Cahiers de nutrition et de diététique (2011) 46, 178—186 DIÉTÉTIQUE Quel soin diététique dans le cadre de la chirurgie bariatrique ? Recommandations de pratique clinique夽 What dietetic care for bariatric surgery? Guidelines for clinical practice Richard Agnetti ∗,1, Pauline Chenebault 1, Céline Coelho , Emmanuelle Di Valentin , Martine Junker , Karine Lambert , Catherine Le Gallo , Danièle Leska , Isabelle Lyon , Catherine Meyer Assistance publique—Hôpitaux de Paris (AP—HP), 3, avenue Victoria, 75184 Paris cedex 04, France Reçu le 7 mars 2011 ; accepté le 13 avril 2011 Disponible sur Internet le 1 juin 2011 MOTS CLÉS Diététiciennutritionniste ; Chirurgie de l’obésité ; Recommandation de pratique clinique KEYWORDS Dietitian-nutritionist; Obesity surgery; Nutrition guidelines 夽 ∗ 1 Résumé L’accompagnement du patient obèse en demande ou ayant eu une chirurgie de l’obésité est réalisé par une équipe pluriprofessionnelle dont les diététiciens-nutritionnistes. La conduite du soin diététique comme tout autre soin doit reposer, si cela est possible, sur une pratique fondée sur la preuve scientifique. Dans ce cadre, le Comité liaison alimentation nutrition (CLAN) central de l’Assistance publique—Hôpitaux de Paris a chargé un groupe de diététiciennutritionniste accompagné par un référent médical de rédiger des recommandations de bonne pratique clinique portant sur les quatre grandes étapes de cette prise en charge : le temps de la décision opératoire, la préparation à l’intervention chirurgicale, le péri et le postopératoire immédiat et enfin le suivi à distance. © 2011 Société française de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Accompanying the obese patient asking for obesity surgery, or having had one, is performed by a multiprofessional team including dietitians-nutritionists. The dietary care as quite other care has to be based if possible on a practice based on scientific evidence. In this context, the food and nutrition central committee, Paris Hospitals (central CLAN AP—HP) has charged a group of dietitian-nutritionists supported by a physician expertise to draft best clinical practice recommendations for the four main steps of this care: the time of the operate decision, the surgery preparation, the peri- and immediate postoperative period and the remote follow-up. © 2011 Société française de nutrition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Texte issu d’une conférence de R. Agnetti dans le cadre de la 51e JAND à Paris, le 28 janvier 2011. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Agnetti). Ces auteurs ont contribué à part égale à cet article. 0007-9960/$ — see front matter © 2011 Société française de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.cnd.2011.04.002 Quel soin diététique dans le cadre de la chirurgie bariatrique ? Introduction L’obésité a connu ces dernières années une évolution importante et notamment dans la prise en charge chirurgicale des obésités morbides. Ce type de prise en charge a obligé le diététicien-nutritionniste (dans la suite du document le terme diététicien nutritionniste sera remplacé par diététicien) à revoir les modalités du soin diététique proposé qui doit associer en plus de l’accompagnement diététique nécessaire à la perte de poids et au maintient de celleci, des actions de prévention et/ou de prise en charge des complications nutritionnelles liés à cette chirurgie. Malgré les recommandations de la HAS de 2009 sur « Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte » qui n’ont pas traité la prise en charge diététique, il n’existe pas aujourd’hui de recommandations pour aider les professionnels dans ce type de prise en charge. Les diététiciens des centres de références obésités de l’Assistance publique—Hôpitaux de Paris (AP—HP) ont souhaité harmoniser leurs pratiques en rédigeant des recommandations professionnelles basées sur l’analyse de la littérature et sur un consensus professionnel si nécessaire. Ces recommandations précisent les stratégies de soins diététiques mises en œuvre à chaque moment du processus de prise en charge des patients souhaitant une chirurgie de l’obésité ou ayant eu cette chirurgie. Objectifs de ces recommandations Ces recommandations rédigées par des diététiciens pour des diététiciens et autres professionnels de santé, ont été élaborées à la demande du CLAN central de l’AP—HP. Elles doivent permettre : • d’assurer une qualité et une sécurité du soin diététique proposé au patient en fonction de chaque phase du processus de soins lié à cette chirurgie ; • de préciser les éléments de prise en charge participant à la perte du poids et à son maintien en maintenant un qualité de vie optimale ; • de préciser les éléments de prise en charge participant à la prévention et/ou à la prise en charge des complications nutritionnelles liées à cette chirurgie ; • de donner les éléments nécessaires permettant à l’équipe pluriprofessionnelle de comprendre la place du soin diététique dans le processus global et ainsi de l’optimiser. Méthodologie d’élaboration Pour rédiger ces recommandations le groupe de travail s’est appuyé sur l’analyse de la littérature scientifique française et anglo-saxonne disponible en utilisant les mots clés « Soin diététique » et/ou « Soin nutritionnel » et « Chirurgie bariatrique » et « Chirurgie de l’obésité ». La littérature grise fournie par le groupe de travail et les experts contactés a été également prise en compte. La littérature scientifique étant relativement pauvre sur ce sujet, de nombreuses recommandations proposées ici reposent sur un consensus professionnel. Les recommandations élaborées par le groupe de travail ont été soumises à un groupe de lecture et de cotation pluriprofessionnel (Chirurgiens, endocrinologues-nutritionnistes, diététiciens). Les remarques faites par ce groupe ont été prises en compte dans l’élaboration des recommandations finales. 179 Tableau 1 Les trois temps de la prise en charge diététique et consultations diététiques associés. 1) Préopératoire 2) Peropératoire 3) Postopératoire Consultation à but diagnostic de participation à la décision opératoire Consultations de préparation du patient à la chirurgie Réalimentation Conseils postopératoire immédiat Consultation de bilan à 1 mois Consultations de suivi standard à long terme Consultation spécifique en cas de complications ou de situation particulière Limites de ces recommandations Ces recommandations ont été définies selon la méthode pour l’élaboration de recommandations professionnelles par consensus formalisé simplifié [1]. Elles ciblent uniquement la prise en charge diététique de patients adultes, réalisée par un diététicien, dans le cadre des chirurgies de l’obésité suivantes : anneau gastrique (AG), sleeve gastrectomie (SG), by-pass gastrique (BP). Comme toutes recommandations de pratique clinique elles n’ont pas vocation à fournir des fiches pratiques à destination des patients. Elles décrivent la pratique la plus adaptée au regard des connaissances actuelles à mettre en œuvre par le professionnel. La démarche de soins diététique La démarche de soins diététiques est un ensemble d’actions réalisées par un diététicien, s’inscrivant dans le soin nutritionnel. Elle a pour finalité de garantir des apports nutritionnels quantitativement et qualitativement conformes à l’état physiologique des personnes, à leurs pathologies et aux traitements poursuivis, tout en tenant compte de leurs préférences, de leurs habitudes culturelles et religieuses, de leur situation sociale et économique, de leurs capacités individuelles, et en préservant le plaisir de s’alimenter [2,3]. Elle prend également en compte le projet de vie du patient. Les étapes de la démarche de soins diététiques sont les suivantes : • le recueil de données générales et spécifiques ; • le diagnostic diététique [3] ; • la coordination et la planification des actions ; • la mise en œuvre des actions spécifiques du diététicien ; • l’évaluation de l’efficacité des actions et les réajustements. Cette démarche de soin est un élément important de l’ensemble du processus de la chirurgie de l’obésité [4—7] notamment lors de la décision de l’acte opératoire pris au cours de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) [8—11] incluant le diagnostic diététique réalisé par le diététicien lors de la consultation d’évaluation initiale [12]. La prise en charge diététique doit se concevoir en trois temps (Tableau 1) au travers de consultations ayant des objectifs spécifiques : • thérapeutique afin de maintenir ou de restaurer un bon état nutritionnel et/ou d’agir sur les complications postopératoires qu’elles soient d’ordre nutritionnel 180 (dénutrition, carences en vitamines et minéraux, perte osseuse, etc.), digestif (nausées, vomissements, ballonnements, etc.) ou mécanique (fuite anastomotique, fistules, etc.) [5,7,13,14] ; • informative et éducative afin de maintenir l’effet de la chirurgie sur la perte de poids et/ou d’éviter ou de limiter les complications postopératoires. Il est à rappeler que la qualité des données recueillies lors du colloque singulier avec le patient repose sur la qualité d’écoute du professionnel et l’empathie dont il fera preuve vis-à-vis de celui-ci. En effet ce sont des patients ayant une obésité sévère (IMC > 35) qui s’est constituée généralement au cours de nombreuses années et qui sont fréquemment en situation d’échec [4]. Stratégie de prise en charge diététique lors de la décision et de la préparation à l’intervention chirurgicale Quel est le rôle du diététicien dans la décision pluridisciplinaire ? Le diététicien a un rôle à part entière dans cette prise en charge. Les informations qu’il fournit entrent dans l’arbre décisionnel d’indications et de contre-indications opératoires en particulier par la recherche de déséquilibres nutritionnels, de trouble du comportement alimentaire, de compliance aux mesures diététiques et de la qualité des prises en charge nutritionnelles et diététiques antérieures. Le diagnostic diététique sera exposé et pris en compte lors de la concertation de l’équipe pluridisciplinaire pour la prise de décision pour cette chirurgie [5,8] : • indication et contre indication ; • type de technique chirurgicale proposé ; • durée de la phase de préparation opératoire. Il est recommandé que le diététicien intervienne dans la décision pluridisciplinaire au moyen de son diagnostic diététique qui sera formalisé dans le dossier du patient. Celui-ci est exposé lors de la RCP. (Accord professionnel). Que comporte le bilan diététique réalisé avant la décision chirurgicale ? La consultation diététique d’évaluation initiale à but diagnostic repose sur un bilan complet comportant : • l’analyse du comportement alimentaire et la recherche de troubles du comportement alimentaire actuels ou passés ; • le recueil des consommations alimentaires qualitatives et/ou quantitatives (y compris la consommation d’alcool qui doit être impérativement évaluée) ; • la recherche de carences en macro- et micronutriments au regard des consommations alimentaires ; • le recueil sur les conditions de vie : rythme de travail/rythme alimentaire, activité physique ; • les conditions sociales ou économiques influençant l’accès à une alimentation équilibrée ; R. Agnetti et al. • l’histoire du poids et des prises en charge nutritionnelles et diététiques antérieures ; • le repérage du niveau de motivation, des attentes du patient (objectifs de perte de poids ± réalistes. . .) ; • l’évaluation psychosociale ; • l’évaluation des connaissances du patient sur le type de chirurgie envisagée et son impact sur l’alimentation et le mode de vie [15] ; • le projet de vie du patient. Le mode alimentaire déterminé par ce recueil de données peut influencer le choix de la technique chirurgicale. En effet, la réussite de celle-ci pourra être majorée ou minorée selon la tendance du patient à être plus ou moins hyperphage, grignoteur, etc. Certaines caractéristiques alimentaires (Tableau 2) peuvent aider le chirurgien dans le choix du type de chirurgie [8]. Pour la réalisation de ce bilan, il est recommandé d’utiliser un support de recueil de données standardisé. Lors de cette consultation, le diététicien doit, dans son diagnostic diététique, faire ressortir les éléments de son bilan (grignotage, hyperphagie, capacité à modifier son alimentation, etc.) en faveur ou non de l’opération (Accord professionnel). Les éléments de ce diagnostic seront analysés lors de la RCP, notamment avec le médecin nutritionniste. Quels sont les éléments constitutifs de la préparation diététique à l’intervention ? Il est recommandé au moins six mois de prise en charge pluridisciplinaire de l’obésité du patient avant d’envisager la chirurgie bariatrique. Si cette prise en charge a déjà eu lieu de façon bien conduite, la préparation à la chirurgie peut être plus courte. La prise en charge diététique s’articule autour de trois axes : • thérapeutique : obtenir le meilleur état nutritionnel possible en vue de l’opération en assurant une couverture protidique correcte, soit 0,8 à 1 g de protéine par kilo de poids par jour (poids normalisé correspondant à un IMC de 25 kg/m2 ) ; • informatif : informer le patient des conséquences nutritionnelles et des modifications du comportement alimentaire induites selon chaque type de chirurgie : ◦ être informé du programme alimentaire postopératoire, ◦ comprendre l’importance du fractionnement, ◦ connaître les causes alimentaires d’échec de la chirurgie, ◦ connaître les conséquences de la chirurgie sur les choix et les habitudes alimentaires et sur les boissons, ◦ comprendre les besoins et les équivalences en protéines, ◦ connaître le risque de carences nutritionnelles et l’éventuelle nécessité de prendre des compléments vitaminiques durablement [16,17], ◦ être informé sur les signes et facteurs déclenchants du dumping syndrome et les moyens de le prévenir ; • éducatif : accompagnement pédagogique personnalisé visant à développer chez le patient de nouvelles compétences [6,7,10,16] : Quel soin diététique dans le cadre de la chirurgie bariatrique ? Tableau 2 181 Élément du diagnostic pouvant orienter le choix de la chirurgie. Type de chirurgie Avantages Inconvénients Éléments du diagnostic diététique Anneau gastrique Réduction du volume alimentaire Satiété plus précoce Hyperphagie prandiale Absence de grignotages Capacité du patient à manger équilibré et varié By-pass Réduction du volume alimentaire Malabsorption des nutriments Diminution de la faim et de l’envie de manger (en particulier certains aliments riches en sucre et en graisse à cause du dumping syndrome) ; sur le long terme ces sensations peuvent revenir Meilleurs résultats à long terme (en perte de poids) à cause de la malabsorption intestinale Réduction du volume alimentaire Satiété plus précoce Diminution de la faim et de l’envie de manger ; sur le long terme ces sensations peuvent revenir Pas de malabsorption Vomissements fréquents N’empêche pas le grignotage (notamment des aliments sucrés et gras) Mauvais résultats à long terme Risque de carences pour certaines vitamines certains minéraux et en protéines Dumping syndrome Hypoglycémies Douleurs épigastriques pendant les premiers mois Résultats à long terme inconnus Hyperphagie prandiale Absence de grignotages Capacité du patient à manger équilibré et varié Sleeve gastrectomie ◦ acquérir les bases d’une alimentation variée et équilibrée, ◦ prendre le temps nécessaire à la consommation des repas (réduire la tachyphagie), ◦ apprendre à mastiquer correctement, ◦ apprendre à mieux identifier les signaux physiologiques de faim, appétit, satiété, ◦ gérer les situations qui entraînent des grignotages. Une évaluation est mise en œuvre tout au long de cette prise en charge pour vérifier l’appropriation par le patient de ces connaissances et compétences. Cette préparation diététique est une phase importante de la prise en charge en raison de son impact sur la réduction du risque de survenue des complications et sur leur niveau de gravité. Les éléments de cette prise en charge (thérapeutique, informative et éducative) seront notés et évalués dans le dossier patient. (Grade C) Absence d’hyperphagie Restriction calorique sans perte de poids Capacité du patient à comprendre et mettre en œuvre des équivalences en protéines, vitamines et minéraux Capacité du patient à manger équilibré et varié Stratégie de prise en charge diététique des patients atteints d’obésité dans le cadre du péri- et postopératoire immédiat Quel est le rôle du diététicien lors de la chirurgie ? La place du diététicien en chirurgie est prépondérante : il veille à l’évolution de la réalimentation adaptée au type de chirurgie effectué en termes de mise en pratique et de tolérance digestive du patient. Les durées des étapes de réalimentation (Tableau 3) sont fonction de l’équipe chirurgicale, c’est pourquoi elles sont proposées à titre indicatif et sous forme d’intervalles de temps assez large. Il n’a pas été possible de définir un consensus pour ces étapes. En outre, le diététicien s’assure que le patient connaît et est en mesure d’appliquer les conseils nutritionnels suivants (grade C) : • le repas sera pris très lentement et en mastiquant soigneusement ; 182 R. Agnetti et al. Tableau 3 Réalimentation en fonction du type de chirurgie et soumis à prescription médicochirurgicale (accord professionnel). Durée de l’étape Anneau gastrique / Sleeve gastrectomie By-pass gastrique Étape 1 1 jour Boissons non gazeuses (eau, bouillon, thé, etc.) avec l’accord du chirurgien Boissons non gazeuses sans saccharose (eau, bouillon, thé, etc.) avec l’accord du chirurgien Étape 2 ½ journée à 2 jours Bouillon/produits laitiers/compotes (BYC) (± liquide) Fractionné en au moins 6 prises alimentaires de 200 mL maximum Alimentation liquide ou mixée [18,19] Fractionnée en au moins 6 prises alimentaires, de 250 mL maximum BYC sans saccharose (± liquide) Fractionné en au moins 6 prises alimentaires, de 200 mL maximum Étape 3 Entre 1 et 4 semaines Étape 4 Alimentation liquide ou mixée sans saccharose Fractionnée en au moins 6 prises alimentaires, de 250 mL maximum Alimentation progressivement normale Nombre et volume des prises alimentaires en fonction de la tolérance • la prise des boissons en dehors des repas afin de ne pas remplir « inutilement » l’estomac au moment de la prise alimentaire et d’éviter la dilatation de la poche gastrique ; • le fractionnement des repas pour assurer une meilleure tolérance gastrique tout en permettant la couverture des besoins nutritionnels ; • la suppression des boissons gazeuses afin d’éviter la dilatation gastrique ; • l’environnement du repas (doit se dérouler dans le calme) ; • les mesures d’élargissement du régime pauvre en fibres qui est mis en place le premier mois pour le by-pass et la sleeve-gastrectomie. Les objectifs de la prise en charge diététique en postopératoire immédiat sont d’éviter un volume du bol alimentaire trop important pour l’estomac opéré tout en assurant le plus rapidement possible une couverture en nutriments indispensables pour éviter les carences (protides, vitamines, sels minéraux. . .). Cette réalimentation doit s’appuyer sur des protocoles élaborés et validés avec l’équipe chirurgicale (accord professionnel). Quels sont les éléments de suivi au cours du premier mois ? La première consultation un mois après l’intervention a pour but d’évaluer la gestion (savoir et comportement) par le patient de sa nouvelle situation. Pour la réalisation de cette consultation comme les suivantes, il est recommandé de proposer au patient un carnet de suivi diététique et d’utiliser un support de recueil de données standardisé. Il faudra surveiller et vérifier (Accord professionnel) : • la bonne compréhension des informations données en préopératoire (apport protidique, hydratation, fractionnement, supplémentation en vitamines et en oligoéléments) ; • le maintien adéquats d’apports en protéines (au moins 0,8 g/kg de poids par jour : poids normalisé correspondant à un IMC de 25 kg/m2 ), souvent très difficile à atteindre, sera analysé au regard du bilan des protéines sériques [23,25] ; • le maintien d’une hydratation suffisante : au moins 1L par jour, en dehors des repas [5,27—29]. La limitation ou suppression des boissons contenant des glucides simples ajoutés, surtout pour le by-pass [30] ; • le fractionnement de l’alimentation durant le premier mois en 5 à 6 prises alimentaires par jour. Ce rythme peut être maintenu ou non en fonction des habitudes de vie du patient, de ses besoins et de sa tolérance ; • l’adhésion aux prescriptions de suppléments vitaminiques ; • la gestion des intolérances digestives [27,31,32]. Dans la majorité des cas elles sont liées à l’absence de suivi des recommandations diététiques. Sont fréquemment retrouvés : une mastication insuffisante, des bouchées trop volumineuses, un apport alimentaire trop important ou une consommation du repas trop rapide ; • les complications qui doivent conduire à une consultation spécialisée : douleurs et/ou vomissements trop fréquent (consultation avec le chirurgien), paresthésies Quel soin diététique dans le cadre de la chirurgie bariatrique ? et/ou asthénie (consultation avec le nutritionniste pour apport vitaminiques). Il faudra aborder les difficultés pratiques rencontrées dans la confection des repas, les relations avec l’entourage ; le ressenti autour de la prise alimentaire (plaisir, faim, contraintes. . .) et de la perte de poids, l’impact sur le rythme de travail/rythme alimentaire, l’activité physique. L’évaluation diététique à un mois doit être systématique. En effet, le diététicien est l’interlocuteur privilégié pour aborder l’essentiel des changements liés à l’opération à savoir, l’alimentation. Il doit s’assurer que le patient met en place une alimentation adéquate à sa nouvelle situation et repérer les complications possibles nécessitant une consultation médicale ou chirurgicale. Les éléments de cette évaluation seront notés dans le dossier du patient (Grade C). Stratégie de prise en charge diététique postopératoire à distance Quel intérêt et quelles modalités pour un suivi diététique à distance de l’intervention chirurgicale ? Le patient doit s’engager dans un suivi médical et diététique postopératoire pour une meilleure réussite de la chirurgie en termes de perte de poids [4—7,11,20] et pour éviter les complications (Grade C). Des consultations de suivi systématiques (fréquence définie et planifiée avec l’équipe pluridisciplinaire) « au long cours » ont pour objectif de réaliser régulièrement un bilan de l’état nutritionnel du patient et de reprendre un suivi plus spécifique si le diagnostic diététique révèle des problèmes. Celles-ci se font en collaboration avec l’équipe médicale. Le patient doit être informé qu’il doit prendre contact avec l’équipe soignante et en particulier avec le diététicien en cas d’événement intercurrent ou de difficulté spécifique. L’équilibre alimentaire doit être maintenu, avec au moins trois repas par jour. Des collations peuvent être nécessaires selon les cas ; celles-ci doivent être programmées et ne pas conduire à un grignotage. La structuration de ces repas, comme de ces collations, tient compte des habitudes alimentaires des patients. Les douleurs abdominales, les vomissements, les intolérances aux aliments ou aux boissons peuvent traduire une complication en particulier une sténose, un ulcère ou un déplacement de l’anneau. Si ces troubles apparaissent brutalement, persistent et ne s’expliquent pas par des erreurs diététiques, le patient doit consulter en urgence l’équipe médicochirurgicale. En outre, la consultation diététique peut être l’occasion de dépister ces troubles. Le diététicien doit connaître et savoir repérer les signes cliniques révélateurs de complications et en alerter l’équipe médicochirurgicale. 183 Le suivi diététique à long terme doit être planifié. Il est un gage de réussite en termes de perte de poids durable par le maintien de l’équilibre alimentaire et permet d’intervenir rapidement en cas de complications. Lors de ce suivi, le diététicien sera vigilant sur les signes cliniques en lien avec les complications de la chirurgie, il alertera immédiatement l’équipe médicochirurgicale. (Grade C) Quels conseils diététiques doit-on proposer en cas de complications ? L’intervention du diététicien doit toujours conduire à un avis médio chirurgical en cas de persistance ou de gravité. Pour chaque point abordé, le patient doit acquérir les compétences nécessaires pour pouvoir gérer chaque situation. Il est à noter que ces conseils sont pour la plupart issus de consensus basés sur la pratique des professionnels. Des recherches devraient être menées pour en valider l’efficacité et le bien fondé [21]. Vomissements Les conseils porteront sur le temps de mastication, l’éviction momentanée des aliments à l’origine des vomissements et leur réintroduction. Il faut rappeler que le passage à une alimentation mixée ne doit être que temporaire. Le vomissement ne doit jamais être « banalisé ». C’est un symptôme d’une erreur diététique ou d’une complication mécanique digestive qui expose à des complications nutritionnelles pouvant être graves ainsi qu’à des lésions de l’œsophage. Reflux gastro-œsophagien [33] Conseils sur la posture, l’heure du couché après la fin du repas, le fractionnement et le temps des repas (mastiquer, manger plus lentement) et la limitation des graisses. Constipation Évaluer la consommation hydrique. Conseiller une activité physique adaptée. Augmenter la consommation de fibres. Diarrhées Identifier l’origine des diarrhées, proposer un régime pauvre en fibres. Proposer une alimentation limitée en lactose dans certains cas. En cas de persistance des diarrhées, consulter le médecin. Dumping syndrome [5,25,32,34] (pour le by-pass) Éviction des aliments identifiés comme « déclencheurs », en général ceux riches en saccharose (sucre, boissons sucrées, sorbets, etc.) : utiliser un édulcorant si nécessaire. Le dumping peut aussi être déclenché par un aliment trop salé, trop gras ou à des températures extrêmes. Fractionner l’alimentation en plusieurs petits repas sur la journée peut s’avérer utile. 184 Dégoûts alimentaires [31,34] Éviction momentanée et reprise des aliments concernés plus tard en petites quantités. Expliquer les équivalences pour compenser le manque en nutriments essentiels. Carences en vitamines et minéraux [17,22—24,26] Les carences en vitamines B1, folates et vitamine D (Tableau 4) ainsi que les carences en fer et calcium existent. Les conseils diététiques peuvent les prévenir et/ou aider à les corriger. Hypoglycémies fonctionnelles La suppression du saccharose de l’alimentation et le fractionnement des repas permet généralement de résoudre le problème. Limiter les hypoglycémies fonctionnelles par un choix des aliments glucidiques (éviter les glucides à index glycémique élevé) et en jouant sur la composition globale du repas (teneur en protéines, en lipides et en fibres). Le patient doit connaître les actions à mettre en œuvre au moment de l’hypoglycémie afin d’éviter le ressucrage excessif source d’entretien des malaises hypoglycémiques. R. Agnetti et al. Cette chronologie permet d’éviter la multiplication des resserrages. Dénutrition [23,25] Un amaigrissement trop rapide, une fatigue, une dépression, une fonte musculaire, voire des œdèmes des membres inférieurs, sont des signes évocateurs de dénutrition. En cas d’échec de complémentation protidique par des aliments protéiques traditionnels, une complémentation sous forme de poudre de protéine ou de complément nutritionnel oral adapté pourra être envisagée au regard de l’évaluation nutritionnelle et de la consommation alimentaire. Une hospitalisation s’impose parfois pour alimenter ces patients par voie entérale ou, exceptionnellement, parentérale. En pratique ces situations sont rares. Le diététicien reste l’interlocuteur privilégié pour aborder toutes les questions d’alimentation pouvant être à l’origine de complications. La prise en charge diététique permet d’identifier les problèmes d’ordre digestifs ou nutritionnels et de proposer des solutions. Les éléments de cette prise en charge seront notés dans le dossier patient. (Grade C) Apparition ou réapparition des troubles du comportement alimentaire [34,35] Qu’il s’agisse de la réapparition de troubles de type compulsions alimentaires ou au contraire d’une restriction alimentaire active et pathologique, un avis psychologique s’impose et le dossier doit être rediscuté avec le médecin référent, avec un spécialiste ou en RCP. Reprise de poids En général, le poids se stabilise au bout de 18 à 24 mois [36]. Il peut survenir une reprise de poids souvent liée à l’absence de structure des repas ou à la résurgence de troubles du comportement alimentaire ou des grignotages aggravés par l’inactivité physique. Le patient doit savoir demander de l’aide auprès de l’équipe médicale, en particulier le diététicien lors d’une reprise pondérale [37]. La rupture du suivi médical et diététique favorise souvent la reprise de poids [5,34]. Les patients mal préparés à cette éventualité vivent difficilement, parfois honteusement, cette situation. Il faut leur apporter des conseils diététiques mais aussi les orienter vers une prise en charge pluridisciplinaire, en particulier psychologique. Resserrage de l’anneau gastrique Le resserrage peut entraîner à nouveau des difficultés à s’alimenter avec un risque de vomissements possibles mais temporaires si les conseils suivants sont suivis : • reprendre une alimentation mixée durant 24 à 48 heures pour éviter tout risque de blocage alimentaire ; • tester à nouveau les différents aliments, leur volume, leur taille. . . La perte de poids étant avant tout liée à l’évolution de l’alimentation, il est intéressant de faire un bilan diététique devant la stagnation pondérale et d’essayer d’améliorer l’alimentation du patient. Ce n’est que devant un échec de perte de poids malgré l’application des conseils d’équilibre alimentaire qu’il convient de resserrer l’anneau. Quelles sont les situations de la vie courante qui doivent être identifiées et quelles stratégies diététiques proposer aux patients ? Changement de rythme de vie Il faut rappeler aux patients la possibilité de consulter le diététicien dès qu’il a des difficultés à adapter son alimentation (changement de travail, d’horaires de travail, naissance d’enfants, etc.). Repas hors foyer Il faudra encourager les patients à préparer la reprise du travail en participant à leur réflexion sur l’adaptation des repas pris en cafétéria, restaurant d’entreprise, restaurant ou restauration rapide de façon à respecter leur nouvelles contraintes de temps, de digestion et d’équilibre alimentaire. Invitation chez des amis ou au restaurant Informer l’entourage de la situation pour faciliter sa tolérance à la limitation des apports alimentaires parfois mal acceptée dans le cadre de la convivialité. Être vigilant sur l’attention à porter à la mastication car le contexte convivial peut entraîner une augmentation du volume du bol alimentaire et une réduction du temps de mastication. Aborder le problème de la consommation d’alcool (ivresse qui survient rapidement) [38] et des autres boissons (soda, boissons gazeuses, etc.) sources importantes de saccharose, à limiter. Activité physique L’exercice physique permet de maintenir la masse musculaire et optimise le résultat pondéral au long cours. L’activité physique doit être favorisée mais encadrée par l’équipe médicale. On pourra encourager les mouvements de la vie quotidienne (marcher plus pour aller au travail, Quel soin diététique dans le cadre de la chirurgie bariatrique ? Tableau 4 185 Carence en vitamine et minéraux, et traitement diététique. Carences Signes évocateurs Traitement Vitamine B1 Paresthésies, crampes, instabilité, irritabilité, troubles psychiques, paralysie oculomotrice, acidose lactique Les carences les plus fréquentes surviennent dans la période postopératoire précoce mais peuvent s’observer à distance Anémie, troubles psychiques, mais la carence est généralement asymptomatique Attention à la carence en folates chez la femme en âge de procréer Anémie, fatigue, dysphagie, tachycardie, chute de cheveux Les signes cliniques sont généralement absents (crampes, tétanie) et la carence doit être détectée par des dosages de calcium et vitamine D à confronter aux taux de 25OH Vit D Le traitement de la carence en vitamine B1 est urgent en raison du risque de séquelles neurologiques définitives La carence en folates est généralement évitée par les suppléments vitaminiques Aider le patient à choisir et favoriser les aliments source en folates et/ou en fer et/ou en calcium au regard de ses préférences alimentaires et des objectifs diététiques généraux Insister sur la place de l’alimentation équilibrée et définir avec le patient la stratégie diététique à mettre en œuvre pour arriver à une consommation de 2 g/jour de calcium. Il est généralement indispensable de prescrire des apports médicamenteux de vitamine D Le patient sera accompagné pour acquérir les compétences suivantes Sélectionner les aliments riches en vit B1 et/ou folates et/ou en fer et/ou en calcium en tenant compte des objectifs diététiques généraux Élaborer des menus en intégrant les aliments riches en vit B1 et/ou en folates et/ou en fer et/ou en calcium Enrichir en calcium les préparations alimentaires usuelles Supports Composition des aliments et liste des aliments sources Modalité d’enrichissement Folates Fer Calcium Vitamine D prendre les escaliers, le jardinage. . .) ainsi que la reprise d’une activité physique adaptée aux possibilités de chaque patient en évitant les sports violents. Il faut recommander une activité physique d’au moins une demi-heure par jour. On insistera sur la nécessité d’un suivi diététique régulier afin de maintenir un bon statut nutritionnel et de prévenir une prise de poids trop importante. Celui-ci sera fait conjointement avec le médecin-nutritionniste. Aborder les situations particulières de la vie courante (invitations, restaurant. . .). Une activité physique adaptée et reprise de façon très progressive sera conseillée. Les conseils diététiques doivent s’adapter à toutes les situations de la vie courante. Ainsi il est recommandé que les diététiciens en charge de ces patients aient une bonne connaissance des particularités liées à la chirurgie mais aussi une capacité à s’adapter en fonction des patients, et une certaine disponibilité envers ces patients opérés qui doivent pouvoir avoir recours à une aide diététique tout au long de leur vie. (Accord professionnel) Que doit-on conseiller aux patientes en cas de désir de grossesse ? Il est recommandé aux femmes d’attendre au moins 18 mois après la chirurgie avant de débuter une grossesse. Plus que le délai, ce qui importe c’est la stabilisation pondérale et la correction des déficits nutritionnels. Un conseil diététique et la vérification du statut nutritionnel, en particulier vitaminique, sont cruciaux avant la grossesse. Ce conseil préconceptionnel vise en particulier à corriger la carence en folates et en fer. Si le diététicien apprend la survenue d’une grossesse chez une patiente opérée, il doit en avertir immédiatement les médecins-nutritionnistes. Pour les anneaux gastriques, on procède souvent à un desserrage complet en début de grossesse : un suivi diététique plus rapproché doit être programmé pour limiter l’augmentation du poids. Dans les cas où l’anneau n’est pas complètement desserré, il faudra être encore plus vigilant à la tolérance digestive que d’habitude. Pendant la grossesse les besoins nutritionnels sont augmentés. Les carences nutritionnelles qui peuvent survenir suite à la chirurgie bariatrique ont des conséquences spécifiques. Les trois priorités sont de prévenir la carence en fer, en folates, et en calcium/vitamine D [23,39,40]. Conclusion Ces recommandations doivent aider les diététiciens et les autres professionnels de santé à mieux positionner le soin diététique dans le cadre de la chirurgie de l’obésité et ce dans un objectif de qualité et de sécurité des soins. Elles peuvent également être le point de départ de réflexion dans le cadre de protocoles de coopération médecin-diététicien afin de proposer au patient une prise en charge nutritionnelle et diététique optimisée de cette chirurgie dans un contexte de pénurie médicale. Le problème du remboursement des consultations diététiques réalisées par le diététicien dans le cadre de cette prise en charge est une réalité. Celle-ci peut limiter l’accès à une prise en charge professionnelle aussi bien en établissement de santé, public ou privé, que dans le secteur libéral. Il est à souhaiter une évolution de ce point notamment dans le cadre de la politique de santé en matière de prise en charge de l’obésité. 186 Ces recommandations ont mis en lumière le petit nombre de publications disponibles sur ce sujet et la nécessité que des recherches soient menées que ce soit pour les actions à mettre en œuvre en préopératoire comme en postopératoire. Ces travaux de recherche pourraient être réalisés par les diététiciens dans le cadre des appels à projets hospitaliers de recherche infirmier et paramédical publiés par la Direction générale de l’offre de soins. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Haute Autorité de santé. Base méthodologique pour l’élaboration de recommandation professionnelle par consensus formalisé. In: Guide méthodologique. Paris: HAS; 2006. [2] Haute Autorité de santé. Consultation diététique réalisée par un diététicien. Paris: HAS; 2006. 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