Le portrait de Sylvia von Harden

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Le portrait de
Sylvia von Harden
(Otto Dix, 1926)
I/ Le portrait de Sylvia von Harden est
né d’une rencontre entre Otto Dix et
une journaliste.
Otto Dix (1891-1969) est un peintre allemand associé
aux mouvements de l'expressionnisme et de
la Nouvelle Objectivité.
L'expressionnisme est né a la
fin du XIXème siècle. Il se
rattache souvent à une
atmosphère angoissante et
pessimiste qui a précédé et
suivi la Première Guerre
mondiale. L’esthétique des
œuvres expressionnistes est
donc violente et tourmentée.
L’Allemagne a été la terre
d’élection de ce mouvement
artistique.
Le Cri (Munch, 1893)
Portrait de groupe (Otto Dix, 1923)
La Nouvelle Objectivité est un mouvement artistique qui
est né en Allemagne dans les années 1920. Elle se
caractérise par une volonté de représenter le réel sans
fard, de manière froide et cynique.
Au cours de la Première Guerre mondiale, Otto Dix est un
soldat qui combat dans les tranchées et réalise des croquis
de paysages désolés et ravagés.
Otto Dix, comme les autres
artistes de sa génération, a été
profondément marqué par la
guerre et s’attache à représenter
dans ses œuvres la vie des
soldats, dans les tranchées et en
dehors.
Otto Dix s'intéresse aussi à la
réalité du laid: il peint avec un
style précis, caricatural et
grinçant.
Dans les années 1930, les nazis accusent Otto Dix de
produire un art « dégénéré »: de nombreuses œuvres de
l’artiste sont confisquées puis brûlées lors d’autodafés.
Zweig
En 1926, Otto Dix rencontre la journaliste
Sylvia von Harden au Romanischen Café.
Ce célèbre café de Berlin était fréquenté
par de nombreux écrivains et artistes.
Remarque
Je dois vous peindre ! Il le
faut absolument ! Vous
représentez toute une
époque !
Otto Dix
La journaliste
Sylvia von Harden
Vous voulez donc peindre mes yeux sans
éclat, mes oreilles biscornues, mon nez long,
ma bouche mince et mes longues mains,
mes jambes courtes, mes grands pieds, qui
ne peuvent qu’effrayer mais pas réjouir le
spectateur ?
89 cm
121 cm
Sylvia von Harden devant son
célèbre portrait en 1961
II/Sylvia von Harden est une
caricature de la femme émancipée.
La toile que je réalise est dans les tons
rouges avec pour seuls contrastes la table
en marbre et les parties découvertes de
Sylvia (mains, jambes, visage).
Je peins Sylvia à gauche de la toile,
accoudée de son bras droit au dossier
d’une chaise sur laquelle elle est assise.
Je suis habillée d’une
robe écossaise à damier
rouge et noir. L’un de
mes bas est tombé au
niveau du genou droit.
J’ai les cheveux noirs et
courts.
Mon corps est trop grand
et mes mains sont comme
déformées: celle de droite
tient une cigarette tandis
que celle de gauche est
posée sur ma cuisse. Mon
majeur droit porte une
bague sertie d’une pierre
rouge.
Je suis en train de fumer. Un verre de
Martini, un étui à cigarettes et une
boîte d’allumettes sont posés sur une
table en marbre blanc.
Mon visage a été enlaidi par
Otto Dix: mes dents sont
abîmées, mon nez est crochu
et mon teint est jaunâtre. Ma
bouche est outrageusement
maquillée.
Mes yeux globuleux sont
marqués par des cernes et
noircis par un maquillage
grossier. Je regarde dans le
vide à travers un monocle.
Vous ne savez pas à quoi
je pense… Néanmoins,
quelque chose vous
pousse à rentrer dans le
tableau et à vous asseoir
en face de moi, peut-être
en raison d’une absence
de «barrières», comme
d’autres tables, ou d’un
élément donnant plus de
profondeur, comme un
pilier, par exemple.
Cheveux courts, monocle, cigarettes, alcool : tels sont les
attributs des femmes émancipées, comme Sylvia von Harden,
qu’Otto Dix a pu voir attablées au célèbre Romanischen Café.
III/ Les « Années folles » donnent
naissance à la femme émancipée.
Avant la Première Guerre mondiale,
les femmes sont généralement
considérées comme des êtres
« mineurs » qui n’ont pas la capacité
de penser par elles-mêmes. Cette
« infériorité » intellectuelle leur
interdit de prétendre aux mêmes
droits que les hommes.
Les affaires politiques sont donc
considérées comme hors de portée
de l'esprit féminin et il n‘est donc
pas question que les femmes
puissent voter.
Les « munitionnettes »
Une « suffragette »
Pourtant, durant la Première Guerre mondiale, les femmes
vont remplacer les hommes partis au front: elles occupent des
emplois traditionnellement masculins dans les fermes et les
usines. Cette situation a provoqué, dans les esprits, une remise
en question sur les capacités des femmes. Les « suffragettes »
vont alors lutter pour l’émancipation des femmes et pour
l’égalité des sexes.
Ainsi, en 1918, les Britanniques
obtiennent le droit de vote à
partir de 30 ans (les hommes
pouvaient, eux, voter dès l'âge
de 21 ans). L'égalité est établie
dix ans plus tard, lorsque les
femmes sont autorisées à voter
dès 21 ans en 1928.
Toutefois, il faut attendre 1944
pour que la France accorde aux
femmes le droit de vote. Les
Françaises sont désormais des
citoyennes à part entière: elles
peuvent voter mais également
être élues.
A la fin des années
1920, le veston, le
pantalon, la chemise
et le nœud papillon
sont progressivement
adoptés par certaines
femmes de l’élite
intellectuelle.
L’actrice Charlotte
Andler (1929)
C’est alors que le terme « garçonne » est apparu: il qualifie un
type de mode qui s'est manifesté pendant les « Années folles »,
entre 1919 (au lendemain de la Première Guerre mondiale) et 1929
(au début de la crise mondiale).
Le pantalon, emblème de la
mode masculine, apparaît dans
la garde-robe féminine même
s'il était déjà porté pour le ski,
l'équitation ou le golf.
Violette Morris
L’actrice Louise Brooks
Le terme « garçonne » devient alors synonyme de femme
émancipée: issue de l’élite intellectuelle, active et autonome, libre
de ses mouvements - elle sort, danse, fume, a des pratiques
sportives ou de plein air, conduit une automobile, voyage - et aux
mœurs libérées.
CONCLUSION
Ce portrait sans concession de
Sylvia von Harden est né
d’une rencontre entre Otto
Dix et une journaliste. Sylvia
von Harden incarne la femme
émancipée issue de l’élite
intellectuelle des années 1920
qui fume, porte les cheveux
courts et se maquille de façon
agressive.
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