Burnout vs Dépression

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Burnout vs Dépression | Centre d'études sur le stress humain (CESH) 2016-11-29 10:25
TRAVAILLEURS
Burnout vs Dépression
Différencier le « Burnout » de la dépression : le rôle du cortisol
Par Dre Sonia J. Lupien
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la dépression majeure deviendra en 2020 la deuxième cause d'invalidité
chez l'humain, après les maladies cardio- vasculaires. Cela constitue un bond phénoménal depuis quelques années.
La santé mentale en milieu de travail
Un travailleur sur deux qui va s'absenter du travail en raison de troubles de santé mentale va être absent pour une moyenne
de treize jours ou ne reviendra jamais au travail. En moyenne, les coûts associés pour une absence d’environ quarante
jours, par employé, sont de l’ordre de dix mille dollars. Une étude récente attribue à la dépression en milieu de travail des
coûts de l'ordre de 4,5 milliards $ canadiens.
Les effets à long terme
Cette situation comporte des conséquences négatives pour les quatre gros joueurs en milieu de travail : les compagnies
d'assurance, les employeurs, le système de santé mentale, et l'individu.
a- Les compagnies d'assurance
En 1991, 15% des réclamations d'assurance étaient liées à des troubles de santé mentale. Dix ans plus tard, ce chiffre a
presque triplé. Aujourd’hui, environ 40% des réclamations d'assurance sont liées à ce genre de troubles, ce qui coûte aux
compagnies d’assurance quelque quinze à trente-trois millions de dollars par année. À long terme, il risque d'y avoir une
diminution de la couverture d'assurance, ou du moins, une modification de sa nature compte tenu des coûts qui ne cessent
d'augmenter, de même que de la couverture d'invalidité élevée, à cause notamment du taux d'absentéisme dû auxdits
troubles.
b- L’employeur
1. LES COÛTS DE REMPLACEMENT ET DES ACTIONS EN JUSTICE
Les coûts pour l’employeur sont énormes et leurs différentes sources inter reliées. Premièrement, il y a les coûts pour
remplacer l'employé qui s'est absenté. En second lieu, il y a de plus en plus d'actions en justice prises par l’employé, contre
l’employeur qui sont liées au stress ou à la santé mentale. Elles ont doublé au cours des dernières années. Le meilleur
exemple pour illustrer le phénomène demeure l’étude du cas des entreprises américaines. En effet, les compagnies sont
tenues d'assurer le bien-être psychologique et la santé mentale de leurs employés. Or, l’augmentation des cas de stress
liés au surmenage au travail fait qu’actuellement aux États-Unis, neuf actions en justice sur dix sont couronnées de succès.
2. LES COÛTS DU PRÉSENTÉISME ET DE L’ABSENTÉISME
Ce qui coûte très cher aux compagnies, qu'on avait sous-estimé préalablement, et qui commence à devenir très important,
est ce que l’on qualifie de « présentéisme » ou « d'effet quidam ». Ce dernier phénomène se comprend du fait que le corps
est au travail, mais que la tête n'y est pas. Les employés qui souffrent de stress et/ou de troubles de santé mentale se
présentent donc au travail, mais leur performance diminue considérablement.
Une étude aux États-Unis a démontré que sur une période de deux semaines, l'absentéisme coûterait une heure par
employé, pour un total de huit milliards de dollars annuellement. Quant aux effets du présentéisme, cela équivaudrait à
quatre heures perdues par semaine, pour un total de trente-six milliards de dollars annuellement. Ceci laisse croire que le
présentéisme et les moyens potentiels pour le prévenir seront de plus en plus à l’ordre du jour des décideurs et des
chercheurs.
c- Le système de santé
Le « burnout » ou l'épuisement professionnel a été identifié en 1980; il n'existait pas auparavant. Il a été caractérisé comme
étant un trouble mental lié à une surcharge de travail, majoritairement dans les types de travail qui nécessitent une grande
empathie de la part du travailleur (ex., professeur, infirmière, médecin, etc.).
Aujourd'hui, le « burnout » est une entité psychiatrique très floue, ce qui cause une difficulté de diagnostic différentiel entre
le « burnout » et la dépression. Par ailleurs, il est très difficile pour un médecin traitant de diagnostiquer un « burnout »,
laissant place à la possibilité de nombreux abus.
En effet, une personne qui se présente dans un état de détresse psychologique ne peut être diagnostiquée d’une maladie
en particulier. Ceci pousse souvent les médecins à retirer cette personne de son milieu de travail et à lui prescrire une
évaluation en psychiatrie pour avoir une validation du diagnostic émis par le médecin de famille. Ceci a pour effet de
surcharger les listes d'attente déjà assez longues en psychiatrie. Plus la personne est tenue d’attendre, plus elle est en état
d’absentéisme prolongé.
Chez les psychiatres, c’est la grogne. Ils se plaignent de la surcharge qui souvent est liée à des cas non justifiés. Un groupe
de psychiatres dans le West Island a effectué une étude où seulement 25% des cas examinés qui étaient sur leurs listes
d'attente démontraient des troubles de « burnout » ou de dépression (Lalla F, Rosenberg L, Brown R. 2004. ‘Inappropriate
Interventions : An examination of how the medical model can complicate receovery and function’, December 3, 2004, PointeClaire).
d- L’individu
Être diagnostiqué pour un trouble de santé mentale n'est pas une chose facile pour un individu. En effet, ce diagnostic peut
longtemps lui coller à la peau. Ce diagnostic peut, à long terme, finir par l’affecter et le conduire vers une diminution de
l'estime de soi. Quant aux conséquences à long terme, cela se traduira par une perte de revenus et une évaluation négative
des pairs ou de la famille. De plus, retirer l’individu de son milieu de travail lorsqu’il souffre de trouble de santé mentale
signifie lui retirer le support social qui résulte de son interaction avec le milieu de travail.
En effet, l’employé passe en moyenne huit heures par jour dans un environnement social qui est presque devenu le seul
endroit pour des relations et du support social. À la maison, c’est la famille qui prend le relais. Le support social devient
ainsi le meilleur moyen de négocier les troubles de santé mentale. D’ailleurs, de plus en plus de psychiatres doutent de
l'efficacité de retirer le travailleur de son milieu de travail. Car, ce faisant, ils lui enlèvent ce support social dont il aurait
besoin pour mieux guérir.
En fin de compte, c’est l’individu qui est le grand perdant, car à part la souffrance, il risque une diminution de la couverture
d'assurance dont il a besoin, ainsi qu’une évaluation en santé mentale lors de l'entrevue pour un emploi. S'il s’avère
véritablement souffrant d’un problème de santé mentale, il devra prendre son mal en patience car les listes d'attente sont
surchargées, sans parler des coûts d’un mauvais diagnostic à tous les points de vue.
Quelle est la différence entre le « burnout » et la dépression ?
Depuis les années quatre-vingt-dix, les études menées au Centre d’études sur le stress humain ont démontré que le cortisol
avait une propriété intéressante. Cette hormone est sécrétée dans le corps pour générer tous les changements qui affectent
les autres hormones et elle a la particularité d’atteindre rapidement le cerveau. Auparavant, les chercheurs n’avaient jamais
pensé que les hormones pouvaient atteindre le cerveau.
Comme un stéroïde qui va traverser facilement la barrière hémato-encéphalique, elle accède au cerveau en presque huit
minutes. Elle commence alors à affecter l'hippocampe impliqué dans l’apprentissage et la mémoire.
Cela nous a permis de démontrer que lorsqu’une personne est exposée à long terme au cortisol, cette hormone en vient à
modifier la capacité de l’individu à détecter et négocier la nouveauté, à affronter l'imprévisibilité et à avoir une notion de
contrôle.
Après quinze années d'études, les chercheurs ont réussi à trouver des différences patho-physiologiques importantes entre
les personnes qui souffrent de « burnout » et celles qui souffrent de dépression : les individus qui souffrent de « burnout »
ne produisent pas assez de cortisol, comme si le corps décidait de faire la grève. À l'inverse, ceux qui souffrent de
dépression en produisent trop.
Actuellement cette hormone devient pour les spécialistes un « bio-marqueur » capable de détecter très tôt les cas à risque
de développer un « burnout » lorsque les taux diminuent, ou une dépression, lorsque les taux augmentent. Ce « biomarqueur » pourrait offrir un diagnostic différentiel entre le « burnout » et la dépression et permettrait d’aider au diagnostic
différentiel entre ces deux troubles de santé mentale chez les gens qui souffrent. De plus, ce bio-marqueur permettrait aussi
de détecter les abus. Ici, il est important de noter que si les spécialistes arrivent à détecter les abus, cela aidera les gens
qui souffrent véritablement, car, à long terme, ce sont eux qui vont payer trop cher.
L’importance de la détection précoce du cortisol
Pour déterminer son importance, les chercheurs ont étudié un nombre déterminé d’individus sur une période de quatre ans.
Les résultats qu’ils ont obtenus démontrent que ceux qui produisent trop de cortisol ont l'hippocampe atrophié de 14%.
Chez ceux qui sont exposés à cette hormone pendant trop longtemps, on a d’ailleurs observé des troubles de mémoire.
Le cortisol et le présentéisme
Le stress affecte l'apprentissage, la mémoire et la capacité d'être performant. Des essais au laboratoire ont démontré la
relation de cause à effet entre le cortisol et le présentéisme. Par exemple, le cerveau d’une personne stressée alors qu’elle
participe à étude clinique en rapport avec l'activation de son cerveau est inhibé par le stress. Un cerveau inhibé devient
évidemment improductif.
Conclusion : Comment traiter les cas détectés ?
Il existe trois possibilités de traitement : les drogues pharmacologiques, les politiques sociales et le pouvoir du savoir.
a- Les drogues pharmacologiques
Au Centre d'études sur le stress humain, les chercheurs et les spécialistes ne sont pas en faveur d'utiliser des drogues. Il
est très facile de contrôler cette hormone. Par contre, nous ne croyons pas que prévenir le stress implique une médication.
Le stress est généré par l’interprétation qu’ont les gens de leur environnement. Aider les gens à modifier leur perception de
cet environnement est beaucoup plus prometteur pour freiner l’épidémie du stress, que l’administration précoce de drogues
pharmacologiques.
b- Les politiques sociales
Les chercheurs scientifiques peuvent tenter d'influencer les politiques sociales en donnant des arguments convaincants.
Par contre, la communauté scientifique favorise évidemment la troisième voie, le pouvoir du savoir.
c- Le pouvoir du savoir
Une situation n'est stressante que si elle est interprétée comme telle. Si les chercheurs aidaient les personnes à reconnaître
ce qu’est le stress, cela aurait sans doute une incidence positive. En effet, en apprenant aux gens à détecter et gérer le
stress, nous pensons pouvoir réduire cette problématique chez les individus. Les études ont démontré que si une personne
reste chez-elle et rumine assez longtemps sur son manque de contrôle, elle finira par produire assez de cortisol pour avoir
des effets à long terme.
Pour pouvoir modifier la façon dont une personne traite l'information, il faudrait diminuer sa capacité de sécréter trop de
cortisol. On a calculé que si un tel projet devait être efficace chez seulement 10% des gens qui souffrent des effets du
stress sur la santé mentale, des économies nettes d’un milliard de dollars par année seraient générées.
Références
La nécessité d'investir dans la santé mentale au Canada Évaluation des coûts du stress au travail [PDF]
Source : http://www.stresshumain.ca/stress-et-vous/stress-chez-les-travailleurs/burnout-vs-depression
Centre d'études sur le stress humain (CESH) 2016-11-29
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