Dossier pédagogi que de la Maison de la culture

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 Dossier pédagogique
Soudain la nuit
Saccomano/ Garaud
Service éducatif de la Maison de la Culture d’Amiens
Sommaire
Avant la représentation
Pistes pour une exploitation en classe…
L’espace
1/ Analyse de documents
2/ Un espace signifiant
Entrer dans le texte
1/ Les personnages
2/ Situation, Lieu, Action
Après la représentation
L’écriture de la pièce
1/ Le titre
2/ Ecriture de plateau ?
La scène finale : le radeau
La nudité
Annexe
Textes en écho
Distribution
Liens
Avant la représentation
Pistes pour une exploitation en classe.
L’espace
1/ Analyse de documents
Voici deux croquis dessinés par Nathalie Garraud pour la pièce Soudain la nuit.
- Décrivez le décor, les accessoires et évoquez l’effet produit sur un éventuel spectateur…
- Expliquez l’évolution de l’espace entre le document A et le document B.
Document A
Document B
2/ Un espace signifiant
Vous trouverez ici les notes du metteur en scène évoquant l’espace dans Soudain la nuit. On
pourra proposer aux élèves de confronter leurs éléments de réponse aux intentions du metteur en
scène…
Document C
Eléments du dispositif scénographique :
- Un mur de métal en 5 à 7 pans
- 100 à 200 chaises
- Oreillers
PARTIE 1 - VENUS
Vénus est le nom du désir, Vénus est une déesse (Aphrodite) née de l’émasculation d’Ouranos
(le Ciel de l’aviation) par Cronos (le temps).
Vénus est la séquence de l’arrêt, de l’enfermement, de l’observation, de l’auscultation.
Violence de l’arrêt ordonné, obligatoire, qui réveille la peur, les désirs inconscients…
L’espace est travaillé selon l’idée d’une machine dont la marche est arrêtée, et dont on verrait le
mécanisme (…)
L’espace concret, matériel doit accentuer l’architecture du système, ses traits, il révèle un certain « ordre
» (habituellement camouflé ou adouci) : un mur qui clôt l’espace, des rangées de chaises ordonnées
implacablement.
Ordre, nombre et solitude. Les dizaines de chaises sont ordonnées face au mur, dos au public.
La foule est présente dans la masse de chaises, restées vides, et dans la salle. Acteurs et spectateurs
sont face au mur. Les acteurs sont perdus dans la multitude de chaises alignées. Ils errent dans cet
espace, extirpés du flux, retirés de la circulation, isolés (les lapins pris dans les phares). Mais ils n’en
bouleversent pas l’ordre, ils y restent soumis, terrifiés mais soumis. (…)
Les écrans sont ici des écrans de contrôle. (…)
On est à la fois dans la cellule de « contrôle » et dans la cellule « d’observation ».
PARTIE 2 - SATURNE
Saturne est identifié à Cronos, un des « pères » de Vénus. Lui aussi a donné son nom à une maladie
(le saturnisme), qui est aussi un état d’âme pour quelques poètes (les poèmes saturniens de
Verlaine), généralement assimilé à une tristesse ou à une mélancolie, à un écrasement délicat par l’air
du temps.
Le temps s’allonge, sans actes, la parole occupe toute la place.
Retour sur le temps passé. Quelque chose se craquèle.
Saturne est le temps de la « dépression » - presque au sens atmosphérique du terme ! Le temps
s’allonge, se tord, se « désordonne ». Passé et présent se mélangent, les morts et les vivants.
L’espace se délite, se défait, l’ordre imposé n’y tient plus. Les acteurs parlent, rêvent et modifient
l’espace à la convenance de leurs récits, de leurs rêves et de leurs fantasmes. Ils se tiennent, parlent
et agissent complètement hors du flux, ils ne sont plus soumis à « l’ordre des choses ».
(…)
PARTIE 3 - SOLEIL
Ce temps est celui de l’éclaircie. (…)
Soleil est le temps des hommes libérés de l’ordre implacable de la machine. (…)
C’est le temps de la libération, du réveil, de la renaissance, du retour au monde avec une nouvelle
peau…
Une chose est sûre : les acteurs font face aux spectateurs, ils sont avec eux. Dans quel espace et
dans quel ordre, ça reste à trouver ! Mais le trajet de la pièce nous fait passer d’un espace où les
hommes voient leurs dos et un mur infranchissable, à un espace où les hommes se font face.
Pour exploiter le document C
! Organisation de la pièce
- Comment la pièce semble-t-elle divisée ? Nommez les différentes parties.
- Quels points communs repérés et comment les expliquer ?
- D’après les notes du metteur en scène, renommez le document A et le document B.
- Comparez les effets trouvés dans le premier exercice, pour le document A, aux propos du
metteur en scène.
- Idem, pour le document B.
! A vous de jouer :
Pour la dernière partie de la pièce, « SOLEIL », Nathalie Garraud évoque (à ce moment de la
création) un espace qui est encore à définir. A vous d’imaginer, de construire cet espace
d’après ses intentions. Vous pourrez réutiliser les éléments des parties précédentes… ou pas.
Entrer dans le texte
1/ Les personnages
Voici les didascalies initiales présentant les personnages :
- étudiez la désignation sociale des personnages et répartir ces personnages en deux groupes.
Expliquez l’intérêt de cette répartition en confrontant ces personnages à l’espace dans lequel ils
se trouvent.
-étudiez la répartition des rôles féminins et masculins : que remarquez-vous ? En quoi cette
division est-elle pertinente ?
Document D
CHAHINE, un médecin.
BEN, un infirmier.
MARIE, une infirmière.
NORA, une marchande.
LUCIE, une diplomate.
MICHEL, un steward.
ANGE, un marcheur.
JULIE, une guerrière.
L’action se passe dans le Service Médical d’Urgence d’un grand aéroport européen.
2/ Situation, Lieu, Action
« La situation de la pièce est une situation de suspension. Elle fait le vide, elle fait l’immobilité
et l’attente quand tout autour d’elle se remplit d’agitations, de gesticulations et de circulations.
Il y règne le calme qui caractérise, paraît-il, le cœur des cyclones.
Le lieu, c’est une chambre d’observation dans le Service Médical d’un grand aéroport européen.
Pendant deux jours et deux nuits, cinq personnes y sont maintenues en quarantaine. Le Service
Médical est dirigé par un médecin musulman et bourgeois. Il y a aussi des infirmiers de garde, des
visiteurs, proches des patients ou officiels, qui ne seront pas autorisés à pénétrer dans la chambre. Et
puis il y a les figurants accidentels de la nuit, ceux des souvenirs, des rêves ou des visions.
Un aéroport international est un espace frontalier, où s’organisent à la surface de la terre les entrées
et sorties du territoire, un espace dont la structure a la puissance d’une métaphore pure : Arrivées,
Départs.
Au cœur de l’aéroport, la chambre d’observation est un sas, qui suspend la libre circulation. Soudain,
vous êtes arrêtés, extirpés du mouvement, déconnectés du flux ambiant.
Dans la journée, on entend encore, à intervalles réguliers, les avions qui décollent et atterrissent. La
nuit, cela aussi s’arrête.
Soudain, la nuit, le temps s’étire.
Aux abords de la vérité, vous perdez toute vraisemblance. Vous entrez tout nu dans la légende.
Vous parlez de vous, à personne ou à n’importe qui.
Vous rêvez ou vous délirez.
Vous errez mentalement dans l’aéroport.
Vous rencontrez des fantômes, en chair et en os, des anges. Dans le noir, vos idées se précisent.
Ni le matin ni le monde ne parviendront plus à les dissiper. Vous voilà en plein jour étonné par
l’absence d’étoiles.
Vous voilà étranger. »
Extrait du dossier de presse, Compagnie du Zieu
Après la représentation
L’écriture de la pièce
Les trois documents ci-dessous permettront d’éclaircir le projet de Soudain la nuit, son inscription
dans une trilogie, son titre et le travail de l’écriture…
1/ Le titre
Document E
Un spectre hante l’Europe. Au théâtre, quand les fantasmes des hommes se transforment en
fantômes, on les appelle des spectres. Ils viennent aux heures critiques, aux heures sombres. Ils sont
et ne sont pas de ce monde. Et sur eux, pour un temps, se fixe l’angoisse. Mais on sait depuis Hamlet
(1) que les spectres doivent leur apparition à une certaine pourriture du royaume. Soudain la nuit sera
la troisième et dernière pièce du cycle Spectres de l’Europe. Ce cycle, commencé en 2013, est une
enquête théâtrale sur la façon dont l’Europe se construit, dans la matérialité de ses frontières, dans la
texture de son idéologie, dans l’obscurité de ses fantasmes, vis-à-vis de ceux qu’on appelle les
étrangers. Pourtant notre entrée première n’est pas le « racisme », ni le « rapport à l’Autre ». Ni
humanisme ni psychologie générale. La question est pour nous plus concrète et plus abstraite, plus
politique. On ne fait pas des lois sur le statut de l’Autre. Et le racisme n’est qu’une traduction, dans la
crainte et la jalousie, des rapports de rivalité et de concurrence qui guident les hommes du marché.
Cette question, nous l’avons déjà travaillée à travers deux pièces dites « d’étude », radicalement
différentes par leur forme, par leur dispositif comme par le rapport au public qu’elles proposent :
L’avantage du printemps (pièce documentaire pour 2 acteurs - création 2013), Othello, (2) variation
pour 3 acteurs (réécriture - forme itinérante pour 3 acteurs - création 2014). Soudain la nuit est la
création qui marquera la fin du cycle : une fiction, travaillée pour les plateaux de théâtre, par
l’ensemble de la troupe. Nous avons choisi ce titre parce qu’il peut s’entendre en deux sens : comme
le constat d’un état des lieux obscur (l’arrivée soudaine d’une nuit redoutée), et comme indiquant une
nouvelle possibilité (soudain, dans la nuit, quelque chose d’inattendu arrive). Peut-être un charnier et
peut-être une charnière. Peut-être la fin d’une histoire (une tombée de rideau) et peut-être le début
d’une autre (les premiers mots d’un conte). Et sans doute les deux à la fois, car les fictions,
contrairement aux mensonges, ont besoin d’incertitude. Au moment d’écrire ces lignes, nous ne
disposons que de motifs provisoires, issus de réflexions sur notre situation historique et sur la manière
dont une forme poétique, théâtrale, peut aujourd’hui y tracer des voies de passage.
Note d’intention, Nathalie Garraud
Notes
(1) Citation extraite de Hamlet, I,4, Shakespeare,1601 : « Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark »
(2) Othello, pièce de Shakespeare, 1604.
2/ L’écriture de plateau ?
Document F
Soudain la nuit, comme les précédentes pièces de notre compagnie, est le fruit d’un travail que nous
pensons à deux, Nathalie Garraud et moi. Sa structure, ses motifs, bref, sa physionomie tout entière a
muri dans les accords et les désaccords, les tâtonnements et les éclaircies qui ont scandé de longues
semaines de lutte – entre l’idée et la matière, toujours – au plateau et à la table, lutte qui poursuit sa
course dans la tête de chacun quand vient le temps, indépassable, de la solitude. Autant dire que le
texte que j’ai écrit vient en quelque sorte d’un lieu mental partagé : celui d’une pièce qui n’appartient à
personne et dont nous avons été – avec les acteurs et les techniciens de la troupe – tout ensemble
les architectes et les arpenteurs.
Note d’intention, Olivier Saccomano.
Document G
Quand vous parlez de la première pièce de votre cycle vous employez la formule « théâtre
documentaire » et pourtant c'était aussi une écriture originale comme pour votre troisième
pièce. Peut-on parler d'écriture collective ?
N.G. : C’était davantage du théâtre documentaire parce que des éléments biographiques concrets des
acteurs apparaissaient dans un texte qui proposait une situation fictionnelle. Dans toutes nos pièces,
nous faisons appel à l'expérience singulière de chacun des acteurs et l'écriture tient compte de cette
expérience qui apparaît sur le plateau, mais avec Soudain la nuit nous sommes dans la fiction, même
si on ne peut jamais parler de « pure » fiction.
O.S. L’écriture n’est pas collective, mais elle est travaillée par la mise en commun des enjeux que
recèle notre motif central. La figure de l'étranger est comme un nœud qui convoque ceux qui sont à
l’œuvre sur et hors du plateau à une sorte d’examen. C’est vrai aussi pour l’auteur. Je commence à
écrire « pour » la pièce, et au fil des répétitions, des visions ou des propositions qui arrivent, une
œuvre commune apparaît, dont j’écris le texte.
N.G. : Il n'y a pas de texte préexistant au début des répétitions, il y a seulement une idée qui s'adresse
à la pensée et aux pratiques de tous les participants. Cette idée est mise à l'épreuve du plateau, et le
texte finalement publié sera né de la rencontre entre une écriture et un travail de plateau. L'écriture est
concomitante aux répétitions, elle s'inscrit dans les répétitions mais elle n’est pas une retranscription.
Mais ce n'est pas une écriture de plateau ?
N.G. : Pas vraiment, même si l’écriture emporte avec elle ce qui se passe sur le plateau, et qui est
déjà une forme d’écriture, initiée par mes visions ou celles des acteurs. On pourrait presque dire que
notre mode de travail ressemble à celui des dialogues socratiques : une idée est mise en commun, et
est discutée, travaillée, tordue, contredite, dépliée par les différents interlocuteurs
Nous travaillons parfois en improvisation, parfois à partir de propositions très construites, en donnant
aux acteurs des idées de rôles, des morceaux de textes, des situations, mais sans a priori. On ne fixe
que très tardivement les rôles pour chaque acteur. Mais nous travaillons depuis très longtemps avec
les mêmes acteurs et nous travaillons depuis trois ans sur ce projet, étape par étape. Tous suivent
l'évolution du travail – que nous finalisons souvent la veille de la première…
O.S. : Au final, l’œuvre que nous construisons n'appartient à personne en particulier. Elle est le fruit
d’une sorte d’association, qui est aussi une sorte de lutte
Entretien avec Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, Avignon, 2015
3/ Chahine
Personnage central et pourtant mystérieux, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano évoque la figure
de Chahine. Figure que l’on pourra mieux analyser dans un document ultérieur (document H)…
« Votre héros, autour duquel se construit Soudain la nuit, est médecin dans un service médical
d'urgence d'un aéroport français. C’est un étranger intégré dans la société française. Pourquoi
ce choix ?
O.S. : Othello aussi est « intégré » à la société vénitienne : on le reçoit, on l’admire même, jusqu’à ce
qu’il épouse Desdémone… Mais surtout, théâtralement, nous voulions échapper aux représentations
convenues et misérabilistes sur les exclus de l’Europe : les migrants, etc. La pièce place plutôt des
gens supposés « libres », « intégrés », dans une situation de rétention ou d’impasse qui est celle des
migrants. Le tout dans un aéroport, c’est-à-dire un lieu-frontière assez abstrait… À partir de là, voyons
ce qui se passe…
N.G. : Nous avons imaginé ce rôle de médecin en pensant à la notion médicale de « corps étranger »,
à ses possibilités métaphoriques, et à son instrumentalisation politique. Les migrants, les djihadistes,
les porteurs du virus Ebola sont différents visages d’un « corps étranger » à l’extérieur ou à l’intérieur
de l’organisme. Les politiques nationalistes se bâtissent sur ces fantasmes du « corps étranger » à
détruire. On avait fait des recherches sur les mouvements djihadistes, sur l'arrivée catastrophique des
migrants en Europe, sur la question de l'épidémie d'Ebola et nous avons compris que la question,
métaphoriquement entendue, était vraiment celle du « corps » étranger et que le personnage du
médecin était parfait dans ce contexte. »
Entretien avec Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, Avignon, 2015
La scène finale : le radeau
Voici la scène finale qui évoque le célèbre tableau du radeau de la Méduse
Document H
Tous transforment la salle en un radeau. Chahine est assis sur une unique chaise, et regarde
l’équipage prendre place. Tous se costument en naufragés, et prennent position.
ANGE, à Chahine.- Au revoir.
CHAHINE.-...
JULIE, à Chahine.- Au revoir.
CHAHINE.-...
MARIE, à Chahine.- Au revoir, docteur Chahine.
CHAHINE.-...
MICHEL, à Chahine.- Au revoir.
CHAHINE.-...
BEN, à Chahine.- Au revoir, chef.
CHAHINE.-...
LUCIE, à Chahine.- Au revoir.
CHAHINE.-...
NORA, à Chahine.- Au revoir, Chahine.
CHAHINE.-... Le radeau dérive.
CHAHINE.- Marie !
MARIE.- Oui, docteur Chahine.
CHAHINE.- Où meurent les hommes, Marie ?
MARIE.- Dans le monde, docteur Chahine.
CHAHINE.- Et les mondes ? Où meurent les mondes ?
MARIE.- Dans les hommes, docteur Chahine.
Le radeau dérive. Le vent se lève.
NORA.- CHAHINE ! CHAHINE.- OUI !
NORA.- VOUS NE VENEZ PAS ?
CHAHINE. NON ! ET VOUS, VOUS NE PARTEZ PAS ?
NORA.- NON !
CHAHINE.- JE NE CONNAIS PAS VOTRE NOM !
NORA.- NORA !
CHAHINE.- LAURA ? NORA.- NORA !
BEN.- C’EST ECRIT DANS LE LIVRE !
Le radeau dérive. Soleil et tempête.
BEN.- CHEF !
CHAHINE.- OUI !
BEN.- POUR L’INSTITUT !
CHAHINE.- OUI !
BEN.- S’ILS APPELLENT !
CHAHINE.- OUI !
BEN.- DITES QU’ON S’EST ECHAPPES !
CHAHINE.- OUI !
BEN.- QUE NOUS NE SOMMES PAS MORTS !
CHAHINE.- OUI !
BEN.- ET QUE NOUS ALLONS CONTAMINER LE MONDE !
CHAHINE.- OUI !
BEN.- CHEF !
CHAHINE.- OUI !
BEN.- JE NAVIGUE, CHEF ! JE NAVIGUE !
CHAHINE.- OUI !
Le radeau dérive. Le vent faiblit. Chahine se lève.
ANGE.- CHAHINE !
CHAHINE.- IL NEIGE !
JULIE.- CHAHINE !
CHAHINE.- IL GRÊLE !
NORA.- CHAHINE !
CHAHINE.- TENEZ LE CAP !
NORA.- CHAHINE !
CHAHINE.- LES LOUPS HURLENT !
JULIE.- CHAHINE !
CHAHINE.- LES AGNEAUX PLEURENT !
ANGE.- CHAHINE !
CHAHINE.- TENEZ LE CAP !
Le radeau dérive.
CHAHINE.- Tenez le cap. Tombez. Aimez. Recommencez.
Chahine se déshabille. Le voici, rendu à l’expérience crue et commune du dénuement, comme au jour
de la naissance ou de la mort.
Soudain la nuit, Olivier Saccomano, 2015
On pourra par exemple :
-demander aux élèves de se remémorer le dispositif scénographique établissant le parallèle entre
cette scène et le célèbre tableau de Géricault.
-au besoin, projeter cette représentation pour
-
repérer et analyser les principes de composition de l’œuvre
évoquer les principes de vie et de mort
établir des liens entre la scène finale et le travail de Géricault
rappeler le contexte de création de cette œuvre, sa réception ainsi que son inscription dans le
mouvement romantique…
La nudité
Présente à différents moments de la représentation, la nudité prend dans ce spectacle différentes
valeurs. L’occasion d’interroger nos élèves quant à ses fonctions.
Evoquez les différents moments où la nudité est exposée :
-celle des comédiens
-celle des personnages
Essayez d’expliquer l’effet produit sur le spectateur (et sur vous) et en dégager ses fonctions dans la
pièce.
Pour soutenir le travail de remémoration, on pourra s’appuyer sur le document suivant (I) mais
également sur l’extrait de la scène finale (document H) et notamment l’ultime didascalie :
Document I
Pour comprendre les choix et la mise en place de ces choix, on analysera les propos du metteur en
scène, tenus dans le magazine Théâtre(s) consacré à la nudité.
Document J
« La nudité est directement liée aux questionnements que nous portons dans la pièce sur les peurs de
l’Occident. Ici, ce sont des Européens, passagers en quarantaine, que nous amenons sur le plateau
dans une forme de renversement. Cette nudité est apparue comme une évidence. Ce n’était pas une
injonction de la metteure en scène que je suis, mais une option née du travail d’improvisation mené
par la troupe, au plateau, pendant la phase de recherche. C’est un ressort dramaturgique du
spectacle, un moment d’une grande violence. Pour quelques-uns des comédiens, c’était une première
mais comme elle naissait de ce désir collectif, ce fut assez simple. Nous avons fait des essais
progressivement, lors des répétitions. Sans forcer. Paraître nu sur scène, c’est d’abord faire un travail
sur soi, mais notre choix collectif nous a beaucoup aidé. Je dirais que cette recherche sur la nudité
nous a plutôt resserrés. Inconsciemment, les comédiens ont pris soin les uns des autres. J’ai vu
beaucoup de douceur et de délicatesse entre eux. »
Nathalie Garraud in Théâtre(s), Corps et nudité, n°3, automne 2015
Des pistes pour ensuite réfléchir à son exploitation au théâtre comme dans la danse : le nu est-il un
costume comme un autre ? Est-il une transgression ? Voici deux documents pouvant nourrir cette
réflexion…
Photographies de François Stemm, extraites du spectacle Tragédie d’Olivier Dubois, créé au Festival
d’Avignon en 2012.
Annexe
Textes en écho
Trois textes de Kafka disponibles sur le site http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1526 et qui
évoquent des situations proches de celles de Soudain la nuit.
Franz Kafka | Abandonne !
C’était de très bonne heure le matin, les rues étaient propres et vides, je m’en allais à la
gare. En comparant une pendule avec ma montre, je vis qu’il était déjà beaucoup plus
tard que je n’avais cru ; il fallait me dépêcher ; l’effroi que me causa cette découverte
me fit hésiter sur mon chemin, je ne m’y connaissais pas encore bien dans cette ville ; il
y avait heureusement un agent de police à proximité, je courus vers lui et lui demandai
hors d’haleine mon chemin. Il se mit à me sourire et me dit : « C’est de moi que tu veux
apprendre ton chemin ? – Oui, lui dis-je, puisque je ne peux pas le trouver tout seul. –
Abandonne, abandonne ! » dit-il en se détournant de moi d’un geste large, comme font
les gens qui ont envie de rire en toute liberté.
Franz Kafka | Le carrefour
Je suis assis depuis des années au grand carrefour, mais je devrai quitter ma place
demain, parce que le nouvel empereur arrive. Je ne me mêle à rien de ce qui se passe
autour de moi, tant par principe que par répugnance. Il y a bien longtemps que j’ai
cessé de mendier ; les vieux passants me donnent quelque chose par habitude, par
fidélité, parce qu’ils me connaissent, les nouveaux venus suivent leur exemple. J’ai une
petite corbeille, posée à côté de moi, dans laquelle chacun jette ce qu’il juge bon de
donner. Mais c’est justement parce que je m’occupe de personne, parce que je garde
une âme et un regard sereins au milieu du tapage et de l’absurdité de la rue, que je
comprends mieux que quiconque tout ce qui concerne ma position, mes exigences
justifiées. C’est pourquoi ce matin, quand un agent de police, qui me connaît
naturellement, mais que, tout aussi naturellement, je n’avais pas encore remarqué,
quand cet agent de police s’est arrêté devant moi et m’a dit : « C’est demain l’arrivée de
l’empereur, ne t’avise pas d’oser venir ici », je lui ai répondu par cette question : « Quel
âge as-tu ? »
Franz Kafka | Une charrette
Une charrette de paysans chargée de trois hommes montait lentement une côte dans
l’obscurité. Un inconnu se dirigea vers eux et les appela. Après un bref échange de
paroles, il apparut que l’inconnu demandait si on pouvait le prendre. On lui prépara une
place et on l’aida à monter. C’est seulement quand la voiture se fut remise en route
qu’on lui demanda : « Vous venez de la direction opposée et vous y retournez ? – Oui,
dit l’inconnu. J’allais d’abord dans votre direction, mais ensuite j’ai fait demi-tour parce
qu’il a fait nuit plus tôt que je ne m’y attendais. »
Distribution
Conception
Nathalie Garraud & Olivier Saccomano
Mise en scène
Nathalie Garraud
Ecriture
Olivier Saccomano
Scénographie
Jean François Garraud
Costumes
Sarah Leterrier assistée de Sabrina Noiraux
Lumières et régie générale
Guillaume Tesson
Vidéo
Camille Lorin
Son
Hughes Laniesse
Assistanat
Steven Cayrasso
Avec
Julien Bonnet, Laurence Claoué, Mitsou Doudeau, Laure Giappiconi, Cédric Michel, Florian Onnein,
Conchita Paz, Charly Totterwitz
Production : Compagnie du Zieu.
Coproduction : Festival d’Avignon, Maison de la Culture d’Amiens - Centre européen de création et
de production, Théâtre du Beauvaisis - Scène nationale de l’Oise en préfiguration, le Fracas - Centre
Dramatique National de Montluçon, Pôle Arts de la Scène - Friche la Belle de Mai, Scène Nationale
d’Evreux-Louviers, Théâtre Massalia.
Avec le soutien du Préau - Centre Dramatique Régional de Vire, des Scènes du Jura - Scène
Nationale, du CENTQUATRE - Paris, de la Villa La Brugère, de l’Institut français du Maroc dans le
cadre de son programme de résidence.
Le spectacle a été crée le 5 juillet 2015 au Festival d’Avignon.
La pièce est publiée aux éditions Les Solitaires Intempestifs.
La compagnie du Zieu est conventionnée par le Ministère de la Culture - DRAC Picardie, le Conseil
Régional de Picardie, le Conseil Départemental de l’Aisne et soutenue par la communauté
d’agglomération Amiens Métropole.
Liens
Vers le Louvres : image et analyse du Radeau de la méduse
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-radeau-de-la-meduse
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=136
Avec une animation qui présente l’analyse de l’œuvre en 2 minutes.
http://ww2.ac-poitiers.fr/ia17-pedagogie/IMG/pdf/0_Gericault_Le_Radeau_de_la_Meduse.pdf
Pour satisfaire sa curiosité, la véritable histoire d’un naufrage
http://www.arte.tv/guide/fr/049878-000/la-veritable-histoire-du-radeau-de-la-meduse
La question de la nudité :
« Se mettre tout nu au théâtre ou au cinéma, voilà qui va à l'encontre de la norme et crée une
sensation. On ne déshabille jamais quelqu'un pour rien, comme ça, par désintérêt : notre société est
ainsi faite. Pourquoi alors déshabille-t-on les acteurs ? » La suite sur l’article que l’on trouvera sur le
lien :
http://www.erudit.org/culture/jeu1060667/jeu1075718/16434ac.pdf
Nudité et Arts plastiques
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-corps-oeuvre/ENS-corpsoeuvre.htm#corps1
Dossier réalisé par Delphine Petit
Service éducatif de la Maison de la Culture d’Amiens
Permanence
Le vendredi après-midi :Jean Courtin (musique et danse) [email protected]
Le vendredi matin : Delphine Petit (théâtre et cinéma) [email protected]
Tél. 03 22 97 79 79
En dehors de ces horaires, vous pouvez contacter Claire-Emmanuelle Bouvier
Attachée aux relations publiques / enseignement & éducation artistique
Tél.: 03 22 97 79 55 [email protected]
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