http://portaildoc.univ-lyon1.fr Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0) http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr NIER (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2016 N° CONNAISSANCES ET REPRESENTATIONS DES MEDECINS TRAITANTS DE LA DOUBLE PRISE EN CHARGE MEDICALE DE LEURS PATIENTS SOURDS AVEC UNE UNITE D’ACCUEIL ET DE SOINS POUR LES SOURDS ETUDE QUALITATIVE À PARTIR D’ENTRETIENS SEMI-DIRIGÉS DE MEDECINS TRAITANTS DE PATIENTS SOURDS SIGNANTS SUIVIS DANS L’UNITE D’ACCUEIL ET DE SOINS POUR LES SOURDS DU CHU DE GRENOBLE THESE DE MEDECINE GENERALE Présentée à l’Université Claude Bernard - Lyon 1 et soutenue publiquement le 9 juin 2016 pour obtenir le grade de Docteur en Médecine par NIER Fanny Née le 3 mars 1987 à Grenoble (38) NIER (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1 ___________________ 2015-2016 . Président de l'Université François-Noël GILLY . Président du Comité de Coordination des Etudes Médicales François-Noël GILLY . Directeur Général des Services Alain HELLEU SECTEUR SANTE UFR DE MEDECINE LYON EST Doyen : Jérôme ETIENNE UFR DE MEDECINE ET DE MAIEUTIQUE LYON SUD - CHARLES MERIEUX Doyen : Carole BURILLON INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES (ISPB) Directeur : Christine VINCIGUERRA UFR D'ODONTOLOGIE Doyen : Denis BOURGEOIS INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE READAPTATION (ISTR) Directeur : Yves MATILLON DEPARTEMENT DE FORMATION ET CENTRE DE RECHERCHE EN BIOLOGIE HUMAINE Directeur : Anne-Marie SCHOTT SECTEUR SCIENCES ET TECHNOLOGIES UFR DE SCIENCES ET TECHNOLOGIES Directeur : Fabien DE MARCHI UFR DE SCIENCES ET TECHNIQUES DES ACTIVITES PHYSIQUES ET SPORTIVES (STAPS) Directeur: Yannick VANPOULLE POLYTECH LYON Directeur : Emmanuel PERRIN I.U.T. LYON 1 Directeur : Christophe VITON INSTITUT DES SCIENCES FINANCIERES ET ASSURANCES (ISFA) Directeur : Nicolas LEBOISNE OBSERVATOIRE DE LYON Directrice : Isabelle DANIEL ECOLE SUPERIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’EDUCATION (ESPE) Directeur : Alain MOUGNOTTE NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Faculté de Médecine Lyon Est - Liste des enseignants 2015/2016 Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Classe exceptionnelle Echelon 2 Cochat Cordier Etienne Gouillat Guérin Mauguière Ninet Philip Rivoire Rudigoz Pierre Jean-François Jérôme Christian Jean-François François Jacques Thierry Michel René-Charles Pédiatrie Pneumologie ; addictologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Chirurgie digestive Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale Neurologie Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement ; médecine générale ; addictologie Cancérologie ; radiothérapie Cancérologie ; radiothérapie Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Classe exceptionnelle Echelon 1 Blay Borson-Chazot Claris Denis Disant Douek Finet Gaucherand Guérin Lehot Lermusiaux Martin Mellier Michallet Miossec Morel Mornex Moulin Neyret Nighoghossian Ninet Obadia Ovize Ponchon Pugeat Revel Rode Terra Thivolet-Bejui Vandenesch Jean-Yves Françoise Olivier Philippe François Philippe Gérard Pascal Claude Jean-Jacques Patrick Xavier Georges Mauricette Pierre Yves Jean-François Philippe Philippe Norbert Jean Jean-François Michel Thierry Michel Didier Gilles Jean-Louis Françoise François Zoulim Fabien Cancérologie ; radiothérapie Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Pédiatrie Ophtalmologie Oto-rhino-laryngologie Radiologie et imagerie médicale Cardiologie Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Réanimation ; médecine d’urgence Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Urologie Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Hématologie ; transfusion Immunologie Biochimie et biologie moléculaire Pneumologie ; addictologie Nutrition Chirurgie orthopédique et traumatologique Neurologie Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Physiologie Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Radiologie et imagerie médicale Médecine physique et de réadaptation Psychiatrie d’adultes ; addictologie Anatomie et cytologie pathologiques Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Première classe André-Fouet Barth Berthezene Bertrand Beziat Boillot Braye Breton Chassard Chevalier Colin Colombel Cottin D’Amato Delahaye Devouassoux Di Fillipo Ducerf Dumontet Durieu Edery Fauvel Guenot Gueyffier Guibaud Herzberg Honnorat Kodjikian Krolak Salmon Lachaux Lina Mabrut Mertens Mion Morelon Mure Négrier Négrier Nicolino Picot Roy Ruffion Ryvlin Xavier Xavier Yves Yves Jean-Luc Olivier Fabienne Pierre Dominique Philippe Cyrille Marc Vincent Thierry François Mojgan Sylvie Christian Charles Isabelle Charles Patrick Jean-Pierre Marc François Laurent Guillaume Jérôme Laurent Pierre Alain Bruno Jean-Yves Patrick François Emmanuel Pierre-Yves Claude Marie-Sylvie Marc Stéphane Pascal Alain Philippe Cardiologie Chirurgie générale Radiologie et imagerie médicale Pédiatrie Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Chirurgie digestive Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ; brûlologie Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Cardiologie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Urologie Pneumologie ; addictologie Psychiatrie d’adultes ; addictologie Cardiologie Anatomie et cytologie pathologiques Cardiologie Chirurgie digestive Hématologie ; transfusion Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement ; médecine générale ; addictologie Génétique Thérapeutique ; médecine d’urgence ; addictologie Neurochirurgie Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique ; addictologie Radiologie et imagerie médicale Chirurgie orthopédique et traumatologique Neurologie Ophtalmologie Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement ; médecine générale ; addictologie Pédiatrie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Chirurgie générale Anatomie Physiologie Néphrologie Chirurgie infantile Hématologie ; transfusion Cancérologie ; radiothérapie Pédiatrie Parasitologie et mycologie Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication Urologie Neurologie NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Schaeffer Scheiber Schott-Pethelaz Tilikete Truy Turjman Vallée Vanhems Vukusic Laurent Christian Anne-Marie Caroline Eric Francis Bernard Philippe Sandra Biologie cellulaire Biophysique et médecine nucléaire Epidémiologie, économie de la santé et prévention Physiologie Oto-rhino-laryngologie Radiologie et imagerie médicale Anatomie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Neurologie Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Seconde Classe Allaouchiche Argaud Aubrun Badet Bessereau Boussel Calender Chapurlat Charbotel Chêne Cotton Dargaud Dubernard Ducray Dumortier Fanton Faure Fellahi Ferry Fourneret Gillet Girard Gleizal Guyen Henaine Hot Huissoud Jacquin-Courtois Janier Javouhey Juillard Jullien Lejeune Merle Michel Monneuse Nataf Peretti Pignat Poncet Raverot Bernard Laurent Frédéric Lionel Jean-Louis Loïc Alain Roland Barbara Gautier François Yesim Gil François Jérome Laurent Michel Jean-Luc Tristan Pierre Yves Nicolas Arnaud Olivier Roland Arnaud Cyril Sophie Marc Etienne Laurent Denis Hervé Philippe Philippe Olivier Serge Noël Jean-Christian Gilles Gérald Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Réanimation ; médecine d’urgence Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Urologie Biologie cellulaire Radiologie et imagerie médicale Génétique Rhumatologie Médecine et santé au travail Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Radiologie et imagerie médicale Hématologie ; transfusion Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Neurologie Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Médecine légale Dermato-vénéréologie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Maladie infectieuses ; maladies tropicales Pédopsychiatrie ; addictologie Pédiatrie Pneumologie Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Chirurgie orthopédique et traumatologique Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Médecine interne Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Médecine physique et de réadaptation Biophysique et médecine nucléaire Pédiatrie Néphrologie Dermato-vénéréologie Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Chirurgie générale Cytologie et histologie Nutrition Oto-rhino-laryngologie Chirurgie générale Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Ray-Coquard Richard Rossetti Rouvière Saoud Souquet Thaunat Thibault Wattel Isabelle Jean-Christophe Yves Olivier Mohamed Jean-Christophe Olivier Hélène Eric Cancérologie ; radiothérapie Réanimation ; médecine d’urgence Physiologie Radiologie et imagerie médicale Psychiatrie d’adultes Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Néphrologie Physiologie Hématologie ; transfusion Professeur des Universités - Médecine Générale Letrilliart Moreau Laurent Alain Professeurs associés de Médecine Générale Flori Lainé Zerbib Marie Xavier Yves Professeurs émérites Baverel Bozio Chayvialle Daligand Descotes Floret Gharib Neidhardt Petit Sindou Touraine Trepo Trouillas Viale Gabriel André Jean-Alain Liliane Jacques Jean-Pierre Daniel Claude Jean-Pierre Paul Marc Jean-Louis Christian Jacqueline Jean-Paul Physiologie Cardiologie Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Médecine légale et droit de la santé Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie Droz Cancérologie ; radiothérapie Pédiatrie Physiologie Anatomie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Neurochirurgie Néphrologie Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Cytologie et histologie Réanimation ; médecine d’urgence Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers Hors classe Benchaib Bringuier Dubourg Germain Jarraud Jouvet Le Bars Mehdi Pierre-Paul Laurence Michèle Sophie Anne Didier Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale Cytologie et histologie Physiologie Physiologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Anatomie et cytologie pathologiques Biophysique et médecine nucléaire Normand Persat Jean-Claude Florence Médecine et santé au travail Parasitologie et mycologie NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Pharaboz-Joly Piaton Rigal Sappey-Marinier Streichenberger Timour-Chah Voiglio Marie-Odile Eric Dominique Dominique Nathalie Quadiri Eric Biochimie et biologie moléculaire Cytologie et histologie Hématologie ; transfusion Biophysique et médecine nucléaire Anatomie et cytologie pathologiques Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique ; addictologie Anatomie Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers Première classe Ader Barnoud Bontemps Chalabreysse Charrière Collardeau Frachon Cozon Escuret Hervieu Kolopp-Sarda Lesca Lukaszewicz Maucort Boulch Meyronet Pina-Jomir Plotton Rabilloud Ritter Roman Tardy Guidollet Tristan Vlaeminck-Guillem Florence Raphaëlle Laurence Lara Sybil Sophie Grégoire Vanessa Valérie Marie Nathalie Gaëtan Anne-Claire Delphine David Géraldine Ingrid Muriel Jacques Sabine Véronique Anne Virginie Maladies infectieuses ; maladies tropicales Anatomie et cytologie pathologiques Biophysique et médecine nucléaire Anatomie et cytologie pathologiques Nutrition Anatomie et cytologie pathologiques Immunologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Anatomie et cytologie pathologiques Immunologie Génétique Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication Anatomie et cytologie pathologiques Biophysique et médecine nucléaire Biochimie et biologie moléculaire Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication Epidémiologie, économie de la santé et prévention Physiologie Biochimie et biologie moléculaire Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Biochimie et biologie moléculaire Maîtres de Conférences – Praticiens Hospitaliers Seconde classe Casalegno Confavreux Curie Duclos Phan Rheims Rimmele Schluth-Bolard Simonet Vasiljevic Venet Jean-Sébastien Cyrille Aurore Antoine Alice Sylvain Thomas Caroline Thomas Alexandre Fabienne Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Rhumatologie Pédiatrie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Dermato-vénéréologie Neurologie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Génétique Biologie cellulaire Anatomie et cytologie pathologiques Immunologie Maîtres de Conférences associés de Médecine Générale NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Farge Figon Thierry Sophie 8 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2016 N° CONNAISSANCES ET REPRESENTATIONS DES MEDECINS TRAITANTS DE LA DOUBLE PRISE EN CHARGE MEDICALE DE LEURS PATIENTS SOURDS AVEC UNE UNITE D’ACCUEIL ET DE SOINS POUR LES SOURDS ETUDE QUALITATIVE À PARTIR D’ENTRETIENS SEMI-DIRIGÉS DE MEDECINS TRAITANTS DE PATIENTS SOURDS SIGNANTS SUIVIS DANS L’UNITE D’ACCUEIL ET DE SOINS POUR LES SOURDS DU CHU DE GRENOBLE THESE DE MEDECINE GENERALE COMPOSITION DU JURY : - Président : - Membres : Pr Laurent LETRILLIART Pr Olivier CLARIS Pr Liliane DALIGAND Dr Benoit MONGOURDIN Dr Marie CLAVEL, directrice de thèse NIER Fanny Née le 3 mars 1987 à Grenoble (38) 9 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) REMERCIEMENTS A MESSIEURS ET MESDAMES, MEMBRES DU JURY : - Monsieur le Professeur LETRILLIART Je vous suis très reconnaissante de l’honneur que vous me faites en acceptant de présider ce jury de thèse. Je vous remercie d’avoir accepté d’évaluer mon travail. Soyez assuré de mon profond respect. - Monsieur le Professeur CLARIS Je vous suis très reconnaissante d’avoir accepté d’être membre de ce jury, et suis sensible à l’honneur que vous me faites en acceptant d’apporter votre regard sur ce travail. Soyez assuré de mon profond respect. - Monsieur le Professeur DALIGAND Je vous suis très reconnaissante d’avoir accepté d’être membre de ce jury, et de porter votre jugement sur ce travail. Soyez assuré de mon profond respect. - Madame le Docteur CLAVEL, ma directrice de thèse Merci tout d’abord à l’amie qui a accepté de diriger cette thèse. Merci de m’avoir guidée tout au long de ce travail, et de m’avoir apporté ton regard et ton expérience sur ce sujet. Merci pour ta disponibilité, ton professionnalisme, ta gentillesse et tes conseils bienveillants, tant sur le plan professionnel que personnel. J’espère que ce travail sera à la hauteur de ta confiance, et que notre collaboration ne fait que commencer. - Monsieur le Docteur MONGOURDIN C’est un honneur de t’avoir dans mon jury. Merci pour tes conseils avisés, ton soutien et ton écoute face à mes doutes et mes questionnements. D’un chef de service, tu es devenu un ami, et j’espère pouvoir continuer à travailler à tes côtés et à m’enrichir de ton expérience. Sois assuré de ma profonde reconnaissance. 10 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) AUX MEDECINS GENERALISTES INTERVIEWES : Merci à tous d’avoir pris le temps de me recevoir, et d’avoir répondu à mes questions lors des entretiens. Merci de m’avoir livré vos expériences et ressentis sur ce sujet. A TOUS LES PROFESSIONNELS DES UNITES RENCONTRES DURANT MA FORMATION : Merci à toutes les équipes des services par lesquels je suis passée, en tant qu’externe puis interne, de m’avoir apporté conseils, soutien, et de m’avoir fait confiance. Merci de m’avoir fait partager la vision de vos différents métiers et l’importance du prendre soin de l’autre. A MES MAITRES DE STAGE : Ils m’ont fait partager leur passion pour la médecine générale. Au Dr BOYER qui m’a rappelé l’importance de la sémiologie clinique, de l’écoute attentive des patients, et au Dr BISMUTH pour qui j’ai été sa première interne, qui m’a confié son cabinet en toute sérénité, merci. Merci de vos accueils chaleureux et de vos enseignements paternalistes. A MES AMIS : A Claire et Mathieu, je me souviendrai de ces journées de révisions des ECN, qui furent le début d’une heureuse et très sincère amitié. Les révisions ont laissé place aux sorties et aux soirées, avec Mathilde et Benjamin qui nous ont rejoints pour partager ces moments. Les amis, vous serez tous les quatre (non… bientôt cinq) toujours les bienvenus à la maison et pour les filles, rendez-vous au « Jardin du thé » pour une pause thé et gourmandise ! A Cécile et Nabil, la « cardioteam » ainsi qu’à Lucile, Yanis, Katarina et Noémie. Merci pour ce semestre montilien, pour nos soirées partagées qui firent passer ce semestre bien vite, loin de mon homme et de mes montagnes grenobloises. A Annabelle et Mattia, Maxence et Aurélie, David et Agathe, Maxime et Omide. Nos amitiés d’Erasmus me sont très chères, et malgré la distance, tachons de garder contact. 11 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) A Charlotte, Delphine, Elodie, Héloïse, nos chemins se sont éloignés depuis l’internat mais je garde en mémoire nos si nombreux souvenirs ! A Eva et Laura, merci pour vos conseils pour ce travail et pour nos échanges autour de la prise en charge de patients sourds. Aux amis grenoblois, à l’ « ABENIM » et à tous les autres, merci tout simplement d’être là et de partager votre amitié et votre bonne humeur. A MA FAMILLE : - A mes parents, vous qui m’avez guidée, soutenue, fait confiance et qui m’avez toujours encouragée dans mes différents projets. Grace à votre amour, j’ai grandi en toute sérénité, je me suis épanouie et construite afin d’être la femme que je suis aujourd’hui. Maman, merci pour tes nombreuses relectures de mon charabia bourré de fautes et de mes phrases à rallonge. Merci pour tous tes conseils et ton écoute attentive. Comme l’a dit Marie, tu as été ma deuxième directrice de thèse ! Papa, Maman, je vous aime et suis fière d’être votre fille ! - Mon Thib, les moments où nous faisions du Hockey dans le couloir de l’appart sont révolus, et c’est maintenant en Ardèche près d’un bon méchoui, que nous continuons à partager ces instants complices entre frère-soeur. Marlène, tu es une belle-soeur géniale, et tu nous as fait une jolie et magnifique petite poulette ! Gros bisous à vous trois ! - A ma grand-mère, je suis très heureuse de pouvoir te présenter ce travail et que tu puisses assister à cette soutenance que tu attends avec tant de fierté depuis si longtemps. Je t’embrasse fort. - A ma belle-famille : merci de m’avoir accueillie avec autant de gentillesse. - A mes grands-parents défunts : Jean et Simone NIER, André BIGARD, malgré vos absences, vous m’accompagnez par la pensée et êtes particulièrement présents le jour de ma soutenance. - Mon cœur. Merci pour ton amour, ta confiance, ta patience et ton soutien. Notre histoire a su tenir malgré l’éloignement imposé par l’internat, et depuis nos retrouvailles, j’apprécie chaque moment passé à tes côtés. Merci de savoir me faire sentir unique et aimée. Je t’aime +++ A tous et à toutes, un sincère et réel merci ! 12 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) LE SERMENT D'HIPPOCRATE Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la Médecine. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination. J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance. Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au-dessus de mon travail. Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne provoquerai délibérément la mort. Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque. 13 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) LISTE DES ABREVIATIONS ANESM Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des établissements et Services sociaux et Médico-sociaux ARS Agence Régionale de Santé AVC Accident Vasculaire Cérébral CHU Centre Hospitalier Universitaire CLIMA CLInique de Médecine Ambulatoire CNIL Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés DHOS Direction de l’Hospitalisation et de l’Offre de Soins DU Diplôme Universitaire HAS Haute Autorité de Santé HDJ Hôpital de Jour IME Institut Médico Educatif INPES Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé LSF Langue des Signes Française MDPH Maison Départementale des Personnes Handicapées MIGAC Missions d’Intérêt Général et d’Aide à la Contractualisation OMS Organisation Mondiale de la Santé ORL Oto Rhino Laryngologie PCH Prestation de Compensation du Handicap SFMG Société Française de Médecine Générale SIDA Syndrome d'ImmunoDéficience Acquise UASS Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds 14 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) RESUME Connaissances et représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds avec une Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds (UASS) Contexte : En France, un patient sourd a la possibilité d’être suivi par un médecin traitant et par un médecin d’une UASS, configuration unique d’une double prise en charge médicale en médecine générale. Objectif : Identifier les connaissances et représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds avec l’UASS de Grenoble. Méthode : Etude qualitative par entretiens individuels semi-dirigés. 14 médecins traitants de patients sourds signants suivis dans l’UASS de Grenoble ont été interviewés, après échantillonnage dirigé. Résultats : Les médecins interrogés s’accordent sur l’importance des compétences linguistiques, et la pluridisciplinarité de l’équipe. Ils perçoivent l’unité comme une structure adaptée à la prise en charge médico-psycho-sociale et à la gestion de situations complexes. Ils attribuent aux médecins de l’UASS des rôles de centralisation, de coordination des soins. Si certains médecins considèrent cette double prise en charge médicale comme « partagée », quelques uns la perçoivent comme deux prises en charge « parallèles », et d’autres s’interrogent sur l’efficience d’une prise en charge « unique ». Le manque de communication entre médecins traitants et médecins de l’UASS constitue l’élément limitant ce partage de prise en charge. Conclusion : La promotion des UASS, et l’amélioration de la communication entre médecins constituent deux enjeux essentiels pour une double prise en charge médicale partagée, garantissant aux patients sourds une coordination de leurs parcours de soins. Mots clés : Patients sourds – Médecins traitants – UASS – Double prise en charge médicale – Langue des signes – Communication 15 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) SOMMAIRE PREAMBULE------------------------------------------------------------------------------------------ 18 INTRODUCTION ------------------------------------------------------------------------------------- 19 MATERIEL ET METHODE ------------------------------------------------------------------------ 25 Méthode 25 Population étudiée 25 Déroulement des entretiens 25 Le canevas d’entretien 26 Le chercheur 26 Collecte et analyse des données 26 RESULTATS ------------------------------------------------------------------------------------------- 27 Résultats globaux 27 Analyse transversale 1. RELATION MEDECIN TRAITANT – PATIENT SOURD A. Le suivi B. La communication C. Qualité de la relation médecin traitant – patient sourd D. Réalité socio-culturelle 29 29 29 30 31 33 2. CONNAISSANCES ET REPRESENTATIONS DES UASS A. Connaissance du suivi du patient sourd dans l’UASS de Grenoble B. Connaissance de l’existence des UASS en France C. Connaissance de la composition et du fonctionnement de l’UASS de Grenoble D. Représentation de l’activité de l’UASS de Grenoble E. Réflexion des médecins traitants au sujet de l’UASS de Grenoble 34 34 34 35 37 40 3. CONNAISSANCES ET REPRESENTATIONS DES MEDECINS TRAITANTS DE LA DOUBLE PRISE EN CHARGE MEDICALE DE LEURS PATIENTS SOURDS 41 A. Connaissances des échanges entre médecins traitants et médecins de l’UASS de Grenoble 41 B. Intégration de la double prise en charge médicale dans la pratique des médecins traitants 41 C. Implications de la double prise en charge médicale 42 D. Représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds 44 4. VERS UNE EVOLUTION DES PRATIQUES A. Propositions d’amélioration de la connaissance de l’UASS de Grenoble 45 45 16 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) B. Propositions d’amélioration de la relation médecins traitants - médecins de l’UASS de Grenoble 46 C. Propositions d'amélioration de la prise en charge médicale de la population sourde 46 DISCUSSION ------------------------------------------------------------------------------------------- 48 CONCLUSION ----------------------------------------------------------------------------------------- 57 BIBLIOGRAPHIE ------------------------------------------------------------------------------------- 61 ANNEXES ----------------------------------------------------------------------------------------------- 64 Annexe 1 : Liste des Unités d’Accueil et de Soins pour les Sourds 64 Annexe 2 : Document de synthèse de recherche à l’intention des médecins traitants de patients sourds suivis dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble 69 Annexe 3 : Canevas d’entretien 70 Annexe 4 : Fiche technique d’information à destination des médecins extérieurs au pôle d’accueil et de prise en charge en LSF pour les personnes sourdes 72 Annexe 5 : Entretien 1 (22’38) 73 Annexe 6 : Entretien 2 (21’02) 81 Annexe 7 : Entretien 3 (22’48) 87 Annexe 8 : Entretien 4 (22’04) 96 Annexe 9 : Entretien 5 (16’33) 104 Annexe 10 : Entretien 6 (24’26) 111 Annexe 11 : Entretien 7 (25’11) 120 Annexe 12 : Entretien 8 (17’13) 129 Annexe 13 : Entretien 9 (5’25) 135 Annexe 14 : Entretien 10 (23’40) 139 Annexe 15 : Entretien 11 (20’43) 147 Annexe 16 : Entretien 12 (18’07) 156 Annexe 17 : Entretien 13 (16’32) 164 Annexe 18 : Entretien 14 (19’49) 171 17 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) PREAMBULE Etant jeune, lorsque l’on me demandait quel métier je désirais faire plus tard, je répondais : « travailler avec des personnes sourdes et malentendantes ou chercheur en médecine ». Aujourd’hui, j’ai réussi à associer les deux. J’ai suivi des études médicales, et orienté ma pratique de médecine générale vers les personnes sourdes. D’où me vient cet intérêt pour la médecine et la Langue des Signes Française (LSF) ? Ce sont très certainement des évènements personnels, tels que la maladie incurable d’une grand-mère et mes propres difficultés dans l’apprentissage du français oral, qui ont influencé cette orientation. Au cours de mes études de médecine, j’ai appris que « le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire, et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. »1 Certes, à l’Examen Classant National, ces mots clefs « information loyale, claire et appropriée » permettent de gagner des points, mais ces mots avaient pour moi une signification toute particulière. Comme l’écrit Michel POIZAT, psychanalyste français : « Qui n'a pas ressenti cette gêne un jour en présence d'un sourd ? Incapable de lui transmettre la moindre information, stupide, paralysé, impuissant à communiquer l'information. On reste sans voix, on ne transmet pas l'information ou bien on se contente de la répéter bêtement, toujours de la même manière incompréhensible pour notre interlocuteur. »2 Avec la langue des signes française, j’ai découvert une pratique de la médecine différente de celle que j’avais pu observer jusque là, plus imagée et gestuelle. Ne vous étonnez donc pas si un jour, lors d’une consultation, vous me voyez parler avec mes mains ! 1 Article 35 du Code de Déontologie Médicale. M. La Voix Sourde : La société face à la surdité. Janv 1996. p291. 2 POIZAT 18 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) INTRODUCTION Il existe en France 7 056 000 personnes présentant au moins une déficience auditive, ce qui représente 11,2 % de la population. 182 000 sont Sourdes3, soit 0,3% de la population et 51 000 pratiquent la LSF. (2) D’un point de vue strictement médical, la surdité est définie par « une diminution très importante ou une inexistence totale de l'audition, qu'elle soit congénitale ou acquise. » (3) Elle est considérée comme une déficience sensorielle, touchant l’organe de l’audition, alors considéré comme un organe malade. Il existe, dans la littérature médicale, différentes classifications selon le niveau d’atteinte de l’oreille (surdité de transmission, de perception ou mixte), le seuil audiométrique (surdité légère, moyenne, sévère, profonde), l’âge d’acquisition (période pré-linguale, péri-linguale, post-linguale) ou l’étiologie (congénitale, infectieuse, traumatique, tumorale, métabolique, auto-immune, toxique, iatrogène). (4) (5) Sur les 51 000 personnes locutrices de la langue des signes, plus de la moitié (29 000) sont devenues sourdes avant l’âge de 6 ans (période pré-linguale). (2) Indépendamment de la définition médicale de la surdité, une question se pose : la surdité peutelle être considérée comme un handicap ? D’un point de vue législatif, l’article 2 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, (6) rappelle les droits fondamentaux des personnes handicapées et donne une définition du handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. » Cette loi s’inscrit dans un contexte sociétal actuel où les personnes sourdes ou malentendantes, du fait de leur surdité, sont identifiées comme des personnes handicapées. La 3 Nous parlerons des Sourds avec un « S » majuscule pour désigner les sourds en tant que personne, en tant que réalité sociologique et anthropologique. Nous utiliserons le mot sourd avec un « s » minuscule pour désigner le sens physiologique du terme telle que la déficience auditive, comme le définit B. MOTTEZ. (1) 19 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) surdité, considérée alors comme une altération de la fonction sensorielle de l’audition, serait assimilée à une « anomalie » à laquelle correspondrait donc une norme. Mais à quelle norme ? A la norme des entendants ? Comme le précise B. MOTTEZ, cela dépend du référentiel socio-culturel. « Le handicap, à l’inverse de la déficience est très rigoureusement un produit de l’organisation sociale. » (1) De même, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) aborde la notion de handicap selon le schéma dit « séquence de WOOD », schématisée de la façon suivante : Maladie ! Déficience ! Incapacité ! Désavantage - La « maladie » est à l’origine la chaîne. Elle relève du diagnostic et d’un traitement. - La « déficience », qui résulte en général d’une maladie ou d’un traumatisme, est la perte ou le dysfonctionnement d’un organe ou d’une partie du corps. - L’« incapacité » est la difficulté ou l’impossibilité à réaliser des actes élémentaires ou complexes de la vie quotidienne. - Le « désavantage », terme préféré au handicap, désigne les difficultés ou impossibilités que rencontre une personne à remplir les rôles sociaux auxquels elle peut aspirer dans sa vie quotidienne. Mais dans une situation de communication entre une personne sourde signante et une personne entendante s’exprimant en langue orale, pour qui est le désavantage ? Pour B. MOTTEZ, « il faut être au moins deux pour qu’on puisse parler de surdité. La surdité est un rapport. C’est une expérience nécessaire partagée ». (1) On peut alors parler de « handicap partagé » car chacun connaît une incapacité à comprendre l’autre, et la personne entendante autant que la personne sourde a besoin d’une adaptation dans la communication. L’intervention d’un interprète en langue des signes permet alors de lever cet obstacle linguistique. Dans les années 80, B. MOTTEZ a désigné la population Sourde, avec un grand S, comme « une population en situation de handicap », et non pas comme des personnes handicapées. (1) La plupart des Sourds ne se reconnaissent pas dans la notion de personne handicapée. Loin de considérer la surdité comme une maladie, comme une « différence à la norme » ou « un déficit par rapport à un état physiologique normal », elle est considérée comme un atout, une spécificité, un élément identitaire, quelque chose de plus qui ceint la communauté sourde : « Être Sourd c'est appartenir à une communauté et partager une même 20 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) culture. » (1) B. MOTTEZ met en avant la problématique d’un « être » plutôt que d’un « avoir » concernant la surdité : « Ils sont Sourds mais n’ont pas de handicap. » (1) Selon lui, l’handicap auditif est la conséquence sociale d’une surdité, surdité à ne pas considérer comme une maladie, mais comme une situation de handicap, souvent invisible. Le Docteur J. DRAGON écrit à ce sujet : « La surdité est une bulle de verre invisible qui isole du reste de la société. » (7) En s’intéressant à l’Histoire des Sourds et de leur langue, la langue des signes apparaît comme la langue de vie et la langue maternelle de la population sourde. Cette langue à part entière possède un système de symboles, un lexique, une syntaxe et des règles grammaticales qui lui sont propres. Cependant, elle n’a pas toujours été reconnue comme telle. Après son interdiction en 1880 lors du Congrès de Milan, ce n’est qu’en 1991, qu’elle fut à nouveau autorisée en France, après le vote de la « Loi Fabius ». Sa reconnaissance officielle comme langue à part entière date de 2005. Tout comme leur langue, la place des Sourds dans la société n’a pas toujours été reconnue à travers les siècles. Au VIème siècle, le Code Justinien ne permettait pas aux Sourds de disposer ni de leur personne ni de leurs biens, et des curateurs leur étaient imposés. (8) Ils obtinrent le droit de se marier à partir du XIIème siècle. Un statut juridique équivalent à celui des Entendants leur a été attribué en 1804, grâce au Code Napoléon, qui les reconnait enfin comme des êtres « capables ». (9) Même si aujourd’hui les Sourds ont acquis les mêmes droits que n’importe quel autre citoyen, il persiste cependant certaines formes de discrimination au sein de notre société entendante. Les problèmes de compréhension souvent rencontrés chez les Sourds, ne sont généralement pas dûs à des difficultés de langage, encore moins à une quelconque déficience intellectuelle, mais plus à un manque de connaissance générale. Le français n’étant pas considéré comme la langue maternelle de la plupart des Sourds, sa maîtrise orale et/ou écrite n’est bien souvent que partielle. Les Sourds sont très souvent exclus des messages de communication, et souffrent d’un accès difficile et restreint à la culture environnante. A cela s’ajoute un enseignement bien trop souvent focalisé sur l'apprentissage du français, oral comme écrit, plutôt que sur l'acquisition des savoirs. 21 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Dans le domaine de la santé, ces discriminations apparaissent sous la forme d’un accès aux soins limité, d’une exclusion des campagnes d’éducation et de prévention, entrainant une sous médicalisation et des retards diagnostiques chez la population sourde. (10) Ces dernières années, la France a initié un combat contre ces discriminations. L’intégration sociale et la prise en charge des personnes sourdes et malentendantes se sont développées notamment grâce à la promulgation d’un certain nombre de lois. Le rapport D.GILLOT, « Le Droit des Sourds » de juin 1998 (11), mission d’analyse et de propositions des différentes problématiques rencontrées par la population sourde dans leur réalité du quotidien, développe 115 propositions afin de répondre au mieux aux besoins spécifiques liés au handicap surdité. L’une des propositions de ce rapport a été la création de réseaux de professionnels de santé bilingues articulés autour de pôles hospitaliers, futures Unités d’Accueil et de Soins pour les Sourds (UASS). La loi du 11 février 2005 (6) apporte différentes mesures pour les personnes en situation de handicap, dont la création des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), la mise en place d’aides humaines et techniques (interprètes en langue des signes, réveils lumineux, sonnettes lumineuses, etc.) grâce à la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) « Art. L.114.1 », et la reconnaissance de la langue des signes française comme langue à part entière « Art. L.312-9-1 ». Sous l’impulsion du Dr J. DAGRON, un premier centre d’accueil pour les Sourds voit le jour à la Pitié-Salpêtrière à Paris, en 1995, afin de faire face, à l’époque, à l’épidémie du SIDA (Syndrome d’ImmunoDéficience Acquise) qui a touché de façon prépondérante la population sourde par manque de connaissance médicale sur le virus. Cette première permanence a confirmé l’inquiétante carence de soins de cette population : « Une population mal soignée est ainsi devenue visible. » (12) S’aidant de cette initiative, le Ministère de la Santé décida en 2000, la création d’Unités d’Accueil et de Soins pour patients Sourds en langue des signes (UASS), palliant l’utilisation exclusive du français oral dans le domaine de la santé. A ce jour, 20 UASS, dont 4 unités en santé mentale, ont été créées (Annexe 1). Financées par l’Agence Régionale de Santé (ARS) dans le cadre des Missions d’Intérêt Général et d’Aide à la Contractualisation (MIGAC), ces 22 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) unités permettent aux personnes sourdes ou malentendantes une adaptation de leur parcours de soins. Leur objectif est d’offrir à ces personnes une communication médecin/patient directe, de leur permettre de bénéficier d’une compréhension optimale des soins et des pathologies, condition indispensable du consentement éclairé, et de développer un travail en réseau de santé, à l’échelle locale, puis régionale, afin de garantir un meilleur accès aux soins. La circulaire de la Direction de l’Hospitalisation et de l’Offre de Soins (DHOS) d’avril 2007 (13) définit de façon précise les missions, l’organisation et le fonctionnement de ces unités. Les équipes qui y travaillent sont pluridisciplinaires, constituées de médecins généralistes et/ou de psychiatres, de psychologues, d’interprètes diplômés, de secrétaires médicales, d’intermédiateurs (professionnels sourds, ces derniers vérifient l’intelligibilité des discours entre les deux cultures entendante et sourde). Ces unités sont transversales, bilingues LSFFrançais, multidisciplinaires, mixtes regroupant des professionnels sourds et entendants. Ces unités dispensent un accueil personnalisé et offrent une prise en charge médicale individualisée. Elles participent à des missions d’appui à caractère social et de prévention, et facilitent l’adaptation du parcours de soins du patient. Les médecins généralistes de ces unités, communément appelés « médecins signeurs », proposent des consultations de médecine générale en LSF, collaborent avec les médecins spécialistes et les équipes soignantes de leur structure hospitalière. Ils constituent également le lien avec le médecin traitant du patient, conformément aux dispositions de la circulaire DHOS de novembre 2005. (14) En effet, cette dernière précise les conditions du parcours de soins coordonné du patient dans lesquelles le patient sourd peut continuer à être suivi et par son médecin traitant (conformément à la loi du 13 août 2004 relative à la réforme de l'Assurance Maladie), et par le médecin correspondant d’une UASS afin de conserver une proximité géographique et une proximité linguistique. Une personne sourde a donc cette possibilité de consulter le médecin d’une UASS, en accès direct, c'est-à-dire d’elle-même, sans pénalités financières. Cette double prise en charge par deux médecins généralistes constitue une spécificité dans le domaine de la médecine générale. La place du médecin traitant comme médecin référent se voit bousculer par cette nouvelle configuration, qui d’une dualité médecin – patient devient une relation à trois : médecin traitant – médecin UASS – patient. 23 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Plusieurs travaux de thèse de médecine générale ont été menés ces dernières années sur la prise en charge médicale de la population sourde. Certains étaient orientés du côté des médecins généralistes amenés à prendre en charge des patients sourds, les interrogeant sur leurs rapports avec ces derniers en consultation. (15) D’autres travaux se sont penchés sur le vécu de ces consultations par le patient sourd lui-même. (16) (17) Cependant, aucun travail n’a été mené jusqu’à présent sur cette spécificité de double prise en charge médicale : médecins traitants – médecins UASS. L’objectif de cette étude est d’identifier, à travers la réalisation d'entretiens semi-dirigés, les connaissances et représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds, avec l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. 24 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) MATERIEL ET METHODE Méthode Une méthode qualitative par entretiens individuels, semi-dirigés, à l’aide d’un canevas d’entretien, a été choisie pour cette étude. Cette méthode paraît la plus appropriée dans ce contexte, car son objectif est d’aider à la compréhension de phénomènes sociaux dans leur cadre naturel. Elle permet d’explorer et d’analyser des données descriptives, telles que des paroles orales ou écrites. Cette approche s’inscrit ainsi dans une vision globale de la prise en charge multidisciplinaire de la population sourde. Population étudiée La population étudiée a été sélectionnée par échantillonnage dirigé, parmi les médecins traitants des patients Sourds signants ayant un suivi médical régulier (patients de plus de 16 ans, consultant au moins de façon biannuelle et depuis plus de 2 ans) dans l’UASS du CHU de Grenoble. Il a été exclu les médecins traitants : - des patients entendants ; - des patients sourds signants suivi exclusivement sur le plan psychologique et/ou sur le plan de l’intermédiation ; - faisant partie de l’UASS de Grenoble ou d’une autre UASS. Déroulement des entretiens Après contact téléphonique, des entretiens individuels anonymes ont été réalisés sur la période du 1er juillet au 31 décembre 2015, date à laquelle la saturation des données a été obtenue. Tous les entretiens se sont déroulés dans la région Rhône-Alpes : onze sur le lieu d’activité des médecins, un dans un restaurant, un à domicile et un par téléphone à la demande du médecin. Un document de synthèse de recherche (Annexe 2) a été remis à chaque interviewé en main propre avant le début de l’entretien, et le consentement éclairé de chaque participant a été recueilli oralement. Les entretiens ont été menés avec une certaine neutralité attentive, afin de ne privilégier ou minimiser aucun aspect de la discussion. 25 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Le canevas d’entretien Un canevas d’entretien (Annexe 3) a servi de guide et a été modifié au fil de la recherche et du recueil des données. Après une présentation mutuelle du médecin interviewé et de l’enquêteur, cinq axes de recherche ont été développés : - Relation médecin traitant - patient sourd - Connaissances et représentations des UASS - Perception des intérêts et limites de l'unité pour le médecin traitant - Perception des intérêts et limites de l'unité pour le patient - Relation entre médecin traitant et UASS de Grenoble Le chercheur Le chercheur présente un conflit d’intérêt, puisqu’il travaillait durant la période de l’étude dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Collecte et analyse des données L’étude a été menée jusqu’à saturation des données marquant la fin du recueil. Chaque entretien a été enregistré à l’aide d’un dictaphone, retranscrit manuellement sur informatique via le logiciel Word, puis effacé afin de préserver la fidélité et la confidentialité des données recueillies. Des notes de terrain ont été prises par l’investigateur pendant les entretiens. Pour chaque entretien, les verbatims retranscrits ont fait l'objet d'une analyse manuelle thématique ou « codage », afin d’en dégager les idées maîtresses. La mise à disposition de la retranscription informatique des entretiens a été proposée aux interviewés, constituant ainsi une validation réactive des données. Une triangulation des données a été réalisée avec le directeur de thèse. L’accord de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) fut recherché, mais cette étude ne présentant pas de données nominatives de patients, cette dernière ne fut pas nécessaire. En revanche, l’autorisation de contacter leurs médecins traitants fut recueillie en langue des signes pour les patients concernés. 26 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) RESULTATS Résultats globaux 34 médecins ont été contactés par téléphone. 20 ont refusé d’être interviewés : 14 refus sans explication, 2 refus pour suivi médical insuffisant et 4 refus pour fin du suivi du patient. Au final, 14 médecins ont participé à cette étude. Graphique 1 : Flow Chart La population étudiée est composée de 10 hommes et 4 femmes, âgés en moyenne de 50 ans (de 33 ans à 61 ans), tous libéraux à l’exception d’un médecin salarié dans une maison de santé. (M5) Leurs cabinets sont implantés sur 4 départements différents (Ain, Drôme, Isère, Savoie) et distants en moyenne de 49,6 Km de l’UASS du CHU de Grenoble (2 Km à 148 Km). La durée des entretiens varie de 5 minutes à 25 minutes, avec une moyenne de 19’54 minutes. 27 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) La durée du suivi des patients par leur médecin traitant varie de 3 à 34 années, avec une moyenne de 9 années. La durée du suivi de ces mêmes patients par l’UASS du CHU de Grenoble varie de 2 à 10 années, avec une moyenne de 5,2 années. Département Distance CabinetUASS (km) Durée du suivi par médecin traitant (ans) Durée du suivi par UASS (ans) Conditions de réalisation de l’entretien Durée de l’entretien (minutes) Médecin Sexe Tranche d’âge (ans) M1 H 50-54 Isère 60-70 10 6 Cabinet 22’38 M2 H 40-44 Isère 0-10 3 2 Cabinet 21’02 M3 F 40-44 Isère 40-50 6 2 Cabinet 22’48 M4 F 35-39 Isère 40-50 6 7 Restaurant 22’04 M5 H 40-44 Drôme 60-70 7 2 Cabinet 16’33 M6 H 55-59 Isère 20-30 12 10 Cabinet 24’26 M7 H 55-59 Ain 140-150 5 6 Cabinet 25’11 M8 H 60-64 Isère 0-10 11 6 Cabinet 17’13 M9 H 55-59 Isère 40-50 3 9 Téléphone 5’25 M10 H 60-64 Isère 10-20 34 8 Cabinet 23’40 M11 H 40-44 Isère 30-40 6 3 Cabinet 20’43 M12 H 55-59 Savoie 80-90 11 6 Cabinet 18’24 M13 F 30-35 Isère 110-120 4 3 Domicile 16’32 M14 F 55-59 Isère 0-10 6 5 Cabinet 19’49 Tableau 1 : Caractéristique des entretiens 28 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Analyse transversale 1. RELATION MEDECIN TRAITANT – PATIENT SOURD A. Le suivi > Nombre de patients sourds suivis Le nombre de patients sourds signants dans la patientèle des médecins interrogés varie entre 1 à 5 patients, individus isolés ou membres d’une même famille. Seul un médecin, qui travaille dans un Institut Médico Educatif (IME) pour enfants sourds, suit entre 30 à 50 patients sourds. > Fréquence du suivi Les médecins reconnaissent avoir des suivis réguliers « oui, régulier, tous les trimestres grosso modo » (M6), ou occasionnels « je ne vois que de manière très épisodique » (M3), « c'est vraiment quand ils ont besoin » (M1). > Différents motifs de consultation Pour la majorité des médecins interrogés, les patients sourds les consultent pour des pathologies courantes bénignes « c’était pour des problèmes somatiques » (M3), « de la bobologie » (M5), la rédaction de « certificats médicaux » (M1 et M12). D’autres estiment prendre en charge des pathologies chroniques « il vient souvent ici quand il faut surveiller les problèmes habituels » (M2), ou encore « le renouvellement des ordonnances » (M1). A l’exception de deux médecins (M1 et M2), l’ensemble des interviewés s’accordent sur leur rôle de gestion des urgences « je pense qu’en cas d’urgence, il sait où me trouver » (M3), « ce qu’elle trouve ici c’est en grande partie ce côté prise en charge en urgence » (M14). Dans ces situations, ils estiment avoir moins besoin de communiquer « ça devait être pour des trucs aigus qui pouvaient se régler vite (…) Il n’y avait pas besoin de beaucoup échanger. En le voyant je comprenais ce qui se passait. » (M13). > Choix du médecin traitant Quelques médecins reconnaissent que leurs patients sourds viennent au cabinet médical pour une raison de proximité géographique « j’ai un côté un peu pratique dans le sens où pour eux, ils peuvent venir chez moi à pied me voir. Ils ne sont pas obligés de prendre les transports 29 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) etc. » (M1), « moi je suis le médecin plus de proximité » (M4), « la proximité (…) géographique, c’est l’accès aux soins » (M11). Par l’intermédiaire de la prise en charge de leurs enfants, d’autres médecins évoquent le suivi des parents sourds « quand il vient pour son fils, je le vois lui » (M4). Plusieurs pensent que le choix de leurs patients à être suivi par leurs soins se justifie par leur « disponibilité » (M13) avec : - L’existence d’une permanence de soins : « il y a toujours quelqu’un qui peut prendre la suite au cabinet, (…) ils peuvent voir l’un des collègues » (M3). - Une plus grande amplitude horaire : « on a une disponibilité peut-être horaire qui est plus importante ! » (M6). - La possibilité de « créneaux d’urgence » (M3) : « on a toujours des créneaux où on peut prendre des gens même dans la journée » (M14). - La possibilité de visite à domicile : « moi de venir chez eux » (M6). - La possibilité de consultation sans rendez-vous : « la commodité ! Enfin, l’accès en fait, puisque je consulte sans rendez-vous » (M11). Certains interviewés mentionnent la personnalité du médecin comme un élément influençant le choix du médecin traitant « ça dépend peut-être aussi du médecin qui est en face. J’essaye de… de ne pas être trop stressant, d'avoir de l'humour » (M1). B. La communication > Différents moyens de communication Les médecins interviewés expliquent avoir recours à quatre modes de communication lors des consultations avec leurs patients sourds. - Le mode le plus fréquent est la communication orale accompagnée de la lecture labiale « il faut autrement parler effectivement lentement, très doucement, très fort, il faut qu’elle lise sur les lèvres » (M7), « elle lit sur les lèvres, donc en fait moi je m’adresse à elle en me mettant bien face à elle » (M14). - Certains utilisent l’écrit et le dessin pour se faire comprendre « on communique par l’intermédiaire de… de petits mots, qu’on écrit » (M12), « par l’écrit, ça sera plus par des dessins à la rigueur qu’on va associer (…) en se servant soit d’un support, soit d’un dessin papier, et même maintenant d’un support internet » (M11). 30 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) - Quatre médecins emploient une communication gestuelle « alors, c’est vrai qu’on parle un peu à l’italienne (…) Je lui montrais le geste » (M10), « j’utilise des signes pour dire ou demander des choses et il semble que visiblement, ils comprennent, même si ce n’est pas les signes conventionnels ! » (M6). - Trois des médecins interrogés ont effectué une consultation en présence d’une tierce personne, soit avec un interprète professionnel « un traducteur (…) un professionnel » (M6), soit avec un membre de la famille « elle est quand même très souvent accompagnée par l’un de ses enfants (…) qui fait la traduction, lui parle avec le langage des signes » (M14). > Qualité de la communication La majorité des médecins affirment avoir un niveau de communication et de compréhension satisfaisant « j’ai l’impression qu’on se comprend bien » (M5), « avec de la patience, on s’en sort ! » (M7). Cependant, plusieurs médecins évoquent certaines limites « la communication fine était difficile » (M8), « vraiment très rudimentaire » (M10), « je me limite à une communication simple (…) on a une communication qui est beaucoup plus basique » (M14). Le médecin 12 ajoute « il y avait des choses que l’on n’arrivait pas à se dire ». > Modalités de prise de rendez-vous Pour la prise de rendez-vous, un médecin utilise le fax « quand il veut un rendez-vous, il me faxe une demande » (M1), d’autres le téléphone portable « c’est par téléphone portable avec SMS » (M3), « les mails » (M2) ou encore une plateforme téléphonique « il est arrivé qu’elle téléphone par le biais d’un organisme qui retransmet sa parole quand elle prend des rendezvous par téléphone » (M9). C. Qualité de la relation médecin traitant – patient sourd > Différents aspects de la relation Bien que quelques médecins déclarent avoir une bonne relation avec leurs patients sourds « là ça se passe très bien » (M1), d’autres ressentent des difficultés « c’est vrai qu’on n’est pas très très à l’aise » (M10), « parce que c’est pas facile ! (…) Parce que moi je suis un petit peu… un petit peu perdu quand je les vois » (M12). - La principale difficulté rencontrée se situe sur le plan de la communication « j’étais un peu limite dans la communication » (M10), « c’était difficile pour lui de s’exprimer 31 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) ici » (M3), « peut-être qu’il ne vient pas me voir parce que moi je peux pas, je sais pas parler la langue des signes » (M13). Le médecin 6 déclare : « je comprends très bien que ce… ce handicap… soit pour eux un frein à la relation avec moi ! ». - Plusieurs médecins soulèvent la problématique d’une consultation en présence d’une tierce personne « le fait de discuter avec un interprète à côté, de faire l’examen clinique en présence d’un interprète, moi je me sentais gênée (…) peut-être que lui aussi n’a pas pu forcément exprimer tout ce qu’il voulait, parce que c’est très difficile de… voilà… révéler son intimité » (M3), « elle est venue pour des plaintes gynécologiques et avec son fils par exemple, on peut pas l’examiner physiquement comme on ferait avec une patiente ordinaire » (M7), « ça pourrait poser un peu problème surtout si on n’a pas envie que les enfants prennent le relai » (M14). - Certains mentionnent l’allongement de la durée des consultations « quand les patients sont sourds, c’est souvent une demi-heure, car c’est plus long ! Je ne peux pas me permettre de rallonger à l’infini » (M1), « ce sont des consultations à rallonge (…) qui décalent le rythme normal » (M7). - D’autres reconnaissent une nuisance sonore « ça présente une gêne parce que les gens de la salle d’attente peuvent entendre si on est obligé d’hurler » (M7), « ça peut être très bruyant d'ailleurs » (M1). - Enfin, une partie des médecins s’accorde sur le sentiment d’une prise en charge incomplète et imparfaite des patients sourds « on n’est jamais assez complet (…) c’est souvent assez grossier (…) j’ai eu l’impression de ne pas aller jusqu’au bout des choses » (M10), « je pense que le suivi, bon est pas tout à fait… correct (…) j’ai l’impression de ne pas être, de ne pas faire du travail correct » (M12), « il y avait un malaise dans sa prise en charge globale et… je pense qu’elle s’est pas sentie prise en charge complètement ici » (M7). Le médecin 3 souligne la difficulté qu’il a eu d’initier une prise en charge psychologique « c’était très difficile de proposer un soutien psychologique », et le médecin 10 reconnaît sa capacité d'action comme étant limitée « parce que nous, quand on les voit, on peut pas s’occuper de ça ! ». > Statut du médecin traitant Bien que les médecins interrogés ont été choisis et déclarés médecins traitants par leurs patients, ils ne perçoivent pas leur statut de la même manière. Certains se considèrent plutôt comme le médecin référent « le patient compte tout de même vraiment sur moi, et notamment pour déclencher les choses (…) Je reste le référent. » (M1), d’autres plutôt comme le médecin 32 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) de famille « il aura peut-être plus confiance en moi, plus comme un médecin de famille » (M4), ou encore comme le médecin de premier recours « je pense que c’est surtout un accès comme tout le monde, je dirais, au médecin généraliste, qui est quand même le premier interlocuteur. » (M11). Le médecin 3 émet une nuance en précisant qu’en tant que médecin traitant, son rôle est d’être « le chef d’orchestre, le centralisateur » mais que, pour son patient, il se considère plutôt comme le médecin de dépannage « ce patient, je le vois que très ponctuellement. Je suis plutôt là pour le dépanner. Je ne suis pas son médecin traitant à proprement parler ». D. Réalité socio-culturelle > Une réalité linguistique Parmi les médecins interrogés, plusieurs ont conscience de la barrière linguistique engendrée par la surdité, et des difficultés de compréhension qui en découlent « ils ont des phrases très bien faites où je pensais qu’ils comprenaient bien le français, et en fait, je pense pas sur tout » (M1), « quand j’ai l’impression que le patient comprend bien, peut-être que, en fait il y a des parties qu’il ne comprend pas, ou ne montre pas, ou ne demande pas » (M2), « avec une personne entendante des fois le discours médical (…) on se rend compte que le message n’est pas très bien passé, alors en plus, quand il y a le frein de la langue c’est… c’est terrible ! » (M3), « la difficulté de compréhension… elle est énorme ! » (M12). > Une réalité identitaire A propos de la culture Sourde, deux médecins établissent une comparaison avec des familles d’origine étrangère. Le médecin 1 suit une famille yougoslave et exprime « j’ai eu un problème avec des yougoslaves. Je les sentais très stressés, j’ai voulu faire un peu d’humour, ils l’ont très mal pris, parce qu’ils n’ont pas compris mon humour, ils ont cru que je me foutais d’eux. Et donc, il faut faire gaffe. C’était simplement une histoire d’incompréhension ». Quant au médecin 3, il compare l’identité culturelle de la population sourde à celle de patients anglais qu’il suit « finalement c’est un peu pareil qu’avec les patients anglais que je reçois. Je vois bien que pour un patient, c’est toujours plus facile de s’exprimer dans sa langue maternelle, pour pouvoir aussi bien exprimer ses symptômes, son mal être, comprendre aussi derrière ce qu’on va lui faire, ce qu’on lui propose. (…) J’ai des patients qui viennent me voir parce qu’ils se sentent plus à l’aise de parler en anglais (…) ils reviennent pour qu’on en 33 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) rediscute, et pour eux c’est vraiment un élément qui les rassurent, ils se sentent plus compris et ils comprennent mieux au retour ce qui leur arrive, et ça leur permet d’être acteur dans leur santé. » > Retentissement social Les idées de difficultés sociales liées à la surdité, « des conséquences que ça peut engendrer » (M7), sont évoquées par plusieurs médecins « je pense que la vie ça doit être compliquée pour ces patients là ! » (M4), « sur le plan social, (…) toutes les démarches sont compliquées ! » (M10), « j’imagine qu’ils n’ont pas un accès aux services administratifs bien facile ! » (M7). 2. CONNAISSANCES ET REPRESENTATIONS DES UASS A. Connaissance du suivi du patient sourd dans l’UASS de Grenoble Dix des quatorze médecins interrogés ont connaissance du suivi de leurs patients dans l’UASS grenobloise. Certains ont eu un contact téléphonique « c’est le médecin de l’unité qui m’a appelée » (M4), d’autres ont reçu des courriers « j’ai su assez vite parce que… j’ai reçu un courrier » (M8), ou ont été informés directement par leur patient « c’est le patient qui m’en a parlé » (M2). Plusieurs médecins évoquent avoir déjà échangé, avec leurs patients sourds, sur le suivi réalisé dans l’UASS « c’est vrai que quand je le vois, je lui demande si justement il a vu le médecin de l’hôpital, s’il lui en a parlé » (M2), « quand je la vois, je lui demande si elle a les ordonnances » (M7) ou encore « je leur dis que j'ai reçu un courrier » (M1). B. Connaissance de l’existence des UASS en France > UASS de Grenoble Avant que leurs patients sourds soient pris en charge par cette unité, aucun des médecins interrogés ne connaissait son existence « je vous avoue que je ne connaissais pas, (…) je ne connaissais même pas l’existence de l’unité des sourds » (M8), « c’est elle qui m’a fait découvrir le truc » (M11). 34 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) > UASS en France Tous les médecins affirment ne pas connaître d’autres UASS en France, même si certains supposent leur existence (M1 et M14) « euh… non, je ne sais pas. Moi je viens de Nancy, je n’en ai pas entendu parler de cela » (M2), « j’en ai jamais entendu parler, pourtant je lis beaucoup la presse médicale et les articles classiques, mais j’ai jamais entendu parler de structures comme ça ! » (M10). C. Connaissance de la composition et du fonctionnement de l’UASS de Grenoble > Fonctionnement de l’unité Certains médecins déclarent ne pas connaître le fonctionnement de l’unité « je sais que ça existe, mais je ne connais pas comment ça fonctionne (…) non je ne sais pas ! » (M5), « j’en sais strictement rien (…) Sincèrement, je sais pas du tout, j’en ai aucune idée ! » (M9). D’autres considèrent ce service comme une unité hospitalière « j’imagine que ça marche comme un autre service de l’hôpital » (M7), « finalement, c’est une unité comme une autre, c’est juste que les gens sont sourds » (M13). Un médecin pense qu’il s’agit d’une unité d’hospitalisation de jour « c’est de l’HDJ ! » (M4), un autre s’interroge « c’est un service d’ORL ? » (M10), et un dernier envisage une unité de consultations de spécialité « disons, qu’elle passe par des consultations spécialisées » (M7). Plusieurs médecins lui attribuent une activité de médecine générale « oui, c’est de la médecine générale » (M11), « j’imagine que c’est comme un cabinet de consultations de médecine générale » (M3). Un médecin l’imagine comme étant une plateforme téléphonique aidant les patients sourds à la prise de rendez-vous « je reçois des coups de téléphone pour me dire de prendre des rendez-vous, (…) c’est une plateforme » (M12). Le médecin 14 s’interroge sur certains points d’activité de cette dernière, notamment sur les modalités de suivi des patients « comment ça se fait que madame X ne soit pas suivie là-bas tout le temps et à quel moment elle est rentrée dans cette structure ? » ou encore sur la notion de permanence de soins et de délai de prise en charge « je ne sais pas quel est le, la facilité de rendez-vous qu’ils ont dans ce centre ? Est-ce qu’ils prennent les gens en urgence, ou alors s’il y a des longs délais, comment ça se passe ? ». 35 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) > Composition de l’équipe Selon certains médecins, l’équipe serait composée de « médecins, des traductrices en langue des signes, et je pense qu’il doit même y avoir des psychologues, des assistantes sociales » (M4), « des infirmières » (M1, M6, M8), « il doit y avoir des orthophonistes… des ORL » (M10), « des psychiatres » (M13), « c’est pluridisciplinaire ! » (M6). Pour d’autres, il y aurait également des acteurs sociaux pour « tout ce qui est social, intégration, aide dans la société, toutes les aides diverses et variées que peut avoir besoin le patient du fait de son handicap » (M11), « des gens qui s’occupent un petit peu de leur vie au quotidien (…) des personnes qui s’occupent de l’aménagement intérieur de l’appartement (…) l’intégration des enfants » (M14). Quelques médecins s’interrogent sur les compétences linguistiques des professionnels de cette unité « alors, ils ont appris la langue des signes, ces médecins ? (M10), « j’imagine que ça serait un médecin qui pratique la langue des signes » (M3), tandis que la plupart en ont conscience « c’est un confrère, mais qui apporte un plus ! (…) dans la communication, dans le domaine linguistique » (M6), « en temps que médecin généraliste, son plus c’est qu’il parle la langue des signes. » (M13). > Statut des médecins de l’unité Quelques praticiens déclarent ne pas connaitre la spécialité des médecins de l’UASS « alors non je n’avais pas connaissance de… de ses compétences médicales » (M2), d’autres pensent qu’il s’agit de « médecins généralistes » (M4), tandis que quelque uns évoquent la présence de spécialistes, tels que « des ORL » (M10). Plusieurs médecins évoquent la notion d’une prise en charge spécialisée « des généralistes avec une spécificité (…) Mais bon ça relève d’un suivi spécifique spécialisé quand même ! » (M4), « en fait ils sont quand même un peu spécialisés quelque part par rapport à ça ! » (M1). En ce qui concerne les rapports que peuvent avoir ces médecins traitants avec les médecins de l’unité, quelques uns évoquent avoir des rapports « comme des échanges avec des spécialistes » (M4), tandis que d’autres reconnaissent avoir des rapports confraternels avec ces derniers « un confrère… un correspondant » (M2), « c’est vrai que vous êtes hospitalier mais c’est pas comme si vous étiez un service de spécialités (…) je ne vous vois pas comme quand j’envoie à un spécialiste » (M3). 36 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) D. Représentation de l’activité de l’UASS de Grenoble > Différents motifs de consultation « C’est pas tout à fait les mêmes motifs pour lesquels il vient » reconnaît le médecin 2. Pour les médecins 1 et 2, l’UASS est le lieu de la prise en charge des pathologies d’urgence « si il a un problème plutôt aigu ou particulier qui apparaît il va peut-être aller plutôt voir le médecin de l’hôpital » (M2). Pour les autres, l’UASS est l’accès direct aux soins primaires « ils viennent vous voir directement quand ils en ont besoin » (M10), « pour des maux classiques de médecine générale » (M4), et aussi le lieu d’un suivi médical régulier « je pense que pour tout ce qui est maintenant le traitement de fond et le bilan chronique, elle est vue là-bas » (M7), « un endroit où ils puissent se faire suivre régulièrement » (M3). > Structure adaptée sur le plan de la communication - Une communication adaptée Pour plusieurs médecins, l’UASS représente un lieu de prise en charge adaptée pour les patients sourds « ça serait mieux qu’ils soient pris en charge par une structure comme la vôtre que de venir me voir. Je pense qu’ils seraient mieux pris en charge ! » (M12), « c’est peut-être une structure qui leur convient mieux » (M4), « un endroit où il peut se confier plus facilement » (M3), du fait de la maîtrise de la LSF, permettant « une communication plus performante » (M10), « un fil de discussion qui est plus fluide » (M14), où « il y a moins la barrière du langage » (M4), et où « c’est beaucoup plus simple de … de balayer le problème de langage et de comprendre réellement ses plaintes » (M7). Le médecin 10 précise que l’intérêt de l’UASS pour ses patients a été « d’aller un peu plus loin dans la communication, (…) de fouiller un peu plus, avec des gens capables de le faire ». Le médecin 8 reconnaît « je pense qu’elle a été beaucoup mieux soignée » et le médecin 3 rajoute « il y a une plus grande confiance qui s’installe, donc du coup ils se sentent moins perdus, oui. Donc, c’est vrai que de pouvoir s’exprimer et de se sentir compris, c’est très important dans le rapport médical, c’est primordial ». - Un lieu d’écoute L’unité est aussi considérée, par un grand nombre de médecins, comme un lieu d’écoute « je pense qu’elle a trouvé là-bas une écoute qui lui était propre » (M7), « adaptée » (M11) « plus importante » (M6), pouvant apporter réconfort et réassurance aux patients « je pense qu’il est 37 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) rassuré de savoir qu’il existe une structure comme ça » (M1), « qu’ils se sentent plus compris » (M3), « éviter des tas d’angoisse » (M10). - Une meilleure compréhension réciproque Selon plusieurs médecins, l’usage de la LSF permet une meilleure compréhension pour chacun des protagonistes « je pense qu’il se fait mieux comprendre et qu’il comprend mieux aussi» (M3). L’UASS est ainsi représentée comme une structure ressource pour le patient sourd, pouvant lui apporter « les explications pour ses pathologies » (M2), et permettant de « confirmer des choses, lui faire bien comprendre » (M10). Le médecin 3 émet une comparaison avec les patients anglais qu’il suit dans sa patientèle, précisant qu’il arrive régulièrement que ces patients « reviennent pour qu’on en rediscute » dans le but qu’ « ils comprennent mieux au retour ce qui leur arrive ». Enfin, certains médecins mentionnent la possibilité d’une mise à disposition d’interprètes en langue des signes dans et à l’extérieur de l’hôpital « je crois quand ils ont les traducteurs souvent c’est le service qui leur donne » (M6), « ils les adressent, munis d’interprètes aux spécialistes » (M8). > Structure adaptée pour une prise en charge globale, médico-psycho-sociale Les médecins interrogés perçoivent l’UASS de Grenoble comme un lieu de prise en charge globale de leurs patients « je sais que vous, vous êtes là pour vous occuper de lui du début jusqu’à la fin » (M3), sur les plans médico-sociaux « tout peut être des maux (…) notamment sur le plan social, (…) sur le plan médical (…) médico-social ! (…) ça permet d’accès le soin sur ça ! » (M4), psychologique « si, effectivement, j’avais une demande sur le plan psychologique, je ferais appel à cette structure » (M14), « s’il y a un côté un peu psychologique, (…) quand il faut s’exprimer plus, à mon avis c’est intéressant qu’ils existent » (M6) et « tout ce qui est l’organisation autour, les aides, je dirais tout ce qui est des aides paramédicales et la tangente entre le social, la relation avec le travail » (M11). Le médecin 6 imagine l’existence d’un réseau construit autour de la problématique liée à la surdité « je sais qu’il y a plein de choses qu’ils font et que je ne connais pas ! (…) je pense qu’ils connaissent des structures, (…) aidantes pour ces personnes là, et donc, nous, on n’a pas tous ces renseignements là, (…) leurs actions, leurs capacités d’actions, leurs réseaux ». 38 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) > Structure adaptée pour la prise en charge de situations complexes Plusieurs médecins conçoivent l’UASS comme une structure référente pour la prise en charge de situations complexes « quand il y a plusieurs pathologies qui s'intriquent (…) là ça devient intéressant d’avoir quelqu’un… d’avoir ce genre de structure justement pour faire … un peu cette synthèse » (M1), « quand les situations sont un peu plus complexes » (M6). Le médecin 8 explique que l’unité a été pour lui une voie d’accès aux spécialistes de l’hôpital « c’est une porte d’entrée pour l’hôpital ! (…) il y avait une prise en charge par toute sorte de spécialistes de l’hôpital, directement par l’unité des sourds ». > Rôle des médecins de l’unité Les médecins interviewés perçoivent l’UASS comme une structure où « il y a des médecins généralistes qui font le… la synthèse des problèmes médicaux des gens » (M8), « la synthèse des différentes examens qui sont faits » (M1), « et qui les [les patients] adressent, munis d’interprètes à… aux spécialistes » (M8). Plusieurs missions leur sont attribuées, telles que : - La coordination des soins : « il coordonne, un peu, différents soins spécialisés » (M4), « une sorte de tête pensante coordinatrice » (M7). - L’orientation du patient : « dans la mesure où vous comprenez mieux le patient, ça permet d’orienter de façon plus spécifique » (M4). - La centralisation des informations et des examens : « tout ce qui était examens paracliniques, organisation des consultations, etc… c'est plus là-bas que ça va se faire » (M1), « vous, je vous imagine plus du coup, comme l’élément centralisateur » (M3). - L’accompagnement du patient : « peut-être que ça a ce rôle là, d’accompagnement (…) peut-être que c’est l’intermédiaire entre les spécialistes du CHU et le patient » (M5). - L’éducation du patient : « être plus persuasif que nous dans… dans la prise en charge des traitements de fond (…) qu’elle comprenne l’importance du message que l’on a à lui faire passer, et qui moi apparemment ne passe pas ! » (M7), « des conseils hygiéno-diététiques (…) je compte sur eux pour faire… prendre plus de temps » (M1). - La relation d’aide du patient : « un rôle de … de … qui peut le rassurer (…) et puis d’éviter des tas d’angoisse » (M10). - Le lien avec les médecins traitants : « ils renvoient effectivement vers nous, les gens » (M6). 39 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) E. Réflexion des médecins traitants au sujet de l’UASS de Grenoble Un certain nombre de médecins s’interrogent sur l’intérêt de l’implantation de l’UASS au sein d’une structure hospitalière. La plupart d’entre eux trouvent cette localisation intéressante pour les raisons suivantes : - La rapidité d’accès aux soins spécialisés : « c’est très bien d’avoir tout l’hôpital à sa disposition ! » (M8), « ce qui a permis justement, quand il a fallu faire des examens complémentaires, qu’il arrive à les faire assez rapidement » (M2). - La centralisation géographique des examens : « plutôt que de les faire courir à droite et à gauche, si on peut faire tout sur place, c’est quand même mieux » (M1). - La gratuité des soins, notamment sur le plan de la santé mentale : « il y a aussi un accès non négligeable, aussi, c’est la prise en charge, ça doit être gratuit, enfin ou remboursé (...) c’est la prise en charge et un accès gratuit à la psychothérapie, ou la psychothérapie de soutien, et tout ce qui peut être lié autour » (M11). - L’efficacité de la prise en charge : « ça améliore l’efficacité » (M2). D’autres médecins évoquent des difficultés telles que : - Un manque de communication : « c’est le problème, (…) le CHU, on va dire que c’est une catastrophe pour communiquer (…) ça nous coupe de ce monstre » (M5). - Une distance géographique : « je ne pense pas qu’il y ait beaucoup… qui traversent le département pour venir dans l’unité » (M2), « c’est difficile, les déplacements sont pas évidents » (M5), « il y a quand même une question de distance ! » (M6). Enfin, l’implantation de l’unité au sein d’un CHU interroge certains médecins sur les répercussions que cela peut entrainer pour les patients sourds d’aller consulter là-bas pour des pathologies de médecine générale « comment ils considèrent des médecins hospitaliers dans un réseau qui ne s’occupe que de sourds (…) ? Après, il y en a qui jure que, entre parenthèses, qu’avec leur médecin traitant, (…) les médecins spécialistes, (…) ou l’hôpital, c’est tout de suite la spécialité, (…) ils peuvent penser qu’ils seront moins habilités à prendre en charge la bobologie » (M11). Le médecin 1 ajoute « c’est vrai, que quand tu es dans un système hospitalier c’est stressant quand même ». 40 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) 3. CONNAISSANCES ET REPRESENTATIONS DES MEDECINS TRAITANTS DE LA DOUBLE PRISE EN CHARGE MEDICALE DE LEURS PATIENTS SOURDS A. Connaissances des échanges entre médecins traitants et médecins de l’UASS de Grenoble > Les moyens utilisés Les médecins 2 et 7 déclarent respectivement « les transmissions, ça se fait comme d’habitude, avec les autres médecins, les courriers ou les mails, voilà…ou même des fois des coups de téléphone », « disons que par le biais des courriers qu’on reçoit, c’est comme les relations qu’on peut avoir avec les spécialistes des autres secteurs ». > La fréquence La fréquence de ces contacts est variable selon les médecins « j’ai jamais eu de courrier de votre part » (M9), « une fois j’ai reçu des courriers » (M11), « assez régulièrement » (M2), ou « j’ai été en contact plusieurs fois avec Grenoble » (M7). > Niveau de satisfaction Le niveau de satisfaction fluctue également selon les médecins. Plusieurs disent n’avoir aucun échange avec les médecins de l’unité « je n’étais pas informé ! Non, pas au courant ! » (M10), « on n’a pas de retour » (M12), certains mentionnent « on est moyennement informé » (M6), tandis que d’autres reconnaissent être pleinement satisfaits « oui pour l’instant, j’ai reçu du courrier assez régulièrement, quand il y a eu des choses de mises en route. Et donc, oui ça s’est bien passé. » (M2). B. Intégration de la double prise en charge médicale dans la pratique des médecins traitants Certains médecins interrogés mentionnent avoir intégré dans leurs pratiques la double prise en charge médicale de leurs patients sourds, en s’assurant, par exemple, de ce qui a été fait dans l’unité « je lui demande si justement il a vu le médecin de l’hôpital, s’il lui en a parlé ou si il y a eu des choses de démarrées » (M2), « quand je la vois, je lui demande si elle a les ordonnances » (M7). Quelques uns reconnaissent que l’unité est une source d'informations sur leurs patients « si j’ai besoin je sais que je peux vous appeler parce que vous avez son dossier là-bas, et savoir ce qui a été fait récemment » (M3), « c’est vous qui m’avez apporté des informations sur son 41 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) suivi, (…) oui, vous m’avez informé des choses, j’étais pas au courant » (M4), « ça m’a rendu service ! » (M6). D’autres déclarent pouvoir s’appuyer sur l’UASS « je vois que pour moi c’est un avantage (…) je compte sur eux » (M1), « petit à petit, c’est vrai que j’ai transféré sur votre service les problèmes de fond (…) tout ce qu’ils pouvaient faire, je leur ai laissé faire » (M7), « si j’ai besoin je sais que je peux vous appeler » (M3). Certains évoquent la possibilité d’un relai à leurs prises en charge « le fait de pouvoir passer par quelqu’un, et se dire que quelqu’un prend la suite, c’est parfait ! » (M10), « c’est la porte de sortie pour se dire, bon, il y a quelqu’un qui va faire mieux que nous, parce que là moi je n’y arrive plus ! » (M7), tandis que le médecin 8 suggère la possibilité d’avoir un second avis médical « c’est toujours intéressant d’avoir un autre avis ». Pour certains médecins, cette double prise en charge médicale n’a pas influencé leurs pratiques, reconnaissant n’avoir pas eu besoin de l’unité « j’en n’ai pas eu recours » (M13), « j’ai pas eu d’intérêt (…) parce que j’en n’ai pas eu besoin en fait ! » (M11). Enfin, plusieurs autres interviewés constatent une bascule du suivi de leurs patients vers l’UASS « il y a donc peut-être eu une bascule du suivi » (M13), « je me rends compte qu’elle vient ici de moins en moins ! » (M7), « peut-être que la structure a pris le relai » (M14). Trois médecins suggèrent même que les médecins de l’UASS seraient plus à même d’être médecin traitant de leurs patients « je le considérerais plus comme son médecin traitant que moi » (M3), « je préfèrerais que ça soit eux qui soient médecin traitant. » (M14), « je pense que ça serait mieux pour lui. » (M4). C. Implications de la double prise en charge médicale > Sur les patients sourds Deux médecins perçoivent cette double prise en charge médicale comme dangereuse pour la santé des patients « on peut être dangereux aussi ! » (M3), et précisent qu’il est nécessaire de faire attention « qu’il n’y ait pas d’interaction entre des prescriptions, des choses comme ça » (M6), afin d’éviter « les choses qui pourraient être dangereuses, les prescriptions qui pourraient se contre-indiquer » (M3). Deux autres expriment l’idée d’un manque de confiance du patient envers les médecins de l’unité, « il aura peut-être plus confiance en moi » (M4). Selon lui, le patient éviterait de 42 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) consulter dans l’unité pour « des choses qu’il ne voudrait pas évoquer en bas peut-être ? Sur un plan personnel (…) des choses qui seraient plus du domaine relationnel ». Enfin, un médecin admet un risque de confusion du patient si les discours médicaux divergent « il faut avoir le même discours parce que sinon, on s’éparpille un peu et après le patient ne comprend pas » (M2). > Sur les médecins traitants Certains médecins expriment l’idée d’une dévalorisation de leur statut de médecin traitant « si la structure fait trop bien les choses, et donc que nous on n’a plus qu’un simple rôle » (M1), « c’est à dire que voilà, on fonctionnera comme un système d’urgence » (M3). Le médecin 1 émet une comparaison avec l’apparition des infirmières cliniciennes en soins primaires « nous médecins, on n'a plus besoin de nous, (…) on a l'impression qu'on est un peu débile, (…) on a l'impression que l'on ne peut plus rien faire », et explique le risque de démobilisation du médecin traitant que cela peut engendrer « ce qui peut arriver, peut-être, euh….c’est que l’on se démobilise ». D’autre part, la notion de perte du statut de médecin référent est soulevée par certains médecins « on va diluer,… plus personne ne va savoir qui c'est qui doit faire quoi. (…) Il faut quand même qu'il y en ait un qui décide (…) il faut qu’il y en ait un, un qui soit responsable » (M1). > Sur le parcours de soins du patient sourd Plusieurs médecins envisagent le risque d’une redondance dans la prise en charge des patients sourds « ça va coûter plus cher pour la société, pour la sécu (…) demander deux fois les mêmes examens, faire deux fois les mêmes choses, ça n’a aucun intérêt pour le patient, et ça va perdre du temps pour le patient et puis aussi bien pour les équipes » (M12). Le médecin 4 mentionne un risque de « surconsommation médicale » (M4). Il précise qu’ « il faut pas que sous ce prétexte la [la surdité], ça soit porte ouverte ah… pour un oui ou pour un non, pour des trucs qui peuvent être gérés de façon simple ». Il suggère également un risque de surmédicalisation et de dérive sociale « il faut pas tomber dans la surmédicalisation de tout ça. Oui le risque c’est de… c’est de… rendre les gens trop dépendants aux soins (…) il faut pas qu’ils profitent de cet handicap pour venir pour un oui ou pour un non et complétement ‘’organissiser’’ des tas de maux qui n’ont pas lieu d’être. (…) Il faut pas tout mettre sur le compte du handicap, alors qu’il y a des choses qui ne sont pas en lien, et qui peuvent être tout à fait gérées comme pour une personne normale ». 43 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) D. Représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds La majorité des médecins interrogés témoignent de l’intérêt qu’ils portent à l’UASS de Grenoble « c’est le top ! (…) C’est une aide précieuse pour eux » (M4), « je trouve ça très bien, franchement, et si ça peut se développer ! » (M10), « oui, très positive ! (…) Que du bien et heureusement que ça existe » (M7). De plus, les médecins 6 et 12 expriment « il faudrait sûrement développer plus ce système. ». Certains médecins se disent satisfaits de cette double prise en charge médicale « je pense que c’était bien qu’elle soit prise en charge par les deux » (M6), « il y a une bonne complémentarité des soins, ça leur permet d’avoir un bon suivi, ça fait le lien ! » (M4), « ce n’est pas un obstacle, loin de là ! (…) C’est une relation pseudo-coordonnée ! Ca ne pose pas de problème, c’est pas hors coordination ! » (M6). Le médecin 3 évoque un réel partage de la prise en charge « si j’ai besoin, je sais que je peux vous appeler, parce que vous avez son dossier là-bas (…) si jamais moi j’ai des infos que vous n’avez pas, moi je peux vous les faire passer » et le médecin 6 pose même la question : « Ils ne peuvent pas avoir deux médecins traitants ? (…) parce qu’à la limite, ça ne serait pas choquant ». Cependant, ces mêmes médecins reconnaissent que le manque de communication entre eux et l’UASS constitue la principale difficulté à cette double prise en charge « je veux bien que tout soit fait là-bas, mais qu’on est en copie de ce qui s’est passé, quoi ! » (M4), « ça peut être gênant dans la mesure… si on ne communique pas ! » (M14), « ce qui compte c’est la communication, qu’il y ait pas de… que la relation soit pas biaisée, (...) donc, il vaut mieux qu’on soit au courant et qu’on communique » (M6). D’autres médecins perçoivent cette double prise en charge médicale, non pas comme une prise en charge « partagée », mais comme deux prises en charge « parallèles », et conçoivent l’UASS comme « un monde parallèle qui ne se croise pas ! » (M9). Le médecin 5 exprime « je n’ai pas l’impression d’être inclus dans ce cercle » (M5). Nombreux sont ceux qui regrettent de ne pas avoir eu connaissance de cette unité plus tôt « je regrette de ne pas avoir connu cela avant » (M10), « c’est vrai que je l’aurais orienté plus tôt si j’avais su que cette structure existait » (M3), « j’aurais pu le faire plus tôt mais même pas j’y pensais » (M11). Etant maintenant au courant de l’existence de cette unité, ils envisagent d’y recourir si nécessaire « maintenant la connaissant, je serais plus à même de dire et ben allez, il y a des 44 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) structures existantes » (M11), « en connaissant leurs actions, leurs capacités d’action, leurs réseaux, ça nous permettrait certainement, entre guillemets, de les utiliser plus ! » (M6). Enfin, quelques médecins émettent une réserve sur la double prise en charge médicale « par expérience, quand on multiplie les intervenants, c’est… c’est la pagaille » (M5), « pour son suivi régulier, on peut le faire conjointement mais c’est vrai que c’est souvent mieux d’avoir quand même une seule personne qui s’en occupe (…) qu’il y ait un seul endroit (…) que le reste ça soit du dépannage (…) et l’unité me paraît le plus approprié » (M3). Le médecin 12 précise « c’est sûr que l’idéal, c’est qu’ils les prennent en charge totalement (…) pour faire quelque chose de cohérent, je pense que ça serait bien que l’unité les prenne entièrement en charge (…) ça serait mieux qu’ils soient pris en charge par une structure comme la votre que de venir me voir. Je pense qu’ils seraient mieux pris en charge » et explique qu’ « être suivi des deux côtés, pourquoi pas, mais est-ce qu’il y en n’a pas un de trop ? ». 4. VERS UNE EVOLUTION DES PRATIQUES A. Propositions d’amélioration de la connaissance de l’UASS de Grenoble Afin de développer les connaissances et les échanges autour de cette double prise en charge médicale, les médecins interrogés proposent plusieurs recours possibles : - La visite de l’unité et la rencontre de l’équipe qui y travaille : « visiter, c’est ça, ça pourrait être intéressant » (M1), « les rencontrer ou quelque chose comme ça » (M6). Ce dernier propose même « une journée de réunion où le service explique un petit peu comment il fonctionne, tout ça … oui ! ». - L’utilisation d’un courrier nominatif : « un courrier disant nous avons vu votre patient, (…) et puis peut-être dans ce cas là en profiter pour présenter la structure ! » (M14), « un courrier nominatif concernant un patient, dans lequel vous mentionnez qu'il existe une structure adaptée pour son suivi » (M4). - Le recours à une « plaquette » (M6) : « il y a peut-être moyen de toucher tout le monde et d’expliquer ce que vous faites » (M6), « il faudrait qu’on ait tous, ces numéros de téléphone, les adresses, les contacts, les gens qui y travaillent » (M10). 45 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) - La présentation de l’unité lors de congrès : « on irait un jour à un congrès pour se faire expliquer (…) à l’occasion d’une réunion, d’un… de n’importe quelle journée de formation, d’une communication de quelqu’un qui présente la structure » (M7). - La publication dans la presse médicale : « je lis beaucoup la presse parce que j’ai pas le temps d’aller dans les congrès, et je me dis que c’est la seule source d’information, et là dessus, je n’ai jamais rien lu sur ça » (M10). - L’intégration dans le cursus universitaire : « la faculté en fait, (…) on nous dit qu’il y a une unité pour les sourds, on l’apprend et s’est intégré. (…) La moindre des choses c’est qu’en sortant des cours d’ORL, ils sachent que ça existe ! » (M10). B. Propositions d’amélioration de la relation médecins traitants - médecins de l’UASS de Grenoble L’ensemble des médecins s’accordent à vouloir améliorer la communication et citent différents moyens : - Par courriers électroniques : « si par exemple, on avait au moindre problème la possibilité d’envoyer des mails, d’avoir votre adresse mail professionnelle » (M10). - Par courriers papiers « avec des courriers (…) moi je suis encore aux papiers » (M4). - Par téléphone : « avoir les gens au téléphone (…) une disponibilité téléphonique, ça serait bien ça, c’est pas toujours évident. » (M6). Certains médecins suggèrent l’utilisation d’un « dossier commun partagé » (M6), « un dossier médical commun, un dossier médical partagé, qui est bien à la mode, et qui serait bien utile pour tout le monde ! » (M12). Le médecin 1 précise que ce dernier pourrait être « sur une carte à puce ». C. Propositions d'amélioration de la prise en charge médicale de la population sourde > Un registre particulier Plusieurs médecins mentionnent le recours à un registre particulier pour les patients sourds. Le médecin 10 émet une comparaison avec l’existence de filières spécifiques de prise en charge de certaines pathologies « dès que vous arrivez, par exemple, vous avez la maladie de Charcot, quelque soit l’heure, vous donnez votre numéro de sécu ou vous donnez tel nom d’une personne qui a la maladie de Charcot, à l’hôpital, on l’attend tout de suite. Il y a des 46 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) registres spéciaux, comme les infarctus, les AVC, maintenant il y a toutes ces structures là qui existent alors c’est vrai, que pour les sourds, il devrait y avoir une possibilité aussi, quand ils sont en difficulté, d’aller plus vite communiquer ». Le médecin 13 propose une comparaison avec un réseau de santé existant dans sa région « il existe le réseau « VISage » [Vienne Santé Gérontologie], c’est pour les personnes âgées (…) c’est sur Internet (…) il y a tous les interlocuteurs, enfin tous les intervenants,(…) c’est un dossier partagé finalement, qui est confidentiel, enfin sécurisé et voilà…Et à chaque fois qu’il y a quelqu’un, qu’il y a quelque chose à dire, et ben il met un mot sur le dossier et comme ça tout le monde le voit ! ». > Internet et Webcam Les médecins 10 et 11 proposent de développer l’informatique et les systèmes de visioconférence, avec la possibilité d’utiliser la webcam pour des consultations « je pense que l’avenir ça sera (…) l’accès par la webcam, avec un interprète, l’accès à des interprètes comme ça, par une webcam intermédiaire, euh… interposée, avec un écran, quoi, des gens pourront traduire sur des consultations à distance » (M11). 47 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) DISCUSSION Choix du sujet : Le choix du sujet de ce travail a été influencé par une motivation personnelle de l’enquêteur. Travaillant à la fois dans une UASS et en cabinet libéral, ce dernier a voulu déterminer les composantes de la double prise en charge des patients sourds, par les médecins traitants et les médecins de l’UASS du CHU de Grenoble, dans le but d’une harmonisation des pratiques. Méthodologie : Il semblait judicieux de choisir pour cette étude une méthode qualitative, permettant ainsi de recueillir de façon libre le ressenti et les avis des médecins interrogés. Le choix de mener des entretiens individuels paraissait plus pertinent que celui d’entretiens collectifs (ou focus groupe), favorisant ainsi la libre expression des interviewés. L’échantillonnage des médecins interrogés est un échantillonnage non probabiliste, dirigé, conforme aux usages en recherche qualitative. Il rassemble des médecins généralistes d’exercice et d’horizons diversifiés, qui n’avaient eu aucun contact antérieur avec l’investigateur. La taille de l’échantillon a été déterminée par la technique dite de saturation des données, assurant ainsi un gage de qualité. La réalisation d’un canevas d’entretien détaillé a pu limiter les biais d’investigation, notamment le manque d’entrainement à la réalisation d’entretiens par l’investigateur. La triangulation des données a permis de faire ressortir les thèmes principaux et récurrents de cette étude. Le choix de proposer une relecture de la retranscription des entretiens aux participants a été privilégié, mais aucun participant ne l’a souhaitée. Le retour des médecins interrogés aurait pu valider la crédibilité de l’étude en confirmant la fidélité de la retranscription, mais elle aurait également pu être un moment de censure et de biais de mémorisation. 48 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Malgré ces points forts de méthodologie, il subsiste dans cette étude plusieurs biais : - Un biais lié à l’investigateur : ce dernier est novice dans la réalisation d’étude qualitative et présente un conflit d’intérêt, ayant travaillé durant 6 mois dans l’UASS grenobloise. - Un biais lié à l’analyse des données : l’analyse des verbatims et le repérage de leurs occurrences ont été réalisés manuellement, sans utilisation de logiciel de codage. - Un biais de recrutement des participants : le mode de recrutement, basé sur la participation volontaire des médecins à cette étude, a pu permettre de sélectionner des médecins ayant un intérêt particulier pour le sujet de l’étude, et ainsi influencer les données recueillies. Résultats : Dans cette étude, l’objectif principal était d’évaluer les connaissances et représentations qu’ont les médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds avec l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Après avoir interrogé les médecins traitants sur la relation qu’ils établissent avec leurs patients sourds, il a paru évident à l’investigateur de rechercher dans un second temps, leurs connaissances et représentations de l’UASS de Grenoble, puis d’identifier les représentations de cette double prise en charge médicale. Les relations qu’entretiennent les médecins traitants avec leurs patients sourds, semblent à la fois habituelles entre un médecin généraliste et son patient, et à la fois particulières, du fait de la surdité de ce dernier. Les médecins de cette étude déclarent avoir avec leurs patients sourds des suivis réguliers ou occasionnels. Les motifs de consultation portent sur la gestion de pathologies courantes, chroniques et la prise en charge des situations d’urgence. Les médecins se considèrent d’une façon générale comme médecins généralistes de proximité, médecins de famille ou médecins de premiers recours. Ces notions sont reprises par la Société Française de Médecine Générale (SFMG), où le généraliste, communément appelé médecin de famille, spécialiste en soins primaires ou encore médecin traitant « assume de façon simple, adaptée, souple et efficace la fonction d’accueil de tous les consultants et malades indépendamment de leur âge, de leur genre, de leur niveau économique et culturel ». (18) 49 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Dans le même temps, plusieurs médecins décrivent ces consultations comme des consultations particulières, durant lesquelles ils éprouvent certaines difficultés : nuisance sonore, allongement de la durée de la consultation, présence d’une tierce personne, barrière linguistique, sentiment de prise en charge imparfaite… Une consultation avec une personne sourde est comparée par certains médecins à une consultation avec un patient étranger, exposant le médecin non seulement à une barrière linguistique mais aussi culturelle. Par cet aspect, le patient sourd n’est pas considéré comme une personne handicapée, mais plutôt comme une personne issue d’un monde culturel et linguistique différents. La problématique principale de ces consultations est ainsi celle de la communication, comparable à celle pouvant être posée lors d’une consultation avec une personne d’origine étrangère, dans laquelle se trouvent impliqués aussi bien le patient que le médecin. La présence d’une tierce personne est évoquée par plusieurs médecins comme un élément facilitant la communication avec le patient sourd. Cependant, certains déclarent ressentir une gêne personnelle lors de l’examen clinique de ce dernier, et s’interrogent sur celle ressentie par le patient. Moment de confidence et de confidentialité, la consultation médicale en présence d’une tierce personne pose ainsi la problématique du respect de l’intimité, ainsi que celui du secret médical. Quand il s’agit d’un interprète professionnel, il est soumis au secret médical. (19) Lorsqu’il s’agit d’un membre de la famille, le plus souvent les enfants, ce secret médical n’est plus respecté, et il est fréquent lors de ces consultations d’assister à une inversion des rôles dans la relation parents-enfants. Face à leurs patients sourds, les médecins admettent devoir adapter leurs pratiques, en particulier sur le plan de la communication (recours à l’écrit, communication gestuelle, reformulation). Même si la plupart des médecins attestent avoir un niveau de compréhension et de communication satisfaisant, ainsi qu’une bonne relation avec leurs patients sourds, ils reconnaissent se limiter à un niveau de conversation simplifié. Certains évoquent l’existence d’une frustration liée à ce mode de communication, et d’un malaise dans leurs prises en charge ressenties comme partielles et imparfaites. Les travaux de C.ANDRAN (20) et d’E.PREGNIARD (15) mettent en évidence cette problématique de la communication au centre de la relation médecin-patient sourd. Dans la thèse d’E. PREGNIARD, qui a interrogé des médecins traitants de patients sourds pris en charge en médecine de ville, plusieurs médecins déclarent ressentir une appréhension et un manque d’échange avec leurs patients lors de leurs consultations. Plusieurs d’entre eux s’avouent frustrés et démunis, n’arrivant pas à maîtriser ce type de consultation et à approfondir les échanges avec leurs patients. Un 50 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) sentiment d’impuissance, voire d’incompétence, ressort même dans certains propos. Ces sentiments engendrés par ces consultations, qualifiées d’inconfortables par les médecins, sont également retrouvés dans la littérature étrangère. (21) Cependant, il serait préjudiciable à la population sourde de la considérer uniquement par cette différence linguistique, sans prendre en compte les dimensions psychologiques et sociales de la surdité, et en ne négligeant pas l’isolement et l’exclusion sociale qu’elle entraîne. D’une façon générale, et notamment dans le domaine de la santé, s’ajoute la réalité d’une exclusion à l’accès aux sources et moyens d’informations. La thèse récente d’H.HAYET et de V.DRUEL (22), qui met en évidence un retard diagnostic des cancers de la peau, de la prostate et du colon chez la population sourde, démontre aussi toute la spécificité de la prise en charge de cette population. Par ce travail, nous nous sommes rendus compte que 4 des 14 médecins interrogés ne connaissaient pas le suivi de leurs patients dans l’unité grenobloise, et qu’aucun des médecins interrogés ne connaissaient, avant que leurs patients les informent, l’existence de cette structure, ni des autres unités en France. Compte tenu de l’âge moyen des médecins interrogés (50 ans), il est difficile de penser que ce manque de connaissance soit lié à une insuffisance de contacts professionnels de la part de ces derniers. Cette méconnaissance semble témoigner d’un manque de communication de la part des unités et des pouvoirs publics auprès des médecins généralistes implantés en cabinet de ville, ainsi qu’un probable manque d’intérêt de la part de ces derniers. Bien qu’ils expriment des regrets face à ce défaut de connaissance, reconnaissant que la prise en charge de leurs patients en aurait été facilitée s’ils avaient pu en avoir connaissance plus tôt, ils se justifient par le faible nombre de patients sourds suivis dans leur patientèle. La majorité des médecins s’accordent cependant à reconnaître l’utilité de l’unité. Ils la perçoivent comme une structure d’accès direct aux soins primaires, composée d’une équipe pluridisciplinaire, permettant un suivi médical régulier, et prodiguant dans le même temps une prise en charge qualifiée de « spécifique » voire de « spécialisée » des patients sourds. Sur le plan de la communication, ils reconnaissent le besoin d’avoir recours à des professionnels qualifiés en LSF, ayant conscience des limites communicationnelles existantes avec leurs patients. Cette exigence linguistique constitue bien un des éléments fondateurs de la circulaire DHOS de 2007 (13), qui précise que « ce n’est plus au patient de s’adapter à la langue des professionnels de santé, mais c’est à l’équipe qui l’a en charge de s’adapter à ses 51 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) capacités de communication. » Par cette compétence linguistique, plusieurs médecins reconnaissaient alors le caractère réconfortant et rassurant de l’UASS pour ces patients. Cette notion de réconfort face à une situation d’accès aux soins ressentie comme stressante par les patients sourds a été exposée dans une étude menée aux Etats-Unis (23), qui conclut à l’existence d’un sentiment proéminent de peur, de méfiance et de frustration de la population sourde lors du besoin de se faire soigner. Enfin, ces médecins s’accordent sur le fait d’une meilleure compréhension médecin-patient lors de ces consultations, et décrivent l’unité comme une structure ressource pour ce dernier. Dans ses recommandations de 2013, l’Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des établissements et Services sociaux et Médicosociaux (ANESM) cite d’ailleurs les UASS comme structures ressources et référentes pour l’accueil et la réalisation de soins courants pour les patients sourds. (24) Sur le plan de la prise en charge, les besoins d’une approche globale et/ou de situations complexes apparaissent, pour la plupart des praticiens, indissociables de la réponse concernant le soin. Capables de pouvoir y répondre dans la majorité des cas pour la population entendante, ils reconnaissent leurs limites quant à la prise en charge de la population sourde, notamment lors de demandes psychologiques et/ou sociales. L’offre de soins primaires étant soutenue en France de façon prédominante par un exercice libéral de la médecine, les médecins généralistes se voient confrontés au quotidien à un impératif de rentabilité. Que le constat soit fait en pratique libérale (25), dans le rapport d’activité des UASS de 2006 (26) ou par la Haute Autorité de Santé (HAS) (27), il est admis qu’une consultation en médecine générale pour un patient sourd prend plus de temps que pour un patient entendant. Compte tenu des cas pathologiques et sociaux souvent plus lourds chez certains de ces patients, ce temps est encore majoré. La durée moyenne d’une première consultation en UASS, permettant d’établir un diagnostic approprié, est évaluée à 1 heure, et une consultation de suivi, entre 30 à 40 minutes, proche de la durée d’une consultation d’un patient entendant par un médecin spécialiste. Sachant que la majorité des médecins généralistes consultent toutes les 15 à 20 minutes, et que le système de paiement consiste en un paiement à l’acte, il apparaît très difficile de pouvoir valoriser ce genre de consultations en médecine de ville. En 2008, l’HAS proposa une revalorisation de ces consultations à un taux double ou triple du tarif conventionnel actuel, mais cette proposition est restée sans réponse. Les médecins interrogés soulignent enfin l’aptitude de l’unité à travailler en réseau interprofessionnel centré sur le patient sourd. Ils attribuent alors aux médecins de l’unité un rôle de coordination des soins, de centralisation et de synthèse des informations et examens médicaux, de lien avec le médecin traitant, d’éducation à la santé, d’accompagnement, de 52 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) soutien, ainsi qu’un rôle d’orientation du patient dans le parcours de soins. Ces missions sont ainsi identiques à celles qui leurs sont attribuées par la circulaire DHOS de 2007. (13) En revanche, l’implantation de l’unité au sein d’une structure hospitalière questionne un certain nombre de médecins, notamment en terme de modalités de suivi, de délai de prise en charge ou encore de permanence des soins. Apportant à la fois une rapidité d’accès aux soins spécialisés, un intérêt de centralisation des examens et une gratuité des soins, elle soulève en même temps des interrogations concernant les difficultés d’échanges et de communication avec le monde libéral, son éloignement géographique et les répercussions émotionnelles provoquées chez ces patients, telles que peur, stress et angoisse d’un suivi hospitalier. Interrogés par I.MELLERIN (17), les patients sourds de l’UASS du CHU de Nantes expliquent avoir recours à leur médecin généraliste de ville pour la prise en charge de pathologies intercurrentes. Ils reconnaissent privilégier l’UASS pour le suivi de leurs pathologies chroniques, conciliant ainsi la notion de soins de proximité et d’accès linguistique. Bien que la majorité des médecins interrogés portent un regard bienveillant sur l’existence de l’UASS de Grenoble, ils perçoivent cette double prise en charge médicale de façon différente. Plusieurs médecins se la représentent comme deux prises en charge « parallèles », indépendantes. Ils évoquent l’existence d’un potentiel danger pour le patient, notamment d’un risque d’interactions des prescriptions médicamenteuses et expriment leurs inquiétudes sur une possible redondance de la prise en charge, provoquant une surconsommation médicale, une surmédicalisation, et impliquant des frais médicaux supplémentaires. Ils admettent que cette double prise en charge peut être source de confusion et induire un manque de confiance du patient envers l’un ou l’autre des praticiens en cas de discours médicaux discordants. Plusieurs praticiens reconnaissent également que leur statut de médecin traitant se voit bousculé par la prise en charge de leurs patients par un autre médecin. Certains expriment l’idée d’une perte de leur statut de médecin référent, et développent même l’idée d’une dévalorisation, se sentant parfois mis à l’écart et relayés au second plan. Il est logique alors de pouvoir s’interroger sur la possibilité d’un désinvestissement et d’un désengagement de la part de ces derniers, que peut engendrer ce double suivi. Alors que certains médecins évoquent une bascule du suivi vers l’unité, d’autres trouvent préférable qu’il n’y ait qu’une seule prise en charge médicale, reconnaissant que les médecins de l’unité seraient plus à même d’être le médecin traitant du patient qu’eux-mêmes. Cette 53 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) prise en charge « unique » paraît tout d’abord peu envisageable, à la fois par l’éloignement géographique de l’unité pour certains patients (30% des régions françaises des territoires d’outre-mer en sont encore dépourvus) (27), et par le peu de médecins formés à la langue des signes sur le territoire français. De plus, elle pose la question du non respect du libre choix du médecin traitant, comme c’est le cas en France. 4 Pourquoi un patient sourd n’aurait-il pas le droit de choisir son médecin traitant à l’instar de la population générale, et pourquoi devrait-il choisir entre des soins de proximité ou des soins dans sa langue de vie ? A l’inverse des médecins qui conçoivent cette double prise en charge comme « parallèle », plusieurs autres déclarent avoir intégré le partage du suivi de leur patient dans leur pratique quotidienne. Ils déclarent y trouver un intérêt global dans l’accompagnement et la prise en charge de leurs patients. Ils s’accordent sur la notion d’une prise en charge « partagée » entre médecins traitants et médecins de l’unité. Ils reconnaissent pouvoir s’appuyer sur l’UASS, source d’informations sur leurs patients, y trouvant une aide organisationnelle, la possibilité de bénéficier d’un second avis médical, voire d’avoir un relai à leur prise en charge. Conscients de l’implantation hospitalière de l’unité, ils attendent des médecins de celle-ci qu’ils établissent un lien entre eux et la structure hospitalière, afin d’être au courant du suivi spécialisé de leurs patients. Mais cette représentation d’une prise en charge « partagée » sous entend qu’il y ait une bonne communication entre chacun des protagonistes. Or, le fait que 4 des 14 médecins interviewés n’étaient pas au courant du suivi de leurs patients dans l’unité prouve qu’il existe une défaillance de communication entre l’UASS et les médecins traitants. Ce manque de communication est repris par la majorité des médecins comme principale limite au partage de cette double prise en charge. En temps normal, le médecin traitant est le pilier central de la prise en charge médicale et du parcours de soins du patient. Or, pour les patients sourds, par leurs relations avec le milieu hospitalier et par leurs compétences linguistiques, les médecins des unités sont amenés à suppléer ces médecins traitants. Ils leur incombent donc la mission d’assurer la cohérence et la continuité des soins des patients sourds, ainsi que la responsabilité de tenir informer les médecins traitants concernés. 4 Article L. 162-5-3 du Code de la sécurité sociale 54 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Ouverture : Dans l’idée d’une évolution des pratiques professionnelles, plusieurs médecins ont exprimé être intéressés par une visite de l’unité et/ou une rencontre de l’équipe soignante, par l’utilisation d’une « plaquette » nominative de présentation de l’unité, par la promotion de cette dernière lors de congrès ou de publications, ou encore par une intégration du sujet dans le cursus universitaire des étudiants en médecine. Aux Etats-Unis, où la population sourde avoisine 9 % de la population générale, certaines facultés de médecine ont créé des formations (Deaf Community Training Program5), afin de sensibiliser les futurs praticiens à la prise en charge spécifique des patients sourds. Ces formations ont pu être évaluées et ont permis de démontrer une augmentation significative de l’efficacité de la prise en charge des patients sourds, avec une réduction de l’inégalité d’accès aux soins. (28) De plus, plusieurs études ont montré qu’un patient sourd consultant un médecin signeur suivra de façon plus attentive les recommandations de ce dernier, aura une meilleure observance du traitement instauré, consultera de façon plus régulière (29), et aura ainsi un sentiment d’une meilleure prise en charge (23). Si la formation en LSF de l’ensemble des professionnels de santé ne paraît pas opportune compte tenu de la réalité des besoins, une campagne de sensibilisation massive intégrant une initiation à la LSF et à la culture sourde, ainsi qu’une information sur l’existence des UASS, dans les cursus de formation médicale et paramédicale, pourraient être des solutions envisageables, comme cela se fait dans certaines facultés (Grenoble, Lille et Toulouse). Il serait également intéressant de diffuser la fiche technique de la circulaire DHOS de 2005 (Annexe 4) à l’ensemble des médecins traitants dont les patients sont suivis dans une UASS, précisant ainsi les conditions de ce double suivi. Afin de partager les informations concernant le patient, plusieurs médecins évoquent le recours à des échanges de courriers médicaux ou encore à un dossier médical commun partagé. Considérant les médecins des unités comme des médecins spécialistes de la communication en langue des signes et comme des médecins coordonnateurs, il serait tout à fait envisageable de concevoir la rédaction d’un courrier médical systématique après chaque consultation auprès du médecin d’une UASS. Enfin, la constitution d’un dossier médical partagé ou dossier médical personnel constituerait un élément essentiel pour la prise en charge de ces patients. Proposé par l'assurance maladie6 dans le but de faciliter le partage 5 6 Programme de sensibilisation à la culture sourde. Loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. 55 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) d'informations entre professionnels de santé, d’éviter des actes redondants, et d’agir contre les interactions médicamenteuses, ce support permettrait d’améliorer la prise en charge et le parcours de soins de tous patients, à condition de garantir la confidentialité des données de ces derniers. 56 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) CONCLUSION Depuis 2005, la population sourde a la possibilité de se faire soigner par un médecin traitant de ville et par un médecin correspondant d’une Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds (UASS). Ce travail s’est intéressé aux répercussions de cette double prise en charge médicale. Quatorze médecins généralistes, médecins traitants de patients sourds suivis dans l’UASS de Grenoble, ont été interrogés par entretiens semi dirigés. La plupart d’entre eux ont connaissance de cette double prise en charge médicale. Ils perçoivent l’UASS comme une structure pluridisciplinaire d’accès aux soins spécialisés intrahospitaliers. Celle-ci leur semble adaptée à une prise en charge globale des patients sourds en situation psycho-sociale complexe et/ou présentant des pathologies particulières. Ils associent enfin aux médecins de l’UASS des compétences linguistiques (bilinguisme en langue des signes) et un rôle de coordination des soins. Si certains médecins considèrent cette double prise en charge médicale comme « partagée », apportant une complémentarité à leur suivi de ville, quelques uns la perçoivent comme deux prises en charge « parallèles » indépendantes, et d’autres s’interrogent sur l’intérêt d’une prise en charge « unique ». Afin d’harmoniser cette double prise en charge médicale, une attention particulière devrait être portée aux échanges d’informations médicales entre médecins. Il serait approprié de développer l’échange de courriers médicaux, considérant les médecins des UASS comme ayant des compétences dans la prise en charge globale des patients sourds en langue des signes. La mise en place d’un courrier médical systématique après une consultation dans une UASS doit être envisagée, dans l’attente de la mise en place du dossier médical partagé, qui constituerait un support de travail collaboratif autant pour la population sourde que pour la population générale. Enfin, la promotion de l’activité des UASS ainsi que la formation du corps médical et paramédical à la culture sourde, paraissent constituer des éléments de réponse au besoin de coordination des soins prodigués à la population sourde. 57 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Il nous apparaît nécessaire, de développer un réseau entre les Unités d’Accueil et de Soins pour les Sourds, les médecins traitants installés en ville et les professionnels paramédicaux, afin d’améliorer l’accès et la coordination des soins de la population sourde. 58 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) 59 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) 60 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) BIBLIOGRAPHIE 1. MOTTEZ Bernard. Les Sourds existent-ils ? Paris : L’harmattan. 2006. 388p. 2. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Étude quantitative sur le handicap auditif à partir de l’enquête « Handicap-Santé ». Série Etudes et Recherches, août 2014, N°131. 156p. 3. Surdité. Larousse Médical. [Internet]. 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Health Services Research. févr 2002 ; 103‑18. 63 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) ANNEXES Annexe 1 : Liste des Unités d’Accueiletetde deSoins Soins pour les Sourds Pôles régionaux d’Accueil en Langue des Signes Française Répertoire Pôle Alsace Hôpitaux universitaires de Strasbourg : accueil et soins en langue des signes le Maillon Blanc Hôpital civil service de médecine interne A 1, place de l’hôpital 67091 Strasbourg Cedex Téléphone : 03 88 11 50 72 Télécopie : 03 88 11 50 74 SMS : 06 23 20 39 75 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Mme le Docteur Anne BESANCON) Pôle Aquitaine CHU de Bordeaux : accueil langue des signes service de médecine et de maladies infectieuses groupe hospitalier Pellegrin-Tripode 1, place Amélie Raba-Léon 33 076 BORDEAUX Cedex Téléphone : 05 56 79 98 66 Télécopie : 05 56 79 98 67 SMS secrétariat : 06 10 17 33 84 SMS aide-soignante : 06 10 17 33 79 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Docteur Patrick COUVIN) Pôle Bretagne CHU de Rennes unité de soins pour sourds service d’ORL Hôpital de Pontchaillou bloc hôpital, 6° étage 2 rue Henri Le Guilloux 35033 Rennes Cedex 9 Téléphone : 02 99 28 37 30 Télécopie : 02 99 28 37 29 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Mme le Dr. Isabelle RIDOUX) 64 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Pôle Haute-Normandie CHU de Rouen Hôpital Charles Nicolle service ORL 1 rue de Germont 76031 ROUEN pôle (Contact : Monsieur Christophe GOT) Tél : 02-32-88-82-66 (secrétariat) Courriel : [email protected] (Contact : Madame le Docteur Marie-Françoise OBSTROY) Tél : 02-32-88-82-01 Télécopie : 02-32-88-88-83 e-mail : [email protected] Pôles Ile de France Uniss (Unité d’information et de soins des sourds) service de médecine interne Hôpital de la Salpetrière (AP-HP) 47, bd de l’Hôpital 75651 PARIS Cedex 13 Téléphone : 01 42 16 14 70 SMS : 06 73 93 59 77 Télécopie : 01 42 16 14 71 pôle surdité et souffrance psychique (consultations de santé mentale) secteur 16 11 rue Tisserand 75015 Paris Téléphone : 01 44 25 04 95 Télécopie : 01 44 25 05 03 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Mme le Dr. Catherine QUEREL) Hôpital Sainte-Anne, pavillon J (hospitalisations psychiatriques) 1 rue Cabanis 75674 PARIS Cedex 14 Téléphone : 01 45 65 80 88 ou 01 45 65 80 99 (Médecin responsable : Mme le Dr. Catherine QUEREL) 65 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Pôle Languedoc Roussillon CHU de Montpellier : pôle d’accueil et d’accès aux soins pour les personnes sourdes et malentendantes service de médecine Interne A Hôpital St Eloi 80, avenue Augustin Fliche 34295 Montpellier Cedex 5 Téléphone : 04 67 33 77 69 Télécopie : 04 67 33 75 08 SMS : 06 85 88 36 69 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Dr. Thierry ABDOU) Pôle Lorraine CHU de Nancy : pôle d’accueil et de soins pour personnes sourdes et malentendantes service d’ORL Hôpital central 29 avenue Maréchal de Lattre De Tassigny 54035 Nancy Cedex Téléphone : 03 83 85 15 68 Télécopie : 03 83 85 22 58 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Dr Dominique SEIGNEUR) Pôle Midi-Pyrénées CHU de Toulouse : pôle d’accueil et de soins en langue des signes service de médecine interne Hôpital La Grave place Lange TSA 60033 31059 Toulouse Cedex 9 Téléphone : 05 61 77 80 65 ou 05 61 77 79 77 SMS : 06 19 51 69 22 Télécopie : 05 61 77 80 69 Courriel : [email protected] MSN : [email protected] (Médecin responsable : Mme le Dr. Laetitia ESMAN) 66 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Pôle Nord-Pas-de-Calais Groupe hospitalier de l’institut catholique de Lille (GHICL) : accueil personnes sourdes département des consultations externes Hôpital Saint-Philibert, rue du Grand But - BP 249, 59462 LOMME Cedex Téléphone : 03 20 22 38 03 Télécopie : 03 20 22 38 01 SMS : 06 22 38 85 01 Minitel : 03 20 22 38 02 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Dr. Benoît DRION) Pôle Pays-de la Loire CHU de Nantes service ORL Hôtel-Dieu place Alexis Ricordeau, 44093 NANTES CEDEX 1 Téléphone : 02-40-08-37-57 Télécopie : 02-40-08-44-00 Courriel : martine.touze/CHU-NANTES@MERCURE (Contact : Madame Martine TOUZE) Pôles Provence-Alpes-Côte d’Azur CHU de Marseille : pôle LSF Paca ouest service de médecine interne Hôpital de la Conception 147 bd Baille 13385 Marseille Cedex 5 Téléphone : 04 91 38 28 62 Télécopie : 04 91 38 28 63 SMS : 06 89 75 16 24 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Docteur Jean DAGRON) CHU de Nice : pôle LSF Paca est service policlinique Hôpital St Roch 5 rue Pierre Dévoluy 06006 NICE Cedex 1 Téléphone : 04 92 03 33 35 Télécopie : 04 92 03 36 96 SMS : 06 08 04 01 99 Courriel : [email protected] 67 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Pôle Rhône-Alpes CHU de Grenoble : pôle Rhône-Alpes d’accueil et de soins en langue des signes Hôpital A. Michallon département pluridisciplinaire de médecine BP 217 38043 Grenoble Cedex 09 Téléphone : 04 76 76 50 41 Télécopie : 04 76 76 89 99 SMS : 06 74 08 74 45 Minitel : 04 76 76 87 72 Courriel : [email protected] (Médecin responsable : Dr. Benoît MONGOURDIN) *** HCL : Plateforme d’accueil et des soins pour patients Sourds Hôpital Édouard Herriot, Pavillon R CLInique de Médecine Ambulatoire SMS : 07 84 00 05 60 Courriel : [email protected] 68 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 2 : Document de synthèse de recherche à l’intention des médecins traitants de patients sourds suivis dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble Chers confrères, chères consoeurs, Vous avez été contacté par téléphone ou par mail afin de participer à une thèse de médecine générale portant sur la double prise en charge en médecine générale de certains patients sourds signants, par leur médecin traitant et par un médecin d’une unité d’accueil et de soins pour les sourds. Depuis 1995, 20 Unités d’Accueil et de Soins pour les Sourds (UASS) se sont développées en France afin de proposer à la population sourde signante des consultations de médecine générale en langue des signes. Les patients sourds ont ainsi le choix de désigner comme médecin traitant, un médecin généraliste libéral ou un médecin généraliste d’une unité. Il en découle la plupart du temps, une prise en charge médicale partagée entre deux médecins généralistes. Partant de cette spécificité de prise en charge, l’objectif principal de cette étude est d’identifier la perception qu’ont les médecins traitants de ville de la prise en charge de leurs patients sourds signants au sein de l’UASS du CHU de Grenoble. Cette enquête, réalisée par Fanny NIER, interne de médecine générale en 6ème semestre, travaillant actuellement dans l’unité Rhône-Alpes d’Accueil et de Soins pour les Sourds est menée sous la direction du Dr CLAVEL Marie. Vous avez été choisi par échantillonnage dirigé car vous suivez dans votre patientèle des patients sourds signants suivis en parallèle dans l’UASS du CHU de Grenoble. Cette étude débutera au 1er juillet 2015 et s’arrêtera après saturation des données, espérée après réalisation d’une quinzaine d’entretiens. Ces entretiens individuels, semi-dirigés, dureront environ 20 minutes et seront réalisés sur les lieux d’activité des interviewés, ou dans un autre lieux de leur choix. Ils seront enregistrés par dictaphone puis retranscrits manuellement sur ordinateur et enfin détruits. Ils resteront strictement anonymes. L’investigateur pourra utiliser un journal de bord et prendre ainsi des notes écrites pendant les entretiens. Un exemplaire de ce dit document sera remis à chaque interviewés avant l’entretien. La retranscription écrite de l’entretien vous sera proposer pour relecture si vous le souhaiter. Pour toutes questions relatives à ce travail, vous pouvez contacter l’investigateur de cette étude à l’adresse mail suivante : [email protected] ou par téléphone au 06 65 49 29 50. En vous remerciant par avance de votre collaboration. NIER Fanny Interne de Médecine Générale 69 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 3 : Canevas d’entretien QUESTION DE RECHERCHE : « Quelles sont les connaissances et représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds, avec l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds (UASS) du CHU de Grenoble ? » Présentation générale et présentation du sujet de thèse : Bonjour, je m’appelle Fanny NIER. Merci de me recevoir. Je suis interne de médecine générale en dernier semestre et prépare actuellement ma thèse. J’étudie la connaissance et la représentation que peuvent avoir les médecins traitants de la prise en charge partagée de leurs patients sourds signants avec l’UASS du CHU de Grenoble. Notre entretien sera enregistré, retranscrit sur ordinateur puis détruit. Ce dont nous allons parler aujourd’hui restera strictement anonyme. Si vous êtes prêt, nous allons commencer. Fiche médecin : Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter ? (Nom, Prénom, Sexe, Tranche d’âge) - Où exercez-vous et depuis combien d’années ? 1. La relation médecin-malade sourd : - Combien de patients sourds ou malentendants suivez-vous, depuis combien de temps, et quelle est la fréquence de leurs consultations ? - Tout en préservant le secret médical, pouvez-vous me dire si ses patients ont des pathologies particulières, chroniques ? - Comment communiquez-vous avec ces patients ? o Avez-vous déjà eu recours à un interprète? o Connaissez-vous quelques signes ? o Savez-vous quel moyen préfère ce patient pour communique en général ? - Saviez-vous que ce (ces) patient(s) est (sont) également suivi(s) par un autre médecin généraliste au sein d’une Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds au CHU de Grenoble ? - Est-ce vous qui (les) l’avez adressé(s) ? o Si Oui comment connaissiez-vous cette structure ? o Si Non, comment l’aviez-vous appris ? 70 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) 2. Connaissances des UASS : - Pourriez-vous me décrire selon vous le rôle et le fonctionnement de cette structure ? - Selon vous, quels professionnels y travaillent ? - Connaissez-vous d’autres unités que celle de Grenoble ? 3. Perception des intérêts et limites pour vous MEDECIN : - Quel est l’intérêt de cette structure pour votre pratique et votre PEC de ce patient ? - Comment cela vous aide t’il dans votre prise en charge de ce type de patient ? - Considérez-vous que cette unité influence ( + ou - ) la relation que vous avez avec ce patient ? - A l’inverse, quels pourraient être les freins engendrés par cette structure dans votre pratique et votre relation avec votre patient ? 4. Perception des intérêts et limites pour le PATIENT : - A votre avis, pourquoi ces patients sourds consultent-ils certaines fois chez vous et certaines fois dans cette unité ? - A votre avis, que leur apportez-vous de plus que cette unité ? - A l’inverse que peuvent-ils trouver de plus dans l’unité par rapport à vous - Vous ont t’ils déjà parler de leur visite dans l’unité et de ce qu’ils en pensaient ? - Selon vous, que trouve ce patient dans cette double prise en charge ? - et quelles en sont les limites pour ce patient ? 5. Relation médecin traitant-unité : - Comment qualifieriez-vous le statut de ce médecin de l’unité ? - Quel rôle attribueriez-vous à ce médecin dans le parcours de soins de ce patient ? - Que pensez –vous de cette double prise en charge médicale par 2 médecins généralistes ? - Vous sentez-vous suffisamment informé concernant la prise en charge de votre patient dans cette unité ? - Selon vous, comment serait-il possible d’améliorer la coordination de ces 2 PEC ? - Et, comment serait-il possible d’améliorer la connaissance de cet accès aux soins des sourds pour les médecins généraliste ? Très bien. Je pense avoir posé toutes mes questions. Avez-vous quelque chose à ajouter, des suggestions ? 71 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 4 : Fiche technique d’information à destination des médecins extérieurs au pôle d’accueil et de prise en charge en LSF pour les personnes sourdes (Circulaire N°DHOS/SDE/E1/2005/497 du 4 novembre 2005) 72 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 5 : Entretien 1 (22’38) Enquêteur : Bonjour, je m’appelle Fanny NIER. Merci de me recevoir. Je suis interne de médecine générale en dernier semestre, et prépare actuellement ma thèse. J’étudie la perception que peuvent avoir les médecins traitants libéraux concernant la prise en charge de leurs patients sourds signants au sein de l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Notre entretien sera enregistré, retranscrit sur ordinateur puis détruit. Ce dont nous allons parler aujourd’hui restera strictement anonyme. Si vous êtes prêt, nous allons commencer. Alors pour commencer, je veux bien que vous vous présentiez d’une façon générale, votre activité, depuis combien de temps vous êtes installé…? Médecin 1 : Donc, et bien moi je suis le docteur X. Je suis installé depuis 20 ans. Je suis un ancien médecin dit urgentiste donc j’ai la capacité de médecine d’urgence. J’ai aussi la capacité de médecine du sport et… je suis aussi… médecin vacataire dans un IME, institut médico-éducatif, avec des enfants handicapés, ça c’est le jeudi matin, et je suis aussi médecin capitaine. Enquêteur : D’accord. Puis-je aussi vous demander dans quelle tranche d’âge vous situezvous ? Médecin 1 : Je suis vieux ! J’ai X ans. Enquêteur : Donc, on va dire 50-54 ans. D’accord, OK. Donc, ensuite, par rapport à la relation que vous avez par rapport à vos patients sourds, combien de patients sourds ou malentendants suivez-vous ? Médecin 1 : En fait, c’est la même famille que je suis. Ils sont tous sourds dans la famille ! Enquêteur : Ils sont combien ? Médecin 1 : Ils doivent être quatre ! Enquêteur : D’accord. Et depuis combien de temps est-ce que vous les suivez ? Médecin 1 : Ca doit faire 10 ans à peu près ! Enquêteur : Et ils viennent vous consulter à peu près tous les combien environ, à quelle ordre de fréquence ? Médecin 1 : Alors…le père comme il a du diabète, enfin il a pas mal de choses, lui, ça fait tous les 3-4 mois. Par contre, les enfants c’est vraiment quand ils ont besoin, certificats, les machins, ça doit faire peut-être une fois par an. Enquêteur : D’accord. Comment est-ce que vous communiquez avec eux ? Médecin 1 : J’écris, on écrit ! 73 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Est-ce que vous avez déjà eu à faire à un interprète ? Médecin 1 : (Silence) Je crois, peut-être une fois, … oui, mais sinon euh on écrit tout, et il faut bien écrire, parce que sinon ça ne va pas ! Enquêteur : Eux, est-ce que vous savez comment, quel mode de communication ils préfèrent ? Médecin 1 : Et bien il aime bien mon fax, le monsieur, parce que quand il veut un rendezvous il me faxe une demande… euh sinon euh… non je ne sais pas… disons que nous, on a trouvé comme ça pour communiquer parce que c’est plus facile. Enquêteur : est-ce que vous faites quelques signes avec lui ? Médecin 1 : Non… euh… je ne connais pas du tout. Enfin si ! Je sais lui montrer quand il faut qu’il aille s’allonger ou des choses comme ça, mais sinon je ne connais pas le langage des signes. Je les vois faire entre eux, mais je ne sais pas ce qu’ils disent. Ça peut être très bruyant d’ailleurs. (Rires) Enquêteur : Ca l’est parfois. (Rires) Ensuite, avant que je vous contacte, est-ce que vous saviez qu’ils étaient suivis justement à l’unité d’accueil et de soins pour les sourds au CHU de Grenoble ? Médecin 1 : Le monsieur oui, parce que je reçois du courrier, et j’ai déjà appelé parce que quand il y a plusieurs pathologies qui s’intriquent, plutôt que de les faire courir à droite et à gauche, si on peut faire tout sur place, c’est quand même mieux, je trouve. Enquêteur : D’accord, donc vous êtes en relation… Médecin 1 : Régulièrement, oui. Enquêteur : Régulièrement, OK, d’accord. Est-ce que vous, vous pourriez me décrire, selon vous, le rôle et le fonctionnement de l’unité de Grenoble ? Comment est-ce que vous l’imaginez ? Médecin 1 : Comment j’imagine… Ils ont beaucoup de temps, pour pouvoir faire beaucoup d’écoute, écouter toutes les demandes et, … par exemple, sur le monsieur qui est diabétique, euh… des conseils hygiéno-diététiques, moi ça me prend trois plombes, pour pouvoir tout écrire, etc. Donc, du coup, je compte sur eux pour faire… prendre plus de temps que moi je ne peux donner pour expliquer certaines choses, ou des trucs comme ça, mais sinon… j’ai eu l’impression qu’ils arrivaient quand même à faire un peu la synthèse des différentes examens qui sont faits, par exemple, l’urologie chez lui, il y a la diabéto, il y a sûrement la diététicienne. Qu’est-ce qu’il y a euh, la cardio… donc c’est vrai, c’est plus simple quand tout est fait sur place. Enquêteur : Très bien. Selon vous quels professionnels y travaillent, dans l’équipe ? 74 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 1 : Pum pum pum pum… Bonne question ! Ben… moi, quand j’ai quelqu’un, j’ai un médecin. Quelle est sa spécialité… ça je ne sais pas… euh. Bon, j’imagine qu’il doit y avoir sûrement une assistante sociale, des infirmières, bref tous les trucs des hôpitaux. Euh… mais bon après, quand il voit des spécialistes, c’est la spécialité de chacun, mais sinon il doit sûrement y avoir des traducteurs j’imagine, non ? Enquêteur : Alors, en fait il y a trois médecins qui sont des médecins généralistes, qui consultent en tout pour un temps plein. Il y a cinq interprètes pour deux temps et demi. Il y a trois intermédiaires, qui sont des personnes sourdes, et qui ont chacune des compétences en linguistique, qui nous aident donc dans les traductions, et qui chacune aussi ont un rôle particulier. Il y a une éducatrice spécialisée, une conseillère en économie sociale et familiale et la troisième n’a pas pour le moment de casquette particulière. Il y a une secrétaire, deux psychologues, une cadre de santé. Par contre c’est une unité de consultation, donc il n’y a pas d’infirmières et pas d’aides-soignantes. Médecin 1 : D’accord. Enquêteur : Cette unité, vous l’avez connue comment ? Médecin 1 : (soupir) Je pense que… euh… je me demande si un jour, je n’avais pas été obligé d’hospitaliser ce patient, justement à Bourgoin, et ça doit être par le biais de l’hôpital de Bourgoin… à mon avis. Parce qu’effectivement, après je les ai eus au téléphone, et puis bon maintenant voilà, mais euh… ce n’est pas moi qui suis allé les chercher. Je ne savais pas que ça existait d’abord. Enquêteur : Est-ce que vous savez s’il existe d’autres unités en France ? Médecin 1 : Oh non, je ne sais pas, mais je suppose ! Enquêteur : Il en existe vingt en France ! Médecin 1 : D’accord. Enquêteur : Alors, maintenant, plus par rapport à la relation que vous avez avec ces patients dans votre pratique, quel est l’intérêt de cette structure ? Médecin 1 : Ben… euh… quand tu n’as pas de problèmes de santé majeurs, bon… on arrive à se débrouiller. Par contre quand, comme ce monsieur qui commence à être poly pathologique, là ça devient intéressant d’avoir quelqu’un… d’avoir ce genre de structure justement pour faire euh… un peu cette synthèse. Et puis parfois même, ce que je crois, c’est qu’ils ont réussi en parlant, à découvrir qu’il y a d’autres problèmes que moi-même je n’avais pas eu le temps de voir. Une consultation pour moi quand les patients sont sourds, c’est souvent une demiheure, car c’est plus long ! Donc, je ne peux pas me permettre de rallonger à l’infini donc euh… (hésitation) on aborde certaines choses. Vous voyez à chaque fois c’est plus long 75 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) d’écrire que de parler. Et donc, oui, c’est un peu un complément par rapport au travail que je fais ou que je ne fais pas, car je crois qu’il avait des problèmes de pieds, et je ne sais pas je crois que je fais un blocage sur les pieds, enfin bon… Enquêteur : D’accord… et dans la relation que vous avez avec ce patient comment est-ce que ça intervient ? Médecin 1: Ben je pense qu’il est… il est content, il est rassuré de savoir qu’il existe une structure comme ça, et qu’il peut communiquer avec, quand il y a un truc qui va pas. Enquêteur : D’accord. A l’inverse, dans le sens de freins ou des limites que cette unité peut apporter. En fait, quels sont les freins et les limites que cette structure peut engendrer dans votre pratique, et dans la relation que vous avez avec votre patient ? Médecin 1 : Peut-être les déplacements ! Et bien ce qui peut arriver, peut-être, euh… c’est que l’on se démobilise. Si la structure fait trop bien les choses, et donc que nous on n’a plus qu’un simple rôle, on va dire presque que de renouvellement simple, on peut arriver à se démobiliser, ah dire bon… Tu vois en ce moment, ils sont en train de mettre au point les fameuses infirmières cliniciennes, notamment chez les gens diabétiques et compagnie… Donc elles, elles sont à fond dedans. Résultat des courses, qu’est-ce qui va se passer : on va diluer… plus personne ne va savoir qui c’est qui doit faire quoi. Eh bien nous médecins, on n’a plus besoin de nous, tant pis. Et je pense que ça va être préjudiciable, alors que ça partait d’une bonne intention mais au contraire, plus tu multiplies les intervenants pour s’occuper d’une pathologie, moins, c’est à mon avis,… moins c’est bon. Alors expliquer que… On a l’impression qu’on est un peu débile, nous, les médecins, une fois qu’on a fait toutes nos années d’études, à la fin… et bien… c’est tellement long, qu’il faudrait presque recommencer à zéro… tu vois… je sais pas. Et ça… cet état d’esprit qui est là actuellement, moi je ne suis pas d’accord, pas du tout pour ce genre de choses. Parce que je pense que ce n’est pas bon, il faut qu’il y en ait un, un qui soit responsable. C’est comme dans une intervention… euh… bon je prends l’exemple du SMUR. Si on était cinquante à décider ce qu’on fait, on fait plus rien. Il faut quand même qu’il y en ait un qui décide, ben toi, tu vas surveiller un tel et toi un tel quand il y a plusieurs blessés. Sinon, c’est le bordel. Et ce n’est pas humiliant, désobligeant, tout ce qu’on veut, de recevoir un ordre d’un médecin quand même ! Et à l’heure actuelle, on a l’impression que l’on ne peut plus rien faire. Si tu dis à une infirmière… ben écoutez… j’aimerais bien que vous fassiez ça, c’est un drame ! Enfin bref ! Enquêteur : Donc ça c’est plutôt par rapport à la pratique, le fait de se désinvestir. Médecin 1 : Oui, au niveau du risque ! Enquêteur : Et au niveau de la relation que vous avez avec votre patient ? 76 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 1 : Eh bien moi j’aime bien quand il y a une bonne relation. Là ça se passe très bien. Enquêteur : Mais le fait que quelqu’un de l’extérieur vienne prendre en charge un patient avec qui vous avez déjà construit une relation, vous le vivez comment ? Médecin 1 : Oui. Euh… pour l’instant, c’est vraiment le patient. Le patient compte tout de même vraiment sur moi, et notamment pour déclencher les choses. Donc pour le moment ça se passe très bien ! Je reste le référent. C’est sûr qu’après, si je suis comme, parfois ce que l’on a avec des patients chroniques suivis presque exclusivement en spécialité, c’est effectivement extraordinaire, brutalement, le spécialiste est en vacances, boum le patient se pointe chez toi ! Alors tu lui expliques : écoutez, moi ça fait plus d’un an et demi que je ne vous ai pas vu, je ne sais pas bien exactement où vous en êtes, le patient s’énerve, c’est quoi ce bordel, etc. C’est là où il faut faire attention, mais si on fait ça intelligemment, normalement, moi ça ne me dérange pas. Enquêteur : Donc ça ne vous dérange pas. Médecin 1 : Euh… ce qui me dérange parfois, c’est quand… de toute façon on a un courrier, on est au courant… c’est quand on n’a RIENNNNN. C’est là où ça peut être compliqué. Enquêteur : D’accord. Et à votre avis, pourquoi ces patients consultent chez vous et des fois à l’unité ? Médecin 1 : Alors il y a… si c’est un patient chronique, il va y avoir le côté renouvellement d’ordonnances. Bon ça c’est censé pouvoir se programmer, ce n’est pas les urgences, c’est pas une urgence. Après, il peut y avoir un problème d’urgence, et là, le problème, c’est que l’on ne peut pas malheureusement voir tout le monde tout le temps, et n’importe comment. C’est là où il va peut-être aller à droite ou à gauche voir un autre médecin pour une urgence particulière. Enquêteur : Donc, finalement, plutôt en fonction du motif de consultation et de la disponibilité si j’ai bien compris. Médecin 1 : Oui c’est ça. Le souci, c’est que, au niveau de la médecine générale on n’est quand même pas très nombreux. La, l’année dernière on a euh… pas très loin… à X, tous les médecins sont partis. Et c’est pas un petit village ! Bon. Donc forcément, quand il y a six médecins qui se sauvent comme ça, tu as des pauvres gens qui sont à la recherche d’un médecin qui veut bien leur renouveler leurs ordonnances, bref c’est un peu compliqué. Enquêteur : D’accord. Maintenant sur le plan relationnel, qu’est-ce que ces patients trouvent chez vous qu’ils ne trouvent pas à l’unité, ou inversement ? Médecin 1 : Alors ça il faut leur demander à eux ! Parce que je ne sais pas. Euh,… peut-être que… 77 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Par exemple qu’est-ce que vous pensez pouvoir leur apporter en plus par rapport à l’unité ? Médecin 1 : Ben, j’ai un côté un peu pratique dans le sens où pour eux, ils peuvent venir chez moi à pied me voir. Ils ne sont pas obligés de prendre les transports etc. Après, euh… euh… c’est vrai que quand tu es dans un système hospitalier, c’est stressant quand même, là c’est quand même moins stressant. Et puis… après ça dépend peut-être aussi du médecin qui est en face. J’essaye de… de ne pas être trop stressant, d’avoir de l’humour, des fois ça passe pas bien d’ailleurs, car ils ont l’impression, par forcément les sourds d’ailleurs, mais que je me fous un peu de leur gueule. Mais des fois… encore il faut faire gaffe, car une fois, j’ai eu un problème avec des Yougoslaves. Je les sentais très stressés, j’ai voulu faire un peu d’humour, ils l’ont très mal pris parce qu’ils n’ont pas compris mon humour, ils ont cru que je me foutais d’eux. Et donc, il faut faire gaffe. C’était simplement une histoire d’incompréhension, ils l’ont pris au premier degré, et c’est vrai que je n’y ai pas pensé. Ils ont cru que je me moquais d’eux. Pour cette famille, ils ont des phrases très bien faites où je pensais qu’ils comprenaient bien le français, et en fait je pense, pas sur tout. Enquêteur : Donc il faut faire attention par rapport à la culture et aux personnes… Médecin 1: Oui, et par rapport à ce qu’ils en comprennent. Alors quand on écrit, c’est ça l’avantage, s’ils disent c’est quoi… ça veut dire quoi… ils te font comprendre qu’ils n’ont pas compris le mot, etc. Enquêteur : Donc ça c’est ce que vous leur apporter. Et à votre avis, qu’est-ce qu’ils trouvent à l’unité qu’ici ils ne trouvent pas ? Médecin 1: Je pense qu’ils ont compris que tout ce qui étaient examens paracliniques, organisation des consultations, etc.… c’est plus là-bas que ça va se faire. Et donc du coup ils n’ont pas à courir à droite et à gauche. Enquêteur : Et le fait que là-bas ils communiquent en langue des signes ? Médecin 1: Eh bien ça aide ! Ça doit les rassurer, j’imagine. Enquêteur : OK. Est-ce qu’ils vous ont déjà parlé de leur visite dans l’unité, ce qui a été fait, et comment ils vous en ont parlé ? Médecin 1: Non, ils m’ont dit qu’ils y sont allés mais généralement non non non… Enquêteur : D’accord. Médecin 1 : Non parce que comme je sais que ça va être long, généralement euh… je leur dis que j’ai reçu un courrier, ou alors des fois ils me demandent, alors je leur dis un peu les conclusions, ou les choses à faire, mais ils ne me parlent pas de comment ils voient cette structure. 78 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Est-ce qu’ils oralisent un petit peu, dans cette famille ? Médecin 1 : Alors oui… son épouse arrive des fois à me… oh… en fait même lui, il arrive des fois à essayer de me prononcer un truc. Quand ils voient que je ne comprends RIENNN… ça les fait rire souvent, puis après ils essaient de me prononcer oralement le mot. Enquêteur : D’accord. Et à propos de la relation entre vous médecin et le médecin de l’unité, euh… qu’est-ce que vous en pensez de cette double prise en charge médicale par deux médecins généralistes. Est-ce que c’est un avantage, y a-t-il des limites ? Médecin 1 : Ah ben oui, je vois que pour moi c’est un avantage oui. Ah oui, parce que, si je les envoyais, bon… chez le spécialiste… ça va être compliqué, à l’hôpital, en hospitalisation, pour faire le bilan… euh… je suis pas sûr que cet euh… le temps qui est pris pour expliquer les choses soit pris aussi à l’hôpital. Euh, donc, non, c’est important. Enquêteur : Au niveau des informations, des examens par exemple, est-ce que vous avez l’impression qu’il y a un double… Médecin 1 : … Des doublons ? Enquêteur : Oui, est-ce que ça empiète… Médecin 1 : Non pas pour l’instant Enquêteur : Est-ce que le médecin empiète sur votre activité ? Médecin 1 : Non… non, euh, les choses, c’est peut être au niveau de la biologie, il peut m’arriver d’avoir demandé quelque chose, comme ils ont pas amené leur résultat, là-bas ils refont… mais ça, c’est théoriquement, si c’était, un jour… peut-être… sur une carte à puce… Enquêteur : Finalement ce n’est pas parce que c’est lié au problème de communication. Médecin 1 : Non, c’est le même problème, c’est pareil pour tout le monde. C’est-à-dire qu’euh… on peut sans doute faire des économies en voyant ce qui a été fait. Par exemple, tu as des personnes qui sont allées aux urgences, ils ont eu des radios, je leur demande elles sont où ? Ah ben, on ne me les a pas données. Mais j’ai très mal docteur etc.… Et donc tu vas redemander des radios. Mais bon ça c’est sûr que c’est comme ça à chaque fois. Enquêteur : D’accord. Comment est-ce que vous le considérez, ce médecin de cette unité ? Médecin 1 : Très bien ! Non en plus, la dame que j’ai eue, c’est une dame que j’ai eue, elle est très gentille… non mais n’empêche c’est important ! Quelqu’un de gentil que ce soit un patient ou un médecin, peu importe, je trouve, enfin moi, je fais plus attention sur le suivi et c’est plus agréable, et on arrive à faire même des fois plus d’efforts que quelqu’un qui t’agresse. Enquêteur : Et pour vous, c’est qui alors, un autre médecin généraliste, un spécialiste, un correspondant… comment le qualifieriez-vous ? 79 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 1 : Un confrère. Enquêteur : Un confrère de médecine générale. Médecin 1 : Pour moi c’est… je ne savais pas qu’ils étaient médecins généralistes à la base, mais en fait ils sont quand même un peu spécialisés quelque part par rapport à ça... euh... bon je sais que dans certains domaines de la médecine générale, je suis un peu meilleur que dans d’autres domaines. C’est vrai, moi en plus, je suis associé avec une collègue qui fait plus de gynéco par exemple que moi, donc depuis qu’elle est là, j’en fais encore moins qu’avant, donc du coup la gynéco, c’est vrai je ne me sens pas du tout à l’aise. Bon ! Enquêteur : Très bien. Et est-ce que par rapport à ce qui est fait dans l’unité, vous vous sentez suffisamment informé de la prise en charge qui est menée chez ce patient ? Médecin 1 : Ben oui, ça me va. Moi je reçois les comptes rendus, oui c’est bon. Enquêteur : D’accord. Et euh, dans l’idée d’améliorer la coordination des soins, y a-t-il des choses qui vous intéresserez ? Je ne sais pas par exemple de recevoir des documents, venir visiter une fois l’unité, ou d’autres choses ? Médecin 1 : Alors c’est vrai que ça ne serait pas Grenoble, ça serait Lyon, enfin plus proche, parce que Grenoble, c’est terrible pour aller à Grenoble, ça se mérite d’aller à Grenoble, il y a les bouchons à l’entrée de Grenoble, donc voilà… Sinon, oui, visiter, c’est ça, ça pourrait être intéressant. Mais bon là je sais que j’essaye d’avoir par mon SISERA, enfin les courriers directement par informatique, alors ça, ça sera intéressant quand ça sera vraiment au point. Enquêteur : Vous avez une adresse mail alors qu’on pourrait utiliser pour qu’on puisse communiquer avec vous ? Médecin 1 : Oui, alors c’est X. Enquêteur : Et bien très bien merci. De mon côté j’ai posé toutes mes questions. Y a-t-il des choses que vous voulez rajouter ? Médecin 1 : Non, ça va. 80 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 6 : Entretien 2 (21’02) Enquêteur : Bonjour… donc je m’appelle Fanny NIER. Je suis interne de médecine générale en dernier semestre à Lyon. Pour ma thèse, je cherche à étudier la perception que peuvent avoir les médecins traitants libéraux concernant la prise en charge de leurs patients sourds signants au sein de l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Notre entretien sera enregistré, et ce dont nous allons parler aujourd’hui restera strictement anonyme. Pouvons-nous commencer ? Médecin 2 : Oui ! Enquêteur : Impeccable. Si vous voulez bien d’abord, si vous pouvez vous présenter, qui vous êtes et ce que vous faites… Médecin 2 : D’accord ! Alors docteur X, médecin généraliste, médecin du sport à X depuis 4 ans. Euh… qu’est-ce que je suis, médecine générale… voilà. Enquêteur : Je vais vous demander dans quelle tranche d’âge vous situez-vous ? Médecin 2 : J’ai X ans. Enquêteur : Donc 40-44 ans. Très bien. Combien de patients sourds ou malentendants suivez-vous, depuis combien de temps et à quelle fréquence ? Médecin 2 : Oui ! ... Et bien j’en ai… j’ai un patient… depuis 3 ans. Enquêteur : Depuis 3 ans, très bien. Et il vient vous consulter tous les combien de temps environ ? Médecin 2 : Euh... on va dire… tous les 2 mois… oui. Enquêteur : De façon régulière alors ? Médecin 2 : Oui ! Enquêteur : A t-il des pathologies particulières, dans le sens maladie chronique, il y a le secret médical mais juste de façon globale ? Médecin 2 : Oui, il a des pathologies cardiaques chroniques, il a un défibrillateur… et puis, suite à un accident de la voie publique, il a des problèmes de douleurs de bassin et lombaires chroniques. Enquêteur : D’accord. Comment communiquez-vous avec ce patient ? Médecin 2 : Et bien, en fait, on communique… on communique bien parce qu’il est appareillé, donc je parle un peu fort… et euh… apparemment ça fonctionne… euh… parce que lui ne me demande pas de répéter ou… j’ai l’impression qu’il comprend voilà, ce que je lui dis, voilà, quand on discute, il a un discours normal. Oui ! 81 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord, et est-ce que par moment vous passez par l’écrit, par des images ou des schémas ? Médecin 2 : Non, que par l’oral ! Enquêteur : D’accord et avez-vous déjà fait une consultation avec un interprète ? Médecin 2 : Non. Enquêteur : Et vous, savez-vous à l’extérieur comment ce patient communique ? Quel mode de communication il préfère ? Est-il plus dans l’oralisation, la langue des signes… ? Médecin 2 : Je ne l’ai jamais vu avec la langue des signes. Quand il vient avec son ami, il n’y a pas du tout de langue des signes. Non ! Enquêteur : Très bien. Est-ce que vous saviez que ce patient était suivi par un autre médecin généraliste, notamment celui de l’unité ? Médecin 2 : Oui ! Oui, oui, parce que j’ai reçu des courriers. Voilà, Oui. Enquêteur : D’accord. Donc, vous le saviez par courrier. Médecin 2 : Oui, c’est ça. Enquêteur : Avez-vous déjà eu ce médecin par téléphone ? Médecin 2 : Euh… Non. Enquêteur : Jamais. Médecin 2 : Non, courriers ou mails, je ne sais plus… je reçois souvent des mails aussi… c’est peut-être avec ZEPRA [Zéro Echange Papier en Rhône-Alpes]… je sais plus. Enquêteur : Selon vous, pourriez-vous me décrire un petit peu comment vous voyez le rôle et le fonctionnement de l’unité ? Qu’est-ce que vous en savez ? Médecin 2 : Ben non, pas du tout. Euh… ben je ne connaissais pas… euh… ce service, et puis… en fait… c’est le patient qui m’en a parlé… qu’il avait vu un médecin dans le service pour sourds et malentendants. Enquêteur : D’accord. Et comment concevez-vous le service, qui y travaille, ce qui est fait ? Médecin 2 : Et non… (rires) et non… euh… apparemment, lui, il voit toujours le même médecin… euh… ce qui a permis justement quand il a fallu faire des examens complémentaires qu’il arrive à les faire assez rapidement à l’hôpital. Euh… voilà. Enquêteur : Certainement plus rapidement qu’en ville à votre avis ? Médecin 2 : Et ben oui, parce qu’il a des problèmes de foie, il a eu des biopsies hépatiques, donc il a vu le gastroentérologue assez vite et les biopsies se sont faites rapidement aussi. Donc ça s’est bien passé, et euh, ça a été bien fait, rapidement. Enquêteur : Pour vous, comment fonctionne cette unité ? 82 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 2 : Euh… je ne sais pas du tout s’il y a vraiment un service particulier ou si… ils sont plutôt… euh… Je ne sais pas comment ça fonctionne, s’il y a que des bureaux pour faire des consultations ou s’il y a même des lits d’hospitalisation, ou s’ils tournent dans l’hôpital aussi… non je ne sais pas… Enquêteur : Et bien je vais vous donner quelques infos : c’est une unité uniquement de consultations, il n’y a donc pas de lits d’hospitalisation, pas d’infirmières, pas d’aides soignants. Il y a trois médecins différents pour un équivalent d’un temps plein. Il y a une secrétaire. Il y a cinq interprètes qui interviennent à la fois pendant certaines consultations dans l’unité et à la fois quand il y a besoin dans les autres services, lors d’une hospitalisation, d’examens ou d’une consultation spécialisée. Il y a ensuite trois inter médiatrices, qui sont des personnes sourdes, qui interviennent lorsque les patients n’ont pas une langue des signes française ou alors qu’ils ont un niveau faible en langue des signes. Elles aident à la communication, et chacune a également une casquette particulière : il y a une éducatrice spécialisée, une conseillère en économie sociale et familiale et une troisième qui vient juste d’arriver. Il y a également deux psychologues qui consultent en langue des signes. Et, il y a un cadre de santé. Médecin 2 : Hum hum. Enquêteur : Par contre, il n’y a pas de lits d’hospitalisation. Quand un patient est hospitalisé, un membre de l’équipe essaye de passer une fois par jour dans le service. Et à part cette unité, est-ce que vous connaissez d’autres unités de la sorte ? Est-ce unique en France ou y en a t-il d’autres ? Médecin 2 : Euh… non, je ne sais pas. Moi je viens de Nancy, je n’en ai pas entendu parler de cela. Non, je n’en avais pas entendu parler d’interprètes et de médecins pour sourds et malentendants. Enquêteur : Donc en fait, il y a vingt unités en France. Ce sont des unités dites de mission d’intérêt général. La plupart sont des unités somatiques, et il existe deux unités psychiques à Paris et à Marseille. Médecin 2 : Et bien je ne savais pas ! Enquêteur : Donc pour vous, quel est l’intérêt de cette structure pour votre pratique et dans la relation que vous avez avec ce patient ? Médecin 2 : … Peut-être que… quand j’ai l’impression que le patient comprend bien, peutêtre que… en fait il y a des parties qu’il ne comprend pas, ou ne montre pas, ou ne demande pas, et donc avec ces consultations, justement, ça peut améliorer les choses et améliorer la relation avec le médecin. 83 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Donc plutôt dans le sens de la compréhension ? Médecin 2 : Oui ! Enquêteur : Tout à l’heure, vous avez parlé d’accessibilité aux examens, aux spécialistes. Vous pensez que c’est pareil que si vous deviez orienter ce patient en ville ? Médecin 2 : Oui, je pense que ça aide, puisque c’est à l’intérieur de l’hôpital, et que le médecin du service peut… peut en discuter avec ses collègues, ça améliore à mon avis l’efficacité. Enquêteur : Très bien. Et à l’inverse alors, les freins engendrés par cette structure dans votre pratique, le fait qu’il y ait une double prise en charge ? Médecin 2 : Et bien après, si euh… il faut être au courant de ce qui se passe, mais s’il y a une bonne communication, je pense qu’il n’y a pas tellement de freins. Enquêteur : D’accord. Donc, il faut mettre l’accent sur la communication ? Médecin 2 : Oui, voilà ! Il faut savoir s’il y a un traitement ou des examens qui vont être faits, au moins qu’on le sache quoi… par ce que… après, quand le patient revient et que l’on n’est pas au courant c’est un peu difficile ! Enquêteur : Oui en effet, d’accord. A votre avis, pourquoi ce patient vient parfois dans l’unité et parfois vous consulter vous ? Médecin 2 : Euh… j’ai l’impression que depuis qu’il est suivi aussi à l’hôpital, il vient souvent ici quand il faut… surveiller les problèmes habituels, refaire les traitements... voilà… mais s’il a un problème plutôt aigu ou particulier qui apparaît, il va peut-être aller plutôt voir le médecin de l’hôpital. Enquêteur : Donc, vous considérez qu’ici c’est plutôt suivi et renouvellement d’ordonnances ? Médecin 2 : Oui, alors que là-bas,… justement quand il avait eu cette histoire de foie, il en avait parlé au médecin là-bas, et, euh…voilà c’est lui qui a pris en charge… qui a mis en place la consultation de gastroentérologie… et, euh, de faire des biopsies. Je pense que… euh… c’est pas tout à fait les mêmes motifs pour lesquels il vient. Enquêteur : Vous, que pensez-vous lui apporter de plus que dans cette unité ? Médecin 2 : … Et bien, peut-être parce que je le vois depuis 3 ans, comme je le vois assez souvent, le dossier s’épaissit, et donc je le connais peut-être mieux que le médecin de l’unité. Euh… voilà… ça c’est peut-être possible ! Enquêteur : Oui. Médecin 2 : Peut-être qu’il m’aime bien ! (rires) 84 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Et donc, si on devait résumer, quels seraient pour vous les avantages de cette double prise en charge médicale ? Médecin 2 : Et bien du coté du patient je pense que pour lui ça améliore… euh… sa compréhension peut-être des problèmes médicaux qui ne sont pas toujours faciles, à faire comprendre même si on entend bien. Donc là oui, peut-être que ca améliore les explications pour ses pathologies. Donc, ça c’est pour le patient… Et du côté du médecin ? Ca permet… euh, c’est vrai, d’être… euh… si des fois il y a un médecin qui a une idée et que l’autre pas, au niveau diagnostic et examens, euh, ça permet peut-être d’être mieux entouré pour les histoires médicales, de traitement ou de diagnostic. Voilà, oui Enquêteur : Oui, d’avoir l’avis d’un confrère. Médecin 2 : Oui, voilà, et apparemment assez rapidement. Je ne sais pas si les délais de consultation… c’est assez… Enquêteur : C’est variable selon les périodes ! Médecin 2 : D’accord. Enquêteur : D’accord. Et pour le patient quelles seraient les limites justement de cette double prise en charge par deux médecins généralistes ? Médecin 2 : Les limites…bien c’est sûr qu’il faut avoir le même discours, parce que sinon on s’éparpille un peu, et après le patient ne comprend pas, si on est… si on ne raconte pas la même chose… donc là, après il est un peu perdu, sinon euh… voilà… si les transmissions se font bien ça ne devrait pas poser beaucoup de problèmes…D’autres limites… et bien là on est sur place..., ça pourrait être ça aussi les limites… on est tout prêt quoi, d’accord, après si… Enquêteur : Vous voulez dire quoi par « on est tout prêt » ? Médecin 2 : Et bien, on est à côté de l’hôpital ici, voilà…s’il y a d’autres patients qui sont loin de l’hôpital, c’est plus difficile. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup … qui traversent le département pour venir dans l’unité. Enquêteur : C’est assez variable en fait ! Médecin 2 : Ah oui, mais voilà, c’est parce qu’ils sont complètement sourds, et que le médecin n’arrive pas du tout à discuter avec alors. Oui, ça s’est possible. Enquêteur : Si vous deviez donner un qualificatif au médecin de l’unité quel serait-il, ou alors comment considérez-vous le médecin de l’unité ? Médecin 2 : Alors, non, je n’avais pas connaissance de ces… de ces compétences médicales, s’il s’était spécialisé dans quelque chose ou pas, voilà, ça je ne savais pas… euh… Enquêteur : Par exemple, si je vous demande : est-ce que c’est un confrère, un correspondant, un médecin de deuxième intention, un spécialiste… ? 85 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 2 : Hum hum… ben on va dire, oui un confrère… un confrère, un correspondant, oui. Enquêteur : Oui, d’accord, très bien. Et, est-ce que vous vous sentez suffisamment informé de la prise en charge de votre patient dans cette unité ? Médecin 2 : Oui pour l’instant. J’ai reçu du courrier assez régulièrement, quand il y a eu des choses de mises en route. Et donc, oui, ça s’est bien passé. Euh… Enquêteur : Dans l’idée où il vous aurait manqué des informations, et comme aujourd’hui je vous donne un certain nombre d’informations, y aurait-il quelque chose que vous auriez aimé pour améliorer la coordination des soins, recevoir des prospectus, des documents… Médecin 2 : Ah non, parce que les transmissions ça se fait comme d’habitude, avec les autres médecins, les courriers ou les mails, voilà… ou même des fois des coups de téléphone mais… non… après peut-être c’est… c’est de faire connaître plus le service quoi ! Enquêteur : Très bien. Et bien pour ma part, j’ai fini. Souhaitez-vous rajouter quelque chose ? Médecin 2 : … Enquêteur : Je ne sais pas, par exemple, par rapport au ressenti que vous avez quand vous voyez ce patient en consultation par rapport aux autres patients que vous voyez ? Médecin 2 : Euh… bien c’est vrai que quand je le vois, je lui demande si justement il a vu le médecin de l’hôpital, s’il lui en a parlé, ou si il y a eu des choses de démarrées, ou quand il y a un problème s’il en a parlé à l’hôpital, ou s’il est déjà venu ici ? Enquêteur : D’accord, vous le faites régulièrement alors ? Médecin 2 : Ah oui, voilà, oui ! Enquêteur : Très bien. Et bien je vous remercie. 86 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 7 : Entretien 3 (22’48) Enquêteur : Bonjour. Donc comme vous le savez, je m’appelle Fanny NIER. Je suis interne de médecine générale à Lyon en dernier semestre. Merci d’avoir accepté de me recevoir. Comme je vous l’ai expliqué au téléphone, j’étudie, dans le cadre de ma thèse, la perception que peuvent avoir les médecins traitants libéraux concernant la prise en charge de leurs patients sourds signants au sein de l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Notre entretien sera enregistré, retranscrit sur ordinateur puis détruit. Notre échange restera strictement anonyme. Médecin 3 : Il n’y a pas de problèmes. Enquêteur : Alors, pour commencer si vous voulez vous présenter de façon générale : qui vous êtes, ce que vous faites ? Médecin 3 : Alors, je suis le Dr X. Je suis médecin généraliste. J’exerce en libéral depuis 13 ans. J’ai passé ma thèse en 2004. J’ai fait à peu près sept à huit remplacements avant de m’installer… J’ai essayé le milieu urbain, urbain/urbain, X, X, après des plus petites villes comme Voiron, et après finalement j’ai fait beaucoup plus de semi-rural et de rural avant de m’installer ici à X, avec une équipe pluridisciplinaire qui était des amis auparavant, et c’est pour cela qu’on se retrouve à plusieurs médecins, infirmiers, kinés, et même si on est dans un milieu semi-rural avec 2 000 habitants juste dans le village on draine beaucoup de gens des alentours et… on n’a pas mal de travail. La patientèle est très variée. Moi, je fais plutôt de la gynéco et de la pédiatrie, mais on s’occupe aussi beaucoup des personnes âgées. On a un foyer d’handicapés IMC [Infirmité Motrice Cérébrale] à côté, plus ou moins atteints. On a deux maisons de retraite aussi sur lesquelles on intervient. Je ne suis pas médecin coordinateur. Mes spécialités : j’ai fait un DU d’accueil pédiatrique des urgences pédiatriques. Je me suis formée en gynécologie, en suivi de grossesse et contraception. Je pratique l’anglais assez couramment, et pas d’autres langues… (rires) Enquêteur : Impeccable… et juste pour connaître votre tranche d’âge ? Médecin 3 : J’ai X ans. Enquêteur : Donc 40-44 ans. Médecin 3 : Après, je suis maman de deux enfants encore petits. Donc, je ne travaille pas à temps complet pour pouvoir me partager avec eux, donc je travaille 3 jours par semaine. Mais c’est vrai qu’on a une structure qui fait qu’il y a toujours quelqu’un qui peut prendre la suite au cabinet, et on travaille en réseau ce qui fait que les patients savent, qu’en cas d’urgence, ils 87 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) peuvent voir l’un des collègues et qui a accès au dossier médical parce qu’on se le partage, le dossier médical commun, qui est accessible aussi par le Cloud, ce qui fait que quand on est en visite ou qu’on est même à domicile et qu’on doit recontacter les gens, on peut juste avec une connexion internet avoir accès au dossier. Voilà. Enquêteur : OK. Donc, dans votre patientèle combien de patients sourds ou malentendants suivez-vous, depuis combien de temps et à quelle fréquence ? Médecin 3 : Est-ce que malentendants signifie aussi les gens qui sont appareillés ? Enquêteur : Oui, tout à fait ! Médecin 3 : Alors sourds, j’ai une seule personne que je connais depuis… je vais vous dire ça tout de suite (regard sur son ordinateur)… 2009, et que je ne vois que de manière très épisodique, sachant que la dernière consultation remonte à un an. Enquêteur : D’accord. Médecin 3 : Après, en personnes appareillées malentendantes, je dirais une petite dizaine, ça ne dépasse pas dix. Enquêteur : D’accord. Et avec ces patients, pour le moment on va faire les deux, malentendants et sourds, comment est-ce que vous communiquez ? Médecin 3 : Alors pour la personne qui est sourde, auparavant il consultait avec sa femme qui pratiquait la langue des signes et qui faisait l’interprète. Enquêteur : Qui est entendante ? Médecin 3 : Oui, entendante. Malheureusement ils se sont séparés. Donc, les dernières consultations se sont faites avec l’aide d’un interprète. Enquêteur : D’accord. Il est donc venu avec directement ? Médecin 3 : Oui, lui avec, tout à fait. Enquêteur : Est-ce que vous saviez que ce patient était suivi à l’unité de Grenoble ? Médecin 3 : Pas du tout ! Pas du tout. Enquêteur : Comment l’avez-vous appris alors ? Médecin 3 : Quand vous m’avez contactée ! Enquêteur : D’accord ! (Rires) Médecin 3 : L’autre mode de communication que j’ai avec ce monsieur aussi c’est par téléphone portable avec SMS. Enquêteur : D’accord. Médecin 3 : Quand j’avais besoin de lui dire si ses examens biologiques étaient bons ou pas, si j’avais besoin de le revoir etc. Enquêteur : D’accord. Et lors des consultations ? Quand il était seul ? 88 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 3 : Je n’ai pas pu faire de consultation seule, sans… ni interprète, à chaque fois il y a eu toujours quelqu’un ! Enquêteur : Vous n’avez jamais été confrontée où il est venu seul et vous avez dû reporter ? Médecin 3 : Non, du tout. Enquêteur : Est-ce que vous pourriez, en fonction de ce que vous imaginez, me décrire le rôle et le fonctionnement de l’unité de Grenoble, ce que vous en savez ? Médecin 3 : Alors je n’en savais rien du tout (rires)… Enquêteur : … D’accord… Médecin 3 : … Mais j’imagine que c’est comme un cabinet de consultations de médecine générale, mais par contre avec une personne qui parle le langage des signes, ou du moins avec au moins un interprète à côté systématiquement. Enquêteur : Donc interprète, médecin. Vous pensez à d’autres personnes ? Médecin 3 : Alors euh… dans l’idéal j’imagine que ça serait un médecin qui pratique la langue des signes, ou au moins d’avoir une personne même non médecin qui pratique à côté. Enquêteur : D’accord. Je vous donnerai des infos juste après. Donc, vous ne connaissiez pas celle de Grenoble, vous n’en aviez jamais entendu parler d’autres … Médecin 3 : Aux alentours ? Non. Enquêteur : Alors je vais vous donner quelques infos. A Grenoble c’est une unité qui existe depuis 2002. Il en existe vingt en France. Sur la région Rhône-Alpes, elle est considérée comme la plus importante. Depuis l’année dernière, il en existe une sur Lyon, et deux structures assez similaires sont en train de se monter à Chambéry et Annecy. Médecin 3 : Alors, ici, c’est vrai que ça serait Lyon qui pourrait intéresser certains patients, parce qu’il y en a qui viennent du nord de l’Isère. Enquêteur : Alors c’est à la CLIMA : la CLInique de Médecine Ambulatoire. Médecin 3 : D’accord, je trouverai sur internet, parce qu’ici j’ai des patients qui viennent de Bourgoin parfois etc. donc plutôt nord Isère. Enquêteur : D’accord. Donc l’unité, il y a un temps plein de médecin réparti sur trois médecins, qui sont des médecins généralistes qui signent, on dit signeurs. Médecin 3 : Oui. Enquêteur : Il y a une secrétaire signeuse. Il y a cinq interprètes qui interviennent des fois dans l’unité et très souvent dans les étages lorsqu’un patient est hospitalisé, ou a des examens, ou des consultations spécialisées. Il y a un rayonnement dans tout l’hôpital. Il y a deux psychologues signeuses, qui suivent des patients… Médecin 3 : … Alors ça c’est important ! 89 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Voilà, il y a trois inter médiatrices, qui sont des personnes sourdes, qui interviennent pour des patients qui ont une langue des signes très pauvre ou alors qui n’arrivent pas à se faire comprendre. Elles nous aident à la communication, et chacune a également une casquette particulière : il y a une éducatrice spécialisée, une conseillère en économie sociale et familiale et une troisième qui vient juste d’arriver et qui est en train de se former. Médecin 3 : D’accord. Enquêteur : Et donc, il y a des consultations de médecine générale au sein de cette unité. Voilà. Donc pour vous, par rapport à votre pratique et à la relation que vous avez avec ce patient, quel est l’intérêt de cette structure, ou quel serait l’intérêt de cette structure, puisque vous ne la connaissiez pas ? Médecin 3 : Et bien, je pense que c’est bien qu’il y ait un endroit où il puisse se faire suivre régulièrement sans avoir le barrage de la langue, tout simplement. Notamment… pour ce patient, il avait des problèmes psychologiques qui étaient avérés, et c’était très difficile de proposer un soutien psychologique ne sachant pas qu’il y avait un psychologue signeur qui aurait pu l’aider. Enquêteur : Oui. Médecin 3 : Parce que c’était la base de la prise en charge. Enquêteur : Oui. Médecin 3 : Donc après euh… s’ils peuvent avoir un suivi, quand ils ont besoin d’avoir un suivi comme en médecine générale, c’est tout à fait bienvenue, que ça soit en coordination ou en supplément, je dirais même... enfin… principalement par vous, ça serait peut-être même mieux parce que pour lui, c’est pas évident. Maintenant, il est obligé de faire venir un interprète, quand il veut consulter, donc c’est pas évident pour lui et euh… je n’arriverai pas à faire une consultation sans interprète, parce que c’est… car pour moi, pour moi, c’est inconcevable ! Alors sauf cas d’urgence, il arrive, il a une plaie, bien sûr c’est pas pareil, ou on sent qu’il y a une détresse vitale mais ça… ça n’a rien à voir, mais c’est vrai que dans la vie de tous les jours, c’est pas évident. Donc pour moi, ça ne me gêne absolument pas qu’il soit vu qu’à Grenoble. L’important, c’est que je sais qu’il soit bien suivi ! Enquêteur : Oui, tout à fait, d’accord. Et à l’inverse, imaginons que vous vous continuez à le suivre, quels seraient les freins que pourrait apporter cette structure, en plus de votre prise en charge ? Médecin 3 : Un frein ? Ah ben non, au contraire, je pense que ça serait plutôt un complément, et que si j’ai besoin je sais que je peux vous appeler, parce que vous avez son dossier là-bas, 90 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) et savoir ce qui a été fait récemment, pour avoir… non, non, non, ça ne serait pas un frein, bien au contraire. Enquêteur : Ca ne serait pas vu comme une intrusion dans la relation que vous avez avec ce patient ? Médecin 3 : Ah non, du tout ! Enquêteur : Très bien, merci. A votre avis, pourquoi ce patient vient des fois chez vous et des fois à l’unité ? Médecin 3 : Parce que je pense que c’était difficile pour lui de s’exprimer ici. Enquêteur : Donc ça c’est la raison pour laquelle il est allé consulter à l’unité ? Médecin 3 : Enfin, je pense que c’est peut-être pour ça qu’il est allé, et je ne sais pas si moi, c’est vrai que je l’aurais orienté plus tôt si j’avais su que cette structure existait. Et parce que je pense qu’avant il en n’avait peut-être pas le besoin, s’il avait sa femme qui venait consulter avec lui, parce que du coup il avait quelqu’un qui pouvait l’aider dans la vie de tous les jours, et notamment pour venir voir le médecin, et pouvoir s’exprimer à travers elle. Enquêteur : Et il n’a jamais eu de difficultés à s’exprimer devant elle, d’autant plus que vous disiez qu’il y avait des problèmes de couple ? Médecin 3 : Alors, avant les problèmes de couple, c’était pour des problèmes somatiques… j’ai jamais ressenti de frein particulier, on n’a jamais abordé non plus de problèmes particuliers en présence de sa femme. Après, c’est vrai que quand il y a eu ses problèmes psychologiques, le fait de discuter avec un interprète à côté, de faire l’examen clinique en présence d’un interprète, moi je me sentais gênée… euh… peut-être que lui aussi n’a pas pu forcement exprimer tout ce qu’il voulait, parce que c’est très difficile de… voilà… révéler son intimé. Je ne sais pas quel rapport il avait avec cet interprète, si c’était un interprète qu’il connaissait ou pas, si c’était un parfait inconnu… donc, c’est toujours très difficile je pense de raconter ses problèmes les plus intimes. Déjà à son médecin, et en plus en présence de quelqu’un qu’il ne connaît pas. Enquêteur : Oui, en effet. A votre avis, que trouve-t-il chez vous quand il vient ici ? Médecin 3 : Je ne sais pas. (Rires) Enquêteur : D’accord. (Rires) Médecin 3 : Peut-être la proximité ? Alors, après il a déménagé, mais c’est vrai qu’il n’habitait pas très loin du cabinet. Enquêteur : Oui, ça peut être une raison. Médecin 3 : Peut-être que, nous on s’arrange toujours pour avoir des créneaux d’urgence, donc c’est vrai que l’on essaie aussi d’être disponible pour nos patients. 91 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Oui. Et à l’unité, que pensez-vous qu’il trouve à l’unité par rapport à ici ? Médecin 3 : Je pense qu’il se fait mieux comprendre, et qu’il comprend mieux aussi. Enquêteur : Dans les deux sens, oui, en effet, c’est important. Parce que souvent nous on a compris mais… Médecin 3 : ... Qu’est-ce que eux ils comprennent ? Déjà c’est vrai qu’avec une personne entendante des fois le discours médical… on répète plusieurs fois, et on se rend compte que le message n’est pas très bien passé, alors en plus quand il y a le frein de la langue c’est… c’est terrible ! Enquêteur : Vous avait-il déjà parlé de ses visites dans l’unité ? Médecin 3 : Non, jamais ! Enquêteur : D’accord. Si vous continuez à le suivre régulièrement, quels seraient les avantages selon vous de cette double prise en charge médicale ? Médecin 3 : Je pense qu’en cas d’urgence, il sait où me trouver, entre guillemets ! Après pour son suivi régulier, on peut le faire conjointement, mais c’est vrai que c’est souvent mieux d’avoir quand même une seule personne qui s’en occupe entre les suivis bios, les spécialistes éventuels etc. Donc, ça peut être une double casquette, je peux être là pour lui, pour le dépanner si… il a besoin d’être vu rapidement, il ne peut pas se déplacer. Et puis, après, je pense par contre que pour le suivi général, il vaut mieux qu’il soit suivi qu’à un seul endroit, et l’unité me paraît le plus approprié, parce que ça peut être un endroit où il peut se confier plus facilement, il peut avoir un suivi, où il peut se sentir quand même plus à l’aise. Enquêteur : D’accord. Et comment considérez-vous alors le médecin de cette unité ? Médecin 3 : En l’occurrence, je le considérerai plus comme son médecin traitant que moi, moi sur le papier, oui peut-être, mais… le rôle du médecin traitant pour moi c’est celui qui va le suivre… du… je vais dire… dans la vie de tous les jours… et… voilà, je le considèrerai plus comme le médecin traitant de ce patient. Enquêteur : Oui, d’accord. Et pour la dernière question, ça ne va pas forcement aller, mais vous sentez-vous suffisamment informée de la prise en charge de ce patient dans l’unité ? Médecin 3 : Ben non ! Enquêteur : En effet. Et qu’est-ce que vous auriez aimé… Médecin 3 : Bon après, de manière générale, j’aime pas que les gens fassent du nomadisme, c’est à dire qu’il faut qu’il se fasse suivre à un endroit, on peut être là en dépannage… mais qu’il soit suivi principalement à un endroit… donc après, si vous vous le prenez en charge, il y a pas de problème, même si jamais moi j’ai des infos que vous n’avez pas, moi je peux vous les faire passer, mais moi, j’inciterai le patient à se faire suivre qu’à un seul endroit, hormis 92 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) cas d’urgence etc. Alors, je ne veux pas que ça soit que moi, ou que vous, mais que ça soit centralisé à un endroit pour éviter les examens redondants, les choses qui pourraient être dangereuses, les prescriptions qui pourraient se contre-indiquer mais euh… non… moi je vois plutôt du coup… qu’il choisisse entre guillemets, c’est pas lui faire la sommation « il faut choisir » (rires) mais qu’il y ait un seul endroit où il se fait suivre régulièrement et que le reste ça soit du dépannage. Donc après, on peut faire suivre les dossiers s’il y a besoin, mais moi c’est pas que je ne me considère plus comme son médecin traitant mais je suis là plus pour dépanner. Enquêteur : Hum hum… Médecin 3 : Mais je ne lui en veux pas du tout, c’est normal ! (Rires) Enquêteur : Tout à fait. Donc, si je comprends bien, c’est dans l’idée qu’il n’y ait pas de redondance et de… Médecin 3 : … Oui, de redondance. Après les patients ne nous disent pas forcément ce qu’ils prennent à côté, donc quand on fait des prescriptions, dès fois, on peut être dangereux aussi ! Heu… quand on doit suivre sur des problèmes plus chroniques, on va imaginer une lombosciatique, qu’est-ce qui a été fait avant etc., histoires de ne pas repartir sur les mêmes choses, est-ce qu’il y a déjà eu des prises en charge qui ont été faites et compagnie, donc c’est vrai, ça c’est le rôle du médecin traitant, quel qui soit, que ça soit moi ou que ça soit vous, donc c’est vrai que après, il faut imaginer qu’on peut travailler ensemble, mais sachant qu’il faut centraliser à un moment donné, il faut choisir. Je pense qu’il faut choisir et dire voilà, on s’occupe de ce patient, et puis on s’en occupe jusqu’au bout. Enquêteur : Oui oui, tout à fait, éviter aussi qu’une autre structure ne vienne, un peu, s’immiscer dans la relation sans vous en tenir informée. Médecin 3 : Oui. Alors c’est vrai que moi, je ne vous vois pas comme quand j’envoie à un spécialiste, c’est à dire qu’on reste quand même le chef d’orchestre, le centralisateur. On envoie pour avoir un avis spécialisé à un moment donné, et puis après on a le retour et on organise le suivi. Vous, je vous imagine plus du coup, comme l’élément centralisateur, et c’est vrai que j’en n’attends pas le même rapport qu’avec un spécialiste où j’aimerais garder la main puisque je suis le médecin traitant. Si je ne suis plus le médecin traitant, ce qui me dérange absolument pas, mais je sais que vous vous êtes là pour vous occuper de lui du début jusqu’à la fin, vous n’êtes pas vu comme un spécialiste, où j’ai besoin d’avoir forcément un retour à chaque fois. J’en ressens pas le besoin d’avoir des retours. C’est à dire que voilà, on fonctionnera comme un système d’urgence. C’est vrai que vous êtes hospitalier, mais c’est pas comme si vous étiez un service de spécialités sur lequel on a besoin d’un avis ponctuel. 93 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Tout à fait. Médecin 3 : Peut-être que je me trompe, vous vous voyez peut-être votre mission autrement ? Enquêteur : C’est justement un peu le but de ce travail, c’est de redéfinir un peu ça. C’est très particulier, un patient qui se fait suivre par plusieurs médecins généralistes. Ce n’est pas habituel ! Médecin 3 : C’est difficile à gérer ! On en a qui viennent nous voir et puis qui nous disent : « et bien voilà, j’ai mal au dos », et puis quand on creuse un peu « depuis quand ? Vous avez eu quoi comme examens ? » et puis il y a eu des prescriptions avec cinq médecins différents. C’est pas possible. Enquêteur : Et en général, entre médecins généralistes on ne communique pas de la même façon qu’avec un médecin spécialiste. Médecin 3 : Après il faut voir le lien que le patient a avec son médecin. C’est vrai que moi, ce patient, je suis son médecin traitant mais je le vois que très ponctuellement. Je suis plutôt là pour le dépanner. Je ne suis pas son médecin traitant à proprement parler. C’est pour cela que je n’en ai pas le besoin, d’avoir à chaque fois un retour de votre part. A l’inverse, j’aurais un patient que je suis régulièrement qui vient, qui a d’autres moyens pour s’exprimer, et qui vient me voir, je sens c’est moi qui m’occupe de lui, et que ponctuellement j’ai besoin de vous, par exemple parce qu’il a besoin de parler avec un psychologue signeur, là oui, j’aimerais peutêtre un retour là-dessus, oui parce que dans ce cas là, ça serait plus un avis de spécialiste, une prise en charge spécialisée à coté mais que je reste l’élément centralisateur. Enquêteur : D’accord. Et bien, j’ai fini de vous embêter avec toutes mes questions. (Rires) Médecin 3 : Non, mais pas du tout. (Rires) C’est vrai que c’est pas quelque chose que l’on rencontre très souvent ! On a beaucoup de gens qui sont appareillés, ou éventuellement qui ont une surdité mais qui restent appareillés, pour lesquels on arrive encore à discuter… je n’ai eu que ce patient là effectivement… même dans toutes mes années de remplacement, je n’avais pas eu d’autres patients sourds. Finalement, c’est un peu pareil qu’avec les patients anglais que je reçois. Je vois bien que pour un patient, c’est toujours plus facile de s’exprimer dans sa langue maternelle, pour pouvoir aussi bien exprimer ses symptômes, son mal être, comprendre aussi derrière ce qu’on va lui faire, ce qu’on lui propose. Euh… pratiquant l’anglais couramment, assez couramment, c’est vrai que j’ai des patients qui viennent me voir parce qu’ils se sentent plus à l’aise de parler en anglais. Euh… alors après ils ont à faire avec des spécialistes qui parlent français, alors des fois ils reviennent aussi… même si dès fois, ils comprennent un petit peu le français, ils reviennent pour qu’on en rediscute, et pour eux c’est vraiment un élément qui les rassure. Ils se sentent plus compris et ils comprennent mieux au 94 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) retour ce qui leur arrive, et ça leur permet d’être acteur dans leur santé. Et il y une plus grande confiance qui s’installe, donc du coup ils se sentent moins perdus, oui. Donc, c’est vrai que de pouvoir s’exprimer et de se sentir compris, c’est très important dans le rapport médical, c’est primordial. Enquêteur : Très bien ? Merci beaucoup. Médecin 3 : Mais je vous en prie. N’hésitez pas à me recontacter si besoin Enquêteur : Sans aucun souci ! 95 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 8 : Entretien 4 (22’04) Enquêteur : Bonjour, et merci de me recevoir. Je m’appelle Fanny NIER, je suis interne de médecine générale en dernier semestre à Lyon. Je vous ai donc contactée concernant mon sujet de thèse, car vous êtes le médecin traitant d’un patient sourd suivi en parallèle dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds de Grenoble. J’étudie la perception que peuvent avoir les médecins traitants libéraux concernant la prise en charge de leurs patients sourds signants au sein de l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Si vous êtes prête, nous allons commencer. Pouvez-vous vous présenter de façon simple, qui vous êtes et ce que vous faites ? Médecin 4 : Donc X, médecin généraliste à X euh… J’exerce depuis six ans dans un cabinet médical plutôt en secteur rural. Voilà. J’ai une spécificité plutôt en homéopathie depuis cinq ans, je me suis formée depuis mon installation. Voilà. Donc une patientièle plutôt jeune, plutôt féminine, voilà, d’enfants, de femmes, de jeunes parents, voilà ! Enquêteur : D’accord. Et vous concernant, votre tranche d’âge ? Médecin 4 : De moi ? Enquêteur : Oui, de vous ! Médecin 4 : Et bien j’ai X ans ! Enquêteur : Donc 35-39 ans. Médecin 4 : C’est ça ! Enquêteur : Combien de patients sourds ou malentendants suivez-vous, depuis combien de temps et à quelle fréquence ? Médecin 4 : Combien de patients sourds je suis ? Enquêteur : Oui, sourds ou malentendants ! Médecin 4 : Euh… deux, et bien oui ce couple. Enquêteur : Oui, et depuis combien de temps ? Médecin 4 : Ah non, non, erreur, plus que çà ! Euh… quatre, oui ! Euh, depuis combien de temps, et bien depuis six ans ! Enquêteur : D’accord, et ils viennent vous consulter à quelle fréquence environ ? Médecin 4 : Oh… trois, quatre fois par an ! Enquêteur : D’accord. En respectant le secret médical, est-ce que ces patients ont certaines pathologies chroniques ? 96 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 4 : Euh… Non, non, non. Non, il y a les deux parents, ils m’emmènent souvent leurs enfants, et je ne les vois pas forcément eux à titre spécifique. Sauf ce patient, qui a des problèmes de dos, mais son épouse je la vois rarement… euh… pour des suivis gynécos éventuellement, mais c’est surtout les enfants. Ils ont des enfants… c’est un couple, non c’est deux couples jeunes, qui ont des enfants. Enquêteur : OK. Comment est-ce que vous communiquez avec ces patients ? Médecin 4 : Euh, et bien celui que l’on suit en commun, il parle, il baragouine un peu, on arrive à se comprendre, il m’aide bien avec son fils. Enquêteur : Il est entendant son fils ? Médecin 4 : Oui. Et son fils, il est trop fort, parce que son fils il a dix ans, et il me fait toute la traduction. Il sait tout quand datent ses vaccins, j’ai un rendez-vous dermato, je l’ai adressé, il prend ses rendez-vous dermatos, je l’ai revu, il a tout compris, le traitement pour sa verrue, machin… c’est tout le fils qui… Oh le père il baragouine, donc je pense qu’il comprend deux trois trucs mais c’est surtout le fils qui fait toute la traduction. Enquêteur : Et quand vous le voyez tout seul le père ? Médecin 4 : Pouff, ben justement j’ai quand même bien du mal à avoir un interrogatoire fiable et … c’est galère ! Enquêteur : Vous passez par l’écrit par exemple ? Médecin 4 : Non, on passe pas par l’écrit ! Non. Enquêteur : D’accord. Vous faites quelques signes ou pas du tout ? Médecin 4 : Ah non, je fais pas de signes, non ! Enquêteur : OK. Saviez-vous que ce patient était suivi dans cette unité ? Médecin 4 : Non, non. Enquêteur : Comment l’avez-vous appris ? Médecin 4 : C’est le médecin de l’unité qui m’a appelée un jour pour me demander des informations par rapport à des bilans qu’il avait fait en ville, et en fait c’est plutôt lui qui m’en a données. Enquêteur : Très bien. Est-ce que vous vous pourriez me décrire selon vous un petit peu le rôle et le fonctionnement de cette unité, comment vous pensez qu’elle fonctionne ? Médecin 4 : Alors, je ne sais pas bien ce qui peut s’y faire. Euh… je pense que ça doit peutêtre être euh… les patients dans leur démarche sociale, je pense… peut-être ? Dans leurs échanges avec les autres, dans… je ne sais pas si sur le plan médical ce que… Alors je pense qu’il doit y avoir une traductrice, effectivement du personnel adapté en langage des signes qui 97 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) permette de les suivre sur le plan médical, c’est sûr ! Et donc après ils ont peut-être accès à des assistantes sociales qui peuvent les aider dans leurs démarches… j’en sais rien en fait ! Enquêteur : D’accord Médecin 4 : Médico-social ! Je pense qu’il y a des médecins, des traductrices en langue des signes, et je pense qu’il doit même y avoir des psychologues, des assistantes sociales ? C’est tout faux ? Enquêteur : Non, pas du tout. C’est quasiment tout bon, sauf qu’il n’y a pas d’assistantes sociales mais il y a des inter médiatrices qui sont des personnes sourdes, et qui ont une certaine spécificité. Il y a une éducatrice spécialisée et une travailleuse sociale et familiale. Il y a deux psychologues en effet. Il y a une secrétaire, une cadre de santé. Il n’y a ni infirmières ni aides soignantes, car ce n’est pas un service d’hospitalisation ! Médecin 4 : C’est de l’hospitalisation de jour ! Enquêteur : Non ! Médecin 4 : Non, même pas d’hospit… oui, c’est des consultations ! Enquêteur : Oui, des consultations, comme dans un cabinet ! Donc vous ne connaissiez pas celle de Grenoble, saviez-vous qu’il en existe d’autres en France ? Médecin 4 : Absolument pas. Enquêteur : Alors pour vous informer il en existe vingt en France. Médecin 4 : D’accord, dans les CHU ? Enquêteur : Alors pas forcément dans des CHU, ça peut être des CH tout court, mais en général, oui c’est tout de même affilié à un centre hospitalier. Médecin 4 : D’accord, OK. Enquêteur : Parce qu’il y a des consultations mais aussi, ces professionnels interviennent quand il y a des consultations spécialisées, des examens complémentaires ou des hospitalisations. Médecin 4 : Donc vous intervenez mais c’est à dire que vous leur prenez leurs rendez-vous ? Enquêteur : Oui, mais pas uniquement. Les médecins consultent dans les locaux de l’unité, mais les interprètes peuvent être détachés lorsqu’un patient doit passer un examen ou doit voir un spécialiste. Médecin 4 : D’accord. Donc ils peuvent être détachés du service, c’est bien ça ! Enquêteur : Oui en effet. Il y a des consultations internes dans l’unité, et en même temps il y a des interventions dans tout l’hôpital. Médecin 4 : (Silence) 98 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Donc par rapport à la relation que vous avez avec ces patients, quel est l’intérêt de cette structure dans votre pratique et votre prise en charge de ce patient ? Médecin 4 : Et bien heu… et bien du coup c’est vous qui m’avez apporté des informations sur son suivi, etc.… j’ai un peu plus de trucs parce que vous avez du mieux comprendre que moi ! Enquêteur : Donc transmission d’informations ? Médecin 4 : Transmission d’informations oui. Euh… comme je ne savais pas tout ça, je voyais pas ce que ça pouvait m’apporter mais maintenant que je sais qu’il y a des interprètes, je sais que ça peut être intéressant s’il va en consultation spécialisée, euh, pour l’aider à s’exprimer… si un jour je dois l’y adresser. Enquêteur : D’accord. Médecin 4 : Et comment faut-il faire alors ? Enquêteur : Alors, les rendez-vous sont organisés par le secrétariat de l’unité qui se charge de réserver un interprète et de prendre le rendez-vous avec le service concerné. Donc vous il suffit de faire un courrier à l’unité demandant le rendez-vous que vous souhaitez organiser et si possible avec un courrier pour le spécialiste. Médecin 4 : D’accord, c’est bon à savoir ça ! Enquêteur : Euh, est-ce que vous considérez cette structure comme ayant une influence positive ou négative sur votre pratique ? Médecin 4 : Ben… c’est le top ! En même temps on est complètement démuni face aux sourds et muets. On n’y comprend rien, quoi ! Enquêteur : Il n’y a pas de notion d’empiètement sur votre rôle de médecin ? Médecin 4 : Oh non, c’est très bien, c’est une aide ! Enquêteur : D’accord. Et est-ce que vous percevez des freins qui pourraient être engendrés par cette structure ? Médecin 4 : Alors euh… des freins, s’il se passe des choses dont je ne suis pas au courant. Moi ça m’agace. Je veux bien que tout soit fait là-bas mais qu’on est en copie ce qui s’est passé, quoi ! Euh… tout ce qui va dans le sens du patient, tout ça c’est très bien, tout ce qui peut être fait pour lui rendre service et en complément de nous ou en substitut si c’est vous qui l’avait en charge, pas de problème, c’est super, c’est juste que voilà, qu’on puisse être au courant, parce que… voilà… le père il vient vraiment pas souvent lui alors des fois il débarque, je suis au courant de rien, en plus il est suivi à X ou ailleurs… Oui, vous m’avez informée des choses, je n’étais pas au courant, donc moi c’est plus ça, j’aime bien savoir ce qui se passe quoi ! 99 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : OK. Pas de souci. Médecin 4 : Après c’est comme des échanges avec des spécialistes ! Euh… c’est pareil ! Enquêteur : D’accord. Euh… justement, comment considérez-vous ces médecins, quel qualificatif vous leur donneriez ? Médecin 4 : Euh… des généralistes avec une spécificité ! Enquêteur : Ca marche. Médecin 4 : Ca vous va ? Enquêteur : Oui, oui, c’est vous qui me dites ! Très bien. (rires) Médecin 4 : Mais bon ça relève d’un suivi spécifique spécialisé quand même ! Enquêteur : Oui. A votre avis pourquoi ces patients consultent parfois chez vous et parfois à l’unité ? Médecin 4 : Et bien c’est ça, c’est peut-être qu’en bas ils sont mieux compris quand même ? Ils sont peut-être plus reconnus dans leur handicap, enfin, c’est peut-être une structure qui leur convient mieux, ils sont plus à l’aise peut-être aussi avec d’autres patients dans leur… qui ont le même handicap. Et puis il y a moins la barrière du langage quand même, ils sont mieux compris donc je pense que c’est plus adapté. Ben lui, lui étant suivi là-bas, je pense que quand il en a la possibilité il va là-bas je pense ! Enfin je ne sais pas comment il fonctionne mais… Enquêteur : Et donc dans ce cas là pourquoi est-ce que des fois il vient vous consulter vous ? Médecin 4 : Quand il est dans le secteur ou quand il vient pour son fils, je le vois lui, mais c’est souvent pour des petits trucs. Enquêteur : Et vous avait-il déjà parlé de ses visites à l’unité ? Médecin 4 : Non, je ne crois pas, mais je ne comprends pas grand chose de ce qu’il me dit quand même ! Enquêteur : D’accord. Et donc à votre avis, qu’est-ce qu’il trouve dans cette double prise en charge, chez vous et dans l’unité ? Médecin 4 : Et bien, une complémentarité. Enfin, euh… je ne sais pas s’il se pose beaucoup de questions. Je pense qu’il fait, j’ai l’impression, un peu en fonction de là où il est. Je ne sais pas ce qu’il va faire là-bas ! Il y va peut-être pour des maux classiques de médecine générale ? (Silence) Peut-être qu’il y va parce qu’il est mieux compris, dans une structure de soins qui est peut-être mieux adaptée à son handicap, et c’est peut-être plus facile que chez moi ! Enquêteur : Plus facile dans quoi ? Médecin 4 : Et bien dans la communication. Enquêteur : Et à votre avis y aurait-il des limites à ne pas consulter là-bas et à revenir chez vous ? 100 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 4 : Et bien, des choses qu’il ne vaudrait pas évoquer en bas peut-être ? Sur un plan personnel ou… je connais plus sa famille moi aussi donc heu… des choses qui seraient plus du domaine relationnel avec son fils par exemple. Des trucs où je pourrais peut-être avoir un avis un peu plus spécifique, … je sais pas… il aura peut-être plus confiance en moi, plus comme un médecin de famille entre guillemets ! Enquêteur : Oui. Médecin 4 : C’est peut-être prétentieux de dire cela, je ne sais pas ! (Rires) Enquêteur : Il n’y a rien de prétentieux, c’est pour ça que j’interroge les médecins, on va voir ce qu’il en ressort ! Vous m’avez dit que vous considérez le médecin de l’unité plutôt comme un médecin généraliste spécialisé. Médecin 4 : Hum, hum. Enquêteur : Quel rôle dans le parcours de soin de ce patient vous lui attribuerez à ce médecin ? Médecin 4 : Et bien médecin coordinateur. Une plaque tournante quoi ! Enquêteur : Et pourquoi ? Médecin 4 : Et bien, parce qu’il coordonne un peu différents soins spécialisés, rhumato, etc.… il peut même mettre en lien avec l’assistante sociale, c’est peut-être plus la plaque tournante, c’est peut-être plus le médecin traitant référent que moi finalement ! Je pense que ça serait mieux pour lui, je ne sais pas ! Enquêteur : Je ne sais pas… Médecin 4 : Après c’est un patient qui habite là, et moi je suis le médecin plus de proximité. Je sais plus où il en est de sa vie ! Je sais qu’il est pas mal à l’étranger, aussi donc moi je suis plutôt le médecin de proximité quand il est là. Mais je pense que votre rôle il serait plus du coup traitant et coordinateur ! Enquêteur : D’accord. Et, est-ce que vous pensez d’aller consulter dans une structure hospitalière pour des problèmes de médecine générale, ça peut être un frein ou pas ? Médecin 4 : Un frein ? … Non, je ne pense pas. Ca leur permet d’avoir une reconnaissance de leur handicap, d’en tenir compte hein, euh… et c’est une aide précieuse pour eux, après, il faut pas que sous ce prétexte là, ça soit porte ouverte ah… pour un oui ou pour un non, pour des trucs qui peuvent être gérés de façon simple. Moi, s’il a une plaie, un érysipèle ou je sais pas quoi, il n’a pas besoin de parler, je le vois, je peux le traiter quoi ! Enquêteur : Donc la limite ça serait un abus des soins ? Médecin 4 : Oui, une surconsommation médicale, et un abus de son handicap, alors qu’il y a des choses qui… un abus… euh, c’est une façon de dire quoi… 101 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord. Médecin 4 : Tout mettre sur le compte du handicap alors qu’il y a des choses qui ne sont pas en lien et qui peuvent être tout à fait gérées comme pour une personne normale. Enquêteur : Et donc cette spécificité des patients sourds de pouvoir être suivis par deux médecins généralistes, vous en pensez quoi ? Médecin 4 : Moi je trouve ça bien. Après, euh…voilà, après il ne faut pas tomber dans la surmédicalisation de tout ça. Oui, le risque c’est de… c’est de… rendre les gens trop dépendants aux soins, il faut trouver le juste milieu quoi ? Je pense que d’une façon raisonnable il y a une bonne complémentarité des soins, ça leur permet d’avoir un bon suivi, ça fait le lien ! Après il faut pas qu’ils profitent de cet handicap pour venir pour un oui ou pour un non, et complètement organissiser des tas de maux qui n’ont pas lieu d’être. Enquêteur : Et ces maux, ça serait quoi exactement ? Médecin 4 : Tout peut être des maux mais… notamment sur le plan social, justement je pense que ça serait plus de votre ressort, on a besoin de le comprendre mieux ! Enquêteur : Ca regroupe ce que vous disiez tout à l’heure, que vous voyez cette structure aussi comme une structure sociale. Médecin 4 : Ben oui, dans la mesure où vous comprenez mieux le patient ça permet d’orienter de façon plus spécifique si… sur quelle est sa plainte quoi ? Si effectivement le fond il est, il est financier… quelqu’un qui a pas d’argent ou autre… une misère sociale, j’en sais rien, ça permet d’accès le soin sur ça ! Enquêteur : Oui. Médecin 4 : Parce que je pense que la vie ça doit être compliquée pour ces patients là ! Enquêteur : Oui en effet. Médecin 4 : (Silence) Enquêteur : Et, est-ce que vous, vous vous sentez suffisamment informée de la prise en charge de ce patient dans l’unité ? Médecin 4 : Un peu, deux trois coups de fil, mais je sais pas si j’ai eu des courriers. Je ne voudrais pas dire non, mais j’ai l’impression que j’ai pas bien souvenir. Enquêteur : Vous avez le droit, y a pas de souci. (Rires) Médecin 4 : (Rires) Si peut-être… non je sais plus. Enquêteur : Donc dans l’ensemble ? Médecin 4 : Moyen ! Enquêteur : Moyen, OK. Et comment est-ce qu’on pourrait améliorer … Médecin 4 : … Avec des courriers ! 102 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Papiers, informatique ? Médecin 4 : Moi je suis encore aux papiers, je suis archaïque ! Enquêteur : Papiers, OK. Et comment est-ce que l’on pourrait améliorer la connaissance de cet accès aux soins des sourds pour les médecins généralistes par exemple ? Médecin 4 : Alors, on reçoit tellement de papiers que du coup, c’est pas évident que l’information passe ! Euh… en faisant un courrier… mentionnant… tel patient ! Un courrier nominatif concernant un patient, dans lequel vous mentionnez qu’il existe une structure adaptée pour son suivi. Si c’est un courrier anonyme, euh, … en disant qu’au CHU il existe telle structure et machin… je… en fait, je suis pas sûre… par contre, s’il y a je suis amenée à suivre machin, qui consulte chez vous, voilà, effectivement cette unité est adaptée au patient, ça sera peut-être plus…, enfin c’est personnel ! Voilà les gros courriers de l’INPES, de machin, de la sécu, je les lis tout le temps, mais en fait j’y retiens pas grand chose. On en reçoit quatre par jour, c’est insupportable ! Donc, si tu mets en entête quelqu’un que tu suis, et qui en plus consulte dans cette unité, qui est ouverte au patient et qui peut voilà… en deux trois mots ce qu’on y fait, ce qu’on peut y faire, et qui est-ce qui est joignable en cas de problème… ça sera scanné dans le dossier du patient, parce que ça le concerne, et voilà et on serait amené à dire… à oui ! Il est suivi par machin… parce que des fois, on reconsulte des courriers parce qu’on sait qu’ils ont un suivi spécifique… et on va dans le dossier du patient, et ça nous parle plus, et ça nous marque plus qu’un courrier complètement anonyme ! Enquêteur : Oui. Donc pas forcément faire une campagne de sensibilisation générale mais ciblée. Médecin 4 : Oui, pour les médecins concernés. Enquêteur : OK, très bien. Et bien je pense avoir fini. Avez-vous d’autres choses dont vous souhaitez parler ? Médecin 4 : Ben non, c’est très bien. Enquêteur : Et bien je vous remercie. 103 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 9 : Entretien 5 (16’33) Enquêteur : Bonjour. Comme vous le savez, je vous ai contacté à propos de mon projet de thèse. J’étudie la représentation et les connaissances que peuvent avoir les médecins traitants libéraux concernant la double prise en charge médicale de leurs patients sourds avec l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds de Grenoble. Notre entretien sera enregistré, et bien sûr anonyme. Si vous êtes prêt, nous allons commencer. Tout d’abord, est-ce que vous pouvez vous présenter, de façon générale, qui vous êtes et ce que vous faites ? Médecin 5 : D’accord. Alors je suis le docteur X, euh… que dire… je suis installé ici depuis 2008, en groupe, avec un collègue. Euh… il y a un troisième collègue qui nous a rejoints. Voilà, j’habite dans le coin… que dire de plus, pas grand chose… il y a une structure qui s’appelle l’IME, vous connaissez ? L’institut Médico-Educatif. Enquêteur : Oui. Médecin 5 : Qui prend en charge des patients sourds et muets, et moi je m’occupe… alors ça c’est mon collègue le docteur X qui s’en occupe plus précisément. Et moi, je suis au foyer d’accueil médicalisé pour des personnes aussi sourdes et surtout autistes, enfin avec des troubles du comportement assez… lourds… Enquêteur : D’accord. Médecin 5 : Voilà. Enquêteur : Je vais vous demander votre tranche d’âge ? Médecin 5 : J’ai X ans cette année ! Enquêteur : Donc 40-44, ça marche. Et donc, combien de patients sourds ou malentendants est-ce que vous suivez dans votre cabinet ? Médecin 5 : Ouf… alors précisément, non, j’ai pas, j’ai pas le compte… bien, vu qu’il y a l’IME… donc, il y a les jeunes qui suivent des cours etc.… alors après la plupart travaille en ESAT [Etablissement et Service d’Aide par le Travail]… donc on suit aussi ce groupe là, après, maintenant il y a même des personnes âgées, il y a même une EHPAD [Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes]. L’EHPAD fait partie aussi de l’association « la Providence ». Donc on est amené à suivre toute cette population. Alors dire combien, j’ai aucune idée ! Enquêteur : Alors on va dire pour les patients qui utilisent principalement la langue des signes pour communiquer ? Combien ? Moins de cinq, de dix ? 104 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 5 : Oh non, c’est environ… euh… moins de cinquante ! Oui, entre trente et cinquante ! Enquêteur : Ah oui ! Donc c’est une grosse population sourde. Médecin 5 : Oui, c’est un gros employeur dans le coin ! Enquêteur : D’accord. Depuis combien de temps ? Depuis que vous êtes installé ? Médecin 5 : Depuis 2008, oui ! Enquêteur : Vous aviez déjà eu des contacts avec d’autres patients sourds auparavant? Médecin 5 : Euh… non, j’ai pas souvenir. Enquêteur : Et pour les patients dont vous êtes désigné médecin traitant, vous les voyez environ à quelle fréquence ? Médecin 5 : (Silence) Oups, on va dire ben toutes les semaines, on voit au moins un patient. Oui. Enquêteur : D’accord. Médecin 5 : Enfin moi ou mes collègues ! Enquêteur : D’accord. Comment est-ce que vous communiquez avec ces patients ? Médecin 5 : Très mal ! Enquêteur : (Rires) Médecin 5 : Euh… on y arrive… je connais deux, trois signes ! Enquêteur : D’accord. Médecin 5 : Oui, mais euh… bon … souvent c’est du renouvellement ou de la bobologie on va dire, donc on s’en sort. Quand c’est plus grave, ils sont accompagnés, il y a souvent un éducateur avec eux. ! Pour des choses où il faut vraiment une explication etc…! Enquêteur : Ce sont des éducateurs ou des interprètes ? Médecin 5 : Non, éducateurs, souvent, qui connaissent la langue. Enquêteur : Très bien. Est-ce que vous avez dès fois recours à l’écrit ? Médecin 5 : Oui, pour certains. Il y en a qui savent lire et écrire, mais c’est très peu. S’il y en a deux, c’est le maximum ! Enquêteur : OK, pas très fréquemment. Donc, pour le patient pour lequel je vous ai contacté, car vous êtes mentionné comme son médecin traitant, et qui est suivi dans l’unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds, vous saviez qu’il était suivi dans cette unité ? Médecin 5 : Oui… oui, oui. Enquêteur: Comment le saviez-vous ? Médecin 5 : Par son père qui me l’a dit. 105 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord, oui. Aviez-vous déjà reçu des courriers ou avez vous déjà été en contact avec le médecin de cette unité ? Médecin 5 : Non ! Enquêteur : Non. Médecin 5 : Non. J’ai dû le savoir par mon collègue, le Dr X… il me semble… enfin, c’est vague, c’est flou dans ma tête. Enquêteur : Très bien. Pour vous, pourriez-vous me décrire selon vous, le rôle et le fonctionnement de cette unité ? Médecin 5 : Non ! Non… je ne connais pas. Enquêteur : A votre avis, qui y travaille, qu’est-ce qui s’y fait ? Médecin 5 : Non, je pourrais pas… honnêtement je ne connais pas… je sais que ça existe, mais je connais pas comment ça fonctionne… et euh… non je ne sais pas ! Enquêteur : D’accord. Médecin 5 : Je préfère dire ça que de dire n’importe quoi. Enquêteur : Aucun problème. Après c’est selon vous donc ça peut être… Médecin 5 : Donc selon moi, je sais qu’il y aura quelqu’un qui… qui…qui aura euh… les capacités de se faire comprendre et euh…c’est tout, je ne pourrais pas dire plus. Enquêteur : Alors je vous donnerai quelques infos un peu plus tard. Médecin 5 : Oui, oui, oui, je veux bien. Enquêteur : Est-ce que vous connaissez d’autres structures identiques que celle qui existe à Grenoble ? Médecin 5 : Non ! Enquêteur : Non. D’accord. Alors pour donner quelques informations : donc, à Grenoble c’est une unité de consultation, ayant une mission d’intérêt générale. Il y a trois médecins généralistes donc qui ne sont pas là en permanence, mais en tout il y a un équivalent de temps plein. Il y a cinq interprètes pour un équivalent de deux temps plein et demi. Il y a trois inter médiatrices, qui sont des personnes sourdes, qui interviennent pour des patients qui ont une langue des signes pauvre ou alors qui n’arrivent pas à se faire comprendre. Elles nous aident à la communication, et chacune a également une casquette particulière : il y a une éducatrice spécialisée, une conseillère en économie sociale et familiale et une troisième qui vient juste d’arriver et qui est en train de se former. Il y a deux psychologues, une secrétaire, une cadre de santé et toutes ces personnes pratiquent couramment la langue des signes. La langue des signes est la langue de travail de l’unité. Donc il y a des consultations de médecine générale 106 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) au sein de l’unité, et les interprètes accompagnent les patients lors d’examens, de consultations spécialisées ou d’hospitalisation au sein de l’hôpital. Médecin 5 : D’accord. Enquêteur : Donc dans la relation que vous avez avec ce patient, quel est l’intérêt de cette structure dans votre pratique ou votre prise en charge ? Médecin 5 : Euh… je ne vois pas bien… honnêtement, c’est la discussion qu’on a eu un peu avec mon collègue de tout ça, c’est…après quand on multiplie les spécialistes, on sait plus… c’est une pagaille… voilà… donc après voilà. La communication c’est vraie, j’ai aucun souvenir d’avoir eu un courrier de leur part… donc eux, voilà ce que je pense… pas grand chose en fait ! Enquêteur : Oui, après vous avez tout à fait le droit ! Je suis justement là pour recueillir vos impressions. Médecin 5 : Après, je dis ça parce qu’aussi je ne connais pas, enfin aussi… si je suis amené à plus fonctionner avec eux, à communiquer, peut-être que oui, ça pourrait être intéressant… mais euh pour le moment… voilà ! Enquêteur : Donc, c’était plutôt une démarche du patient d’aller consulter là-bas, et donc pas du tout vous. Vous, vous ne travaillez pas du tout en lien avec cette structure. Médecin 5 : Non, c’est pas ma démarche à moi. Après il a eu des grosses interventions chirurgicales sur l’hôpital alors peut-être que ça a eu ce rôle là d’accompagnement, mais je sais même pas… et puis, il est toujours accompagné par son père. Donc son père il communique facilement, facilement. Enquêteur : D’accord. Médecin 5 : Mais voilà, donc du coup l’intérêt, je… je ne sais pas. Après il faudrait peut-être demander à son père ? Je pense que lui il aura peut-être plus de choses à vous dire. Enquêteur : C’est sûr. Il y a d’autres études qui se sont penchées sur les patients, oui, mais pour ma part, ce qui m’intéresse, c’est plutôt l’avis des médecins que je recherche à recueillir. Médecin 5 : Oui, mais par expérience, quand on multiplie les intervenants, c’est… c’est la pagaille. Enquêteur : D’accord. Donc pour vous plutôt, euh… risque de multiplication des examens, des consultations ? Médecin 5 : Oui, la conséquence ça peut être ça mais du coup… ça ne veut pas dire que c’est inutile, c’est une histoire de communication quand même. 107 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Hum. Est-ce que vous, le fait qu’il aille consulter là-bas, est-ce que ça vous freine dans votre prise en charge à vous ? Médecin 5 : Non, pas de tout ! Enquêteur : Ca n’influence pas votre pratique ? Médecin 5 : Non ! Enquêteur : D’accord. Et à votre avis alors, pourquoi est-ce qu’il vient consulter parfois chez vous et parfois il vient dans cette unité ? Médecin 5 : Bonne question : je sais pas ! Enquêteur : A votre avis, qu’est-ce qu’il vient chercher qu’il ne trouve pas chez vous ? Médecin 5 : Je sais pas ! Enquêteur : Par rapport à ici ? Médecin 5 : Enfin, je sais qu’il a recours à des spécialistes là-bas, donc peut-être que dans ce cadre là, c’est intéressant, là-bas au CHU, quoi ! Non, je ne vois pas bien. Peut-être que c’est l’intermédiaire entre les spécialistes du CHU et le patient… mais entre moi… je n’ai pas l’impression d’être inclus dans ce cercle. Enquêteur : D’accord ! Médecin 5 : Après, ça doit avoir un intérêt j’imagine. Enquêteur : Le papa vous a déjà parlé des visites là-bas ? Médecin 5 : Oh je vais dire non, enfin oui et non… non je vais dire non, c’est plus simple… je crois pas. Enquêteur : D’accord. Donc pour vous si j’ai bien compris, cette double prise en charge a plutôt des limites. Est-ce que vous pouvez essayer de me les expliquer ces limites ? Médecin 5 : Oui. Euh… pfou… des limites… Ben, le problème, c’est que je ne connais pas assez alors je peux pas critiquer quelque chose que je ne connais pas. C’est le problème. Après euh…, par expérience, je répète, mais multiplier des intervenants, qui communiquent mal, et moi compris, ça….je ne pense pas que ça a un grand intérêt pour le patient. Enquêteur : Oui. Médecin 5 : Après quand il voit un spécialiste, j’ai un courrier voilà, j’ai le courrier du spécialiste mais j’ai pas souvenir d’avoir un des retours de cette équipe. Enquêteur : D’accord. Ce patient vous le voyez tout le temps accompagné de son père ? Médecin 5 : Euh, oui ! Oui. Enquêteur : Et au niveau de la communication ou de la relation que vous avez avec lui, comment ça se passe ? Quel sentiment vous avez quand vous le voyez ? Médecin 5 : Bon, ça se passe très bien ! 108 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : La communication entre vous, ça… il arrive à vous exprimer ce qu’il ressent, pourquoi il vient ? Médecin 5 : Oui. Enquêteur : Très bien. Médecin 5 : Etonnamment, j’ai l’impression qu’on se comprend bien, mais on le voit aussi fréquemment, il a tout de même de gros soucis. Et puis c’est un jeune adulte, encore un peu ado, alors voilà… Non, ça se passe plutôt bien. Enquêteur : Très bien ! Médecin 5 : C’est quelqu’un de très compliant, d’observant, de courageux… oui, non, j’ai pas l’impression d’avoir de souci particulier avec lui ! Enquêteur : D’accord. Et donc, finalement cette unité et les médecins qui y travaillent là-bas, dans le parcours de soins de ce patient, ils interviennent comment, à quel moment ? Médecin 5 : Moi, j’imagine c’est pour faire le lien entre les spécialistes au sein du CHU et le patient. Après lui, il est jamais seul quoi ! Après pour d’autres adultes, je pense ça doit être complètement nécessaire… mais euh, pour lui, enfin… si on parle de ce cas là, je sais pas si ça a un grand intérêt… mais certainement. Enquêteur : Parce que vous le lien avec les spécialistes de l’hôpital vous pourriez l’établir directement ? Médecin 5 : Voilà. Moi en ce qui me concerne oui. Enquêteur : D’accord. Donc… hum… à la question vous sentez-vous suffisamment informé de la prise en charge de ce patient dans l’unité ? Médecin 5 : Alors dans l’unité, je dirais non. Enfin je trouve que c’est un peu… enfin, à la limite il faudrait que je sorte le dossier mais, je lis bien les courriers et j’ai pas souvenir d’un truc pertinent, enfin qui dit : « tiens on va faire ça ou on a fait ça »… Enquêteur : Et comment est-ce qu’il serait possible d’améliorer cette coordination entre ces deux médecins ? Médecin 5 : Bonne question ! Ca vient aussi de moi, mais… maintenant il y a assez d’outils, il y en a même peut-être trop d’ailleurs, pour communiquer !... après, le CHU on va dire que c’est une catastrophe pour communiquer. C’est même… ben voilà ça nous coupe... de ce monstre… enfin… donc je ne sais pas… non courrier, mail, c’est facile. Mais euh… voilà c’est au sein du CHU… pour moi ! Enquêteur : Donc c’est hospitalier. Médecin 5 : Voilà, oui ! 109 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord. Et vous considérez alors que c’est une unité spécifique, de spécialité, ou c’est tout de même de la médecine générale… ? Médecin 5 : Ils ont une spécificité, après spécialistes je ne pense pas… mais euh… pour moi c’est des généralistes, voilà ! Enquêteur : Très bien. Bon, et bien je pense avoir fini. Souhaitez-vous rajouter quelque chose ? Médecin 5 : Nous, c’est vrai, on est à cinquante kilomètres de Grenoble, c’est… Enquêteur : C’est quoi ? Médecin 5 : C’est difficile, les déplacements ne sont pas évidents. Enquêteur : Oui. Médecin 5 : C’est pas ultra facile, après… je pense que ça se destine beaucoup au bassin Grenoblois. Enquêteur : C’est plutôt en fait sur tout le bassin Rhône-Alpin. Certains patients viennent d’assez loin. Médecin 5 : D’accord. Enquêteur : Bon et bien je vous remercie. 110 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 10 : Entretien 6 (24’26) Enquêteur : Bonjour. Merci de me recevoir aussi tard. Comme je vous l’ai expliqué par téléphone, je suis interne de médecine générale en dernier semestre à Lyon et en plein travail de thèse. Je m’intéresse à la représentation et aux connaissances que peuvent avoir les médecins traitants libéraux concernant la prise en charge partagée de leurs patients sourds signants avec l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Si vous voulez bien, tout d’abord, si vous pouvez vous présenter, dire qui vous êtes et ce que vous faites, depuis combien de temps, de façon générale ? Médecin 6 : Donc X, médecin généraliste installé depuis 2008, euh… 2008, qu’est-ce que je dis, (rires), je veux me rajeunir, 1988, à X, en association au départ avec le Dr X, et maintenant avec le Dr X, et en collaboration avec le Dr X. Enquêteur : D’accord ! Médecin 6 : Donc, médecin généraliste, maître de stage, ancien président du collège des généralistes enseignants pendant 6 ans, euh, j’ai été aussi attaché d’enseignement à la faculté pendant la même… euh non un peu plus, dix… quinze ans. Je suis aussi médecin réserviste à X. Voilà. C’est déjà pas mal, hein ! Enquêteur : Euh oui, ça fait déjà une bonne activité ! Médecin 6 : Et impliqué dans la permanence de soins aussi, puisque je m’occupe de l’association qui gère la maison médicale de garde de X et puis enfin, vice président d’une association de formation médicale continue. Enquêteur : D’accord. Médecin 6 : Et puis, on va arrêter là ! Enquêteur : Ca marche. Sans dire votre âge exact mais une tranche d’âge ? Médecin 6 : X ans, j’ai pas, j’ai pas de honte ! (Rires) Enquêteur : Donc 55-59 ans ! Pas de souci. Médecin 6 : J’assume ! (Rires) Enquêteur : Alors, combien de patients sourds ou malentendants sévères suivez-vous ? Médecin 6 : (Pause) Alors, des sourds malentendants sévères étiquetés comme tels, il y en a, on va dire 4 ! Ah non, non, plus… j’en ai oublié… on va dire … 5. Enquêteur : 5 familles ou 5 personnes ? Médecin 6 : Non, ça fait 5 personnes. Mais il y a beaucoup d’autres, qui du fait de l’âge, deviennent sourds et qui sont aussi difficiles des fois à gérer que des vrais sourds. (Rires) 111 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord. On va alors parler plutôt des sourds de naissance ou dans l’enfance, et qui communiquent par la langue des signes principalement. Depuis combien de temps est-ce que vous les suivez ? Médecin 6 : Euh… (soupirs) pffff… et bien on va regarder… (recherche du dossier sur ordinateur), ça fait dix quinze ans de toute façon ! Enquêteur : D’accord. Médecin 6 : Parce que monsieur et madame, je les connais d’avant qu’ils aient des enfants. Enquêteur : D’accord, je retiens donc, dix quinze ans. D’accord ! Et ils viennent vous voir à peu près à quelle fréquence dans l’année ? Médecin 6 : Et bien quand ils en ont besoin ! On va regarder… (regard sur l’ordinateur) pour madame… cette année elle est déjà venue quatre fois. En 2014, un, deux, trois fois, en 2013, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize fois. En 2012 vous voulez savoir… Enquêteur : Non, ça ira. On va dire un suivi régulier. Médecin 6 : Oui, régulier, tous les trimestres grosso modo. Enquêteur : D’accord. Est-ce que ces patients oralisent ? Médecin 6 : Essaient de parler ? Enquêteur : Oui ! Médecin 6 : Oui ! Enquêteur : Et avec ces patients, comment est-ce que vous communiquez ? Médecin 6 : Ben, soit quand ils oralisent, on essaye de se comprendre. Autrement euh, par… ils écrivent, par écrit, la plupart du temps, ou alors des fois avec l’un des enfants qui est pas sourd et qui traduit. Enquêteur : D’accord. Et est-ce que vous avez déjà fait… Médecin 6 : Et des fois aussi avec un traducteur ! Enquêteur : D’accord. Ami ou professionnel ? Médecin 6 : Non, non, un professionnel, qu’ils sollicitent pour venir à des consultations. Enquêteur : D’accord, donc ça c’est déjà arrivé ! Est-ce que vous ,vous avez appris quelques signes ? Médecin 6 : Oui, je sais dire 23 par exemple ! (Rires) Enquêteur : (Rires) Oui et autre que les chiffres ? Médecin 6 : Non, non, non… mais moi j’utilise des signes pour dire ou demander des choses et il semble que visiblement, ils comprennent, même si ce n’est pas les signes conventionnels ! 112 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord. Donc vous avez établi un code avec eux ? Médecin 6 : Oui. Pour leur demander de respirer, je fais comme ça par exemple (me montre le signe) et ils comprennent qu’il faut respirer, quoi. Enquêteur : D’accord, OK, super. Et euh… vous, est-ce que vous savez quels moyens ils préfèrent finalement utiliser pour communiquer avez vous ? Médecin 6 : Non, ça dépend ! Moi j’ai une famille, la dame elle écrit tout ! Pourtant elle sait lire sur les lèvres, mais elle écrit. Et même quand il y a son fils, qui des fois il est là, qui est capable de traduire, elle préfère écrire. Enquêteur : D’accord. Médecin 6 : Alors que l’autre famille, par exemple, eux ils préfèrent essayer de parler, et ils utilisent l’écriture que quand on n’arrive pas à se comprendre. Enquêteur : D’accord. Qu’en cas de difficultés. OK. Saviez-vous que ces patients étaient suivis dans l’unité de Grenoble. Médecin 6 : Pour les X oui ! Enquêteur : Comment l’aviez-vous su ? Médecin 6 : Et bien j’ai des courriers des fois, j’ai eu des courriers du service. Enquêteur : D’accord. Donc par courriers. Médecin 6 : Et même, je crois quand ils ont les traducteurs souvent c’est le service qui leur donne. Il me semble bien que c’est par le service qu’ils avaient droit aux traducteurs où je sais pas quoi comme professionnels ! Alors ça j’en suis pas sûr… mais je crois bien ! Enquêteur : D’accord. Médecin 6 : Le traducteur il est bien, il vient à la messe aussi ! Il les accompagne à la messe pour traduire la messe, oui. Enquêteur : D’accord, d’accord. Euh… est-ce que maintenant vous pourriez me décrire ce que vous, vous pensez du fonctionnement de l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds. Comment il fonctionne, quel est son rôle ? A votre avis, qu’est-ce qui s’y fait, comment c’est fait ? Médecin 6 : (Silence) qu’est-ce qui s’y passe ? Enquêteur : Oui ! Médecin 6 : Ben moi, j’ai l’impression qu’ils font un peu la même chose que nous ! Euh… que peut-être ils sont plus… utiles, je vais dire entre guillemets, quand les situations sont un peu plus complexes et demandent justement plus de verbalisation. Je pense que c’est plus adapté. Enquêteur : D’accord. 113 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 6 : Voilà, c’est comme ça que je vois les choses. Par exemple, s’il y a un côté un peu psychologique, quelque chose comme ça, une angine, ils n’ont pas, à mon avis, on fait aussi bien… mais quand il faut s’exprimer plus, à mon avis c’est intéressant qu’ils existent. Ca me pose aucun problème. Enquêteur : Euh, à votre avis qui y travaillent dans cette unité ? Quels professionnels ? Médecin 6 : Et bien je sais qu’il y a des médecins, … des infirmiers, … il me semble bien qu’il y a une infirmière. Euh, il doit avoir des psychologues aussi ! Moi, de mes connaissances, c’est ceux qui, auxquels j’ai eu à faire entre guillemets ! Enquêteur : Pour vous, c’est plutôt un service d’hospitalisation ou de consultations ? Médecin 6 : De consultations ! Pour moi ! Enquêteur : D’accord. Et est-ce que vous connaissez d’autres unités que celle de Grenoble ! Médecin 6 : Non ! Enquêteur : Non. D’accord. Alors je vais vous donner quelques informations. Médecin 6 : Ah c’est gentil ! (Rires) Enquêteur : (Rires) Donc, c’est une unité de consultations, où il y a des médecins, généralistes, des psychologues, mais pas d’infirmières vue que c’est pas une unité d’hospitalisation. Il y a des interprètes qui peuvent intervenir soit lors des consultations dans l’unité, soit lors de consultations, d’examens, d’interventions dans l’ensemble de l’hôpital, quand il faut accompagner un patient en imagerie, au laboratoire, en consultation spécialisée, voire même au bloc opératoire, lors d’un accouchement… Voilà. Et puis, il y a des professionnels sourds, des inter médiateurs qui sont là pour aider à la communication avec des patients qui ont un niveau de langue des signes faible ou des difficultés de compréhension. Ils nous aident à la communication et à la ré explication des informations. Chacune a aussi une double casquette : il y a une éducatrice spécialisée, une conseillère familiale et sociale et deux autres qui sont plutôt polyvalentes. En effet, il y a deux psychologues, une secrétaire, une cadre de santé, et tous ces professionnels signent, c’est la langue de travail dans ce service. Voilà. Donc ensuite, dans cette relation triangulaire entre vous, le médecin de l’unité et le patient, quel est dans votre pratique l’intérêt de cette structure ? Médecin 6 : (Silence) Alors la question, c’est de savoir si moi j’ai eu besoin de l’unité pour résoudre un problème ? (Silence) Je ne me souviens pas ! Mais je pense que je ferais appel à elle si justement j’avais des problèmes pour… de communication avec certaines personnes ou des situations complexes. Voilà, je ne pense pas avoir eu affaire à elle jusqu’à maintenant. J’essaye de me remémorer … je ne pense pas ! Enquêteur : Vous m’avez dit que vous aviez reçu des courriers, est-ce que… 114 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 6 : J’ai même eu des contacts avec le médecin de l’unité ! Enquêteur : D’accord ! C’est vous qui l’avez appelé, c’est lui qui avait appelé ? Médecin 6 : Je crois c’est les deux ! Je cherche son nom… Enquêteur : Dr X ? Médecin 6 : Oui, c’est ça ! Enquêteur : Et donc ces contacts, qu’est-ce qu’ils vous ont apporté dans votre prise en charge de ce patient ? Médecin 6 : Alors, comme c’était pour me donner des explications, ça m’a rendu service ! Enquêteur : Des explications sur quoi ? Médecin 6 : Sur une pathologie, sur une situation, pour savoir ce qui avez été fait à l’hôpital, car j’étais perdu à propos d’examens qui étaient à faire et qui avaient été ou pas je crois… Ah non, pour moi ça a été très positif. Moi, je suis très content qu’il existe cette unité, parce que, effectivement… et puis, ils renvoient effectivement vers nous, les gens. Ils les prennent en charger mais des fois ils disent on les voit et puis après… voilà ! Enquêteur : Donc, on peut dire qu’elle influence plutôt positivement ou négativement la relation que vous avez avec votre patient ? Médecin 6 : Ah moi je… plutôt positivement. Tout à fait. Ce n’est pas un obstacle, loin de là ! Enquêteur : D’accord. Et, est-ce que tout de même, à un moment donné, vous avez ressenti des freins ou des limites à la présence de cette unité dans la relation que vous avez avec ce patient ? Médecin 6 : Non, non, non, non ! Pas du tout ! Moi je trouve même plutôt sain qu’il y ait ça, … ça ne me gène pas, je comprends très bien que ce … ce handicap… soit pour eux un frein à la relation avec moi ! Donc, si des fois ils ont besoin de… d’outre passer cette relation, ça ne me pose aucun problème ! Enquêteur : D’accord. Et à votre avis, qu’est-ce que ces patients viennent chercher à l’unité par rapport à vous et par rapport à ici ? Médecin 6 : J’allais dire une écoute (sourire) (rires) plus importante ! Enquêteur : D’accord (sourire), d’autres idées ? Médecin 6 : (Silence) ça peut être un autre avis ! Ou une aide car il y a une structure tout de même. Il n’y a pas qu’un médecin alors, ça permet... c’est pluridisciplinaire, alors je pense que ça peut les aider notamment dans leur problème médico-sociaux, des choses comme ça, avoir des solutions dans… et un peu plus je pense qu’ils connaissant des structures, cette structure connaît d’autres structures aidantes pour ces personnes là, et donc, nous on n’a pas 115 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) tous ces renseignements là, donc de ce point de vue là, donc c’est… par le médical, il y a le coté social qui est important ! Enquêteur : Oui, oui. Euh… et à l’inverse, selon vous pourquoi ils continuent à venir chez vous, qu’est-ce que vous leur apporter qu’ils ne trouvent pas à l’unité ? Médecin 6 : Alors je pense qu’il y a un côté pratique. Parce que les personnes dont on parle sont de X, donc c’est tout de même plus facile comme accès de venir chez moi ou moi de venir chez eux, parce que c’est arrivé, que de se déplacer jusqu’à Grenoble, il y a quand même une question de distance ! Je pense que s’ils étaient à côté… et il y a peut-être aussi les horaires de fréquentation qui ne sont pas tout à fait les mêmes hein ? On a une disponibilité peut-être horaire qui est plus importante ! Et puis, peut-être qu’ils sont quand même contents de leur médecin traitant ! Enquêteur : Tout à fait ! Médecin 6 : Ben, j’espère qu’ils sont satisfaits ! (Rires) On a peut-être un petit peu notre amour propre ? (Rires) Enquêteur : Oui. Et concernant les motifs de consultation, vous pensez que se sont les mêmes ou est-ce qu’ils sont différents ? Médecin 6 : Je ne pense pas forcément que ce soient les mêmes. C’est ce que je disais tout à l’heure. La dame dont on parle, elle a eu de gros problèmes dans le travail, des choses comme ça, et euh… je pense que c’était bien qu’elle soit prise en charge par les deux, à ce sujet là. Mais tout ce qui est pathologie aigue, souvent c’est ici qu’ils viennent ! Enquêteur : D’accord. Oui. Médecin 6 : Je pense que quand c’est un peu plus complexe et qu’il n’y a pas d’urgence, qu’il n’y a pas de caractère de semi-urgence, ils prennent le temps de se déplacer dans cette structure je pense. Mais c’est mon sentiment, je ne sais même pas si c’est ça ? Enquêteur : Mais justement, si je vous interroge… Médecin 6 : C’est mon sentiment ! Enquêteur : … c’est justement pour avoir votre sentiment, c’est justement ça qui m’intéresse ! D’accord. Euh… Est-ce qu’ils vous ont déjà parlé qu’ils allaient voir un autre médecin dans cette unité ? Médecin 6 : Oui ! Enquêteur : Euh ? Médecin 6 : Oui, oui ! Sans problèmes ! (Rires) 116 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord. Et donc pour le patient, est-ce que vous, vous verriez une limite à être pris en charge par deux médecins. Qu’est-ce que ça pourrait entraîner pour le patient d’être vu par deux médecins généralistes différents ? Médecin 6 : Oui, oui. Mais là, il y a un médecin généraliste spécialiste du langage des sourds, hein ? (Rires) Voilà. Non, il n’y a pas d’inconvénient s’il y a une communication entre les deux, ce n’est pas un obstacle, au contraire. On sait très bien de toute façon que les malades vont voir d’autres médecins, même les non malentendants ! Donc non, ce qui compte c’est la communication, qu’il y ait pas de…, que la relation soit pas biaisée, ou qu’il n’y ait pas d’interactions entre des prescriptions, des choses comme ça, donc, il vaut mieux qu’on soit au courant et qu’on communique. Enquêteur : En effet ! Euh, donc comment vous qualifieriez le statut du médecin de l’unité ? Comment vous le considérez ce médecin ? Médecin 6 : (Silence) Comme un recours ! C’est un confère mais qui apporte un plus ! Enquêteur : Un plus dans quoi ? Médecin 6 : Et bien dans la communication, dans le domaine linguistique c’est sûr ! Après, je pense que chacun a des spécificités et des qualités qui lui sont propres. On n’a pas tous les mêmes domaines de compétence, en tout cas, je pense. Enquêteur : D’accord. Et comment qualifieriez-vous son rôle dans le parcours de soin du patient ? Médecin 6 : À mon sens, il peut très bien être de premier et de second recours ! Moi c’est ce que je dis ! Ils ne peuvent pas avoir deux médecins traitants ? Enquêteur : Alors non, médecin traitant qu’un seul normalement. Médecin 6 : Parce qu’à la limite ça ne serait pas choquant ! Enquêteur : Alors, pour les patients sourds, il y a un médecin traitant désigné, et le fait de pouvoir aller voir un médecin d’une unité, il n’y pas de pénalités financières par exemple, donc… Médecin 6 : Ils peuvent y aller, c’est un libre accès ? Enquêteur : Tout à fait ! Médecin 6 : Donc, c’est un pseudo coordonné quoi ! Enquêteur : Pardon, je n’ai pas compris ! Médecin 6 : C’est un pseudo-coordonné, c’est une relation pseudo-coordonnée ! Ca ne pose pas de problème, c’est pas hors coordination ! Enquêteur : D’accord. Est-ce que donc, vous vous sentez suffisamment informé de la prise en charge de votre patient dans cette unité ? 117 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 6 : On a toujours l’impression qu’on n’est pas assez informé ! Enquêteur : Donc, qu’est-ce qui vous manque par exemple pour bien l’être ? Médecin 6 : Ben, le problème c’est que si on demande des courriers à chaque fois, les pauvres, ça va les surcharger de travail mes collègues, hein… l’avenir sera peut-être un jour un véritable dossier commun partagé ! Je ne sais pas s’il va voir le jour un jour ce dossier, mais ça serait une bonne chose, oui ! Enquêteur : Oui. Donc dans l’ensemble, on peut dire que vous vous sentez suffisamment, moyennement, pas assez informé ? Médecin 6 : Moyennement ! On est moyennement informé, et oui, je pense que le dossier ça sera bien et puis le… j’allais dire… euh… un terme qui n’hésite pas… je sais plus comment ça s’appelle, mais la joignabilité ! Enquêteur : Euh… la disponibilité ? Médecin 6 : Oui, la disponibilité téléphonique, ça serait bien ça, c’est pas toujours évident. Et d’ailleurs, on apprend à se débrouiller seul aussi, à faire avec, quand on n’arrive pas à joindre les gens, oui. Et puis quand s’est vraiment important, on se débrouille pour les joindre de toute façon. Enquêteur : Oui. Justement, pour les joindre, vous passer uniquement par le téléphone ? Médecin 6 : Oui ! Enquêteur : Est-ce que vous avez l’habitude d’utiliser d’autres moyens de communication ? Médecin 6 : Non… euh oui, j’ai l’habitude mais pas pour le travail. Généralement, j’aime bien avoir les gens au téléphone, j’aime bien parler. C’est vrai qu’avec l’hôpital maintenant, c’est bien souvent que c’est par mail que ça marche le mieux, on est sûr d’avoir quasiment une réponse dans la journée, parce que les gens sont très difficiles à joindre au téléphone ! Enquêteur : D’accord. Médecin 6 : Avec eux on communique avec SMS ! Enquêteur : Avec eux ? Médecin 6 : Avec les patients sourds ! Enquêteur : Oui ? Pour les prises de rendez-vous ? Médecin 6 : Oui, par mails ou par SMS ! Enquêteur : OK. Euh. Donc selon vous, comment est-ce que ça serait possible d’améliorer la coordination de ces deux prises en charge ? Médecin 6 : Il faudrait peut-être apprendre à connaître l’unité ! Je veux dire, les rencontrer ou quelque chose comme ça, ça serait sympa, parce que moi je pense que c’est bien de rencontrer les gens avec qui on travaille ! 118 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord ! Vous, vous serez prêt à vous déplacer, à rencontrer… Médecin 6 : Ah ben oui, une journée de réunion où le service explique un petit peu comment il fonctionne, tout ça… oui ! Enquêteur : Ca pourrait vous aider après dans votre prise en charge de votre patient ? Médecin 6 : Ah je pense que oui, car je suis sûr… je sais qu’il y a plein de choses qu’ils font et que je ne connais pas ! Enquêteur : Oui. Et comment ça pourrait vous aider alors ? Médecin 6 : Comme ça, du tac ou tac ? Enquêteur : (Rires) Médecin 6 : (Silence) non, comme ça j’en ai pas, je ne sais pas mais je suis sûr qu’il y a des choses qu’ils font que l’on ne connaît pas ! Donc en connaissant leurs actions, leurs capacités d’action, leurs réseaux, ça nous permettrait certainement, entre guillemets, des les utiliser plus ! Enquêteur : D’accord, très bien ! Euh… et de façon générale, comment est-ce qu’il serait possible d’améliorer la connaissance des unités par l’ensemble des médecins ? Médecin 6 : Plaquette ! Moi je pense qu’une plaquette ca serait le plus simple… parce qu’en plus on garde les plaquettes, il y a les éléments pour joindre tout ça, on explique… là je pense à celle pour l’obésité pour les enfants, je trouve que c’est bien parce que l’on a tous les éléments. Il faut passer par les ARS, elles doivent pouvoir informer… les Agences Régionales de Santé ou les URML, les Unions Régionales des Médecins Libéraux, je crois ! Ce sont, vous savez, les représentants des médecins au niveau régional et qui éditent des mails… pour nous informer… comme l’ARS nous envoie des mails, et donc… Euh… ils touchent tous les médecins. Et ça coûte rien, c’est transmis par mail, par un organisme officiel ! Là, il y a peutêtre moyen de toucher tout le monde et d’expliquer ce que vous faites. Enquêteur : D’accord. Et bien merci pour toutes ces informations. De façon générale, voulez-vous rajouter quelque chose ? Médecin 6 : Ben non, c’est bon pour moi aussi. Enquêteur : Je vous remercie de m’avoir accueillie. 119 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 11 : Entretien 7 (25’11) Enquêteur : Bonjour. Donc je me présente. Je m’appelle Fanny NIER et suis interne de dernier semestre, voilà ! Médecin 7 : Hum, hum. Enquêteur : Et actuellement, je suis dans l’Unité Rhône-Alpes d’Accueil et de Soins pour les Sourds au CHU de Grenoble. Médecin 7 : Oui, oui. Enquêteur : Donc ma thèse porte sur les représentations et les connaissances qu’ont les médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds suivis dans cette unité. Donc si vous voulez bien, on va commencer par est-ce que vous pouvez vous présenter, dire ce que vous faites, qui vous êtes, si vous avez une spécialité, de façon générale ? Médecin 7 : Bon alors X, généraliste, spécialiste en médecine générale, puisque maintenant, c’est la règle ! Bon, installé dans un village de 2 000 habitants, rural, seul médecin au village, depuis 26 ans ! Enquêteur : D’accord. Médecin 7 : Voilà, exercice isolé, difficile ! Mais bon (rires) ! Enquêteur : Quand même intéressant ! Médecin 7 : Oui, non, mais… ceux qui s’en sortent, c’est ceux qui sont en groupe quoi, on voit bien ! On est voué à disparaître nous ! Mais bon ! Enquêteur : Vous n’avez pas réussi à construire un cabinet avec d’autres professionnels ? Médecin 7 : Non. Quand on a construit ici, j’ai trouvé personne donc euh…, après moi, je ne sais pas qui est-ce qui aura ? Enquêteur : D’accord ! et… serait il possible de connaître votre âge ou du moins une tranche d’âge ? Médecin 7 : J’ai X ans. Enquêteur : Donc 55-59 ans ! OK. Alors maintenant, combien est-ce que de patients sourds ou malentendants sévères suivez-vous dans votre cabinet ? Médecin 7 : Ah ben uniquement la famille X. Enquêteur : D’accord. Ils sont combien dans cette famille ? Médecin 7 : Alors, il y a le mari qui est… moins atteint qu’elle, parce qu’il est appareillé, et ça ne marche pas trop mal ! Et les enfants n’ont pas de troubles. 120 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Donc on peut dire surtout une patiente ! Médecin 7 : Oui, surtout elle ! Enquêteur : Et depuis combien de temps est-ce que vous la suivez ? Médecin 7 : Alors justement, j’ai ouvert son dossier… donc on va redescendre… (regard sur ordinateur) (silence) alors premier contact … 22 juillet 2010 ! Enquêteur : 2010, donc cela fait 5 ans environ. Et elle vient vous voir à peu près à quelle fréquence ? Médecin 7 : Et bien donc voilà… 2010, je sais pas s’il y a le nombre de consultations quelque part… 2011… elle doit venir … on va dire une fois par mois, à peu près. Enquêteur : D’accord ! Médecin 7 : Enfin 2012, un peu moins. Au début elle venait beaucoup et puis là ça s’est un peu… non non non, moins moins maintenant. Ben maintenant moins, vous voyez parce que vous voyez, 2015, il y a un, deux, trois, quatre, cinq passages… 2014, il n’y en a que trois… Enquêteur : Oui cinq passages, et on n’est pas tout à fait au milieu de l’année mais presque. Oui, donc tous les un mois, deux mois. Médecin 7 : Oui. Enquêteur : D’accord. Tout en gardant, préservant le secret médical, est-ce que vous pouvez me dire si elle a des pathologies particulières chroniques cette dame ? Médecin 7 : Alors, hypertension essentiellement ! Elle a ses problèmes de douleurs abdominales dont on n’a jamais pu étiqueter… euh… (regard son dossier médical sur ordinateur)… un surpoids, mais bon enfin ça, … au niveau gynéco je ne sais pas ce qu’elle avait trop… Enquêteur : D’accord. Comment est-ce que vous communiquez avec cette patiente ? Médecin 7 : Alors, euh… difficilement (sourire) ! Enquêteur : Oui… Médecin 7 : Euh… idéalement elle vient avec l’un de ses fils qui fait l’interprète ! Enquêteur : D’accord. Médecin 7 : Elle a un fils qui n’est pas très âgé mais qui se débrouille très bien pour euh…bon. Ensuite moi il faut que … Enquêteur : Pardon, son fils a quel âge à peu près ? Médecin 7 : Oh, il est à peine ado, oui jeune ado ! Sinon, il faut autrement parler effectivement lentement, très doucement, très fort, il faut qu’elle lise sur les lèvres. Donc ça présente une gêne parce que les gens de la salle d’attente peuvent entendre si on est obligé d’hurler, hein. Et puis, la dernière fois par exemple, elle est venue pour des plaintes 121 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) gynécologiques et avec son fils par exemple, on peut pas l’examiner physiquement comme on ferait avec une patiente ordinaire… euh… donc il faut se débrouiller qu’avec l’interrogatoire, ou un examen un peu sommaire, et donc c’est un peu biaisé, comment dire….. c’est handicapant ! Ensuite, cette patiente, elle ne se plie pas du tout aux règles d’horaires de consultations, de rendez-vous, c’est à dire qu’elle débarque n’importe quand, elle reste dans le petit vestibule là pour me parler entre deux, ce qui est … pas souhaitable non plus. Donc un comportement anarchique au niveau administratif, dans la gestion du cabinet. Enquêteur : Elle prend jamais de rendez-vous ? Médecin 7 : Non, parce qu’elle ne téléphone pas. Elle, elle ne prend pas de rendez-vous. De temps en temps elle envoie un mail, mais moi je lui ai dit que moi ça ne m’intéresse pas… enfin, ça ne m’intéresse pas…quand il y a mon remplaçant il ne regarde pas internet, les mails je les regarde pas toujours tous les jours. Bon ! Elle aurait souhaité peut-être communiquer plus par mail mais bon, moi je suis pas branché en permanence dessus. Enquêteur : Et le fax, par hasard ? Médecin 7 : Fax, moi ça m’irait très bien, parce que moi j’aime bien les fax, je le vois arriver là, quand je le vois, je le traite, ça m’irait très bien ! Enquêteur : Et vous lui avez déjà proposé, ça, de prendre des rendez-vous avec le fax ? Médecin 7 : Oh, mais non, elle fait ce qu’elle veut…Non, c’est quelqu’un qui est … elle fait ce qu’elle veut, elle prend ce qu’elle veut dans les médicaments ! C'est-à-dire, on lui dit de faire telle chose… elle a en plus un caractère qui est complètement ingérable quoi ! C’est indépendant de sa surdité je pense. Ce n’est pas une patiente facile au demeurant ! Enquêteur : D’accord ! Donc vous n’avez jamais eu recours à un interprète avec elle ? Médecin 7 : On s’en sort ! Quand bien même quand elle vient toute seule, avec de la patience, on s’en sort ! Mais moi quand il y a son fils, ça me permet de parler normalement et puis elle, elle comprend déjà un petit peu, son fils lui précise. Enquêteur : D’accord. Médecin 7 : Le problème c’est que quand elle veut me dire quelque chose, moi je comprends rien, quoi ! Enquêteur : Et est-ce que vous avez des fois recours à l’écrit ? Médecin 7 : Oui, bien sûr ! Enquêteur : D’accord ! Et est-ce que vous, vous faites quelques signes ? Médecin 7 : Non ! Enquêteur : D’accord. Comment est-ce que vous avez su qu’elle était également suivie dans l’unité de Grenoble ? 122 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 7 : Alors… je sais plus si c’est elle qui s’est débrouillée pour me dire qu’elle avait trouvé un service … euh …adapté. Au quel cas j’ai di,t et bien très bien. J’ai été en contact plusieurs fois avec Grenoble en demandant s’il y avait l’équivalent sur Lyon, apparemment, y a pas ! Enquêteur : Hum, hum. Médecin 7 : Parce que Grenoble ça fait un peu loin. Euh… mais c’est pas moi qui est trouvé, je pense que se sont eux qui ont… Enquêteur : Et quand vous dites que vous avez été en relation avec Grenoble, par quel moyen ? Médecin 7 : Ah ben moi je les appelle. Enquêteur : Par téléphone ! Médecin 7 : Oui. Je les appelle ou ils m’appellent. Enquêteur : Vous avez déjà reçu du courrier de leur part ? Médecin 7 : Oui bien sûr ! Vous voyez là… monsieur X, Dr X, Dr X …et après j’en ai beaucoup, parce que moi j’essaie de la faire voir là-bas au maximum. A chaque fois qu’elle veut se déplacer ! Parce qu’on la fait passer sur Villefranche un petit peu mais bon ! Enquêteur : Alors, est-ce que vous, vous pourriez me décrire selon vous le rôle et le fonctionnement de ce service ? D’après ce que vous en connaissez ou ce que vous vous imaginez ? Médecin 7 : Alors, je me suis pas réellement posé la question. (rires) J’imagine que ça marche comme un autre service de l’hôpital sauf qu’il y a des gens qui ont le langage des signes ! (rires) Enquêteur : Alors comme un autre service, vous pouvez un peu développer ? Médecin 7 : Et bien, disons qu’elle passe par des consultations spécialisées, donc euh, moi je vois comme une consultation normale, sauf que la personne qui la reçoit est capable de se faire comprendre par le langage des signes. Enquêteur : Vous voulez dire que les spécialistes qu’elle consulte connaissent et utilisent la langue des signes ? Médecin 7 : Oui, je pense que c’est ça ! Enquêteur : D’accord. Médecin 7 : Après je ne sais pas… Enquêteur : Donc que des consultations spécialisées pour vous ? Médecin 7 : Ma patiente pour le moment bénéficie surtout de ça ! 123 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord ! Donc est-ce que pour vous il y aurait d’autres professionnels que des médecins spécialistes, à votre avis ? Médecin 7 : (Silence) (rires) Bonne question ? Enquêteur : (Rires) Médecin 7 : J’espère ! Qu’il y a genre, des psychologues ou… Enquêteur : Oui, je vous donnerai quelques infos après, d’abord je gratte ! (rires) Médecin 7 : Psychologues ou même assistantes sociales, enfin pour gérer le problème de … le problème de rupture un peu … un peu sociale de ces gens là ! Enquêteur : D’accord ! Médecin 7 : Car j’imagine qu’ils n’ont pas un accès aux services administratifs bien facile ! Enquêteur : En effet ! Est-ce que vous connaissez d’autres unités que celle de Grenoble ? Médecin 7 : Non ! J’étais un peu désolé de savoir qu’il n’y en avait pas sur le CHU de Lyon ! Enquêteur : Alors maintenant je vais vous donner quelques renseignements avant de continuer. Donc à Grenoble, c’est une unité de consultation de médecine générale. Ca c’est dans les locaux. Il y a trois médecins généralistes, dont le Dr X que vous avez cité, qui accueillent des patients sourds en langue des signes pour de la médecine générale. Médecin 7 : Oui. Enquêteur : En plus de cette activité, dans cette unité, il y a des interprètes qui peuvent intervenir et se déplacer dans l’hôpital lorsque les patients rencontrent des médecins spécialistes. Ce ne sont donc pas des médecins de l’unité, mais des autres services, et qui consultent avec interprètes mis à disposition par l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds. Ces interprètes peuvent aussi intervenir quand il y a besoin, pour des bilans d’imagerie, des passages au bloc opératoire, en salle d’accouchement, partout dans l’hôpital ! Dans le service, il y a deux psychologues qui consultent en effet directement en langue des signes ! Et puis il y a également des travailleurs sociaux sourds, une éducatrice spécialisée, une conseillère sociale et familiale et deux inter médiateurs, qui sont des personnes sourdes, qui nous aident pour les patients qui ont un niveau de langue des signes faible ou des difficultés de communication et qui adaptent la communication. Enfin, dans le service, il y a une cadre de santé et une secrétaire. Par contre il n’y a pas d’hospitalisation, c’est un service de consultations. Et pour Lyon, il y a une structure qui vient de s’ouvrir donc je vous donnerai les informations à la fin de cet entretien. Médecin 7 : D’accord. Enquêteur : Maintenant, quel est pour vous l’intérêt de cette structure dans votre pratique et la prise en charge de cette patiente ? 124 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 7 : Alors ça a été assez radicalement efficace, parce que moi j’étais quand même un peu dépourvu pour… euh…, comme elle a des plaintes qui sont très atypiques, moi je me suis fait, comme c’est le cas pour ce genre de malade un peu difficile, je me suis fait aider par mes confrères, et c’était beaucoup plus simple de … de balayer le problème de langage et de comprendre réellement ses plaintes, d’avoir plus de détails sur ce qu’elle rapportait et de mieux la prendre en charge. Parce que déjà elle, elle parlerait normalement, on y comprendrait pas grand chose à ses pathologies, on n’en sait pas du tout de ce qui est de l’organique ou du psychosomatique, et donc pour arriver à faire la part des choses, avec les spécialistes d’ici, ça aurait été quasiment impossible, quoi ! Donc, ça m’a beaucoup rendu service qu’elle soit vue là-bas ! Enquêteur : D’accord. Donc pour vous, comment est-ce que vous considérez que cette unité influence votre prise en charge ? Plutôt négative, positive ? Médecin 7 : Oui, très positive, oui ! Tout ce qu’ils pouvaient faire, je leur ai laissé faire parce qu’à des moments on était en contact téléphonique en disant bon, il faut qu’elle voit un ou une gynéco, est-ce que vous voulez vous en occuper ou vous voulez qu’on le fasse, je leur disais faites le, quoi ! Enquêteur : D’accord ! A l’inverse, est-ce que pour vous il y a des freins qui pourraient être engendrés par cette structure, dans la relation que vous avez votre patiente ? Médecin 7 : (Silence) Là, je ne vois pas ce que vous me demandez ? Enquêteur : Est-ce que le fait, voilà, qu’elle soit également prise en charge à Grenoble par d’autres médecins généralistes, dans la relation que vous vous avez en tant que médecin traitant avec elle, ça influence ou pas ? Médecin 7 : Euh, ça ne me gène pas en tout cas ! Enquêteur : D’accord ! Médecin 7 : Du moment qu’on reste en relation et qu’ils m’écrivent leur compte rendu. Et, après moi je peux lui faire lire à la dame, j’ai fait des photocopies éventuellement, en lui mettant noir sur blanc ce qu’il faut qu’elle fasse, ce qui a été dit ! Enquêteur : D’accord. A votre avis, pourquoi est-ce qu’elle est allée, vous m’avez dit que c’est elle qui a pris contact avec cette structure, pourquoi elle est allée là-bas ? Qu’est-ce qu’elle ne trouvait pas ici ? Médecin 7 : (Silence) (rires) J’avais l’impression que … les plaintes qu’elle a, si vous voulez, sont tellement atypiques, qu’effectivement ça sous entendait qu’il y avait autre chose, qu’il y avait un malaise dans sa prise en charge globale et… je pense qu’elle s’est pas sentie prise en charge complètement ici. Je pense qu’elle a trouvé là-bas une écoute qui lui était propre, 125 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) propre à sa surdité et aux conséquences que ça peut engendrer ! Mais je vous le dis encore une fois, c’est vrai que les consultations sont tellement compliquées parce qu’elle vient avec un motif, un deuxième, un troisième, alors ce sont des consultations à rallonge qui sont toujours non programmées, alors qui décalent le rythme normal, alors ça se passe dans un climat qui n’est pas idéal, et bon, je ne l’envoie pas promener parce que je compatis mais euh… c’est très lourd quand même, très, très lourd. (rires) Quand on ferme la porte à 11h00 à la consultation libre du matin, quand à 10h55 elle sonne et qu’elle reste là, et que j’ai la salle d’attente encore pleine, c’est stressant. Enquêteur : Oui, oui, c’est tout à fait compréhensible ! Médecin 7 : Surtout qu’elle ne veut pas attendre son tour quoi ! Et l’après-midi, elle pourrait venir sur rendez-vous, mais elle ne prend pas rendez-vous ! Enquêteur : Et vous pensez qu’elle ne prend pas rendez-vous parce que… Médecin 7 : Non, mais elle veut faire ce qu’elle veut quand elle veut ! Alors est-ce que c’est son handicap qui lui donne un semblant de droits différents pour pas faire comme tout le monde, peut-être… Enquêteur : D’accord. C’est sûr. Alors si on revient à la question précédente, à l’inverse, qu’est-ce qu’elle trouve chez vous de plus par rapport à l’unité ? Médecin 7 : Alors je ne sais pas, mais je me rends compte qu’elle vient ici de moins en moins ! Enquêteur : D’accord. Je me souviens plus mais vous m’avez dit qu’elle, elle vous avez déjà parlé de ses visites à l’unité ? Médecin 7 : Ah oui, mais on reste en relation régulièrement, parce que quand je la vois je lui demande si elle a les ordonnances, elle a besoin parfois de bons de transport enfin de bons pour les remboursements de ses aller-retour en voiture particulière, donc je sais très bien qu’elle y va et puis j’ai les courriers. Vous voyez, c’est marqué et bien voilà, nous organisons un rendez-vous avec un dermatologue, nous organisons un rendez-vous en pneumologie… alors tout ça, moi ça me va bien… c’est pour ça que je visualisais plus les structures de spécialité si vous voulez ! Enquêteur : D’accord. Et donc ce médecin là, alors comment est-ce que vous le situez dans le … Médecin 7 : Et bien, une sorte de tête pensante coordinatrice ! Enquêteur : D’accord ! Et donc… euh… j’ai perdu le fil de ma pensée…oui, à votre avis qu’est-ce qu’elle trouve dans cette double prise en charge finalement ? 126 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 7 : Et ben … elle vient ici quand elle a un problème aigu, si elle a mal au ventre d’une façon insupportable par exemple. Mais je pense que pour tout ce qui est maintenant le traitement de fond et le bilan chronique, elle est vue là-bas. Et pour moi c’est bien ! Donc elle vient ici pour des évènements intercurrents aigus ! (Regarde sur son ordinateur) Là, on avait modifié son traitement pour la tension… là, c’était un problème d’infection urinaire visiblement ... donc là,… pareil… là, une trachéite… là, elle s’est pas présentée au rendezvous… voilà ! Les deux dernières années, c’était vraiment pour des choses pas vraiment extraordinaires… Enquêteur : Donc on peut dire les motifs de consultations ne sont pas les mêmes ! Médecin 7 : Pas du tout ! Enquêteur : Vous pouvez développer ! Médecin 7 : Et bien disons qu’au départ, moi j’avais droit à tout, et puis petit à petit c’est vrai j’ai transféré sur votre service, les problèmes de fond et donc je gère l’aigu et c’est vrai que c’est plus confortable ! Enquêteur : Donc on va rependre un petit peu mais vous me l’avez déjà dit : quel rôle vous attribuez au médecin de cette unité dans le parcours de soin de cette patiente ? Médecin 7 : Et bien essayer d’être plus persuasif que nous dans …. dans la prise en charge des traitements de fond. Enquêteur : Persuasif, c’est à dire ! Médecin 7 : Non, mais là, c’est par rapport à cette dame, mais c’est à dire arriver avec elle qu’elle comprenne l’importance du message que l’on a à lui faire passer, et qui moi apparemment ne passe pas ! Enquêteur : D’accord. Médecin 7 : Ou peu ! Enquêteur : OK. Finalement, si vous deviez simplement conclure sur cette double prise en charge, qu’est-ce que vous en pensez ? Médecin 7 : Que du bien ! (rires) Enquêteur : Que du bien. (rires) Médecin 7 : Que du bien et heureusement que ça existe, voilà ! Parce que comme on peut pas tout gérer en médecine générale, c’est la porte de sortie pour se dire, bon, il y a quelqu’un qui va faire mieux que nous, parce que là moi je n’y arrive plus ! Enquêteur : Donc dans l’ensemble, est-ce que vous vous sentez suffisamment informé de ce qui est fait là-bas ? 127 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 7 : Et bien, disons que par le biais des courriers qu’on reçoit, c’est comme les relations qu’on peut avoir avec les spécialistes des autres secteurs, c’est classique et c’est bien, après ils ne disent pas ce qu’ils font de spécifique mais bon ! Enquêteur : Et est-ce que ça vous manque ou pas particulièrement ? Médecin 7 : (Silence) Si on avait le temps, on irait un jour à un congrès pour se faire expliquer mais bon ! Enquêteur : Donc là vous anticipez sur la question suivante ! (sourire) Qu’est-ce que vous souhaiteriez pour pouvoir être mieux informé sur la prise en charge qui se fait dans ce type d’unité ? Médecin 7 : Et bien voilà, à l’occasion d’une réunion, d’un… de n’importe quelle journée de formation, d’une communication de quelqu’un qui présente la structure mais bon à partir du moment que c’est sur Grenoble, déjà c’est, c’est pratiquement pas inaccessible ou du moins peu envisageable… (rires), après s’il y a quelqu’un à rencontrer sur Lyon, voilà …mais… Enquêteur : D’accord ! Et bien je pense que j’ai fini avec mes questions. Je ne sais pas si vous aviez quelque chose de plus à rajouter ? Médecin 7 : Non, ça va bien comme ça ! 128 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 12 : Entretien 8 (17’13) Enquêteur : Bonjour. Donc voilà, je m’appelle Fanny NIER. Je suis interne de médecine générale à Lyon en dernier semestre. Comme je vous l’ai expliqué par téléphone, j’étudie, dans le cadre de ma thèse, la connaissance et la perception que peuvent avoir les médecins traitants libéraux concernant la prise en charge de leurs patients sourds signants au sein de l’Unité Rhône-Alpes d’Accueil et de Soins pour les Sourds. Je vais enregistrer notre entretien afin de pouvoir le retranscrire ensuite. Médecin 8 : Oui ! Enquêteur : Voilà. Donc si vous voulez bien commencer par vous présenter, qui vous êtes ? Médecin 8 : Et bien moi je suis le docteur X, généraliste, installé ici à X depuis je sais pas, vingt six ans, vingt sept ans. Voilà. J’ai une patientèle, j’ai l’impression standard, dont qui vieillit avec le médecin, donc j’ai plus de vieux que de jeunes. Pour répondre pour le créneau qui vous intéresse, des gens sourds complets, donc il n’y en a qu’une, madame X, qui a récemment déménagé et qui n’habite plus X, que je ne vois donc plus ou très rarement… et qui donc, effectivement, était prise en charge dans l’unité pour les sourds au CHU, ce qui fait que euh… je l’ai moins vue, et voilà ! Enquêteur : Juste est-ce que vous pouvez me donner une tranche d’âge vous concernant ? Médecin 8 : Oui, j’ai X ans. Enquêteur : Donc 60-65 ans ! D’accord. Donc vous m’avez dit que vous ne suivez qu’un seul patient, depuis combien de temps est-ce que vous la suivez cette patiente ? Médecin 8 : Et bien attendez, je vais vous dire, c’est facile… (regard sur son ordinateur) (silence) euh 2004. Enquêteur : Oui, donc depuis une bonne dizaine d’années. Et à quelle fréquence est-ce qu’elle venait vous consulter avant qu’elle déménage ? Médecin 8 : (Regard sur son ordinateur) Euh, alors la dernière année où elle est venue, c’est en 2012. Elle est venue huit fois en 2012. Enquêteur : D’accord, donc un suivi relativement régulier ? Médecin 8 : Oui, tous les mois et demi, deux mois. Enquêteur : D’accord, avait-elle des pathologies chroniques motivant ce suivi régulier ? Médecin 8 : Oui ! Enquêteur : D’accord. Et donc, avec cette patiente, comment est-ce que vous communiquez ? 129 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 8 : Alors, elle arrivait à peu près à lire sur les lèvres, quand on parlait bien en face d’elle, en articulant… en sur articulant…. euh…. Elle venait souvent avec son compagnon, qui … ils ont une manière non formelle de communiquer… donc il arrivait à lui faire passer des choses. Euh… Enquêteur : Son compagnon est sourd ou entendant ? Médecin 8 : Entendant, oui ! Il est entendant mais Portugais parlant pas un français extraordinaire. Euh… moi, j’avais, si vous voulez, en fait c’est une dame qui est sourde de naissance, donc elle a un problème aussi d’élocution ! Donc moi j’avais plus de problèmes pour comprendre ce qu’elle me disait, que semble-t-il, elle pour me comprendre ! Enquêteur : Elle n’est jamais venue avec un interprète ? Médecin 8 : Non ! Enquêteur : D’accord. Est-ce que pour communiquer vous passez aussi un peu par l’écrit ? Médecin 8 : Oui … euh… elle a un niveau scolaire très bas … et euh… l’écriture, je crois que c’était pas terrible ! Enquêteur : D’accord ! Médecin 8 : Voilà c’est les sourds de l’ancienne génération, où elle a été mise de côté et que personne ne s’en est occupée ! Voilà ! Enquêteur : D’accord. Et à votre avis, elle, quel était le moyen de communication qu’elle préférait utiliser avec vous, en consultation ? Médecin 8 : (Soupirs) Ben, elle, elle essayait toujours de me parler, voilà ! Elle oralise ... donc je vous dis je comprenais … euh… j’arrivais à comprendre mais c’est … la communication fine était difficile. Bon, en plus, il a des problèmes de niveau culturel qui … c’est une dame tout de même d’un niveau culturel très bas… et donc, euh… elle a du diabète, pour gérer le diabète, c’était un peu compliqué ! Enquêteur : OK, je comprends… Euh… vous saviez que cette patiente était suivie dans l’Unité d’Accueil et de Soins de Grenoble ? Médecin 8 : Ben, j’ai su assez vite parce que … j’ai reçu un courrier, quoi ! Enquêteur : D’accord. Ce n’est donc pas vous qui l’y avait adressée finalement ? Médecin 8 : Non, non, non. Je vous avoue que je ne connaissais… à cette époque là, je ne connaissais même pas l’existence de l’unité des sourds. Voilà. (rires) Enquêteur : D’accord. Euh… et donc à votre avis, est-ce que vous pourriez me décrire selon vous le rôle et le fonctionnement de cette unité ? Médecin 8 : Pfff (soupirs) euh… ben donc il y a des gens qui sont… il y a des interprètes de… de la langue des signes et donc il y a des médecins généralistes qui font le… la synthèse 130 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) des problèmes médicaux des gens, semble-t-il, et qui les adressent, munis d’interprètes à… aux spécialistes de… si on en a besoin… j’ai l’impression. Oui, parce que là vous voyez, elle allait en endoc, en endocrino chez madame X, qui me semble-t-il… elle me mettait dans ses lettres qu’il y avait un interprète. Enquêteur : D’accord. Autres que des médecins généralistes et des interprètes à votre avis, ou pas, c’est suffisant ? (Interrompus par un coup de téléphone) Médecin 8 : Euh, redites moi ? Enquêteur : Oui, donc je vous demandais est-ce qu’à part médecins généralistes et interprètes, vous pensez qu’il y a d’autres intervenants ou pas ? Médecin 8 : Oui, oui… j’avais discuté avec le docteur X, que j’avais vu dans une fête comme ça, complètement euh… hors situations médicales… on avait un peu papoté comme ça, mais bon c’était il y a longtemps parce qu’il m’avait raconté… mais si, il y a, je crois des interprètes non médecins, enfin… voilà… euh… il doit y avoir euh… des infirmières sûrement, mais je sais pas honnêtement ! Je vous dis… euh… j’ai eu dans la pratique que cette madame X qui a déménagé et dont je ne m’occupe plus. Donc je suis pas sur… tout le temps… sur le pont avec ce service. Si jamais j’avais à gérer des trucs tout le temps, je serais sûrement plus au courant ! Voilà ! (Rires) Enquêteur : D’accord. Je vous donnerai quelques infos après si vous le voulez ! A part celle de Grenoble, est-ce que vous savez s’il existe d’autres unités comme celle-ci en France ? Médecin 8 : Ah ben il y en a sûrement d’autres, mais j’ignore parfaitement, oui ! Enquêteur : D’accord. Non juste pour vous donner quelques infos, il y a également des psychologues, en fait … Médecin 8 : Oui Enquêteur :… Euh… qui signent également, qui utilisent la langue des signes, donc pour les sourds qui ont un suivi psychologique. Il n’y a pas d’infirmières parce que c’est juste une unité de consultations. Voilà. Par contre, il y a une secrétaire, une cadre de santé et il y a des inter médiatrices qui nous aident justement, comme vous le disiez pour les patients qui n’ont pas forcement des langues développées ou des connaissances développées, et qui nous aident dans la transmission d’informations. Médecin 8 : Hum, hum ! Enquêteur : Voilà. Alors pour vous quel serait ou quel a été l’intérêt de cette structure dans votre prise en charge de cette patiente ? Médecin 8 : Ah ben si, ça a été la prise en charge du diabète qui a été beaucoup plus efficace car elle a été faite à l’hôpital ! Ca a été l’introduction au suivi régulier, par les endocrinos de 131 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) l’hôpital par le fait du caractère un peu spécifique, particulier de cette dame. Ils ne font pas un suivi régulier des diabètes standards disons, euh… à l’hôpital, mais là … donc… j’ai pu avoir accès aux endocrinos grâce à ce système… et en fait, après il y avait une prise en charge par toute sorte de spécialistes de l’hôpital, directement par l’unité des sourds. Enquêteur : Et ça, vous pensez que si elle n’avait pas été sourde, elle n’aurait pas eu accès à ce système ? Médecin 8 : Non, c’est compliqué pour… l’accès direct aux consultations de l’hôpital, que ça soit la cardio, l’uro, la gastro, c’est réservé, ce qui peut tout à fait se comprendre à des pathologies spécifiques ou à des gens bien… euh… graves, polypathologiques etc. mais bon, vous n’allez pas faire faire un électrocardiogramme standard à des consultations à l’hôpital, ils ne voudront pas de vous ! Enquêteur : Hum, hum. Médecin 8 : Et pareil pour le diabète, ce qui peut se comprendre, mais si vous avez un petit diabète bien équilibré, c’est le boulot du généraliste ou des endocs de ville ! Bon ben voilà ! Elle, elle était entièrement prise en charge à l’hôpital, dans les différents services. Enquêteur : D’accord ! A part cet aspect d’accès à des soins spécialisés facilité, est-ce que ça vous a aidé dans d’autres domaines ? Médecin 8 : Ben je pense qu’elle a été beaucoup mieux soignée parce qu’on comprenait… euh… on comprenait ce qu’elle disait et elle comprenait… alors je sais pas si cette dame savait la langue des signes, je suis pas sûr ! Mais bon, ils doivent savoir se débrouiller avec des sourds qui ne savent pas la langue des signes ! Enquêteur : D’accord. OK. Donc finalement, vous, ça a influencé de façon positive ou négative votre relation avec elle ou est-ce que finalement ça n’a pas tellement eu d’influence ? Médecin 8 : Ben disons que je l’ai beaucoup moins vue, hein… mais c’était très bien pour elle, moi, je croule sous le boulot donc… (rires) je suis pas (rires) jaloux de ma patientèle, et pour elle ça a été très bien, c’est très bien car j’imagine qu’elle y est toujours ! Enquêteur : Hum. Et par exemple est-ce que, à certains moments, ça a pu vous provoquer des freins ? (Sonnerie du téléphone) Médecin 8 : Et bien attendez, excusez-moi ? (Décroche le téléphone) Enquêteur : Et bien, à votre avis, pourquoi est-ce que cette patiente allait consulter dans l’unité alors que vous la suiviez ici ? Médecin 8 : Euh… je crois que c’est à l’occasion d’une hospitalisation… euh… pum pum… en chirurgie orthopédique… euh… donc elle était allée voir le Dr X pour un problème de 132 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) gonarthrose, voir s’il fallait mettre une prothèse et donc euh… c’est à l’occasion de ça qu’elle a rencontré le service des sourds. Enquêteur : Est-ce que elle, elle vous en avait parlé qu’elle était suivie là-bas ou vous l’avez découvert quand vous avez reçu un courrier ? Médecin 8 : Je crois que c’est son compagnon qui m’en avait parlé ! Enquêteur : D’accord. OK. Euh… et donc, à votre avis, qu’est-ce que ça a pu lui apporter de bénéfique ou de négatif d’être prise en charge par deux médecins généralistes, vous et le médecin de l’unité ? Médecin 8 : (Soupirs) … ben c’est ce que je vous disais, pour l’accès à l’hôpital hein, c’est pour des personnes qui ont des pathologies chroniques et donc elle, elle a de l’asthme, elle est diabétique, elle a des rhumatismes, bref tout un tas de pathologies… c’est très bien d’avoir tout l’hôpital à sa disposition ! Enquêteur : Est-ce que vous, vous voyez des limites à être pris en charge par deux, comme ça, par deux médecins, pour de la médecine générale ? Médecin 8 : Oui (soupirs) pffou, je vous disais que je ne suis pas jaloux de ma patientèle, je suis pas… c’est toujours intéressant d’avoir un autre avis, je suis pas gêné. Ce Dr X, ce que j’en ai vu, il a l’air très sympa et donc, il m’avait dit, s’il y a le moindre truc, tu me téléphones et tout ça. Si vous voulez, lui, il est dans le… il ne veut pas imposer ses choses… il est tout à fait dans la communication ! Enquêteur : D’accord. Et donc, finalement, ce médecin, vous le qualifieriez comment, on va dire, dans le parcours de soins du patient ? Médecin 8 : Et bien lui, il se définit comme un médecin généraliste, mais enfin bon… mon expérience c’est que sur une personne, et je vous dis que je ne la vois plus donc bon… je ne vais quand même pas faire de grandes théories ! Enquêteur : Oui, oui, je comprends bien. Médecin 8 : Après je me souviens c’est une porte d’entrée pour l’hôpital ! Enquêteur : Oui, d’accord. Ca permet d’orienter le patient. D’accord. Donc, à la question vous sentez-vous suffisamment informé de la prise en charge de votre patient dans cette unité, vous répondriez comment ? Médecin 8 : Oui, oui, ben oui puisqu’il y avait un retour, j’ai eu des courriers et tout çà ! Oui Enquêteur : D’accord. Et comment, par exemple, est-ce que vous auriez aimé être informé par l’existence de cette unité ? Sans cette patiente est-ce que vous auriez pris le temps d’y jeter un coup d’œil ? 133 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 8 : Euh… ben je vous dis, moi, j’ignorais ça auparavant… ben euh… voilà… mais je ne m’étais pas posé la question n’ayant pas de patients sourds ! Enquêteur : Ce qui est normal d’ailleurs ! Médecin 8 : Maintenant je sais que ça existe, je connais un peu le médecin, et voilà ! Enquêteur : Et bien, je pense avoir fini. Je vous remercie de m’avoir consacré un peu de votre temps. Médecin 8 : Ce fut avec plaisir ! 134 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 13 : Entretien 9 (5’25) Enquêteur : Bonjour. Je m’appelle Fanny NIER, je suis interne de dernier semestre et dans le cadre de ma thèse, je m’intéresse à recueillir le ressenti des médecins traitants de patients sourds qui sont suivis en parallèle dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Médecin 9 : Très bien ! Enquêteur : Alors, tout d’abord est-ce que vous pouvez tout simplement vous présenter, qui vous êtes et ce que vous faites et où vous êtes installé ? Médecin 9 : Dr X, je suis médecin traitant de cette dame depuis le 03 décembre 2012, et mon cabinet et à X, dans l’Isère, et je suis installé depuis 17 ans ! Enquêteur : Oui. D’accord. Médecin 9 : Je suis la famille, voilà ! Enquêteur : OK. Juste pour savoir, puis-je vous demander votre âge ? Médecin 9 : Ah ben vous êtes indiscrète vous ! (Rires) Enquêteur : (Rires) Médecin 9 : X ans ! Enquêteur : D’accord. Donc 55-59 ans. Ca marche. Combien en tout de patients sourds ou malentendants sévères est-ce que vous suivez, alors ? Médecin 9 : Alors disons… sourds ou malentendants… j’ai beaucoup de personnes âgées alors… je saurais pas dire ! Enquêteur : Alors, on peut dire sourds ou malentendants qui utilisent la langue des signes ! Médecin 9 : Ah oui d’accord, donc on va dire, mettons, cinq, allez ! Enquêteur : D’accord. Et donc pour la patiente qui nous concerne, elle vient vous voir à quelle fréquence environ ? Médecin 9 : Ben là, je vois, (regard sur ordinateur) elle m’a vu une fois en 2012, deux fois en 2013 et quatre fois en 2014, mais je la vois surtout pour ses enfants ! Enquêteur : D’accord. Ses enfants sont entendants ou sourds ? Médecin 9 : Ils sont tous entendants ! Enquêteur : D’accord. Et quand vous devez communiquer avec elle, comment est-ce que vous faites ? Médecin 9 : Ah, je communique en parlant normalement, lentement, en articulant … mais ses enfants, eux, ont bien évolué parce qu’ils étaient très turbulents, ils criaient dans la salle 135 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) d’attente, etc., ce qui m’a fait un peu sortir de mes gonds de temps en temps, et maintenant ils arrivent, ils parlent tout doucement, ils font surtout des signes quand ils communiquent avec leur mère. Mais moi j’arrive à me faire comprendre en parlant face à face… Enquêteur : D’accord. Médecin 9 : … Et en parlant doucement, en essayant d’articuler un peu pour qu’elle arrive avec la lecture labiale. Enquêteur : Elle oralise un petit peu cette dame ou pas ? Médecin 9 : Oralise c’est à dire ? Enquêteur : Est-ce qu’elle vocalise, arrive à parler ? Médecin 9 : Ah pardon, oui, oui, oui… bien sûr, bien sûr ! Enquêteur : D’accord. Médecin 9 : Oui, bien sûr ! Enquêteur : Est-ce que vous avez déjà été amené à faire des consultations avec un interprète, avec elle ? Médecin 9 : Non jamais ! Enquêteur : D’accord. Médecin 9 : Par contre, il est arrivé qu’elle téléphone par le biais d’un organisme qui retransmet sa parole quand elle prend des rendez-vous par téléphone. Enquêteur : D’accord, oui, un système d’interprétariat via une plateforme téléphonique. Médecin 9 : Oui, tout à fait, par téléphone. Enquêteur : OK. Est-ce que vous saviez qu’elle était suivie dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds de Grenoble ? Médecin 9 : Non ! Enquêteur : Non, pas du tout. Elle vous en n’avait jamais parlé ? Médecin 9 : Elle ne m’en a jamais parlé, non ! Enquêteur : OK. Donc vous, vous ne connaissiez pas cette structure, comment est-ce qu’à votre avis, si je vous dis qu’il s’agit d’une unité d’accueil et de soins pour les Sourds, comment est-ce qu’elle fonctionne, qui y travaille, qu’est-ce qui s’y fait ? Médecin 9 : Je… j’en sais strictement rien, mais j’imagine que pour cette dame qui habite à X c’est pas simple d’aller là-bas en tout cas ! Enquêteur : Oui. Médecin 9 : Surtout avec des enfants en bas âge ! Enquêteur : Oui, oui, oui, tout à fait, d’accord ! Et donc, à votre avis, qui y travaille dans cette unité ? 136 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 9 : (Silence) Sincèrement, je sais pas du tout, j’en ai aucune idée ! (Silence) Enquêteur : Donc, cette unité, vous en n’aviez pas du tout entendu parler ? Médecin 9 : (Silence) Enquêteur : Donc, je vais vous donner quelques informations. C’est une unité où il y a des médecins généralistes qui consultent surtout pour les patients sourds qui sont utilisateurs de la langue des signes. Il y a des psychologues qui font des suivis psychologiques en langue des signes également. Il y a cinq interprètes qui interviennent dans l’ensemble de l’hôpital lors des consultations de spécialité, des passages au bloc opératoire, des examens d’imagerie, en salle d’accouchement également. Et enfin, il y a quatre inter médiatrices qui sont des professionnelles sourdes qui interviennent dans de l’aide à la compréhension pour certains patients. Médecin 9 : D’accord. Enquêteur : Comment est-ce que vous, vous percevez le fait que cette patiente soit suivie par deux médecins généralistes, vous médecin traitant et le médecin de l’unité ? Médecin 9 : Ben, j’en prends pas ombrage, attendez, la médecine générale elle est faite que de çà hein ! Je veux dire, on suit des patients mais c’est la vie, il y a d’autres médecins dans la vie des patients et voilà… non, non, pas du tout, c’est très bien ! Enquêteur : D’accord. Médecin 9 : Mais j’ai aucune… moi j’ai… autant je ne savais pas que cette dame allait dans cette structure, autant j’ai jamais eu de courriers de votre part non plus ! Enquêteur : Oui, oui, d’accord ! Médecin 9 : Voilà. Enquêteur : C’est bien pour cela que ça m’intéresse de savoir les relations que vous pouvez avoir avec cette unité. Médecin 9 : C’est un monde parallèle qui ne se croise pas ! Enquêteur : Oui, d’accord ! Médecin 9 : Mais au contraire, je vois bien pour elle, si ça peut lui apporter que du bien, tant mieux, il y a pas de souci, bien sûr ! Enquêteur : D’accord. Médecin 9 : Je suis désolé, mais là je vais pas pouvoir plus vous aider, et j’ai encore pas mal de choses à régler. Je pense que c’est bon ? Enquêteur : Pas tout à fait, mais bon c’est vrai que le reste des questions si vous ne suivez pas cette patiente de façon régulière ça va être un peu plus difficile de répondre. Médecin 9 : Bon et bien très bien ! 137 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Merci en tout cas de m’avoir reçue et de m’avoir consacré un peu de votre temps ! 138 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 14 : Entretien 10 (23’40) Enquêteur : Bonjour. Alors je me présente, Fanny NIER, étudiante en dernier semestre de médecine générale. Je vous ai contacté à propos de mon projet de thèse. J’étudie la représentation et les connaissances que peuvent avoir les médecins traitants concernant la double prise en charge médicale de leurs patients sourds avec l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds de Grenoble. Si vous êtes prêt, pour commencer, est-ce que vous pourriez vous présenter, de façon générale, qui vous êtes et ce que vous faites ? Médecin 10 : Alors, Dr X. J’ai X ans. Je suis installé à X comme médecin généraliste depuis…, je me suis installé en 81, donc ça fait 34 ans, que je suis installé ! Enquêteur : D’accord. Médecin 10 : Voilà, et donc j’ai une spécialité de médecine du sport en dehors de ça. Voilà, et autrement je suis seul en cabinet. J’ai toujours été seul en cabinet si ce n’est que maintenant j’ai une collaboratrice depuis 4 ans ! Voilà ! Enquêteur : D’accord. OK, très bien. Alors combien, est-ce que de patients sourds ou malentendants, on va dire sévères, est-ce que vous suivez dans votre patientèle ? Médecin 10 : Euh… je dois en suivre… cinq ! Enquêteur : D’accord. Heu… ce sont des gens qui oralisent ou qui communiquent en langue des signes ? Médecin 10 : Alors avec lui, avec Mr X, lui, bon je l’ai toujours suivi. Il a été peintre pendant des années, donc on arrive à communiquer, on est arrivé à communiquer comme ça, par écrit, mais c’est vrai que moi, je n’ai pas de, j’ai pas de…, je ne savais même pas qu’il était suivi par une structure particulière ! Enquêteur : Hum, hum. D’accord ! Médecin 10 : Voilà ! Alors après je sais qu’ils ont eu deux enfants, donc il y en a un qui est, qui est complètement entendant, euh… la fille également, mais elle a un QI [Quotient Intellectuel] un peu comme sa maman, mais ils ont deux enfants qui ne sont pas sourds du tout. Enquêteur : Hum, hum. Médecin 10 : Voilà. Mais autrement je les vois régulièrement mais en dehors de ça, ils vont bien, ils n’ont jamais eu de problèmes de santé particulier, donc vous dites qu’ils sont suivis par un autre, une autre structure, qui les voit régulièrement pour euh ? 139 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Alors, oui, c’est l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds au CHU de Grenoble. Médecin 10 : Alors honnêtement, je ne savais pas du tout qu’ils étaient suivis en dehors de moi-même, honnêtement, c’est une structure que je ne connaissais pas, et donc manifestement ils viennent vous voir directement quand ils en ont besoin. Mais en moyenne ils vont bien, ils sont en pleine forme et ils n’ont pas de gros besoins. Mais autrement ce sont des gens qui sont complètement autonomes, qui se débrouillent bien, alors après est-ce qu’ils vont dans ce centre pour se faire aider dans… pour des démarches, je sais pas. Honnêtement, ça c’est jamais abordé hein ! Alors je sais que je prends beaucoup de temps avec eux, pour bien se faire comprendre, pour savoir exactement ce qu’ils veulent, mais ils vont remarquablement bien autrement. Enquêteur : Et pour les autres ? Médecin 10 : Alors à part la famille X, qui parle, qui communique en langue des signes, la plupart du temps, non, ils oralisent oui, tout à fait ! Enquêteur : D’accord. Et donc, depuis combien de temps est-ce que vous suivez cette famille ? Médecin 10 : Euh, la famille X, je les ai connus quand je me suis installé donc ça fait 34 ans. Enquêteur : D’accord. Donc en effet on va surtout parler d’eux car c’est eux qui sont suivis dans l’unité. Médecin 10 : Oui, parce que les autres, oui, ce sont des gens qui sont malentendants, mais en moyenne c’est vrai que les autres ils oralisent normalement, et puis ce sont des gens qui sont devenus sourds mais vraiment tardivement, c’est pas, il n’y a personne de naissance ! Donc c’est vrai, c’est vraiment eux surtout que je suis depuis très longtemps ! Enquêteur : D’accord. Ils viennent vous voir alors à peu près à quelle fréquence ? Médecin 10 : Pfou… ils viennent… on va dire… une fois tous les deux ans ! Enquêteur : D’accord. Médecin 10 : Ils consomment très peu de… non c’est vrai, ils sont très peu demandeurs de soins, non vraiment, c’est … je sais pas si c’est le problème de langage qui fait que…les problèmes de communication qui font qu’ils viennent pas, mais je pense que… en plus ils vont bien tous les deux, et ils n’ont pas de gros besoins donc en plus si vous me dites qu’il y a un système parallèle qu’ils vont voir éventuellement, voilà, ça je savais pas du tout ! Enquêteur : Hum, hum. Médecin 10 : Ils pouvaient les voir, peut-être qu’ils y allaient, mais je pense que ce ne sont pas des gens qui sont demandeurs, pas franchement, non, non, c’est vrai qu’ils vivent très très, 140 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) très tranquillement. Ils sortent et on les voit toujours ensemble, mais en dehors de ça, ils ont pas une grosse demande médicale, ça c’est sûr ! Enquêteur : D’accord. Donc vous m’avez dit qu’avec eux, vous communiquez par écrit. Estce que vous avez déjà eu recours à un interprète en langue des signes ? Médecin 10 : Non, jamais ! Enquêteur : D’accord, jamais. Et, est-ce que vous faites quelques signes avec eux ? Médecin 10 : Alors c’est vrai qu’on parle un peu à l’Italienne. Comme lui il était peintre, alors c’était facile, quand il venait pour une douleur à l’épaule, je lui montrais le geste de peinture, c’était lié, donc oui, il reproduisait le geste et on arrivait à se faire comprendre comme cela, mais c’était vraiment, oui, vraiment très rudimentaire. Enquêteur : D’accord ! Médecin 10 : Donc surtout l’écrit, oui, surtout l’écrit ! Enquêteur : OK. Et vous trouvez que la communication passe bien avec l’écrit ? Médecin 10 : Ben, ça passe bien, c’est très long, on n’est jamais assez complet, parce qu’on aimerait être beaucoup plus précis, mais c’est souvent assez grossier comme interrogatoire, par l’écrit. On va pas au fond des choses comme on fait avec un patient classique, ça c’est sûr ! Enquêteur : Oui. D’accord. Donc vous m’avez dit, que vous, vous ne saviez pas qu’ils étaient pris en charge par un autre médecin. Médecin 10 : Ah non, du tout, du tout… ah non, non, je ne savais pas ! Ils ne m’en ont jamais parlé ! Enquêteur : Et donc cette structure vous ne la connaissiez pas ? Médecin 10 : Non, non, non du tout, du tout ! Enquêteur : Alors si je vous dis simplement qu’il existe une Unité à Grenoble d’Accueil et de Soins pour les Sourds, à votre avis, quels professionnels y travaillent ? Médecin 10 : Eh bien il doit y avoir des orthophonistes… des ORL… des psychologues… et puis … et bien j’espère qu’il y a tout un service social qui travaille pour eux parce… bon c’est pas médical mais sur le plan social, je pense qu’ils en ont besoin parce que c’est vrai, toutes les démarches sont compliquées ! Enquêteur : D’accord. Médecin 10 : Donc j’espère qu’il y a tout ces gens là ! Alors vous me direz après qui y travaille ! Enquêteur : Tout à fait, c’est prévu, je vais vous donner quelques infos, juste après ! Médecin 10 : D’accord ! 141 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Et à part cette unité à Grenoble, à votre avis, est-ce qu’il existe d’autres unités telle que celle-là en France ou est-ce qu’elle est unique ? Médecin 10 : Euh, j’en n’ai jamais entendu parler, pourtant je lis beaucoup la presse médicale et les articles classiques, mais j’ai jamais entendu parler de structures comme ça ! Mais en tout cas si ça existe je trouve ça très bien, franchement, et si ça peut se développer ! Mais je pense… mais est-ce que l’ordinateur est quelque chose qui pourrait améliorer la communication… si par exemple, on avait au moindre problème la possibilité d’envoyer des mails, d’avoir votre adresse mail professionnelle, parce que nous on ne la donne pas à tout le monde, parce que l’on n’a pas envi d’être dérangé toute la journée par mail, sauf par l’intranet entre médecins, mais c’est vrai que pour des gens comme ça… quand je vois des maladies qui sont connus dans l’hôpital, dès que vous arrivez, par exemple vous avez la maladie de Charcot, quelque soit l’heure, vous donnez votre numéro de sécu ou vous donner tel nom d’une personne qui a la maladie de Charcot, à l’Hôpital, on l’attend tout de suite. Il y a des registres spéciaux, comme les infarctus, les AVC [Accident Vasculaire Cérébral], maintenant il y a toutes ces structures là qui existent alors c’est vrai, que pour les sourds il devrait y avoir une possibilité aussi, quand ils sont en difficulté, d’aller plus vite communiquer, et donc je pense que internet pourrait être quelque chose de bien, pour les jeunes générations en tout cas ! Eux, je ne sais même pas s’ils l’ont, s’ils connaissent ? Enquêteur : D’accord. Médecin 10 : Ils ne sont pas tout jeune maintenant ! Enquêteur : Alors. Je vais vous donner maintenant quelques infos. Donc l’unité de Grenoble est une unité qui existe depuis 2001, où il y a trois médecins généralistes pour un équivalent de temps plein, qui consultent en langue des signes. Médecin 10 : Ah oui, alors ils ont appris la langue des signes ces médecins ? Enquêteur : Oui tout à fait ! Il y a cinq interprètes qui interviennent dans l’ensemble de l’hôpital, lorsqu’un patient est hospitalisé ou qu’il doit passer un examen, qu’il a une consultation, un bilan d’imagerie, etc. Et, il y a 4 inter médiatrices, qui sont des personnes sourdes et qui aident les patients qui ont une langue des signes appauvrie voire pas de langue des signes, et donc qui aident à la communication. Deux d’entres elles ont une double casquette. Il y a une éducatrice spécialisée et une assistante sociale. Il y a également deux psychologues qui consultent, pareil, directement en langue des signes. Il y a aussi une cadre de santé et une secrétaire qui gère les rendez-vous des patients au sein de l’hôpital. Par contre, comme vous disiez, il n’y a pas d’orthophonistes car la communication passe par la langue 142 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) des signes, et il n’y a pas non plus d’ORL [Oto Rhino Laryngologie], en tout cas dans cette unité ! Médecin 10 : C’est bien ! C’est parfait ! Mais ça c’est en service d’ORL ? C’est attaché à quoi ? Enquêteur : Alors, non, c’est une unité détachée, à part, indépendante, une unité de consultations. Médecin 10 : OK, très bien. Enquêteur : Et il en existe vingt en France. Médecin 10 : D’accord. Enquêteur : Donc maintenant, à votre avis, quel serait l’intérêt de cette structure dans votre pratique et la prise en charge de ces patients, si vous aviez connu cette unité, comment est-ce qu’elle aurait pu vous aider ? Médecin 10 : Ah ben je me dis que si on avait un examen à faire ou autre… mais ils sont débrouillards… mais je me dis que si on avait la possibilité de contacter votre secrétaire, de lui dire bon et bien voilà, on a besoin de prendre un rendez-vous à tel endroit, et que tout le monde puisse s’occuper de tout ça, ca serait parfait ! Parce que nous quand on les voit, on peut pas s’occuper de ça ! Avec vous ça doit aller beaucoup plus vite… parce que moi quand je leur prends un examen, je ne sais pas s’ils sont accompagnés ou pas, en plus eux ils sont bien, assez autonomes mais je me dis qu’avec quelqu’un qui aurait un autre handicap ou un certain âge, avec des difficultés, c’est sûr que le fait de pouvoir passer par quelqu’un et se dire que quelqu’un prend la suite, c’est parfait ! Enquêteur D’accord ! Est-ce qu’à l’inverse, le fait qu’il y a une autre prise en charge médicale, est-ce que vous verriez des limites à cela ? Médecin 10 : Ah non, non, non ! Moi je suis pas du tout comme cela. Moi je me dis que, plus on est nombreux pour des gens qui ont des difficultés mieux c’est ! Ah non ! C’est pas du tout gênant. On le voit bien entre pédiatres et médecins généralistes. Quand vous voulez aller voir le pédiatre vous y allez, et s’il est pas là moi je rends service, il y a pas de souci ! Il y a des médecins qui sont comme ça, c’est soit l’un soit l’autre, non, non ! Il faut être nombreux pour des gens comme cela ! Je regrette de ne pas avoir connu cela avant, mais si ça peut me rendre service pour des patients futurs, bien sûr, je n’hésiterai pas ! Mais en tout cas il faudrait qu’on ait tous, ces numéros de téléphone, les adresses, les contacts, les gens qui y travaillent pour pouvoir, quand on en a besoin, les avoir tout du suite au téléphone. Non c’est sûr ! Enquêteur : D’accord ! 143 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 10 : Je ne sais pas si les autres médecins que vous avez eus étaient au courant de tout cela ? Peut-être que les miens ils sont anciens, ils ont plus de 60 ans… et ça date de combien de temps cela ? Enquêteur : L’unité existe depuis 2001 ! Donc ça fait 14 ans. Médecin 10 : Oui, 14 ans, alors que moi je les suis depuis 34 ans ! Mais est-ce que vous, vous avez eu l’impression que les médecins étaient au courant de tout cela ? Enquêteur : Ah vrai dire ça dépend ! (Rires) Certains oui, certains non ! C’est très varié. Médecin 10 : Oui, je m’en doute. Mais ce qui serait intéressant c’est que vous puissiez m’envoyer ces contacts par mail ! Enquêteur : En effet, il y a pas de souci. Médecin 10 : Voilà, les gens qui travaillent avec vous, c’est ça qui m’intéresse, pour être un peu plus… vite et efficace ! Quand on en a besoin… en plus comme ils vieillissent, ils auront peut-être besoin un jour ou l’autre, d’avoir recours à vous, de prendre des rendez-vous ! Enquêteur : D’accord. Et à votre avis alors, pourquoi est-ce que ces patients, à un moment donné, sont venus dans cette structure et non pas par rapport à vous, qu’est-ce qu’ils sont venus chercher qui peut-être finalement ils n’ont pas trouvé chez vous ? Médecin 10 : Alors ça ! C’est délicat de vous dire ça, mais ils demandent très peu de choses donc en moyenne j’ai toujours réussi à régler l’ensemble des problèmes parce que c’était des problèmes simples et que c’étaient des radios, des traitements, des bilans, donc je leur montrais où était le laboratoire etc.… alors, après pourquoi ils y sont allés ? Peut-être par rapport pour la gynéco pour elle, peut-être qu’elle était gênée, peut-être, je sais pas ! Après pour des aides euh… sociales, pour voir s’il y avait des dossiers à remplir, mais je sais pas. Moi je pense qu’ils avaient tout, tout avait été fait à un moment donné. Après je sais pas ? Enquêteur : D’accord. Et donc au final, peut-être une question un peu redondante, mais selon vous, qu’est ce que ça leur a apporté d’être suivis par deux médecins ? Médecin 10 : Et bien je pense que ça a été d’aller un peu plus loin dans la communication, parce que si il y a des interprètes, des gens qui parlent la langue des signes, je pense qu’ils devaient aller… ils ont dû se rendre compte que j’étais un peu limite dans la communication, et qu’on n’était pas allé au bout des choses peut-être ! Enquêteur : D’accord. Médecin 10 : Ca a été peut-être de fouiller un peu plus, avec des gens qui étaient capables de le faire. Parce que c’est vrai que moi, parfois, j’ai eu l’impression de ne pas aller jusqu’au bout des choses… bon là ils vont bien, ils n’ont pas de gros problèmes de santé mais je me suis déjà dit que s’ils devaient avoir un gros problème de santé, je ne sais pas comment 144 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) j’aurais fait ! C’est vrai qu’on n’est pas très très à l’aise… on n’est jamais sûr de bien avoir été compris euh… complètement. Qu’est-ce qu’ils comprennent, je sais pas ! Enquêteur : Hum, hum… d’accord. Et donc ce médecin de l’unité, finalement, que rôle estce que vous lui attribueriez dans le parcours de soins de ces patients ? Médecin 10 : Et bien, un rôle de … de … qui peut le rassurer. Peut-être de reprendre les questionnaires, de revoir les choses, il peut confirmer des choses, lui faire bien comprendre et puis d’éviter des tas d’angoisses si le patient peut-être angoissé, si des choses n’ont pas été mises à plat complètement, ou si le patient n’a pas tout compris ce qu’on a voulu lui dire, le pourquoi de ce que l’on a fait. C’est plus pour de la sécurité, un interrogatoire beaucoup plus fouillé et donc une communication plus performante. Enquêteur : D’accord. Bon, j’ai presque fini, je vous rassure ! Et donc finalement, vous comment est-ce que vous vous sentez, ou est-ce que vous vous sentiez suffisamment informé de cette prise en charge ? Médecin 10 : Et ben là, je viens de l’apprendre, donc non ! Je peux pas vous dire, je n’étais pas informé ! Enquêteur : Donc, pas au courant, OK. Médecin 10 : Non, pas au courant ! Enquêteur : Et, comment est-ce que vous auriez aimé être informé, sous quelle forme ou par quel moyen ? Médecin 10 : Et bien, je vais dire que actuellement, je pense… et bien à l’époque, dans la formation qu’on avait… la faculté en fait, quand on fait des stages, on nous dit qu’il y a une unité pour les sourds, on l’apprend et s’est intégré, ça existe voilà mais il y a de tas de choses que par exemple, pour le médecin de la sécu avec les arrêts de travail, dans notre cursus, il n’y a pas une heure où on nous apprend à remplir les papiers pour les arrêts maladie… à préciser si c’est un arrêt justifié ou pas justifié… on n’a aucun moyen de savoir parce qu’on nous a pas formé, donc il y a des tas de choses que l’on a pas eu. Donc, j’espère que depuis que la structure existe les étudiants ont été informés, mais nous à notre époque on n’en savait rien ! On ne me l’a pas appris et j’ai jamais eu l’occasion de l’apprendre par les patients ou dans mes lectures, donc voilà, je sais pas comment j’aurais pu le savoir ! Voilà. Enquêteur : Oui. Médecin 10 : Honnêtement, je suis jamais tombé sur mes lectures de l’existence de structures qui prennent en charge les Sourds… jamais, jamais … je sais pas si vous publiez beaucoup mais je veux dire que moi, en ORL, je vois des articles sur… les vertiges par exemple, mais il y a pas un mot sur des structures comme celle-là ! Alors après sur quoi je pourrais 145 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) l’apprendre, je sais pas. Parce que même dans les congrès, dans les congrès certainement ça vole très haut mais ça, ce sont des éléments de base qui sont essentiels pour nous, on nous en parle jamais ! Enquêteur : Oui. Médecin 10 : Oui, parce que moi je reçois, je lis beaucoup la presse parce que j’ai pas le temps d’aller dans les congrès et je me dis que c’est la seule source d’informations et là dessus, je n’ai jamais rien lu sur ça, là vous venez, vous m’apprenez quelque chose ! Enquêteur : D’accord ! Médecin 10 : Et bien là je suis content d’avoir répondu à votre thèse, parce que j’ai appris quelque chose et ça c’est essentiel pour moi… moi à chaque fois que je peux apprendre quelque chose qui me soit utile, et pour mes patients aussi, c’est essentiel, pour moi c’est essentiel ! Mais ce qui faudrait c’est que l’ensemble des médecins soit au courant parce que je pense que l’ensemble des médecins…là il y a quelques médecins qui vont vous répondre, ça va être bien pour votre thèse mais sur l’ensemble des médecins, il doit y avoir plein de médecins qui doivent avoir au moins cinq ou six malentendants profonds et qui n’ont pas l’information, c’est quand même dommage ! Parce que moi, bon je suis pas tout jeune mais dans les jeunes médecins, il faudrait au moins que dans les cours d’ORL… euh… on… dans le programme d’ORL, que les étudiants soient au courant. La moindre des choses c’est qu’en sortant des cours d’ORL, ils sachent que ça existe ! Enquêteur : Hum, hum. Médecin 10 : Mais ça, il faut que ça, vous le fassiez ressortir dans votre thèse, indépendamment de ce que vous ferrez pour eux, je pense que déjà que les médecins soient au courant ! Voilà ! Enquêteur : Et bien c’est très gentil d’avoir répondu en tout cas à toutes ces questions ! Médecin 10 : Et n’hésitez pas à me faire parvenir, vous avez mon mail, des informations et de la documentation… parce que là vous m’avez tout appris ce soir ! Enquêteur : Il n’y a pas de problème. Et encore merci ! 146 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 15 : Entretien 11 (20’43) Enquêteur : Bonjour et merci de m’accueillir. Alors pour commencer cet entretien, j’aimerais bien que vous vous présentiez de façon générale, dire qui vous êtes et ce que vous faites ? Médecin 11 : Euh… alors je suis X, médecin généraliste installé à X en groupe, euh… installé depuis… depuis, depuis 9 ans déjà… Enquêteur : D’accord. Médecin 11 : … Après cinq, six ans de remplacement. Que dire de plus… je sais pas ! Enquêteur : Est-ce que vous avez un DU ? Médecin 11 : Et non, pas de DU particulier. Enquêteur : D’accord, je vais vous demander votre âge ou du moins une tranche d’âge ? Médecin 11 : Au pas de tranche, j’ai X ans ! Enquêteur : Donc ça fera 40-44 ans alors. OK. Combien de patients sourds ou, on va dire, malentendants sévères est-ce que vous suivez dans votre patientèle ? Médecin 11 : Deux ! Enquêteur : Deux. Depuis combien de temps ? Médecin 11 : Je les vois, je dirais depuis, six ans à peu près. Je les vois pas souvent, mais je vais vous dire quand même. (Regarde sur son ordinateur) Enquêteur : Et oui, ça, quelle est la fréquence de leurs visites ? Médecin 11 : Alors les deux cas sont…euh… je dirais… deux fois par an ! Enquêteur : D’accord. OK. Tout en préservant le secret médical, pouvez-vous me dire si ces personnes ont des pathologies chroniques particulières ? Médecin 11 : Non, pas de… pas de problèmes particuliers… enfin pas de problèmes chroniques. En général, c’était pour des problèmes aigus… euh… la dernière fois c’était d’ailleurs pour une appendicite chez cette dame qui avait 50 ans, bien passé d’ailleurs… euh voilà. Enquêteur : OK. Comment est-ce que vous communiquez avec ces patients ? Médecin 11 : Ils arrivent à lire sur mes lèvres. Voilà… donc euh… j’ai plus… ils ont plus de facilité je trouve à me comprendre (rires) que moi des fois à les comprendre. C’est assez, c’est les deux que j’ai, on arrive à bien les comprendre… malgré tout on arrive à bien se comprendre… euh… malgré des fois les sujets de consultation, surtout une, je pense à l’autre, pas celle que j’ai cité avant… et les fois où je l’ai vu, ça fait un petit moment que je l’ai pas 147 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) vu, il faudrait que je regarde mais ça fait peut-être un an, une bonne année, c’était surtout pour des problèmes d’harcèlement au travail, des problèmes psychologiques où il y a quand même un entretien, du coup, assez important, il y a beaucoup de verbalisation par rapport à un acte plus technique qui serait une pathologie aigue diverse, mais malgré tout on arrive, les deux que j’ai, on arrive quand même à bien, on arrive à bien se comprendre ! Enquêteur : D’accord. Donc par l’oral. Des fois est ce que vous passez par l’écrit ? Médecin 11 : Un peu par l’écrit. Par l’écrit ça sera plus par des dessins à la rigueur qu’on va associer mais pour les deux, non, c’est plutôt à l’oral. Enquêteur : D’accord. Dessins, oui, des fois vous montrer des images ? Médecin 11 : Oui, voilà. Oui, un peu, en se servant soit d’un support, soit d’un dessin papier et même maintenant d’un support internet euh… Enquêteur : D’accord, très bien. Est-ce que ces personnes sont déjà venues consulter avec un interprète ? Médecin 11 : Un, qui vient des fois avec son fils, une qui vient avec son fils. Enquêteur : D’accord, et ils communiquent en langue des signes ensemble ? Médecin 11 : Oui ! Ils associent les deux. Enquêteur : D’accord. Est-ce que vous, vous connaissez quelques signes ? Médecin 11 : Aucun ! Enquêteur : D’accord. Est-ce que vous saviez que cette patiente était suivie dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds à Grenoble ? Médecin 11 : Je l’ai su par un courrier en fait, c’est pas elle qui me l’a dit, mais c’est par un courrier que j’ai reçu, justement du réseau… du réseau, quoi… c’est comme ça que j’ai appris d’ailleurs l’existence de cette structure. Enquêteur : D’accord, donc c’est pas vous qui l’avez adressée dans cette structure ? Médecin 11 : Du tout ! J’en connaissais pas l’existence. Enquêteur : D’accord. Donc maintenant, selon vous, est-ce que vous pourriez me décrire, avec les connaissances que vous avez le rôle et le fonctionnement de cette unité ? Médecin 11 : Aucun ! J’avoue que je ne connais pas. J’avoue que je ne me suis pas intéressé non plus parce que je n’ai que deux patients, euh… donc je vous avoue que voilà… (Rires). J’ai pas eu d’intérêt, j’ai pas trouvé l’intérêt de m’y intéresser parce que j’en n’ai pas eu besoin en fait ! Enquêteur : A votre avis, quels professionnels y travaillent ? 148 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 11 : (Silence) Psychologues, je dirais ! Euh… pffff… je dirais plutôt côté psychologue quoi ! Tout ce qui est, voilà… après médecins je ne suis même pas sûr… après si, il doit bien y en avoir… ben sûrement… Enquêteur : Je vous dirai plus tard ! Médecin 11 : Peut-être euh… un médecin peut-être, oui ! Euh… voilà… après, je vois pas trop… après peut-être tout ce qui est social, intégration, aide dans la société, toutes les aides diverses et variées que peut avoir besoin le patient du fait du handicap, quoi ! Enquêteur : Hum, hum. Médecin, vous pensez médecin généraliste, de spécialité ? Médecin 11 : Plutôt spécialiste ! Enquêteur : D’accord. A par l’unité de Grenoble, est-ce que vous savez s’il en existe d’autres en France ? Médecin 11 : Euh, non ! (Rires) Enquêteur : (Rires). Alors, je vais vous donner quelques infos. Donc l’unité de Grenoble existe depuis 2001. Il y a trois médecins qui sont des médecins généralistes, qui consultent en langue des signes, directement. Il y a, en effet, deux psychologues qui font des suivis psychologiques, pareil, en langue des signes directement, ou des fois en faisant appel à une des interprètes. Il y a cinq interprètes pour un équivalant de deux temps et demi. Ils peuvent intervenir pour de l’interprétariat dans l’unité, mais aussi dans l’ensemble de l’hôpital, quand les patients sont hospitalisés ou ont une consultation spécialisée, une imagerie de prévue, un passage au bloc opératoire. Voilà ! Et, il y a en effet des travailleurs sociaux, une éducatrice spécialisée, une assistante sociale et il y a deux inter médiateurs qui interviennent pour de l’intermédiation, c’est à dire de l’aide à la communication et à la compréhension. Il y a une cadre de santé et une secrétaire. Et ce n’est uniquement que des consultations. Il n’y a pas de médecins spécialistes. Euh… maintenant, quel a été, ou pas, il n’y en a peut-être pas, l’intérêt de cette structure dans votre prise en charge de ce patient ? Médecin 11 : Pour moi directement, aucune. Alors comme j’ai dit, il y a une patiente où c’est vraiment que des actes techniques, enfin, je veux dire elle vient pour un lumbago, une cystite, elle vient pour un mal de ventre, elle vient et on arrive à se comprendre, donc j’ai jamais eu à faire à cela. L’autre patiente qui est dans votre réseau, c’était surtout accès, je pense, sur le psychologique, parce qu’il y avait beaucoup de… elle pouvait plus travailler, voilà… il fallait… il y avait réellement un syndrome dépressif etc., donc moi j’ai pas eu d’intérêt si vous voulez directement. Après, que elle, ça l’ait beaucoup aidée, justement pour avoir, pour deux choses, certainement pour avoir tout ce qui est soutien psychologique, donc avec des entretiens, ben forcément il y a beaucoup de… de… comment dirais-je, de verbes… de 149 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) discussions. Il y a aussi un accès non négligeable, aussi, c’est la prise en charge, ça doit être gratuit, enfin ou remboursé, et on a tous ces problèmes en ville avec tout ce qui est la psychologie, les psychothérapeutes qui ne sont pas remboursés, et qui freine énormément les gens, pour pas dire qui empêche beaucoup de gens d’y accéder. Soit réellement ils peuvent pas, soit voilà… après c’est un autre problème, il y en a qui ont du mal à dépenser un peu d’argent pour cela… et c’est la prise en charge et un accès gratuit à la psychothérapie ou la psychothérapie de soutien et tout ce qui peut être lié autour quoi… où en ville, c’est pas possible quoi ! Le psychiatre est pas, est pas adapté… ils sont tous en dépassement d’honoraires ou pour bientôt, et je pense beaucoup en ce qui est la psychothérapie, les psychologues, ben voilà, on a aucun accès entre guillemets gratuits. Enquêteur : Hum, hum. Médecin 11 : Et, c’était quoi la question ? Enquêteur : Oui, c’était quel est l’intérêt de cette structure pour votre pratique, pour la prise en charge de votre patient ? Médecin 11 : Ben, je pense que surtout ça lui a apporté, ça lui a permis d’accéder, alors oui elle y est allée de sa propre initiative, alors je sais pas comment elle a accédé à tout ça, puisque que c’est elle qui m’a fait découvert le truc… si j’avais connu le système avant, si un jour ça doit se reproduire, maintenant le connaissant, je serais plus à même de dire et ben aller, il y a des structures existantes, alors peut-être qu’eux les connaissent bien parce que, il y a déjà un réseau forcément… puisqu’ils les connaissent certainement mieux que nous, ce genre de choses… mais voilà donc, après… j’ai pas eu d’autres besoins, j’ai pas eu de situations où j’ai eu besoin de dire à ben, tient, là, ça serait bien qu’on puisse accéder à ce genre de réseau, voilà, ce genre d’outils, quoi ! Enquêteur D’accord. Quand vous dites que « elle y est allée, elle a trouvé quelque chose », à votre avis, qu’est-ce qu’elle a pu y trouver là-bas à part la gratuité et l’accès à une prise en charge psychologique, il y a d’autres choses à quoi vous pensez ? Médecin 11 : Oui… peut-être, je sais pas alors, je veux pas non plus répondre à leurs places mais euh… peut-être une écoute adaptée aussi… voir des gens adaptés qui sont entre guillemets habitués, oui habitués parce que c’est leur quotidien, je pense, je dirais c’est peutêtre certainement plus adapté que pour des entendants ! Enquêteur : D’accord. Donc, pour vous, est-ce que vous pensez que cette unité a influencé ou pas la relation que vous avez avec cette patiente ? Médecin 11 : … Je pense pas, non. 150 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord. OK. A l’inverse, est-ce que dans votre prise en charge de ce patient, le fait qu’elle aille consulter ailleurs, est-ce que ça a pu engendrer des freins dans votre prise en charge ? Médecin 11 : Pas du tout ! Enquêteur : Pas du tout, d’accord. Médecin 11 : Non, c’est complémentaire, on ait… voilà… après ce qu’il faut c’est que l’on ait une bonne… qu’on ait des courriers, qu’on ait une bonne relation avec ce réseau, soit par internet, soit par les courriers, pour qu’on sache quand les patients reviennent nous revoir… déjà qu’on sache de quoi on parle … on revoit des patients et on n’a pas encore eu de retour des consultations. Je pense, c’est vraiment le truc qu’on ait une relation un peu rapide, quand les gens nous viennent nous voir, qu’on sache de quoi ils parlent, de quoi ils nous parlent, et nous, qu’on puisse essayer de répondre par rapport à ce qu’on a, par rapport aux éléments, dans les courriers des spécialistes ou des réseaux, quoi ! Enquêteur : Hum, hum. D’accord. A votre avis, pourquoi est-ce qu’elle vient vous voir ici, qu’est-ce qu’elle trouve quand elle vient vous consulter ? Médecin 11 : La commodité ! Enfin, l’accès en fait, puisque je consulte sans rendez-vous. Ca, et puis le contexte, pour la première, qui a des pathologies aigues, elle a mal, elle a, si elle a de la fièvre, elle va venir parce que c’est l’accès, je vais dire, direct aux soins et de proximité ! Ca ! Je dirais pour l’autre aussi, bien sûr, il y a le soutien et puis l’arrêt de travail aussi, puisque c’était pour un conflit, c’était forcément, elle ne pouvait plus aller travailler. Je pense en effet, j’ai souvenir qu’elle est venue me demander des arrêts et on est plus à même, en fin, plus à même… parce que le médecin là-bas pourrait faire un arrêt aussi … mais euh… je pense que c’est surtout un accès comme tout le monde, je dirais, au médecin généraliste, qui est quand même le premier interlocuteur quoi ! Enquêteur : D’accord. Elle ne vous avez jamais parlé de ses visites dans l’unité cette patiente ? Médecin 11 : Non ! Enquêteur : D’accord. Et à votre avis qu’est-ce que elle, elle trouve, à la fois de venir ici et à la fois de venir là-bas ? Médecin 11 : Et bien demandez lui ! A mon avis, je sais pas… je pense que… le contexte où elle est… après je sais pas maintenant à quelle fréquence elle y va… l’histoire que… dont je vous raconte, surtout là, quand j’ai vu cette patiente, c’était bien… il y a peut-être bien un an, un an et demi. Et après je l’ai revue, vraiment bien qu’une ou deux fois, parce qu’après, elle est à un âge où on ne les voit pas souvent parce qu’il n’y a pas de pathologies ou alors elle 151 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) revoit peut-être un autre confrère. Mais euh… j’ai perdu la question… j’ai pas l’habitude d’être interviewé ! (Rires) Enquêteur : (Rires) Qu’est-ce qu’elle trouve dans cette double prise en charge ? Médecin 11 : Je pense que c’est peut-être de pouvoir communiquer avec, plus facilement, avec des gens, parce que moi, justement il y a le langage… bien qu’on arrive bien à se comprendre ! Alors peut-être qu’on exprime moins de choses aussi, moi je parle moins vite… enfin… et moi aussi j’exprime certainement moins de choses que, en plus j’ai tendance à parler vite et à marmonner… mais, à parler beaucoup des fois dans ce genre d’entretien, enfin sur des sujets psychologiques mais… du coup je pense qu’il y a peut-être ça et aussi, je peux pas répondre à sa place non plus, mais tout ce qui est l’organisation autour, les aides, je dirais tout ce qui est des aides paramédicales et la tangente entre le social, la relation avec le travail, les soutiens… c’est tout ce qui est pas l’acte technique mais qu’on retrouvera quand on fait ça chez l’entendant. Et après, je pense qu’il y a tout de même aussi, la facilité de pouvoir communiquer, bien qu’avec elle, on communique relativement bien euh… elle communique relativement bien, moi j’ai vraiment pas… j’ai jamais été confronté à quelqu’un qui vraiment, qui… avec un … qui serait venu avec un interprète, qui vraiment ne parle que le langage des signes quoi. Euh, on arrive quand même à se comprendre euh… à l’oral quoi ! Enquêteur : D’accord. Et à votre avis est-ce qu’il pourrait y avoir des limites à être suivi par deux médecins, comme ça ? Médecin 11 : Non, moi ça ne me pose pas de problèmes, tant qu’il y a communication. Nous on travaille en groupe, des fois ils vont voir nos confrères, voilà, aujourd’hui je ne travaille pas, le jeudi matin je ne travaille pas… ils vont voir… tant que l’information diffuse, moi je ne suis pas attaché, voilà, ça évite que l’on fasse des examens redondants, qu’on refasse pas la même chose, moi je ne vois aucune… non… je ne suis pas attaché, enfin attaché… je suis attaché à mes patients et je suis content qu’ils sont attachés à moi, ça flatte mon ego qu’ils soient attachés à moi, mais après, tant que l’information diffuse, ça ne me gêne pas qu’ils aillent les voir, tant qu’ils vont pas voir un autre parce qu’ils sont pas contents par rapport à ce que j’ai fait ou si j’ai fait une boulette… ça peut arriver, mais après, euh… non, moi pour ça… j’ai aucune… ça ne me pose aucun problème. Enquêteur : D’accord. Tout à l’heure vous disiez que vous, vous étiez plutôt le médecin de proximité, d’accès aux soins, euh… le médecin de l’unité vous le considérez comment lui ? Médecin 11 : Alors quand je dis ça, proximité, pour une question purement de transport, voilà, ici, vous pouvez être là en cinq minutes, parce qu’elle habite à côté ou dix minutes, alors qu’on va être à… il faut descendre à Grenoble, c’est au CHU ou à côté, enfin, ben 152 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) voilà… c’est à côté, je vais pas descendre à Grenoble pour une pathologie banale aigue… mais euh, la proximité, simplement je dirais vraiment géographique, c’est l’accès aux soins. Alors après, eux, comment ils considèrent des médecins hospitaliers dans un réseau qui ne s’occupe que de sourds, est-ce qu’ils vont se dire, est-ce qu’ils savent traiter une angine ? Ils me connaissent moins bien d’un point de vue organique, ils ont peut-être pas accès à mes… à ma biologie non plus ? Après je ne peux pas répondre non plus pour eux ! Après il y en a qui jure que, entre parenthèses, qu’avec leur médecin traitant, les médecins spécialistes, ou l’hôpital c’est tout de suite la spécialité, c’est… donc dans le quotidien, ils peuvent penser qu’ils seront moins habilités à prendre en charge la bobologie, je mets des guillemets à bobologie quoi ! Enquêteur : D’accord. Donc ça c’est que les patients peuvent considérer les médecins de l’unité un peu comme un accès à de la spécialité, et vous, vous pensez la même chose ? Médecin 11 : Oui, c’est de la médecine générale, oui, pourquoi pas, mais après je ne vois pas trop l’intérêt d’aller, si c’est une patiente qui… prenons un exemple très banal, si c’est pour une lombalgie ou pour une angine, je ne vois pas pourquoi elle irait plus là-bas, sauf si il y a la barrière, vraiment de la langue, mais moi, j’ai pas ce problème là, les deux cas que j’ai, ce sont des gens qui vraiment se débrouillent bien à l’oral. J’arrive à communiquer sans interprète. Après, vous êtes complètement coincé, là, je comprends que ça peut être, la personne… on peut pas se comprendre du tout, euh oui la fièvre on arrive toujours à se comprendre mais s’il y a quelque chose d’un peu plus compliqué, on va être vite coincé, sans interprète ça c’est sûr que, l’interrogatoire c’est zéro, enfin on peut toujours écrire bien entendu mais là, si je fais abstraction de mes deux cas qui sont peut-être un peu particuliers, je serais vraiment coincé, oui il me faudrait quelqu’un qui puisse m’aider, comme je pourrais faire appel à un interprète bosniaque ou je sais pas quoi mais pour qu’on puisse communiquer, quoi ! Enquêteur : Hum, hum. D’accord. Donc finalement, est-ce que vous vous sentez suffisamment informé de la prise en charge de cette patiente dans cette unité, ou pas ? Médecin 11 : Quand elle les a vus ? Alors à quelle fréquence elle y est allée? … Je ne sais pas. J’avoue que quand elle y a été, une fois j’ai reçu des courriers, je me souviens c’est comme ça que j’ai connu le réseau. Donc j’ai été informé, oui, oui donc. Après ça fait un moment peut-être qu’elle n’y a pas été car ça fait un moment que j’ai rien eu. Après quelle fréquence ils y vont, qu’est-ce qui y font après, des trucs un peu… là par contre j’ai aucun… j’ai aucune info. 153 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : D’accord. Euh, comment est-ce que vous souhaiteriez ou que vous auriez souhaité être plus informé de la prise en charge de cette patiente, et aussi de l’existence de cette unité ? Médecin 11 : Après, c’est toujours un peu pareil. On s’intéresse à ce que l’on a besoin ! C’est à dire, que voilà, moi je la vois à une fréquence de deux consultations année. Donc après j’ai pas le… dans la situation, je vais aller chercher, si je suis coincé, je vais essayer de trouver une solution au problème. Après j’avoue, n’ayant peu de patients, j’ai pas le temps d’aller… c’est pas un sujet qui me passionne non plus, si je ne suis pas confronté au problème, au problème, à la situation, donc après euh… j’ai été informé, je sais que ça existe, dès fois alors c’est vrai si c’est sous une forme, pour l’outil médiatique, moi je suis plutôt mail que plaquette et tout ça, alors les mails on les lit, mais après, on les entasse et j’avoue que maintenant on commence plutôt à garder les mails. Moi je me suis fait un truc où je garde un peu des mails, où je sais que là j’ai mis les mails de trucs qui peuvent m’intéresser à un moment. Enfin, c’est ce que je faisais avec la paperasse mais du coup maintenant, la paperasse c’est devenu, on en reçoit un peu moins, mais on en reçoit encore pas mal ! On a plutôt tendance à jeter, du moins, je jette ! Enquêteur : D’accord. Médecin 11 : Mais voilà… après c’est peut-être, oui de connaître un peu plus peut-être le fonctionnement mais bon, après j’ai pas cherché non plus, si j’avais cherché un peu plus, j’aurais peut-être trouvé tous les renseignements voulus, quoi ! Après comme je vous dis, comme j’ai pas eu besoin … Enquêteur : Donc au finalement, plutôt une démarche personnelle, pas forcement nécessaire d’informer un large public… Médecin 11 : Ah non, oui ! Je pense que savoir que tout simplement ça existe, alors peut-être que dans la population, si on fait un sondage, qui sait qui, en médecine générale, qu’il existe un réseau comme ça… sauf… mais c’est pareil… si tu as jamais vu un patient sourd… je vois pas pourquoi tu serais informé de ce genre de choses ! Si tu n’as pas été en situation ! Mais euh, voilà, d’être informé que ça existe ! Avant, j’aurais pu l’orienter, si j’avais su que ça existait, j’aurais pu le faire plus tôt, mais même pas j’y pensais, quoi ! Enquêteur : Oui. Médecin 11 : Ca m’a même pas traversé l’esprit, mais bon, comme je vous dis, je n’avais jamais eu de… Enquêteur : Donc, si vous aviez eu l’information, ça aurait pu être un appui, une aide ? 154 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 11 : … C’est toujours pareil, sur ces deux patientes avec lesquelles j’arrive à communiquer assez bien malgré tout, sur le point de vue oral, euh… même si les deux ont quelques soucis sur le point de vue psychologique, liés ou pas à leur handicap mais euh… on arrive quand même à en discuter, à parler, des discussions qui tiennent quoi ! Et on arrive à se comprendre ! Enquêteur : Avec un bon niveau de compréhension ? Médecin 11 : Ah oui, oui ! On peut quand même… Enquêteur : OK. D’accord. La dernière information, je sais plus si je vous l’ai dit, cette unité existe à Grenoble depuis 2001, et il en existe vingt en France, en tout, avec nouvellement une ouverture sur Lyon, sur Annecy et bientôt sur Chambéry. Médecin 11 : Très bien. Enquêteur : Et bien sinon, bien voilà, j’ai fini, moi, au niveau de mes questions ! Je ne sais pas si vous aviez d’autres choses à partager ? Médecin 11 : Non. Je pense que l’avenir, ça sera peut-être... après on sera tous, enfin on est quasiment tous informatisés, accès par la webcam, avec un interprète, l’accès à des interprètes comme ça, par une webcam intermédiaire, euh… interposée, avec un écran, quoi, des gens pourront traduire sur des consultations à distance, des fois ça pourra être utile un truc assez innovant. Voilà après… Enquêteur : Hum, hum d’accord. Et vous, vous m’aviez dit que vos consultations c’est sans rendez-vous ? Médecin 11 : Alors on va dire, je travaille un tiers sur rendez-vous et un tiers sans rendezvous ? Enquêteur : D’accord. Et eux comment ils font pour prendre rendez-vous ? Médecin 11 : (Rires) Bonne question, euh… je pense qu’ils sont venus sans rendez-vous ! Enquêteur : D’accord. OK. Bon est bien c’est tout bon. Merci beaucoup en tout cas. Médecin 11 : Je vous en prie, bon courage et bon travail. Enquêteur : Merci ! 155 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 16 : Entretien 12 (18’07) Enquêteur : Bonjour. Alors comme je vous ai dit au téléphone, je m’appelle Fanny NIER, je suis interne de médecine générale, et en fait je m’intéresse à la double prise en charge médicale des patients sourds, c’est à dire par le médecin traitant et par le médecin de l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble. Donc les précédents entretiens ont duré environ une vingtaine de minutes chacun. Alors tout d’abord, je veux bien que vous commenciez par vous présenter, euh… dire qui vous êtes et ce que vous faites de façon générale. Médecin 12 : OK. Donc X, euh… j’ai X ans. Je fais de la médecine… je suis installé sur X depuis 92. J’ai fait mes études de médecine à Lyon, à Lyon Nord, à l’ancienne fac de médecine de Lyon Nord. Et puis après, j’ai fait mes stages d’interne… donc, on était… c’était la nouvelle génération d’internes qui venait d’arriver. Alors on a fait sur Lyon, sur Bourg en Bresse, et puis après je suis parti dans le Nord, parce que ma femme a eu… a réussi son internat à Lille, donc on est parti sur Lille pendant 4 ans, et puis après on est revenu s’installer ici, parce que ma femme est savoyarde. Enquêteur : D’accord. Médecin 12 : Voilà. D’un point de vue médecine, je fais surtout de la médecine générale, mais je fais aussi un petit peu de la médecine du sport parce que j’ai une CES [Certificat d’Etudes Supérieures] de médecine du sport. Mais bon, c’est 90% de médecine générale et 10% de médecine du sport. Enquêteur : D’accord. Médecin 12 : Donc je travaille le matin sans rendez-vous, l’après-midi sur rendez-vous. Voilà. Euh… qu’est-ce que je peux dire d’autre ? C’est à peu près tout. (Sourire) Enquêteur : D’accord. Donc est-ce que maintenant, vous pouvez me dire combien de patients sourds ou malentendants, on va dire sévères, est-ce que vous suivez ? Médecin 12 : Donc, euh, sévères sourds, donc deux patients, voilà. Et j’ai une patiente qui vient d’être appareillée, parce qu’elle avait une surdité sévère… à Grenoble, d’un implant cochléaire. Et ça à l’air de marcher pas mal ! Enquêteur : D’accord. Médecin 12 : Mais bon, c’était pas une surdité de naissance, donc elle parlait mais bon l’audition était très minime. Enquêteur : D’accord. 156 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 12 : Et là, elle a été implantée, il y a trois, quatre mois, au CHU à Grenoble. Et à priori, euh… ça a bien marché, parce qu’on le voit au point du vue de la voix, elle parle déjà bien moins fort et elle comprend nettement mieux ! Enquêteur : D’accord. OK. Médecin 12 : Mais donc elle n’avait pas… elle ne se servait pas du système de rendez-vous avec votre centre. Voilà. Enquêteur : D’accord, OK. Donc on va se concentrer donc peut-être plus sur le couple pour qui vous êtes désigné médecin traitant. Depuis combien de temps est-ce que vous les suivez et à peu près à quelle fréquence ? Médecin 12 : Alors, (regarde sur son ordinateur)… la première fois que je l’ai vu c’était… en 2005, à priori pour monsieur X. Enquêteur : Donc ça fait une dizaine d’années alors ? Médecin 12 : Oui, une bonne dizaine d’années. Voilà. Et pour madame, ça doit être à peu près pareil… (regarde sur son ordinateur), c’était en… 2003 ! Enquêteur : OK. Et ils viennent vous voir environ tous les combien ? Médecin 12 : C’est très variable… là c’est… c’est tous les 6 mois. Ils n’ont pas de pathologies chroniques, voilà, donc ils viennent me voir quand ils ont… c’est surtout pour les certificats de sport. La dernière fois que je les ai vus, c’était pour des certificats de sport. Et puis voilà, c’est à peu près ça, et puis, euh… bilan une fois par an à peu près ! Enquêteur : D’accord. Annuel. Médecin 12 : Mais bon, par contre, le contact est tout de même très difficile, hein, donc on communique par l’intermédiaire de… de petits mots, qu’on écrit. Et voilà ! Donc c’est vrai que c’est un interrogatoire difficile, et je pense que le suivi, bon est pas tout à fait… correct. Il faudrait sûrement développer plus ce système, hein ! Avoir un médecin qui, c’est vrai… qui sache parler avec les signes. Enquêteur : D’accord. Médecin 12 : Parce que c’est pas facile ! Enquêteur : Oui, oui, oui, d’accord. Est-ce qu’ils sont déjà venus vous voir avec un interprète ? Médecin 12 : Jamais, non ! Enquêteur : Jamais, d’accord. Ou avec une personne entendante de leur entourage qui pouvait faire la traduction ? Médecin 12 : Non. Enquêteur : Non ! Est-ce qu’ils oralisent un petit peu ces patients ? 157 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 12 : Euh, non, non ! Enquêteur : Non. Donc ça passe vraiment que par l’écrit ? Médecin 12 : Oui, par l’écrit ! Voilà. Enquêteur : D’accord. Est-ce que vous saviez que ces patients étaient suivis dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds à Grenoble ? Médecin 12 : Alors euh… oui, parce que donc… j’avais de temps en temps des contacts de votre centre qui me téléphone soit pour prendre des rendez-vous, hein, et ils m’avaient dit que de temps en temps ils les voyaient. Voilà ! Enquêteur : D’accord. Médecin 12 : Il me semble que de mémoire, ils me faisaient faire des lettres pour les prises en charge pour le transport, des choses comme ça, pour aller sur Grenoble. Enquêteur : D’accord. Est-ce que vous aviez reçu des courriers de leur part ? Médecin 12 : Non, je les ai eus plutôt au téléphone ! Enquêteur : D’accord. (Silence) Donc c’est pas vous qui les avez adressés à cette unité ? Médecin 12 : Non. Je ne la connaissais pas, et c’est eux qui… qui me l’ont fait connaître. Enquêteur : D’accord, très bien. Donc maintenant, à votre avis, d’après ce que vous en connaissez ou imaginez, est-ce que vous pourriez me dire à peu près, quel est le fonctionnement et l’organisation de cette structure ? Médecin 12 : Alors mon… c’est sur que l’idéal, c’est qu’ils les prennent en charge totalement, je pense, hein, pour… pour faire quelque chose de cohérent, je pense que ça serait bien que l’unité les prenne entièrement en charge, parce que moi je suis un petit peu… un petit peu perdu quand je les vois. Parce que bon, c’est vrai, on fait… on essaie de résoudre le problème mais bon, on va pas au fond, on va pas… voilà, hein. Ils viennent pour un point précis donc ça va mais pour un interrogatoire complet, c’est… c’est pas possible, hein, et je pense c’est vrai que si l’unité les prenait vraiment en charge, ça serait mieux pour eux, je pense, hein ! Au point de vue suivi ça serait bien mieux, hein. Voilà ! Enquêteur : Hum, hum. Donc pour vous, cette unité, il y a qui ou il y a quoi ? Ca fonctionne comment ? Médecin 12 : Alors. Et bien, je ne sais pas ! (Rires) Enquêteur : D’accord, vous ne savez pas. (Rires) Médecin 12 : Non, je ne sais pas. Vous me dites qu’il y a des médecins… mais non, je ne sais pas du tout ! Enquêteur : Vous ne savez pas du tout, d’accord. 158 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 12 : Bon, je reçois des coups de téléphone pour me dire de prendre des rendez-vous, mais c’est tout ! Enquêteur : Des rendez-vous, c’est à dire ? Médecin 12 : Alors je sais pas, c’est une plateforme… les derniers, ils sont venus il y a une dizaine de jours… Enquêteur : Oui. Médecin 12 : Il y a une société qui m’appelle, en disant : « J’ai au… ben, sur internet Monsieur et Madame X, ils voudraient prendre un rendez-vous avec vous. » Voilà. Donc je sais pas si c’est vous ou pas, ou si c’est quelqu’un d’autre ! Enquêteur : Alors oui, non, c’est pas l’unité ! C’est une plateforme indépendante. Je vais vous donner quelques informations. Médecin 12 : D’accord, alors en réalité je pensais que c’était plus vous, mais à priori c’est pas vous, ça ne dépend pas de chez vous? Enquêteur : Non, non, pas du tout ! Médecin 12 : Donc c’est surtout par eux, que j’ai, que j’ai, voilà… qu’ils prennent rendezvous ! Donc le reste, votre structure… Enquêteur : Et le médecin de l’unité, vous l’avez déjà eu au téléphone ou pas ? Médecin 12 : Pfou…je vais dire une bêtise, je sais plus ! Enquêteur : D’accord, pas de souci. Et une dernière question, et après je vous donne les infos. A votre avis, bon il y a un médecin, mais est-ce qu’il y a d’autres personnes, d’autres professionnels ou pas ? Médecin 12 : Alors je pense qu’il doit y avoir des infirmières, il doit y avoir des secrétaires, et puis après… je sais pas s’il y a des orthophonistes, des ORL, je sais pas du tout. Enquêteur : D’accord. OK. Donc je vais vous donner quelques infos. Donc c’est une unité de consultations, de consultations de médecine générale. Donc en tout il y a trois médecins pour un équivalent de temps plein. Donc trois médecins généralistes signeurs qui consultent directement en langue des signes. Il y a cinq interprètes, soit deux temps plein et demi, qui peuvent intervenir, soit lors des consultations dans l’unité, soit qui sont détachables dans l’ensemble de l’hôpital quand il y a des rendez-vous médicaux avec des spécialistes, des bilans d’imagerie, au bloc opératoire, en salle de naissance… donc partout où il y a besoin de traduire. Dans l’unité, il y a quatre inter médiatrices, qui sont des personnes sourdes qui nous aident à la communication avec les patients sourds qui n’ont pas de langue des signes ou une langue des signes pauvre et réduite. Et parmi c’est quatre inter médiatrices, deux ont une double casquette. Il y a une assistance sociale et une éducatrice spécialisée. Il y a aussi deux 159 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) psychologues, deux secrétaires et une cadre de santé. Par contre, il n’y a pas d’infirmières. Et notre secrétaire, elle, elle gère les rendez-vous des patients mais qu’au sein de l’hôpital donc c’était pas elle que vous avez eue au téléphone si c’était pour prendre un rendez-vous avec vous, dans votre cabinet. Je pense que vous, vous avez eu à faire à une plateforme où la personne se connecte par Internet et cette plateforme fait le relai pour prendre des rendezvous, euh… chez le dentiste, chez le médecin généraliste, à la mairie, etc. Médecin 12 : D’accord. Donc c’est vraiment indépendant du système. Enquêteur : Ce système là… dont ils ont recours avec vous, oui, est totalement indépendant de l’unité et de l’hôpital. Voilà ! Donc maintenant à votre avis, quel est, en fait, ou quel serait l’intérêt de cette structure dans votre pratique, avec la relation que vous avez avec ce patient ? Médecin 12 : À vrai dire je vois pas bien ! Enquêteur : Est-ce que ça influence votre pratique ou pas ? Médecin 12 : Pfou… non… à priori non ! Non. Enquêteur : D’accord. Médecin 12 : Mais je pense, c’est sûr, que ça serait mieux qu’ils soient pris en charge par une structure comme la vôtre que de venir me voir. Je pense qu’ils seraient mieux pris en charge ! Enquêteur : Donc vous, dans votre prise en charge, c’est comme si elle n’existait pas ? Médecin 12 : Oui, pour le moment oui ! Enquêteur : OK. D’accord. A votre avis, est-ce qu’il pourrait exister des freins à ce que ces patients soient suivis… ben… dans deux endroits différents par deux médecins généralistes ? Médecin 12 : Non, mais après, il faudrait que l’on se coordonne quoi ! Que l’on ne fasse pas les mêmes examens, des examens redondants pour la même pathologie, la même chose, voilà ! Donc après, bon être suivi des deux côtés, pourquoi pas, mais est-ce qu’il n’y en a pas un de trop quoi, après ? Enquêteur : Oui ? Médecin 12 : Par ce que… ça coûte, sûrement, ça va coûter plus cher pour la société, pour la sécu, pour… et puis bon, demander deux fois les mêmes examens, faire deux fois les mêmes choses, ça n’a aucun intérêt pour le patient, hein, et de perdre du temps pour le patient et puis aussi bien pour les équipes, parce que finalement, voilà, on fait du boulot de renouvellement qui ne sert absolument à rien ! Enquêteur : D’accord. Oui. Et alors, à votre avis, pourquoi est-ce que ces patients, à un moment donné, sont allés voir cette structure alors que finalement ils étaient suivis par vous ? Médecin 12 : Alors je pense quand même, la difficulté de compréhension… elle est énorme ! Hein ! 160 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Oui. Médecin 12 : Je pense qu’ils ont connu ce système, je pense que c’est parce qu’il y avait des choses que l’on n’arrivait pas à se dire… à comprendre ! Voilà. Et puis moi, aussi, je pense qu’ils doivent avoir un peu des informations… ils vont chercher un petit peu sur des sites je pense… que nous, on fait pas et donc ils ont dû trouver ce système à Grenoble ! Enquêteur : D’accord. Et donc, ils sont suivis à Grenoble et en même temps ils continuent à venir vous voir ici. A votre avis, pourquoi est-ce qu’ils continuent ce suivi ici ? Médecin 12 : Alors peut-être que c’est… peut-être bien des rendez-vous plus rapides, pour les choses courantes et puis voilà. Il y a pas beaucoup a… pour faire un certificat de sport, il y a pas trop de… c’est pas trop compliqué… voilà. Et c’est vrai que s’ils continuent sur Grenoble c’est surtout pour… le problème de l’interrogatoire, la compréhension, des choses comme ça ! Enquêteur : D’accord. Donc en fait, eux, ne vous en ont jamais parlé de leurs visites dans l’unité ? Médecin 12 : Euh, pas trop ! Enquêteur : Pas trop. D’accord. Et alors, comment est-ce que vous qualifieriez le rôle de ce médecin dans cette unité, dans le parcours de soins du patient ? Médecin 12 : Ben, tout dépend de ce que vous faites. C’est ça le problème ! Enquêteur : Et le problème c’est que vous ne savez pas réellement ce qui s’y fait. Médecin 12 : Non, je ne sais pas ! Enquêteur : OK. Mais y a pas de problèmes. D’accord. Médecin 12 : Ils sont sûrement très utiles, il y a pas de souci mais… mais c’est vrai que j’en n’ai aucune idée ! Enquêteur : D’accord. Donc finalement, est-ce que vous, vous sentez suffisamment informé de ce qui est fait là-bas ? Médecin 12 : Non ! Enquêteur : Non. Médecin 12 : On n’a pas de retour, et puis bon… (silence), et bien est-ce qu’aussi les patients veulent qu’on le sache, après c’est encore une autre histoire ! Enquêteur : Oui ? Médecin 12 : Ben, parce qu’il y a le secret médical aussi et que… ils ne veulent peut-être pas aussi tout dire, on sait pas ! Enquêteur : Oui. La question de qu’est-ce qu’ils confient là-bas et ici ? 161 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 12 : Oui, ça c’est le gros problème. La notion de secret partagé et comment ! Ca c’est un souci aussi, les informations médicales qu’on détient. Qu’est-ce qu’il faut en faire ? Enquêteur : Après, dans l’idée quand même aussi de venir consulter deux médecins généralistes, on peut tout de même supposer qu’il s’agit là d’un secret partagé ? Médecin 12 : Oui, mais il faudrait demander l’accord des patients ! Enquêteur : Oui. Il faudrait l’accord des patients. D’accord. Donc au final, comment est-ce qu’il serait possible d’améliorer la coordination entre ces deux prises en charge ? Médecin 12 : Pfff… Enquêteur : Vous en temps que médecin traitant, qu’est-ce que vous attendriez ? Médecin 12 : Il faudrait que chacun… qu’on donne des informations (rires) et puis voir pour avoir un dossier médical commun, un dossier médical partagé, qui est bien à la mode, et qui serait bien utile pour tout le monde ! Enquêteur : Oui ! Médecin 12 : Mais bon, peut-être en 2016 ! La sécu nous concocte quelque chose, on verra bien… Enquêteur : D’accord. Donc, dossier médical commun et partagé, et une meilleure communication et échange d’informations. Et est-ce que par exemple, vous attendriez ou souhaiteriez avoir un compte rendu après chaque consultation, un coup de téléphone, vous auriez des propositions à faire ? Médecin 12 : Alors le problème, il faudrait que ça ne soit pas trop chronophage, parce que, bon les coups de fils, je pense qu’on est tous en consultation, ça dérange quand même ! Eventuellement oui, des comptes rendus, pfou… oui, qu’on les range dans les dossiers ! Enquêteur : D’accord. Euh… donc il y a cette structure qui existe à Grenoble, est-ce que vous savez s’il en existe d’autres unités comme celle là en France ou est-ce qu’elle est unique ? Médecin 12 : Je pense qu’il doit y en avoir d’autres (rires), je sais pas, j’en n’ai aucune idée ! (Rires) Je pense que chaque CHU ou… oui CHU, il doit y avoir quand même des… des référents du trouble du langage je pense. Il me semble que sur Lyon, il doit y en avoir. Voilà. Mais à X je ne pense pas ! Enquêteur : Alors pour votre information, il n’y en a pas dans chaque CHU. Médecin 12 : Ah bon ? Enquêteur : Non, c’est pas… systématique. C’est quelque chose qui se développe, mais on va dire que ce sont des initiatives locales, voilà. Médecin 12 : Hum. 162 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Donc celle de Grenoble existe depuis 2001, c’était une des premières après celle de Paris. Heu… au jour d’aujourd’hui, on en compte vingt en France, mais il y a des endroits, Lyon par exemple, elle s’est ouverte fin de l’année dernière, et il y a une unité qui va bientôt s’ouvrir sur Chambéry où il y aura des consultations de médecine générale faites par des médecins qui signent, et des interprètes seront mis à disposition pour les patients sourds. Voilà. Donc finalement, si on récapitule, vous, vous avez vraiment le sentiment que c’est une prise en charge à part ? Médecin 12 : Oui. Pour moi oui ! C’est vrai que… pour moi, moi j’ai l’impression de ne pas être, de ne pas faire du travail correct, quoi. Hein, parce que c’est vrai, ils viennent me voir pour un point, et puis bon, voilà ! Moi je suis gêné par l’interrogatoire, par… surtout ça. C’est vraiment, c’est un gros mur ! Enquêteur : Hum. D’accord. Bon et ben voilà. Je pense avoir posé l’ensemble de mes questions. Dix huit minutes, c’est à peu près ça ! Médecin 12 : Parfait. Enquêteur : Merci beaucoup de m’avoir accueillie, et d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Médecin 12 : C’est normal. 163 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 17 : Entretien 13 (16’32) Enquêteur : Bonjour. Donc je m’appelle Fanny NIER, et suis interne de dernier semestre de médecine générale. Actuellement en plein travail de thèse, je m’intéresse à la perception que peuvent avoir les médecins traitants de la double prise en charge médicale des patients sourds suivis en parallèle dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds de Grenoble. Alors pour commencer, je veux bien que vous vous présentiez, de manière générale, qui vous êtes, ce que vous faites, quelle pratique vous avez ? Médecin 13 : Alors oui. Donc, je suis le Dr X. J’exerce à X depuis… donc c’est un petit village de, je crois, 2 000 habitants je dirais, depuis… donc j’y suis depuis novembre 2011. Au départ j’étais avec le médecin qui était déjà en place, et je suis maintenant toute seule depuis janvier 2013. Donc oui, je suis médecin généraliste, je sais plus si je l’ai dit. Euh… voilà. Enquêteur : Un DU, ou une autre formation complémentaire ? Médecin 13 : Non, non. Médecin généraliste tout cours pour l’instant. Enquêteur : D’accord, très bien. Alors je vais vous demander votre âge s’il vous plait ? Médecin 13 : J’ai X ans. Enquêteur : Donc ça fait une tranche 30-34 ans. Merci. Maintenant, dans votre patientèle, je voulais savoir combien de patients sourds ou malentendants, on va dire sévères est-ce que vous suivez ? Médecin 13 : J’en n’ai qu’un ! Enquêteur : Qu’un seul, d’accord. Depuis combien de temps ? Médecin 13 : Et bien depuis que je suis arrivée, donc novembre 2011. Enquêteur : D’accord. Et il vient vous voir environ à quelle fréquence ? Médecin 13 : Jamais ! (Rires) Enquêteur : (Rires) Médecin 13 : J’ai dû le voir… non c’est… j’ai dû le voir… enfin depuis novembre 2011, pour lui… j’ai dû le voir… trois fois, ça serait le grand maximum ! Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Parce que lui je l’ai déjà vu parce qu’il vit avec sa maman. Il s’occupe de sa maman qui est âgée, donc ça lui est arrivé d’amener sa maman, mais pour lui en tant que patient, pas plus de trois fois, ça c’est sûr ! Enquêteur : D’accord, donc on va dire occasionnel. 164 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 13 : Oui, on peut dire ça ! Enquêteur : Donc, je suppose qu’il n’a pas de pathologies chroniques étant donné que vous me dites que vous ne le voyez pas régulièrement. Médecin 13 : Ben… je sais qu’il ne vient pas me voir, mais je sais qu’il a des problèmes… il me semble qu’il a des problèmes d’alcool, ce monsieur, mais c’est pas moi qui le suis… je sais même pas s’il est suivi pour ça d’ailleurs… je sais pas si… je sais pas ! Enquêteur : D’accord. Et comment est-ce que vous communiquez avec ce patient quand il vient ? Médecin 13 : Euh… alors, une fois je me souviens, il était venu avec sa nièce qui elle me faisait la traduction. Une fois il est venu tout seul, et là et ben on… (réflexion). Comment j’avais fait ? … Je crois que j’avais fait entre les dessins et, et écrire quoi ! Enquêteur : D’accord. Oui. Il oralise un peu ce patient ? Médecin 13 : Non. Enquêteur : OK. Est-ce que vous saviez avant que je vous contacte qu’il était suivi dans l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds de Grenoble ? Médecin 13 : Oui, parce que vous m’aviez déjà contactée pour euh… j’avais déjà été contactée pour une prise en charge… je sais plus pourquoi, mais oui… Enquêteur : Par téléphone ? Médecin 13 : Oui sûrement… Oui, pour une histoire de bon de transport ou je sais pas quoi ! Oui. Enquêteur : D’accord. Euh, est-ce que maintenant vous pourriez, avec les connaissances que vous avez, me décrire le fonctionnement et le rôle de cette structure ? Médecin 13 : Non, non (rires). Non, j’avoue que non, d’ailleurs je sais même pas lui comment lui il a eu affaire à cette structure. Je ne sais pas ! Enquêteur : A votre avis quand même, quels professionnels peuvent y travailler ? Médecin 13 : Ah… ben j’imagine il doit y avoir des assistantes sociales… ben euh, en général ? Enquêteur : Oui dans cette unité, quels professionnels y travaillent ? Médecin 13 : Ben, des médecins, on est bien d’accord. Il doit y avoir des assistantes sociales, il doit y avoir des orthophonistes, il doit y avoir… peut-être des psychologues… euh… enfin finalement c’est une unité comme une autre, c’est juste que les gens sont sourds et muets, j’imagine, c’est tout ! Enquêteur : C’est pour vous une unité d’hospitalisation ou de consultations ou les deux ? Médecin 13 : (Hésitation) Comme ça je dirais consultations ! 165 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Je sais pas (rires) ! Je vous donnerai quelques informations après. Médecin 13 : Oui, je veux bien, (rires) parce que j’en sais rien ! Enquêteur : D’accord. Et quand vous dites les médecins, vous pourriez détailler un peu ? Médecin 13 : Pfou… bon des généralistes je pense… eu… en spécialistes… qui est-ce qui pourrait être là-bas dedans… peut-être des ORL… euh… qui, qui, qui… des psychiatres peutêtre ? Je sais pas ! (Rires) Enquêteur : D’accord. Et à part l’unité de Grenoble, vous en connaissez d’autres ou pas ? Médecin 13 : Non, absolument pas ! Enquêteur : Alors je vais vous donner quelques infos maintenant. Médecin 13 : Oui ! Enquêteur : Donc c’est une unité qui existe depuis 2001, où il y a trois médecins généralistes pour un temps plein, qui consultent la plupart du temps directement en langue des signes. Il y a cinq interprètes qui interviennent dans tout l’hôpital, pour que ce soit, pour un examen, une consultation, une imagerie, une hospitalisation, en salle d’opération, etc. Et il y a 4 inter médiatrices, qui sont des personnes sourdes et qui aident pour les patients qui ont une langue des signes appauvrie voire, pas de langue des signes, et donc qui aident à la communication. Deux d’entres elles ont une double casquette. Il y a une éducatrice spécialisée et une assistante sociale. Voilà. Il y a également deux psychologues qui consultent, pareil, directement en langue des signes et une fois par mois, il y a un psychiatre qui vient une demijournée faire une permanence et des consultations de psychiatrie. Voilà ! Médecin 13 : Bon, et bien c’était pas si mal ! (Rires) Enquêteur : Mais oui ! Donc maintenant, je vais plutôt m’intéresser à la relation que vous avez avec ce patient. A votre avis, quel est l’intérêt de cette structure, pour vous, dans votre pratique ? Est-ce qu’elle a eu un intérêt ou pas ? Médecin 13 : Ben non, parce que j’ai pas eu recours ! Je sais pas… lui, quand il y va… je sais même pas… je sais pas quand il y va, pourquoi, j’ai pas de retour ! Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Alors qu’à mon avis ça serait intéressant parce que… je… moi je suis pas... obtus, au contraire, donc euh… j’imagine que s’il y va, c’est qu’il en a besoin, que ça doit lui apporter des choses. Moi ça m’intéresse de savoir, quoi ? Enquêteur : Vous n’avez jamais reçu de courrier ? Médecin 13 : Non, pas que je m’en souvienne ! Enquêteur : D’accord. 166 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 13 : Parce que c’est vrai qu’au niveau communication, moi forcément je dois perdre plein de choses. Et peut-être qu’il ne vient pas me voir parce que moi je peux pas, je sais pas parler la langue des signes, donc euh… voilà. Enquêteur : Donc finalement, pour vous il n’y a pas eu d’aide dans votre prise en charge de ce patient ? Médecin 13 : Ah ben pour moi, non, aucune. Enquêteur : D’accord. Donc à la question est-ce qu’il y a une influence négative, nulle ou positive dans votre pratique vous répondriez ? Médecin 13 : Ben moi, c’est zéro, pas d’influence. Enquêteur : OK. Est-ce que vous vous voyez des freins qui pourraient être engendrés par la prise en charge de votre patient dans cette structure, par rapport à votre propre prise en charge ? Médecin 13 : Du fait qu’il aille là-bas ? Enquêteur : Oui. Médecin 13 : (Silence) Ben non. Qu’il soit pris en charge par deux médecins ? Enquêteur : Oui, par deux médecins généralistes en parallèle ? Médecin 13 : Ben non, mais il faut qu’il y ait de la communication par contre ! Enquêteur : Hum. Médecin 13 : Faut que… que moi je sache et que eux ils sachent ce que… oui, il faut qu’on communique quoi ! S’il y a de la communication, il y a pas de freins… enfin, il y a pas de problèmes ! Enquêteur : D’accord. A votre avis, pourquoi certaines fois il vient chez vous et pourquoi certaines fois il va consulter là-bas ? Médecin 13 : Ben peut-être la disponibilité j’imagine ! Peut-être, je sais pas comment ça marche, ils prennent rendez-vous, euh ? Enquêteur : Oui, ils prennent rendez-vous. Médecin 13 : Alors après je vous dis, ça fait très longtemps que je ne l’ai pas vu… parce que les trois, quatre fois où je l’ai vu, c’était vraiment au début que je suis arrivée. Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Donc euh, je me dis que depuis ce temps là, il ne doit venir que chez vous ! Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Il y a donc peut-être eu une bascule du suivi. Voilà ! Enquêteur : OK. Et que pensez-vous lui apporter en plus quand il venait vous voir par rapport à cette unité ? 167 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 13 : Rien, je lui apportais rien de plus ! Enquêteur : D’accord. Et dans ce cas là, pourquoi il était venu vous voir vous, en particulier au début ? Médecin 13 : (Rires) Ben je ne me souviens plus. Attendez que je me souvienne ! Ca devait être pour des trucs aigus qui pouvaient se régler vite, quoi, ben voilà ! Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Ce n’était pas… Il n’y avait pas besoin de beaucoup échanger. En le voyant je comprenais ce qui se passait, quoi. Enquêteur : Hum. Donc vous, il ne vous a jamais parlé de ses visites dans l’unité ? Médecin 13 : Ah, non ! Enquêteur : D’accord. Euh, comment est-ce que, finalement, ce médecin de l’unité, comment est-ce que vous le considérez, quel qualificatif vous lui donneriez ? Médecin 13 : (Silence) Enquêteur : Quel rôle à votre avis a-t-il ? Médecin 13 : Et ben son plus c’est la langue des signes, c’est qu’il parle la langue des signes ! Enquêteur : Hum, hum. Médecin 13 : Parce que si j’ai bien compris c’est des consultations de médecine générale, ça, et en plus ils mettent en lien avec les spécialistes, voilà. Donc en temps que médecin généraliste, son plus c’est qu’il parle la langue des signes. Il fait le même travail que moi sauf qu’il parle la langue des signes. Voilà. Et après, c’est plus facile… après… oui c’est ça en fait, c’est qu’il parle la langue des signes. Enquêteur : Vous alliez dire, c’est plus facile ? Médecin 13 : Oui je pensais en fait, qu’il mettait en lien avec les… les autres interlocuteurs mais ça, on n’a pas besoin de parler la langue des signes pour ça ! Enquêteur : Oui. Médecin 13 : Ca, moi je peux le faire ! Enquêteur : Oui, d’accord. Médecin 13 : Donc c’est vraiment avec le patient, il parle avec la langue des signes, voilà, forcément ! Enquêteur : Et euh, je reviens sur l’idée qu’il soit pris en charge par deux médecins. Là, sans communication, vous verriez une influence sur la prise en charge de ce patient ? Médecin 13 : Et ben oui, c’est nuisible. Enfin, peut-être que le médecin de l’unité, parce que ce patient il était déjà suivi avant par le médecin dont j’ai pris ensuite la suite, voilà… euh… 168 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) donc je ne sais pas depuis quand il est suivi à l’unité, mais toutes les informations entre, euh, avant l’unité, et ben l’unité elle a pas, vu que moi, je lui ai jamais donné finalement ! Enquêteur : Oui ! Médecin 13 : Ben, le cabinet… je crois pas qu’ils aient les antécédents, tout, voilà… donc c’est quand même dommage, c’est une perte d’informations. Euh… après… si le patient… ben actuellement la patient il vient voir apparemment que vous donc finalement les informations de maintenant vous les avez, bon c’est très bien. C’est juste pour moi, c’est dommage. Mais pour le patient, vu qu’il va voir que vous, c’est pas très grave. Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Mais si un jour il revient me voir, ben je saurai pas tout ce qui s’est passé depuis trois ans, quoi ! Enquêteur : Hum, Hum. Et, est-ce que vous auriez le reflexe d’appeler cette unité pour demander des renseignements ou pas ? Médecin 13 : Ben maintenant que je sais, ben je le savais déjà, mais… s’il venait à revenir me voir, forcément je vais me dire, forcément j’ai plein d’infos que je n’ai pas, oui je les appellerai sans problèmes pour avoir les comptes rendus. Enquêteur : Euh. Et comment à votre avis il serait possible d’améliorer cette communication, vue qu’il n’y en a pas avec vous, comment est-ce que vous vous auriez aimée être informée ? Médecin 13 : Et ben, je sais que sur X, il existe le réseau « VISage » [Vienne Santé Gérontologie], c’est pour les personnes âgées en fait. Et en fait, pour un patient, il y a tous les interlocuteurs… c’est sur Internet que ça se fait… pour un patient, il y a tous les interlocuteurs, enfin tous les intervenants, donc c’est le médecin, l’assistante sociale, les infirmières qui interviennent à domicile, enfin tout le monde. Donc tous ceux qui interviennent pour ce patient. Et en fait, c’est un dossier partagé finalement, qui est confidentiel, enfin sécurisé et voilà… Et à chaque fois qu’il y a quelqu’un, qu’il y a quelque chose à dire, et ben il met un mot sur le dossier et comme ça tout le monde le voit ! Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Parce qu’après tout le monde a un mail en fait ! Enquêteur : D’accord. Médecin 13 : Et ça je trouve ça pas mal en fait ! Enquêteur : Donc on met un mot sur un site internet et après on reçoit un mail d’alerte ! Médecin 13 : Oui ! Enquêteur : D’accord. 169 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 13 : Oui, on voit un mail qui dit ben il y a une nouvelle synthèse pour ce patient. Après vous allez vous connecter sur ce site, la plateforme là. Il y a plein de trucs ! Il y a les informations administratives, tout, tout, tout. Et ça c’est bien parce que c’est clic, clic, clic et voilà quoi ! Enquêteur : Et, est-ce que ça serait un peu une équivalence du dossier partagé médical commun ? Médecin 13 : Oui, un peu. Enquêteur : OK. Est-ce que les informations que je vous ai données ce jour, ça vous aurait été utile plus tôt, et est-ce que vous auriez pris le temps de les lire si vous les aviez reçues avant, ou pas particulièrement ? Médecin 13 : Ben ça dépend ! C’est toujours pareil ! Est-ce que, si quand je les avais reçues, j’aurai eu le temps de les lire ? Enfin, parce que des fois on dit, et ben oui ça m’intéresse mais on oublie après ! En soit je vais vous dire oui, ben oui… mais pas sûr que j’aurai pris le temps pour les regarder parce qu’on en reçoit plein de trucs, en fait. Donc plus ça, plus ça plus ça, ben voilà. (Rires) Enquêteur : Oui, je comprends bien. D’accord. OK. Bon et bien, pour moi je pense avoir fini. Est-ce que vous avez d’autres choses à rajouter, d’autres idées, suggestions, remarques ? Médecin 13 : Non c’est bon, mais c’est vrai que je remarque que ce patient ne vient plus me voir. Donc euh, voilà. Mais tant mieux pour lui, je ne le prends pas mal, hein ! Après je ne sais pas ! Moi j’en n’ai qu’un de patient comme ça ! Peut-être qu’il y a d’autres patients qui viennent vous voir que pour certaines choses et qui continuent à voir leur médecin, je ne sais pas. Je sais pas (sourires). Enquêteur : Très bien. Et bien je vous remercie ! 170 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 18 : Entretien 14 (19’49) Enquêteur : Bonjour. Donc je m’appelle Fanny NIER, je suis interne de médecine générale en dernier semestre, et dans le cadre de ma thèse, je m’intéresse à la double prise en charge médicale des patients sourds, c’est à dire par leur médecin traitant et par le médecin de l’Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds du CHU de Grenoble, et c’est donc pour cela que je vous ai contactée. Alors tout d’abord, je veux bien pour commencer, que vous vous présentiez, euh… dire qui vous êtes et décrire un peu votre activité. Médecin 14 : Alors euh… moi… donc euh… j’ai X ans, euh… je me suis installée à X en médecine générale depuis uniquement une dizaine d’années parce que, avant j’étais, j’ai fait vingt ans d’activité en station de ski, à Val d’Isère. J’étais médecin généraliste mais avec beaucoup de traumatologie, médecine du sport, et après quand je suis revenue sur X, j’ai travaillé pendant trois ans à S.O.S Médecins en tant que remplaçante permanente. Et puis ensuite, je me suis installée avec deux médecins qui étaient déjà en place, donc voilà… c’est pour ça que mon installation, ici, elle a à peu près, pas tout à fait une dizaine d’années. C’est vraiment en 2008 que je suis restée ici. Enquêteur : D’accord. Médecin 14 : Euh… et moi je suis donc médecin généraliste, médecin du sport et homéopathe. Voilà ! Enquêteur : D’accord. Très bien. Et donc, combien de patients sourds est-ce que vous suivez dans votre patientèle ? Médecin 14 : Un seul ! Enquêteur : Un seul, d’accord. Médecin 14 : Une seule ! Enquêteur : Oui, c’est cette dame. Et depuis combien de temps est-ce que vous la suivez ? Médecin 14 : Alors justement je vais ouvrir son dossier… je regarde… (regarde sur son ordinateur)… depuis novembre 2009 donc ça fait… 6 ans ! Enquêteur : D’accord. Et elle vient vous consulter à peu près à quelle fréquence ? Médecin 14 : Alors c’est très irrégulier, c’est en fonction… alors déjà elle vient pour ellemême, pas tant que ça. Elle vient beaucoup pour ses enfants, parce qu’elle a quatre enfants, quatre, cinq… je ne sais plus. Donc, moi je la vois souvent mais plutôt accompagnant ses enfants et elle-même… oh, on va dire quelle vient… euh… deux fois par an, trois fois au maximum mais, c’est pas très très fréquent, je suis en train de regarder… en 2011 elle est 171 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) venue pour elle-même une, deux, trois, quatre fois. En 2012, une deux, trois, oui ça fait plutôt quatre fois. Enquêteur : Oui, donc environ tous les trimestres ! Médecin 14 : Oui ça fait ça ! Enquêteur : Est-ce qu’elle a des pathologies particulières chroniques qui motiveraient un suivi plus fréquent, en gardant le secret médical ? Médecin 14 : Non ! Elle a rien de particulier ! Enquêteur : D’accord. Et comment vous faites alors pour communiquer avec elle quand elle vient consulter ? Médecin 14 : Alors, euh… Madame X, euh… elle lit sur les lèvres donc en fait, moi je m’adresse à elle en me mettant bien face à elle et en général ça se passe bien. Elle est quand même très souvent accompagnée par l’un de ses enfants qui euh… en fin de compte ben… fait la… quand il y a quelque chose qui est mal compris, qui fait la traduction, lui parle avec le langage des signes. Voilà. Euh… mais on n’a absolument pas de problème de communication. Je pense que sur une consultation un tout petit peu plus fine, avec des choses un petit peu plus fouillées et intimes etc., ça pourrait poser un peu problème surtout si on n’a pas envie que les enfants prennent le relai, parce qu’en fait les enfants font de très très bons intermédiaires quand même… Mais il lui est arrivé qu’elle vienne toute seule, et on s’est débrouillé quand même, mais c’est vrai que sur quelque chose un peu plus précis. Mais je pense qu’elle comprend très bien ! Enquêteur : D’accord. Vous n’avez jamais eu à faire à un interprète professionnel ? Médecin 14 : Non. A non, jamais ! Enquêteur : D’accord. Euh… Avant que je ne vous contacte, saviez-vous qu’elle était suivie par cette unité au CHU ? Médecin 14 : Ah ben non ! Enquêteur : Ben voilà ! Médecin 14 : (Rires) Pas du tout ! Enquêteur : D’accord. Est-ce que vous connaissiez cette structure ou pas ? Médecin 14 : Euh, non, on va dire que non ! Enquêteur : Non. D’accord. OK. Et donc maintenant, à votre avis, si je vous dis qu’il existe une Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds au CHU, à votre avis, qui y travaille, quel est le rôle de cette unité, voilà, selon vous ? Médecin 14 : (Silence) A mon avis, et ben écoutez, euh… qui est-ce qui pourrait y avoir ? Vous voulez que je me projette, savoir ce que je pense de ceux qui pourraient être là ? 172 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Enquêteur : Oui. Si je vous dis « il existe une Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds au CHU de Grenoble », à votre avis, qui y travaille et qu’est-ce qui s’y fait là-bas ? Médecin 14 : Ben, à mon avis, il y a… un médecin… une structure sociale probablement hein, des assistantes sociales ou en tout cas des gens qui s’occupent un petit peu de leur vie au quotidien. Je sais pas s’il y a une… des personnes qui s’occupent de l’aménagement intérieur de l’appartement etc., voir ce qui s’y fait, ce qui s’y passe... Euh… l’intégration des enfants, la communication par ce que voilà…! Enquêteur : Je vous donnerai quelques infos après ! Médecin 14 : Oui ! Euh… concernant les difficultés qu’ils peuvent avoir. Qu’est-ce qui… Oui, voilà ! Je sais pas… certainement plein d’autres choses encore… je ne sais pas ! Enquêteur : D’accord ! Et à votre avis, cette unité elle est unique en France ou est-ce qu’il en existe d’autres dans d’autres villes ? Médecin 14 : Oh, il doit y en avoir partout ! Enquêteur : D’accord. Alors je vais vous donner quelques infos. Donc cette unité existe depuis 2001. Médecin 14 : Oui. C’est intéressant ! Enquêteur : Euh, donc c’est une unité de consultations de médecine générale. Il y a en tout trois médecins pour un équivalent d’un temps plein, et donc qui consultent et qui font de la médecine générale en langue des signes. Médecin 14 : D’accord ! Enquêteur : Il y a deux psychologues, pareil, qui consultent directement en langue des signes. Médecin 14 : Oui ! Enquêteur : Il y a en tout cinq interprètes qui interviennent lors des consultations avec des spécialistes, des examens d’imagerie, au bloc opératoire, en salle d’accouchement, en fait dès qu’il y a besoin au sein de l’hôpital. Et puis il y a des inter médiatrices, qui sont des personnels sourdes, qui sont là pour aider au niveau linguistique, pour des patients qui ont une langue des signes dont les interprètes n’arrivent pas à comprendre. Elles font… Médecin 14 : Parce que ce sont des langues des signes appris ailleurs ? Enquêteur : Soit des langues des signes étrangères, soit des langues des signes intrafamiliales avec des codes particuliers, des langues des signes très appauvries parfois aussi ! Médecin 14 : D’accord. Enquêteur : Donc elles aident à faire ce pont linguistique. Elles aident aussi au niveau culturel par rapport à des patients qui n’ont pas les mêmes bases et niveaux de connaissance, 173 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) voilà. Et puis, il y a deux d’entre elles qui ont une spécificité : il y a une assistante sociale et familiale et une éducatrice spécialisée, qui gèrent donc aussi ce côté là. Médecin 14 : D’accord ! Enquêteur : Et une cadre de santé, et deux secrétaires ! Médecin 14 : Hum, hum. Est-ce que les médecins généralistes sont des médecins traitants ? Enquêteur : Alors, justement, c’est un peu une particularité. Ils peuvent être médecins traitants. Médecin 14 : Ils peuvent l’être ? D’accord ! Enquêteur : Il y a un certain nombre de patients et de familles qui ne sont suivis que dans l’unité, et sinon, suite à une circulaire DHOS de novembre 2005, ils peuvent être suivis à la fois par leur médecin traitant habituel de ville, et par le médecin de l’unité sans pénalités financières, et donc avec le même abord ! Médecin 14 : D’accord ! Et ils sont… c’est dans l’hôpital ? Enquêteur : Oui, dans l’hôpital, au rez-de-chaussée haut, c’est indiqué par un fléchage particulier avec un logo de mains qui signent. Et donc ma question maintenant, c’est pour vous pour le moment vous n’aviez pas eu d’intérêt car vous ne connaissiez pas cette structure… Médecin 14 : Hum, hum…. Enquêteur : … mais maintenant que je vous ai donné ces informations, quel serait l’intérêt de cette structure pour votre pratique ? Médecin 14 : Euh… je pense qui si, effectivement, j’avais une demande sur le plan psychologique, je ferais appel à cette structure parce qu’en fait, le langage que l’on a serait, est assez limité, donc si j’avais une souffrance qui nécessite qu’elle voit quelqu’un, ben… bien sur que j’irais, je lui indiquerais. Euh.... sur le plan social aussi, avoir une assistante sociale qui peut communiquer etc., ça serait vraiment intéressant ! Sur le plan médical, pour l’instant, moi je n’ai pas eu… euh, de difficultés. Si un jour j’ai des difficultés ,et que l’on n’arrive plus à communiquer, soit pour des raisons de langage, soit pour des raisons de compréhension, même si elle était entendante, s’il y a des moments où l’on ne se comprend plus, euh… dans ce cas là, oui je l’indiquerai. En fait, moi j’ai une question : comment ça se fait que madame X ne soit pas suivie là-bas tout le temps et à quel moment elle est rentrée dans cette structure, est-ce qu’ils sont à partir de 2001 répertoriés tous et ils ont tous la possibilité de le faire ? Enquêteur : Alors, comment ça se fait qu’elle soit venue consulter là-bas, ça a été sa propre démarche, comme l’ensemble des patients suivis là-bas, c’est une démarche personnelle ! 174 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 14 : D’accord ? Donc ils sont pas convoqués ni rien du tout, à partir du moment ou ils sont répertoriés malentendants ? Enquêteur : Absolument pas ! Il n’y a aucun registre. En fait, dans la communauté sourde, cette unité est très bien connue, c’était d’ailleurs une demande de leur part quand cette structure a ouvert ses portes ! Médecin 14 : Bien sur ! Enquêteur : Voilà. Donc en fait la file active est très variable. Il y a des patients qui viennent consulter de temps en temps quand ils le désirent, et c’est souvent en plus de leur médecin traitant et d’autres qui ne sont suivis que dans l’unité ! Médecin 14 : OK. Parce qu’en fait j’y pense maintenant, mais il y a dû avoir un suivi de grossesse pour cette patiente, et je ne sais pas qui l’a fait ! Parce que moi je ne l’ai pas du tout suivi pour sa grossesse. Elle a accouché là au mois de juillet et c’est pour ça que j’ai un suivi de madame X qui est un petit peu en pointillé. Autant les enfants quand il y a quelque chose elle me les amène facilement mais elle, pour elle-même, c’est plus en pointillé et peut-être plus récemment ! En 2015 par exemple, je l’ai vue une fois, c’est tout ! Donc peut-être que la structure a pris le relai, parce qu’en 2015 je l’ai vue qu’une fois et en 2014, je l’ai vue quatre fois. Donc peut-être que c’est parce qu’elle s’est faite suivre sur sa grossesse ailleurs et puisqu’elle a continué, et qu’elle a peut-être plus pris contact avec le… avec ce centre là mais elle ne m’en a jamais parlé. Enquêteur : D’accord. Médecin 14 : Parce que madame X, elle s’étale pas vraiment sur sa vie, sur euh… voilà ! Enquêteur : D’accord. Médecin 14 : Je vois plus les enfants ! Enquêteur : Donc là on a abordé l’intérêt que pouvait avoir cette structure sur votre pratique. A l’inverse, est-ce que vous voyez des feins ou des limites sur votre activité, le fait qu’elle aille consulter là-bas ? Médecin 14 : Euh… non. Je pense que si effectivement elle va consulter là-bas, je préfèrerais que ça soit eux qui soient médecins traitants. Parce que ça sert à rein que je sois le médecin traitant si par hasard elle veut, elle décidait, et ça ne me dérangerait pas. Hein, mais effectivement, en tant que médecin traitant, euh… si je ne la vois plus, je peux plus faire mon travail de médecin traitant, mais sinon… non, non, il n’y a pas de limites. Je ne sais pas quel est le, la facilité de rendez-vous qu’ils ont dans ce centre ? Est-ce qu’ils prennent les gens en urgence, ou alors s’il y a des longs délais, comment ça se passe ? Enquêteur : Il y a les deux. En gros, le délai est relativement long, c’est bien quinze jours ! 175 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin 14 : Ah oui ! Alors j’appelle ça très long moi ! Enquêteur : Oui, mais il y a un créneau d’urgence quotidien si besoin. Médecin 14 : D’accord. Enquêteur : OK, et donc à votre avis, qu’est-ce que cette patiente est allée trouver dans cette structure qu’elle ne trouvait peut-être pas chez vous ? Médecin 14 : Et bien je pense que c’est la communication ! Euh, je pense qu’elle a quand même probablement un fil de discussion qui est plus fluide quand elle est dans ce, dans cette structure. Nous on a une communication qui est beaucoup plus basique à mon avis. Enquêteur : Est-ce que vous passez des fois par l’écrit, des dessins, des images ? Médecin 14 : Euh, pour les ordonnances, bien sûr que je lui fais lire. Euh, des images, non ! Non. Honnêtement, moi j’ai vraiment l’impression que j’arrive à lui faire comprendre, mais, probablement que moi-même je parle beaucoup moins, hein, c’est à dire que je suis… que je me limite à une communication simple, alors, que je pense que dans ce centre, il doit y avoir vraiment une fluidité beaucoup plus intéressante pour elle. Enquêteur : Et donc à l’inverse alors, qu’est-ce qu’elle trouve chez vous quand elle vient vous voir qu’elle ne trouve pas là-bas, selon vous ? Médecin 14 : Et bien moi, je pense ce qu’elle trouve ici c’est en grande partie ce côté prise en charge en urgence, parce qu’elle consulte souvent… moi j’arrive souvent à donner des rendez-vous rapides ici, euh… on a toujours des créneaux où on peut prendre des gens même dans la journée, donc ils sont souvent dans cet… dans cette prise en charge, même si c’est souvent pas si urgent que ça ! Le côté peut-être méconnaissance ou social fait qu’il y a une demande beaucoup plus urgente que d’autres. Donc les enfants viennent très souvent, ils viennent même tout seuls et elle, elle les accompagne mais il y a toujours une partie un peu urgente. Je pense que c’est ça que je leur apporte. Après, ce que je peux leur apporter, c’est de connaître toute la famille, parce que je sais pas si elle, elle, elle consulterait peut-être dans le centre mais ses enfants non j’imagine, parce que ses enfants sont entendants ? Enquêteur : Alors, c’est possible de suivre les enfants de parents sourds dans l’unité, afin que les parents puissent comprendre et prendre en charge la santé de leurs enfants de façon autonome, oui ça s’est possible ! Médecin 14 : D’accord. Enquêteur : Comme des fois il a été possible de faire des consultations pour des patients sourds adultes pour leurs parents entendants plus âgés, pour des prises en charge particulières comme de la cancérologie ou de l’accompagnement de fin de vie, de consulter avec les 176 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) parents plus âgés pour que ces adultes sourds aient les informations nécessaires à la prise en charge de leur parents. Médecin 14 : D’accord. Mais il y a pas des interprètes qui se déplacent sur ce genre de consultations pour venir faire le lien ? Enquêteur : Si, si ça existe, et c’est d’ailleurs les interprètes de l’unité qui sont alors mobilisés. Les interprètes de l’unité sont détachables dans tout l’hôpital ! Médecin 14 : Dans l’hôpital mais pas en ville ? Enquêteur : Non pas à l’extérieur, elles sont déjà bien occupées au sein de l’hôpital ! Après en ville, c’est possible mais avec des interprètes extérieurs, qui ne dépendent pas du tout de l’unité, et c’est à la charge du patient. Médecin 14 : OK. Enquêteur : D’accord donc pour résumer, vous qu’est-ce que vous pensez de cette double prise en charge médicale, puisque finalement, il y a un suivi ici et un suivi là-bas. Quel est votre sentiment pas rapport à cela ? Médecin 14 : Euh, ça peut être gênant dans la mesure… ou si on ne communique pas ! Hein, c’est à dire que là pour l’instant, je sais pas de quel ordre est l’inscription de madame X dans ce centre ! C’est à dire, elle est allée une fois, elle est allée, elle s’est inscrite, elle rentre dans un cadre, je ne sais pas. Si par hasard c’était pour autre chose qu’une simple consultation, un petit peu de passage, je pense qu’on aurait attendu qu’ils nous tiennent au courant ! Hein ! Puisque jusqu’à présent je suis encore le médecin traitant ! Et c’est vrai qu’un courrier, bon, nous avons vu untel, et se présenter, ça aurait été bien ! Enquêteur : Oui ! D’accord. Donc justement, comment est-ce qu’il serait possible d’améliorer la communication entre les deux ? Vous me dites, se présenter, sous quelle forme vous auriez aimé être informée ? Médecin 14 : Ah ben, un courrier disant nous avons vu votre patient, la patiente que vous suivez et puis dire ce qui c’est passé, à titre de courrier de spécialiste ou de courrier intermédecins, et puis peut-être dans ce cas là en profiter pour présenter la structure ! Enquêteur : D’accord. Médecin 14 : Euh… oui, je pense que c’est vrai, que ça aurait été bien ! Enquêteur : Oui. Cette structure, je sais pas, dans les congrès, les revues, la presse, vous en aviez déjà entendu parler ? Médecin 14 : Non, mais je me doutais qu’il devait exister quelque chose, je m’y suis peu intéressée parce que je n’ai pas eu de soucis ! Je pense que si j’avais eu le moindre soucis, même avec madame X, j’aurais quand même… alors je me doutais que sur le plan social, il y 177 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) avait une prise en charge très spécifique pour elle, parce qu’elle est malentendante, son mari aussi est malentendant ! Voilà, c’est tout ! Enquêteur : OK, donc plutôt une information par courriers, c’est ça ? Médecin 14 : Oui, c’est le plus simple et le plus pratique je pense. Enquêteur : D’accord. Très bien. Et bien je pense avoir fini. Je vous remercie du temps que vous m’avez accordée ! Médecin 14 : C’est moi qui vous remercie des informations que vous venez de m’apporter, c’est très intéressant ! Merci à vous ! 178 NIER (CC BY-NC-ND 2.0) NIER Fanny Connaissances et représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds, avec une Unité d’Accueil et de Soins pour les Sourds. 178p, ill. 1, tabl. 1 Th.Méd ; Lyon 2016 ; n° Résumé : Contexte : En France, un patient sourd a la possibilité d’être suivi par un médecin traitant et par un médecin d’une UASS, configuration unique d’une double prise en charge médicale en médecine générale. Objectif : Identifier les connaissances et représentations des médecins traitants de la double prise en charge médicale de leurs patients sourds avec l’UASS de Grenoble. Méthode : Etude qualitative par entretiens individuels semi-dirigés. 14 médecins traitants de patients sourds signants suivis dans l’UASS de Grenoble ont été interviewés, après échantillonnage dirigé. Résultats : Les médecins interrogés s’accordent sur l’importance des compétences linguistiques, et la pluridisciplinarité de l’équipe. Ils perçoivent l’unité comme une structure adaptée à la prise en charge médico-psycho-sociale et à la gestion de situations complexes. Ils attribuent aux médecins de l’UASS des rôles de centralisation, de coordination des soins. Si certains médecins considèrent cette double prise en charge médicale comme « partagée », quelques uns la perçoivent comme deux prises en charge « parallèles », et d’autres s’interrogent sur l’efficience d’une prise en charge « unique ». Le manque de communication entre médecins traitants et médecins de l’UASS constitue l’élément limitant ce partage de prise en charge. Conclusion : La promotion des UASS, et l’amélioration de la communication entre médecins constituent deux enjeux essentiels pour une double prise en charge médicale partagée, garantissant aux patients sourds une coordination de leurs parcours de soins. MOTS CLES : Patients sourds – Médecins traitants – UASS – Double prise en charge médicale – Langue des Signes – Communication JURY : Président : Membres : Pr Laurent LETRILLIART Pr Olivier CLARIS Pr Liliane DALIGAND Dr Benoit MONGOURDIN Dr Marie CLAVEL, directrice de thèse DATE DE SOUTENANCE : Jeudi 9 juin 2016 ADRESSE DE L’AUTEUR : 345 chemin du Cerf 38 330 SAINT NAZAIRE LES EYMES [email protected] 179 NIER (CC BY-NC-ND 2.0)