LA HAUSSE DES TAUX S’EST PRODUITE. ET MAINTENANT? Les perspectives d’Eric Lascelles, économiste en chef Le 16 décembre 2015 Avec l’annonce d’une hausse de taux de 0, 25 % (de 25 centièmes ou points de base), la Réserve fédérale américaine (la Fed) a désormais officiellement amorcé le premier nouveau cycle de resserrement de sa politique monétaire en 11 ans et elle a enfin dit adieu à sept étonnantes années de politique de taux à un niveau plancher de zéro pour cent. La hausse de taux s’est produite, pourrait-on dire, de la meilleure façon possible pour les investisseurs : Son aboutissement ne surprend en rien les marchés. On a voté de façon unanime. La Fed a réussi à mettre en place des perspectives économiques positives de manière cohérente. La Fed a mis l’accent sur le fait que tout resserrement supplémentaire de sa politique se ferait très lentement. Examinons chacun de ces points de façon plus détaillée. Les attentes En premier lieu, les marchés s’attendaient à ce dénouement. La Fed a lancé des signaux - quoique de façon épisodique plus tôt cette année et particulièrement aux environs de la tenue de sa réunion de septembre - et a, en fin de compte, réussi à faire savoir aux marchés qu’il y avait une forte probabilité que cette hausse se produise en décembre. Plus encore, la plupart des signaux économiques s’harmonisent avec le geste de la Fed : le taux de chômage est actuellement de juste 5,0 % et l’inflation de base se situe à 2 %, indiquant qu’un taux à un niveau plancher n’était plus de mise. Par conséquent, il n’y a pas de précipitation nécessaire sur les marchés des capitaux. De même, les actions de la Fed ne seront vraisemblablement pas interprétées comme une erreur sur le plan de sa politique monétaire. Les convictions des gouverneurs En deuxième lieu, un vote à l’unanimité indique que la Fed a un fort degré de conviction par rapport à ses initiatives et à ses prévisions. Une indication additionnelle de cela est que l’éventail des anticipations des participants du conseil de la Fed pour le niveau des taux de sa politique monétaire en 2016 s’est nettement rétréci. Cela dit, il semble y avoir eu une certaine dissension à l’interne, alors que les soi-disant graphiques à points laissaient entrevoir que deux présidents régionaux de la Fed sans droit de vote préféraient voir la politique des taux inchangée à cette réunion. Toutefois, même cela est une amélioration; quatre participants avaient préféré ne pas relever les taux en 2015 lorsque l’on avait sondé les opinions des gouverneurs du conseil en septembre. Page 1 de 4 La hausse des taux s’est produite. Et maintenant? Bilan de santé de l’économie Troisièmement, les perspectives économiques de la Fed étaient assez optimistes. Son principal message était que la croissance avait été assez modérée, et qu’elle devrait le demeurer. Cela était en rien différent de ce qui avait été dit précédemment. De manière similaire, la Fed reconnaissait le clivage entre de bonnes dépenses à la consommation des ménages, les investissements des entreprises et la croissance du marché de l’habitation et des exportations affaiblies. Mais, à la limite, quelques commentaires des autorités monétaires ont révélé une interprétation plus optimiste de la situation. Cet optimisme relève en partie au monitoring des données récentes. La Fed a rehaussé son évaluation et ses perspectives pour le marché du travail et en est arrivée à la conclusion que l’excédent dont faisait l’objet le marché de l’emploi avait « diminué considérablement » depuis le début de l’année. Selon une perspective fondée sur les chiffres, les prévisions sur le PIB de la Fed ont été très légèrement révisée à la hausse pour 2016 (de 2,3 % à 2,4 %) et les prévisions sur le chômage ont été abaissées quelque peu de 2016 jusqu’en 2018 à tout juste 4,7 %. Contribuant à faire pencher la balance plus encore dans la bonne direction, la Fed a conclu en dernier lieu que les risques posés par ses perspectives économiques sont « équilibrés ». On avait décrit plus prudemment ces risques comme étant « presque équilibrés » depuis un certain temps. Ce qui n’a pas été évoqué est tout aussi important. La Fed n’a pas exprimé de nouvelles préoccupations au sujet des données médiocres récentes provenant de l’indice ISM du secteur manufacturier et n’a pas vu la pertinence de souligner la récente volatilité sur le marché obligataire des titres à rendement élevé dans son communiqué officiel. Un des éléments pouvant s’avérer légèrement négatif est peut-être que la Fed reconnaît que certaines mesures de l’inflation anticipée basées sur des sondages ont fléchi (par rapport à des niveaux qui sont déjà bas) et elle a revu à la baisse ses prévisions sur l’inflation de 0,1 % pour les années 2016 et 2017. La future trajectoire des taux Le participant moyen de la Fed est encore en quête de quatre autres hausses de taux en 2016 (selon une politique avec une fourchette de taux entre 1, 25 % et 1,50 %), mais la distribution des attentes autour de cette médiane s’est rétrécie et a chuté de manière significative. Alors que quatre participants étaient d’avis que le taux des fonds fédéraux de la Fed terminerait l’année 2016 au-dessus de 2 %, lors des dernières prévisions, il n’y avait plus qu’un seul participant qui partageait cette opinion. Pour le dire autrement, le graphique à points de la moyenne en septembre indiquait un taux des fonds fédéraux à 1,48 % vers la fin de 2016, contre 1,29 % à peine lors des plus récentes prévisions. Nous nous attendons à trois autres hausses de taux de plus en 2016 – soit un peu moins que ce que la Fed envisage. Le niveau prévu du taux de la politique monétaire de la Fed a aussi été rabaissé pour les années subséquentes. Par exemple, les attentes médianes ont chuté de 25 pb pour 2017, ainsi que légèrement en 2018. Signalant une volonté fort bienvenue de changer de trajectoire en fonction des exigences de la situation, la Fed a souligné que la « trajectoire actuelle du taux des fonds fédéraux dépendra des perspectives économiques qui seront étayées par les données qui nous parviendront ». Cela sert à mettre l’accent sur le fait que la Fed pourrait très bien se trouver de nouveau sur la touche pour de longues périodes de temps alors qu’elle attendra des signaux économiques positifs de l’économie, surtout dans le sillage de cette première hausse de taux symbolique. Tout aussi important que la trajectoire plus lente des hausses de taux d’intérêt est l’engagement de la Fed à ne pas réduire l’ampleur de son immense bilan « jusqu’à ce qu’il y ait une normalisation bien en place du niveau du taux des fonds fédéraux ». Page 2 de 4 La hausse des taux s’est produite. Et maintenant? Se pencher sur les préoccupations que cela soulève Naturellement, le début d’un nouveau cycle de resserrement de la politique monétaire a tendance à soulever une grande quantité de préoccupations. Nous percevons les conséquences économiques de cette hausse de taux comme étant assez peu importantes. Une seule hausse de taux soustrait pas plus que 0,1 % à 0,4 % à la croissance économique lors de l’année qui suit (et nous croyons que ce chiffre est plus près du 0,1 % de manière réaliste). Les récessions ne sont tout simplement pas provoquées par un seul relèvement de taux, ou même plusieurs hausses de taux consécutives. Le marché des titres d’endettement à rendement élevé a été une source d’inquiétudes pour les marchés récemment. La présidente de la Fed Janet Yellen a abordé cet enjeu lors de la période de questions qui a suivi l’annonce, en indiquant que la Fed évaluait le sujet soigneusement, mais elle a minimisé ces inquiétudes en adoptant le point de vue que « plusieurs facteurs devraient contribuer à juguler les débordements ». Nous avons depuis longtemps identifié un ensemble de risques associés aux créances dans le monde et nous reconnaissons qu’une possible combinaison de quatre catalyseurs - les hausses des taux de la Fed, un billet vert vigoureux, une croissance au ralenti sur les marchés émergents et la chute des cours des matières premières et semi-ouvrées - pourraient éventuellement déclencher des problèmes. Comme tel, l’amorce de ce cycle de resserrement de la politique monétaire des É.-U. - si elle est en soi sans grande importance en ce sens qu’elle ne fait que de hausser légèrement les coûts des emprunts - pourrait encore mettre à jour certains excès. Nous suivons de très près tout signe de problèmes, mais nous fonctionnons selon l’hypothèse que le marché a déjà composé avec trois de ces problèmes en puissance depuis la période estivale, compte tenu à quel point cette hausse avait été annoncée à l’avance. Un autre sujet de préoccupation est que le cycle économique pourrait approcher de sa fin. Chose intéressante à noter, les graphiques à points montrent qu’il y a une nouvelle mais petite cohorte de participants qui semblent penser que 2018 pourrait marquer la fin du cycle de resserrement (nous assumons en raison des inquiétudes que le cycle économique actuel prendrait alors fin). Deux participants de la Fed voient désormais des taux des fonds fédéraux au jour le jour à 2,125 % et 2,5 % à la fin de 2018. La prévision la plus basse précédemment était de 2,875 %. Notre propre perception est que le cycle économique a, dans les faits, atteint sa maturité, soulevant le risque d’un recul des marchés au cours de plusieurs des prochaines années. Cependant, nous ne pouvons voir ce virage se produire actuellement. En conclusion Notre principal message est que la Fed a réussi à relever les taux sans trop perturber les marchés. En effet, le contenu des communications associées à cette décision est aussi positif que ce à quoi on pourrait s’attendre pour les investisseurs ; une évaluation positive de l’économie en lien avec des politiques des autorités monétaires assez prêtes à faire des compromis (du moins par rapport à ses attentes). Selon notre vision des choses, il fort peu probable que la Fed relève les taux lors de sa prochaine réunion le 27 janvier prochain. Les graphiques dont se sert la Fed suggèrent qu’elle a un modèle pour chaque deuxième réunion qui est notre hypothèse par défaut. Comme telle, la réunion du 16 mars méritera que l’on y porte plus attention. Cela dit, nous croyons qu’il y a une assez bonne chance que ce resserrement sera espacé encore plus que cela selon l’évolution de la situation économique et financière. Les interprétations du marché ont été prises d’assaut à plusieurs reprises, mais elles se précisent (correctement) ces jours-ci pour se traduire en une interprétation positive pour les éléments d’actif comportant un risque. Le dollar est légèrement plus élevé, les rendements obligataires sont en hausse et les cours boursiers sont en remontée aux É.-U. Un resserrement de la politique monétaire de la Fed à moyen terme devrait théoriquement relever les taux d’intérêt pour tout un éventail d’instruments financiers à revenu fixe, quoique nous soyons d’avis que toute hausse devrait être modeste en raison des autres puissantes forces baissières en jeu qui demeurent présentes. Les marchés boursiers n’ont jamais aimé dans la passé les cycles de resserrement des politiques monétaires, mais ils ont toutefois été en mesure de poursuivre leur progression à la hausse en moyenne lors de ces cycles. Page 3 de 4 La hausse des taux s’est produite. Et maintenant? Les opinions et les énoncés prospectifs présentés ici correspondent à notre jugement au 16 décembre 2015 et peuvent être modifiés sans préavis; ils sont présentés de bonne foi, mais n’impliquent aucune responsabilité légale. Ces déclarations comportant des incertitudes et des risques inhérents, il se peut que les prédictions, les prévisions, les projections et les autres déclarations prospectives ne se réalisent pas. Nous vous recommandons de ne pas vous fier indûment à ces déclarations, puisqu’un certain nombre de facteurs importants pourraient faire en sorte que les événements ou les résultats réels diffèrent considérablement de ceux qui sont mentionnés, explicitement ou implicitement, dans les déclarations prospectives. Dans la mesure autorisée par la loi, ni RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., ni ses sociétés affiliées, ni aucune autre personne n’assume une responsabilité quelconque à l’égard de toute perte découlant directement ou indirectement de l’utilisation des renseignements que contient le présent document. ® / MC Marque(s) de commerce de la Banque Royale du Canada, utilisée(s) sous licence. © RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. 2015. Page 4 de 4