Chapitre 1_Introduction

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PREMIERE PARTIE
INTRODUCTION GENERALE, PRESENTATION DE LA ZONE
D’ETUDE, MATERIEL ET METHODE
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
CHAPITRE I
INTRODUCTION GENERALE
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
CHAPITRE I. Introduction générale
I.1. Cadre conceptuel de l’étude
I.1.1. La conservation de la biodiversité centrée sur les espaces protégés
La conservation des espaces a une longue histoire en Afrique (Mengue-Medou, 2002). Pour
des considérations coutumières ou religieuses, plusieurs espaces forestiers riches en espèces
animales et végétales étaient traditionnellement protégés (Hannah, 1992). En Afrique subsaharienne, les réglementations en matière de conservation de la nature (flore et faune) et de
la délimitation de leurs territoires d’application sont largement héritées du passé colonial
(Compagnon, 2001). En effet, la raréfaction du gibier a progressivement conduit dans cette
partie de l’Afrique à passer d’une stratégie de préservation utilitaire à une stratégie de
conservation de la nature (Giraud et al., 2004). C’est ainsi que les zones d’exploitations
forestières sont mises en protection sous forme de forêts classées, de parcs ou de réserves
cynégétiques (Roulet, 2007). La création d’espaces protégés en Afrique subsaharienne a
connu une progression croissante dès les années 1950 (Rodary & Castellanet, 2003). Les
espaces protégés préservent des écosystèmes clés contre la perte de la biodiversité et offrent
des laboratoires uniques pour enquêter sur le fonctionnement et la complexité des
écosystèmes (Myers et al., 2000). Ils comprennent 3 catégories principales : les Parcs
Nationaux, les Réserves Naturelles généralement de surface plus restreinte et les Réserves de
Biosphère (Dajoz, 2006).
Dans de nombreuses régions d’Afrique, la notion de Parc National a subi dans une large
mesure l’influence de la «Convention de Londres» de 1933, qui visait à souligner que
l’exclusion autant que possible de toutes les activités humaines maintiendraient les Parcs dans
un état intact et n’entraîneraient aucune modification essentielle (Giraud et al., 2004). Un parc
national est une aire protégée, un espace, un territoire relativement étendu qui présente un ou
plusieurs écosystèmes généralement peu ou pas modifiés par l’occupation ou l’exploitation
humaine où les espèces végétales ou animales, les sites morphologiques de l’habitat offrent un
intérêt capital du point de vue scientifique, éducatif et récréatif, et aussi dans lesquels existent
des paysages naturels de grandes valeurs esthétiques (Knobel, 1962 cité par Sinsin, 1985). Ce
territoire est soustrait autant que possible de toutes les activités humaines afin de le maintenir
dans un état pratiquement intact pour assurer à long terme la conservation de la nature ainsi
que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés (Dudley, 2008).
L’expression « service écosystémique » est apparue dans la littérature écologique dans la
décennie 1980, même si les racines sont bien antérieures (Barbault, 2008). C’est un concept
nouveau défini comme étant « les bénéfices fournis aux sociétés humaines par les
écosystèmes » (Daily et al., 1997 ; Barbault, 2008). Le mot ‘’bénéfices’’ fait penser qu’il y a
comparaison comptable des coûts et des revenus. Il semble inapproprié puisque cette
comptabilité n’est pratiquement jamais réalisée. Il serait préférable de dire que ces services
sont "l’ensemble des biens matériels et culturels qui sont procurés à la collectivité par le
territoire étudié" (Godron, 2012).
Ce concept est de plus en plus reconnu comme un moyen d’encourager la discussion sur la
dépendance des populations à la nature en particulier sa dimension sociale et économique
(Daily et al., 1997). Son emploi renvoie à une démarche générale qui vise à montrer les
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
services rendus par les écosystèmes en vue de justifier la conservation (Ehrlich & Wilson,
1991).
I.1.2. Les réserves de biosphère, un concept clé d’aménagement
Jusqu’à la fin des années 1970, la conservation de la biodiversité en Afrique a été largement
centrée sur la création et le maintien d’aires protégées formelles (Hanon, 2008) avec des
politiques de gestion basées sur le contrôle des frontières séparant les territoires protégés du
monde extérieur (Rodary & Castellanet, 2003). Cette politique de gestion des aires protégées
a montré ses limites pour assurer l’intégrité des parcs et réserves (Hanon, 2008). Ce constat
fait suite à la prise de conscience de la communauté scientifique, qui fait remarquer que
l’isolement écologique des aires de conservation sous la pression extérieure peut entraîner un
appauvrissement de la diversité génétique des populations des plantes et d’animaux qui y sont
confinés (Schroeder, 1999 ; Osborn & Parker, 2003). Dans le but de sauvegarder les
populations de grands mammifères emblématiques dont les domaines vitaux dépassent
souvent largement les superficies des aires protégées (Schroeder, 1999), l’idée d’entourer ces
aires d’un zonage concentrique, s’est matérialisée sous le concept de « zone de tampon »
(Martino, 2001 ; Roadary & Castellanet, 2003). Cette zone de tampon est soumise à un
contrôle d’intensité progressive de l’occupation du sol et de la chasse (Hall & Rodgers, 1992 ;
Hanon, 2008). Cette mesure de préservation des limites des aires protégées isolées en tant que
nouvel espace d’aménagement est à la base du nouveau modèle d’aménagement, la « Réserve
de Biosphère ».
Les réserves de Biosphère sortent du cadre général des espaces protégés. Le concept est
porteur d’innovation dans la façon d’appréhender les relations entre les populations et les
milieux naturels protégés (Bouamrane, 2007). On entend par biosphère tout ce qui est vivant à
la surface du globe, aussi bien dans les milieux terrestres que dans les milieux marins et
lacustres. Les réserves de biosphère sont des « aires protégées portant sur des écosystèmes
terrestres et côtiers/marins, reconnues au niveau international dans le cadre du Programme de
l’Organisation des Nations Unies pour la Science l’Education et la Culture (UNESCO) sur
l’Homme et la Biosphère (Man and Biosphère : MAB) ». Le MAB est l’un des plus grands
programmes scientifiques intergouvernementaux de l’UNESCO centré sur l’interaction entre
l’Homme et son environnement (UNESCO, 1996). Le concept de réserve de Biosphère a été
mis au point en 1974 par un groupe de travail du Programme sur l’Homme et la biosphère
(MAB) de l’UNESCO. Lancé en 1976, il comportait en 2009, 553 réserves de biosphère
réparties dans 107 pays. Ce réseau constitue une composante clé pour l’atteinte des objectifs
du MAB à savoir, assurer un équilibre durable entre les nécessités parfois conflictuelles de
conservation de diversité biologique et de promotion de développement économique et
social ; sauvegarder les valeurs culturelles qui y sont associées. Les réserves de Biosphère
sont des sites où ces objectifs sont testés, affinés, appliqués et vulgarisés. Ainsi, elles sont
conçues pour répondre à l’une des questions les plus essentielles qui se posent au monde
d’aujourd’hui : comment concilier la conservation de la biodiversité et des écosystèmes avec
leur utilisation durable ?
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Les réserves de biosphère sont proposées par les Gouvernements nationaux, chacune d’entre
elles devant répondre à un certain nombre de critères et remplir un minimum de conditions
avant d’être admise dans le réseau. Concrètement, chaque réserve de biosphère doit contenir
trois éléments ou zones avec des caractéristiques et des objectifs bien définis (tableau 1)
(UNESCO, 1996 ; Price, 2002).
De par leur constitution, les réserves de biosphère sont destinées à remplir trois fonctions
complémentaires :
- fonction de conservation dont l’objectif est de préserver les ressources génétiques, les
espèces, les écosystèmes et les paysages ;
- fonction de développement pour encourager un développement économique et humain
durable ;
- fonction de support logistique pour soutenir et encourager les activités de recherche,
d’éducation, de formation et de surveillance continue, en relation avec les activités d’intérêt
local, national et global, visant la conservation et le développement durable.
Tableau I.1. Zonage, caractéristiques et objectifs d’une réserve de biosphère (UNESCO,
1996).
Zonage
Zone ou aire
centrale
Caractéristiques
Objectifs
Grande valeur écologique Conserver la biodiversité ; surveiller les
Protection à long terme
écosystèmes.
Zone de
tampon
Entoure les aires
centrales
Zone de
transition
la zone à usages
multiples qui entoure la
zone de tampon
Encourager des pratiques respectueuses de
l’environnement (écotourisme, les loisirs,
l’éducation environnementale, la recherche
appliquée et fondamentale)
Une zone de coopération contenant les
communautés locales et les partenaires
soucieux
d’éviter
toutes
activités
destructrices de l’environnement, de
travailler ensemble pour gérer et
développer durablement les ressources de
la zone
A travers ces objectifs clairement affichés, les réserves de biosphère se trouvent aujourd’hui
en conformité avec les principes clés du développement durable et sont mises en marche pour
contribuer à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), en
particulier l’objectif 7 permettant d’assurer un environnement durable.
Il convient de préciser à ce niveau que les aires protégées en général et les réserves de
biosphère de façon spécifique ne doivent pas être considérées comme des espaces isolés
excluant toutes interactions avec l’Homme. L’espace protégé doit prendre en compte
l’Homme et ses préoccupations. Pour cela, il doit s’intégrer dans un processus
d’aménagement du territoire tout en étant porteur de projet de société de différents acteurs.
En effet, l’expression "classer en réserve de la biosphère" est inappropriée (Union
Internationale pour la Conservation de la Nature [UICN, 2009]). L’UICN estime que ce
concept d’aménagement, avec sa succession de zones concentriques, correspond rarement aux
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
réalités du terrain. Cette forme d’organisation de l’espace n’aura fait que contribuer à la
dégradation des ressources forestières et fauniques (UICN, 2009). Compte tenu des difficultés
actuelles dans l’application du schéma trop théorique d’une réserve de la biosphère, il serait
sûrement plus utile selon l’UICN (2009) de traiter la seule préoccupation qui compte :
comment aménager la zone périphérique d’une aire protégée pour y assurer un gradient
décroissant d’activités anthropiques au fur et mesure que l’on se rapproche du noyau central?
I.1.3. Que recouvre le terme biodiversité ?
La biodiversité, contraction de diversité biologique, a été introduite au milieu des années 1980
par les naturalistes qui s’inquiétaient de la destruction rapide des milieux naturels tels que les
forêts tropicales (Levêque & Mounolou, 2008). Elle est devenue depuis ce jour le cadre de
réflexion et de discussion dans lequel on est amené à revisiter l’ensemble des questions
posées par les relations que l’Homme entretient avec les autres espèces et les milieux naturels
(Levêque & Mounolou, 2008).
La biodiversité est définie comme la variabilité au sein des organismes vivants, toutes
origines confondues : terrestres, marines d’autres milieux aquatiques et systèmes écologiques
complexes auxquels ils appartiennent, ceci y compris la diversité intraspécifique et
interspécifique dans l’écosystème » (Harper & Hawkswork, 1996). Pontégnie (1999) soutient
que c’est “un ensemble de dynamiques qui intègre la totalité de la diversité du vivant en
termes de nombre, variété et variabilité de ses composantes à tous ses niveaux d’organisation
(gènes, génotypes, phénotypes, populations, écotypes, espèces, genres, familles, biocénoses,
écosystèmes, écocomplexes, …) à une échelle spatiale précise”. Cette définition met en
évidence la complexité des notions de diversité (Senterre, 2005). Ce dernier stipule que le
premier à avoir formalisé cette complexité est Whittaker (1960) qui scinda la diversité en
composantes, et selon une échelle allant du local au régional. Pavoine (2005) indique que le
mot "biodiversité" est apparu peu à peu quand on a pris conscience de la disparité des espèces
de la planète et de la disparition depuis tout temps de certaines d’entre elles.
La biodiversité, quelles que soient les approches et la complexité de ses définitions apparaît
comme synonyme du vivant, de la vie (Aubertin & Vievien, 1998), la propriété qu’ont les
systèmes vivants d’être distincts, c’est-à-dire dissemblables (Pavoine, 2005). La biodiversité
comporte trois attributs interdépendants d’ordre compositionnel, structurel et fonctionnel
(Noss, 1990). Elle se rapporte donc le plus souvent au nombre, à la variété et à la variabilité
des organismes vivants et s’appréhende selon Barbault (1995) suivant trois niveaux de
perception : diversité génétique (similarité génétique entre individus), diversité des espèces
(nombre et abondance des espèces) et diversité des écosystèmes (nombre d’écosystèmes ou
d’habitats). Il s’agit donc selon Levêque & Mounolou (2008) d’un système d’interactions au
sein et entre les niveaux d’organisation du monde vivant, ainsi qu’aux facteurs liés à
l’environnement physico-chimique.
La Conférence Internationale sur la Biodiversité (CIB) intitulée : « Science et Gouvernance »
tenue en 2005 en France a retenu la déclaration suivante « la biodiversité constitue un
patrimoine naturel et une source vitale pour toute l’humanité, en cours d’érosion irréversible
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
par les activités humaines et qui nécessite un effort majeur pour la découvrir, la comprendre,
la conserver et l’utiliser durablement ». L’Homme est reconnu comme responsable de
l’érosion sans précédent que connaît actuellement la diversité biologique (Vitousek et al.,
1997 ; Pimm, 2002). Le taux d’extinction des espèces augmente et le processus de spéciation,
qui crée de la biodiversité future est sévèrement contraint par l’élimination d’habitats contigus
(May et al., 1995). Actuellement, nous vivons une phase d’accélération du rythme
d’extinction des espèces 100 à 1000 fois supérieur aux rythmes déduits de données
paléontologiques selon le programme des nations unies pour l’environnement (PNUE, 2005).
C’est cette réalité qui nécessite une augmentation de l’intérêt des hommes pour l’étude de la
diversité biologique (May et al., 1995 ; Lavergne, 2003).
De cette déclaration de la CIB, de nombreux pays dont le Mali à travers le Ministère de
l’Environnement ont élaboré un document relatif à la situation générale de la diversité
biologique à l’échelle nationale (Ministère de l’Environnement et de l’Assainissement
[MEA], 2005). Le même travail a été effectué dans presque tous les pays membres du Comité
inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS). Parallèlement, dans lesdits pays, les
différentes aires protégées, parcs biologiques, forêts classées et jardins botaniques qui
existaient bien avant, constituent aujourd’hui un patrimoine dans la conservation de la
diversité biologique.
La biodiversité regroupe à la fois le nombre et l’abondance relative des espèces mais aussi les
interrelations entre les êtres vivants et leur milieu d’une part et entre eux d’autre part. De ce
fait, elle s’intègre dans le concept général de l’écologie. C’est cette définition qui a été
adoptée pour aborder cette thèse et sur laquelle nous nous baserons pour comprendre et
connaître la variation de la biodiversité végétale dans la réserve le long du gradient de
perturbation et proposer des mesures pour sa conservation et son utilisation durable.
Le terme de gradient implique un changement unidirectionnel qui peut être continu ou discret
(Walters, 1973). Lorsque la valeur d’un paramètre environnemental particulier (latitude, pH,
température, précipitations, altitude…) change dans l’espace, on parle de gradient
environnemental (Gaucherand, 2005). Les gradients permettent de rechercher au sein des
écosystèmes les relations entre les conditions du milieu, la distribution et l’abondance des
espèces, et les traits biologiques de ces espèces (Gaucherand, 2005).
Dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes intéressés à la biodiversité végétale le long
des gradients géomorphologique (toposequence) et de perturbation (degrés de pressions
anthropiques vue l’intensité d’usage des ressources végétales des zones périphériques (zones
agrosylvopastorales) vers les zones intégralement protégées) de la réserve de Fina.
Partie intégrante de la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé (cf. 1.2. problématique et
1.6. généralités sur le milieu), la réserve de Fina se caractérise par une grande variabilité des
conditions climatiques et édaphiques se traduisant par une grande diversité des types de
végétation, ainsi que des usages (Heringa et al., 1988). Quatre principaux facteurs
déterminent la structuration et le fonctionnement des écosystèmes de la réserve: le facteur
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
hydrique (humidité des sols), le contenu en nutriments des sols, les feux de brousse et
l’exploitation (cultures, pâturage, exploitation du bois, cueillette…). Les deux premiers jouent
un grand rôle dans la germination, la production et la reproduction des végétaux, tandis que
les deux derniers détruisent ou maintiennent un certain équilibre entre les plantes.
En effet, le feu et la pâture considérés en milieu naturel comme déterminants secondaires par
Belsky (1992) prennent par contre toute leur importance surtout en milieu anthropisé. La
réserve subit continuellement de pression assez croissante des agriculteurs toujours en quête
de nouvelles aires de cultures. Ceci entraîne une baisse de la fertilité des sols, qui sont
considérés initialement comme pauvres avec une teneur très faible en azote, phosphore,
calcium et potassium (Heringa et al., 1988 ; Yossi, 1996). Le temps de jachères n’étant plus
suffisant pour recréer la fertilité du milieu, il ralentit la reconstitution de la strate arborée par
compétition avec la strate herbacée (Mitja, 1990).
Actuellement, dans la réserve, les paysages sont constitués par une mosaïque de champs
cultivés, de jachères à divers stades de reconstitution et des zones protégées (Fournier et al.,
2001). Ces paysages ont un équilibre de plus en plus fragilisé par l’Homme dont l’action se
caractérise toutefois par la puissance et l’étendue de son impact sur les écosystèmes. Chacune
de ses actions a un impact sur les écosystèmes, transformant les conditions de milieu ou les
interactions biotiques au sein des peuplements (Mitja, 1990).
1.1.4. Perturbations et stress comme moteurs de diversité
L’écologie des perturbations représente un domaine complexe, difficile à synthétiser et pour
lequel toute tentative de généralisation semble être un exercice particulièrement délicat
(White & Jentsch, 2001). Le terme perturbation ou modification au centre de notre étude est
défini comme :
- une rupture dans l’écosystème induit par un facteur externe, qui ne fait pas partie du
fonctionnement normal du système et qui remet en cause son organisation, c’est-à-dire, qui lui
fait dépasser ses capacités de résilience et de régulation (Bazzaz, 1983 ; Montalvo et al., 1993).
- un évènement aléatoire et discret dans le temps causé par des agents d’origine naturelle ou
humaine qui désorganise la structure et/ou de la composition d’écosystèmes, de communautés
ou de populations, modifie l’allocation des ressources et l’environnement physique (Picket &
White, 1985; Laska, 2001).
- un processus agissant au niveau des individus en altérant ou détruisant leur biomasse (Grime,
1979). Ce dernier la distingue du stress ou contrainte, considéré comme un processus qui limite
la production de biomasse. Le stress s’exerce donc sur la productivité, l’efficience de
l’écosystème sans affecter son fonctionnement global (Grime, 1977) mais, entraîne une déviation
marquée des éléments du système par rapport à leurs valeurs normales (Délabre, 1998). A
l’inverse, les perturbations se traduisent par les changements de la structure qui affectent le
fonctionnement de l’écosystème (Délabre, 1998 ; Jauffret, 2001). Lorsque la perturbation
devient structurelle (ex: pâturage) certains auteurs considèrent qu’il s’agit d’un stress, de
même lorsque le stress est aléatoire (ex: canicule, sécheresse exceptionnelle), il est assimilé à
une perturbation (Lévêque, 2001). Par exemple, le stress peut résulter d’un manque (ou excès)
d’eau, de lumière, de minéraux ou de chaleur qui réduise la production photosynthétique
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
(Grubb, 1985). Cet auteur et de nombreux autres ont utilisé le mot "stress" sans l'avoir bien
défini, en le confondant trop souvent avec la "contrainte" exercée par l'environnement et la
"réaction" du système biologique soumis à cette contrainte. Par exemple, ils ne distinguent pas,
quand ils parlent du "stress" hydrique, la sécheresse de l'atmosphère, qui est une contrainte, et la
souffrance physiologique de la plante. Ils se privent ainsi de la possibilité d'analyser
cybernétiquement la diversité des réactions des plantes à la sécheresse. Cette analyse est pourtant
très riche selon Mooney & Godron (1983) puisqu'elle conduit à voir les effets de la contrainte sur
les caractères de l'écosystème étudié : la structure spatiale, la stabilité, la caractérisation
thermodynamique, la situation biogéographique, la tactique ou la stratégie des espèces.
Des essais menés sur le site de Banizoumbou ont montré que l’arrêt du ruissellement
provoquait un stress hydrique important sur la bande de végétation aval, voire la sénescence
de certains ligneux (Delabre, 1998 ; Fournier et al., 2001). La réponse au stress dépend
également de l’espèce considérée. Dans les habitats particulièrement stressés, certaines espèces
peuvent ne pas « ressentir » ce stress et être ainsi adaptées aux conditions locales : cas de Guiera
senegalensis, Combretum glutinosum qui colonisent le plus souvent les espaces dégradés dans la
réserve (Fournier et al., 2001).
Dans les savanes, Breman & Kessler (1995) indiquent que le feu, le pâturage et la coupe
sélective des arbres liés aux activités anthropiques constituent les stress multiples auxquelles
font face ces écosystèmes. La régularité du régime des perturbations a permis aux organismes
de s’y adapter. La réserve de Fina n’échappe pas non plus à ces différentes pratiques d’origine
anthropique. Les mutilations et les coupes qui y sévissent ont une action sélective sur la strate
ligneuse. Combretum micranthum est plus rapidement éliminée que Guiera senegalensis sous
l’action des coupes successives (Frost et al., 1986 ; Delabre, 1998).
Le rôle moteur de l’influence des perturbations sur les organismes vivants, en particulier les
végétaux, est maintenant largement reconnu (Grime 1979 ; Tilman, 1990 ; Whittaker et
al., 2001). Les perturbations jouent un rôle important dans le maintien de la biodiversité car
elles sont sources d’hétérogénéité (Burel & Baudry, 2003 ; Olofsson et al., 2008), dans ce
sens qu’elles créent ou libèrent les niches écologiques (Connell, 1978 ; White & Jentsch,
2001). Cette hétérogénéité créée par les perturbations est souvent évoquée pour expliquer
leurs impacts sur la diversité (Glenn et al., 1992 ; Olofsson et al., 2008).
La réponse de la végétation à la perturbation ne dépend pas seulement du type (nature) de
perturbation mais aussi de son extension dans l’espace (surface de la zone affectée), dans le
temps et de sa magnitude : intensités et fréquences (Sousa, 1984 ; Van Der Maarel, 1993).
Dans ce cadre, le choix d’une échelle spatiale adéquate et la prise en compte des effets du
paysage est une approche importante dans l’étude de l’impact des perturbations (Godron &
Forman, 1983 ; Łaska, 2001). Nous rappelons que cette approche qui relève de l’écologie du
paysage est connue sous le terme de pattern/process paradigm (Bogaert et al., 2004).
L’écologie du paysage étudie les processus écologiques dans leur contexte spatial et mettant
l’accent sur le lien qui existe entre la répartition des activités humaines et les caractéristiques
des milieux naturels d'un territoire donné (Foster et al. 1998; Burel & Baudry, 2003 ; Bogaert
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
et al., 2004). « Le paysage est un espace hétérogène, cohérent et dynamique, résultat d’une
co-évolution de facteurs écologiques, sociaux, culturels et économiques, mais qui est perçu
d’une manière unitaire et distincte de ses voisins» (Iorgulescu & Schlaepfer, 2000). Le
paysage peut être considéré également comme un assemblage ou une partie d’un système, ce
qui lui donne une nature systémique et qui permet d’étudier les transactions entre les
écosystèmes (Iorgulescu & Schlaepfer, 2000). Chaque système écologique est en effet
caractérisé par une interdépendance de trois éléments clés : sa composition, sa structure et son
fonctionnement (Forman & Godron, 1986 ; Burel & Baudry, 2003 ; Bogaert & Mahamane,
2005 ; Bamba, 2010).
1.1.5. Les concepts théoriques liés à la perturbation, au stress et à la coexistence des
espèces
Plusieurs hypothèses mettent l’accent sur l’écologie des espèces pour une bonne
compréhension de la variation de la biodiversité.
L’hypothèse de la perturbation intermédiaire (Connell & Slatyer, 1977 ; Collins & Glenn,
1997; Sheil & Burslem, 2003) soutient que la diversité est maximisée pour une fréquence ou
une taille intermédiaire des perturbations permettant des compromis entre capacités de
colonisation et de compétition des espèces.
L’hypothèse de la niche écologique est centrée sur deux principes majeurs : (1) les
assemblages des espèces sont en équilibre avec le milieu et (2) les assemblages écologiques
sont saturés en espèces dans des conditions de milieux stables. L’hypothèse de la niche
écologique associe la niche d’utilisation des ressources et la niche de régénération et
considère une communauté comme un assemblage d’espèces se distinguant dans leur
utilisation de l’environnement. Le terme de niche a été utilisé par Grinnell (1917) pour
désigner l’habitat. Hutchinson (1957) a intégré les notions d’habitat et de fonction à la niche.
Ce dernier défini la niche écologique comme une gamme de conditions et de ressources au
sein de laquelle un individu ou une espèce peut vivre et se reproduire. Il distingue deux types
de niches: la niche fondamentale qui correspond à la région de la niche qu’une espèce est
susceptible d’occuper en l’absence de compétiteurs et de prédateurs et la niche réalisée qui
correspond à la région de la niche qu’une espèce est susceptible d’occuper en présence de
compétiteurs et de prédateurs.
L’hypothèse de la loterie compétitive développée par Chesson & Warner (1981) considère les
perturbations comme un facteur de variabilité spatio-temporelle de l’environnement. Cette
théorie démontre comment l’alternance stochastique (aléatoire) de conditions
différentiellement favorables aux espèces peut mener à une coexistence stable d’espèces ayant
des niches de régénération différentes. Elle a été adaptée par Schmida & Ellner (1984) pour
les végétaux qui y ont intégré une dimension fonctionnelle en soulignant la nécessité pour
deux espèces proches d'avoir des histoires de vie différentes (en évitant ainsi l'exclusion
compétitive) pour assurer leur coexistence à long terme. La coexistence des espèces est basée
sur l’utilisation et le partage des ressources communes, où les espèces s’adaptent aux
différentes formes de compétition, de stress ou de perturbation (Grime, 1974).
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Enfin, l’hypothèse des métapopulations explique le maintien de la diversité à l’échelle de la
métapopulation (ensemble de populations d'une même espèce réparties dans l’espace, entre
lesquelles, il existe des échanges plus ou moins réguliers et importants entre les individus) par
la récurrence d’extinctions et de recolonisations dans des systèmes de taches connectées par la
dispersion de propagules ou d’individus (Olivieri et al., 1995). La théorie indique que les
perturbations sont une des sources possibles d’extinction du fait que le maintien de la
diversité serait fonction d’un équilibre entre la fréquence des perturbations, les taux de
dispersion des espèces, les capacités de croissance des sous populations et le nombre de
taches d’habitat disponible (Olivieri et al., 1995 ; McEuen & Curran, 2004).
Concernant les stress, il ne semble pas y avoir de réelle théorie (Jauffret, 2001). Cet auteur
indique qu’il est raisonnable de penser que les stress ne jouent pas le même rôle que les
perturbations dans le maintien de la diversité et n’agissent pas de la même manière.
Cependant, les perturbations peuvent parfois aggraver les effets des stress ou les atténuer.
I.1.6. Biodiversité et stabilité des écosystèmes
Les relations entre la diversité d’une biocénose et sa stabilité ont été étudiées par plusieurs
auteurs entre autres McCann (2000) ; Chapin III et al. (2000). Le premier fait remarquer à
juste titre que la dialectique diversité - stabilité est réversible : il est possible que la diversité
favorise la stabilité, mais la réciproque est tout aussi vraisemblable : la grande diversité des
forêts tropicales résulte le plus souvent de l’ancienneté de ces formations. Le second et ses
coauteurs présument que les actions humaines diminuent la diversité en augmentant
l’inégalité de la distribution des abondances des espèces donc leur stabilité, bien avant que ne
disparaissent les espèces rares.
La stabilité est définie comme la constance du nombre d’individus de chaque espèce dans le
temps (Connell & Sousa, 1983) dont l’identification constitue en effet un objectif
fréquemment visé quel que soit le type d’écosystème étudié et le descripteur choisi. Elle est
associée de façon générale à la perturbation (Gurney & Nisbet 1998; Amarasekare, 2000),
regroupant à la fois : la persistance, la résistance et la résilience. Un peuplement est dit
persistant tant qu’il garde la même composition spécifique. La résistance concerne plus le
degré pour lequel la composition spécifique d’un peuplement est modifiée après une
perturbation. Elle représente l’inertie d’un écosystème au changement (Margalef, 1974 ;
Holling, 1973), la capacité d’un système à absorber ou contrecarrer les effets d’une
perturbation (Grimm & Wissel, 1997 ; Levêque & Mounolou, 2008). La résilience est
l’aptitude de l’écosystème à revenir à l’état d’équilibre après perturbation (Barbault, 1997 ;
Balent et al., 1999). Elle représente donc la vitesse avec laquelle une population ou un
peuplement retourne dans un état proche de celui qu’il occupait avant une perturbation. La
résilience est une notion très importante dans l’étude des écosystèmes et décrit au niveau de
ceux-ci trois propriétés fondamentales (Carpenter et al., 1998) : (1) la quantité de changement
que le système peut endurer ; (2) la capacité du système à s’auto-organiser ; (3) la capacité du
système à s’adapter.
Une biodiversité élevée donnerait de meilleure capacité de résilience aux écosystèmes suite à
des perturbations du milieu (Bouzillé, 2007, Levêque & Mounolou, 2008). Le niveau de
10
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
résilience des systèmes écologiques serait dans certains cas mais pas toujours fonction du
nombre d’espèces qui les caractérisent (Tilman, 1996, Jauffret, 2001). Lorsque la résilience
d’un écosystème est touchée, c’est-à-dire qu’il ne retrouve pas son état initial cela peut induire
une spirale de dégradation qui peut revêtir la forme d’une perte excessive de sols, d’une
réduction du couvert végétal, d’une baisse de la qualité et des quantités d’eau, ainsi que de
changements au niveau du système climatique régional (MEA, 2005). L’état initial n'est pas
bien sûr bloqué, il est variable même au cours des saisons d’où la notion de métastabilité.
Un écosystème ne peut se maintenir à son stade actuel que si les stress et les perturbations
exercés ne sortent pas de leur norme habituelle, permettant à sa résilience de s’exprimer
(Delabre, 1998).
En Afrique de l'Ouest, les espaces dessouchés et anciennement cultivés sont très souvent
réaffectés à d'autres usages (pastoralisme, prélèvement sélectif de bois) et subissent les
méfaits des feux récurrents (Aronson et al., 1995 ; Delabre, 1998). Ces nouvelles
perturbations engendrées diminuent la résilience des écosystèmes et contrecarrent l'évolution
progressive des écosystèmes (Yossi, 1996; Donfack, 1998 ; Fournier et al., 2000). Les
pratiques culturales, les coupes multiples de Pterocarpus erinaceus pour le pâturage ajoutées
aux feux récurrents dans la réserve empêchent cette espèce d’exprimer sa résilience entraînant
du coup une baisse de son effectif. Par contre, Acacia seyal souvent éliminée par ces mêmes
pratiques culturales et les fortes mutilations pour le pâturage, se comporte comme une espèce
pionnière envahissant les jachères grâce à sa forte résilience et la dispersion importante de ses
graines (Aubreville, 1950 ; Poilecot et al. 2009).
I.1.7. Relations entre facteurs environnementaux et fonctionnement des plantes
La base de l’étude des relations entre les influences de l’environnement et les caractéristiques
des organismes vivants a été établie à partir de la théorie de l’évolution et le principe de
sélection naturelle (Darwin, Wallace, 1859 in Kupiec, 1997). La sélection naturelle représente
un mécanisme majeur de l’évolution (Geber & Griffen, 2003), selon lequel s’opère une
sélection des organismes par l’environnement.
Les interprétations récentes du principe de sélection naturelle présupposent (1) que les
populations soient composées d’individus présentant des variations réparties au hasard mais
héritables, (2) que certains individus aient des caractéristiques adaptatives qui leur permettent
de survivre et de se reproduire davantage dans un milieu donné. Entre autres conséquences, le
nombre d’individus possédant les caractéristiques adaptatives s’accroît de génération en
génération, et la population est adaptée à son environnement (Ackerly et al., 2000 ; Geber &
Griffen, 2003 ; Nondedeu, 2005).
Les stratégies des espèces se distribuent sur un continuum entre des pôles extrêmes des
conditions de l’environnement telles que la disponibilité en ressources et les perturbations
(Tilman, 1988 ; Goldberg, 1990). Selon Grime (1977) deux gradients environnementaux,
représentés par les niveaux de contrainte ou stress (insuffisance ou manque de ressources :
eau, nutriments, lumière, température) et de perturbation (destruction de la couverture
végétale), limitent la présence des individus, et que seules les combinaisons d’intensités
faibles à modérées de ces facteurs permettent l’établissement de la végétation. Cet auteur
11
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
postule que trois types de stratégies primaires (figure I.1) sont développés par les plantes
selon l’effet des contraintes environnementales (déficience en eau, nutriments, lumière etc…)
et des perturbations (feu, pâturage, autres usages des ressources, etc.,...) :
Figue I.1. Triangle de Grime décrivant la distribution des trois types de stratégie et leurs
intermédiaires face à des intensités de contraintes et de perturbations différentes
(Grime, 1977).
- espèces compétitives (C) développent une stratégie compétitive dans le cas de faibles
intensités de stress et de perturbation. Elles correspondent donc à des habitats favorables (sans
contrainte écologique), caractérisés par une forte amplitude à la concurrence;
- espèces stress-tolérantes (S) dont la vigueur végétative et l’effort de reproduction sont
réduits ; elles sont adaptées pour persister longtemps dans des conditions de faible
perturbation et de forte contrainte ; elles se rencontrent par exemple dans les habitats pauvres
(carence en nutriments minéraux, insuffisance hydrique par exemple) ;
- espèces rudérales (R) qui tolèrent de niveau faible de stress et des perturbations fortes et
fréquentes et colonisent les milieux riches en ressources, les plus affectés par ces dernières
notamment par une croissance rapide, un cycle de vie court et une production importante de
graines.
Suivant la continuité des variables environnementales représentées sur les axes, les stratégies
intermédiaires peuvent également exister (Grime, 1998 ; Westoby, 1998) : les plantes
Compétitrices tolérantes au Stress (C-S) qui sont adaptées aux conditions non perturbées avec
une intensité modérée du stress ; les plantes Rudérales Compétitrices (C-R) qui sont adaptées
aux habitats soumis à une perturbation modérée avec un faible stress et de la compétition ; les
plantes Rudérales tolérantes au Stress (R-S) qui sont adaptées à des habitats peu productifs et
très perturbés ; les plantes Compétitrices tolérantes au stress et Rudérales (C-S-R) retranchées
dans des habitats où la compétition est réduite en intensité par les effets combinés du stress et
de la perturbation.
La complexité des relations espèces/environnement et la recherche des principes fédérateurs
permettant de prédire les modes de reconstitution des écosystèmes dégradés, ont contribué à
12
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
l’élaboration du concept de groupe fonctionnel, ou de type ou trait fonctionnel de plante :
« plant functional type » (Keddy, 1992, Westoboy, 1998). Ce concept développé pour relier
de manière quantitative traits biologiques et variables de l’environnement comprend les
groupes fonctionnels de réponses identiques ou de traits de réponses aux variations de
l’environnement (Woodward & Cramer, 1996 ; Gitay & Noble, 1997 ; Rusch et al., 2003). Un
trait fonctionnel est défini comme une caractéristique morphologique, physiologique et
phénologique mesurable à l’échelle d’un individu, de la cellule à l’organisme entier, sans
référence à l’environnement ou à tout autre niveau d’organisation (Violle et al., 2007).
Les traits de réponses correspondent au groupe d’espèces qui répondent de manière similaire a
un ou plusieurs facteurs de l’environnement donné et partageant un ensemble de traits
biologiques (Lavorel et al., 1997). La construction des règles d’assemblage des communautés
par l’entremise des traits fonctionnels semble être une voie prometteuse pour prédire la
réponse de la végétation aux modifications du milieu induit par l’homme (Keddy, 1992). Les
groupes fonctionnels ont ainsi été employés dans le cadre des changements climatiques
(Chapin et al., 1996), du pâturage (Diaz et al., 2001; McIntyre & Lavorel, 2001), des
changements d’utilisation des terres et des perturbations (Lavorel et al., 1999a ; Rusch et al.,
2003).
I.1.8. Interaction entre les facteurs anthropiques majeurs de perturbation et leurs effets
sur la végétation
En zones sahélienne et soudanienne, la pâture, le feu, la coupe sélective constituent les
facteurs majeurs de perturbations très répandues et d’origine anthropogénique. Les effets et
interactions de ces trois facteurs sur le milieu sont multiples, complexes et provoquent des
dommages sur la végétation (McNaughton, 1983 ; Debano et al., 1998). Ces effets dépendent
étroitement du type de végétation et de leurs interactions avec les facteurs écologiques
spécifiques au milieu tels que le sol et la pluviosité (Blesky, 1992).
En effet, les animaux sont attirés sur les espaces brûlés sur lesquels poussent les repousses et
les jeunes feuilles de ligneux induites par le feu. La récurrence du feu dénude le sol et tue les
microorganismes, favorise l’encroûtement ainsi que les érosions hydrique et éoliennes (Mills
& Fey, 2004). Le feu affecte la viabilité des graines et leur germination ainsi que la vitalité
des plantes et leur architecture (Bond & Wilgen, 1996 ; Dembélé, 1996). Cependant, son
absence entraîne une accumulation de la biomasse morte qui inhibe la production herbacée
entraînant la transformation de la savane ouverte en savane boisée.
En retour, la pâture par son action de piétinement et de prélèvement réduit la quantité de
biomasse combustible et par conséquent l’intensité et la vitesse de propagation du feu. La
pâture influe principalement sur la végétation et les sols par l’action de consommation
sélective des espèces végétales ainsi que par le piétinement et le dépôt de fèces et d’urine. La
pâture, dans ce cas, peut permettre d’éviter les feux intensifs. Néanmoins, une pâture intensive
et fréquente peut hypothéquer la régénération des plantes par broutage et par piétinement.
La coupe de bois à usages domestiques pour la plupart sélective réduit la densité des arbres en
induisant une ouverture dans la canopée et en favorisant le développement d’autres espèces
13
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
grâce à une plus grande accessibilité à la lumière, à l’eau et aux nutriments (Frost et
al., 1986).
L’espace une fois ouvert favorise une production de la biomasse herbacée qui, par conséquent
engendre des feux intenses préjudiciables, surtout aux semis et aux rejets de souches. L’effet
contraire peut se produire en zones arides et semi-arides ou les espaces dénudés par la coupe
des arbres peuvent souffrir des conditions thermiques extrêmes pouvant occasionner le
développement d’espèces xériques ou l’extension d’espaces nus encroûtés (Sawadogo et al.,
2002). La coupe sélective peut favoriser le développement des espèces résistantes à la
sécheresse telles les espèces du genre Acacia, les herbacées pérennes (Savadogo et al., 2007)
tandis que le feu et la pâture peuvent être des facteurs limitants.
Les interactions anthropiques peuvent être à l’origine de certaines successions (Fournier et
al., 2001) dont les modèles proposés tels que la succession autogénique, l’auto succession, la
composition floristique initiale présentent selon Westoboy et al. (1989) des limites en milieux
arides et semi-arides dans lesquels interviennent de façon intermittente des événements
périodiques importants liés à l’herbivorie et aux mises en culture.
Le modèle d’état et de transition « state and transition models » est proposé pour faciliter
l’interprétation des résultats (différents états alternatifs) relatifs à la réponse des systèmes
écologiques aux stress et aux perturbations qu’ils subissent (Westoboy et al., 1989). Ce
modèle s’appuie sur l’idée que pour tout écosystème, il peut exister un certain nombre
d’équilibres multiples alternatifs (ou états stables de la végétation) avec des transitions entre
ces états déclenchés par un certain nombre d’événements possibles comme le feu ou la pâture
(Plant et al., 2000). Le modèle d’état et de transition est actuellement utilisé pour organiser la
recherche et la gestion dans de nombreuses régions aride et semi-aride (Westoboy et al.,
1989 ; Brown, 1994 ; Milton et al., 1998) bien qu’il soit souvent critiqué par Connel & Sousa,
(1983) et par Sutherland (1990). Ces auteurs estiment que lorsque les critères stricts sont
utilisés, il est difficile de prouver de façon concluante l’existence et la stabilité à long terme
de multiples états stables.
I.1.9. Conservation de la biodiversité et restauration des écosystèmes
La conservation de la biodiversité est devenue l’objet d’une discipline, la biologie de la
conservation (Dajoz, 2006). En effet, la biologie de la conservation a émergé en réponse au
constat de l’accélération du taux d’extinction des espèces sur le globe (Heywood &
Iriondo, 2003). Elle fait intervenir plusieurs disciplines (biogéographie, biologie évolutive
démographie, écologie, génétique, systématique, …) afin de comprendre, d’analyser et de
prévenir le déclin de la biodiversité (Soulé, 1985 ; Pullin, 2002). La biologie de la
conservation se fixe comme objectif d’évaluer l’impact des actions de l’Homme sur les
espèces, les communautés et les écosystèmes, et de faire des propositions concrètes pour lutter
contre la dégradation des écosystèmes (Levêque & Mounolou, 2008).
Un des éléments essentiels d’évaluation des actions de l’Homme sur la variation de la
biodiversité ou son état de dégradation dans les écosystèmes consiste à définir un écosystème
de référence (Ruiz-Jaen & Aide, 2005). L’état de référence « représente une approximation de
14
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
l’état souhaitable, choisi parmi plusieurs états alternatifs possibles » (Le Floc'h & Aronson,
1995). Sous cet angle, une communauté végétale ou animale est considérée comme un
système écologique suivant sa propre dynamique en l’absence de perturbations (Chabrerie,
2002). La Society for Ecological Restoration (SER) parle «d’écosystème historique
indigène » (Aronson et al., 1995). L’état de référence est généralement établi (1) pour
caractériser la situation initiale supposée originelle de l’écosystème par sa composition, sa
structure et son fonctionnement par rapport à l’existant, (2) déterminer les facteurs de
perturbation entraînant la dégradation ou changement, (3) définir ce qui doit être fait pour
conserver, ou restaurer l’écosystème et (4) choisir les critères ou indicateurs à mesurer pour
évaluer le succès des traitements ou expérimentations entreprises (Aronson et al., 2002).
Dans notre étude, l’écosystème de référence a été identifié dans l’aire intégralement protégée
de la réserve qui est un milieu naturel soumis à des pressions moins perturbantes. L’objectif
est d’établir un état référentiel de la composition floristique, la structure et le fonctionnement
de ce milieu. La comparaison des résultats obtenus de l’écosystème naturel ou de référence
avec ceux des milieux artificialisés ou dégradés par les activités anthropiques permettra de
décrire l’état de dégradation des écosystèmes.
En zones arides et semi-arides, la disponibilité en terres (pâturages naturels, friches, jachères,
champs, etc.) joue pour un contexte social donné, un rôle fondamental dans la détermination
des systèmes de production. Ces milieux sont soumis à des perturbations intenses et
récurrentes du fait des usages en croissance des ressources (surpâturage, prélèvements divers,
mise en culture), qui peuvent provoquer une érosion de la biodiversité et une diminution plus
ou moins irréversible des ressources naturelles (Cornet, 1996). La dégradation dans ces zones
est en plus accentuée par les conditions climatiques, qui agissent sans cesse sur les milieux
biophysiques (Floret et al. 1978 ; Le Houérou, 1995).
Le diagnostic du niveau de dégradation nécessite alors l’évaluation des capacités du milieu à
se régénérer naturellement (Jauffret, 2001 ; Roselt/OSS, 2008). Si cette capacité de résilience
du milieu est faible ou nulle, il faut envisager dès lors des voies alternatives d’intervention
humaines pour réparer les dommages sur les ressources du milieu comme le soulignent
Le Floc’h & Aronson (1995). Ces derniers ont proposé à cet effet trois principales voies
d’actions : la Restauration, la Réhabilitation, et la Réaffectation.
La restauration écologique est une action intentionnelle qui initie ou accélère l’autoréparation
d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit, en respectant son intégrité et sa
gestion durable (SER, 2004). Aronson et al. (1995) proposent que le terme « restauration soit
réservé également au rétablissement de la biodiversité, de la structure et des fonctions
d'écosystèmes présentant encore un niveau suffisant de résilience (dégradation non
irréversible) pour que l'intervention de l'Homme soit, si possible, limitée à une diminution
puis un contrôle de son niveau de pression ».
Lorsque la pression exercée sur un écosystème a été trop forte, ou trop longue, celui-ci est
alors susceptible de ne plus présenter de capacité dynamique suffisante pour que la seule
diminution de la pression anthropique lui permette de revenir à ce qui constituait son état
antérieur (Levêque & Mounolou, 2008). « La dynamique se trouve alors interrompue et
15
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
bloquée à un niveau ou sur une trajectoire différente de celle de l'écosystème de référence
(Aronson et al., 1995) ». Seule une intervention humaine forte, mais limitée dans le temps
peut faire évoluer l'écosystème, soit en le replaçant sur une trajectoire favorable
(réhabilitation), soit en le transformant pour un nouvel usage (réaffectation) (Aronson et al.,
1995 ; Levêque & Mounolou, 2008). La réhabilitation vise donc à réparer, autant que possible
selon Aronson et al. (1995), les fonctions (résilience et productivité) endommagées ou tout
simplement bloquées d'un écosystème en le repositionnant sur une trajectoire favorable.
Compte tenu notamment de l’échelle temporelle de reconstitution d’un écosystème forestier
très dégradé, le passage par un état intermédiaire réhabilité est souvent nécessaire pour une
restauration écologique plus complète (Vallauri et al., 2002).
Chase (2003) suggère que dans des environnements sujets à des perturbations de grande
ampleur et ayant une faible connectivité, l’assemblage des communautés peut aboutir, comme
c’est le cas dans la zone de transition de la réserve, à des états stables, alternatifs (Hobbs et
al., 1996 ; Temperton et al., 2004). Ces états stables peuvent représenter un challenge pour les
responsables de restaurations écologiques (Cristofoli & Mahy, 2010).
Dans l’optique d’une conservation de la biodiversité végétale, nous tenterons de faire une
analyse de cette biodiversité afin d’évaluer les changements de la végétation sous les effets
des activités anthropiques.
I.2. Problématique
Les écosystèmes forestiers africains en général, et ceux des pays sahéliens en particulier,
subissent des dégradations d’origines diverses (climatique ou anthropique). Les ressources
biologiques notamment végétales des écosystèmes de ces pays sahéliens occupent une place
importante dans les besoins quotidiens des populations (Loreau et al., 2002; Memoni et al.,
2003) car elles tirent l’essentiel de leurs besoins de subsistance des ressources naturelles;
l’alimentation, l’énergie, les médicaments, les fourrages, les matières premières pour
l’artisanat, etc. (Bazile, 1998).
Ces écosystèmes riches et variés en espèces, qui constituent un patrimoine à conserver,
enregistrent ces dernières années, une réduction des surfaces forestières (Gonzalez et
al., 2004 ; N’Da et al., 2008). Ces réductions font suite à l’effet conjugué des aléas
climatiques et de la pression humaine (Grouzi & Albergel, 1989; Floret & Pontanier, 2001;
Ozer & Ozer, 2005).
L’assèchement progressif du climat au cours des dernières années qui se traduit par la
diminution de la pluviosité et par l’accentuation de la variabilité spatiotemporelle des pluies a
davantage marqué ces écosystèmes (Ozer & Erpicum, 1995). L’action anthropique est
considérée de loin comme la plus importante (N’Guessan et al., 2006) et qui parachève la
disparition des espèces après que les changements climatiques aient entraîné la perte de
densité des espèces végétales (Gonzalez, 2001 ; Wezel, 2004).
16
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Au Mali, les surfaces forestières qui se chiffraient à 32 millions d’hectares en 1988 (Nasi &
Sabatier, 1988), connaissent aujourd’hui une réduction annuelle de l’ordre de 100 000 ha an
dont 40 000 ha de surfaces cultivées selon la Direction Nationale de la Conservation de la
Nature (DNCN, 2000). Ainsi l’on assiste à la disparition ou à la raréfaction d’un nombre
important d’espèces végétales et animales qu’abritent ces écosystèmes (Hiernaux et al., 1983 ;
Albignac et al., 1998).
Face à la menace de perte de la biodiversité, le Mali a basé la conservation de sa flore et de sa
faune sur les réserves forestières et les parcs nationaux. Malheureusement, ces aires protégées
qui constituent les derniers bastions en ressources forestières, n’échappent pas, elles non plus,
aux pressions d’origines diverses qui menacent dangereusement leur conservation. C’est le
cas de la réserve de Biosphère de la boucle du Baoulé (RBBB) située dans la partie Ouest du
Mali, à cheval sur les régions de Koulikoro et de Kayes. Elle sert aussi de barrière à l’avancée
du désert vers le sud du pays.
Cette réserve, la plus importante parmi toutes les aires classées du Mali, est constituée de trois
réserves de faune : Badinko, Kongosambougou et Fina. Chacune de ces réserves de faune est
subdivisée en trois aires ou zones : la zone centrale, la zone tampon, et la zone de transition.
Signalons que chacune des zones est soumise à une activité spécifique définie par la
législation forestière en vigueur. Parmi les trois réserves, la réserve de Fina, sujet de cette
étude est la plus riche et la plus diversifiée. Elle abrite une mosaïque d’habitats qui renferment
diverses espèces animales et végétales (Heringa et al., 1988 ; Opération Aménagement du
Parc National de la boucle du Baoulé : OPNBB, 1999).
Grâce à son étendue et sa forte potentialité en ressources naturelles, la réserve joue un rôle
important pour les systèmes d’élevage transhumant qui y trouvent de bons pâturages. L’afflux
important en saison sèche des troupeaux transhumants dans la réserve était estimé selon le
Projet de Développement de l’élevage dans le Sahel Occidental (PRODESO, 1997) à 300 000
têtes avec une croissance de 3 % par an (Kébé, 1994). Ce qui représente à la fois, un réel
danger pour les ressources naturelles et une source de conflits potentiels entre les sédentaires
et les transhumants. La gestion des terroirs villageois incluant la délimitation de quelques
espaces de pâturage surtout de corridors de passage de troupeaux, ne paraît pas correspondre
aux enjeux de ce problème. La transhumance est probablement le facteur exerçant le plus de
pression sur les ressources de la réserve, comme dans toutes les aires protégées de l’Afrique
de l’ouest. On y assiste même à des cas de sédentarisation tel que le souligne Sinsin (1998).
Outre le pâturage, les feux sont très fréquents dans la réserve et leurs effets sur les ressources
sont très néfastes. Les feux sont destructeurs de la biomasse et favorisent une prolifération de
certaines pyrophytes (espèce favorisée par le feu) au détriment d’autres (Dembélé, 1996). Ils
détruisent l’habitat de la faune sauvage (Albignac et al., 1998). Cependant, les feux servent à
stimuler les souches à rejeter de jeunes tiges chez les Combretaceae et certaines graminées
pérennes appréciées par la faune sauvage et domestique (Dembélé, 1996).
17
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Une bonne partie de la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé a été déclassée en 1993
pour satisfaire aux besoins croissants en terre des populations riveraines. Ce déclassement qui
n’a pas respecté le système de zonage d’une réserve de la biosphère (zone tampon étroite et
ou inexistante à certains endroits de la réserve) n’a pas épargné la réserve de Fina malgré son
importance sur le plan écologique. Cette réserve est passée de 136 000 ha à 108 668 ha soit
environ 20 % de réduction de sa superficie. Les conséquences d'un tel découpage sur la
réserve de Fina sont à la base d’une forte pression foncière caractérisée par un taux élevé de
mise en cultures des terres (défriches importantes) du fait d’une croissance démographique
locale, de l’arrivée massive des immigrés cultivateurs et de certains éleveurs peulhs avec leurs
troupeaux (Cissé, 1997). Aussi, le regain d’intérêt pour la culture du coton au sud de la
réserve à partir des années 1996 a t- elle inévitablement augmenté les superficies emblavées et
changé les habitudes culturales (Cissé, 1997 ; Diallo, 2004). En effet, la disponibilité en terre
dans la réserve, incite les paysans à défricher de larges espaces. Parallèlement, les surfaces
disponibles pour les pâturages régressent. Il en résulte une fragmentation des habitats, avec
perturbation des écosystèmes (Lykke, 1998 ; Hill & Curran, 2005; Cramer et al., 2007), la
dégradation du couvert végétal et l’appauvrissement de la biodiversité végétale (Gonzalez et
al., 2004 ; Ozer & Ozer, 2005), l’isolement des aires protégées qui constituent une menace
sérieuse pour la viabilité de plusieurs populations d’espèces sauvages à long terme
(Ouédraogo, 2009).
Sujet de débat politique et de controverse, les questions de perturbation sous l’influence des
activités humaines et du climat sur l’environnement à l’échelle globale ont fait leur entrée sur
la scène politique internationale aux Sommets de la Terre respectivement à Rio en 1992 et à
Kyoto en 1997. Ces questions constituent l’aspect le plus spectaculaire et le plus médiatisé
des changements globaux (Gaucherand, 2005). Plus discrets mais aux conséquences non
moins globales, les changements d’occupation des terres induits par les mauvaises pratiques
agricoles et d’usages anarchiques et incontrôlés des ressources végétales (Balent, 1994)
agissent sur la biodiversité et perturbent le fonctionnement des écosystèmes (Yossi, 1996 ;
Gonzalez et al., 2004 ; Ozer & Ozer, 2005).
Pour réduire les effets de pressions sur la réserve, un plan d’aménagement a été adopté en
1999 par le Gouvernement du Mali. Ce plan, qui devrait favoriser la conservation et la gestion
durable de la biodiversité par l’exercice rationnel des activités agricoles et pastorales des
populations riveraines et transhumantes, n’a pas atteint tous ses objectifs (Diallo, 2004).
Aussi, une évaluation globale du système de gestion des aires protégées du Mali a été
conduite en novembre 2007 par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature,
Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest (UICN/BRAO, 2008) dans le cadre de son
Programme "Aires protégées d’Afrique du Centre et de l’Ouest". Les résultats n’ont fait que
confirmer les multiples perturbations auxquelles les aires protégées se trouvent soumises de
façon croissante. Ces insuffisances exprimeraient d’une part, l’échec des politiques de
conservation dans la zone d’étude, d’autre part l’impuissance des différents acteurs devant
l’ampleur et le rythme de perturbation anthropique des écosystèmes.
18
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Enfin, le dispositif de suivi mis en place dans le cadre du Réseau de Surveillance Ecologique
à long terme (ROSELT) pour collecter régulièrement les données sur la végétation dans la
réserve de Fina n’a jamais fonctionné pour faute de moyens, si bien qu’il n’existe pas
actuellement, de données fiables sur la végétation de la réserve. Il s’avère très important de
disposer de données scientifiques précises sur les potentialités floristiques, l’état actuel de la
végétation, sa résilience écologique face aux facteurs de perturbation dans la réserve pour
consolider les programmes de gestion en prospective.
La présente recherche se propose de caractériser la diversité végétale et d’étudier sa variation
sous l’effet des pressions liées aux activités anthropiques. Elle s’appuie sur le dispositif
classique de zonage d’une réserve de biosphère basée sur trois niveaux de protection : la zone
centrale intégralement protégée, la zone de tampon à usage contrôlé (loisirs, recherche…), la
zone de transition à usages multiples et non contrôlés. Les zones de transition et de tampon
(autant perturbé actuellement que la zone de transition) sont considérées comme témoin des
perturbations ou modifications de la structure et de la composition floristique des
communautés végétales par les activités anthropiques alors que la zone centrale pourrait être
considérée comme référence, c'est-à-dire un milieu naturel témoin soumis à des pressions
anthropiques moins fortes (moins dégradé).
I.3. Objectifs et hypothèses de la thèse
Comme tout système écologique, les écosystèmes des aires protégés, y compris ceux des
réserves intégrales dans lesquelles toute intervention humaine est interdite, évoluent dans le
temps. L’idée principale de cette thèse s’appuie sur le fait que ces aires protégées constituent
des espaces témoins de conservation des milieux naturels soumis à l’effet du libre jeu de la
nature, qui, comparés aux milieux anthropisés permettraient de caractériser l’état de
conservation ou de dégradation de la biodiversité végétale. Cette thèse a par conséquent
comme objectif d’étudier l’influence des gradients anthropique et géomorphologique sur la
variation de la biodiversité dans la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé au Mali. Elle
contribuera à la caractérisation et à l’évaluation de l’état actuel de la végétation dans la
réserve dans une perspective de conservation durable des ressources végétales en particulier la
biodiversité. Cinq hypothèses soutenues par des questions de recherche devront être testées.
- H1. Le zonage en place depuis 1982 occasionne des caractéristiques différentes au niveau de
la composition, de la structure, et du fonctionnement des phytocénoses. La zone centrale
(protégée) soustraite des activités anthropiques moins perturbantes permet le développement
de la végétation où la composition floristique et la diversité biologique des espèces végétales
sont plus importantes et mieux conservées comparativement aux zones de tampon et de
transition (non protégée). Pour déduire les niveaux de dégradation de la végétation dans les
trois zones soumises à différents degrés de pressions anthropiques, nous vérifierons cette
hypothèse en tentant de répondre aux questions suivantes :
(Q1) Quelle est l’influence des perturbations sur la richesse floristique de la réserve de Fina ?
Y’a t-il une différence significative dans la proportion des ligneux et des herbacées entre les
19
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
trois zones soumises à des degrés différents de pressions ? Quelles sont les familles les mieux
représentées dans les différentes zones ?
En effet, la théorie de la perturbation intermédiaire (Huston, 1974 ; Connell & Slatyer, 1977 ;
Grime, 1979 ; Dutoit, 2001 ; Sheil & Burslem, 2003) soutient que la diversité est maximisée
par des régimes de perturbation permettant des compromis entre capacités de colonisation et
de compétition des espèces. Les perturbations intenses des écosystèmes engendrent la
modification de la composition floristique et de la structure de la végétation (Fournier et
al., 2001 ; Wala, 2004). En revanche, les perturbations de faible intensité et peu fréquentes
favorisent le renouvellement des ressources naturelles, une bonne vitesse de récupération et le
maintien de la biodiversité (Jauffret, 2001 ; Gerbaud, 2002). Chave (2004) indique que dans
les communautés végétales très diversifiées, la plupart des espèces présentent de faibles
densités, ce qui fait que le rôle du hasard au niveau individuel devient inévitable. Une espèce
dominante dans une communauté végétale domine d’abord dans l’ensemble structural auquel
elle appartient (Bell et al., 2001). Cette dominance peut être liée à des contraintes paysagères
ou historiques (Bell et al., 2001 ; Hubbell, 2001).
(Q2) La distribution des types biologiques et des types de diaspores change t-elle en fonction
des niveaux de dégradation de la végétation liés aux pressions anthropiques avec une
prédominance pour les types biologiques des phanérophytes pour les ligneux et des
thérophytes pour les herbacées par rapport aux autres formes de vie et pour les types de
diaspore, une prépondérance des anémochores dans les milieux anthropisés?
Les spectres des types ou traits biologiques et des types de diaspores d’une végétation
exprime les adaptations des plantes à l’environnement (Craine et al., 2002 ; Garnier et al.,
2004) et varie en fonction des prédispositions génétiques des espèces dominantes et des
conditions du milieu (Masharabu, 2011). Ils représentent des éléments pertinents à prendre en
compte pour obtenir des réponses des communautés végétales aux changements
environnementaux concernant notamment les modalités d’usages des ressources végétales et
le climat (Lavorel et al., 1999b ; Bouzillé, 2007). Au Mali, la végétation est soumise à des
fortes pressions anthropiques avec un climat qui se caractérise par l’existence d’une saison
sèche pouvant s’étendre de 6 à 12 mois selon les régions, impliquant pour les plantes de
développer des stratégies particulières afin de survivre à cette période de forte contrainte
hydrique et de perturbation (Nasi, 1994). Les types biologiques permettent pour une espèce
donnée, de lui associer une stratégie adaptative (Bouzillé, 2007) dont la pérennité dans un
milieu donné est liée à ses capacités de s’y multiplier (Nasi, 1994). Les types de diaspores
permettent pour une espèce donnée, de lui associer une stratégie à se disséminer et à occuper
l’espace. Ils peuvent donc conditionner une large distribution des semences (Lepart &
Escarre, 1984 cités par Mahamane, 2005). S’il est vrai que l’intérêt des types biologiques et
des types de diaspores est qu’ils reflètent par la structure de la végétation dont ils sont une
traduction, les conditions du milieu ambiant (Raunkiaer, 1934), tant au niveau stationnel que
régional (Emberger, 1966), il est alors pertinent dans le cadre de cette étude d’identifier les
types biologiques qui sont favorisés en milieux protégés et ceux qui dominent dans les
20
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
systèmes anthropisés, de s’interroger sur les propriétés de dispersion des espèces et de
comprendre comment elles franchissent les contraintes environnementales.
(Q3) La distribution des types phytogéographiques dans la réserve de Fina au cœur du centre
d’endémisme soudanien est-elle influencée par les différents degrés de pressions anthropiques
avec une prédominance de l’élément soudanien de base ?
La diversité biologique à l’échelle locale ou à l’échelle biogéographique est corrélée
positivement à la superficie de la région (Ricklefs, 2004). Une région suffisamment grande
permet aux espèces d’explorer une hétérogénéité environnementale plus élevée, offrant de
nombreuses opportunités de niches, elles-mêmes induites par une grande variété d’habitats
(Rosenzweig, 1995 ; Jocque et al., 2010). Plus la région est vaste, plus les potentialités de
dispersion sont donc élevées réduisant du coup la probabilité d’extinction (Rosenzweig,
1995). En effet, la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé est située dans le centre
d’endémisme soudanien, à la charnière des domaines soudano-sahéliens et soudano-guinéens
et offre au plan floristique une combinaison originale d’éléments d’appartenance
phytogéographique diverse (Lebrun, 1981 ; White, 1983 ; Nasi, 1994). La réserve de Fina de
par sa localisation dans la réserve du Baoulé est aussi un carrefour de plusieurs éléments
phytogéographiques. L’intérêt de regrouper les espèces selon leur distribution géographique
constitue dans le cadre de ce travail, un élément important dans la description de la structure
de la végétation. Il s’agit ici de déterminer l’importance relative d’espèces largement
distribuées dans la réserve et les raisons écologiques de cette distribution.
(Q4) La variabilité floristique étant généralement influencée par la variabilité
environnementale et aussi par les degrés différents d’anthropisation, les groupements
végétaux de la zone protégée (non perturbés) seront-ils différents de ceux des zones non
protégées (perturbés) en terme de richesse spécifique, de spectre floristique ? Quelles sont les
relations entre ces groupements végétaux et les caractéristiques du milieu ? Que retenir de la
comparaison entre les groupements végétaux des zones protégées et non protégées dans la
réserve et dans d’autres régions africaines?
Si de nombreux travaux portent sur la végétation de la zone soudanienne, rares jusqu’alors
sont ceux consacrés à la région du Baoulé. Après les observations globales du Projet RURGS
en 1982 par Heringa et al. (1988) et de Togola (1982), seule l’étude réalisée par Nasi (1994)
comporte la mise en évidence des groupements végétaux et leur description dans le centre
régional d’endémisme soudanien du Mali qui couvre en partie la région du Baoulé.
En effet, l'étude des communautés végétales nécessite de prendre en considération des
variables biotiques et abiotiques afin de faire le lien entre les niveaux de dégradation de la
végétation dus aux perturbations anthropiques et la diversité biologique en place
(Lavorel, 2000 ; Gerbaud, 2002) ainsi que les assemblages d’espèces (Sheil, 1999). Ces
assemblages sont basés sur le fait que les espèces qui coexistent dans une communauté
végétale présentant des réponses similaires ou complémentaires à des facteurs
environnementaux ont également des effets similaires sur les écosystèmes et les biomes
(Kouob, 2009). Les similarités sont basées sur le fait que ces groupes d’espèces tendent à
partager en commun un ensemble de ressources du milieu (Cornelissen et al., 2003 ; Bouzillé,
21
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
2007). En outre, le caractère intégrateur plusieurs fois exprimés de la végétation vis-à-vis des
conditions du milieu, l’identification et la connaissance des associations végétales, la présence
ou l’absence de telle ou telle espèce ou de groupes d’espèces voire leurs abondancedominances respectives au sein de l’association peuvent constituer des indicateurs auxquels
on peut se référer pour comprendre l’état écologique de l’habitat (Harms et al., 2001 ;
Bouzillé, 2007 ; Bouxin, 2008). Il est dès lors pertinent d’établir en fonction des facteurs du
milieu les types de groupements végétaux qui s’établissent dans les zones protégées et non
protégées. Il s’agit donc d’interpréter la structure et la composition floristique de ces
groupements végétaux ainsi que la signification écologique à leurs variations. Nous avons
émis l’hypothèse de:
- H2. il existe des patrons (groupes d’espèces) de réponse aux perturbations liés à la biologie
des espèces pour les communautés végétales herbacées appartenant à des milieux et à des
contextes évolutifs différents (McIntyre et al., 1999 ; Aubin et al., 2007). La question
suivante a été posée pour tester cette hypothèse :
(Q1) existe t-il pour chacune des 3 zones (transition, tampon, référence) des groupes
d’espèces propres à un régime de perturbation ne correspondant pas aux spécificités
pédologiques liées à la géomorphologie?
Les approches par les traits biologiques ou traits de vie des plantes ont largement été utilisées
pour comprendre les patrons et les processus impliqués dans la réponse des communautés
végétales aux variations environnementales (Aubin et al., 2007). Ces approches s’appuient sur
le fait que les espèces possèdent des caractéristiques biologiques reconnues étroitement liées à
des processus écologiques (Deconchat & Balent, 2001) qui reflètent non seulement, leur
réponse (traits réponse) aux facteurs environnementaux tels que les ressources et les
perturbations, mais aussi, déterminent leurs effets (trait effet) sur les fonctions de l'écosystème
tels que les cycles biogéochimiques, ou une prédisposition à la perturbation (Lavorel et al.,
1997 ; Aubin et al., 2007 ; Diouf, 2012). Toutefois, les espèces, même similaires dans leur
exploitation des ressources trophiques, peuvent différer pour leurs réponses aux variations et
de perturbations du milieu (Walker, 1995). Un trait de vie est une caractéristique à influence
potentielle significative sur la capacité de l'espèce à persister dans le milieu via
l’établissement, la survie et la croissance; et devrait idéalement être une mesure directe de
cette capacité afin de rendre compte des stratégies spécifiques (Violle et al., 2007). Le
potentiel d’une espèce à s’établir et à persister dans des conditions environnementales
données est largement déterminé par ses traits biologiques (Lavorel et al., 2007) dont
l’importance dans la compréhension de la dynamique des communautés en relation avec les
perturbations n’est plus à démontrer (Lavorel et al., 1999a).
En effet, dans les savanes soudaniennes, les espèces végétales en particulier les herbacées sont
largement influencées par le régime des perturbations et de stress généré par le pâturage. Les
espèces qui se succèdent sont variables et fonction du bioclimat, du substrat, d’un possible
pâturage et de l’intensité des pressions de cultures, de feux et de pâturage post-cultural (Nasi,
1994). Ainsi, chaque stade de la succession possède toujours des espèces propres (Nasi, 1994)
et permet d’établir des listes des groupes d’espèces caractéristiques (annuelles et ou pérennes)
22
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
des différents stades de jachères (Cesar & Coulibaly, 1993 ; Dembélé, 1996 ; Yossi, 1996 ;;
Donfack, 1998 ; Karembé, 2001 ; Koita & Bodian, 2000 ). Il s’agit de comprendre à partir de
l’approche par les traits biologiques ou forme de vie (espèces annuelles et pérennes) définis
par Raunkiaer (1934) l’une des classification la mieux aboutie car elle intègre les
caractéristiques biologiques et les stratégies vitales des espèces (Diouf, 2012), la réponse des
communautés végétales aux pressions liées aux activités anthropiques notamment celles liées
aux cultures et à la pâture et leurs effets sur la biodiversité.
(Q2) la diminution de la richesse spécifique en espèces pérennes est-elle positivement
corrélée à l’augmentation de la richesse spécifique des espèces annuelles sous l’effet de la
perturbation entraînant la dégradation ?
Au Sahel et dans les savanes soudaniennes, nombreuses sont les études réalisées qui ont
conclu à un maintien ou une augmentation de la richesse floristique herbacée en cas de fortes
perturbations comme la mise en cultures et d’exploitation pastorale intenses (Koita & Bodian,
2000 ; Achard et al., 2001). En revanche, dans ces mêmes zones et en absence des
perturbations majeures les adventices des cultures et les plantes surtout annuelles des jachères
sont remplacées par des espèces pérennes comme Andropogon gayanus qui finit toujours par
disparaître au profit des graminées savanicoles, comme Andropogon ascinodis, Hyparrhenia
spp… (Zoungrana, 1991 ; Fournier et al., 2000). Plus le nombre d’individus d’espèces
pérennes est élevé, plus les chances de la végétation à s’établir rapidement après une
perturbation sont grandes (Cissé, 1986 ; Boutrais, 1994).
Nombreux autres auteurs (Grunow et al., 1980 ; Mordelet et al., 1997 ; Blanc et al., 2003)
indiquent que lorsque la densité des arbres augmente (effet d’ombrage), la production
herbacée tend à décroître. Des études ont montré également que chaque année, la quantité des
pluies influence sur celle de la biomasse herbacée tandis que la pâture modifie la flore
(Breman & Cissé, 1977; Hiernaux, 2000 cité par Tracol, 2004).
- H3. La dégradation en termes de valeur fourragère (pastorale) n’équivaut pas à une perte de
biodiversité selon les indices classiques qui ne tiennent pas compte des espèces en terme de
leur pérennité et ou de leur valeur pastorale ou inversement les pâturages les plus appréciés
pour leur valeur pastorale ne sont pas ceux qui contiennent le maximum de biodiversité. Pour
tester cette hypothèse la question suivante est posée :
(Q1) La valeur pastorale est-elle plus liée à la présence des graminées pérennes pâturables
que de la biodiversité végétale?
Selon le paradigme scientifique, une biodiversité plus élevée garantit à la fois une meilleure
utilisation des ressources abiotiques, une productivité primaire plus élevée (Johnson et al.,
1996) et une plus grande stabilité face aux perturbations du milieu (Hobbs et al., 1995 cité par
Jauffret, 2001). En effet, la relation entre la biodiversité végétale et la valeur pastorale a été
généralement abordée sous l’angle de l’anthropisation et de l’effet de la pâture sur les
ressources fourragères par de nombreux auteurs (Breman & Cissé, 1977 ; Boudet, 1991 ;
Floret & Pontanier, 2001 ; Botoni et al., 2006 ; Pollock et al., 2013) dont certains (Boudet,
23
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
1991 ; César, 1992) ont recommandé la prudence, car l’impact du pâturage est à moduler en
fonction de plusieurs paramètres entre autres la zone agroclimatique, la pression anthropique
globale, l’intensité du pâturage, la saison de pâture, de la production fourragère etc.
En Afrique de l’ouest, les résultats des travaux de recherche réalisés dans le cadre du
programme jachère reconnaissent que les activités pastorales et agricoles jusqu’à un certain
degré induisent une baisse de la valeur pastorale des parcours, car celle-ci dépend de la
phytomasse herbacée et de la qualité de l’herbe offerte évaluée à l’aide de l’indice de qualité
spécifique (Daget & Godron, 1995; Karembé, 2001).
A la pâture, le bétail manifeste une préférence pour les espèces mais également pour des états
des espèces qu’il consomme. Le bétail consomme de préférence les organes végétaux jeunes
et tendres (verts ou à l’état de paille) parce que leur appétence est excellente et nécessitent
moins de fatigue pour être mâchées et ingérées (Cissé, 1986 ; Ranaivoarivelo &
Milleville, 2001). Dans la réserve, toutes les espèces n’ont pas la même importance dans leur
zone de répartition et leur distribution spatiale varie en fonction de la disponibilité de l’eau,
du sol, de la topographie et de l’exploitation (Heringa et al., 1988 ; Nasi, 1994 ; Dembélé,
1996). En hivernage, une quantité importante de biomasse est produite par les différentes
espèces (légumineuses mais surtout les graminées annuelles et pérennes) dont la qualité ou
valeur pastorale serait liée à la sélection qu'opère le bétail (Hiernaux, 1998) et à la dégradation
de la litière par le piétinement (Ayantunde et al., 1998 cité par Fournier et al., 2001). En
saison sèche, la valeur pastorale de la plupart de ces graminées tombe de façon brutale
(Sinsin, 1993 ; Ranaivoarivelo & Milleville, 2001). Toutefois, en milieux soudaniens
l’activité végétale des graminées pérennes (Andropogon gayanus surtout) au cours de la
saison sèche ne s’estompe pas complètement car des repousses sont émises après le passage
des feux de brousse dont le débat relatif à leur nocivité bien qu’ancien reste largement ouvert
(Dembélé, 1996 ; Dembélé et al., 2003 ; Diouf, 2012). La valeur pastorale serait fonction de
l'intensité de son exploitation par le bétail (César & Coulibaly, 1993). L’augmentation de la
pression pastorale est le plus souvent évoquée comme un facteur de baisse de cette valeur
pastorale consécutive à la diminution de la contribution des espèces appétibles en particulier
les graminées pérennes (Kagoné, 2000 ; Botoni et al., 2006). La diminution des graminées
pérennes à moyenne et très bonne valeur pastorale au profit de la richesse en espèces
annuelles serait aussi induite par la dégradation (César, 1992 ; Jauffret, 2001). L’objectif
spécifique visé ici est de déterminer en plus de l’effet de la dégradation induite par les
perturbations sur la biodiversité herbacée, la relation entre cette biodiversité et la valeur
fourragère ou pastorale des espèces herbacées. En effet, la majorité des sites en zone de
transition sont actuellement cultivés ou l’ont été, tandis que des troupeaux (bovins et petits
ruminants) pâturent dans les zones libres des champs. La zone tampon est traversée par des
couloirs de transhumances et fait avec l’aire de référence l’objet de convoitise pendant les
périodes de crises de fourrages (Albignac et al., 1998).
- H4. Dans la réserve, la composition floristique est influencée par les gradients
géomorphologique et anthropique. Nous avons posé la question que :
24
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
(Q1) dans la structuration de la composition floristique, le niveau d’anthropisation (zonage)
prime t’il sur la géomorphologie à laquelle sont liées étroitement les conditions pédologiques
locales (altitude, texture et pH du sol) ?
En Afrique de l’ouest, les variations les plus profondes de la flore et de la structure de la
végétation entre régions sont déterminées par les facteurs climatiques (température, humidité
entre autres), l’altitude (position topographique) et les facteurs édaphiques qui organisent la
végétation en fonction de grandes unités dans le paysage (Brown, 1994 ; Huntley et al., 1995 ;
Fournier et al., 2001). En effet, la disponibilité hydrique dans les sols et le bilan des
nutriments sont les facteurs clés expliquant la distribution de la végétation des savanes
(Frost et al., 1986). Cette disponibilité hydrique dans les sols est fonction non seulement de la
texture de ces sols et de leur pH, mais aussi du régime pluviométrique, de la part infiltrée des
pluies, de la capacité de rétention des sols, de l’évapotranspiration et de la redistribution
horizontale des eaux de ruissellement (Frost et al., 1986 ; Fournier et al., 2001). Dans notre
zone d’étude, les différences macroclimatiques étant moins importantes à l’échelle locale,
l’attention est portée en plus de l’influence anthropique, sur la position géomorphologique du
milieu, la texture des sols et le pH pour présenter des variations locales significatives.
- H5. La dégradation du couvert végétal observée au cours de ces dernières années dans la
réserve est probablement la conséquence d’une anthropisation dans un contexte de péjoration
climatique. L’objectif est d’analyser le phénomène de dégradation du couvert végétal de la
zone d’étude. La question de recherche posée est la suivante:
(Q1) la diminution du couvert végétal dans la réserve de Fina est elle provoquée par les
pressions anthropiques et la récurrence de la sécheresse ? Ces deux facteurs sont-ils les
principales causes de la dégradation du milieu ?
Le contrôle de l’occupation du sol à proximité des aires protégées est perçu comme une
condition incontournable pour assurer la conservation durable des espèces au sein des limites
des aires protégées (Rodary & Castellanet, 2003 ; Kintz et al., 2006). Visualiser la répartition,
le niveau de réduction et le processus de transformation des espaces naturels permettraient de
connaître les occupations actuelles des sols qu’il faudrait maîtriser pour garantir une gestion
durable de ces espaces naturels autour et dans la réserve.
I.4. Intérêt de l’étude
Le Mali ne dispose que d’une réserve de biosphère à savoir la réserve de biosphère de la
boucle du Baoulé. Cette réserve dispose d’une flore et d’une faune très riche et diversifiée
qu’il convient de sauvegarder en la mettant à l’abri de fortes pressions de braconnage de sa
faune et d’exploitation anarchique et frauduleuse de ses ressources floristiques.
En outre, dans un pays sahélien comme le Mali, à écosystème très fragile avec une économie
tributaire de l’utilisation des ressources naturelles, il est nécessaire de mettre l’accent sur une
gestion durable des ressources végétales. Pour ce faire toute exploitation qui se veut
rationnelle nécessite au préalable la connaissance approfondie d’un capital disponible afin de
faire un bon suivi dans le temps et dans l’espace.
25
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
La connaissance de l’état de la végétation à travers l’étude de l’influence des gradients
anthropique et géomorphologique sur la variation de la biodiversité objet de la présente thèse,
permettra de mettre à la disposition des gestionnaires de la réserve et aux décideurs politiques,
des données scientifiques détaillées pouvant susciter la mise en marche d’un dispositif
efficace de gestion des ressources de la réserve du Baoulé.
I.5. Organisation de la thèse
La thèse comprend 8 chapitres regroupés en 3 grandes parties. Hormis l’introduction
(chapitre I), la discussion générale et la conclusion et perspectives (chapitre VIII), cette thèse
est une compilation d’articles publiés, sous presse ou soumis dans des revues nationales et
internationales avec comité de lecture.
La première partie de ce travail regroupe deux chapitres. Le premier est consacré à
l’introduction générale, aux généralités sur les concepts utilisés, la problématique, les
hypothèses et les questions de recherche ainsi que les objectifs de l’étude et la présentation de
la zone d’étude. Le deuxième chapitre traite les méthodes utilisées et décrit le site d’étude (la
réserve de Fina).
La deuxième partie de la thèse présente les résultats et leurs analyses. Elle est structurée en
cinq chapitres (chapitres III, IV, V, VI et VII). Le chapitre III présente les résultats de la
composition floristique globale, la distribution des types biologiques, phytogéographiques, la
diversité floristique. Le chapitre IV donne les résultats de l’analyse phytosociologique des
milieux non perturbés et perturbés. Le chapitre V porte sur l’anthropisation et la stratégie
d’adaptation des espèces herbacées. Le chapitre VI traite les relations entre espèces et facteurs
environnementaux. Le dernier chapitre VII de cette partie, étudie la dynamique temporelle de
la végétation sous les effets combinés du climat et des pressions anthropiques. Il donne des
indications sur les causes actuelles de la dégradation du couvert végétal ainsi que des
indicateurs qui caractérisent cette dégradation.
Dans la troisième partie de cette thèse, sont discutés les résultats des différents chapitres et les
critiques relatives aux différentes méthodes utilisées dans le cadre de nos travaux dans le
chapitre VIII. Cette troisième partie conclut en dégageant les résultats les plus saillants et en
proposant des perspectives de recherche.
Les études réalisées dans les 2 premiers chapitres de la deuxième partie de la thèse nous ont
permis de répondre aux 3 premières questions formulées et de tester l’hypothèse 1. Le
chapitre IV a permis de répondre à la question 4 de l’hypothèse 1. Le chapitre V a répondu
respectivement aux questions 1 et 2 de l’hypothèse 2 et à la question 1 de l’hypothèse 3. Le
chapitre VI a tenté de répondre à la question 1 de l’hypothèse 4. Enfin, le dernier chapitre VII
a permis de répondre à la seule question posée et de tester l’hypothèse 5.
26
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
I.6. Généralités sur le milieu d’étude
I.6.1. Localisation
Localisée dans le bassin du fleuve Sénégal entre la zone sahélienne au Nord et la zone
soudanienne au Sud, la réserve de Biosphère de la boucle du Baoulé (RBBB) occupe une
position centrale entre deux régions administratives du Mali (régions de Koulikoro et de
Kayes). Elle est située (figure I.2) dans la partie Ouest du pays à environ 175 km de la
capitale Bamako entre la latitude 13o45’ à 14o35’ Nord et la longitude 8o23’ à 9o25’.
Figure I.2. Localisation de la réserve de Biosphère de la boucle du Baoulé.
27
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
La RBBB est constituée de 3 réserves appelées "blocs″ (Kongosambougou, Fina, Badinko).
Elle comprend des aires centrales (533.037 ha) de tampon (177.345 ha) et de transition ou
périphérie (1.789.618 ha) soit une superficie totale de 2.500.000 ha. Chacune des 3 réserves
comprend :
- une aire centrale ou de référence bénéficiant d’une protection intégrale à long terme et
permettant de conserver la diversité biologique, de surveiller les écosystèmes les moins
perturbés, et de mener des recherches et autres activités peu ou non perturbantes.
- une aire tampon, entourant ou côtoyant l’aire centrale ; les activités qui sont menées en son
sein ne doivent pas aller à l’encontre des objectifs de conservation assignés à l’aire centrale,
mais elles doivent au contraire contribuer à la protection de celle-ci ; dans cette zone sont
menées seulement des activités compatibles avec des pratiques écologiquement viables ;
- une aire de transition ou périphérie, correspondant aux terroirs des villages riverains de la
réserve qui comprend en plus des champs, des jachères et des établissements humains.
C’est dans la réserve de Fina que nous avons effectué nos travaux de recherche (136.000 ha).
Cette réserve a été constituée depuis 1954 comme réserve de chasse, puis en réserve totale de
faune en 1959. Elle est limitée à l’Est par l’affluent Baoulé, au Sud-Ouest par la piste du
campement Baoulé et le Kénié et au Nord par le bloc de Kongosambougou.
I.6.2. Historique de la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé
Le programme MAB (Man and Biosphère), un programme initié par l’Organisation des
Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), a développé une
approche sociale de la gestion des aires protégées depuis les années 1970, sous le concept de
«réserve de la biosphère». Ce concept a été redéfini en 1995 sous le nom de «Stratégie de
Séville». Le programme MAB se propose de définir les bases scientifiques et de former le
personnel approprié pour répondre aux questions d’utilisation rationnelle et durable des
ressources de la biosphère. C’est dans ce cadre que le programme est intervenu dans le Parc
National de la boucle du Baoulé. La genèse des faits importants est la suivante :
- en 1952, le complexe « Parc National de la boucle du Baoulé » est classé sur la liste des
aires protégées du Mali avec une superficie de 350 000 ha. C’est à cette date qu’a été réalisée
la construction du campement Baoulé et le traçage de la première piste de chasse allant de
Faladiè à Madina;
- en août 1954, la réserve totale de faune de la boucle du Baoulé a été classée en Parc
National;
- en 1960, la gestion des aires protégées passe sous la responsabilité de la Division Chasse du
service des Eaux et Forêts;
- en 1972, la réserve est placée sous la direction de l’Opération Aménagement du Parc
National de la boucle du Baoulé « OPNBB » créée par le décret no 33/PCG-RM du
25 Mars 1972 réglementant son accès selon les limites prescrites par ses statuts et règlements
intérieurs;
- en 1974, un expert de la FAO a élaboré un premier plan d’action pour la protection et
l’aménagement du complexe;
- entre 1977 et 1981, les Pays-Bas ont financé et exécuté avec l’OPNBB, le Projet de
Recherche pour l’Utilisation Rationnelle du Gibier au Sahel (RURGS) ;
28
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
- en 1982, le Parc National de la boucle du Baoulé (PNBB) et ses 3 réserves adjacentes ont été
érigées en Réserve de Biosphère de la boucle du Baoulé par l’UNESCO ;
- en 1993, il y a eu le déclassement d’une partie intégralement protégée de la réserve pour
satisfaire aux exigences d’une réserve de biosphère et surtout aux besoins croissants en terres
des populations riveraines (193 735 ha sur 668 405 ha) ;
- de 1993-1998 exécution par l’OPNBB du projet intitulé MLI/91/014 «Gestion améliorée des
ressources de la biodiversité de la Réserve de Biosphère de la boucle du Baoulé» financé
conjointement par le gouvernement de la république du Mali et le Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD).
C’est l’Etat, à travers l’Opération Aménagement du Parc National de la boucle du Baoulé et
des réserves adjacentes (OPNBB) sous tutelle de la Direction Nationale des Eaux et Forêts
(DNEF) qui gère la Réserve de Biosphère de la boucle du Baoulé. Le cadre législatif et
réglementaire qui fixe les conditions de gestion de la faune sauvage et de son habitat est la loi
No95-031 du 20 Mars 1995.
L’OPNBB a pour mission la gestion du Parc National de la boucle du Baoulé et des réserves
adjacentes et de leurs zones tampons. Elle relève administrativement de quatre cercles : Kita
et Diema de la région de Kayes ; Kolokani et Kati de la région de Koulikoro. Avec la
décentralisation, vingt deux communes fondent un espoir sur une gestion durable des
ressources de cette réserve.
I.6.3. Aspect climatique
I.6.3.1. Climat au Mali.
Pays carrefour de l’Afrique de l’ouest, le Mali est entouré par 7 pays. A plusieurs centaines de
kilomètres de la mer, entre l’erg mauritanien et la forêt sempervirente ivoirienne, il présente
un gradient climatique nord-sud extrêmement marqué (Djitèye, 1984 ; UICN, 2009). Le Mali
reste largement tributaire des conditions climatiques et plus particulièrement de la
pluviométrie (Diarra, 1985 ; Heringa et al., 1988).
Le climat, de type intertropical continental est caractérisé par l’alternance d’une longue saison
sèche et d’une saison des pluies allant de 2 mois au nord à 4-6 mois au sud (environ 4 mois à
la latitude de Bamako). La pluviométrie est très irrégulière dans l’espace et dans le temps et
varie de 300 mm au nord à 1 200 mm dans le sud. Cette pluviométrie est en baisse avec un
mouvement vers le sud des isohyètes (figure I.3) sur l’ensemble du pays selon la Direction
Nationale de la Météorologie (DNM, 2005 in MEA, 2005). Ce phénomène a été déjà signalé
dans la zone soudano sahélienne par Bosma et al. (1996) ; Houndenou et al. (1998) et
Diop (1996).
29
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Figure I.3. Glissement des isohyètes au Mali (DNM, 2005 in MEA, 2005).
Selon Djitèye (1984), outre le gradient latitudinal qui, en Afrique de l’Ouest, affecte les
principales composantes du climat (variables hydriques et thermique, cet ensemble régional
est soumis à un système de vents réguliers les uns d’été (alizé maritime ou mousson), les
autres d’hiver (alizé boréal continental ou harmattan). L’harmattan est un vent chaud et sec et
provient des masses d’air méditerranéen humide et frais qui s’assèche progressivement en
s’éloignant des côtes. La mousson ou l’alizé boréal, vent de l’ouest issu de l’anticyclone de St
Hélène (océan atlantique) et de direction SW-E, souffle de mai à octobre. Elle est chaude et
humide par suite de son long parcours maritime dans les régions équatoriales.
La rencontre de ces deux masses d’air détermine le front intertropical (FIT), marqué par le
mouvement de montée et descente au cours de l’année. De décembre à février, le FIT se situe
entre la latitude 3° et 8°, période durant laquelle, sur la partie septentrionale de l’ouest
africain, l’influence de l’harmattan conditionne la saison sèche. Le degré hygrométrique peut
s’y abaisser alors jusqu’à 15°, occasionnant des répercutions visibles sur la végétation (de
nombreuses herbacées flétrissent et divers arbres perdent leurs feuilles afin de limiter les
pertes d’eau par transpiration). Il remonte ensuite lentement vers le nord, laissant la place à la
mousson qui va déclencher le processus des pluies, au cours de la saison chaude. A la fin du
mois d’août, quand il est atteint approximativement 22° de latitude nord, le FIT amorce à
nouveau son mouvement de descente vers le sud auquel correspond le début de la saison
sèche.
30
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Au Mali, de par la localisation du FIT, c’est généralement au mois d’août que les pluies sont
les plus fréquentes et que l’on enregistre les plus grandes quantités d’eau. Cependant, en
relation avec le déplacement du FIT, les hauteurs de pluies ainsi que la durée de l’hivernage
sont très variables selon la latitude. L’hivernage démarre précocement dans le sud du Mali et
s’étale sur 4 mois ; dans le nord, bien que plus tardif, il se termine également plus tôt.
I.6.3.2. Climat dans la zone d’étude : la réserve de Fina
De par sa position géographique, la réserve de Fina est située entre 13°10’ et 13°40’ de
latitude Nord et 9°30’ et 9°50’ de longitude Ouest. Elle est comprise entre les isohyètes 900
mm à 1 100 mm au Sud (secteur du Baoulé) et à 600-900 mm au Nord (secteur de Missira et
de Madina). Cette situation la classe dans le bioclimat soudanien. Ce bioclimat de type
tropical se caractérise par une température moyenne annuelle comprise entre 26° et 31° avec
une amplitude thermique de 5° à 10°. Les pluies s’installent dans la région entre avril et
octobre et les mois les plus pluvieux sont les mois de juillet, août et septembre.
L’extrême Nord connaît de plus en plus une sahélisation avec l’apparition de certaines plantes
caractéristiques comme Guiera senegalensis et Ziziphus mauritiana en association avec une
graminée aux fructifications tenaces, le cram-cram (Cenchrus biflorus) et une baisse des
précipitations annuelles moyennes de 500 à 800 mm. Les températures connaissent quelques
fluctuations au cours de l’année ; elles varient de 20 ˚C (août - septembre) à 40 ˚C (avril-mai)
avec une température moyenne de 32 ˚C. Lamb (1982) cité par Heringa et al. (1988)
démontre, sur la base des mesures d’un certain nombre de stations sahéliennes de l’Afrique de
l’Ouest bien dispersées, la diminution de la pluviosité annuelle (donc la sécheresse) qui a
commencé à la fin des années soixante. Par ailleurs, Chamard et al. (1997) ont observé une
baisse régulière dans l’évolution décennale de la quantité pluviométrique de 1959 à 1989 sur
plusieurs sites au Mali.
I.6.3.2.1. Variation spatiale des pluies
La distribution des pluies dans le temps, que ce soit par mois ou par décade est unimodale.
Autrement dit il n’y a qu’une seule saison des pluies avec un mois d’août représentant, le pic
pluviométrique mensuel. À mesure que l'on se déplace vers le sud, la saison des pluies
démarre plus précocement et se termine plus tardivement (figures I.4A et I.4B).
Lorsqu’on se déplace vers le nord, la saison des pluies démarre plus tardivement et se termine
plus tôt. Ainsi dans la zone étudiée, le début de saison est avancé du 15 mai au 25 juillet, et la
fin du 15 septembre au 15 octobre, soit une durée de saison variant de 50 à 150 jours
(figure I.4B). Cette caractéristique du climat en zones soudanienne et sahélienne décrite par
plusieurs auteurs (Sivakumar, 1988 ; Oladipo & kyari, 1993 ; Diop, 1996 ; Somé, 1996)
trouve son explication dans le mouvement nord-sud du FIT.
31
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Figure I.4. Dates moyennes de début (A) et fin de la saison pluvieuse (B) sur la période
1959 - 1998 (Traoré et al., 2000). Par convention, les longitudes sont comptées négativement
à l'ouest. Comme le 0 de longitude se situe vers Gao localisé à l’ouest de Hombori presque
toutes les longitudes apparaissent négatives. Les latitudes sont positives dans l'hémisphère
nord et négatives dans l'hémisphère sud. Etant dans l’hémisphère nord, les latitudes sont donc
positives).
I.6.3.2.2. Variation des moyennes mensuelles et décadaires
D’après le tableau I.2, relatif aux précipitations moyennes mensuelles, les pluies dans la
région de Fina s’étalent sur 6 à 7 mois de l’année (d’avril à octobre). Elles sont cependant
essentiellement concentrées sur 4 mois (juin à septembre), celles de mars, octobre et
novembre étant pratiquement insignifiantes, avec une répartition très inégale. Ce phénomène
est général dans les pays sahéliens : ainsi la pluviosité de juillet et août correspond à plus de
55 % des précipitations totales pour la station de Kolokani, plus de 53 % pour la station de
Kita ; celles du mois d’août 206,7 mm (30 %) et 270,2 mm (30 %) respectivement pour les
stations de Kolokani et de Kita.
32
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Tableau I.2. Pluviométrie moyenne mobile décadaire en mm (1971–2000).
Stations/
Décades
Janvier
Février
Mars
Avril
Mai
Juin
1
2
3
1
2
3
1
2
3
1
2
3
1
2
Kita
0,0
0,0
0,3
0,0
0,0
0,0
0,0
0,7
0,8
2,3
3,1
3,5
6,1
9,4
Kolokani
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,1
0,0
0,6
0,5
1,5
2,4
5,8
5,7
10,6 12,2 27,8 32,9 35,5
Stations/
Décades
1
3
1
3
1
Juillet
2
Août
2
Septembre
2
3
1
Octobre
2
3
1
3
1
2
3
22,9 49,4 53,1 41,8
Novembre
2
3
1
Décembre
2
3
Kita
51,6 65,5 97,2 83,5 80,8 105,9 69,9 51,9 42,1 32,3 22,5 11,0
1,3
2,2
0,3
0,0
0,1
0,0
Kolokani
49,8 50,3 79,2 67,1 61,2
0,4
3,4
0,1
0,0
0,0
0,0
78,4
49,2 52,5 29,5 16,5 14,2
4,6
I.6.3.2.3. Variation interannuelle des pluies
Les variations interannuelles sont toutes aussi importantes que les variations spatiales. Ainsi,
l'écart maximum du début de la saison des pluies est respectivement de 67 et 49 jours à,
Kolokani et Kita. L’écart maximum de la fin de la saison est également important bien que
légèrement plus faible avec des valeurs de 41 jours à Kolokani et 39 jours à Kati.
Contrairement à la variabilité nord-sud la variabilité interannuelle de la durée de la saison
dépend davantage de la date de début que de la date de fin, et ces deux dates sont
indépendantes. De la comparaison des deux périodes de 20 ans faite par Traoré et al. (2000),
il ressort qu'aucun changement du début et de la fin de saison n'a eu lieu entre les périodes
de 1959-1978 et 1979-1998. A Kolokani, les dates moyennes de début et de fin de la saison
pluvieuse sont respectivement le 16 juin et le 27 septembre et n'ont pas varié sur la période
considérée. Au sud de Fina précisément à Kita, la saison débute en moyenne le 18 mai, et se
termine le 11 octobre. Le début de la saison a connu une alternance d'épisodes tardifs (entre
1965 et 1974) et précoces (entre 1975 et 1986). Sur ce site, on observe une faible tendance à
la précocité des dates de fin de saison. Les études similaires réalisées par différents auteurs
sur le même espace géographique donnent aussi des résultats hétérogènes (Heringa et al.,
1988 ; Nasi & Sabatier, 1988 ; Bosma et al., 1996). Diop (1996) et Sivakumar (1988)
observent des débuts plus tardifs et des fins plus précoces. Par contre, Oladipo & Kyari
(1993) n’observent pas de différences significatives sur la structure de la saison des pluies.
I.6.4. Géomorphologie et sols
I.6.4.1. Géomorphologie et sols du Mali
L’Afrique de l’Ouest dont le Mali repose sur un craton cristallin stabilisé à la fin du
précambrien (600 millions d’années) installé au centre d’ensembles ayant subi des
phénomènes tectoniques plus récents (Dorsale de Régubta Eglab, Bouclier Nigérien, Bouclier
Birrimien) (ORSTOM, 1969).
La partie non déformée du craton est formée, au sud, par des roches métamorphiques
magmatiques cristallines et au centre par des formations sédimentaires de grès du
précambrien supérieur et du paléozoïque (ORSTOM, 1969). Le relief relativement plat du
territoire malien au sud de l’isohyète 600 mm a été affecté par des mouvements verticaux qui
ont donné naissance au plateau mandingue et au plateau dogon. Une grande partie de ce
territoire se caractérise par des formations ferrugineuses et ferrallitiques, extrêmement
développées. Plusieurs niveaux d’altération et de cuirassement existent, rendant très complexe
33
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
l’historique de ces formations. Cette zone couvre la plus grande partie de la zone soudanienne
du pays, et déborde même de celle-ci vers le nord (Nasi, 1994).
Les sols du territoire malien au sud de l’isohyète 600 mm correspondent selon la classification
CPCS (Commission de Pédologie et Cartographie des Sols qui établit la classification
française des sols) à des sols ferrugineux tropicaux (peu ou non lessivés et lessivés) et à des
Lixisols selon la légende révisée de la FAO ou des Alfisols selon la Soil Taxonomy
(Keita, 2000).
Les sols ferrugineux tropicaux sont des sols riches en sesquioxydes et hydrates métalliques
(Keita, 2000 ; Mélanie, 2011). Cette dernière souligne que ces sols de teinte claire, présentent
des profils différenciés avec des horizons bien distincts, et une variation de texture nette. Les
argiles et des oxydes de fer sont répartis de manière hétérogène dans les profils. Le long du
profil, la teinte s’éclaircit vers le jaune beige avec un lessivage et un départ d’argile des
horizons supérieurs. Les hydroxydes de fer s’accumulent et forment des concrétions ou
cuirasses. Des horizons hydromorphes peuvent apparaître avec l’alternance de saison sèche et
pluvieuse, entraînant un engorgement du sol en saison pluvieuse. Les sols ferrugineux
tropicaux lessivés, par la présence d’argile kaolinite présentent une déficience en éléments
nutritifs, un risque d’acidification accru et une faible capacité d’échange cationique entraînant
une faible rétention des engrais minéraux. Les figures I.5 et I.6 présentent la répartition des
sols ferrugineux tropicaux au Mali selon le Projet d’inventaire des Ressources Terrestres
(PIRT, 1983 et 1986) et la classification de la FAO (1974 in PIRT, 1986).
Figure I.5. Carte des sols du Mali –Sud (d’après PIRT, 1983).
34
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Figure I.6. Cartes des sols du Mali (d’après FAO, 1974 in PIRT, 1986).
I.6.4.2. Géomorphologie et sols de la région du Baoulé
La région du Baoulé est une partie du plateau mandingue, constituée de grès. La plus ancienne
date du tertiaire et elle est connue sous le nom de «Fantofa». Elle est presque plate avec des
sols squelettiques limités par des corniches pouvant atteindre une altitude moyenne de 200 m
de hauteur. On y trouve beaucoup de diaclases. Le grès dur présente des apparitions de
dolerite qui ne forment que de minces filons. La dolerite est un type de roche intrusive,
relativement riche en minéraux lourds. Les affleurements de dolerite sont assez rares. Ils
forment toujours de très petites surfaces dans la région du Baoulé. Les processus
géomorphologiques actifs sont : l’érosion, la redistribution des produits de l’érosion et la
latérisation.
Dans la réserve de Fina, vers le sud se dresse une chaîne de plateaux gréseux qui débute au
campement baoulé et s’échelonne le long de la piste allant à Madina pour finir par les collines
de Kamiguikaba. Vers le nord-ouest se dressent les chaînes gréseuses de Barakorodjikourou et
de Niékéssékoulou qui se prolongent jusqu’aux mares du Kénédon. Au nord de Fina se
trouvent les collines de Sanadiékoulou, Dionkoulouni, Dougakoulou et à l’extrême nord
celles de Pénébougoukoulou. Ces collines sont entourées d’éboulis (zone d’accumulation des
35
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
débris grossiers de l’érosion des corniches). Les pédiments sont généralement formés
d’affleurement de cuirasses latéritiques.
Selon la typologie établie (figure I.7 et figure I.8) par Heringa et al. (1988) dans le cadre du
Projet RURGS (Recherche pour l’utilisation Rationnelle du Gibier au Sahel), on observe
plusieurs surfaces érodées, découpées à différents niveaux. On distingue :
Figure I.7. Coupe transversale de la région Est du Baoulé (Heringa et al., 1988).
I.6.4.2.1. Les plateaux
La forme la plus frappante du relief est le plateau gréseux qui prend quelques fois la forme de
falaises ou de petits plateaux (unité LG qui est subdivisée en LG1 : plateau avec grès exposé
et en LG2 : plateau fortement dissecté avec grès exposé). Ces unités sont caractérisées par des
sols rocheux et peu profonds couverts par une végétation rabougrie, ouverte et une
accessibilité limitée due aux falaises entourant ce plateau. A certains endroits elles sont
couvertes d’une cuirasse latéritique (bowal, unité LL subdivisée en LL1 : plateau avec
cuirasse exposée, en LL2 : plateau fortement dissecté avec peu de cuirasse exposée et LL3 :
plateau avec beaucoup de cuirasse exposée). Les sols de ces différents plateaux sont dans
l’ensemble très peu profonds, rocheux et gravillonnaires soutenus par les affleurements de
grès. Cependant, dans certaines parties de ces plateaux, les sols sont peu profonds et sont
recouverts d’une cuirasse. Quand la cuirasse affleure, les sols deviennent très gravillonnaires
et assez sableux. Dans certaines parties, la cuirasse est exposée. Dans tous les cas, l’érosion
est variable selon les différents types de sols.
36
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Figure 1.8. Carte du paysage de la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé, Mali, Projet
RURGS (Heringa et al., 1988).
37
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
1.6.4.2.2. Les glacis
Le glacis est une surface entaillée dans les altérites de grès cuirassé qui présente différents
profils transversaux avec une profondeur de cuirasse très variable et fonction du modelé
(Brouwers, 1987). Dans la réserve, les glacis sont localisés au pied des plateaux avec une
pente faible à sols profonds et compacts et de drainage normal. Les niveaux intermédiaires et
bas sont difficiles à distinguer. Les unités de glacis se distinguent suivant les niveaux de
couverture en cuirasse et de grès. Ce sont : l’unité GL (glacis avec cuirasse exposé) représente
le plus ancien niveau et érodée de presque partout et l’unité GG (glacis avec grés exposé) qui
prend quelques fois la forme de falaise ou de petits plateaux. A partir du niveau bas, on trouve
un glacis assez étendu dans la direction du fleuve Baoulé correspondant à l’unité GP (glacis
avec sols profonds et sablo limoneux). Sur ces différentes unités se forment une végétation de
savane arborée et quelques fois arbustives.
Le long de l’affluent du fleuve Sénégal, le baoulé se forme à ses abords des formations de
colluvionnement et d’alluvionnement épaisses de 5 m à 8 m élevées au-dessus du lit du
fleuve et ayant une largeur de 100 m à 200 m. Ce sont des terrasses qui ont les mêmes
caractéristiques que les unités de glacis (Heringa et al., 1988 ; Nasi, 1994). Les sols de ces
terrasses sont ferrugineux tropicaux lessivés, profonds, de série beige ou ocre et de drainage
normal. La texture est sablo limoneuse en surface dans les dépôts alluviaux récents et
argileuse en profondeur. Son modelé est localement marqué par des traces d’érosion linéaire
parfois même par un ravinement intense, le long du fleuve. La zone d’inondation le long du
Baoulé est presque toujours très étroite. En certains endroits, on trouve quelques petites mares
dans les vallées, sur les terrasses et les glacis. La transition vers le glacis est graduelle.
La végétation est de type galerie forestière le long du cours d’eau et dégradée avec des plages
nues à certains endroits. Dans le cadre de cette étude, nous avons confondu les terrasses aux
glacis.
1.6.4.2.3. Les plaines
Les plaines occupent la plus grande partie de la région du Baoulé dont les différents types
sont :
- Les plaines à grès exposé (unité PG): Ce sont des plaines à sols très peu profonds et limono
sableux avec un bon drainage. Partiellement, il s’agit des formes érodées sur grès, constituant
des sols peu profonds avec une végétation ouverte en partie sur des cuirasses (unité PG :
plaine avec grès exposé). Cette unité est caractérisée par la présence de grandes termitières
avec une végétation typique (Kiepe, 1984).
- Les plaines à cuirasse exposée (unité PL): Les sols de ces plaines sont peu profonds, très
gravillonnaires et à drainage normal. L’unité PL est une plaine avec une cuirasse exposée. Les
sols sont en général peu profonds et formés de gravillons. La végétation est ouverte et
dominée par des graminées annuelles. Elle se subdivise en unité PL2 : plaine avec cuirasse
exposée partiellement érodée et en unité PL3 : plaine avec cuirasse exposée à humidité élevée.
- Les plaines à sols profonds (unité PP) : Elles sont pratiquement reparties un peu partout dans
le Fina. Les sols sont profonds et limoneux avec un drainage plus ou moins parfait. Elles se
subdivisent en PP1 (plaine avec sols profonds limoneux), PP2 (plaine avec sols profonds
limoneux légèrement dissectés et ondulés), PP3 (forte ressemblance avec PP1 mais entourée
38
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
de plateaux, PP4 (comme PP1 mais plus humide) ; PP5 (comme PP1 mais dominée par
Isoberlinea doka). La végétation est bien développée sur ces plaines. C’est uniquement sur ce
type d’unité de végétation que le gradient climatique nord-sud est apercevable. On enregistre
des variations dans les différentes unités de ces plaines.
1.6.4.2.4. Les vallées
Les vallées sont des bas-fonds qui se décomposent en une surface alluviale temporairement
inondée. Des vallées remplies de dépôts alluviaux sont reparties régulièrement mais sont
généralement assez étroites. Dans la réserve de Fina, on distingue les types d’unités de vallées
suivants : V1 (Vallée petite), V2 (vallée assez grande), V3 (comme V2 mais avec bambou),
V5 (vallée avec drainage imparfait). Les unités V1 localisées dans la vallée du Kénié
comportent de vraies prairies assez étendues. Le long de l’affluent Baoulé du fleuve Sénégal
est bordé par une zone inondable étroite. Une forêt ripicole longe l’affluent du fleuve qui
correspond à l’unité R qui se subdivise en R1 (vallée fluviale assez étroite), en R2 (vallée
fluviale assez grande) et R3 (vallée fluviale assez grande avec une abondance de Borassus
aethiopum). Dans les différentes vallées, les sols sont profonds, limono argileux et à drainage
imparfait. En certains endroits les sols sont peu profonds.
I.6.5. Flore et végétation
I.6.5.1. Phytogéographie
Grisebach (1872) cité par Nasi (1994) fut le premier à individualiser un territoire soudanien,
le « Sudan » lequel couvrait alors sensiblement toute l’Afrique de l’Ouest (Nasi, 1994). Cet
auteur souligne qu’Engler (1882) sépara le Sudan en une région forestière ("Gemeinschaft
Tropical Urwald") et une région non forestière ("savanas"), posant en cela les bases de la
phytogéographie
africaine
actuelle.
Diverses
propositions
de
subdivisions
phytogéographiques ont été faites par de nombreux auteurs pour compléter et affiner le travail
de Engler. Parmi, les diverses propositions de subdivisions phytogéographiques concernant
l’Afrique, nous avons fait référence entre autres à celles de Trochain (1952) ; Lebrun (1981)
et White (1983) (figure I.9) pour situer le périmètre d’étude. Compte tenu de sa localisation à
la charnière des domaines soudano-sahélien et soudano-guinéens (tableau I.3), la zone du
Fina, située dans le centre régional d’endémisme soudanien présente une grande diversité
floristique.
Selon les travaux de Nasi (1994), le territoire se situerait à la limite :
- du secteur phytogéographique de transition soudanien septentrional, correspondant au
bioclimat soudanien nord caractérisé par la disparition des graminées vivaces : Andropogon
chinensis, Diheterepogon aplectens, Schizachyrium sanguineum et des grandes légumineuses
grégaires comme Burkea africana, Daniellia oliveri, Isoberlinia doka ; les espèces
sahéliennes psammophiles (poussant sur les milieux sableux) : Schoenefeldia gracilis,
Cenchrus biflorus, Commiphora africana deviennent fréquents ;
- et le secteur phytogéographique soudanien méridional caractérisé par les taxons soudaniens
précédents, la présence des galeries forestières à fortes affinités guinéennes et la disparition
des taxons sahéliens ; il correspond au bioclimat soudanien sud ou soudano-guinéen. Gallais
(1967) a situé le territoire à la limite nord du Karité (Vitellaria paradoxa) et à la limite sud
d’Acacia raddiana. Djitèye (1984) a effectivement fait le constat que Vitellaria paradoxa s’y
39
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
rencontre encore à l’état spontané, mais strictement localisé dans des stations à bilan hydrique
favorable, telles que les dépressions limoneuses alimentées par ruissellement et aux sols à
grande capacité de rétention d’eau, quant à Acacia raddiana, il devient rare dans le périmètre,
où il reste cantonné sur des petites élévations.
Figure I.9. Les grandes divisions phytogéographiques de l’Afrique et de Madagascar (d’après
White, 1983).
Legende : I. Centre régional d’endémisme Guinéo- Congolais. II. Centre régional
d’endémisme Zambézien. III. Centre régional d’endémisme Soudanien. IV. Centre régional
d’endémisme Somalie Masai. V. Centre régional d’endémisme du Cape. VI. Centre régional
d’endémisme Karoo Namib. VII. Centre régional d’endémisme Méditerranéen. VIII. Centre
régional d’endémisme morcelé Afro Montagnard. IX. Centre régional d’endémisme Afroalpine. X. Zone de transition Guinéo-Congolaise/Zambézienne. XI. Zone de transition
Guinéo- Congolaise/soudanienne. XII. Mosaïque régionale du Lac Victoria. XIII. Mosaïque
régionale de Zanzibar – Inhambane. XIV. Centre d’endémisme régional du Kalahari–
Highveid. XV. Mosaïque régionale du Tongaland-Pondoland. XVI. Zone de transition
régionale du Sahara- sindien. XVII. Zone de transition régionale Méditerranéo – saharienne.
XVIII. Zone de transition régionale méditerranéo-saharienne. XIX Centre régional
d’endémisme malgache oriental. XX. Centre régional d’endémisme malgache occidentale.
AC : Région asiatique centrale. IT. Centre régional d’endémisme Irano – Turanien.
40
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Domaine
sahélien
Domaine
soudanie
Région soudano
angolaise
Tableau I.3. Position de la zone d’étude dans les subdivisions phytogéographiques adoptées
par Trochain (1952), Lebrun (1981) et White (1983) pour l’Afrique.
TROCHAIN
LEBRUN (1981)
(1952)
WHITE (1983)
Secteur sahélo saharien
Zone de transition saharo
Secteur sahélo soudanien
soudanienne
Secteur soudano -sahélien
Secteur soudanien
Secteur soudano -guinéen
Centre Régional
d’endémisme Soudanien
Fina, zone
d’étude
Zone de Transition
soudano guinéo congolaise
Région Guineo-congolaise
I.6.5.2. Végétation de la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé
La position de la réserve à cheval sur deux régions éco-climatiques entraîne une
interpénétration des flores et des faunes et une grande diversité biologique. Le nord de la
réserve du Baoulé (réserve de Kongosambougou et une partie de la réserve du Fina) est
constitué par la savane soudanienne septentrionale dominée par les Combretaceae et où le
tapis herbacé se caractérise par l’absence ou la rareté des graminées pérennes.
Dans la partie Ouest et Nord de la Réserve du Baoulé (réserve de Badinko), un paysage
ondulé, avec une végétation ouverte, s'est développée sur des phyllites et dolorites, constituant
des unités différenciées.
Le sud de la réserve du Baoulé (réserve de Fina) est le domaine de la zone soudanienne
méridionale, qui est une savane à Isoberlinia doka, avec abondance de graminées pérennes.
Les longues années de sécheresse passées et les feux de brousse tardifs ont affecté la
régénération des graminées pérennes dont dépend pour la nourriture la plupart des herbivores.
Les herbacées annuelles commencent leur cycle en mai- juin avec les premières pluies et le
terminent en octobre par la fructification. Au passage du feu, toute la production annuelle est
dévastée. Par contre après le passage du feu, les espèces pérennes donnent des repousses
fraîches et tendres très appréciées par la faune sauvage et domestique. C’est ce qui justifie en
partie la mise à feu par les éleveurs transhumants pour bénéficier de ces repousses.
Il existe un gradient climatique nord-sud qui influence la végétation. La couverture de
graminées pérennes augmente progressivement du nord au sud. Les espèces ligneuses, telles
que Vitellaria paradoxa, Daniellia oliveri et Isoberlinia doka, caractéristiques de la savane
soudanienne, dominent vers le sud de la réserve de la biosphère (réserve de Fina).
Une forêt rupicole et quelques zones d'inondation longent l’affluent Baoulé abusivement
appelé fleuve. Quelques endroits, tels que la vallée du Kénié, défluent de l’affluent Baoulé,
sont occupés par des plaines d'inondation ou des dépôts alluviaux.
Les grandes termitières présentent un aspect particulier, avec une végétation spécifique. Elles
ont une teneur élevée en éléments minéraux, d’où leur emploi comme saline par les animaux
domestiques et sauvages.
41
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Actuellement, l’abandon ou l’absence de programme de conservation des sols a occasionné
l'apparition et l'extension d'îlots de désertification caractérisés par une faible densité d'arbres
et l'absence de couvert végétal sur de vastes étendues.
I.6.6. Ressources en eau.
Le potentiel hydrographique de la zone reste marqué par un des affluents du fleuve Sénégal
(le Baoulé) qui représente pour la zone ce que le fleuve Niger représente pour le reste du pays.
Le Baoulé sert presque de frontière naturelle qui délimite les aires centrales. Dans la zone, il
coule sur près de 260 km et compte à son actif de très importantes rivières (Kénié, Filikoba,
Kéniéba ko et Badinko) qui totalisent une longueur d’environ 360 km. Rapporté à la
superficie totale de la réserve, le réseau hydrographique présente une densité moyenne de 18,5
km de cours d’eau pour 1 km² de territoire, et relativement à la population et au bétail, 1 km
pour 65 hbts et 23 UBT (OPNBB, 1999). Ce potentiel hydrographique est caractérisé par son
extrême sensibilité aux aléas climatiques. Il existe également environ 170 autres points d'eau
dont seulement 61 sont d'une importance écologique pour la zone, du fait de leur taille. La
plupart de ces eaux de surface tarissent rapidement en saison sèche, à cause notamment de la
structure du sol. Dans la réserve de Fina, les plaines d'inondation du Kénié et du Kénédon ont
été très affectées par la sécheresse de ces dernières décennies.
I.6.7. Faune
Selon Agrer (1993) à l'intérieur de la Réserve, la faune est assez riche en espèces, bien que la
densité soit en général très faible. Presque tous les grands mammifères de la savane y étaient
représentés. L'hippotrague, l'ourébi, le sylvicapre, les phacochères et les primates (patas,
vervets et babouins) sont répandus à travers la réserve. Le bubale vit en petit nombre
seulement dans la réserve de Fina. Le cobe défassa, le guib harnaché et le céphalophe à flancs
roux fréquentent les forêts rupicoles du Baoulé, du Badinko et de leurs effluents.
L'hippopotame et le crocodile se réfugient dans les eaux profondes. La gazelle à front roux est
présente dans la réserve de Kongosambougou ainsi qu’au nord de la réserve de Fina.
L'oryctérope semble être assez représenté également à Kongosambougou. Le lion, l’hyène
tachetée sont les deux grands carnivores vivant dans la réserve et au dépend essentiellement
du bétail domestique.
Au moment de notre inventaire, nous n’avons aperçu que quelques animaux sauvages entre
autres : un chacal, deux phacochères, un groupe de 12 hyppotragues, des traces de lion ainsi
que de nombreux oiseaux. Des témoignages recueillis auprès des éleveurs et agriculteurs ont
revelé la présence de lions qui se seraient attaqués à un troupeau de bœufs tuant quelques uns
avant notre arrivée dans la zone. La présence importante de bétail domestique (transhumant et
sédentaire) et de nombreux gîtes de braconniers au niveau de certains points d’eau ajouté à la
dégradation de leur habitat naturel est certainement la cause de la rareté de la faune sauvage.
I.6.8. Populations et activités économiques
La population estimée à 290 126 habitants repartis entre 22 communes rurales, 64 villages ou
hameaux périphériques de la réserve de biosphère de la boucle du Baoulé (L’OPNBB, 1999)
avoisine environ 347 800 hbts (Stratégie Energie Domestique SED, 1998 ; Recensement
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
Général de la Population et de l’Habitat: R.G.P.H, 2009). La population accuse un taux de
croissance de 2,2 % par an avec une densité de 15 à 25 hbts/km² (SED, 1998). La croissance
démographique (figure I.10.) est à la base d’une forte pression de mise en culture des terres,
principalement pour compenser les baisses de rendement et l’accroissement des besoins des
populations. Ce taux de mise en culture est de 86 % à Missira, un village situé au nord de la
réserve de Fina (Dembélé et al., 2003). Cette pression s’accentue ces dernières années dans
les parties Sud et Ouest de la réserve de Fina et serait l’une des causes de la dégradation des
systèmes traditionnels.
Densité
(hbt/Km²)
La zone d’étude a un caractère nettement rural. Les populations majoritairement sédentaires
s’adonnent à des activités économiques comme l’agriculture, l’élevage, la pêche, la chasse
(braconnage), l’artisanat, l’apiculture, le maraîchage, le petit commerce, la cueillette,
exploitation du bois, la pharmacopée, etc. Les principales cultures sont : le mil, le sorgho, le
riz, le maïs, l’arachide, le coton, le tabac, les cultures maraîchères, le Dah ou Bisapp (Hibiscus
sabdariffa (Linné), etc.
Effectifs population
Densité (hbt/Km²)
450000
400000
60
Effectifs population
50
350000
300000
40
250000
30
200000
150000
20
100000
10
50000
0
0
1983
1996
1997
2002
2009
Années
Figure I.10. Evolution de la population dans le Baoulé (SED, 1998 ; R.G.P.H, 2009).
La superficie annuellement mise en valeur par unité de production agricole (UPA) est
supérieure à 5 ha pour 67,5 % des UPA de la zone (Cissé, 1997 ; Projet de Développement de
l’Elevage dans le Sahel Occidental : PRODESO, 1997 ; OPNBB, 1999). A titre indicatif de
1999 à 2003 (figure I.11), il y’a eu en moyenne 297,8 ha/an de nouvelles défriches. Ces
défriches qui avaient connu une accalmie en 2002 ont repris en 2003 suite à la reprise de la
culture du coton. En effet, la chute des prix du coton en 2000-2001 avait découragé les
paysans qui ont joué à la prudence en 2002 en installant des cultures vivrières. Les champs de
coton ont été pour la plupart utilisés à cet effet (PRODESO, 1997).
Les caractéristiques structurelles des unités de production indiquent l’existence d’unités de
production agricole (UPA) de grande taille (soit 26 personnes /UPA), la moyenne nationale
étant de 15 personnes /UPA. Ainsi, l’agriculture, par son caractère itinérant, est donc à la
longue fortement consommatrice d’espace et dégradante du milieu. Plusieurs activités
économiques peuvent être menées conjointement par un même individu.
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Surfaces cultivées (ha)
Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
5000
4500
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
1999
2000
2001
2002
2003
Années
Figure I.11. Evolution des emblavures dans le Baoulé (OPNBB, 1999 ; Diallo, 2004).
Selon le PRODESO (1997), il existe dans la zone d’étude deux formes d’élevage totalement
différents: l’élevage autochtone sédentaire mené par les populations locales et celui pratiqué
par les éleveurs étrangers ou transhumants (Peuhls, Maures et Diawanbé); chacune de ces
activités peut engendrer, de façon directe ou indirecte, des répercutions sur les ressources
naturelles.
L'effectif des animaux sédentaires a été estimé à 24 116 bovins et 22 452 ovins et caprins et
l’effectif des animaux transhumants fréquentant la zone du Baoulé à environ 300 000 têtes,
dont 111 185 bovins, 188 815 ovins caprins, 1 500 ânes et 900 chevaux.
L’élevage sédentaire occupe 50 % des UPA et 93 % l’exercent comme activité secondaire (en
moyenne 18 bovins, 6 ovins et 10 caprins par UPA). Les bovins sédentaires appartiennent le
plus souvent à la sous race taurine, le « Méré » en Bamanan, trypanotolérante qui est une
métisse du N’dama et du Zébu. La race N’dama est également présente. Les ovins et caprins
de petite taille appartiennent à la race des Djallonkés. L’élevage sédentaire présente trois cas
de figure :
- L’élevage sédentaire des villageois sédentaires
Cet élevage est constitué d’animaux de trait et de laitières sèches ou non. En dehors de la
saison des pluies, tous ces animaux divaguent. Ils contribuent à l’intégration agriculture
élevage, vu leur parcage de nuit dans les champs à proximité des villages.
- L’élevage sédentaire des Curaadi
Il concerne une frange des troupeaux transhumants installés au niveau des villages pour le
troc du lait contre les céréales. Cette frange peut être considérée comme troupeau sédentaire à
cause du séjour relativement long dans les terroirs villageois.
- L’élevage sédentaire des populations pastorales transhumantes et sédentaires
Chez ces populations pastorales, situées sur la lisière septentrionale de la réserve, tous les
troupeaux transhument; à part une frange d’animaux (essentiellement des laitières et des
sujets faibles) qui sont au moment des départs gardés par les villageois et des chefs de
campements pour les besoins en lait des populations qui ne vont pas en transhumance.
L’élevage transhumant, quant à lui, est pratiqué par les éleveurs maliens et mauritaniens non
résidants dans la zone. Il est conduit par des ethnies diverses (Peuhls et Maures) et les
pratiques observées sont en pleine évolution. Le troupeau est monospécifique bovin ou mixte,
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
associant les bovins et les petits ruminants (ovins et caprins). Les bovins sont dans la plupart
des cas de la race Zébu peul soudanien communément appelé « Sambourou » par les Peuls de
la zone et la race maure en petit nombre appelé en peul « Tiaporodji ». Ils ne sont pas
résistants à la trypanosomiase. Contrairement aux ovins et caprins sédentaires, ceux des
transhumants sont de grande taille. On distingue trois types de races chez les ovins : mouton
maure à poil ras « kanen biud en maure », mouton maure à poil long «kanen kohul en
maure », mouton peul « Sambourou ». Quand aux caprins ils appartiennent à la race de la
« chèvre du Sahel » par manque de distinction plus précise.
L’élevage transhumant, très mobile est perçu de nos jours dans la zone comme une activité
dégradante de l’environnement et source de nombreux conflits. Il concerne les troupeaux
transhumants des populations pastorales (Peulhs et Maures) et des troupeaux transhumants
des sédentaires.
Chez les Peulhs, la transhumance se caractérise par l’utilisation d’un nombre élevé de bergers
familiaux pour la conduite des troupeaux, alors que chez les Maures on rencontre un fort
pourcentage de bergers salariés.
Enfin, la date de départ en transhumance n’est pas fixe. Elle est commandée par l’état des
ressources, donc des conditions climatiques. Dans la réserve, la transhumance couvre la
période de décembre à juin. L’exploitation des pâturages commence autour des points d’eau
temporaires pour finir aux points d’eau permanents.
Le monde rural est largement tributaire des ressources forestières. Les paysans tirent de la
réserve une bonne partie de leur alimentation et leurs médicaments (les plantes médicinales),
de leur industrie et de leur énergie. Les villages d’accès facile sont les seuls à tirer meilleur
profit de l’exploitation du bois à caractère commercial. L’autoconsommation est satisfaite
pour l’ensemble des villages en bois de chauffe, en bois de service et en bois d’œuvre.
En matière d’exploitation foncière, on rencontre dans la réserve plusieurs catégories de terres:
les terres réservées ou protégées essentiellement sous forme de réserves intégrales dont
l’exploitation est strictement interdite ; les terres de culture (pour l’agriculture de substance ou
de rentes) ; les terres aux superficies indéfinies et qui sont utilisées pour les pâturages ou les
parcages ; les terres en jachère; les terres à usage d’habitation.
Les terres de culture, les terres en jachère et les terres à usage d’habitation sont gérées selon le
droit coutumier. Les pâturages naturels répondent eux à une exploitation communale voire
extra communale plutôt qu’à un système rationnel de gestion. Au droit coutumier de gestion
des terres se superpose le droit moderne représenté par la loi n°2002-008 du 13 février 2002
portant code domanial et foncier. Ce code stipule que la terre appartient à l’Etat et que son
instrument de mise en valeur est le schéma d’aménagement du territoire. L’application de
cette loi basée sur l’approche gestion des terroirs devrait favoriser une bonne gestion du
foncier. Mais jusqu’à présent en milieu rural, on constate une prépondérance et une légitimité
du droit coutumier par rapport au droit moderne. Cette situation continue à entretenir non
seulement un flou dans la gestion et l'exploitation des ressources naturelles, mais aussi dans le
règlement des conflits. En effet, ni les textes législatifs et réglementaires, ni les droits
coutumiers ne garantissent une certaine sécurité à l'éleveur dans ses activités pastorales.
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Première partie : Chapitre I. Introduction générale et présentation de la zone d’étude.
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