PLAN STRATEGIE DIAGNOSTIQUE DEVANT UN ICTERE POSTOPERATOIRE • physiopathologie • diagnostic étiologique et différentiel Jeudi 1er SEPTEMBRE 2011 Dr LEFEVRE SAR 2 Introduction • L’environnement périopératoire et la réanimation altère +/sévèrement les différentes étapes du métabolisme de la bilirubine. • L’ictère de réanimation est fréquent (d’autant + intense qu’il préexiste une pathologie hépatique et rénale). Il traduit une augmentation de la bilirubine (> 35μM) lié à: - un excès de production - un défaut de métabolisme - une gêne à l ’élimination biliaire • Au plan pronostique, il importe de considérer 2 éléments : - Le diagnostic étiologique (doit être rapide) - Le caractère isolé de l’ictère ou intégré dans un processus global de ralentissement du flux biliaire • mesures thérapeutiques Incidence • incidence exacte méconnue : variable selon les études: de 7% à 80% en réa chir et médicales Physiologie hépatique A) Réservoir de sang : reçoit environ 1500 ml/min (VP = 1100 ml/min et AH = 400 ml/min) contient en permanence 450 ml (10% du volume sanguin). Peut s'expandre (1,5 l) en cas d'insuffisance cardiaque. B) Rôle immunitaire : vaisseaux lymphatiques macrophages hépatiques (cellules de Kupffer) Physiologie hépatique Métabolisme protidique : désamination et transamination synthèse de l'urée (élimination de l'ammoniaque) synthèse de près de 90% des protéines plasmatiques (albumine,...) Autres fonctions : stockage de certaines vitamines : vitamine A +++, D, B12 synthèse de certains facteurs de la coagulation : dépendant de la vitamine K : II, VII, IX, X Indépendant de la vitamine K : V stockage du fer non contenu dans l'hémoglobine (lié à la ferritine) Physiologie hépatique C) Fonction métabolique : Métabolisme glucidique : rôle important dans le maintien de la glycémie stockage de glucose sous forme de glycogène libération de glucose à partir du glycogène (glycogénolyse) synthèse de glucose à partir d'acides aminés et d'acides gras (néoglucogénèse) Métabolisme lipidique : oxydation des acides gras (production d'énergie) synthèse des lipoprotéines (transport des lipides) synthèse du cholestérol (hormones surrénaliennes, ovariennes et testiculaires) transformation du glucose et des protéines en graisse (stockage) métabolisme de certains médicaments et hormones Physiologie hépatique D) Excrétion biliaire : 600 à 1200 ml par jour 2 rôles essentiels : 1. Emulsification et digestion des lipides 2. Elimination de certains produits du métabolisme : production de bilirubine conjuguée à partir de bilirubine non conjuguée (métabolisme de l'hémoglobine) cholestérol synthétisé en excès par le foie Explorations fonctionnelles du foie Explorations fonctionnelles du foie 1) Tests explorant les capacités de conjugaison et d'excrétion : bilirubine totale : normale : entre 3 et 17 mol/l produit de dégradation de l'hémoglobine, présente sous forme conjuguée et non conjuguée 1. Augmentation de la bilirubine non conjuguée : excès de production = hémolyse défaut de conjugaison par le foie (exemple : ictère du nouveau né) Explorations fonctionnelles du foie 2. Augmentation de la bilirubine conjuguée – anomalie hépatocytes : hépatite, cirrhose, cancer, médicaments cholestase intra-hépatique ictère post-opératoire bénin – obstruction des voies biliaires : lithiase, cancer, sténose, atrésie cholangite sclérosant, cirrhose biliaire primitive Explorations fonctionnelles du foie 2) Tests reflétant la cytolyse hépatique: Transaminases : normale entre 20 et 40 UI/l ASAT = SGOT = Aspartate amino transférase ALAT = SGPT = Alamine amino transférase ASAT : non spécifique du foie (coeur, muscle, rein, pancréas, hématies) ALAT : plus spécifique Si élévation des ALAT : suggère la présence d'une nécrose hépatocytaire Si ALAT augmentent fortement (> 1000 UI/l) : très évocateur d'une hépatite virale ou toxique LDH : Lactate DesHydrogénase peut s'élever au début d'une hépatite virale non spécifique Ferritine et B12 Explorations fonctionnelles du foie 3) Tests indiquant un obstacle à l'écoulement biliaire : Phosphatases alcalines : PA – présentent dans presque tous les organes – les PA plasmatiques proviennent du foie et de l'os donc leur élévation n'est pas spécifique d'une maladie hépatique – élévation modérée avec l'âge – élévation en cours de grossesse (X 2) – Causes d'élévations d'origine hépatique assez peu nombreuses : métastases hépatiques, cirrhose biliaire primitive, lithiase biliaire (et compression biliaire) Explorations fonctionnelles du foie Explorations fonctionnelles du foie GT : Glutamyl Transférase s'élève dans 90 % des maladies du foie non spécifique d'une maladie donnée élevées au cours de l'alcoolisme mais se normalisent après quelques semaines d'abstinence 5'-nucléotidase : fait partie des phosphatases alcalines permet de confirmer l'origine hépatique d'une augmentation des PA 1 question : 4) Tests renseignant sur les capacités de synthèse : Sérum albumine : normale entre 35 et 50 g/l synthétisée par le foie donc diminuée au cours des maladies hépatiques mais peut aussi être modifiée par d'autres facteurs utile au cours d'une maladie du foie afin de quantifier le degré d'insuffisance hépatocellulaire Facteur V TP • Hyperbilirubinémie isolée ou obstacle des voies biliaires ? HÉMOLYSE INTRA-TISSULAIRE physiopathologie Hémoprotéine Globine • La bilirubine dérive du catabolisme de l’hème, essentiellement de l’hémoglobine. Dans le plasma, elle est transportée, non conjuguée et insoluble, liée à l’albumine. • Elle est captée par l’hépatocyte, conjuguée et excrétée dans la bile. • La bilirubine conjuguée est soluble dans l’eau. En cas de lésion hépatocytaire ou d’obstacle à l’écoulement biliaire, la bilirubine conjuguée reflue dans le plasma. Hème Hème oxydase Réserve Fer MACROPHAGE Biliverdine CO Bilirubine réductase Bilirubine non conjuguée Fer + transferrine 300mg/j Bilirubine non conjuguée + albumine Glycuro-conjugaison hépatique Pas d’altération acquise S ’adapte au débit de production SANG 4% Glycuronyl transferase bilirubine conjuguée Stercobilinogène fécal Endotoxine Cytokine proinflammatoire Médicaments CIVD Infection Transfusion + Acides aminés FOIE COLON Ictère à BNC exclusive ou prédominante Excrétion canaliculaire 95% Acides et sels biliaires Cycle entéro -hépatique Hypoxie ischémie • Maladie de Gilbert : 3-5% de la pop générale, 10% des déficit modéré (25%) de la glucuronyl transférase. – Provoqué par le jeûne et le post opératoire. – Ictère précoce, modéré (BT X2-3), 100% de BNC. – Investigations et traitement par phénobarbital inutiles • Hémolyse : – Le processus de conjugaison est rarement dépassé (erreur transfusionelle ou infection à Cl Perfringens historique) augmentation de la bili prédominance libre, anémie, réticulocytose, LDH, haptoglobine Hémolyse 1) Les anémies hémolytiques corpusculaires sont essentiellement congénitales: • • • anomalie de la membrane : maladie de Minkowski-Chauffard ou sphérocytose héréditaire (anomalie de la spectrine). anomalie de l'hémoglobine : - soit hémoglobinopathie : mutation d'un acide aminé sur une chaîne de la globine (Drépanocytose). - soit déficit de synthèse d'une chaîne de la globine (Thalassémie). déficit enzymatique : - déficit en PK : Pyruvate Kinase de la voie anaérobie. - déficit en G6PD : Glucose 6 Phosphate Deshydrogénase de la voie aérobie. Hémolyse 2) Les anémies hémolytiques extracorpusculaires sont dues à diverses agressions dirigées contre les hématies : • Agression toxique : . toxiques industriels : hydrogène arsénié, chlorates, benzène, plomb, sulfate de cuivre, . toxiques médicamenteux (phénacétine) . toxiques animaux : venins de serpents . toxiques végétaux : champignons (amanite phalloïde) . toxiques physiques : noyade, brûlures, gelures étendues, radiations ionisantes Hyperbilirubinémies conjuguées • Agression immunologique : - accident de la transfusion sanguine (alloanticorps) - anémie hémolytique du nouveau né (alloanticorps) - anémie hémolytique auto-immune (autoanticorps) • Agressions mécaniques : - prothèses intracardiaques, syndrome de Moschowitz, circulations extra-corporelles, syndrome hémolytique et urémique. • Agressions infectieuses • Transfusion massive, résorption d’hématome • Ictère par dysfonction hépatique d’origine médicamenteuse Nombreux médicaments potentiellement hépatotoxiques Etiologie peu fréquente en réanimation L’ictère est un signe de gravité • Circonstances favorisantes liées à la réanimation: - Utilisation d’inducteurs du CYT P 450 : métabolites actifs - Diminution du glutathion intra-hépatocytaire • 3 profils biologiques d’hépatites médicamenteuses : - Hépatite cytolytique (ALT / Palc > 5) - Hépatites cholestatique (ALT / Palc < 2) - Hépatite mixte si ALT/Palc = [ 2-5 ] Mécanisme cumulatif Classe Anesthésique Psychotropes anticonvulsivants AINS/antalgique Antibiotiques Anti HTA Divers Cytolytique Halothane isoflurane Phénytoine valproate Aspirine Paracétamol allopurinol Isoniazide Kétoconazole flucytosine cholestatique Mixte chlorpromazine Diazépam carbamazépine Halopéridol Dysfonction hépato-cellulaire ischémique AINS Erythromycine Amoxicilline Ac. Clavulanique Ac. Fusique Cotrimoxazole Veine splénique Veine sus hépatique Veine Mésentérique Vérapamil α méthyl dopa Furosémide Amiodarone ranitidine Veine porte Artère hépatique Artère mésentérique Dysfonction hépatocellulaire ischémique : Le foie de choc • Conséquence d’un bas débit ± sévère et prolongé quelque soit la cause de l’insuffisance circulatoire. Les perturbations biologiques apparaissent < 48 H La Bilirubine est peu et retardée ( transport et excrétion) Les AST/ALT sont (10 à 100N) Les γ GT/Ph alc sont habituellement normales Les facteurs de coagulation sont (IHC) • Histopathologie : nécrose centrolobulaire hypoxique, les hépatocytes périphériques sont plus préservés. Pronostic dépend de la restauration rapide de l’hémodynamique Cholestase et nutrition parentérale Cholestase induite par le sepsis • Un ictère accompagne fréquemment les états septiques graves Ne dépend ni du site de l’infection ni de l’agent pathogène Détermine un ictère retardé (4-12 J après le début du sepsis) dont l’intensité est corrélée au pronostic Les AST et γ GT/Ph alc sont habituellement normales ou peu • Rôle central joué par l’endotoxinémie portale sur le ralentissement de l’excrétion biliaire : La production d ’IL6-10 et de TNF-α diminue l ’expression du transporteur responsable du flux des ASB et de son excrétion canaliculaire: transport de bilirubine Moseley et al Clin Liver Dis 1999 Cholestases extrahépatiques • La restriction glucidique a fait disparaître les stéatoses hépatiques – En cas d’anomalie intestinale associée, la NPT le cycle entérohépatique des ASB → endotoxinémie: prolifération des BGN – La de sécrétion de bile favorise le sludge et la stase biliaire. Ces anomalies peuvent être limitées par l’apport de Flagyl PO ou d’acide ursodésoxycholique • Biologiquement, l’hyperbilirubinémie + des γ GT et Ph Alc L’échographie est l’examen de première intention: – Dilatation de la VBP (> 8 mm) et/ ou des VBIH – En cas de négativité, la TDM voire la Bili-IRM sont utiles • La CPRE peut aider au diagnostic et au traitement Cholestase post opératoire bénigne • Augmentation modérée et précoce de la BC et des AST/ALT. • Origine multifactorielle : Intervention longue, hémorragique (transfusion+++) avec épisodes de collapsus per op. Rôle possible de l ’hypothermie (?) • Etiologies fréquentes en réanimation: – Cholécystite lithiasique et non lithiasique – Pancréatite aigüe – Les compressions / hématomes / ligatures accidentelles post op Y penser… Y penser… Ictère clinique - biologique Transa – P.A. – TP Hémolyse Echo Cholestase isolée Cholestase cytolyse Cholestase Extra hépatique Conséquence des ictères • La bilirubine n’est pas toxique, mais les ASB le sont ! – La de l’excrétion des ASB lève l’inhibition de la croissance des BGN dans le tube digestif – L’élévation des ASB aggrave l’hémodynamique rénale – Effet natriurétique des ASB – La diminution du cycle entéro-hépatique des ASB diminue l’absorption des vitamines liposolubles (Vit K) Traitement des hyperbilirubinémies • Traitement curatif +/-: Molecular Adsorbents Recirculating System (MARS) • Hémodiafiltration contre albumine, épure la bilirubine et tous les toxiques liés à l’albumine • Dispositif en cours d’évaluation dans le traitement - insuffisance hépatique aigue - syndrome hépatorénal • Quelques publications dans le traitement des cholestases familiales ou compliquant une IHC chronique Traitement des hyperbilirubinémies • Traitement préventif Au cours des cholestases extra hépatiques Expérimentalement, le drainage biliaire interne réduit la mortalité périopératoire des cholestases extrahépatiques Chez l’homme : Effet uniquement favorable sur la bilirubinémie • Diminution de l’endotoxinémie : Administration préopératoire de sels biliaires, lactulose, Antibiotiques: Pas de preuve formelle de leur efficacité chez l ’ homme Pain et al Br J Surg, 1991 Indication • Décompensation en liste – Cirrhose – Bilan pré-greffe achevé – Aggravation clinique – Attente transplantation • Dysfonction primaire – Transplantation récente – Retard de reprise de fonction – Prolongation anhépatie – Attente reprise greffon ou retransplantation Indication • Hépatites (sub) fulminantes – Urgence – destruction brutale du foie – Décision et mise en œuvre d’une transplantation • IHC aigue sur chronique • IH post-résection • Prurit chronique • Défaillance hépatique aigue secondaire. Conclusion Conclusion • Le métabolisme de la bilirubine peut être altéré dans la période postopératoire et générer un ictère indépendamment de toute pathologie intercurrente. • Les perturbations du cycle entérohépatique des acides et sels biliaires, l'endotoxinémie portale et les cytokines pro-inflammatoires favorisent les ictères à bilirubine conjuguée. • Alors que les sites actifs de la glycuro-conjugaison bénéficient d'un haut degré de protection, la migration de la bilirubine conjuguée vers le canalicule biliaire est l'étape cible de toutes les agressions. • L'ictère à bilirubine conjuguée doit faire rechercher une hépatotoxicité médicamenteuse qui évoluera, si le traitement est poursuivi, vers l'hépatite fulminante. Conclusion • Les obstacles sur la voie biliaire extra-hépatique induisent un taux élevé d'enzymes canaliculaires dont la 5'nucléotidase. • La cessation du flux biliaire accroît les phénomènes de translocation bactérienne et crée les conditions d'une endotoxinémie supra-physiologique. LES REFERENCES DE BASE • Tanguy M, Seguin P, Mallédant Y. Ictères en réanimation. MAPAR 2003. p 515-523 http://www.mapar.org/article/pdf/509/Ictères en réanimation.pdf • Tanguy M, Seguin P, Mallédant Y. Ictères postopératoires. In Principes de Réanimation Chirurgicale. Pourriat JL et C Martin C. Flammarion 2005 : pp 999-1006 • Faust TW. Postoperative jaundice. Clin Liver Dis 2004, 8 :151-66. • Chung C. Postoperative jaundice and total parenteral nutritionassociated hepatic dysfunction. Clin Liver Dis 2002, 6:1067-84. • Fogel EL. Therapeutic biliary endoscopy. Endoscopy 2003,35:15663. Conclusion • L'ictère par rétention prédispose au SIRS qui se révélera à l'occasion d'une simple intervention chirurgicale, d'un état de choc ou d'une agression infectieuse. • Le contrôle de la volémie, la prise en compte des pertes sodées, la prudence à l'égard des agents néphrotoxiques et des AINS sont essentiels dans une démarche de prévention des complications des ictères par rétention.