TEXTE COURT DU RAPPORT D’ÉVALUATION TECHNOLOGIQUE PLACE DE L’IRRADIATION INTRACRÂNIENNE EN CONDITIONS STÉRÉOTAXIQUES (RADIOCHIRURGIE ET RADIOTHÉRAPIE STÉRÉOTAXIQUE) DANS LE TRAITEMENT DE PATHOLOGIES NON CANCÉREUSES TOME I : LES MÉNINGIOMES Novembre 2011 Service Évaluation des actes professionnels Service Évaluation économique et santé publique Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I L’argumentaire scientifique de cette évaluation Ce texte court est téléchargeable sur www.has-sante.fr Haute Autorité de Santé Service documentation – information des publics 2, avenue du Stade de France - F 93218 Saint-Denis La Plaine CEDEX Tél. : +33 (0)1 55 93 70 00 - Fax : +33 (0)1 55 93 74 35 Ce texte court a été validé par le Collège de la Haute Autorité de Santé en novembre 2011. © Haute Autorité de Santé – 2011. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -2- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I ÉQUIPE Pour la partie clinique, le texte court a été réalisé par Mme Nadia ZEGHARI-SQUALLI, chef de projet au service Évaluation des actes professionnels, sous la responsabilité de M. DenisJean DAVID, adjoint au chef de service, et de Mme Sun-Hae LEE-ROBIN, chef de service. Pour la partie médico-économique, le texte court a été réalisé par Mme Anne-Isabelle POULLIE, économiste de la santé, chef de projet au service Évaluation économique et santé publique, sous la responsabilité de M. Olivier SCEMAMA, adjoint au chef de service et de Mme Catherine RUMEAU-PICHON, chef de service. Une partie de l’évaluation, concernant l’analyse des données publiées et l’enquête de pratiques, a été réalisée avec la contribution des prestataires externes : pour la littérature scientifique et médicale, Mme Agnès CHARLEMAGNE de la société CEMKA-EVAL et pour la partie économique, M. Stève BENARD de la société ST[È]VE CONSULTANTS. La recherche documentaire a été effectuée par M. Philippe CANET, documentaliste, avec l’aide de Mme Sylvie LASCOLS, sous la responsabilité de Mme Christine DEVAUD, adjointe au chef de service, et de Mme Frédérique PAGES, chef de service. L’organisation des réunions et le travail de secrétariat ont été réalisés par Mme Stéphanie BANKOUSSOU et Mme Sabrina MISSOUR. _________________________________ Pour tout contact au sujet de ce rapport : Tél. : 01 55 93 71 12 Fax : 01 55 93 74 35 Courriel : [email protected] Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -3- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I TABLE DES MATIÈRES ÉQUIPE .................................................................................................................................. 3 TEXTE COURT DU RAPPORT D’EVALUATION « PLACE DE L’IRRADIATION INTRACRANINNE EN CONDITIONS STEREOTAXIQUES (RADIOCHIRURGIE ET RADIOTHERAPIE STEREOTAXIQUE) DANS LE TRAITEMENT DE PATHOLOGIES NON CANCEREUSES - TOME I : LES MENINGIOMES » .............................................................. 5 Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -4- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I TEXTE COURT DU RAPPORT D’ÉVALUATION « PLACE DE L’IRRADIATION INTRACRÂNIENNE EN CONDITIONS STÉRÉOTAXIQUES (RADIOCHIRURGIE ET RADIOTHÉRAPIE STÉRÉOTAXIQUE) DANS LE TRAITEMENT DE PATHOLOGIES NON CANCÉREUSES – TOME I : LES MÉNINGIOMES » INTRODUCTION L’irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques L’irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques (IICS) comprend : la radiochirurgie stéréotaxique (RC) qui consiste à délivrer une dose élevée en une session unique et la radiothérapie stéréotaxique intracrânienne fractionnée (RTSIF) qui consiste à délivrer une dose totale fractionnée sur plusieurs séances d’irradiation en doses réduites. Les principaux types d’appareils utilisés pour l’irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques se différencient principalement par leurs sources de rayonnement, photon X ou photons gamma. Leksell Gamma Knife (GK) est un système dédié à la radiochirurgie stéréotaxique : il utilise des photons gamma émis par de multiples sources de rayonnement du cobalt 60, et dont les faisceaux convergent vers un foyer unique. Les accélérateurs linéaires émettent des photons X, ils peuvent être utilisés pour l’IICS et pour la radiothérapie conventionnelle. Pour l’IICS, les différents types d’accélérateurs linéaires qui peuvent être utilisés sont : - l’accélérateur linéaire adapté ; - l’accélérateur linéaire dédié ; - le CyberKnife. Demande et champ d’évaluation L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), suite à divers accidents d’exposition de patients à des doses excessives de rayonnements, a saisi la Haute Autorité de Santé (HAS), afin d’évaluer l’efficacité et la sécurité des deux modalités de traitements (radiochirurgie et RTSIF) ainsi que celles des différentes techniques d’irradiation, photons X ou photons gamma, dans les indications non cancéreuses. Concernant la description des pratiques en France, les données sont issues de l’analyse des données de la base PMSI et de l’enquête exhaustive réalisée par la HAS. Peu de patients sont traités par IICS pour des pathologies intracrâniennes non cancéreuses (1 516 patients en tout pour l’année 2009), et seuls quelques centres regroupent la quasi-totalité des traitements. Les méningiomes, les adénomes hypophysaires, les schwannomes vestibulaires, les malformations artério-veineuses cérébrales (MAVc) et les névralgies du trijumeau représentent 90,6 % de ces pathologies. Selon la pathologie, la proportion de patients traités par IICS (radiochirurgie et RTSIF confondues) est variable : elle est de 0,94 % pour l’adénome hypophysaire, de 6,80 % pour Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -5- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I le méningiome, de 9,34 % pour la névralgie du trijumeau, de 17,4 % pour les MAV et de 30,50 % pour le schwannome vestibulaire. Les principales indications non cancéreuses retenues dans le cadre de cette évaluation sont donc : - les méningiomes ; - les malformations artério-veineuses ; - les schwannomes vestibulaires ; - les adénomes hypophysaires ; - les névralgies trigéminales. Chacune de ces indications fait l’objet d’un rapport d’évaluation spécifique. Le présent document est consacré à l’évaluation de l’IICS dans les méningiomes. Méningiome Le méningiome est une tumeur le plus souvent bénigne, d’évolution lente à point de départ méningé, pouvant être intracrânienne ou intrarachidienne. C’est une tumeur rare, mais qui représente 20 % des tumeurs primitives cérébrales. Les méningiomes surviennent généralement à partir de la 5e décennie, il est environ deux fois plus fréquent chez la femme que chez l’homme. Le tableau clinique est varié, il dépend du siège de la tumeur et de son caractère compressif sur les structures cérébrales adjacentes. Les symptômes neurologiques s’installent progressivement, il peut s’agir d’hémiplégie en général non proportionnelle, de troubles sensitifs, de troubles phasiques, de syndrome cérébelleux, etc. Dans le traitement des méningiomes, la chirurgie classique connaît certaines limites qui sont liées à la taille de la tumeur, à sa topographie et à son envahissement osseux. La radiochirurgie ou la radiothérapie fractionnée peuvent être proposées comme alternatives, lorsque la tumeur est située à proximité de zones vulnérables. Objectifs d’évaluation 1. Évaluer les bénéfices des deux modalités, la RC et la RTSIF dans le traitement des méningiomes selon les principaux critères de jugement suivants : le contrôle tumoral et l’évolution des signes cliniques. 2. Évaluer les risques en termes d’incidence des effets indésirables posttraitement. 3. Comparer la balance bénéfice-risques si les données le permettent, entre : l’irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques et les traitements conventionnels de référence ; - la radiothérapie stéréotaxique intracrânienne fractionnée et la radiochirurgie stéréotaxique ; - les différents appareils de radiochirurgie (Gamma Knife, accélérateurs linéaires). - Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -6- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I MÉTHODE D’ÉVALUATION La méthode utilisée pour ce rapport d’évaluation s’est appuyée sur l’analyse critique des données de la littérature scientifique et sur la position de professionnels réunis dans un groupe de travail. Analyse de la littérature L’analyse critique de la littérature a été réalisée à partir d’une recherche documentaire en langue française et anglaise, effectuée par interrogation systématique des bases de données bibliographiques médicales et scientifiques (période de recherche : janvier 2005–mars 2011). Seuls les articles, dont l’effectif est supérieur à 30 patients et dont la durée moyenne ou médiane de suivi des patients est supérieure ou égale à 36 mois, ont été retenus pour l’analyse. Trente articles ont été sélectionnés, dont la majorité correspond à des séries de patients traités par Gamma Knife (17 articles), très peu d’études décrivent les séries traitées par les autres appareils de radiochirurgie (1 CyberKnife, 3 LINAC) et seules 2 études portent sur la RTSIF. Il s’agit principalement de séries rétrospectives monocentriques, descriptives, avec de nombreux éléments d’hétérogénéité entre elles (localisations tumorales, méthode de mesure du volume tumoral, modalité de calcul du contrôle tumoral, durée de suivi, etc.). Elles présentent dans leur ensemble des limites méthodologiques qui ne permettent pas de conclure à un niveau de preuve élevé (niveau IV). Une seule méta-analyse évalue l’efficacité de la radiochirurgie sur 15 études, sans distinction pour la technique de traitement (10 séries traitées par GK et 5 séries traitées par LINAC). Elle regroupe des séries de faible niveau de preuve, très hétérogènes (volume tumoral, délai moyen de suivi, proportion de patients dont la radiochirurgie était réalisée en 1re intention, etc.). La méthode statistique d’analyse des données est décrite selon des principes généraux, sans précision exacte du modèle utilisé. Dans ce contexte, les données analysées ne peuvent être considérées comme méthodologiquement fiables. Il n’existe aucune étude comparative contrôlée qui évalue la radiochirurgie à la RTSIF ou l’une ou l’autre des 2 modalités d’irradiation à la microchirurgie. Les seules études identifiées réalisent des comparaisons indirectes sur des effectifs déséquilibrés et des caractéristiques de patients très différentes, notamment en termes de volume tumoral. Une méta-analyse a réalisé une comparaison indirecte entre différentes modalités de traitement (exérèse chirurgicale partielle, exérèse chirurgicale totale, radiochirurgie [GK, LINAC, protonthérapie]) chez les patients traités pour des méningiomes du sinus caverneux. Elle regroupe en majorité des séries de cas, monocentriques, de faible niveau de preuve. Elle est réalisée selon le modèle d’effet aléatoire, et le principal biais de cette analyse est l’absence de données de volume tumoral dans les études. Les données sont exprimées dans les études en taux global de contrôle tumoral. Il n’existe aucune étude qui compare l’efficacité des différents appareils utilisés en radiochirurgie. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -7- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I Consultation des professions et spécialités concernées La position des professionnels de santé a été recueillie au sein d’un groupe travail (GT), constitué à partir d’une liste d’experts fournie par les différents organismes représentatifs des professionnels. La synthèse des données de la littérature a été présentée et discutée lors de la réunion du GT constitué de dix-neuf experts. L’avis des experts a été recueilli et reporté dans le document final, après validation de tous les membres présents. ANALYSE DE LA LITTÉRATURE L’analyse des données de la littérature montre que la moyenne d’âge des patients se situe entre 48 et 68 ans, avec une prédominance des méningiomes chez la femme. Selon les études, les localisations tumorales sont très variables, et le volume tumoral avant traitement varie de 3,9 à 8 cm3 pour les études de radiochirurgie et à plus de 30 cm3 pour les études de RTSIF. L’efficacité des deux modalités de traitement est évaluée principalement sur des critères de contrôle tumoral1 et d’évolution des signes cliniques. Efficacité de la radiochirurgie Radiochirurgie par Gamma Knife L’efficacité du GK en termes de contrôle tumoral2 est de l’ordre de 90 % dans la majorité des études. Quand il est exprimé en taux actuariel, il est de 87 % à 100 % à 5 ans. Le pourcentage de patients ayant une diminution du volume tumoral après GKS varie de 22 % à 69,7 %. Sur le plan clinique, 43 % à 82 % des patients sont stabilisés. Le taux des patients dont les signes cliniques se sont améliorés varie de 12 % à 51 %. Radiochirurgie par CyberKnife L’efficacité de la chirurgie par CyberKnife est évaluée dans une seule étude rétrospective qui présente des biais méthodologiques. Le taux de contrôle tumoral est de l’ordre de 96,3 % et, sur le plan clinique, 17,5 % des patients ont amélioré les symptômes neurologiques et 79,4 % des patients sont stabilisés. Radiochirurgie par accélérateur linéaire Seules 3 études rétrospectives évaluent l’efficacité de la radiochirurgie par accélérateur linéaire, avec un suivi moyen de 50, 56 et 67 mois. À 5 ans, le taux actuariel est compris entre 96 % et 100 %. La mesure de l’évolution des symptômes neurologiques montre, dans une des études, une amélioration chez 65,5 % des patients qui présentaient des symptômes avant traitement et une stabilité chez 31 %. Dans une autre étude, 39 % des patients qui présentaient des atteintes des paires crâniennes se sont améliorés après traitement. 1 Le contrôle tumoral représente le cumul des patients (en %) ayant une réduction et/ou une stabilité de la tumeur. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -8- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I Méta-analyse : radiochirurgie GK et LINAC Cette méta-analyse évalue l’efficacité de la radiochirurgie dans les méningiomes, sans distinction pour la technique de traitement. Elle regroupe les résultats de dix séries traitées par GK et cinq séries traitées par accélérateur linéaire. En termes de contrôle tumoral, les taux retrouvés sont sensiblement les mêmes que ceux qui se dégagent de l’analyse des articles de radiochirurgie par GK, le taux moyen recalculé est de 89 % (IC95 % : 84,6–92,3). Efficacité de la radiothérapie stéréotaxique fractionnée L’efficacité de la radiothérapie stéréotaxique fractionnée est analysée dans deux études d’un même service allemand, dont probablement les séries se superposent. Le volume moyen des tumeurs traitées est de 33,6 à 35,2 cm3, 44,4 % des patients traités sont en situation de récidive. L’efficacité en termes de contrôle est de 93 % à 100 % dans les deux études. Le pourcentage de patients, ayant une réduction du volume tumoral, varie de 9 % à 36 %. Sur le plan clinique, 66 % des patients ont amélioré leurs symptômes neurologiques. Complications de la radiochirurgie Les principales complications décrites dans les études sont : l’œdème péri-tumoral, l’atteinte des nerfs crâniens (principalement les atteintes du nerf trijumeau), les crises d’épilepsie en général transitoires, les céphalées, l’hypopituitarisme, les troubles de la marche, les troubles visuels. Sur l’ensemble des études analysées, tous appareils confondus, le taux de complications varie de 2,5 % à 10,3 %, à l’exception d’une étude où l’on retrouve un taux de 27 %. Dans une méta-analyse publiée en 2010, le taux global de complications évalué sur l’ensemble des études est de 7 % (IC 95 % : 5,3–9,3). Cependant, dans la majorité des études, le degré de sévérité de même que le caractère transitoire ou permanent des complications ne sont pas renseignés. Complications de la radiothérapie stéréotaxique fractionnée Il est difficile de conclure en termes de sécurité pour cette modalité de traitement, seules deux études réalisées par une même équipe ont été identifiées dans la littérature, et elles mentionnent très peu d’événements indésirables (2,5 %) de même nature que ceux évoqués plus haut pour la radiochirurgie. Risque de cancer radio-induit Aucun cas de cancer radio-induit n’est décrit sur le méningiome. Il est cependant important de noter que très peu d’études portent sur des suivis suffisamment longs pour pouvoir voir apparaître ce type de tumeur. Comparaison des traitements Dans la littérature identifiée, il n’existe aucune étude qui compare les différentes techniques de radiochirurgie entre elles. Radiothérapie stéréotaxique fractionnée versus radiochirurgie stéréotaxique À l’heure actuelle, il n’existe aucune étude fiable, sur le plan méthodologique, qui permette de conclure à une différence ou à une équivalence en termes d’efficacité et de sécurité des deux méthodes. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 -9- Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I Seules deux études rétrospectives non randomisées, déséquilibrées sur l’effectif, comparent la RTSIF à la radiochirurgie. Elles concluent à l’intérêt de la RTSIF, en particulier pour les grosses tumeurs ou les tumeurs proches de structures fragiles (chiasma optique). Une autre étude rétrospective s’est intéressée plus particulièrement à la survenue de complications précoces dans le traitement de méningiomes de la convexité cérébrale ou parasagittaux. Elle a montré que la RTSIF permet de traiter des grosses tumeurs avec un risque de complications inférieur à celui de la radiochirurgie. En revanche, les données sont insuffisantes pour conclure sur les complications à long terme. Une revue de la littérature, publiée fin 2009, recommande la radiochirurgie dans les tumeurs relativement petites, localisées à la base du crâne et loin des structures optiques et la radiothérapie stéréotaxique fractionnée chez les patients présentant des grosses tumeurs à la base du crâne à proximité des structures optiques. Radiochirurgie versus radiothérapie conventionnelle Une seule étude française non randomisée, rétrospective, compare la radiothérapie conventionnelle à la radiochirurgie dans les méningiomes du sinus caverneux. Les deux groupes ne sont pas comparables, en particulier pour le grade histologique et le volume de la tumeur. Radiochirurgie versus microchirurgie Les quelques études identifiées, comparant la radiochirurgie à la microchirurgie, ont une méthodologie discutable. Les caractéristiques des tumeurs sont très différentes entre les deux groupes, notamment en termes de volume et de localisation topographique, ce qui ne permet pas une comparaison méthodologiquement adaptée. Une méta-analyse, publiée en 2010, a réalisé une comparaison indirecte de trois modalités thérapeutiques (exérèse chirurgicale partielle, exérèse chirurgicale totale, radiochirurgie (GK, LINAC, Proton thérapie)) chez des patients traités pour des méningiomes du sinus caverneux. Elle conclut que la radiochirurgie seule permet un meilleur taux de contrôle tumoral, avec un moindre taux de récidives, par rapport à la chirurgie seule, que la résection soit considérée comme complète ou subtotale. Le principal biais de cette analyse réside dans le manque de données sur le volume tumoral, seules les données compilées en termes de contrôle tumoral sont disponibles dans les articles analysés. Place de l’IICS dans la stratégie thérapeutique La revue de la littérature permet de dégager les points suivants : 1. Le traitement chirurgical : est le traitement de référence. 2. La combinaison radiochirurgie et résection chirurgicale maximale permet d’améliorer le pronostic fonctionnel dans les méningiomes de la base du crâne. 3. La radiochirurgie est indiquée dans le cas des tumeurs situées dans des zones non accessibles à la chirurgie conventionnelle ou en prévention des complications secondaires. Elle est contre-indiquée si le méningiome est situé au contact du nerf optique ou du chiasma optique ou si ces structures sont internalisées dans la lésion. 4. La radiothérapie fractionnée en condition stéréotaxique permet de délivrer des doses unitaires moindres et, donc théoriquement, de limiter les complications ; elle est proposée en cas de localisation dans des tissus ophtalmiques. 5. Le traitement médical avant IICS fait appel principalement aux corticoïdes. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 - 10 - Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I Conclusion de l’analyse de la littérature Les données cliniques d’efficacité et de sécurité de la radiochirurgie et de la radiothérapie stéréotaxique intracrânienne fractionnée dans le traitement des méningiomes sont issues en majorité d’études de faible niveau de preuve. Il s’agit pour la plupart de séries monocentriques avec des patients aux caractéristiques très variables, notamment dans les localisations tumorales et des durées de suivi médian. Les méthodes de mesure du volume tumoral, les modalités de calcul du contrôle tumoral, la durée du suivi des patients et le mode de prise en compte des perdus de vue est également très variable d’une étude à l’autre. Cette évaluation met par ailleurs en évidence le manque de données prospectives comparatives. Il n’a été identifié dans la littérature aucune étude contrôlée comparative qui permette de comparer la radiochirurgie ou la RTSIF à la chirurgie qui est le traitement de référence. Aucune étude ne compare les techniques de radiochirurgie entre elles ou la radiochirurgie à la RTSIF. La radiochirurgie est la modalité de traitement la plus documentée avec dix-sept articles de traitement par Gamma Knife, trois articles pour la radiochirurgie par LINAC et une métaanalyse qui rapporte les résultats d’efficacité sans distinction pour la technique de traitement ; elle a analysé dix études Gamma Knife et cinq études LINAC. Bien que les séries de radiochirurgie par Gamma Knife soient les plus décrites dans la littérature, la qualité méthodologique de ces études impose d’être prudent dans les conclusions en termes de bénéfice et de risque de ce traitement. En considérant les limites méthodologiques évoquées plus haut, il est néanmoins possible de faire une synthèse des résultats sur les points suivants : 1. les résultats sont assez homogènes en termes d’efficacité, le taux de contrôle tumoral (réduction ou stabilité du volume tumoral) est obtenu chez 84 % à 100 % des patients. Quand il est exprimé en taux actuariel, il peut atteindre 99 % à 5 ans et 92 % à 10 ans. La réduction du volume tumoral peut être obtenue chez 22 % à 69,7 % des patients. 2. du point de vue de la sécurité, bien que les modalités de description des événements indésirables soient très disparates d’une étude à une autre, le taux de complications est le plus souvent inférieur à 10 %. Les complications les plus fréquentes sont l’œdème cérébral, qui peut être symptomatique ou non, des atteintes des paires crâniennes, des céphalées ou des crises d’épilepsie. Elles sont en général réversibles, et dépendent de la localisation de la tumeur et donc de la zone irradiée. La radiothérapie stéréotaxique intracrânienne fractionnée est très peu décrite dans la littérature, seulement deux études d’un même service, dont probablement les séries se superposent. Cette modalité de traitement semble être réalisée dans le cas des grosses tumeurs et des tumeurs localisées à proximité du chiasma optique, mais la qualité méthodologique et le faible nombre des articles publiés ne permettent pas de conclure sur son efficacité et sa sécurité. Concernant la comparaison des modalités et techniques thérapeutiques : Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 - 11 - Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I - il est difficile de conclure quant à l’efficacité de la radiochirurgie par rapport au traitement de référence qu’est la chirurgie. Les seules études identifiées réalisent des comparaisons indirectes sur des groupes de patients avec des caractéristiques non comparables. - aucune des trois études identifiées dans la littérature ne permet de conclure sur une différence ou équivalence en matière d’efficacité et de sécurité des deux modalités de traitement RC et RTSIF ; - aucune étude n’a été identifiée comparant l’efficacité des différents appareils de radiochirurgie (GK, LINAC, CyberKnife). POSITION DES PROFESSIONNELS Le groupe d’experts confirme la faiblesse méthodologique des données de la littérature, et souligne la nécessité de mener des études contrôlées pour évaluer l’efficacité des traitements. Cependant, dans la pratique médico-chirurgicale, le choix thérapeutique se fait au cas par cas en fonction de l’environnement neurologique, des caractéristiques cliniques et du choix du patient. Il est difficile dans ce contexte de réaliser une étude comparative randomisée. Le groupe a conclu qu’une étude rétrospective multicentrique et bien conduite serait déjà un plus afin de mieux décrire l’efficacité et les complications de la radiochirurgie dans le traitement des méningiomes en France. La question d’une étude comparative pourrait néanmoins être considérée pour les méningiomes asymptomatiques dans lesquels il y a un véritable enjeu à savoir s’il vaut mieux : - l’abstention et la surveillance ; - un traitement chirurgical d’emblée ; - un traitement par radiochirurgie. La discussion générale des membres du groupe de travail a aboutit aux conclusions suivantes : Concernant l’efficacité 1 - Les méningiomes sont des tumeurs qui évoluent très lentement, une période minimale de 3 ans de suivi est nécessaire pour évaluer l’efficacité d’un traitement. 2 - Le critère de jugement d’efficacité doit être un critère composite associant l’absence de progression de la tumeur (contrôle tumoral) à l’absence d’apparition de symptômes nouveaux. 3 - Le contrôle IRM doit comporter systématiquement une analyse volumétrique pour apprécier avec fiabilité la différence de volume avant et après traitement. 4 - La chirurgie est le traitement de référence pour les méningiomes qui sont des tumeurs bénignes et de progression lente. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 - 12 - Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I 5 - Les critères les plus importants dans le choix de la modalité de traitement sont : - le mode de révélation de la lésion ; - la situation clinique du patient ; - la topographie et le volume lésionnel ; - le potentiel évolutif estimé sur plusieurs contrôles IRM successifs. 6 - La radiochirurgie est devenue un traitement clé dans la prise en charge des méningiomes et non une prise en charge palliative. 7 - Le GT estime que les données actuelles permettent de conclure à l’efficacité de la radiochirurgie et de la radiothérapie stéréotaxique en termes de contrôle tumoral. 8 - Les méningiomes qui sont une indication pour la radiochirurgie sont : - les méningiomes de la base du crâne et les méningiomes de la convexité situés à proximité des sinus, ils sont difficilement accessibles par chirurgie, ils progressent plus rapidement et s’accompagnent de troubles cliniques. - les méningiomes qui sont « enclos » dans le sinus. Pour ces méningiomes, les seules alternatives possibles sont le simple suivi ou la radiochirurgie en première intention. - les méningiomes pétroclivaux pour lesquels il est possible d’atteindre une réduction complète du volume tumoral par RC. Mais dans cette indication, la question est : faut-il traiter d’emblée une tumeur qui n’entraîne aucune symptomatologie ou attendre que la tumeur grossisse ou devienne symptomatique, mais également plus difficile à opérer ? Pour ces méningiomes, il est également possible de traiter par RTSIF. Pour les méningiomes parasagittaux, le potentiel d’agressivité est important, la tendance est de pratiquer une exérèse au départ, complétée par une radiochirurgie si l’exérèse est incomplète. Pour les méningiomes de petit volume, asymptomatiques, plusieurs stratégies sont possibles : - radiochirurgie vs histoire naturelle ; - radiochirurgie vs microchirurgie ; - radiochirurgie vs radiothérapie conformationnelle ; - radiochirurgie vs RTSIF. Dans ce contexte, la décision de traiter par une modalité ou une autre est une décision pluridisciplinaire. Concernant les complications Pour la radiochirurgie, les principales complications sont souvent asymptomatiques, il peut s’agir : d’œdèmes post-traitement qui sont régressifs et/ou d’aggravation transitoire de l’épilepsie. Pour la RTSIF, les complications peuvent être liées à l’état fonctionnel du nerf optique, il est donc préférable de réaliser une OCT (Optical Coherence Tomography – tomographie en cohérence optique) avant et après traitement, afin de pouvoir différencier entre l’état initial et les effets de la RTSIF. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 - 13 - Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I Concernant la comparaison des différentes techniques Les membres du groupe de travail considèrent que c’est une velléité de vouloir comparer les différentes techniques. Concernant la place de l’IICS dans la stratégie thérapeutique Le groupe de travail considère que la décision de traitement d’un méningiome et le choix de la modalité thérapeutique doivent être pris de façon collégiale et multidisciplinaire, en impliquant toutes les spécialités (neurochirurgien, neurologue, neuroradiologue, radiothérapeute, radiophysicien, ophtalmologues, ORL, endocrinologues, etc.), qui peuvent évaluer ensemble les risques et les chances d’efficacité de chaque modalité de traitement (chirurgie, radiochirurgie ou RTSIF). L’IICS peut être le seul traitement possible quand les méningiomes ne sont pas opérables. Elle peut représenter une alternative à l’abord chirurgical ou s’envisager d’emblée dans un cadre de traitement multimodalités associant chirurgie et irradiation. En résumé - Le méningiome est une tumeur qu’il ne faut pas hésiter à opérer quand les conditions chirurgicales sont bonnes. - S’il reste un résidu après exérèse, il faut traiter par radiochirurgie si la lésion est petite, bien définie dans l’espace et distincte des structures visuelles. - Dans le traitement des méningiomes par radiochirurgie ou radiothérapie stéréotaxique, le volume tumoral n’est pas le principal critère de choix, l’environnement fonctionnel détermine le choix de l’une ou l’autre des deux modalités thérapeutiques. - Pour un méningiome développé à proximité des voies visuelles (chiasma ou nerf optique), si la lésion est au contact direct des voies visuelles, il est préférable de proposer une radiothérapie stéréotaxique fractionnée. CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES En s’appuyant sur l’analyse des données de la littérature identifiée (de faible niveau de preuve et très hétérogène en ce qui concerne la population, les critères de jugement et le suivi) et sur la position du groupe de travail, l’irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques est une modalité possible dans la prise en charge thérapeutique des méningiomes. Les autres options thérapeutiques sont la microchirurgie, la radiothérapie conformationnelle et la surveillance avec traitement médical. L’irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxique peut être proposée : - dans des situations où la chirurgie ne peut pas être proposée. C’est notamment le cas lorsque la localisation du méningiome récuse la chirurgie ou si le patient présente des contre-indications à une intervention chirurgicale. Dans ce cas, le choix entre radiochirurgie et radiothérapie stéréotaxique fractionnée dépend de la localisation du méningiome et de ses caractéristiques ; Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 - 14 - Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I la radiochirurgie est à privilégier pour les méningiomes relativement petits, aux contours bien définis, localisés à la base du crâne et éloignés des voies visuelles (chiasma ou nerf optique) ; la radiothérapie stéréotaxique intracrânienne fractionnée est à privilégier pour les gros méningiomes et/ou en cas de proximité ou de contact avec les voies visuelles. - en complément d’une chirurgie pour traiter un résidu d’exérèse lorsque le résidu est petit, bien défini dans l’espace et distinct des structures visuelles ; c’est la radiochirurgie stéréotaxique qui est alors utilisée. Il existe peu des données sur la sécurité à long terme de l’utilisation de cette technique. Un suivi régulier et à long terme des patients traités est recommandé, notamment pour acquérir plus de données sur les tumeurs pouvant apparaître en territoire irradié. Dans tous les cas, la décision de recourir à une irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques doit être prise après une concertation pluridisciplinaire, avec une représentation des spécialités impliquées dans la prise en charge des patients présentant un méningiome (neurochirurgien, neurologue, neuroradiologue, radiothérapeute, radiophysicien, ophtalmologues, ORL, endocrinologues). Le choix entre les différentes modalités de traitement ne doit pas se faire par défaut de disponibilité humaine ou technique. Compte tenu du faible niveau de preuves des études, du caractère rétrospectif de la majorité des études publiées, il est nécessaire de réaliser des études prospectives multicentriques, avec un protocole clair qui définit pour les méningiomes, les critères d’inclusion des patients, les critères de jugement de l'efficacité, de la sécurité et des coûts, ainsi que les outils spécifiques d’évaluation de l’efficacité. Haute Autorité de Santé / SEAP – SEESP / novembre 2011 - 15 - Irradiation intracrânienne en conditions stéréotaxiques : les méningiomes – Texte court du Tome I Toutes les publications de la HAS sont téléchargeables sur Haute Autorité de Santé /www.has-sante.fr SEAP – SEESP / novembre 2011 - 16 -