces étudiées ....................................................................................................... 27
2. « Cartographie » des rapports isotopiques dans les différents tissus des quatre
espèces de delphinidés ....................................................................................................... 31
a. Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents tissus au sein
d’une espèce donnée....................................................................................................... 31
b. Influence des taux de lipides sur les différences de valeurs isotopiques observées
entre les tissus................................................................................................................. 37
c. Variabilité intraspécifique des valeurs isotopiques observées pour les différents
organes ........................................................................................................................... 38
3. Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la communauté des
petits delphinidés................................................................................................................ 40
IV.
Discussion .................................................................................................................. 49
1. Efficacité de la délipidation........................................................................................ 49
2. Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents tissus au sein d’une
même espèce ...................................................................................................................... 49
a. Effet du taux et de la nature des lipides sur les valeurs isotopiques ...................... 50
b. Effet de la composition biochimique globale d’un tissu sur sa valeur isotopique . 52
3. Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la communauté des
petits delphinidés................................................................................................................ 54
a. Taux de turnover .................................................................................................... 54
b. Interprétation écologique des valeurs isotopiques ................................................. 56
c. Paramètres mixtes et variabilité des signatures isotopiques................................... 59
4. Conclusion de la discussion ....................................................................................... 60
CONCLUSION .......................................................................................................................... 63
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................... 65
1
2
INTRODUCTION
Les isotopes stables, et notamment ceux du carbone et de l’azote, correspondent à un objet
d’étude en pleine expansion dans le domaine de l’écologie, qui se veut complémentaire des
méthodes conventionnelles. En effet, l’analyse des isotopes stables permet d’apprécier
l’écologie trophique des espèces étudiées (zones de nourrissage, niveau trophique et régime
alimentaire) à plus ou moins long terme.
Les isotopes stables ont été utilisés chez de nombreuses espèces d’organisation plus ou moins
complexe, de l’insecte au mammifère (Tieszen et al., 1983 ; Hobson et Wassenaar, 1999).
Dans cette dernière classe, la taille des animaux ainsi que le métabolisme différentiel entre les
tissus imposent une analyse des isotopes stables tissu par tissu, et non sur l’animal entier
comme cela était possible chez les invertébrés. Ainsi, chez les euthériens, l’analyse des
isotopes stables revêt deux composantes : une composante métabolique et une composante
écologique.
La préparation des échantillons en vue de l’analyse des isotopes stables est longue, divisée en
plusieurs étapes, et fait appel à une technicité lourde et onéreuse. C’est pourquoi la majorité
des chercheurs se sont limités à un nombre faible de tissus analysés par espèce étudiée
(généralement deux ou trois).
Nous nous proposons, dans cette étude, d’analyser les isotopes stables du carbone et de
l’azote dans sept tissus chez quatre espèces de petits cétacés échoués le long des côtes du
Golfe de Gascogne ces six dernières années. Ce sujet, proposé par le Centre de Recherche sur
les Ecosystèmes Littoraux Anthropisés, a été traité sur une période de six mois, dans le cadre
de mon stage de master recherche « Exploitation Durable des Ecosystèmes Littoraux » au
Centre de Recherche sur les Mammifères Marins de La Rochelle.
Après avoir rappelé les connaissances déjà acquises sur les isotopes stables, nous dresserons
une cartographie des tissus en comparant la position relative des tissus les uns par rapport aux
autres en terme de δ13C et de δ15N dans une espèce donnée afin d’évaluer les métabolisme
différentiel intertissulaire. Après s’être affranchi de cette composante métabolique, nous
interpréterons les valeurs isotopiques du point de vue de l’écologie trophique des espèces
étudiées.
3
4
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES ISOTOPES STABLES
DU CARBONE ET DE L’AZOTE
L’utilisation des isotopes stables naturels a considérablement augmenté ces dernières
années dans le domaine de l’écologie (Hobson & Wassenaar, 1999). Ceci a été rendu possible
par les développements techniques qui ont rendu cette méthode accessible à un grand nombre
de chercheurs. Par exemple, dans le cas de l’étude des régimes alimentaires, les méthodes
conventionnelles impliquent l’étude des contenus stomacaux, des fèces ou des pelotes de
régurgitation, voire les observations du comportement de prédation in situ. Cependant ces
techniques montrent uniquement la nourriture ingérée à un instant t et qui peut donc s’avérer
peu représentative du régime alimentaire de l’animal sur le long terme. C’est pourquoi,
l’analyse des isotopes stables se révèle complémentaire en fournissant des informations sur la
nourriture assimilée à plus long terme.
De la même façon, il n’est pas toujours facile d’étudier par les techniques classiques
(pose de balises, marquage-recaptures…) les déplacements ou mouvements migratoires des
organismes. Là encore l’analyse d’isotopes stables naturels comme le deutérium peut fournir
des indications précieuses sur les différents habitats et/ou zones géographiques fréquentés par
des organismes quand on sait que les précipitations fournissent une signature locale. Ainsi
Wassenaar et Hobson (1998) ont pu retracer les routes migratoires du papillon monarque
(Danaus plexippus) entre ses sites de reproduction et ses zones d’hivernage au Mexique.
De nombreux isotopes stables sont aujourd’hui utilisés (Hobson, 1999) : oxygène,
carbone, azote, strontium, plomb, soufre, deutérium. L’utilisation conjointe de ces isotopes
stables permet d’étudier l’écologie alimentaire et/ou les habitats d’origine, et donc finalement,
les mouvements possibles des organismes.
Cette approche est basée sur le fait que la composition isotopique d’un consommateur
est similaire ou augmentée d’un rapport constant, par rapport à sa source alimentaire (De Niro
et Epstein, 1978, 1981) et reflète donc la signature isotopique du réseau trophique auquel il
appartient. Cette constante d’enrichissement, aussi appelée « fractionnement » varie selon
l’isotope étudié (Tieszen et al., 1983) et dépend du producteur primaire, du consommateur, de
son régime alimentaire (De Niro et Epstein, 1978, 1981) et du tissu analysé (Tieszen et al.,
1983). Le fractionnement serait dû à l’effet combiné de l’assimilation sélective des
composants alimentaires et de la discrimination isotopique dépendante des tissus (Tieszen et
al., 1983). Cette dernière résulterait de la composition biochimique différentielle des tissus, et
5
de ce que l’on appelle communément le «routing isotopique». Néanmoins, cette
discrimination n’est pas parfaite, et la signature peut varier spatialement et temporellement du
fait d’un ensemble de processus biogéochimiques impliqués dans la labilité du rapport
isotopique chez les organismes.
Les rapports d’abondance absolue s’expriment par le rapport entre l’isotope le plus
lourd et l’isotope le plus léger, par exemple
13
C/12C. Les abondances relatives des isotopes
stables, notées δ, sont exprimées en ‰ selon la formule :
δ X = [(Rech./Rstandard)-1]*1000
avec X correspondant à l’isotope lourd d’un élément (en l’occurrence
13
C ou
représentant le rapport entre l’isotope lourd et l’isotope léger (13C/12C ou
15
15
N) et R
N/14N). Le R
standard est basé sur le rapport isotopique de la bélemnite PDB pour 13C et sur le rapport de
l’azote atmosphérique pour 15N. Par convention, la valeur δ des standards universels est égale
à 0‰.
Cette approche est plus facilement utilisable quand l’animal in toto peut être analysé.
Cela se complique quand il s’agit d’animaux de grande taille pour lesquels seuls certains
tissus peuvent être analysés. En effet, chez les endothermes, contrairement aux ectothermes
(Hesslein et al., 1993), il existe des différences significatives de signatures isotopiques en
fonction des tissus (Tieszen et al., 1983) principalement dues au fractionnement et aux taux de
turnover spécifiques de chaque tissu. Cette propriété apporte une difficulté supplémentaire à
l’interprétation.
Une première partie sera consacrée au rôle des isotopes stables du carbone et de
l’azote en tant qu’outil discriminant des différents lieux de nourrissage, et donc des habitats et
de la position trophique des organismes. Cependant, ce pouvoir discriminant n’est pas parfait
et admet des facteurs de variabilité pouvant impliquer, en particulier chez les grands animaux,
des difficultés d’interprétation des isotopes stables. Ceci fera l’objet d’une seconde partie.
6
I. ISOTOPES STABLES DU CARBONE ET DE L’AZOTE : MARQUEURS ECOLOGIQUES
DISCRIMINANTS
1.
Isotopes stables du carbone
Deux isotopes stables du carbone sont majoritairement représentés dans la nature :
l’isotope léger (98.89%) et
13
12
C
C, l’isotope lourd qui est aussi le plus rare (1.11%). Il n’existe
qu’un faible enrichissement entre une proie, d’un niveau trophique donné, et son
consommateur (généralement inférieur à 1‰ - De Niro et Epstein, 1978), et les hétérotrophes
conservent donc une composition isotopique très proche de celle de leur nourriture.
Selon le modèle de photosynthèse des plantes à la base de la chaîne trophique (enzymes
impliquées, cinétique de synthèse, lieu de fixation du C, lieu d’échange avec l’atmosphère), le
δ13C des plantes peut différer (Peterson et Fry, 1987):
• Les plantes en C4, pour la plupart côtières ou benthiques, fixent d’avantage le 13C, et
présentent donc des δ13C importants, variant de -14 à -10‰.
• Les plantes en C3, plus pélagiques (phytoplancton) sont au contraire appauvries en 13C
et présentent des valeurs de δ13C qui varient de -35 à –21‰.
Les producteurs primaires possédant ainsi des valeurs de δ13C variables selon leur origine,
δ13C constitue donc un indicateur efficace de la source de production primaire des
consommateurs, et donc, dans certains cas, de leur habitat dans l’hypothèse de l’absence de
migrations (Fry, 1988 ; Hobson et Welsh, 1992). Plus précisément, un organisme, côtier ou
benthique sera plus enrichi en 13C qu’ un organisme pélagique (Mac Connaughey et Mac Roy,
1979 ; Rau et al., 1983 ; France 1995b). De même, les écosystèmes marins sont plus enrichis
en
13
C que les écosystèmes d’eau douce, pour les mêmes raisons (Mizutani et al., 1990 ;
France, 1995a).
Les paramètres physico-chimiques de l’environnement (bathymétrie locale, latitude,
concentration en nutriments, température ambiante, intensité du vent, courant, salinité…) sont
fluctuants en fonction des zones géographiques et/ou selon la période de l’année dans un site
donné et affectent directement les signatures isotopiques des producteurs primaires (Fontaine
et al., 2007).
Certains paramètres physico-chimiques affectent plus ou moins spécifiquement le δ13C des
producteurs primaires. C’est par exemple le cas de la température. En effet, à faible
température, la solubilité du CO2 atmosphérique dans l’eau augmente, et, ce dernier étant
7
déprimé en
13
C, le δ13C des producteurs primaires diminue. C’est pourquoi le δ13C diminue
quand la latitude augmente (Goericke et Fry, 1994 ; Fontaine et al., 2007). Inversement δ13C
augmenterait aux températures élevées (Hobson et Welsh, 1992 ; France, 1995b).
En milieu marin, δ13C augmente également avec la salinité et les faibles profondeurs (Goericke
et Fry, 1994). En milieu terrestre, l’aridité influence positivement le δ13C des producteurs
primaires (Lajtha et Marshall, 1994). Par contre, quel que soit le milieu, l’apport de CO2
anthropogénique induit un appauvrissement en δ13C (Kroopnick, 1985).
Ces facteurs abiotiques, de par leur action sur le taux de croissance du phytoplancton,
influencent indirectement le δ13C de ce dernier. En effet, une productivité primaire importante
est favorable à un fractionnement diminué du carbone utilisé et donc à un enrichissement en
13
C du producteur primaire (Hirons et al., 2001). C’est ainsi que δ13C augmente lors des
blooms phytoplanctoniques.
2.
Isotopes stables de l’azote
Deux isotopes stables de l’azote sont prédominants:
14
N, le plus léger et le plus répandu
(99.63%), et 15N le plus lourd, présent en quantité moindre (0.37%).
Un consommateur expire et excrète préférentiellement l’isotope léger 14N, sous forme d’urée,
de NH3 chez les mammifères ou d’acide urique chez les oiseaux par réaction de désamination
et/ou transamination (Minagawa et Wada, 1984 ; Michener et Schell, 1994). C’est ainsi qu’il
se trouve enrichi en 15N par rapport à sa proie (De Niro et Epstein, 1981). L’enrichissement
moyen d’un niveau trophique à un autre est de 3,4‰ chez les consommateurs marins
(Minagawa et Wada, 1984 ; Fry, 1988). On parle de fractionnement métabolique au sein du
réseau trophique (De Niro et Epstein, 1981 ; Tieszen et al., 1983). La teneur en
15
N des
consommateurs et donc le δ15N est un bon indicateur du niveau trophique d’un organisme
dans un écosystème (Peterson et Fry, 1987).
De même que pour le carbone, plusieurs facteurs abiotiques peuvent expliquer la
variabilité du δ15N. Tout d’abord, l’exploitation des différentes sources d’azote disponibles
(azote inorganique et azote dissous) est fluctuante selon les producteurs primaires et selon les
saisons (Cabana et Rasmussen, 1996). C’est ainsi que le δ15N des producteurs primaires peut
varier de 6 à 10 ‰ au cours de l’année (Mariotti et al., 1984). En milieu marin, la valeur du
δ15N augmente avec la salinité, les faibles profondeurs et la température (Jennings et Warr,
2003). Ceci expliquerait la corrélation négative entre δ15N et latitude (Fontaine et al., 2007).
L’apport d’azote sous forme de fertilisants naturels (fèces,…) ou artificiels contribue à
8
l’enrichissement en δ15N des milieux terrestres et côtiers et donc des producteurs primaires
(Cabana et Rasmussen, 1996).
Finalement, les signatures isotopiques en δ13C et δ15N des producteurs primaires
varient au cours de l’année, grâce à l’exploitation fluctuante des différentes sources
trophiques dans des sites distincts selon les saisons. C’est ainsi que les δ13C et δ15N du
phytoplancton suivent la tendance des δ13C et δ15N de leurs sources.
II. VARIABILITE DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PREDATEURS
SUPERIEURS DANS L’ECOSYSTEME MARIN : DIFFICULTES D’INTERPRETATION
ET OUTIL DE DETERMINATION ECOLOGIQUE
La variabilité des signatures isotopiques chez les organismes situés à la base du réseau
trophique se répercute au niveau des prédateurs supérieurs via les proies. En effet, les
paramètres physicochimiques énoncés précédemment entraînent une fluctuation de
l’abondance des producteurs primaires, ainsi qu’une variation de leur composition spécifique,
et de leur taux de croissance. De là découle une variabilité de la présence, de l’abondance et
de la diversité des herbivores et enfin des consommateurs (Hirons et al., 2001). Cependant,
cette variabilité n’est pas nécessairement conservée car les prédateurs peuvent eux-mêmes
changer d’habitat et/ou de comportement alimentaire (Walker et Macko, 1999), afin de
s’adapter aux conditions océanologiques locales. De plus, leur métabolisme peut aussi
influencer la valeur des rapports isotopiques. Tout cela rend leur interprétation très délicate.
Les prédateurs supérieurs tels que les mammifères marins sont des organismes de grande
taille pour lesquels la technique des isotopes stables impose une analyse tissu par tissu.
Cependant, il existe des différences intertissulaires qui constituent une difficulté
supplémentaire à l’interprétation des résultats.
Taux de turnover, composition biochimique distincte et métabolisme spécifique au tissu
expliquent ces variations intertissulaires.
Deux tissus différents ont des taux métaboliques (turnover moléculaire) et donc des
taux de turnover en carbone et en azote différents (Tieszen et al., 1983). Ils intègrent donc
l’information trophique à des échelles de temps différentes (Tieszen et al., 1983 ; Schell et al.,
1989) ce qui peut aussi correspondre à des variations à différentes échelles spatiales si
l’animal est mobile (Bearhop et al., 2002).
On distingue ainsi :
9
¾ Les tissus kératinisés (cheveux, poil, crin, plume, ongle et fanons), en perpétuelle
croissance en phase anagène, qui deviennent métaboliquement inertes après leur synthèse
(Schell et al., 1989). Ils permettent un enregistrement trophique qui reflète les
circonstances dans lesquelles le tissu a été synthétisé (Schell et al., 1989 ; Mizutani et al.,
1990). La croissance des phanères d’un même animal n’étant pas synchrone,
l’échantillonnage de plusieurs d’entre eux, non invasif, permet d’avoir accès à une échelle
de temps plus importante (Bearhop et al., 2002).
¾ Les dents ne subissent pas de turnover. Elles résultent de dépôts concentriques annuels
de couches de dentine qui viennent combler la cavité pulpaire. C’est ainsi que ces tissus
peuvent être étudiés dans leur intégralité et reflètent alors le régime alimentaire de
l’individu intégré sur sa vie entière. L’existence des différentes couches permet aussi
d’avoir accès à des phases différentes de la vie de l’animal (Walker et Macko, 1999).
¾ Les os sont synthétisés durant la vie embryonnaire, puis subissent un processus lent et
continu de turnover et de remodelage pendant toute la vie de l’individu (Schoeninger et
De Niro, 1984). Ils intègrent donc une information à des échelles de temps très
importantes.
¾ Les tissus mous sont métaboliquement actifs et correspondent à une intégration
temporelle du régime alimentaire, variant de quelques jours pour le foie (Hesslein et al.,
1993) à quelques mois pour le muscle (Tieszen et al., 1983 ; Hobson et Clark., 1992a).
Tieszen et al. (1983) ont montré que le turnover du carbone, et donc le temps de demivie (T1/2C) dans un tissu donné, est corrélé positivement au taux métabolique de ce tissu. Il en
est de même pour T1/2N (Bearhop et al., 2002). Hobson et Clark (1992a) ont exprimé δ13C de
l’humérus de la caille japonaise comme étant une fonction exponentielle du temps.
Finalement, ils aboutissent à l’expression du temps de demi-vie du carbone en fonction du
taux de turn over :
T1/2C = ln(0.5)/c
c étant le taux de turnover fractionnel dans un tissu donné, à savoir l’ estimation de la période
mise par le C pour être incorporé dans ce tissu, et donc plus généralement de la période
nécessaire au tissu pour intégrer l’information alimentaire. Il faut généralement entre 2 T1/2C
et 3 T1/2C pour que l’information isotopique de l’élément en question soit complètement
intégrée dans un tissu (Hobson, 1993).
Ainsi, pour peu que les animaux adoptent des régimes alimentaires isotopiquement distincts
au cours de leur vie, les organes refléteront cette variation après des pas de temps qui
différeront entre eux. Les taux de turnover à partir des tissus de mammifères marins n’ont pas
10
été estimés. Cependant, les taux de turnover d’autres mammifères peuvent être utilisés pour
avoir un ordre d’idée de la tendance générale que suivent les différents tissus en termes de
temps de renouvellement (Tieszen et al., 1983). Les temps de demi vie des différents tissus
sont résumés dans le tableau 1 :
Tableau 1 : Temps de demi-vie des différents tissus
Tissu
lent
Turnover
rapide
T1/2C
Collagène os
173,3 jours (Hobson et Clark, 1992)
Poil
47,5 jours (Tieszen et al., 1983)
Cerveau
28,2 jours (Tieszen et al., 1983)
Muscle
27,6 jours (Tieszen et al., 1983)
Lard
15,6 jours (Tieszen et al., 1983)
Foie
6,4 jours (Tieszen et al., 1983)
Espèce étudiée
Caille japonaise
Gerbille
La composition biochimique des tissus est une autre cause de variation des signatures
isotopiques. En effet, chaque tissu est composé d’un mélange complexe et spécifique de
molécules, qui ont chacune leur propre signature isotopique, et finalement, qui confèrent à
l’organe sa valeur isotopique globale. De plus, la composition biochimique différentielle des
organes induit une différence de discrimination isotopique et donc de fractionnement
isotopique intertissulaire (Gaston et Suthers, 2004).
Ainsi, les variations de δ13C intertissulaires sont imputables au contenu lipidique de chacun de
ces organes (Tieszen et al., 1983). En effet, les lipides sont connus pour être déprimés en δ13C
par rapport aux autres constituants biochimiques (Parker, 1964 ; De Niro et Epstein, 1978 ;
Tieszen et al., 1983) et ainsi semblent déterminants dans la signature en δ13C de l’organe en
question. C’est ainsi que les racines des poils de mammifères, riches en sécrétions sébacées,
donc en lipides, sont plus appauvris en δ13C que le poil seul constitué majoritairement de
kératine (West et al., 2004). La différence entre signature isotopique δ13C des lipides et des
protéines serait due à un fractionnement isotopique plus important pendant le cycle
métabolique des acides aminés (Hare et al., 1991) par rapport à la biosynthèse lipidique.
Cependant, dans les tissus faiblement pourvus en lipides et à contenu majoritairement
protéique (os/collagène ; poil/kératine), le δ13C s’explique davantage par la structure primaire
de ces protéines, à savoir la nature, le nombre et enfin l’enchaînement des acides aminés au
sein de la molécule (O’Connell et al., 2001). En effet, les signatures isotopiques des acides
11
aminés diffèrent entre eux, reflétant divers processus métaboliques, synthétiques et
cataboliques (Gaebler et al., 1966 ; Hare et al., 1991).
Au contraire, la signature isotopique δ15N des différents organes n’est peu ou pas influencée
par le contenu lipidique, mais seulement par la composition protéique spécifique des tissus
(Gaebler et al., 1966). Ainsi pour la plupart des tissus, seule la structure primaire des
protéines les constituant détermine leur signature isotopique. La plupart des acides aminés
non essentiels ont un δ15N similaire (Hare et al., 1991). Néanmoins, la thréonine est fortement
appauvrie en δ15N par rapport aux autres acides aminés (Gaebler et al., 1966) et confère aux
tissus la contenant en grande quantité (kératine par exemple) leur valeur basse en δ15N
(O’Connell et al., 2001).
Enfin, un organe ou un tissu donné n’admet pas une signature isotopique constante au cours
du temps. En effet, les composés chimiques des différents tissus possèdent une dynamique
métabolique propre, d’où des modèles distincts de variations temporelles des tissus. Les
informations précédentes sont basées sur le fait que les tissus métaboliquement actifs sont
synthétisés uniquement grâce à l’apport exogène des nutriments. Néanmoins, les métabolites
permettant la synthèse et/ou le turnover des tissus peuvent provenir de la nourriture (exogène)
et/ou des réserves corporelles (endogène). Ces deux types de molécules se distinguent
isotopiquement. La part des métabolites issus de l’alimentation, et donc la part des
métabolites provenant de la remobilisation des réserves, sont variables et dépendent de
plusieurs facteurs saisonniers tels que la disponibilité de nourriture dans le milieu ou l’état
physiologique de l’animal. Cette contribution relative des métabolites exogène et endogène
diffère selon les organes (Hobson et Clark, 1992a) et confère aux tissus une variabilité
saisonnière de leur signature isotopique. Enfin, les échanges entre organes selon les saisons et
les différentes phases de la vie peuvent expliquer la variabilité temporelle intratissulaire.
Une fois ces sources de variabilité connues, les isotopes stables peuvent permettre de
discriminer des segments de population et de détecter des différences de régime alimentaire
ou d’habitat en fonction du statut des individus constituant cette population.
L’espèce est un facteur de variabilité des signatures isotopiques (Das et al., 2003a). Au
sein de chacune des espèces, il existe une variabilité intraspécifique due à des facteurs
intrinsèques (age, sexe, statut physiologique…) indirects. Par exemple, le sexe est responsable
de différences de signatures isotopiques. Ainsi, Hooker et al. (2001) trouvent que les mâles
ont des valeurs isotopiques légèrement supérieures à celles des femelles chez Hyperoodon
ampullatus. De même, chez les marsouins communs Phocoena phocoena de la mer du Nord,
les femelles se nourrissent plus près des côtes et à un niveau trophique supérieur à celui des
12
mâles (Das et al., 2003b,2004). Par ailleurs, l’âge s’avère être un facteur de variabilité
isotopique. En effet, Niños-Torres (2006) chez le dauphin commun Delphinus delphis, a
démontré l’existence d’une différence significative des signatures isotopiques entre des
groupes de classes d’age distinctes, imputable à des changements de la nature de l’aliment
(lait maternel par exemple chez les nouveaux nés et proies chez les individus sevrés), des
zones de chasse et de la taille des éventuelles proies (les juvéniles se nourrissent davantage de
proies côtières ou estuariennes, de petite taille et de faible niveau trophique comparés aux
adultes).
On interprète ces différences de signatures isotopiques entre genres et/ou entre classes
d’âge (Lesage et al., 2001) par la possible ségrégation trophique en groupes homogènes de
même âge et de même sexe, ayant le même régime alimentaire (Watson, 1981) et se
nourrissant dans des zones données, au même niveau trophique. C’est ainsi que Delphinus
delphis capensis se nourrit plus ou moins au large selon la phase de vie (Niños-Torres, 2006)
et occupe un niveau trophique d’autant plus élevé qu’il avance en âge. Watson (1981) a même
souligné une compétition entre groupes de D. delphis capensis subadultes et adultes, ces
derniers écartant les jeunes de leur territoire de chasse. Les signatures isotopiques varient
aussi en fonction du stade physiologique. Ainsi, pendant la gestation, au moment de la mise
bas et pendant la lactation, les femelles possèdent une signature isotopique δ15N supérieure à
celle des autres femelles et des mâles (Smith et Gaskin, 1983 chez P. phocoena). Ces phases
sont gourmandes en énergie et, si la balance énergétique devient négative, les protéines sont
mobilisées à partir du corps pour le maintien des muscles squelettiques et du fœtus, voire des
organes vitaux. Il y aura donc un enrichissement en δ15N dans les organes cibles de la femelle.
Ce même processus existe chez les individus subissant un jeûne prolongé (stress nutritionnel),
face à l’absence de source de nourriture exogène récemment assimilée (Hobson et Clark,
1992b).
De plus, on observe des migrations saisonnières ou des déplacements vers des zones où d’une
part la signature isotopique des producteurs primaires sera différente et où d’autre part les
prédateurs vont soit se nourrir des mêmes espèces, soit se nourrir d’espèces différentes et
changer de statut trophique, selon l’abondance et les disponibilités de ces dernières. Cela peut
conduire à des influences contraires sur les rapports isotopiques des prédateurs. Ainsi des
populations de la même espèce, avec un régime alimentaire similaire, mais vivant dans des
zones géographiques distinctes, peuvent avoir des signatures isotopiques différentes.
Inversement, deux populations se nourrissant de proies différentes peuvent cependant montrer
des signatures isotopiques proches (Walker et Macko, 1999). Toute la difficulté réside dans
13
l’affranchissement des facteurs de variabilité abiotiques et tissulaires, pour interpréter
l’analyse des isotopes stables selon les facteurs intrinsèques propres aux individus.
Finalement, l'analyse des isotopes stables est une technique intéressante et qui a
largement fait ses preuves en écologie. Il est ainsi possible en utilisant plusieurs tissus aux
turnovers distincts d’évaluer l’historique trophique et écologique d’un animal. Cependant,
l’interprétation des données reste très délicate et nécessite de bien connaître certains aspects
biochimiques et/ou physiologiques avant de pouvoir émettre des conclusions sur les sources
de matière organique, les régimes alimentaires et/ou les habitats. Dans le cas des
consommateurs, l’utilisation des isotopes stables ne peut permettre de s’affranchir de
l’utilisation d’autres traceurs et/ou des techniques traditionnelles d’études de régime
alimentaire ou d’habitats, complémentaires.
14
DEUXIEME PARTIE : ETUDE PERSONNELLE
VARIATIONS DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PETITS CETACES :
CARTOGRAPHIE ISOTOPIQUE DES INDIVIDUS ET STRUCTURE
DES COMMUNAUTES DE PETITS CETACES
I. PROBLEMATIQUE DE L’ETUDE
1.
Préalable à l’étude
Un écosystème, et en particulier le milieu marin, est caractérisé par un réseau
trophique complexe reliant les producteurs primaires aux prédateurs marins supérieurs. La
connaissance de l’écologie des mammifères marins passe par la compréhension de leur rôle
dans ces écosystèmes. A ce titre, l’étude de l’écologie alimentaire est primordiale puisqu’elle
permet d’évaluer la réponse des prédateurs aux variabilités spatio-temporelles de la
disponibilité des ressources.
Différentes méthodes conventionnelles existent pour analyser le régime alimentaire d’un
prédateur marin : analyse des contenus stomacaux sur des individus échoués, observations du
comportement de prédation in situ… Cependant ces techniques montrent uniquement la
nourriture ingérée à un instant t qui peut s’avérer peu représentative du régime alimentaire sur
le long terme de l’animal. D’autres possibilités d’étude des régimes alimentaires existent et
passent par l’utilisation de traceurs écologiques. Ces traceurs sont de différentes natures :
acides gras, métaux, isotopes stables du carbone et de l’azote. Ils vont fournir chacun un type
de signature de la nourriture assimilée et peuvent apporter des informations sur les
préférences alimentaires et/ou les habitats d’une population à plus ou moins long terme selon
le tissu ou l’organe dans lequel ces traceurs sont analysés. Une approche actuellement très
utilisée en écologie est l’analyse des isotopes stables, naturels, dans les tissus de ces
prédateurs. Cette méthode, permet d’acquérir des informations sur la composition isotopique
de la partie assimilée de la nourriture, qui est ainsi distribuée au sein des différents organes de
l’animal. Les zones de nourrissage (via le δ13C) et le niveau trophique (via le δ15N) peuvent
être ainsi évalués. Pinnegar et al. (2002) ont ainsi quantifié le niveau trophique d’une espèce
donnée par la formule :
TLNi(Trophic Level espece i)=[( δ15Ni- δ15Nref)/3.4]+2
15
Avec TL = 1 (1er niveau trophique) pour les détritus et les producteur primaires
(phytoplancton, microphytobenthos…) et TL = 2 pour les détritivores et les herbivores. On
notera que d’après ces conventions, les mammifères marins en tant que prédateurs supérieurs
présentant un régime alimentaire relativement varié, présentent un TL relatif entre 3 et 5
(Pauly et al., 1998).
2.
Contexte de l’étude
Le Golfe de Gascogne et le nord de l’océan Atlantique adjacent supportent une
diversité de cétacés importante, au sein de laquelle les delphinidés sont de loin les plus
abondants (Goujon 1996 ; Hammond et al., 2002). Au sein du Golfe de Gascogne, deux
compartiments assez contrastés existent : un domaine océanique et un domaine néritique
séparés par le plateau continental présent à plus de 200 Km au large du nord du Golfe, et à
moins de 10 Km au large du sud du Golfe (figure 2).
16
Figure 2 : Cartographie et bathymétrie du Golfe de Gascogne
Sources Météo France et SHOM
Le grand dauphin (Tursiops truncatus - Montagu 1821, Annexe 1a) occupe un habitat
majoritairement océanique au sein du Golfe de Gascogne, mais peut être observé en zone
néritique ou côtière (Spitz et al., 2006b). Son comportement alimentaire est très flexible et il
peut se nourrir de grands poissons démersaux comme de céphalopodes (Spitz et al, 2006b). Le
dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba – Meyen, 1833, Annexe 1b) est un petit
delphinidé océanique, occupant occasionnellement les habitats néritiques et erratiquement la
zone côtière dans le Golfe de Gascogne (Spitz et al., 2006a). Il présente un régime alimentaire
assez diversifié puisqu’il peut chasser des poissons océaniques mésopélagiques, néritiques et
épibenthiques ou plus rarement côtiers (Spitz et al 2006a). Le dauphin commun (Delphinus
delphis – Linnaeus, 1758, Annexe 1c) est observé à la fois au niveau du plateau continental,
17
du talus et des eaux océaniques (Goujon, 1996 ; Brereton et al., 1999). Les régimes
alimentaires sont contrastés entre les individus des domaines océanique et néritique. Les
myctophidés dominent largement et les céphalopodes contribuent au régime alimentaire des
premiers alors que les petits pélagiques comme les clupéidés, sont les proies principales dans
le cas des individus fréquentant le domaine néritique (Meynier, 2004 ; Pusineri et al., 2007).
Enfin, le marsouin (Phocoena phocoena – Linnaeus, 1758, Annexe 1d) est un petit cétacé de
la famille des phocoenidés vivant la majeure partie du temps près des côtes mais pouvant
aussi être vu au large. Son régime alimentaire est composé de petites proies démersales mais
aussi de poissons et de crevettes pélagiques (Spitz et al., 2006b).
3.
Objectifs de l’étude
Nous proposons de comparer ces espèces entre elles afin de vérifier ces différences
d’habitat et de comportement alimentaire au travers des valeurs des signatures isotopiques du
δ13 C et du δ15N. L’analyse des isotopes stables chez les grands animaux, et en particulier chez
les mammifères, ne peut être réalisée sur l’animal in toto et requiert donc l’analyse séparée de
différents tissus. Les études comparant les signatures isotopiques de différents organes ou
tissus de mammifères sont rares, et concernent principalement les petits mammifères de
laboratoire (voir par exemple Tieszen et al., 1983). En particulier, il n’existe que très peu de
publications traitant de l’analyse isotopique sur plus de deux organes chez les delphinidés
(Abend et Smith, 1995). Les isotopes stables du carbone et de l’azote ont donc été analysés
dans sept tissus (muscle, foie, rein, lard interne, lard externe, peau et dent) des quatre espèces
de petits delphinidés citées précédemment (Delphinus delphis, Phocoena phocoena, Stenella
coeruleoalba, Tursiops truncatus) échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne entre 2001 et
2006. Les signatures isotopiques de ces sept tissus qui présentent des taux de turnover, des
pourcentages en eau et en lipides différents seront comparées et interprétées en tenant compte
des aspects relevant de la physiologie et /ou du métabolisme avant de considérer la possibilité
de les utiliser afin de retracer l’histoire trophique des individus au sein d’une même espèce.
En effet, selon l’âge, le genre, le statut reproducteur, les individus d’une même espèce de
delphinidés peuvent se ségréger soit au travers du régime alimentaire, soit des habitats
fréquentés. Nous envisagerons ces variations à la lumière des signatures isotopiques des
différents organes. De plus, les signatures isotopiques des organismes situés à la base du
réseau trophique sont plus ou moins fluctuantes selon les conditions océanologiques, et donc
selon le climat et la période de l’année. Cette variabilité se répercute avec une intensité plus
18
ou moins grande tout au long du réseau trophique, et donc aussi au niveau des prédateurs
supérieurs tels que les delphinidés. Les individus de Pleubian (échouage en masse) se sont
échoués simultanément le 18 février 2002. La comparaison des signatures de ces individus
avec celles des autres individus Delphinus delphis échoués aléatoirement tout le long de
l’année 2002 et sur différentes années, nous permettra d’étudier la variabilité saisonnière.
Enfin, nous examinerons l’apport des signatures isotopiques du
13
C et de l’15N dans
l’étude globale de la communauté des petits delphinidés du Golfe de Gascogne.
19
20
II. MATERIELS ET METHODES
Les isotopes stables du carbone et de l’azote ont été analysés dans sept tissus (muscle,
foie, rein, lard interne, lard externe, peau et dent) de quatre espèces de petits delphinidés
(Delphinus delphis, Phocoena phocoena, Stenella coeruleoalba, Tursiops truncatus) échoués
sur les côtes du Golfe de Gascogne entre 2001 et 2006 : ces prélèvements sont effectués
régulièrement et systématiquement par les correspondants du Réseau National Echouage
suivant un protocole établi par le Centre de Recherche sur les Mammifères Marins (CRMM),
observatoire de l’Université de La Rochelle.
Une partie de chaque tissu mou (muscle dorsal, foie, rein), est prélevée sur l’animal
lors de l’autopsie et conditionnée soit dans un sac plastique hermétique à –20°C (en vue des
analyses de métaux) soit enveloppée dans une feuille d’aluminium sous sac plastique à –20°C
(analyses Polluants Organiques Persistants) (figure 3). Pour chaque prélèvement de tissu, les
faces directement en contact avec l’aluminium ou le plastique sont enlevées, et l’échantillon
est coupé grossièrement avec un scalpel lame N°24.
Figure 3 : Devenir des différents prélèvements effectués pendant l’autopsie
21
Les échantillons de foie, muscle et rein ainsi obtenus sont mis dans un mixer domestique et
broyés électriquement. Le tissu ainsi broyé est conditionné dans des boîtes de Pétri
préalablement pesées (microbalance Sartorius), et identifiées avec le numéro, l’espèce, le sexe
de l’individu ainsi que le tissu concerné. Les boîtes de Pétri sont placées au congélateur à –
20°C pendant 1 à 2 jours puis les échantillons sont lyophilisés pendant 72 à 96 heures.
Ensuite, les boites de Pétri sont pesées, et le tissu qu’elles contiennent est broyé
mécaniquement dans un mortier. La poudre grossière obtenue est conditionnée sous pilulier
identifié. Elle sera ensuite broyée finement dans un broyeur circulaire à billes : le broyage de
l’échantillon se fait à 500 tours par minutes pendant dix minutes grâce à dix billes d’agathe.
La fine poudre obtenue est reconditionnée sous pilulier (figure 4). Cent milligrammes (100
+/- 5 mg) sont prélevés après homogénéisation, et mis dans un tube Pyrex.
Les lipides étant appauvris en δ13C par rapport aux autres constituants biochimiques (De Niro
et Epstein, 1977, 1978 ; Tieszen et al., 1983), les échantillons doivent être délipidés pour
éviter tout biais. La délipidation s’effectue par ajout de 4 mL de cyclohexane dans les tubes
en pyrex qui contiennent les 100 mg de tissu. Les tubes sont secoués mécaniquement pendant
1 heure à 800 tours par minute, puis centrifugés pendant 5 minutes à 4000 tours par minutes.
Si le surnageant est jaunâtre, cela signifie que la délipidation peut être incomplète et le tissu
est soumis à une nouvelle délipidation. Quand le surnageant est limpide, le cyclohexane est
extrait et le tube est mis à sécher à l’étuve à 50 °C pendant 1 à 2 jours. Une fois sec, le
contenu du tube est homogénéisé à l’aide d’une spatule fine, et conditionnée dans un
Eppendorf identifié.
22
Figure 4 : Préparation des échantillons de tissus en vue de l’analyse isotopique
Le prélèvement de lard et de peau est réalisé sur l’animal en partie ventrale de la
nageoire dorsale ou sur un côté du tronçon caudal. Il est conditionné de la même façon que les
autres tissus et au moment de la préparation, la peau est délicatement séparée du lard à l’aide
d’un scalpel et d’une pince. Elle sera rincée à l’eau Milli Q, puis découpée finement avec des
ciseaux.
Le bloc de lard est incisé légèrement en dessous et au-dessus de la limite entre lard interne et
lard externe pour ne garder que les parties homogènes, et enlever la partie intermédiaire,
mixte (figure 5).
23
Figure 5 : Coupe transversale de la couche de lard sous cutanée d’un cétacé. Mise en
évidence d’une stratification anatomique
La peau, le lard interne et le lard externe sont ensuite mis dans des boîtes de Pétri identifiées
et préalablement pesées. Elles seront stockées au congélateur à –20°C, puis seront
lyophilisées pendant 96 heures. Une fois les échantillons lyophilisés, les boîtes de Pétri sont
pesées et leur contenu est mis sous tube Pyrex afin de subir une ou plusieurs délipidations
jusqu’à ce que le surnageant soit limpide, puis les échantillons sont mis à sécher à l’étuve
pendant 3 à 4 jours. Ils seront ensuite broyés dans un broyeur latéral grâce à deux billes en
inox (2 minutes pour le lard et 3 minutes pour la peau à une amplitude de 100%).
La poudre obtenue est délipidée à nouveau et séchée à l’étuve. Le résidu est alors broyé
finement au broyeur circulaire à billes (500 tours2/minutes pendant 5 minutes), puis 100 mg
+/- 5 mg de cette poudre sont isolés, re-délipidés et mis à sécher, avant d’être conditionnés
sous Eppendorf.
Les dents sont extraites de la mâchoire inférieure à l’aide d’un couteau puis conditionnées
sous alcool dans un pilulier. L’âge des individus est déterminé par odontochronologie à partir
de certaines dents ainsi conservées. Les dents servant à l’analyse des isotopes stables sont
nettoyées de leur chair et broyées au broyeur à billes latéral pendant trois minutes. La poudre
ainsi obtenue est décarbonatée par ajout d’1mL d’HCl à 2 mol. L-1 jusqu’à disparition totale
des bulles de CO2 après homogénéisation. La décarbonatation permet d’éliminer le carbone
inorganique (sous forme de carbonates) directement incorporé à partir des carbonates de l’eau
de mer et ne passant donc pas par la voie trophique qui nous intéresse. Les échantillons sont
séchés sous flux d’air filtré, puis homogénéisés à nouveau par ajout d’1 mL d’eau Milli Q. Ils
sont ensuite congelés à –80°C pendant 5 heures, et placés au lyophilisateur. Pour optimiser le
24
séchage, les échantillons peuvent aussi être mis sous penta-oxyde de phosphore P2O5 dans un
dessiccateur. Enfin, les dents lyophilisées sont homogénéisées à l’aide d’une spatule.
Une masse prédéfinie de chaque tissu (0.35 ± 0.05 mg pour les tissus mous et 1.45 ± 0.05
mg pour les dents) est placée dans une micro capsule d’étain soigneusement fermée avant de
passer dans l’analyseur.
Les analyses isotopiques sont réalisées à l’aide d’un analyseur élémentaire (EuroVector
EA 3024) couplé à un spectromètre de masse isotopique (Isoprime, Micromass). Dans
l’analyseur élémentaire, l’échantillon est introduit en tête de colonne de combustion, le
carbone et l’azote organiques présents dans les échantillons sont brûlés en présence
d’oxygène par « flash combustion » à 1800°C et ainsi convertis en CO2 et oxydes d’azote. La
combustion libère aussi d’autres gaz (halogénures, SO2, SO3) qui seront piégés sur de l’oxyde
de chrome et de l’oxyde de cobalt. Les gaz produits sont entraînés par un flux d’hélium (100
mL.min-1) vers la colonne de réduction où les oxydes d’azote sont réduits en N2 par passage
des gaz sur du cuivre à l’état réduit. L’eau est piégée en passant sur du perchlorate de
magnésium. Les gaz restants (CO2 purifié et N2) passent ensuite dans une colonne de
chromatographie gazeuse à 40 °C où ils seront séparés, puis introduits dans le spectromètre de
masse isotopique. L’analyse de ces gaz purs est comparée à des injections de gaz de référence,
eux mêmes calibrés par rapport aux standards internationaux : Pee Dee Belemnite (rostre de
bélemnite fossile Belemnita americana provenant des Etats Unis) pour le δ13C et diazote
atmosphérique pour le δ15N. Les valeurs isotopiques δ13C et δ15N des standards sont par
convention de 0‰.
Les valeurs relatives de δ13C et de δ15N, qui expriment la différence relative entre les
rapports isotopiques de l’échantillon et du standard sont déterminées à l’aide la formule cidessous :
δ (‰) = [(RE/RS) –1] × 103
Avec RE : rapport isotopique de l’échantillon et RS : rapport isotopique du standard.
La précision obtenue en suivant cette procédure est 0,15‰ pour le carbone et 0,2‰ pour
l’azote.
25
Les analyses statistiques sont réalisées sous le logiciel XLStatPro7.5. On utilisera des tests
non paramétriques vu le faible nombre d’individus échantillonnés. Il s’agit du test de Kruskal
Wallis pour les comparaisons de k échantillons indépendants (comparaison des espèces et des
tissus entre eux, …) et du test de Wilcoxon Mann Whitney pour les comparaisons de deux
échantillons indépendants (comparaison entre mâles et femelles, comparaison de deux espèces
entre elles…).
26
III. RESULTATS
Après avoir comparé les pourcentages en lipides des différents tissus, nous nous proposons de
dresser la cartographie isotopique des tissus au sein de chacune des espèces. Enfin nous
comparerons les valeurs isotopiques des différentes espèces pour un tissu donné afin
d’accéder à l’écologie trophique des espèces étudiées.
1.
Taux de lipides des tissus
a.
Ratio C/N
La majorité des valeurs du ratio C/N des tissus délipidés est située entre 3 et 4 montrant que
les tissus ont été correctement délipidés (De Niro, 1985 ; Matthews et Mazumder, 2005).
Seules deux valeurs C/N sont proches de la limite supérieure avec 4 pour le lard interne d’un
marsouin et 4,02 pour le lard externe d’un autre marsouin (valeurs non fournies) .
b.
Comparaison des pourcentages en lipides des différents tissus au
sein de chacune des espèces étudiées
Une grande variabilité est observée sans qu’il soit possible de dégager des tendances du fait
des trop nombreux facteurs possibles de variabilité (espèces, sexe, âge, statut reproducteur,
année, saison) et du trop faible nombre d’individus de chaque catégorie. Cependant, les
moyennes de pourcentages en lipides obtenues par espèce et par tissu sont représentées figure
6 afin de permettre une comparaison relative entre les espèces.
La figure 6a montre les pourcentages en lipides des différents tissus de marsouin Phocoena
phocoena. Le taux de lipides est de 12 ± 6% (15 à 20%) pour le muscle ; 19 ± 6% (14 à 28%)
pour le foie ; 28 ± 6% (17 à 35%) pour le rein ; 27 ± 8% (22 à 38%) pour la peau ; 55 ± 23%
(39 à 95%) pour le lard externe et 40 ± 19% (16 à 58%) pour le lard interne.
27
Figure 6a : Pourcentages en lipides des différents tissus de Phocoena phocoena
La différence entre les tissus est significative (p = 0,001). Le muscle est le tissu le plus
maigre, le lard externe est le tissu le plus gras. La différence de lipides entre les tissus
restants, à savoir le foie, le rein, la peau et le lard interne est globalement non significative (p
> 0,05).
La figure 6b montre les différents taux de lipides des tissus de Stenella coeruleoalba. Les
pourcentages de lipides sont de 13 ± 13% (4 à 28%) dans le muscle ; 18 ± 6% (8 à 26%) dans
le foie ; 28 ± 17% (6 à 53%) dans le rein ; 25 ± 7% (13 à 33%) pour la peau ; 44 ± 19% (22 à
72%) dans le lard externe et 30 ± 17% (18 à 60%) dans le lard interne.
Figure 6b : Pourcentages en lipides des différents tissus de Stenella coeruleoalba
28
La différence globale entre les tissus est significative (p = 0,028). Le muscle est le tissu le
plus maigre, et le lard externe le plus chargé en lipides.
La figure 6c montre le taux moyen de lipides des différents tissus de Tursiops truncatus.
Figure 6c : Pourcentages en lipides des différents tissus de Tursiops truncatus
Le foie est le tissu le plus maigre avec un taux de lipides de 21 ± 7% (11 à 28%). Le muscle
possède un pourcentage en lipides de 29 ± 7% (20 à 36%) assez proche de celui du rein qui
est de 33 ± 8% (27 à 45%). Le lard interne présente une teneur en lipides de 42 ± 31%. La
peau et le lard externe constituent les organes les plus gras avec une teneur en lipides de 61 ±
35% (16 à 96%) et de 65 ± 20% (37 à 83%) respectivement. Néanmoins les différences entre
les organes ne sont pas significatives (p = 0,073).
La figure 6d montre les taux de lipides des tissus de Delphinus delphis mâle. Le foie est le
tissu le plus maigre et présente une teneur en lipides de 20 ± 7% (8 à 27%). La peau possède
une teneur en lipide de 24 ± 22% (9 à 49%). Le lard externe est plus gras que cette dernière
puisque son pourcentage en lipides est de 30 ± 7% (23 à 35%). Le rein et le lard interne sont à
peu près aussi gras l’un que l’autre, avec un pourcentage en lipides de 35 ± 4% (31 à 40%) et
de 37 ± 7% (30 à 46%). Le muscle constitue le tissu le plus gras, possédant une teneur en
lipides de 47 ± 13% (30 à 60%). On notera que la différence globale entre les organes est
significative (p = 0,028).
29
Figure 6d : Pourcentages en lipides des différents tissus de Delphinus delphis mâle
La figure 6e présente les taux de lipides par tissu chez Delphinus delphis femelle. Le lard
interne est le tissu le moins riche en lipides, avec un pourcentage de 31 ± 11% (15 à 43%). La
peau et le lard externe ont des teneurs en lipides assez proches, égales à 34 ± 10% (23 à 46%)
et à 35 ± 16% (13 à 54%) respectivement. Le rein et le foie montrent un pourcentage en
lipides de 37 ± 4% (30 à 42%) et de 45 ± 4% (38 à 50%) respectivement. Enfin, le muscle est
le tissu le plus gras avec un pourcentage en lipides de 57 ± 10% (51 à 75%).
Figure 6e : Pourcentages en lipides des différents tissus de Delphinus delphis femelle
La différence entre les organes est significative (p = 0,009), et le muscle est significativement
plus gras que les autres tissus.
30
Les organes suivent un ordre assez différent d’une espèce à l’autre. En effet, chez les
marsouins et les dauphins bleus et blancs, le muscle est l’organe le plus maigre, suivi de près
par le foie, puis la peau et le rein. Enfin le lard (interne et externe) constitue le tissu le plus
gras. Chez le grand dauphin, l’ordre des organes n’est pas le même. Néanmoins, la différence
globale entre les tissus n’est pas significative.
Les taux de lipides se présentent de façon très différente chez les dauphins communs mâles ou
femelles. Chez D. delphis mâle, le foie est le tissu le plus maigre alors que le muscle est le
plus gras. Les autres tissus possèdent des teneurs en lipides intermédiaires entre ces deux
extrêmes. De même chez les femelles, le muscle est significativement plus gras que les autres
tissus mais c’est le lard interne qui est l’organe le moins chargé en graisse (annexes 8 et 9).
2.
« Cartographie » des rapports isotopiques dans les différents tissus
des quatre espèces de delphinidés
a.
Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents
tissus au sein d’une espèce donnée
L’annexe 2 résume les valeurs isotopiques moyennes, écarts-types et coefficients de variation
des différents tissus pour chacune des espèces. Seuls les individus pour lesquels tous les tissus
ont été analysés sont retenus ici.
La figure 7a représente graphiquement les valeurs isotopiques des différents tissus de
Phocoena phocoena.
Le δ13C moyen est de –16,68 ± 0,43‰ pour le muscle, -17,08 ± 0,44‰ pour le foie, -17,13 ±
0,31‰ pour le rein, -16,95 ± 0,45‰ pour la peau, -16,30 ± 0,83‰ pour le lard externe et –
16,65 ± 0,94‰ pour le lard interne. Ces valeurs ne sont pas significativement différentes (H =
5,79 ; p = 0,327).
Le δ15N moyen est de 13,66 ± 1,15‰ pour le muscle, 14,57 ± 0,81‰ pour le foie, 14,12 ±
0,74‰ pour le rein, 15,02 ± 0,95‰ pour la peau, 17,91 ± 1,33‰ pour le lard externe et 16,95
± 0,89‰ pour le lard interne. Les valeurs sont significativement différentes (H = 17,72 ; p =
0,003). Cette différence est due aux valeurs moyennes significativement plus élevée du lard
externe et du lard interne comparés aux autres tissus, comme le montrent les tests faits a
posteriori entre les paires.
31
Figure 7a : Valeurs isotopiques des différents organes chez Phocoena phocoena
La figure 7b présente les valeurs isotopiques des tissus de Stenella coeruleoalba.
Le δ13C moyen est de –17,48 ± 0,19‰ pour le muscle, -17,79 ± 0,31‰ pour le foie, -17,74 ±
0,33‰ pour le rein, -17,17 ± 0,45‰ pour la peau, -16,61 ± 0,69‰ pour le lard externe et –
16,66 ± 0,66‰ pour le lard interne. Les valeurs sont significativement différentes (H =
19,72 ; p = 0,001). En effet, le foie et le rein sont significativement différents de la peau et du
lard (U = 2 ; p = 0,010). De même, le muscle est significativement inférieur au lard interne (U
= 4 ; p = 0,025).
Le δ15N moyen est de 10,97 ± 0,36‰ pour le muscle, 12,31 ± 0,45‰ pour le foie, 12,34 ±
0,39‰ pour le rein, 12,62 ± 0,60‰ pour la peau, 14,13 ± 0,44‰ pour le lard externe et 13,70
± 0,33‰ pour le lard interne. Ces valeurs sont significativement différentes (H = 29,88 ; p
<0,0001). Le δ15N du muscle est significativement inférieur au δ15N des autres tissus (U =
0 ; p = 0,004) et le δ15N du lard est significativement supérieur au δ15N des autres tissus (U
= 0 ; p = 0,004).
32
Figure 7b : Valeurs isotopiques des différents tissus chez Stenella coeruleoalba
La figure 7c montre les valeurs isotopiques tissulaires chez Tursiops truncatus. Le δ13C
moyen est de –16,11 ± 1,60‰ pour le muscle, -16,45 ± 1,53‰ pour le foie, -16,28 ± 1,54‰
pour le rein, -15,59 ± 1,74‰ pour la peau, -14,07 ± 2,17‰ pour le lard externe et –14,38 ±
1,43‰ pour le lard interne. Il n’existe aucune différence significative entre les valeurs de δ13C
(H = 5,23 ; p = 0,385).
Le δ15N moyen est de 14,44 ± 1,41‰ pour le muscle, 15,97 ± 1,19‰ pour le foie, 15,99 ±
1,24‰ pour le rein, 15,78 ± 0,52‰ pour la peau, 18,31 ± 2,19‰ pour le lard externe et 17,92
± 2,00‰ pour le lard interne. Comme pour le δ13C, il n’existe aucune différence significative
entre les valeurs de δ15N (H = 9,98 ; p = 0,076).
33
Figure 7c : Valeurs isotopiques des différents organes chez Tursiops truncatus
La figure 7d présente les valeurs isotopiques des différents tissus de Delphinus delphis mâle.
Le δ13C moyen est de –16,92 ± 0,36‰ pour le muscle, -16,96 ± 0,29‰ pour le foie, -17,05 ±
0,36‰ pour le rein, -16,75 ± 0,67‰ pour la peau, -15,63 ± 0,93‰ pour le lard externe et 15,64 ± 0,57‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ13C sont significativement différentes (H
= 12,74 ; p = 0,026). Le lard est significativement différent de tous les autres tissus excepté la
peau.
Le δ15N moyen est de 12,70 ± 0,44‰ pour le muscle, 13,92 ± 0,15‰ pour le foie, 13,79 ±
0,21‰ pour le rein, 13,78 ± 0,76‰ pour la peau, 15,70 ± 0,73‰ pour le lard externe et 15,69
± 0,93‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ15N sont significativement différentes entre elles
(H = 18,63 ; p = 0,002). En effet, le muscle est significativement différent du foie, du rein et
du lard (U = 0 ; p = 0,021). De plus, le lard est significativement différent des autres tissus (U
= 0 ; p = 0,020).
34
Figure 7d : Valeurs isotopiques des différents tissus chez Delphinus delphis mâle
La figure 7e montre les valeurs isotopiques moyennes des tissus de Delphinus delphis
femelle. Le δ13C moyen est de –16,82 ± 0,17‰ pour le muscle, -16,73 ± 0,16‰ pour le foie, 16,66 ± 0,16‰ pour le rein, -16,45 ± 0,33‰ pour la peau, -15,88 ± 0,32‰ pour le lard
externe et –15,75 ± 0,33‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ13C des différents tissus sont
significativement différentes (H = 20,49 ; p = 0,001). En effet, le lard est significativement
différent des autres tissus.
Le δ15N moyen est de 12,49 ± 0,28‰ pour le muscle, 14,45 ± 0,22‰ pour le foie, 13,94 ±
0,34‰ pour le rein, 12,90 ± 0,31‰ pour la peau, 14,50 ± 0,26‰ pour le lard externe et 14,96
± 0,28‰ pour le lard interne. Les valeurs de δ15N des différents tissus sont significativement
différentes (H = 25,37 ; p = 0,0001). Le lard interne est significativement différent des autres
tissus. De la même façon, le rein se distingue significativement des autres tissus. Le foie a une
valeur de δ15N significativement différente de celles des autres tissus sauf du lard externe (U
= 11 ; p = 0,754), et le muscle a une valeur de δ15N significativement différente de celles des
autres tissus sauf de la peau (U = 4 ; p = 0,076).
35
Figure 7e : Valeurs isotopiques des différents tissus chez Delphinus delphis femelle
En ce qui concerne le δ13C, aucune différence significative entre les tissus n’est soulignée
chez deux espèces, P. phocoena et T. truncatus. Chez les autres espèces, ce ne sont pas
toujours les mêmes tissus qui sont significativement différents. Ainsi, du point de vue du
δ13C, les tissus ne suivent pas la même tendance chez toutes les espèces.
Lorsque l’on s’intéresse au δ15N, seul T. truncatus ne montre aucune différence significative
entre les tissus. Globalement, les valeurs δ15N du lard sont significativement supérieures à
celles des autres organes. Les valeurs δ15N du muscle sont significativement inférieures à
celles des autres tissus uniquement chez S. coeruleoalba et chez les D. delphis.
Cas particulier du lard externe et du lard interne
Le δ13C du lard interne peut être inférieur (P. phocoena, S. coeruleoalba, T. truncatus),
supérieur (D. delphis femelle) ou égal (D. delphis mâle) au δ13C du lard externe, sans que ces
différences ne soient significatives chez aucune des espèces.
Par contre, lorsque l’on considère le δ15N, les valeurs dans le lard interne et le lard externe,
sont significativement différentes chez S. coeruleoalba, et D. delphis femelles, ce qui n’est
pas le cas chez P. phocoena, T. truncatus, et D. delphis mâle. Cependant, alors que les valeurs
sont supérieures dans le lard interne pour D. delphis femelle, c’est le lard externe qui présente
les valeurs les plus élevées chez S. coeruleoalba.
36
b.
Influence des taux de lipides sur les différences de valeurs
isotopiques observées entre les tissus
Les valeurs isotopiques en carbone et en azote d’un tissu donné sont globalement
expliquées par un facteur métabolique (composition biochimique, taux de turnover,…) et un
facteur écologique (régime alimentaire, zone de nourrissage…). Afin d’étudier l’influence des
seuls facteurs biochimiques sur les signatures isotopiques, il faudrait étudier un
consommateur qui ne change jamais de comportement trophique au cours de sa vie. Dans le
cas de cette étude, et dans le but d’évaluer des différences qui ne seraient dues qu’au
métabolisme des tissus, l’écart des signatures entre deux tissus au turnover proche sera
comparé entre les espèces. Les facteurs écologiques seront ainsi quelque peu minimisés.
L’écart entre ratios isotopiques, noté ε, entre un tissu A et un tissu B est définie de la
façon suivante : ε
A/B
(C) = δ13C (tissu B) - δ13C (tissu A) pour le carbone et ε
A/B
(N) = δ15N
(tissu B) - δ15N (tissu A) pour l’azote. L’annexe 5 donne les valeurs moyennes par espèce en
comparant les tissus deux à deux. Les signes des valeurs présentées dans l’annexe 5
permettent de retrouver la position relative des tissus les uns par rapport aux autres dans une
espèce donnée.
ε muscle/rein (C) montre une différence significative entre les espèces (H = 10,15 ; p = 0,038)
et de la même façon, ε muscle/rein (N) diffère significativement entre les espèces (H = 9,83 ;
p = 0,043). Au contraire, ε muscle/foie, ε muscle/lard interne, ε peau/lard externe ainsi que ε
peau/lard interne ne différent pas significativement entre les espèces que ce soit pour le
carbone ou pour l’azote. Les autres écarts diffèrent significativement entre espèces pour ce
qui est de l’azote seul.
Ce sont les D. delphis femelles qui diffèrent significativement de P. phocoena (U = 0 ;
p = 0,014) et de S. coeruleoalba (U = 3 ; p = 0,028) pour ε muscle/rein (C) (figure 8). On
remarque que les écarts relatifs de ratios isotopiques entre les deux tissus concernés (muscle
et rein) tendent à diminuer quand la différence relative entre les pourcentages de lipides est
plus grande.
37
Figure 8 : Relation entre les écarts moyens des valeurs isotopiques de δ13c entre le muscle et
le rein (notées ε muscle/rein(c) dans le texte) et les différences de pourcentages en lipides
selon l’espèce et le sexe.
Pour l’azote, la majorité des ε entre deux tissus (ε muscle/peau (N), ε muscle/lard externe (N),
ε foie/rein (N), ε foie/peau (N), ε foie/lard externe (N), ε foie/lard interne (N), ε rein/peau (N),
ε rein/lard externe (N), ε lard externe/lard interne (N)) montrent au moins une différence
significative entre D. delphis femelle et les autres espèces.
c.
Variabilité intraspécifique des valeurs isotopiques observées pour
les différents organes
La variabilité intraspécifique du δ15N (coefficients de variation compris entre 1,10 %
dans le foie de D. delphis mâle et 11,95 % dans le lard externe de T. truncatus) est supérieure
à celle du δ13C (coefficients de variation compris entre 0,97 % dans le rein de D. delphis
femelle et 15,45% dans le lard externe de T. truncatus) chez P. phocoena, S. coeruleoalba, et
D. delphis femelle pour la majorité des tissus étudiés (annexe 2). En règle générale, que ce
soit du point de vue du carbone ou de l’azote, les tissus admettant la plus grande variabilité
sont la peau, le lard externe et le lard interne.
38
L’analyse des figures 7 nous permet de distinguer les individus qui présentent des
valeurs isotopiques atypiques par rapport à la moyenne de l’espèce (annexe 2 et 4). Ces
individus sont entourés d’un cercle rouge sur les figures 7. La plupart de ces
disparités individuelles au sein de chacune des espèces étudiées sont retrouvées annexes 6 et
7.
Chez Phocoena phocoena, l’individu 10608047 (« Pp2 ») possède des ratios isotopiques
du carbone et /ou de l’azote très différentes des autres individus, et ce pour tous les tissus
(individu entouré d’un cercle rouge sur la figure 7a).
Un autre individu, 10309095 (« Pp3 »), possède des ratios isotopiques de carbone et d’azote
bien supérieurs à la moyenne pour le muscle (-16,06‰ vs –16,68 ± 0,43‰ et 14,94‰ vs
13,66 ± 1,15‰ respectivement), la peau (-16,30‰ vs –16,95 ± 0,45‰ et 16,18‰ vs 15,02 ±
0,95‰ respectivement) et le lard externe (-15,18‰ vs –16,30 ± 0,83‰ et 19,52‰ vs 17,91 ±
1,33‰). De la même façon cet individu présente des valeurs isotopiques de carbone
supérieures à la moyenne dans le foie, le rein et le lard interne (-16,44‰, -16,69‰ et –
16,46‰ respectivement).
Chez Stenella coeruleoalba, l’individu 10410106 (« Sc3 ») admet des valeurs
isotopiques de carbone élevées par rapport à la moyenne de l’espèce pour le muscle (-17,15‰
vs -17,48 ± 0,19‰), la peau (-16,27‰ vs –17,17 ± 0,45‰), et le lard (lard externe : -15,89‰
vs –16,61 ± 0,69‰ / lard interne : -15,69‰ vs -16.66 ± 0,66‰), et possède un δ15N inférieur
pour le foie (11,71‰ vs 12,31 ± 0,41‰).
Chez Tursiops truncatus, la variabilité est grande entre les individus :
o L’individu 10211293 (« Tt1 ») qui a un δ13C ou l’ensemble δ13C et δ15N inférieur à la
moyenne dans le muscle, le rein, la peau et le lard,
o L’individu 10103024 (« Tt2 ») qui possède un δ13C supérieur à la moyenne de
l’espèce dans le muscle, le foie, le rein et la peau,
o L’individu 10204205 qui possède un δ15N supérieur à la moyenne dans le muscle,
dans le foie, dans le rein et dans le lard.
Chez Delphinus delphis mâle, deux individus présentent des valeurs isotopiques de
carbone ou d’azote atypique :
ƒ
L’individu 10304047 (« DdM1 ») présente un δ13C largement supérieur à la moyenne
dans le lard interne, le lard externe et la peau et possède un δ15N élevé dans le muscle,
le lard interne et le lard externe.
39
ƒ
L’individu 10202093 (« DdM3 ») présente un δ13C supérieur à la moyenne dans le
foie et le rein, et un δ15N relativement inférieur dans le muscle, la peau et le rein.
Ces deux individus, de par leurs valeurs isotopiques atypiques, confèrent aux tissus leurs
variabilités en terme de signatures isotopiques.
Chez Delphinus delphis femelle, seul l’individu, 10202167 (« DdF2 ») se détache de
la moyenne du groupe avec une valeur de δ13C basse dans le rein, importante dans la peau et
le lard interne ainsi qu’une valeur de δ15N forte dans le muscle et le foie et faible dans le rein
et le lard interne.
Globalement, ce sont les T. truncatus qui affichent la plus grande variabilité avec des
coefficients de variation compris entre 9,32% (foie) et 15,45% (lard externe) pour le carbone
et 3,28% (peau) et 11,95% (lard externe) pour l’azote. Au contraire des D. delphis femelles
qui affichent la plus faible variabilité avec des valeurs comprises entre 0,97% (rein) et 2,08 %
(lard interne) pour le carbone et 1,53% (foie) et 2, 43% (rein) pour l’azote.
3.
Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la
communauté des petits delphinidés
L’annexe 3 présente les moyennes, écarts-types et coefficients de variation des valeurs
isotopiques du carbone et de l’azote des divers tissus chez les quatre espèces étudiées. Ces
données sont basées sur l’ensemble des individus, et pas seulement sur les individus dont tous
les tissus ont été analysés. Les valeurs isotopiques des dents analysées sur peu d’individus,
ont été néanmoins incluses.
Les figures 9a à 9g montrent les valeurs isotopiques moyennes des différentes espèces pour
un tissu donné.
40
Figure 9a : Valeurs isotopiques moyennes du muscle selon l’espèce et le sexe
En ce qui concerne le δ13C, la moyenne du muscle est de –16,71 ± 0,39‰ pour P. phocoena,
de -17,48 ± 0,19‰ pour S. coeruleoalba, de –16,22 ± 1,15‰ chez T. truncatus, de –16,98 ±
0,35‰ chez D. delphis mâle et enfin –16,82 ± 0,17‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de
δ13C du muscle sont significativement différentes entre les espèces (H = 12,46 ; p = 0,014).
En effet, la valeur δ13C du muscle de S. coeruleoalba est significativement différente de celle
de P. phocoena (U = 48, p = 0,002), de D. delphis mâle (U = 3, p = 0,028) et femelle (U = 0,
p = 0,006).
Pour le δ15N, la moyenne du muscle est de 13,22 ± 0,97‰ pour P. phocoena, de 10,97 ±
0,36‰ pour S. coeruleoalba, de 14,39 ± 1,07‰ chez T. truncatus, de 12,41 ± 0,74‰ chez D.
delphis mâle et 12,49 ± 0,28‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du muscle
diffèrent significativement entre les espèces (H = 19,49 ; p = 0,001). Ces différences sont dues
au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de toutes les
autres espèces (U = 48, p = 0,002 pour P. phocoena ; U = 0, p = 0,006 pour T. truncatus ; U =
1, p = 0,011 pour D. delphis mâle et enfin U = 0, p = 0,006 pour D. delphis femelle). De
même, le δ15N du muscle de T. truncatus est significativement différent de celui de D. delphis
mâle (U = 24, p = 0,016) et de D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009).
41
Figure 9b : Valeurs isotopiques moyennes du foie selon l’espèce et le sexe
La moyenne du δ13C du foie est de –17,05 ± 0,34‰ pour P. phocoena, de -17,89 ± 0,40‰
pour S. coeruleoalba, de –16,64 ± 1,13‰ chez T. truncatus, de –16,96 ± 0,25‰ chez D.
delphis mâle et enfin –16,73 ± 0,13‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du foie
sont significativement différentes entre les espèces (H = 17,11 ; p = 0,002). En effet, la valeur
δ13C du foie de S. coeruleoalba est significativement différente de celle de P. phocoena (U =
56, p = 0,001), de T. truncatus (U = 2, p = 0,012), de D. delphis mâle (U = 0, p = 0,004) et
femelle (U = 0, p = 0,004).
Pour le δ15N, la moyenne du foie est de 14,35 ± 1,00‰ pour P. phocoena, de 12,31 ± 0,41‰
pour S. coeruleoalba, de 15,66 ± 0,94‰ chez T. truncatus, de 13,73 ± 0,43‰ chez D. delphis
mâle et 14,45 ± 0,22‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du foie diffèrent
significativement entre les espèces (H = 21,83 ; p = 0,0002). Ces différences sont dues au fait
que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P. phocoena (U
= 55, p = 0,002), T. truncatus (U = 0, p = 0,004), D. delphis mâle (U = 0, p = 0,004) et D.
delphis femelle (U = 0, p = 0,004). De même, le δ15N du foie de T. truncatus est
significativement différent de celui de P. phocoena (U = 6, p = 0,040), de D. delphis mâle (U
= 25, p = 0,009) et D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009). Enfin, les valeurs du δ15N du foie
de Delphinus delphis mâle et femelle diffèrent significativement (U = 0, p = 0,009).
42
Figure 9c : Valeurs isotopiques moyennes du rein selon l’espèce et le sexe
La moyenne du δ13C du rein est de –17,04 ± 0,39‰ pour P. phocoena, de -17,74 ± 0,33‰
pour S. coeruleoalba, de –16,39 ± 1,27‰ chez T. truncatus, de –17,09 ± 0,32‰ chez D.
delphis mâle et enfin –16,66 ± 0,16‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du rein
sont significativement différentes entre les espèces (H = 13,38 ; p = 0,010). En effet, la valeur
δ13C du rein de S. coeruleoalba est significativement différente de celle de P. phocoena (U =
46, p = 0,005), de D. delphis mâle (U = 1, p = 0,011) et femelle (U = 0, p = 0,006). De plus,
les valeurs de δ13C entre D. delphis mâle et D. delphis femelle sont significativement
différentes (U = 3, p = 0,047).
Pour le δ15N, la moyenne du rein est de 13,98 ± 0,83‰ pour P. phocoena, de 12,34 ± 0,39‰
pour S. coeruleoalba, de 15,76 ± 1,11‰ chez T. truncatus, de 13,56 ± 0,55‰ chez D. delphis
mâle et 13,94 ± 0,34‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du rein diffèrent
significativement entre les espèces (H = 19,26 ; p = 0,001). Ces différences sont dues au fait
que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celles de toutes les
autres espèces : P. phocoena (U = 47, p = 0,003), T. truncatus (U = 0, p = 0,011), D. delphis
mâle (U = 1, p = 0,010) et D. delphis femelle (U = 0, p = 0,006). De même, le δ15N du rein de
T. truncatus est significativement différent de celui de P. phocoena (U = 1, p = 0,011), D.
delphis mâle (U = 20, p = 0,014) et D. delphis femelle (U = 20, p = 0,014).
43
Figure 9d : Valeurs isotopiques moyennes de la peau selon l'espèce et le sexe
La moyenne du δ13C de la peau est de –16,95 ± 0,45‰ pour P. phocoena, de -17,22 ± 0,43‰
pour S. coeruleoalba, de –15,80 ± 1,27‰ chez T. truncatus, de –16,75 ± 0,67‰ chez D.
delphis mâle et enfin –16,45 ± 0,33‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C de la peau
sont significativement différentes entre les espèces (H = 10,54 ; p = 0,032). En effet, la valeur
δ13C de la peau de S. coeruleoalba est significativement différente de celle de T. truncatus (U
= 4, p = 0,028) et de D. delphis femelle (U = 3, p = 0,019).
Pour le δ15N, la moyenne de la peau est de 15,02 ± 0,95‰ pour P. phocoena, de 12,60 ±
0,55‰ pour S. coeruleoalba, de 15,48 ± 0,56‰ chez T. truncatus, de 13,78 ± 0,76‰ chez D.
delphis mâle et 12,90 ± 0,31‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N de la peau
diffèrent significativement entre les espèces (H = 18,50 ; p = 0,001). Ces différences sont dues
au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P.
phocoena (U = 28, p = 0,008), de T. truncatus (U = 0, p = 0,004) et de D. delphis mâle (U = 3,
p = 0,008). De même, le δ15N de la peau de T. truncatus est significativement différent de
celui de D. delphis mâle (U = 20, p = 0,014) et de D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009).
Enfin, on observe une différence significative entre D. delphis femelle et P. phocoena (U =
20, p = 0,014).
44
Figure 9e : Valeurs isotopiques moyennes du lard externe selon l'espèce et le sexe
La moyenne du δ13C du lard externe est de –16,21 ± 0,75‰ pour P. phocoena, de -16,71 ±
0,67‰ pour S. coeruleoalba, de –14,76 ± 1,81‰ chez T. truncatus, de –15,63 ± 0,93‰ chez
D. delphis mâle et enfin –15,88 ± 0,32‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du lard
externe ne diffèrent pas significativement entre les espèces (H = 8,10 ; p = 0,088).
Pour le δ15N, la moyenne du lard externe est de 17,58 ± 1,36‰ pour P. phocoena, de 14,13 ±
0,40‰ pour S. coeruleoalba, de 17,52 ± 1,89‰ chez T. truncatus, de 15,70 ± 0,73‰ chez D.
delphis mâle et 14,50 ± 0,26‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du lard externe
diffèrent significativement entre les espèces (H = 20,41 ; p = 0,0004). Ces différences sont
dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P.
phocoena (U = 35, p = 0,004), T. truncatus (U = 0, p= 0,004) et de D. delphis mâle (U = 0, p
= 0,008). De même, le δ15N du lard externe de D. delphis femelle est significativement
différent de celui de P. phocoena (U = 25, p = 0,009), T. truncatus (U = 25, p = 0,009) et de
D. delphis mâle (U = 20, p = 0,014).
45
Figure 9f : Valeurs isotopiques moyennes du lard interne selon l'espèce et le sexe
La moyenne du δ13C du lard interne est de –16,67 ± 0,81‰ pour P. phocoena, de -16,68 ±
0,60‰ pour S. coeruleoalba, de –14,56 ± 1,22‰ chez T. truncatus, de –15,64 ± 0,57‰ chez
D. delphis mâle et enfin –15,75 ± 0,33‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C du lard
interne diffèrent significativement entre les espèces (H = 13,16 ; p = 0,011). C’est S.
coeruleoalba qui diffère significativement de T. truncatus (U = 1, p = 0,014), de D. delphis
mâle (U = 2, p = 0,023) et de D. delphis femelle (U = 4, p = 0,028). De plus, la valeur δ13C du
lard interne de T. truncatus est significativement différente par rapport à celle de P. phocoena
(U = 1, p = 0,027).
Pour le δ15N, la moyenne du lard interne est de 16,77 ± 0,88‰ pour P. phocoena, de 13,68 ±
0,30‰ pour S. coeruleoalba, de 17,43 ± 1,91‰ chez T. truncatus, de 15,69 ± 0,93‰ chez D.
delphis mâle et 14,96 ± 0,28‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N du lard interne
diffèrent significativement entre les espèces (H= 20,20 ; p = 0,0005). Ces différences sont
dues au fait que la valeur de δ15N de S. coeruleoalba diffère significativement de celle de P.
phocoena (U = 35, p = 0,004), T. truncatus (U = 0, p = 0,008), de D. delphis mâle (U = 0, p =
0,008) et de D. delphis femelle (U = 0, p = 0,004). De même, le δ15N du lard interne de D.
delphis femelle est significativement différent de celui de P. phocoena (U = 25, p = 0,009) et
de T. truncatus (U = 20, p = 0,014).
46
Figure 9g : Valeurs isotopiques moyennes des dents selon l'espèce et le sexe
La moyenne du δ13C des dents est de –13,83 ± 0,30‰ pour P. phocoena, de -14,66 ± 0,41‰
pour S. coeruleoalba, de –13,71 ± 1,65‰ chez T. truncatus, de –14,01 ± 0,37‰ chez D.
delphis mâle et enfin –14,22 ± 0,32‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ13C des dents
ne diffèrent pas significativement entre les espèces (H = 6,89 ; p = 0,142).
Pour le δ15N, la moyenne des dents est de 16,34 ± 0,56‰ pour P. phocoena, de 12,50 ±
0,59‰ pour S. coeruleoalba, de 15,31 ± 0,80‰ chez T. truncatus, de 13,26 ± 1,12‰ chez D.
delphis mâle et 11,73 ± 0,21‰ chez D. delphis femelle. Les valeurs de δ15N des dents
diffèrent significativement entre les espèces (H = 19,61 ; p = 0,001). Ces différences sont dues
au fait que la valeur de δ15N de P. phocoena diffère significativement de celle de S.
coeruleoalba (U = 30, p = 0,006), de D. delphis femelle (U = 25, p = 0,009) et de D. delphis
mâle (U = 25, p = 0,009). De plus, la valeur de δ15N de T. truncatus diffère significativement
de celle de S. coeruleoalba (U = 0, p = 0,011), de D. delphis mâle (U = 19, p = 0,027) et de D.
delphis femelle (U = 20, p = 0,014). Enfin, le δ15N des dents de S. coeruleoalba diffère
significativement de celui de D. delphis femelle (U = 28, p = 0,018).
En résumé, les valeurs de δ13C de Stenella coeruleoalba sont inférieures aux autres
espèces quel que soit le tissu considéré. Au contraire de celles des grands dauphins qui sont
47
les plus élevées. Néanmoins, pour ces dernières, les différences ne sont pas significatives.
Aucune autre tendance évidente ne peut être dégagée pour les autres espèces.
Les valeurs isotopiques de l’azote montrent que Stenella coeruleoalba présente un δ15N
inférieur à celui des autres espèces pour l’ensemble des tissus. Comme pour le carbone, T.
truncatus possède la valeur de δ15N la plus élevée, sans que cette différence ne soit toujours
significative. Les annexes 6 et 7 soulignent cette disparité des valeurs isotopiques de carbone
et d’azote selon les espèces.
Les dents montrent un profil totalement différent des autres tissus en ce qui concerne les
valeurs isotopiques de l’azote. En effet, ce sont les individus femelles de dauphin commun qui
présentent la valeur moyenne la plus faible, et les individus de marsouin qui présentent la
valeur moyenne la plus élevée (annexes 6 et 7).
Enfin, seules les valeurs de δ15N du lard externe et du foie ainsi que les valeurs de δ13C du
rein diffèrent entre les mâles et les femelles de D. delphis.
48
IV. DISCUSSION
Nous traiterons, tout d’abord, de la nécessité d’une délipidation dans la préparation de nos
échantillons ; puis nous comparerons les valeurs isotopiques des tissus au sein d’une même
espèce afin de dresser une cartographie isotopique et apprécier l’effet du métabolisme
différentiel entre les tissus sur leurs valeurs isotopiques. Après s’être ainsi affranchi du facteur
métabolique, nous accéderons à l’écologie trophique des différentes espèces étudiées.
1.
Efficacité de la délipidation
Les tissus ont été délipidés une ou plusieurs fois en fonction de leur taux de lipides. En
particulier le lard interne et externe et même parfois la peau et le rein ont nécessité plusieurs
délipidations. L’efficacité de la délipidation est reflétée par le ratio C/N qui normalement doit
être compris entre 3 et 4 (De Niro, 1985 ; Matthews et Mazumder, 2005). En effet le
pourcentage de carbone présent dans le tissu correspond globalement à la quantité de
protéines, de glucides et de lipides alors que le pourcentage d’azote représente uniquement la
quantité de protéines. Ainsi des ratios C/N trop importants signifient une proportion de lipides
encore importante dans le tissu. Or il est important de délipider au mieux les tissus car les
travaux de De Niro et Epstein (1977) ont montré un appauvrissement significatif des lipides
en 13C par rapport aux autres fractions des tissus. Ceci conduit à un biais des valeurs avec des
δ13C significativement plus faibles quand les lipides sont encore présents. Les ratio C/N de
nos échantillons soulignent l’efficacité de la délipidation.
2.
Comparaison des valeurs isotopiques moyennes des différents tissus
au sein d’une même espèce
Les résultats (figure 7) ne montrent pas une position relative constante des tissus
d’une espèce à l’autre quand on s’intéresse au δ13C. Néanmoins, le δ13C du lard externe et
interne est toujours supérieur, et ce de façon significative chez S. coeruleoalba et D. delphis.
Les valeurs inférieures sont observées soit pour le rein, soit pour le foie, chez toutes les
espèces à l’exception des femelles de D. delphis, chez qui c’est le muscle qui présente les
δ13C les plus faibles.
49
En ce qui concerne δ15N, les valeurs du lard sont significativement supérieures à celle des
autres tissus, et ce chez toutes les espèces. De même, la valeur de δ15N du muscle est toujours
inférieure à celle des autres tissus mais de façon significative uniquement chez S.
coeruleoalba et D. delphis. Les autres tissus présentent des valeurs intermédiaires entre ces
deux extrêmes chez toutes les espèces.
a.
Effet du taux et de la nature des lipides sur les valeurs isotopiques
Cet effet est représenté dans la partie « influence directe des lipides » de la figure 10.
Bien que les valeurs isotopiques soient obtenues sur des tissus délipidés, les taux de
lipides sont un marqueur de l’état de l’animal au moment de sa mort. Ainsi, ils sont le témoin
d’une activité de mise en réserve ou de remobilisation lipidique au sein de l’organisme dans la
période qui a précédé sa mort. De plus, les lipides interviennent dans le métabolisme basal du
tissu. En effet, par le jeu d’une régulation hormonale et/ou nerveuse, pointue et continue,
grâce à des feed back positif ou négatif, le taux de lipides régule le métabolisme, à savoir
l’anabolisme et le catabolisme des autres composants tissulaires, et peut ainsi influer sur les
valeurs isotopiques du tissu.(Kruh, 1998).
L’écart relatif ε, entre deux tissus dont le turnover est comparable, peut permettre
d’appréhender ce facteur métabolique qui pourrait influencer la différence observée entre les
tissus et entre les espèces. Ainsi, l’écart isotopique en δ13C entre le muscle et le rein, ε
muscle/rein (C) observé chez D. delphis femelle est significativement différent de ceux de P.
phocoena et de S. coeruleoalba. De plus, les pourcentages en lipides du muscle des D. delphis
femelle et mâle sont significativement supérieurs à ceux de P. phocoena et S. coeruleoalba.
On remarque même que le taux de lipides du rein de D. delphis n’est pas significativement
différent de celui des autres espèces. Il semble donc que les différences d’écarts inter
tissulaires observées puissent avoir un lien avec le métabolisme lipidique distinct du muscle
de chacune de ces espèces. Il existerait ainsi une influence du métabolisme lipidique sur les
signatures isotopiques du carbone des tissus à l’échelle des espèces. Néanmoins cette
propriété n’est pas générale. En effet, l’Analyse Factorielle Discriminante effectuée sur les
valeurs isotopiques des tissus avec pour variables explicatives les pourcentages en lipides de
ces mêmes tissus n’est pas en faveur d’une influence de la teneur en lipides sur les valeurs
isotopiques des tissus (annexes 14 et 15).
50
A l’échelle d’une espèce, la variabilité entre les individus peut être importante (figure 7,
annexes 2 et 4), et certains se distinguent de la moyenne de l’espèce, pour un tissu donné, à la
fois par des valeurs isotopiques et des taux de lipides extrêmes. C’est par exemple le cas de la
peau de 10211293 (« Tt1 ») et de 10103024 (« Tt2 ») chez les grands dauphins. En effet,
10211293 présente des valeurs de δ13C faibles par rapport à la moyenne, mais un muscle
relativement gras, ainsi qu’un rein et qu’une peau maigres. Au contraire, l’individu 10103024
présente le pattern opposé (figure 7c et annexes 6, 7, 8 et 9). Les lipides via leur
métabolisme, semblent donc corrélés en partie aux valeurs isotopiques du carbone d’un tissu
donné.
Les travaux de Mahler et Cordes (1971) soulignent l’interdépendance des valeurs isotopiques
du carbone des différentes fractions biochimiques par le biais de diverses réactions
métaboliques ; en effet, le changement en δ13C d’une première fraction biochimique
entraînera par la même occasion un changement de δ13C des autres fractions en équilibre
dynamique avec cette première.
La composition biochimique différente des tissus ainsi que l’état différent des individus au
sein d’une même espèce et entre espèces (souligné par le taux de lipides) entraîneraient un
fractionnement différentiel du carbone et de l’azote entre nourriture et consommateur, et
aboutirait à des valeurs isotopiques δ13C et δ15N variées (Gaston et Suthers, 2004). La nature
même des lipides (acides gras saturés, insaturés…) diffère entre les tissus (Guitart et al.,
1999) et explique, au même titre que le taux de lipides, les différences isotopiques
intertissulaires en carbone voire en azote observées via les réactions biochimiques mises en
jeu (De Niro et Epstein, 1977). Par exemple, le lard est hétérogène en structure et en
composition (Krahn et al., 2004). En effet, Koopman et al. (1996) et Hooker et al. (2001)
montrent qu’il existe une stratification verticale significative des acides gras entre la couche
de lard externe (deux premiers centimètre de lard proche de l’épiderme) et la couche de lard
interne (couche proche du muscle, à une profondeur de plus de 4 cm) chez les odontocètes. Le
degré de stratification varie à la fois selon l’espèce et selon le paramètre mesuré comme les
acides gras (Krahn et al., 2004) et les contaminants (Aguilar et al.,1999). Ces deux facteurs
pourraient expliquer les différences isotopiques significatives entre lard externe et lard interne
chez D. delphis femelle, non observées chez S. coeruleoalba chez les mâles D. delphis ou
chez les autres espèces. Dans notre étude, le pourcentage en lipides (seul indicateur
disponible) n’est généralement pas significativement différent entre les deux strates, excepté
chez S. coeruleoalba chez qui le lard externe est plus gras que le lard interne (U = 27, p =
51
0,028). De même, Krahn et al. (2004) qui étudient les différences de propriétés biochimiques
entre les deux couches chez le béluga et l’orque, n’observent pas de différence entre les taux
de lipides. Cependant, la couche externe est plus riche en acides gras légers que la couche
interne. Il est donc évident que le taux de lipides seul est un indicateur insuffisant pour
expliquer l’influence des paramètres biochimiques sur les signatures. C’est ce que montre par
exemple la figure 8 ; en effet, si l’on trace une droite de régression, on se rend compte que
pour un pourcentage de lipides équivalent entre le muscle et le rein, il existe un écart
intertissulaire ε muscle/rein (C) négatif c’est à dire une différence résiduelle de δ13C,
inhérente à chacun de ces organes.
De plus, la couche interne du lard se trouve être la couche la plus active métaboliquement en
terme de dépôt de lipides ou de mobilisation (Koopman et al., 1996). La couche interne aurait
donc un taux de turnover plus rapide que la couche externe. De plus, le profil d’acides gras du
lard externe montre une haute proportion d’acides gras endogènes biosynthétisés
éventuellement sous contrôle génétique alors que la couche interne fait l’objet d’un
métabolisme continu, à partir des nutriments exogènes (Koopman et al., 1996). Donc, d’un
point de vue écologique, tout changement récent de comportement trophique (régime
alimentaire et/ou lieu de nourrissage) se reflétera dans les valeurs isotopiques du lard interne,
et non dans celles du lard externe. Il est possible que chez S. coeruleoalba, le comportement
trophique compense la différence métabolique entre les deux tissus. Cet exemple souligne
l’effet combiné du métabolisme biochimique intratissulaire et du comportement trophique de
l’animal sur les valeurs isotopiques observées des tissus.
Si l’on revient à l’ensemble des tissus : selon le statut physiologique de l’animal et le
tissu étudié, les nutriments endogènes, seront plus ou moins mobilisés, et participeront ou non
à la signature isotopique du tissu en question (Hobson et Clark, 1992a). Cette allocation
différentielle en fonction des tissus participe encore une fois à la différence de signatures
isotopiques entre les différents tissus (Robinson, 2001).
b.
Effet de la composition biochimique globale d’un tissu sur sa
valeur isotopique
Cet effet est représenté dans la partie « influence indirecte des lipides » de la figure 10.
De nombreux auteurs invoquent la nature même du tissu comme facteur de variabilité des
signatures isotopiques entre tissus, et ce, chez une grande variété d’organismes. La structure
52
du tissu, à savoir sa composition biochimique et les quantités relatives des différentes
fractions biochimiques, influent sur les valeurs isotopiques de ce même tissu (De Niro et
Epstein, 1978 ; Focken et Becker, 1998). En effet, chaque fraction biochimique possède sa
propre signature isotopique, et la valeur isotopique d’un tissu donné correspond à la moyenne
pondérée des signatures des différentes fractions biochimiques le constituant (Robinson,
2001). De plus, Schwarcz (1991) définit le routing isotopique par le fait que la composition
isotopique d’un tissu ne reflète pas la composition du régime total de l’animal, mais
seulement des fractions biochimiques utilisées pour le renouvellement du tissu. Ainsi la
composition des protéines d’un tissu est seulement affectée par les protéines du régime
alimentaire du consommateur alors que les lipides d’un tissu sont synthétisés à partir des
lipides, glucides et acides aminés glycogéniques de la nourriture et/ou des réserves (Focken et
Becker, 1998). Par ailleurs, la composition protéique en acides aminés du tissu influence la
signature isotopique. En effet, chaque acide aminé possède une signature isotopique en
carbone et en azote propre (Abelson et Hoering, 1961 ; Gaebler et al., 1966 ; Hare et
al.,1991). Par exemple, la glycine est enrichie en
13
C par rapport aux autres acides aminés
(Hare et al., 1991) et la thréonine est fortement appauvrie en 15N par rapport aux autres acides
aminés (Gaebler et al.,1966). Les valeurs des écarts intertissulaires sont différentes selon que
l’on considère le carbone ou l’azote. Ainsi le fractionnement isotopique du carbone et de
l’azote dans un tissu donné est le résultat des processus complexes impliqués dans les
métabolismes des lipides, glucides et protéines.
Lorsque les espèces analysées sont considérées, les écarts de δ15N, ainsi que l’ordre des
tissus semblent moins variables que pour le carbone (figure 7). A l’échelle des espèces, il
semblerait donc que le métabolisme protéique soit moins variable que celui des lipides. Par
contre, la variabilité inter individuelle des δ15N au sein d’une espèce est plus élevée que ne
l’est celle des δ13C et ce pour tous les tissus (annexe 2). Les métabolismes lipidique et
glucidique semblent ainsi réduire la variabilité qu’impliquent les processus faisant intervenir
les protéines. Néanmoins, la variabilité est la combinaison d’une composante métabolique
(métabolisme différentiel entre individus) et d’une composante écologique.
53
Figure 10 : Influence directe et indirecte du taux de lipides sur les valeurs isotopiques
3.
Interprétation des rapports isotopiques en termes d’écologie de la
communauté des petits delphinidés
a.
Taux de turnover
Le turnover d’un tissu est une moyenne pondérée des turnover des différentes fractions
biochimiques le constituant (Hobson et Clark, 1992a). Pour peu que l’animal ait changé de
régime alimentaire au cours de sa vie, ce phénomène ajoute un facteur de plus à la variabilité
intra et intertissulaire. Les tissus ont ainsi des taux de turnover différents, et les signatures
isotopiques reflètent l’alimentation des prédateurs à des échelles de temps variées (Tieszen et
al., 1983). De nombreuses études ont quantifié ce taux de turnover, via le temps de demi vie
du carbone et/ou de l’azote sur des petits mammifères de laboratoire (Tieszen et al., 1983 ) ou
des oiseaux (Hobson et Clark, 1992a). Néanmoins, Thompson (1953) a démontré que chez les
mammifères et en particulier chez les euthériens, le taux de turnover est corrélé positivement
au taux métabolique ramené à la masse de l’animal. Ainsi, les mammifères marins, qui
54
consomment proportionnellement moins de dioxygène, et possèdent donc un métabolisme
plus lent que les petits mammifères, présentent de même un taux de turnover moins rapide,
d’où des temps de demi vie plus importants. Cependant, l’ordre des tissus entre eux semble
immuable d’une espèce à l’autre. A titre d’exemple, les temps de demi vie du carbone
calculés par Sponheimer et al. (2006) chez le lama sont de 37,3 jours pour le foie et de 178,7
jours pour le muscle.
Le muscle a donc un taux de turnover plus lent que le foie et reflète ainsi l’alimentation d’un
individu à des échelles de temps plus grandes (de l’ordre de quelques mois) que celles du foie
(quelques semaines à un mois – Tieszen et al., 1983 ; Sponheimer et al., 2006). Dans les
résultats de notre étude, les valeurs isotopiques du rein et de la peau sont proches de celles du
foie au sein de chacune des espèces (figure 7). Le regroupement spatial de ces trois organes
au sein de la cartographie tissulaire pourrait s’expliquer par des taux de turnover comparable
entre ces trois tissus. Ainsi, les valeurs isotopiques du rein et de la peau refléteraient le
comportement trophique des espèces à court terme. Cependant, les temps de demi-vie du
carbone et de l’azote ne semblent pas avoir été étudiés à ce jour dans le rein et la peau.
Le lard interne représente le régime alimentaire des espèces à une échelle de temps de l’ordre
de quelques semaines (Tieszen et al., 1983). On pourrait s’attendre à ce qu’un tel tissu, de
turnover proche de celui du foie, du rein et de la peau, ait des valeurs isotopiques proches de
celles de ces derniers. Néanmoins, ce tissu se distingue significativement des autres, et en
particulier du foie, du rein et de la peau, par ses valeurs isotopiques supérieures, et ce chez
toutes les espèces. Ce tissu représente donc un bon exemple de l’influence mixte du
métabolisme et de l’écologie sur ses signatures isotopiques en carbone et en azote. Le
métabolisme ici semble masquer l’écologie.
Les dents entières montrent un pattern différent des autres tissus. Ce tissu intègre
l’information trophique sur toute la durée de vie de l’organisme (Walker et Macko, 1999).
Ainsi, à long terme, les espèces s’agencent totalement différemment en termes de valeurs
isotopiques comparé au court (lard interne, foie, probablement peau et rein) ou au moyen
terme (muscle).
Les tissus suivent donc l’ordre suivant en termes de taux de turnover croissant :
T1/2 (foie)< T1/2 (lard)< T1/2 (muscle)
55
b.
Interprétation écologique des valeurs isotopiques
Les résultats les plus significatifs concernent les Stenella coeruleoalba dont les
signatures, aussi bien en carbone qu’en azote sont significativement inférieures à celles des
autres espèces dans la majorité des tissus (figure 9). L’exception la plus évidente est celle du
lard externe et des dents pour lesquels il n’y a pas de différences significatives en carbone
entre les espèces. La faible valeur du δ13C observée indique que les individus de cette espèce
chassent davantage en milieu océanique, et la faible valeur du δ15N montre qu’ils se
nourrissent de proies à faible niveau trophique, aussi bien à court terme qu’à long terme. A ce
jour, les études sur cette espèce montrent que les individus se nourrissent en zone plutôt
océanique (Goujon, 1996), et seulement occasionnellement en zone néritique (Evans, 1987).
L’étude des contenus stomacaux montre qu’ils chassent de petits poissons mésopélagiques
(myctophidés, gadidés), à faible niveau trophique ainsi que des céphalopodes et qu’ils
possèdent une grande plasticité de comportement trophique. En effet, des proies océaniques
mésopélagiques, néritiques épibenthiques et même côtières ont été retrouvées dans leurs
estomacs (Spitz et al., 2006 a). Les valeurs isotopiques obtenues dans notre étude confirment
les précédents travaux sur le régime alimentaire. Néanmoins, les dents ne montrent pas le
même pattern que les autres tissus. En ce qui concerne l’azote, et en particulier, à long terme,
le dauphin bleu et blanc ne représente pas l’espèce de plus faible niveau trophique. Au
contraire, pour ce qui est du carbone, le pattern est assez proche de celui des autres tissus, à
savoir que lorsqu’on « remonte » le temps en comparant les tissus à taux de turnover
croissant, l’habitat des différentes espèces et en particulier de S.coeruleoalba est globalement
inchangé.
L’espèce T. truncatus a le δ13C et le δ15N les plus importants de toutes les espèces
dans la grande majorité des tissus, mais surtout elle montre les plus grands coefficients de
variation (annexe 2). Cela indiquerait que les grands dauphins chassent plus près des côtes,
des grosses proies, à un niveau trophique supérieur. Les données de régime alimentaire
montrent que les grands dauphins se nourrissent de proies épibenthiques de grande taille
(merluccidés, mugilidés, sparidés, gadidés), de quelques poissons pélagiques (moronidés et
clupéidés) ainsi que de quelques céphalopodes (Spitz et al., 2006b). La variabilité des
signatures isotopiques de cette espèce peut s’expliquer par une hétérogénéité de
comportement trophique avec une diversité de régime alimentaire et de zones de chasse. En
effet, chez les T. truncatus, il existe des groupes d’individus fréquentant le plateau
56
continental, et des groupes de résidents côtiers (Van Canneyt, comm. pers.). En particulier,
l’individu 10103024 est une femelle grand dauphin résidente du bassin d’Arcachon. Elle avait
donc un habitat strictement côtier. Cette particularité se retrouve dans les valeurs élevées de
δ13C de la plupart de ses organes (Mac Connaughey et Mac Roy, 1979). De plus, le
« groupe » des grands dauphins est composé de divers individus montrant des caractéristiques
diversifiées. Tout d’abord, les dates d’échouage de ces individus s’étalent de mars 2001 à
juillet 2003, et représentent un facteur de variabilité. En effet, les comportements alimentaires
des prédateurs supérieurs ainsi que les signatures isotopiques des producteurs primaires situés
à la base du réseau trophique varient avec la saison (Walker et Macko, 1999 ; Lesage et al.,
2001 ; Hirons et al., 2001). De plus, les grands dauphins montrent des âges variés qui
induisent en partie la diversité de signatures isotopiques observées. En effet, l’individu
10307055 est un jeune de moins d’un an qui montre des valeurs isotopiques du carbone
légèrement inférieures à la moyenne dans la peau et le lard, et des valeurs isotopiques de
l’azote supérieures dans le muscle et inférieures à la moyenne dans le lard et la peau. Hobson
et al. (1997) montrent que l’allaitement du nourrisson induit un enrichissement en δ15N des
tissus de ce dernier par rapport à ceux de sa mère. De plus, chez les odontocètes, le sevrage
est progressif et le nouveau né peut commencer à s’alimenter de poissons de petites tailles à
quelques mois, tout en gardant une alimentation lactée. La mixité de ce régime alimentaire
récent aboutit à des valeurs isotopiques proches des valeurs moyennes ou inférieures à la
moyenne, dans les organes à turnover rapide comme le lard et la peau. Ce phénomène
explique les valeurs observées pour l’individu 10307055. L’individu 10211293 est un juvénile
de 1,5 ans, qui présente des valeurs isotopiques en carbone et en azote inférieures à la
moyenne dans la majorité des organes. Niños-Torres (2006) observe le même phénomène
d’appauvrissement en δ15N chez les dauphins communs D. delphis capensis du Golfe de
Californie et l’explique par un changement brutal de régime alimentaire, avec une préférence
pour les proies plus petites, et déprimées en δ15N, consommant des invertébrés et/ou des
détritus (Niños-Torres, 2006).
Les valeurs isotopiques de carbone observées chez les marsouins, relativement faibles
dans la majorité des tissus, ne confirment pas le caractère particulièrement côtier du marsouin
(Evans, 1987) établi par l’étude de méthodes conventionnelles (analyse de contenus
stomacaux, observation in situ…). Cependant, Spitz et al. (2006b) ont montré que les
marsouins se nourrissent de poissons benthiques (gadidés) ainsi que de poissons pélagiques
(clupéidés, carangidés et scombridés) voire parfois de crustacés de type krill. Ces proies sont
majoritairement retrouvées en milieu océanique, et participeraient à un appauvrissement des
57
tissus en δ13C, malgré la consommation de poissons benthiques. Cette divergence de résultats
entre analyse des isotopes stables et des contenus stomacaux peut s’expliquer par une
proportion relativement élevée de proies pélagiques dans le régime alimentaire du marsouin,
qui se révèle ainsi ne pas être une espèce strictement côtière. Ceci montre bien que l’étude
conventionnelle des contenus stomacaux, qui représentent le régime alimentaire des individus
à très court terme peut être à l’origine d’une interprétation erronée, d’où la nécessité
d’associer ces deux types d’études complémentaires.
De plus, les marsouins peuvent expérimenter différents régimes écologiques pendant l’année
afin d’adapter leur habitat trophique aux conditions océanographiques locales sans migration
(Fontaine et al., 2007). Ceci pourrait expliquer les écarts types relativement importants dans
cette espèce en particulier en ce qui concerne l’azote.
Le « groupe » des dauphins communs et des marsouins ont des valeurs isotopiques
relatives variables entre elles, ce qui montre une fluctuation des comportements alimentaires
selon l’échelle de temps : par exemple, au niveau du foie, les marsouins possèdent des valeurs
isotopiques inférieures à celles des dauphins communs, alors que la tendance est inversée au
sein du muscle. Les dauphins communs exploitent aussi bien des habitats néritiques
qu’océaniques. Meynier (2004) montre que D. delphis se nourrit de petits poissons pélagiques
tels que des sardines, des maquereaux et des anchois, et plus secondairement des Gadidés
dans le Golfe de Gascogne. Cette espèce montre des déplacements le long du littoral : en
hiver, les dauphins communs sont plus abondants dans les eaux peu profondes de la Bretagne,
de la Manche et du littoral celte et retournent fin printemps, début de l’été dans le Golfe de
Gascogne (Tregenza et al., 1997). Ainsi, on peut émettre l’hypothèse qu’à court terme, les
marsouins se nourrissaient plus au large, et de proies de faible niveau trophique par rapport
aux dauphins communs. De la même façon, à relativement long terme, ce sont les dauphins
communs et en particulier les femelles qui se nourrissaient au large. Sachant que les dauphins
communs femelles se sont tous échoués en février 2002 et que les marsouins ont toujours été
capturés ou se sont échoués en hiver, on peut en conclure qu’en hiver les dauphins communs
migrent plus vers la côte, et reviennent au large quelques mois après. Il y aurait donc un effet
saisonnier du comportement trophique. Néanmoins, les différences de valeurs isotopiques
entre ces deux espèces sont pour la plupart non significatives. De plus, beaucoup de facteurs
métaboliques, intrinsèques à l’individu et /ou à l’espèce rentrent en compte dans ce milieu
non contrôlé, et rendent l’interprétation des données assez complexe.
58
c.
Paramètres mixtes et variabilité des signatures isotopiques
L’âge, la date d’échouage, le statut reproducteur, l’état physiologique, et le sexe sont autant
de paramètres, qui influent, à titre métabolique et écologique sur les valeurs isotopiques des
tissus. C’est ainsi que les Tursiops truncatus, qui correspondent à un groupe très hétérogène
du point de vue de ces paramètres, montrent la plus grande variabilité des signatures
isotopiques des différents tissus, ainsi qu’une variabilité des pourcentages en lipides des tissus
généralement supérieure à celle des autres espèces. Au contraire, les femelles dauphins
communs présentent peu de facteurs de variabilité, puisqu’elles se sont toutes échouées à la
même date, au même endroit, et appartiennent au même groupe d’individus depuis quelques
semaines comme le montrent les résultats d’acides gras (Pierce et al., 2004). De plus, elles
représentent une fourchette d’âge relativement étroite (de 10 à 21 ans). La faible variabilité
intraspécifique de leurs ratios isotopiques, comparée aux autres espèces, et aussi aux individus
mâles de la même espèce (non échoués en même temps, et non issus d’un même groupe)
tendraient à confirmer une vie commune sur une période d’au moins quelques mois, en tout
cas pour ces individus analysés.
Il existe une différence significative entre D. delphis mâle et femelle uniquement pour
le δ15N du lard externe et du foie, et le δ13C du rein. Les taux de lipides ne différant que pour
le foie entre les deux sexes, et expliquant uniquement des valeurs isotopiques différentielles
de δ13C via le métabolisme lipidique, une écologie alimentaire distinctes entre les deux sexes
pourrait expliquer de telles différences au sein de ces trois tissus. On notera que dans le cas
particulier du δ13C du foie, statistiquement proche entre les deux sexes, il est possible que le
pourcentage en lipides, et donc indirectement le métabolisme, induisent des différences entre
les deux genres, qui seraient compensées par l’écologie. Les femelles possèdent un δ15N
inférieur à celui des mâles dans le lard externe, supérieur à celui des mâles dans le foie ainsi
qu’un δ13C significativement supérieur au niveau du rein. Les femelles présentent donc à
court terme un comportement alimentaire différent de celui des mâles, avec une exploitation
trophique plus près des côtes de proies plus ou moins grosses, de plus important niveau
trophique. L’absence de différence significative entre les deux sexes au sein de tissus à taux
de renouvellement plus lent (muscle…) témoigne d’une absence de différence de
comportement trophique entre mâles et femelles à plus long terme. Ici encore, un effet de la
saison expliquerait cette fluctuation.
De même, Das et al. (2003b, 2004), en analysant le muscle de Phocoena phocoena capturés le
long des côtes ukrainiennes de 1997 à 1998, ont démontré que les femelles se nourrissaient
59
plus près des côtes et à un niveau trophique supérieur à celui des mâles. Néanmoins, ce
phénomène n’est pas général et Niños-Torres (2006) n’a pas démontré de différence
significative de signatures isotopiques entre les mâles et les femelles Delphinus delphis, et
aboutit donc à la conclusion que les deux sexes se nourrissent globalement des mêmes
ressources aux mêmes endroits dans le Golfe de Californie. Aucune indication sur la date
d’échouage de ces dauphins communs n’est précisée dans ces deux études. On ne peut donc
pas savoir si l’effet saisonnier explique la présence ou l’absence de différence de
comportement alimentaire entre mâles et femelles. De plus, la différence de localisation
géographique et donc d’abondance et de disponibilité de certaines proies peut expliquer que
dans certaines zones du globe (Golfe de Californie), les mâles et les femelles exploitent les
mêmes ressources dans les mêmes habitats, et qu’au contraire, dans d’autres lieux (Golfe de
Gascogne, large des côtes ukrainiennes…), les femelles et les mâles adoptent plus ou moins
saisonnièrement des comportements trophiques différents.
L’Analyse Factorielle Discriminante avec pour variable explicative l’espèce montre que
l’influence de cette dernière est relativement importante sur les signatures isotopiques des
différents tissus (annexe 10), alors qu’elle est moindre sur les pourcentages lipidiques des
différents tissus (annexe 11) et donc sur le métabolisme. L’espèce imposerait donc un
comportement trophique différent, seul responsable de la variabilité des signatures
isotopiques. Au contraire, l’Analyse Factorielle Discriminante avec pour variable explicative
le sexe montre que l’influence de ce dernier est faible sur les signatures isotopiques et les
pourcentages en lipides des différents tissus (annexes 12 et 13). Dans ce dernier cas, le sexe
influence peu les signatures isotopiques, que ce soit par le biais d’un métabolisme ou d’un
comportement trophique différent entre mâles et femelles.
Il est donc difficile de distinguer les deux composantes biologiques (métabolisme et
écologie) et d’interpréter les valeurs de certains organes selon les individus. De plus, certains
facteurs comme l’âge, l’état physiologique…interviennent comme facteur mixte, à la fois
métabolique et écologique, et rendent l’interprétation d’autant plus complexe.
4.
Conclusion de la discussion
L’analyse des isotopes stables apporte diverses informations sur le comportement
trophique des communautés au sein du Golfe de Gascogne. Ces informations confirment plus
60
ou moins les travaux écologiques basés sur l’étude des contenus stomacaux et/ou
l’observation des comportements de prédation in situ. Ainsi, les isotopes stables confirment
l’habitat océanique et le faible niveau trophique des S. coeruleoalba ainsi que l’habitat côtier
et le niveau trophique élevé des T. truncatus. Néanmoins, les résultats isotopiques concernant
les marsouins ne vont pas dans le même sens que l’analyse des contenus stomacaux, et
montrent un comportement trophique labile et complexe chez cette espèce. Enfin, l’étude de
la variabilité isotopique tissulaire des différentes espèces montre la plus ou moins grande
diversité des comportements et des caractéristiques des individus au sein d’une espèce
donnée.
61
62
CONCLUSION
L’étude de l’écologie alimentaire d’une espèce peut être éclaircie par le biais de
l’étude des isotopes stables du carbone et de l’azote. La cartographie établie sur les différents
tissus nous a permis de dégager les tendances métaboliques constantes d’une espèce à l’autre,
étape préliminaire à l’interprétation écologique.
Certains tissus semblent redondants en ce qui concerne l’information trophique qu’ils
apportent. C’est le cas du foie, du rein et de la peau. Ce « regroupement » isotopique serait
imputable à un taux de turnover comparable entre les trois tissus, à savoir une intégration du
comportement trophique à court terme. Cependant, les valeurs isotopiques du lard reflètent
aussi le régime alimentaire récent d’un individu, et sont différentes de celles du foie, du rein
et de la peau. Le taux de turnover seul ne suffit pas pour interpréter la similarité des valeurs
isotopiques de ces derniers tissus. Les valeurs isotopiques du lard interne diffèrent
significativement de celles du lard externe chez deux espèces étudiées. L’étude des facteurs
biochimiques de stratification du lard en lard externe et interne montre que seul le lard interne
est synthétisé grâce aux apports alimentaires exogènes. Le lard externe se renouvelle au
moyen de réserves endogènes et ne donnera que peu d’informations en terme d’écologie
alimentaire.
Ces exemples montrent que les valeurs isotopiques d’un tissu donné font intervenir un
facteur métabolique (fractionnement, composition biochimique…) et un facteur écologique
(niveau trophique, zone de nourrissage…). Toute la difficulté réside dans la présence de ces
deux facteurs. En effet, l’interprétation des résultats d’un point de vue écologique se
complexifie par le fait que le métabolisme souligne ou au contraire efface les différences
écologiques.
Les valeurs isotopiques trouvées dans les dents suivent un pattern très particulier. En effet, par
exemple la majorité des tissus de S. coeruleoalba montre que cette espèce semble se nourrir à
un niveau trophique faible et ce à différentes échelles de temps ; cependant ce comportement
n’est pas retrouvé à l’échelle de la vie de l’espèce (dent).
L’analyse des isotopes stables permet d’évaluer l’habitat global et le niveau trophique
des différentes espèces. Ces résultats sont plus ou moins en adéquation avec les résultats issus
des méthodes d’étude écologiques conventionnelles (étude de contenu stomacaux…). C’est
63
pourquoi, l’analyse des isotopes stables doit être associée en parallèle aux méthodes
conventionnelles afin d’éviter une mauvaise interprétation et de dégager le plus
d’informations possibles sur le régime alimentaire et l’habitat de l’espèce en question.
Le taux de lipides d’un tissu, et donc son « bagage métabolique » semble corrélé aux
valeurs isotopiques mesurées dans ce même tissu. Le programme BIOCET a permis
d’analyser la nature des acides gras présents dans le muscle et le lard de la plupart des
individus étudiés dans notre étude. Il serait intéressant de comparer les différences isotopiques
observées avec les différences de composition en acides gras de ces deux organes, afin de
mettre ou non en évidence une corrélation.
64
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70
ANNEXES
Annexe 1 : Photographies des quatre espèces étudiées (Source : auteur)
Annexe 1a : Tursiops truncatus
Annexe 1b : Stenella coeruleoalba
Annexe 1c : Delphinus delphis
Annexe 1d: Phocoena phocoena
Annexe 2: Moyennes, écart-types et coefficients de variation (CV) des δ13C et δ15N dans les
différents organes analysés par espèce. Seuls les individus pour lesquels l’ensemble de ces
organes ont été analysés ont été considérés.
Espèce
P.phocoena F
n=4
Organe
Muscle
Foie
Rein
Lard interne
Lard externe
Peau
S. coeruleoalba F Muscle
n=6
Foie
Rein
Lard interne
Lard externe
Peau
T. truncatus F
Muscle
n=3
Foie
Rein
Lard interne
Lard externe
Peau
D. delphis F
Muscle
n=5
Foie
Rein
Lard interne
Lard externe
Peau
D. delphis M
Muscle
n=4
Foie
Rein
Lard interne
Lard externe
Peau
Moyenne
-16,68
-17,08
-17,13
-16,65
-16,30
-16,95
-17,48
-17,79
-17,74
-16,66
-16,61
-17,17
-16,11
-16,45
-16,28
-14,38
-14,07
-15,59
-16,82
-16,73
-16,66
-15,75
-15,88
-16,45
-16,92
-16,96
-17,05
-15,64
-15,63
-16,75
delta 13C
± sd
± 0,43
± 0,44
± 0,31
± 0,94
± 0,83
± 0,45
± 0,19
± 0,31
± 0,33
± 0,66
± 0,69
± 0,45
± 1,60
± 1,53
± 1,54
± 1,43
± 2,17
± 1,74
± 0,17
± 0,16
± 0,16
± 0,33
± 0,32
± 0,33
± 0,36
± 0,29
± 0,36
± 0,57
± 0,93
± 0,67
CV %
2,56
2,57
1,78
5,64
5,09
2,68
1,11
1,76
1,84
3,95
4,12
2,65
9,92
9,32
9,44
9,97
15,45
11,19
0,98
0,98
0,97
2,08
2,00
2,03
2,16
1,70
2,12
3,62
5,96
3,97
delta 15N
Moyenne ± sd
13,66
1,15
14,57
0,81
14,12
0,74
16,95
0,89
17,91
1,33
15,02
0,95
10,97
0,36
12,31
0,45
12,34
0,39
13,70
0,33
14,13
0,44
12,62
0,60
14,44
1,41
15,97
1,19
15,99
1,24
17,92
2,00
18,31
2,19
15,78
0,52
12,49
0,28
14,45
0,22
13,94
0,34
14,96
0,28
14,50
0,26
12,90
0,31
12,70
0,44
13,92
0,15
13,79
0,21
15,69
0,93
15,70
0,73
13,78
0,76
CV %
8,41
5,57
5,26
5,26
7,43
6,31
3,28
3,62
3,19
2,40
3,10
4,72
9,77
7,46
7,75
11,17
11,95
3,28
2,24
1,53
2,43
1,86
1,77
2,40
3,43
1,10
1,53
5,94
4,63
5,52
Annexe 3 : Moyennes (‰), écart-types (‰) et coefficients de variation (%) des valeurs
isotopiques du carbone et d’azote par organe dans les différentes espèces ; n correspond au
nombre d’individus analysés.
Annexe 4 : Détails par individu des valeurs isotopiques des différents tissus
INDIVIDU
10412110
10601009
10601004
10608047
10309095
10210279
10409101
10201019
10401019
10410106
10211291
10207232
10210288
10211293
10204205
10211295
10307055
10103024
10202156
10202167
10202143
10202157
10202163
10304047
10301005
10201046
10202093
10301004
ESPECE
GENRE
Pp
Sc
F
Tt
Dd
M
AGE
0,6
ND
3,5
ND
0,5
6,5
ND
3
ND
ND
0,6
6
18
1,5
ND
ND
0,5
13
16
13
10
21
13
11,5
7,5
12
13
6,5
DATE
ECHOUAGE C MUSCLE
nov-04
-16,72
janv-06
-16,91
janv-06
-17,13
févr-06
-17,01
févr-03
-16,06
oct-02
-16,2
sept-04
-17,68
janv-02
-17,49
janv-04
-17,47
oct-04
-17,15
nov-02
juil-02
-17,67
oct-02
-17,43
déc-02
-17,81
avr-02
-15,87
déc-02
-16,13
juil-03
-16,64
mars-01
-14,64
févr-02
-16,87
févr-02
-16,69
févr-02
-17,09
févr-02
-16,75
févr-02
-16,71
avr-03
-16,55
janv-03
-17,16
janv-02
-17,23
févr-02
-16,66
janv-03
-17,29
C FOIE
-17,13
-17,41
-17,28
-17,32
-16,44
-16,64
-17,56
-17,83
-17,75
-17,8
-18,54
-18,34
-17,43
-17,73
-16,87
-17,18
-16,68
-14,75
-16,65
-16,86
-16,94
-16,67
-16,54
-17,07
-16,98
-16,97
-16,56
-17,24
C REIN
-17,24
-17,17
-17,41
-17,4
-16,69
-16,28
-17,81
-17,79
-17,75
-17,52
-18,28
-17,31
-17,87
-16,18
-16,71
-14,8
-16,5
-16,87
-16,74
-16,68
-16,49
-17,09
-17,22
-17,25
-16,53
-17,35
C DENT
-13,46
-13,87
-14,95
-15,12
-14,01
-14,73
-14,8
-14,96
C LARD
INTERNE
-17,04
-17,66
C LARD
EXTERNE
-16,6
-16,26
-15,45
-16,46
-16,73
-16,35
-17,57
-16,37
-15,69
-16,78
-17,01
-16,96
-16,03
-13,63
-15,09
-13,47
-15,95
-15,21
-16,05
-15,72
-15,84
-14,97
-15,98
-17,15
-15,18
-15,84
-16,22
-17,69
-16,41
-15,89
-17,28
-16,26
-17,2
-16,54
-12,45
-16,09
-15,48
-13,22
-16,07
-16,13
-16,14
-15,6
-15,48
-14,61
-16,57
-17,15
-17,37
-17,36
-16,27
-17,51
-17,43
-17,45
-17,4
-15,44
-16,01
-16,25
-13,92
-16,15
-16,04
-16,7
-16,77
-16,6
-15,79
-17,32
-15,39
-16,22
-15,09
-16,25
-16,97
-16,93
-13,44
-11,48
-14,03
-14,15
-14,76
-14,41
-13,68
-14,07
C PEAU
-17,3
-16,97
-17,22
-16,3
INDIVIDU
10412110
10601009
10601004
10608047
10309095
10210279
10409101
10201019
10401019
10410106
10211291
10207232
10210288
10211293
10204205
10211295
10307055
10103024
10202156
10202167
10202143
10202157
10202163
10304047
10301005
10201046
10202093
10301004
ESPECE
GENRE
Pp
Sc
F
Tt
Dd
M
AGE
0,6
ND
3,5
ND
0,5
6,5
ND
3
ND
ND
0,6
6
18
1,5
ND
ND
0,5
13
16
13
10
21
13
11,5
7,5
12
13
6,5
DATE
ECHOUAGE N MUSCLE
nov-04
13,87
janv-06
13,68
janv-06
12,37
févr-06
12,15
févr-03
14,94
oct-02
13,44
sept-04
11,56
janv-02
10,66
janv-04
11,24
oct-04
10,71
nov-02
juil-02
10,94
oct-02
10,72
déc-02
13,02
avr-02
15,84
déc-02
13,76
juil-03
14,87
mars-01
14,45
févr-02
12,48
févr-02
12,83
févr-02
12,13
févr-02
12,68
févr-02
12,31
avr-03
13,21
janv-03
12,66
janv-02
11,27
févr-02
12,15
janv-03
12,78
N FOIE
15,15
14,97
13,5
13,37
14,77
15,65
12,51
12,12
12,49
11,71
12,31
12,04
12,98
14,86
17,23
15,12
15,29
15,82
14,53
14,21
14,41
14,79
14,33
13,94
14,08
12,99
13,71
13,93
N REIN
14,52
14,65
13,3
13,03
14,27
15,06
12,56
12,09
12,62
11,92
11,98
12,87
14,7
17,17
15,08
16,1
14,02
13,44
13,91
14,39
13,92
13,96
13,73
12,64
13,52
13,96
N DENT
17,14
16
13,56
11,99
12
12,78
12,37
14,44
N LARD
INTERNE
16,85
16,52
N LARD
EXTERNE
17,33
18,34
16,21
18,23
16,02
14,15
13,4
13,84
13,46
13,62
13,37
13,95
16,54
20,22
15,96
17,01
15,32
14,66
14,78
14,85
15,17
16,96
15,01
16,43
19,52
16,29
14,51
13,49
14,53
13,88
14,14
13,89
14,48
16,76
20,81
16,62
16,07
17,35
14,48
14,25
14,34
14,5
14,92
16,76
15,24
12,97
11,74
13,31
13,06
12,5
12,22
12,4
15,18
16,11
15,23
14,85
16,04
12,65
12,93
12,52
13,16
13,23
14,52
13,71
14,97
15,81
15,22
15,56
12,75
14,13
14,92
15,61
11,63
11,86
11,64
11,63
12,87
13,36
N PEAU
14,81
15,19
13,89
16,18
Annexe 5 : Ecarts relatifs moyens (epsilon) entre valeurs isotopiques du carbone ou de l’azote de deux tissus chez une espèce donnée (Pp =
Phocoena phocoena, Sc = Stenella coeruleoalba, Tt = Tursiops truncatus, DdM = Delphinus delphis mâle, DdF = Delphinus delphis femelle
ε carbone Pp
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
-0.40+/-0.08
REIN
-0.45+/-0.16
-0.05+/-0.21
PEAU
-0.28+/-0.22
0.13+/-0.25
0.18+/-0.18
LE
0.38+/-0.47
0.78+/-0.51
0.83+/-0.53
0.65+/-0.43
LI
0.02+/-1.04
0.42+/-0.98
0.47+/-1.04
0.30+/-1.06
-0.35+/-1.43
ε azote Pp
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
0.90+/-0.72
REIN
0.46+/-0.77
-0.44+/-0.15
PEAU
1.36+/-0.35
0.45+/-0.73
0.90+/-0.71
LE
4.25+/-0.55
3.34+/-1.07
3.78+/-1.04
2.89+/-0.42
LI
3.29+/-0.54
2.39+/-0.92
2.83+/-0.93
1.94+/-0.42
-0.95+/-0.74
ε carbone Sc
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
-0.30+/-0.32
REIN
-0.26+/-0.24
0.04+/-0.17
PEAU
0.31+/-0.33
0.61+/-0.54
0.57+/-0.47
LE
0.87+/-0.69
1.17+/-0.82
1.13+/-0.82
0.56+/-0.56
LI
0.82+/-0.58
1.12+/-0.67
1.08+/-0.65
0.51+/-0.41
-0.05+/-0.37
ε azote Sc
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
1.33+/-0.49
REIN
1.37+/-0.42
0.03+/-0.12
PEAU
1.64+/-0.49
0.31+/-0.73
0.28+/-0.61
LE
3.16+/-0.34
1.82+/-0.32
1.79+/-0.23
1.51+/-0.44
LI
2.72+/-0.28
1.39+/-0.28
1.35+/-0.19
1.08+/-0.52
-0.44+/-0.20
ε carbone Tt
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
-0.52+/-0.59
REIN
-0.27+/-0.23
0.25+/-0.40
PEAU
0.42+/-0.25
0.94+/-0.48
0.69+/-0.17
LE
1.54+/-1.40
2.06+/-1.59
1.81+/-1.34
1.12+/-1.31
LI
1.73+/-0.54
2.07+/-1.03
1.90+/-0.61
1.21+/-0.69
-0.31+/-0.85
ε azote Tt
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
1.49+/-0.23
REIN
1.50+/-0.20
0.01+/-0.19
PEAU
1.37+/-0.79
-0.12+/-0.67
-0.12+/-0.66
LE
3.62+/-0.99
2.13+/-0.99
2.12+/-1.07
2.25+/-1.64
LI
3.49+/-0.91
1.96+/-0.93
1.93+/-1.07
2.15+/-1.71
-0.38+/-0.19
ε carbone DdM
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
-0.05+/-0.32
REIN
-0.13+/-0.29
-0.08+/-0.12
PEAU
0.16+/-0.49
0.21+/-0.78
0.29+/-0.76
LE
1.29+/-0.59
1.33+/-0.87
1.42+/-0.78
1.12+/-0.55
LI
1.27+/-0.22
1.32+/-0.52
1.41+/-0.48
1.11+/-0.41
-0.01+/-0.44
ε azote DdM
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
1.21+/-0.37
REIN
1.09+/-0.26
-0.12+/-0.18
PEAU
1.08+/-0.35
-0.14+/-0.67
-0.02+/-0.56
LE
3.00+/-0.42
1.78+/-0.72
1.90+/-0.60
1.92+/-0.52
LI
2.99+/-0.58
1.77+/-0.92
1.90+/-0.77
1.91+/-0.52
-0.01+/-0.27
ε carbone DdF
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
0.09+/-0.15
REIN
0.16+/-0.23
0.08+/-0.09
PEAU
0.37+/-0.33
0.28+/-0.39
0.21+/-0.40
LE
0.94+/-0.27
0.85+/-0.22
0.77+/-0.27
0.57+/-0.58
LI
1.07+/-0.24
0.98+/-0.39
0.90+/-0.45
0.69+/-0.31
0.13+/-0.48
ε azote DdF
MUSCLE
FOIE
REIN
PEAU
LE
FOIE
1.97+/-0.35
REIN
1.45+/-0.48
-0.52+/-0.15
PEAU
0.42+/-0.32
-1.55+/-0.35
-1.04+/-0.41
LE
2.02+/-0.44
0.04+/-0.33
0.56+/-0.35
1.60+/-0.25
LI
2.47+/-0.45
0.50+/-0.32
1.02+/-0.36
2.06+/-0.41
0.46+/-0.23
Annexe 6a : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés
étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F2 (18,98%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe
F1 sont symbolisées en bleu ; les variables les plus représentées sur l’axe F2 sont symbolisées en orange.
Annexe 6b : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés
étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F2 (18,98%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés
correspondent à des individus ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes.
Annexe 7a : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés
étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F3 (6,38%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe F1
sont symbolisées en vert ; les variables les plus représentées sur l’axe F3 sont symbolisées en rose.
Annexe 7b : Analyse en composantes principales sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus des quatre espèces de cétacés
étudiées. Les axes F1 (66,37%) et F3 (6,38%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés
correspondent à des individus ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes.
Annexe 8a : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes
F1 (35,35%) et F2 (25,07%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe F1 sont symbolisées
en rose ; les variables les plus représentées sur l’axe F2 sont symbolisées en vert.
Annexe 8b : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes
F1 (35,35%) et F2 (25,07%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés correspondent à des individus
ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes.
Annexe 9a : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes
F1 (35,35%) et F3 (16,02%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les variables les plus représentées sur l’axe F1 sont symbolisées
en rouge ; les variables les plus représentées sur l’axe F3 sont symbolisées en bleu.
Annexe 9b : Analyse en composantes principales sur les pourcentages en lipides des sept tissus des quatre espèces de cétacés étudiées. Les axes
F1 (35,35%) et F3 (16,02%) ont été choisis pour cette représentation graphique. Les groupes d’individus entourés correspondent à des individus
ayant des variables statistiquement proches sur les deux axes.
Annexe 10 : Analyse factorielle discriminante sur les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus chez les quatre espèces de
cétacés étudiées, avec pour variable explicative l’appartenance d’un individu à une espèce donnée (A = Phocoena phocoena, B = Stenella
coeruleoalba, C = Tursiops truncatus et D = Delphinus delphis mâle et femelle). Le lambda de Wilks pour cette analyse multivariée est de
1,32.10-4. Cette valeur est relativement faible et est en faveur d’une influence importante de l’espèce sur les signatures isotopiques. Les
classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont identiques et soulignent cette conclusion.
Annexe 11 : Analyse factorielle discriminante sur les pourcentages en lipides des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec
pour variable explicative l’appartenance d’un individu à une espèce donnée (A = Phocoena phocoena, B = Stenella coeruleoalba, C = Tursiops
truncatus et D = Delphinus delphis mâle et femelle). Le lambda de Wilks pour cette analyse multivariée est de 0,065. Cette valeur est
relativement importante et est en défaveur d’une influence importante de l’espèce sur les pourcentages lipidiques. Les classifications a priori et a
posteriori des individus étudiés sont différentes pour deux individus (10201019 et 10211293) et soulignent cette conclusion.
Annexe 12 : Analyse factorielle discriminante sur les signatures isotopiques du carbone et de l’azote des sept tissus chez les quatre espèces de
cétacés étudiées, avec pour variable explicative l’appartenance d’un individu au sexe mâle ou femelle (A = femelle et B = mâle). Le lambda de
Wilks pour cette analyse multivariée est de 0,281. Cette valeur est relativement importante et est en défaveur d’une influence importante du sexe
sur les signatures isotopiques. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont différentes pour un individu (10301005) et
soulignent cette conclusion.
Annexe 13 : Analyse factorielle discriminante sur les pourcentages en lipides des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec
pour variable explicative l’appartenance d’un individu au sexe mâle ou femelle. (A = femelle et B = mâle). Le lambda de Wilks pour cette
analyse multivariée est de 0,427. Cette valeur est relativement importante et est en défaveur d’une influence importante du sexe sur les
pourcentages en lipides. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont différentes pour deux individus (10304047 et
10301005) et soulignent cette conclusion.
Annexe 14 : Classification ascendante hiérarchique des individus des quatre espèces étudiées
selon les pourcentages en lipides de leurs tissus. Cette analyse permet de regrouper les
individus en quatre grands groupes statistiquement homogènes A, B, C et D. Cette opération
nous permet d’effectuer l’analyse factorielle discriminante sur les signatures isotopiques des
sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour variables explicatives les
pourcentages en lipides de ces mêmes tissus (annexe 15).
Annexe 15 : Analyse factorielle discriminante sur les signatures isotopiques des sept tissus chez les quatre espèces de cétacés étudiées, avec pour
variable explicative l’appartenance d’un individu à un groupe « lipidique » (A, B, C ou D) défini par la figure 14. Le lambda de Wilks pour cette
analyse multivariée est de 2,98.10-5. Cette valeur est relativement faible et est en faveur d’une influence importante du taux lipidique des tissus
sur leurs valeurs isotopiques. Les classifications a priori et a posteriori des individus étudiés sont identiques et soulignent cette conclusion.
VARIATIONS DES SIGNATURES ISOTOPIQUES CHEZ LES PETITS CETACES :
CARTOGRAPHIE
ISOTOPIQUE
DES
INDIVIDUS
ET
STRUCTURE
DES
COMMUNAUTES DE PETITS CETACES
ESTRADE Vanessa
RESUME : Les analyses des ratios isotopiques du carbone et de l’azote sont de plus en plus
utilisées comme traceurs en écologie alimentaire. Cependant différents tissus aux turn-over
variables peuvent être analysés rendant les comparaisons entre espèces difficiles à interpréter.
Les ratios isotopiques du carbone et de l’azote ont été analysés dans différents tissus (foie,
muscle, rein, peau, lard interne et externe, dent), échantillonnés sur un petit nombre
d’individus appartenant à quatre espèces de petits cétacés du Golfe de Gascogne : Phocoena
phocoena, Delphinus delphis, Stenella coeruleoalba et Tursiops truncatus. Dans le Golfe de
Gascogne, les odontocètes présentent des comportements trophiques (zones de chasse et des
régimes alimentaires) variés et exploitent ainsi différentes ressources du milieu. L’objectif de
ce travail est double : 1° réaliser une cartographie des signatures au sein de chaque espèce, 2°
interpréter les différences observées en termes d’écologie. Les résultats montrent un pattern
tissulaire plus variable pour le 13C que pour l’15N. La composition biochimique du tissu,
l’état de mise en réserve ou au contraire de remobilisation lipidique, ainsi que le routing
isotopique sont autant de facteurs qui peuvent influencer les ratios isotopiques. D’un point de
vue de l’écologie, les signatures confirment nettement le caractère océanique de S.
coeruleoalba mais au contraire infirment le caractère côtier de P. phocoena. Toute la
difficulté d’interprétation réside dans l’influence conjointes des facteurs métaboliques et des
facteurs écologiques. En effet, divers paramètres comme l’âge ou le sexe sont des facteurs que
l’on pourrait qualifier de « mixtes » puisqu’ils induisent des différences métaboliques entre
individus mais aussi des comportements trophiques variés, par le phénomène de ségrégation
des individus en groupes homogènes du point de vue du comportement alimentaire.
Mots-clés : ODONTOCETES, CARTOGRAPHIE, ISOTOPES STABLES, TISSU, GOLFE
DE GASCOGNE
JURY :
Président : Pr
Directeur : Pr COMBRISSON
Assesseur : Pr COURREAU
Adresse de l’auteur :
Mlle ESTRADE Vanessa
5 rue de l’espérance
94380 Bonneuil-sur-Marne
DIFFERENCES OF ISOTOPIC RATIOS OF SMALL CETACEAN : ISOTOPIC MAPPING
AND ECOLOGY OF EACH SPECIES
SURNAME : ESTRADE
Given name : Vanessa
SUMMARY : Analyses of C and N stable isotope ratios are increasingly used as tracers in
feeding ecology. Different tissues with specific turnover rates can be analysed which makes it
difficult to interpret inter-specific comparisons. C and N isotopic ratios were analysed in
various tissues (liver, muscle, kidney, skin, inner and outer blubber, tooth) of four species of
small cetacean collected from the Bay of Biscay: Phocoena phocoena, Delphinus delphis,
Stenella coeruleoalba et Tursiops truncatus. In the Bay of Biscay, small toothed cetaceans
display diversified feeding strategies (diets and foraging zones) and thus exploit different food
sources. The goal of this work includes: 1° to map isotopic signatures in selected tissues
within each species, 2° to interpret inter- and intra-specific differences in terms of ecology.
The 13C isotopic ratio pattern among tissues is more variable than the 15N isotopic ratio. The
tissue-specific biochemical composition, lipid storing or, in contrast, remobilization, as well
as isotopic routing all are factors that can influence isotopic ratios. In terms of ecological
interpretation, isotopic signatures obtained in this study clearly confirm that striped dolphins
use oceanic resources, but challenge the classical view that harbour porpoises would be
merely restricted to coastal habitats. The main difficulty, however, relates to the
disentanglement of crossed influences of metabolic and ecological factors. Indeed, multiple
parameters, including age and gender, could be qualified as mixed factors since they induce
both divergences in metabolic processes and in foraging behaviours as well, as a result
individuals forming groups based on age and reproductive-status categories that are
homogeneous in terms of foraging.
Key words : TOOTHED DOLPHINS, ISOTOPIC MAPPING, STABLE ISOTOPES,
TISSUE, BAY OF BISCAY
JURY :
President : Pr
Director : Pr COMBRISSON
Assessor : Pr COURREAU
Author’s Adress :
Mss ESTRADE Vanessa
5 rue de l’espérance
94380 Bonneuil-sur-Marne
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