Frais de soins non hospitaliers 304 La médecine ambulatoire se compose des frais liés à l’exercice de « l’art médical et paramédical » (1), aux médicaments (2) et aux appareillages (3). La prise en charge de ces frais n’est que partielle (4). La détermination de la couverture des services médicaux et paramédicaux 305 Relativement aux frais de soins pris en charge, le code de la sécurité sociale mentionne les frais médicaux, les frais pharmaceutiques, les frais liés à l’interruption volontaire de grossesse, les soins dentaires, les frais de transport 1 , , les frais de réadaptation fonctionnelle, de rééducation ou d’éducation professionnelle, les frais d’examen prénuptiaux ou encore les frais liés à certaines vaccinations pour certaines catégories de personnes. Cette longue liste de l’article L. 321-1 du code la sécurité sociale n’est cependant pas exhaustive : l’assurance maladie comporte la couverture des frais de soins nécessaires à l’assuré. Il appartient, ainsi, au médecin d’apprécier seul, le caractère nécessaire des mesures curatives 2 dans le respect des règles du code de la santé publique3. 306 Les paradoxes de la fixation des tarifs de soins. - Les soins ambulatoires sont offerts par des médecins et des professions paramédicales. Le code de la sécurité sociale connaît un étrange paradoxe quant à l’exercice de ces professions. La philosophie originelle de l’offre de soins médicaux ambulatoires figure à l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale. Son leitmotiv est la liberté : liberté d’exercice, indépendance professionnelle et morale des médecins, liberté d’installation du médecin. L’article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale dispose néanmoins que « les médecins sont tenus dans tous leurs actes et prescriptions d’observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins » 4 .. La jurisprudence administrative reconnaît d’ailleurs « aux principes de la médecine libérale » le caractère de principes fondamentaux de la sécurité sociale5. Elle a comme corollaire le principe du libre choix de l’assuré – les ressortissants du régime général choisissent librement leur médecin généraliste ou spécialiste installé librement 6 – et « l’entente directe », avec avance des frais, entre le médecin et le malade en matière d’honoraires. 307 Les conventions avec les professionnels de santé.- Toutefois, un système de sécurité sociale ne peut, de par son mode de financement socialisé, 1 Soc., 15 juill. 1999, Bull. V, no 358. Soc., 11 févr. 1993, RJS 1993, no 323 v. néanmoins Riviere-Meyer C., « Du droit au devoir de substitution du pharmacien dans le cadre de la prescription médicale », RDSS 1998. 471. 3 Soc., 10 févr. 2000, RJS 2000, no 443. 4 Comp. C. déont., art. 8 qui indique que « le médecin doit limiter ses prescriptions et ces actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et l’efficacité des soins » ; V. « La médecine libérale : quel avenir », RDSS 2011, hors série ; Hardy A.-C., La médecine libérale face aux principes de justice, d’égalité et de liberté », RDSS 2013. 631. 5 CE, 13 juill. 1962, RD publ. 1962. 739 ; le Conseil constitutionnel refuse de se prononcer sur la valeur constitutionnelle de ces principes Cons. const., 18 janv. 1978, no 77-92 Rec., p. 21 ; Cons. const., 22 janv. 1990, no 89-269, Rec., p. 33 ; v. aussi CE, 30 avr. 1997, RJS 7/97, p. 857. 6Pour l’IRDES, la coordination des soins repose en grande partie sur le patient ou sa famille et, d’autre part, sur les modalités d’entente entre les différents professionnels (confiance, formation commune initiale, conventions plus ou moins explicites). Le système de santé français de soins primaires est donc caractéristique d’un modèle professionnel non hiérarchisé (Bourgueil Y., Marek A., Mousquès J., « Trois modèles types d’organisation des soins primaires en Europe, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande », Questions d’économie de la santé 2009 n° 141). 2 admettre le principe d’un remboursement automatique d’honoraires ou de services fixés par les seuls praticiens sans encourager une hausse illimitée du prix de leurs services7. Aussi, si l’offre de soins est privée, « libérale », les tarifs ne répondent pas, pour la plupart des médecins ou des professions paramédicales, aux seuls critères de l’offre et de la demande. Ils sont déterminés par des conventions conclues entre les organisations représentatives des professionnels de santé8 et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM), qui rassemble les trois principaux régimes d’assurance maladie (régime général, agricole et des professions indépendantes) (v. ss …), ainsi que l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) 9 qui regroupe les familles d’assureurs complémentaires (v. ss …). Ces conventions médicales nationales doivent, pour entrer en vigueur, être agréées par le Ministre en charge de l’assurance maladie. Nous illustrons ici le propos à l’aune des conventions conclues avec les seuls médecins10. 308 « Toute l’histoire des relations entre médecins et les régimes d’assurance maladie est marquée par la recherche constante de compromis permettant de dépasser l’antinomie structurelle qui existe entre une profession qui veut demeurer libre et indépendante et des régimes d’assurance maladie désireux de remplir leur mission de dispensateur de sécurité devant la maladie, confrontés à l’accroissement des dépenses de santé »11. Cette histoire est celle des rapports de force entre les syndicats de praticiens, les caisses d’assurance maladie dont celle du régime général et l’État. Ce dernier a un rôle de plus en plus important dans l’élaboration des mécanismes de remboursement en particulier depuis le « plan Juppé » de 1996, la loi sur l’assurance maladie de 2004 et la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires12. La convention médicale est d’abord une mécanique tarifaire. Depuis la 3e convention médicale en date du 29 mai 198013 les tarifs pratiqués par les médecins conventionnés avec l’assurance maladie obligatoire et la base de remboursement de cette dernière varient en fonction de la discipline du médecin (généraliste ou spécialiste) et de son secteur d’exercice (secteur 1 ou secteur 2). Le médecin conventionné de secteur 1 applique le tarif fixé par la convention nationale conclue entre l’UNOCAM et les représentants syndicaux de la profession (tarif opposable). Les dépassements d’honoraires ne sont autorisés qu'en cas de demande particulière du patient, comme par exemple, une consultation en dehors des heures habituelles d'ouverture du cabinet du médecin. Le médecin conventionné de secteur 2 pratique des honoraires libres. Il est autorisé à facturer des dépassements d’honoraires avec « tact et mesure » c’est à dire de manière mesurée et justifiée notamment selon la notoriété et la complexité de l’acte. Le montant du dépassement d’honoraires n’est pas remboursé par le régime général. Mais ne peuvent pratiquer ces tarifs libres que les médecins répondant aux conditions fixées par arrêté du 13 novembre 1998 : « Peuvent opter pour le secteur à honoraires différents les médecins qui, à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement conventionnel, s’installent pour la première fois en exercice libéral, […] et sont titulaires des titres énumérés ci-après acquis dans les établissements publics […] : ancien 7Leicher C., « Le médecin libéral en 2010 », Trib. santé 3/2010 (n° 28), p. 55 8Borgetto M., « La représentativité des syndicats en droit de l'assurance maladie », Trib. santé 1/2008 (n° 18), p. 39. 9Cf. CSS, art. L. 162-14-3 . 10 Pour la rémunération des pharmaciens Le Gal-Fontès C., « la convention pharmaceutique : nouvel eldorado du pharmacien ? », RDSS 2013. 487. 11 Prieur C., « L’évolution historique de l’organisation des relations entre la médecine libérale et les caisses d’assurance maladie », RDSS 1976, no spéc. p. 305. 12 Hassenteufel P., « Le rôle de l'État dans la régulation de l'assurance maladie », in Bras Pierre-Louis et al., Traité d'économie et de gestion de la santé, Presses de Sciences Po, 2009 p. 396. 13Arr. 5 juin 1980, JORF du 6 juin 1980 chef de clinique des universités, assistants des hôpitaux, ancien assistant des hôpitaux généraux ou régionaux n’appartenant pas à un CHU, ancien assistant des hôpitaux spécialisés, praticien chef de clinique ou assistant des hôpitaux militaires, praticien temps plein hospitalier dont le statut relève du décret n°84-131 du 24 février 1984. » Le décret n°2012-386 du 21 mars 201214 instaure une « option de coordination renforcée » pour certaines spécialités médicales de secteur 2 : selon le nouveau dispositif plus couramment appelé « secteur optionnel », les chirurgiens, anesthésistes, et obstétriciens qui s’engagent à limiter leur dépassement à 50 % du tarif opposable du régime général et à pratiquer 30 % de leurs actes au tarif conventionné, bénéficieront, comme leurs collègues de secteur 1, d’un financement de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie. Les autres praticiens du secteur 2 peuvent pratiquer des tarifs libres, avec tact et mesure ; la prise en charge de ces frais sera celle de la convention15. 309 Mais la convention médicale est également aujourd’hui dotée d’une ambition de maîtrise de l’évolution des dépenses de santé16. Aussi, les négociations des conventions médicales sont étroitement encadrées par l’État: - en premier lieu, il insère les « conventions médicales » dans un ensemble de normes plus ou moins contraignantes (v. ss 252). Il y a fixation par le Parlement d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie de tous les régimes intégrés dans la loi de financement de la sécurité sociale. L’enveloppe globale des dépenses médicales est donc imposée aux professions médicales ; - second instrument : une convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et les caisses nationales d’assurance maladie fixe, en son annexe, l’objectif prévisionnel d’évolution des dépenses de soins de ville remboursables ainsi que les conditions et les modalités de sa mise en œuvre17 (v. ss 516) ; - cet objectif est, enfin, décomposé en objectif de dépenses d’honoraires d’une part et objectifs de dépenses de prescriptions d’autre part dans des annexes annuelles aux conventions médicales. Celles-ci sont conclues séparément entre l’UNCAM et les syndicats de spécialistes d’une part et les syndicats de généralistes d’autre part. À défaut de conclusion d’une annexe, l’État se substitue aux partenaires sociaux. - l'avenant n° 8 à la convention médicale, en date du 25 octobre 2012 prévoit également qu’une procédure conventionnelle peut désormais être engagée à l'encontre des médecins présentant une pratique tarifaire potentiellement excessive, appréciée à partir d'un ensemble de critères spécifiés dans cet avenant. 310 Au-delà de l’aspect purement financier de l’activité des praticiens, les pratiques médicales sont, elles aussi, réglementées. Chaque convention détermine des normes de bonne pratique élaborées par l’Agence d’accréditation et d’évaluation en santé et baptisées « références médicales opposables » (RMO). Elles ont pour objet d’apprécier de manière globale l’activité du médecin et de bannir les prescriptions inutiles tout en n’entravant pas la liberté de prescription du médecin dans le cas particulier. Ces normes globalisées supposent le codage des actes médicaux18. 311 Les actes professionnels des médecins, chirurgiens dentistes, sages femmes et auxiliaires médicaux susceptibles de donner lieu à une prise en charge, sont définis par une nomenclature 19 appelée classification commune des actes médicaux (CCAM). La CCAM a pour objet de décrire20 et d’établir une cotation des actes médicaux et paramédicaux qui permet aux praticiens et auxiliaires médicaux de faire connaître aux caisses de sécurité sociale la valeur de l’acte médical21. Exprimée sous forme de lettre clé affectée d’un coefficient, cette cotation est assortie d’une valeur monétaire (« tarifs ») par les conventions médicales. La CCAM tient également compte du taux de charge des médecins (assurance responsabilité civile, locaux, matériel 14JORF 22 mars 15 Marié R., « Les évolutions à l’oeuvre en matière de rémunération des médecins libéraux », Dr. Soc. 2012. 717. 16 Sur l’impact des conventions médicales sur les droits des patients Mandy C., « Les conséquenes de la convention du 26 juillet 2011 sur les droit sdes patients », RDSS 2013. 623. 17 Cet objectif est décomposé par catégories de praticiens et par catégories de dépenses. 18 CSS, art. L. 161-28. 19 Soc., 2 avr. 1998, D. 1998. IR 131 ; Civ. 2e, 29 juin 2004, no 02-30985. 20 Pour une illustration de l’importance de la NGAP dans la prise en charge, Soc., 23 mars 2000, RJS 2000, no 579. 21 Arr. 27 mars 1972, art. 1, JORF 31 mars 1972, p. 3282. technique…). L’inobservation de cette nomenclature peut conduire à des sanctions civiles22 ou pénales23. La rémunération est donc, en principe, une rémunération à l’acte. Toutefois, elle se complète depuis la convention médiale conclue le 26 juillet 2011, d'une rémunération au forfait et, dès 2012, d'une rémunération sur objectifs de santé publique qui se généralise, avec deux volets : - un volet lié à « l' organisation du cabinet et la qualité de service » s'adresse à l'ensemble des médecins, toutes spécialités confondues, à l'exception de la synthèse médicale annuelle du patient réservée au médecin traitant. Un seuil minimum de 2/3 de feuilles de soins électroniques et un équipement de télétransmission conforme à la dernière version du cahier des charges SESAM Vitale sont requis pour accéder à cette rémunération ; - un volet d’indicateurs portant sur la pratique médicale et relatif à la prévention, au suivi des pathologies chroniques et à l'efficience des prescriptions concernent aujourd'hui le médecin traitant mais sont destinés à s'étendre à d'autres spécialités par avenants à la convention. - l'avenant n° 8 à la convention médicale, signé le 25 octobre 201224 prévoit la mise en place d'un contrat d'accès aux soins pour les médecins de secteur 2 et de secteur 1 titulaire du droit permanent à dépassement (et également de secteur 1 disposant des titres leur permettant d'accéder au secteur 2). Le nouveau contrat d'accès aux soins va permettre aux médecins dont les honoraires sont libres (secteur 2) de stabiliser eux-mêmes leurs dépassements d'honoraires sans que leur liberté d'installation ne soit remise en cause. - depuis le 1er juillet 201325, chaque patient de plus de 16 ans qui n'est pas en ALD donne droit à un forfait annuel de 5€ pour le médecin traitant en secteur 1. Ce forfait est versé globalement à trimestre échu pour tous les patients dont la date d'anniversaire de la déclaration MT se situe dans le trimestre considéré. 313 Les frais de soins ainsi déterminés, l’assurance maladie du régime général prend en charge partiellement et parfois, exceptionnellement, totalement les frais engagés par les assurés. 22 CSS, art. L. 133-4. CSS, art. L. 162-38. 24JORF 7 déc. 2012. 25Avenant n° 11 à la convention médicale, 23 oct. 2013, JORF 30 nov. 2013 23