Chardon a glu

publicité
Intoxication par le chardon à glu: Addad
(Atractylis gummifera L.)
R. Benkirane, Gh. Jalal, M. Windy, N. Rhalem, R. Soulaymani
1. Cas clinique :
Un enfant de 10ans se présente aux urgences de l’hôpital provincial dans un tableau de
diarrhée et de vomissements. Les parents rapportent qu’il jouait dans le champ prés de chez
lui et qu’il a consommé la glu d’une plante appelée Addad
Le médecin des urgences a appelé le centre anti poison pour avoir plus de renseignements sur
la plante et pour une éventuelle conduite à tenir.
Attitude préconisée pour notre patient
On a conseillé au médecin de faire un lavage gastrique, un bilan biologique et de traiter le
patient symptomatiquement, l’évolution a été favorable
2. Introduction :
Le chardon à glu ou Atractylis gummifera L. est une plante bien connue dans les pays
méditerranéens. Elle est responsable d’intoxications généralement accidentelles, se produisant
souvent en milieu rurale. Il s’agit dans la majorité des cas d’enfants qui prennent la substance
blanchâtre sécrétée par la plante pour un chewing-gum ou lorsqu'il existe une confusion entre
le chardon à glu et l'artichaut sauvage.
L’évolution est le plus souvent mortelle en l’absence d’un traitement spécifique.
3. Description de la plante :
Le chardon à glu est une Astéracée vivace par un volumineux rhizome pivotant et charnu,
long de 30 à 40 cm. Il possède des feuilles profondément découpées en lobes piquants,
groupées en rosette. Les fleurs roses sont groupées en capitules entourés de bractées hérissées
d’aiguillons. Après la fructification, un latex blanc jaunâtre exsude à l’aisselle des bractées.
Cette espèce typiquement nord africaine est présente dans tous les pays du bassin
méditerranéen.
4. Autres dénominations :
addad, ddad (Maroc, Algérie et Tunisie)
chouk el alk (Algérie)
ahfyun (souss)
55.. Données épidémiologiques :
- Le chardon à glu vient en tête de liste des plantes toxiques avec 15 % des cas.
- C’est la plante la plus dangereuse. Elle provoque plus de la moitié des cas de décès
par plantes (52%).
- L’intoxication est saisonnière, surtout au printemps et en été ; périodes de la
germination et de la fructification.
6. Composition et mécanisme d’action :
Les principes toxiques de la racine sont deux glucosides diterpéniques bisulfatés solubles
dans l’eau : l’atractyloside et la gummiférine (carboxy-atractyloside). La quantité
d’atractyloside varie de 0,12 à 1,57% selon la provenance et la saison.
La toxicité du chardon à glu est globalement due à l’action du carboxy-atractyloside qui
inhibe, en se liant avec la phosphoryl transférase, le transport des nucléotides phosphorylés
1
(ADP et ATP) à travers la membrane mitochondriale, ce qui empêche la phosphorylation
oxydative et les réactions du cycle de Krebs et perturbe la respiration cellulaire. Cette action
est comparable à celle des toxines de l’amanite phalloïde.
L’accélération de la glycolyse et de la glycogénolyse anaérobique ainsi que l’inhibition de la
gluconéogenèse explique l’hyperglycémie transitoire, puis l’hypoglycémie et ses
conséquences ultimes.
7. Circonstances de l’intoxication :
La plupart des intoxications sont accidentelles rarement criminelles. Elles sont souvent
collectives, touchant plusieurs enfants d’une même famille vivant à la campagne. Les enfants
confondent la racine avec d’autres plantes comestibles comme les artichauts sauvages ;
Scolymus hispanocus (guernina), ou utilisent la glu sécrétée par la plante comme chewinggum. Ces intoxications peuvent s’observer également lors d’utilisation du chardon à glu
comme plante médicinale en raison des propriétés qui lui sont attribuées, à savoir l’effet
antipyrétique, diurétique, abortive, purgative et émétique.
8. Signes cliniques et biologiques : L'ingestion du toxique se caractérise par :
Une phase de latence : variable de 6 à 24 h voire même 36 h, ce qui retarde l'apparition des
symptômes et donc la prise en charge du patient (lavage gastrique).
Une surveillance de 2 jours devant toute suspicion d'intoxication par cette plante est
conseillée.
Une phase initiale caractérisée par :
une phase Initiale: caractérisée par l'apparition, dans les 24 heures suivant l'ingestion
de cette plante, de douleurs abdominales à prédominance épigastrique associées à des
vomissements itératifs, en fusée (Jaune verdâtre noirâtre, hémorragiques). Diarrhées
avec selles noirâtres et fétides.
Des Signes généraux faits de céphalées, Vertiges et soif intense.
Une phase d’état faite de :
- Troubles neurologiques: Coma rapide et profond.
- Troubles thermiques: hypothermie initiale.
- Troubles cardio-vasculaires: accélération du pouls, irrégularité tensionnelle et collapsus
terminal.
- Troubles respiratoires: hyperpnée et œdème aigue du poumon.
- Atteinte hépatique associant à la fois une nécrose hépatocytaire et une steatose micro
vésiculaire avec un ictère, une augmentation des enzymes hépatiques (TGO, TGP, LDH,
CPK), de la bilirubine sérique, un syndrome hémorragique (TP bas), une hypoglycémie
profonde difficilement réversible précédée par une hyperglycémie.
- Atteinte rénale: insuffisance rénale bénigne, lésion rénale avec élévation de la créatinine,
hématurie et oligurie (ou anurie).
9. Traitement :
L’interrogatoire aura pour but de déterminer l’heure exacte de l’ingestion et la partie de la
plante qui a été ingérée.
Faire transporter le patient en urgence vers la structure hospitalière la plus proche même
avant l’apparition des premiers signes.
2
En absence d’antidote spécifique, le traitement ne peut être que symptomatique se basant
sur :
- Le lavage gastrique, même si le patient consulte tardivement.
- Le traitement du collapsus cardio-vasculaire par remplissage vasculaire.
- La correction de l'hypoglycémie par perfusion de solutés glucosés.
- Traitement de l'acidose métabolique par des perfusions continues de substances tampons
(sérum bicarbonaté ou T.H.A.M).
- La correction des troubles hydro électrolytiques
- La lutte contre l’encombrement trachéo- bronchique par ventilation assistée ou trachéotomie
- La lutte contre la déshydratation.
Malgré cette réanimation symptomatique le pronostic reste réservé.
10. Prévention :
- Sensibiliser les enfants et les informer sur le danger des plantes.
- Ne jamais manger de plantes qu’on ne connaît pas, même si leur goût est sucré.
11. Conclusion :
Il s’agit d’une intoxication assez fréquente au Maroc qui touche généralement des fratries
d'enfants non informés sur la toxicité du produit. L’intoxication peut être méconnue et seul
l'apparition de symptômes peut la révéler, ce qui retarde la prise en charge des patients.
Le traitement reste symptomatique, des campagnes d'information et d’éducation pour les
enfants dans les régions endémiques permettraient de diminuer le risque d’intoxication.
Références
1.Bellakhdar J. La pharmacopée marocaine traditionnelle, Médecine arabe ancienne et savoirs
populaires. Ibis Press, 1997, 183-186.
2.Pintoda Cunha M., Geubel. A.P. Phytothérapie et hépatotoxicité, Med Louvain, Bruxelle.
2002,121: 407-414
3- Lemaigre G., Tebbi Z., Galinsky R., Michowitcz S., Abelanet R. Hépatite fulminante par
intoxication due au chardon à glu (Atractylis glummifera-L). Étude anatomo-pathologique de
4 cas. Nouv Presse Med 1975 ; 4 : 2565-8.
4- Larribaud J. Deux cas d'empoisonnement par le charbon à glu, Atractylis gummifera L.
Observés à Dellys (Algérie). Arch Inst Pasteur Alger 1954 ; 32 : 23-9.
5- Skalli S., Alaoui I., Pineau A., Zaid A., Soulaymani R. Intoxication due à atractylis
gummifera L. : à propos d'un cas. Bull Soc Pathol Exot 2002 ; 95 : 284-6.
6- Stewart MJ ., Steenkamp V. The biochemistry and toxicity of atractyloside : a review. Ther
Drug Monit 2000; 22: 641-9.
3
Téléchargement