XXVIIème Journée d’Etude de l’AIRR Le jeudi 24 septembre 2009 PARIS Handicap et vieillissement « Quels défis pour la rééducation-réadaptation ? » www.airr.info SOMMAIRE XXVIIème Journée d’Etude de l’Association des Infirmières et Infirmiers en Rééducation et Réadaptation PARIS Pages ¾ Discours d’introduction Claire MATTER, Présidente de l’AIRR ¾ Lettre de Me Dominique LEBOEUF, Présidente de l’Ordre National des Infirmiers ¾ Lette de Me Valérie BINAME-DESCOEUDRES Représentante du SIDIIEF ¾ IV Congrès mondial des infirmières et infirmiers francophones 2 4 5 6 ¾ Le soin dans la relation humaine Mr W. HESBEN 9 ¾ Le soin du handicap, une médecine pour le XXIéme siècle Dr B PINEL 18 ¾ La place de l’âge dans la construction identitaire du sujet en MPR Elisabeth Bleuzet, Agnès Bouzon, Denis Chénier, Jacqueline Cueille, Annick Larnaudie, Jean-Michel Wirotius 23 ¾ Projet personnalisé dans une institution pour personnes âgées Dr CARNEIN et Me COLIN 34 ¾ Adultes handicapés, parents âgés : vivre autrement Dr BONNEAU et Me ARNAUD 37 ¾ Vieillir avec la poliomyélite Dr THEFENNE 42 ¾ Vieillir avec un handicap Me RUELLE, Me A. CARRIER VERNAND, Dr G. HEURLEY 50 ¾ Du centre de rééducation au domicile : un projet de sortie à accompagner et à construire en partenariat Me VINEY, M DONTAIL, Me SCHULZ 57 ¾ La bientraitance – au risque de la mise en oeuvre Dr BONNEAU, Me ARNAUD 63 ¾ ¾ ¾ ¾ ¾ ¾ Synthèses de la XXVIIéme journée DUSIRR : remise des Diplômes et présentation du programme Attribution du prix AIRR / Soins 2009 Procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 24 septembre 09 Procès-verbal de l’assemblée générale du 24 septembre 09 Bulletin d’adhésion 1 68 69 71 72 73 77 DISCOURS D’INTRODUCTION Claire MATTER Présidente de l’AIRR HANDICAP et VIEILLISSEMENT Quels défis pour la Rééducation-Réadaptation ? Bonjour à toutes et à tous ! L’Association des Infirmières en Rééducation-Réadaptation (A.I.R.R.) est heureuse de vous accueillir une fois de plus autour du thème des plus actuels, celui du « Handicap et Vieillissement », en s’interrogeant sur les défis (au pluriel) soulevés pour la Rééducation- réadaptation, notre dénominateur commun d’aujourd’hui. Cette année, nous nous réunissons à Paris, tant cette question devient CAPITALE dans nos divers lieux d’intervention, quels qu’ils soient. Lorsque Monsieur Gustave EIFFEL, épaulé de 2 ingénieurs de ses ateliers érigea sa Tour en 1889 pour l’exposition Universelle, il était loin de penser que, presque 120 ans plus tard, elle subsisterait encore jusqu’à devenir l’une des représentations des plus populaires de notre pays pour les Français et au-delà de nos frontières ! Tout au long de l’histoire, elle a été source d’inspiration pour beaucoup, qu’ils soient artistes, politiques, sportifs ou simples visiteurs et j’en passe, suscitant tour à tour critiques acerbes ou commentaires élogieux….Elle est allée jusqu’à même, comme vous l’avez vu sur votre programme, substituer le A majuscule de l’A-IRR pour cette journée d’étude 2009! Comme la Tour, notre rencontre d’un jour se veut être un point de repère, pour diriger nos réflexions de professionnels et d’accompagnants vers la personne âgée porteuse d’un handicap au sens large du terme, de plus en plus présente dans nos institutions et notre société, à cette époque du XXIème siècle, qui est, pour emprunter les termes de l’un des intervenants de tout –à - l’heure, « à la fois impitoyable et formidable ». Messieurs dames les orateurs et invités, vous avez répondu à notre appel à communication, apportant chacun un éclairage différent et complémentaire autour du sujet qui nous réunit aujourd’hui. Je vais vous les énumérer en vrac, comme lors d’un vide-grenier, où chacun de nous saura fouiner, s’arrêter, soupeser, pour y trouver de nouvelles pistes pour sa pratique et son éthique quotidienne. Les voici. Quelle signification donner au « soins du handicap » en ce XXIème siècle ? Quelle considération pour l’ « Humain » ? Quelles questions éthiques soulevées ? La personne âgée qui devient handicapée a-t-elle sa place en Médecine Physique et de Réadaptation ? Quel rôle de proximité y joue l’Infirmière au sein d’une équipe pluridisciplinaire ? Que signifie la « Prise en charge globale de la maladie » lorsque celle-ci devient invalidante ? De quoi s’agit-il, lorsqu’on parle de « Projet personnalisé » dans une institution pour personnes âgées ? Quel partenariat possible pour l’élaboration d’un projet de sortie cohérent, de l’institution vers le domicile? Quelles sont les 2 questions nouvelles soulevées dans l’accueil de personnes handicapées ET de personnes âgées ? Quelles sont les frontières de la « Bientraitance », dont on parle tant ? Mais ce « tour de Marché » serait bien incomplet s’il ne se limitait qu’à notre pays, ou, pis encore, à notre seule profession ! C’est pourquoi, Madame LEBOEUF, Présidente du Conseil de l’ordre national des Infirmiers, nous apportera des éléments complémentaires quant à notre exercice professionnel. D’autre part, la remise de 9 Diplômes Universitaires des Soins Infirmiers en Rééducation et Réadaptation ou DUSIRR aura lieu avant déjeuner, clôturant 1 an de formation de 15 Infirmières en RR. Et, pour aller au-delà des mers et des océans, nous donnerons la parole à Madame BINAME, Responsable de l’Institut La Source à LAUSANNE, Suisse, et représentante du SIDIIEF, (Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone), dont l’AIRR est membre. D’ailleurs, en Juin de cette année, notre association a participé au IVème Congrès Mondial des Infirmiers et infirmières francophones organisé par le SIDIIEF à MARRAKECH, Maroc, réunissant plus de 2000 participants autour du thème ô combien porteur du « Savoir infirmier, promoteur du développement humain ». Vous aurez l’occasion d’en voir un court reportage dans cette salle, lors des pauses. Et, pour marquer les 10 ans du SIDIIEF, ce partenariat se concrétisera également lors des XXVIIèmes Journées d’Etude de l’AIRR à BERCK sur Mer, les 23 et 24 septembre 2010, qui nous réunira autour du thème « Sexualité et handicap ». Vous en trouverez un appel à communication dans votre pochette. Enfin, à l’issue de cette journée, après la table ronde à laquelle je vous convie tous, Yasmina OUHARZOUNE, Directrice de Rédaction aux Editions ELSEVIER-MASSON, décernera le prix AIRR à la meilleure intervention parmi les 3 sélectionnées. Alors, sans plus tarder, il ne me reste plus qu’à « nous » souhaiter à tous une excellente journée ! Messieurs dames, je vous remercie. Claire MATTER Présidente de l’AIRR 3 L’ORDRE NATIONAL DES INFIRMERS Dominique LEBOEUF Présidente de l’Ordre National des Infirmiers 4 LE SIDIIEF Madame Valérie BINAME DESCOEUDRES Directrice de l'Institut La Source LAUSANNE – Suisse Membre du Conseil d’Administration du SIDIIEF Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone Cher(e)s Collègues, Mesdames, Messieurs, L’Institut La Source, dont je suis responsable, partie intégrante de l’Ecole La Source à Lausanne, co-fondateur du SIDIIEF avec l’OIIQ, est honoré d’avoir été associé à votre 27ème journée d’étude. Personnellement, mon intérêt est double : D’une part, le sujet que vous abordez aujourd’hui touche au domaine professionnel que j’ai bien connu, lorsque j’étais dans ma pratique d’infirmière, puis d’infirmière cheffe d’unité de soins, dans un établissement pour personnes handicapées physiques adultes. D’autre part, et c’est la principale raison de ma venue à Paris, je saisis ici l’occasion de mettre en œuvre une des missions essentielles du SIDIIEF qui est de favoriser, d’encourager la mise en réseau des professionnels infirmiers. Parmi les buts du SIDIIEF figure notamment celui de soutenir et de faire connaître les activités de ses membres, ainsi que mettre tout en œuvre pour favoriser le réseautage. Dans cette optique, le SIDIIEF offre une plateforme sur Internet www.sidiief.org , des parutions régulières (notamment le s@voir inf, revue en ligne) pour que les activités de ses membres puissent être valorisées. Afin de renforcer encore ces liens, il est prévu que l’Institut la Source officie comme antenne européenne et fasse le lien entre les membres européens et le secrétariat général au Québec, quand cela s’avère nécessaire, et assiste également aux manifestions organisées par ses membres. Cet objectif se développera progressivement dès 2010, en fonction des besoins des associations ou institutions. Nous aurons ainsi le plaisir de vous rencontrer à nouveau l’an prochain, lors de vos Journées à Berck sur Mer, après avoir pu échanger avec les membres du comité de l’AIRR lors du IVème Congrès du SIDIIEF à Marrakech en juin dernier. Permettez-moi de profiter de l’occasion pour vous inviter à réserver d’ores et déjà les dates du prochain congrès du SIDIIEF qui se déroulera du 20 au 24 mai 2012 à Genève. Je me réjouis de vous y retrouver nombreux et vous remercie encore une fois de votre accueil. Bonne Journée d’étude ! Valérie Binamé-Descoeudres, Infirmière, MPA Responsable de l’Institut La Source, Lausanne 5 Du 7 au 11 juin 2009, Palais des congrès de Marrakech (Maroc) « Le savoir infirmier, promoteur du développement humain » C’est sous le soleil de Marrakech, ville millénaire aux couleurs envoûtantes et aux parfums exotiques, que l’AIRR (Association des Infirmières et Infirmiers de Rééducation et de Réadaptation) a conforté son partenariat avec le SIDIIEF (Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone) par sa présence et ses communications lors du IV e Congrès mondial des Infirmières et Infirmiers Francophones. Ce congrès a été très riche en échanges internationaux autour de préoccupations communes, en partage d’expériences professionnelles, de compétences mais également de sourires, d’amitié et de messages de solidarité. Le thème de ce IV e congrès : « le savoir infirmier, promoteur du développement humain » a mis en évidence la nécessité pour les infirmiers de formaliser leur pratique mais aussi leur savoir théorique. Les mettre en mots : écrire ce que l’on fait et faire ce que l’on écrit, n’est-il pas le premier des engagements ? Développer les sciences infirmières pour spécifier une identité professionnelle avec l’appui des lois, de l’ordre infirmier et en généralisant la formation universitaire. Développer, aussi, la recherche pour affiner les pratiques. La profession d’infirmière s’exerce au travers de plusieurs savoirs, empirique, personnel, esthétique, moral dont l’équilibre va permettre le savoir libérateur du « bien soigner ».Mais, pour certains politiques, la profession d’infirmière se résume à une succession d’actes techniques. Est-il nécessaire alors, de mettre en place une formation universitaire ? 6 Se pose toujours cette question liée à la reconnaissance de cette profession majoritairement féminine. Il y a 150 ans, Florence Nightingale évoquait cet obstacle concernant le statut des femmes dans le monde professionnel... La disparité entre les pays riches préoccupés par le bien être des professionnels en construisant un milieu de travail dans lequel ils vont s’épanouir et les pays en voie de développement qui travaillent dans des conditions matérielles et humaines difficiles mais qui vont travailler avec plaisir, a été un point central de ce congrès. Comment faire pour transmettre le savoir infirmier dans les pays en voie de développement, où chaque pays utilise ses propres termes, ses propres coutumes, ses propres représentations ? En terme de promotion de la santé, il est important de prendre en compte les déterminants économiques, physiques, technologiques, sociaux et comportementaux avant de lancer un programme. L’action en amont demande de bien connaître ce qui fait sens pour une population. Par exemple, recommander la marche à pied comme moyen de prévention des maladies cardio-vasculaires n’a aucun sens dans un pays où se déplacer en voiture est un signe de rang social. Mettre au centre de l’action la vie de la communauté avec la participation de la population et l’utilisation de ses ressources qui peuvent être extraordinaires, développer l’estime de soi « tout le monde est digne de noblesse », ne sont-ils pas le socle de la promotion de la santé ? Cette sensibilisation de l’impact de l’environnement culturel et social sur la mise en place d’un projet de santé publique conforte la dimension d’éducation thérapeutique. L’éducation thérapeutique a été le thème des séances parallèles organisées par l’AIRR. Trois interventions ont été présentées sous la modération de Claire MATTER, Présidente de l’AIRR. En effet les enjeux de l’éducation thérapeutique pour l’avenir sont considérables. Entretenir l’autonomie, prévenir les risques, apprendre à gérer un handicap, sont des axes forts de la rééducation et de la réadaptation. La première communication, animée par Isabelle ROBINE (Cadre de Santé) et Valérie POIVET (infirmière - DU SIRR) a fait part des différentes actions d’éducation thérapeutique menées au Centre de Médecine Physique et de Réadaptation (Association Pierre Noal) de BAGNOLES DE L’ORNE : ateliers pour les patients diabétiques, livrets d’informations thérapeutiques pour les patients blessés médullaires et atteints de sclérose en plaques, réunions de communication et d’information thérapeutique. La deuxième intervention présentée par Nathalie JEANMAIRE (infirmière) et Marie-Paule BARBIER (Cadre de santé - kinésithérapeute) au Centre de Réadaptation Fonctionnelle Ernest Bretegnier d’HERICOURT a exposé la mise en place d’un programme d’éducation spécifique aux personnes amputées : une réponse aux besoins de la personne et aux contraintes structurelles. Une démarche à plusieurs niveaux : en hospitalisation, en consultation et dans le cadre d’une réunion annuelle. Le suivi et l’évaluation infirmiers de l’apprentissage aux autosondages effectués chez les blessés médullaires a été l’objet de la troisième intervention menée par Christel GAURONGONTARD (infirmière - DU SIRR) représentant l’Institution Nationale des Invalides à Paris. Un travail de recherche qu’elle a conduit dans le cadre d’un mémoire de DU SIRR (Diplôme Universitaire Soins Infirmiers en Rééducation et Réadaptation) Pour conclure sur ces 5 journées, Gyslaine DESROSIERS, Présidente du SIDIIEF, précise qu’au-delà de tous les projets évoqués avec compétence, enthousiasme, intérêt 7 et émotion parfois, le SIDIIEF insiste sur la qualité de la formation initiale et s’engage à soutenir et encourager toutes les initiatives de formations continues. Toute la délégation AIRR, enrichie de cette expérience, réaffirme sa dynamique d’équipe et entrevoit de belles perspectives d’avenir par les rencontres et réunions réalisées à Marrakech, lieu propice d’échanges fructueux... Cet article ne peut être qu’un retour synthétique et global car devant la telle diversité des interventions, il est impossible de rapporter toutes les pistes de réflexion, de recherche, d’action et d’analyse qui ont été évoquées. C’est pourquoi, nous vous invitons à visiter le site du SIDIIEF : www.sidiief.org MERCI à Gyslaine DESROSIERS, Présidente du SIDIIEF, à Héléne SALETTE, Secrétaire Générale et au Conseil d’Administration du SIDIIEF pour la qualité de ce congrès. Au Comité d’Organisation de Marrakech et à tous les Marocains, CHOUKRANE pour l’accueil si chaleureux. Claire MATTER, Présidente Valérie POIVET, Vice-présidente Annie LAUTISSIER, Trésorière Isabelle ROBINE, Chargée des Journées d’Etude www.airr.info 8 LE SOIN DANS LA RELATION HUMAINE Walter HESBEEN, Infirmier et Docteur en Santé Publique, Responsable Pédagogique du Groupe Francophone d’Etudes et de Formations en Ethique de la Relation de Service et de Soin. GEFERS, Paris et Université Catholique de Louvain, Bruxelles Lorsque la santé d’une personne est défaillante, des professionnels sont requis en vue, notamment, de lui donner des soins. L’action des différents professionnels de la santé s’inscrit ainsi chaque fois dans une relation humaine où une vie singulière se présente à eux sous l’angle de la maladie, de la souffrance, de l’appréhension de ce qui pourrait advenir, c’est-à-dire sous l’angle d’une personne qui présente un risque accru de fragilité, de vulnérabilité et qui vit ce qui lui arrive de manière particulière comme l’est sa trajectoire unique de vie. Outre leur bagage scientifique, leurs expériences professionnelles et personnelles, leurs habiletés techniques et leurs compétences relationnelles, la manière d’être et de faire de chaque professionnel sera déterminée par la capacité de chacun de ceux-ci d’accueillir la singularité de l’autre, c’est-à-dire de déployer une intelligence soignante – ou intelligence du singulier – elle-même ancrée dans la considération pour l’humain qui habite, qui anime le professionnel. Le soin qui peut être mis dans les soins Nous pouvons assez aisément opérer une distinction entre les soins qui se font, qui se donnent et le soin porté à la personne. Cette distinction est fondamentale, c’est-à-dire qu’elle est au fondement de l’orientation donnée à une pratique. Ne pas procéder à cette distinction ou ne pas la nommer conduit à un malentendu fondamental, malentendu par lequel les professionnels risquent de ne pas se comprendre, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’organisation des soins, le choix des outils de la pratique et de son évaluation, le management des équipes, la formation des professionnels et les travaux de recherches menés. C’est de la visibilité même de la pratique dont il est question, ce que cette pratique donne à voir d’elle-même et donc de la compréhension plus ou moins éclairée qu’en auront tant la population en général que les acteurs politiques en particulier. Retenons que ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Si la distinction entre les soins et le soin n’est pas nommée, c’est comme si cette distinction était inexistante, comme si le soin se confondait dans les soins, comme s’il y avait une forme d’automaticité entre les exigences associées aux uns et celles associées à l’autre. Si nous dressons une forme de tableau comparatif à deux colonnes, nous pouvons poser, d’un côté, que l’expression « les soins » englobe l’ensemble des actes, des gestes qui ponctuent le quotidien des professionnels. Il ne s’agit pas seulement d’actes ou de gestes techniques ; un entretien d’accueil, par exemple, relève d’un acte professionnel. Cette expression désigne ainsi « tout ce qui se fait ». De la sorte, les soins sont contenus dans des expressions telles « faire des soins », « donner des soins ». On distingue, généralement, les soins directs des soins indirects. Les premiers sont effectués directement en présence des patients alors que les seconds désignent tout le restant, depuis la préparation et le rangement du matériel jusqu’aux transmissions d’informations ou encore aux réunions d’équipe. La somme des soins directs et indirects équivaut à 100% du temps de travail. En règle générale, en France, le taux de soins directs des infirmières et des infirmiers se situe entre 30 et 40%, soit un temps de travail infirmier qui se déroule largement en dehors de la présence du patient. A titre de comparaison, la répartition des soins directs et indirects des aides-soignants montre une distribution exactement inverse, ces derniers passant ainsi plus de temps en présence 9 des patients qu’éloignés de ceux-ci. Bien qu’elle mériterait d’être affinée, cette comparaison indique que plus le niveau de qualification dans les soins infirmiers est élevé, plus la distance avec le patient est grande. En termes de qualité, il s’agira ici d’évaluation de la qualité des soins, c’est-à-dire l’appréciation du degré d’excellence – ou de conformité aux exigences – des actes et gestes posés. Si nous regardons maintenant de l’autre côté du tableau, nous pouvons y observer l’expression « le soin ». Le soin n’est pas seulement le singulier des soins. Il a une signification propre. Le soin indique « porter une attention particulière à quelqu’un ou à quelque chose ». Pour le dire autrement, le soin équivaut à exprimer « tu es important pour moi et c’est parce que tu es important pour moi que je vais te porter une attention particulière ». A titre d’exemple, lorsque nous tenons entre les mains un livre qui n’a pas d’importance à nos yeux, nous n’allons pas le manier avec soin, du moins pas avec le même soin que s’il était pour nous un ouvrage important. Le soin tient ainsi dans l’expression « prendre soin ». Notons ici, pour éviter une éventuelle confusion, que « prendre soin » n’équivaut pas à l’étrange mais très répandue expression « prendre en charge ». Vouloir prendre l’autre en charge c’est, d’une part, désigner cet autre comme une charge et, d’autre part, lui demander de se laisser faire, de se mettre en retrait de ce qui le concerne. On peut ainsi observer que l’on peut « faire des soins » de bonne qualité sans « prendre soin » de la personne à qui se destinent les soins, c’est-à-dire sans porter à cette personne une attention particulière, une attention qui témoignerait de l’intention du professionnel de tenter de prendre en compte la singularité de cet autre, l’existence à nulle autre pareille qui est la sienne. On peut, par ailleurs, « prendre soin » sans avoir à « faire des soins » et l’on peut, également et fort heureusement, faire des soins tout en prenant soin ou prendre soin en faisant des soins. En termes de qualité, nous sommes-là dans le registre de l’évaluation de la qualité du soin qui ne saurait être confondu avec celui de l’évaluation de la qualité des soins. Si l’une n’est pas incompatible avec l’autre, l’une, néanmoins, n’est pas l’autre. Par l’évaluation de la qualité du soin, il s’agit d’apprécier la qualité, certes complexe et subtile, de l’attention particulière portée à la personne, ce qui est différent de l’appréciation incontestablement utile de la qualité des actes ou des gestes dont a été destinataire cette personne. Bien des professionnels trouvent cette distinction entre les soins et le soin exigeante et me rétorquent que « le temps manque ou que l’organisation n’est pas propice à mettre du soin dans les soins. Nous assistons ainsi à une forme d’envahissement de la « frénésie du faire » ne laissant parfois qu’une place secondaire à l’attention réelle portée à la singularité du sujet. Nous pouvons ainsi constater qu’il n’est souvent pas aisé de « simplement » faire ce qu’il y a à faire alors, en plus, « prendre soin » pour aller au-delà du « faire des soins », n’est-ce pas une exigence démesurée plus proche de l’impossible que de la réalité ? La question qui se pose est celle de « pourquoi prendre soin ? » Cette question s’inscrit dans un contexte professionnel qui est bien différent du contexte familial ou amical. Constatons qu’il n’est pas trop difficile de prendre soin d’un proche que l’on aime et qu’il est même parfois difficile de faire des soins à cette personne car elle est justement aimée. En revanche, le contexte professionnel confronte, à longueur de journées, à des personnes que l’on n’aime pas ; ceci ne veut pas dire qu’on les déteste ou qu’on les ignore mais bien que le professionnel n’est pas relié à ces personnes par un lien affectif fort, un lien de personne aimante à personne aimée. La question qui se pose est, dès lors, « pourquoi prendre soin d’une personne que je n’aime pas, c’est-à-dire pourquoi dire à cette personne ‘tu es importante pour moi’ alors que je ne t’aime pas ? » Il serait tentant de brandir ici la valeur « respect » telle une évidence absolue qui mettrait fin à toute discussion. Une valeur « respect » si souvent proclamée mais dont les pourtours et la vivacité restent flous et fluctuants. Le respect proclamé - ce qui est déjà appréciable lorsqu’il l’est avec sincérité – n’équivaut néanmoins pas d’être capable de dire à cet autre et malgré le respect qui est ainsi proclamé, « tu es important pour moi et c’est parce que tu es important pour moi que je vais tenter, dans ma pratique du quotidien, de prendre en compte ta singularité. » Nous rejoignons ainsi 10 le constat que posait Alexandre Lhotellier dans un de ses articles intitulé « Le service à la personne » : « Ce qui est intéressant, dans le vocabulaire usuel, c’est quand apparaît le terme personne. En général, dignité, respect ne sont pas loin. Mais on ne peut prendre en considération la personne seulement quand elle risque de n’être plus : risque d’assassinat politique, prise d’otages, risque de mort (accident, catastrophe, maladie grave). Pour que la personne ait un sens, elle n’apparaît pas seulement à certains moments de la vie. Elle existe tout le temps ou elle n’est pas. Ce n’est pas seulement dans la réunion d’un comité d’éthique que la personne surgit. Ou alors, c’est comme si chacun vivait avec un mythe de la personne. Une sorte d’idéalisme naïf, à brandir dans tous les discours, dans toutes les manifestations, mais oublié dans les pratiques. La personne serait-elle une fiction éthique ou métaphysique dont nous aurions besoin pour survivre ? Un alibi ? Nous avons à rétablir, par la critique du mythe, la personne comme pratique, comme fait quotidien ordinaire. La mort de la personne n’arrive pas qu’une fois. C’est nous qui tuons la personne tous les jours. Le tragique, c’est cette banalisation de l’oubli de la personne tout en la célébrant dans nos discours. La personne n’est pas une entité douée d’un certain nombre de caractères abstraits. Valoriser la personne, ce n’est pas majorer l’individualisme, le subjectivisme, le juridisme. C’est tout simplement essayer de considérer l’être humain dans sa totalité. »1 La réponse à la question « pourquoi prendre soin ? » réside ainsi dans cette prise en compte pratique, concrète, dans les actes et gestes qui ponctuent le quotidien, de la singularité de cet homme ou de cette femme malade, de cette personne qui, car elle est à notre contact pour des raisons professionnelles, c’est-à-dire pour des raisons qui ont un lien avec sa santé, se présente à nous avec une souffrance ou, à tout le moins, avec un risque accru de vulnérabilité, de fragilité. La question n’est pas épuisée pour autant et devient, « pourquoi tenter de prendre en compte la singularité de cet autre ? » Notons ici avec insistance la présence du verbe « tenter » ; il s’agit bien d’une intention qui se traduit par une tentative, tentative qui aboutira parfois mais qui pourra également échouer, tout simplement car il s’agit chaque fois de la relation d’un humain avec un autre et qu’une telle relation, malgré toute l’énergie et la bonne volonté du professionnel, ne peut être ni programmée, ni prédéterminée. Cette prise en compte de la singularité est à chaque fois nouvelle requérant, de ce fait même, une intelligence du singulier. Oublier qu’il s’agit d’une tentative chaque fois renouvelée – rien qu’une tentative mais toute une tentative - pourrait conduire le professionnel à s’obstiner ce qui équivaut, ni plus, ni moins, à faire courir au sujet le risque de son instrumentalisation, celui de sa banalisation. Dès lors, pourquoi tenter de prendre en compte la singularité de cet autre dans un contexte qui pousse davantage à la systématisation, à la performance et aux prouesses ? La réponse n’est pas seulement contenue dans le respect qui lui est dû, mais se prolonge, s’affine et se complexifie dans la considération qui lui sera témoignée, considération qui s’exprime, se concrétise, sans distinction, sans hiérarchisation, à l’occasion de chacun des gestes ou des actes posés et au sein de chacune des situations relationnelles mettant en présence deux humains, l’un qui est professionnel et l’autre à qui se destine son action. Il s’agit d’une question de perspective, perspective que nous avons nommée soignante, non de par le statut de celles et ceux qui donnent ou font des soins, mais de par la perspective même donnée à leur action. C’est ainsi que si la profession infirmière peut se présenter comme une profession soignante du fait que les professionnels qu’elle regroupe donnent des soins, il ne faudrait pas que l’ambiguïté de cette appellation, cette manière de se présenter, induise voire entretienne la confusion au risque d’une désillusion. En effet, si les soins infirmiers peuvent être prodigués de manière professionnelle par des professionnels courtois et bienveillants, cela n’indique nullement que ces mêmes professionnels inscrivent leurs actions dans une perspective soignante, ou 1 Alexandre Lhotellier, « Le service à la personne », in Perspective soignante, n°3, décembre 1998, p.8-20. 11 perspective d’attention particulière portée à la personne, c’est-à-dire une perspective qui s’offre le soin dans les soins pour horizon. Une distinction se doit ainsi d’être précisée entre la perspective soignante et la perspective infirmière. En effet, pour professionnelle qu’elle soit, la perspective infirmière n’est pas la perspective soignante. D’une part, car la perspective infirmière – perspective de l’infirmière ou donnée par l’infirmière - peut se montrer plus soucieuse d’une action conforme aux règles et aux savoirs infirmiers qu’à la personne même à laquelle les pratiques infirmières se destinent ; d’autre part, car la perspective soignante ne saurait être contenue dans la seule pratique infirmière car la perspective soignante – celle qui s’offre pour horizon l’attention particulière portée à la personne – est résolument accessible à chaque humain, sans distinction de qualification et de statut. Il en résulte que la perspective infirmière et la perspective soignante résultent de visions et d’intentions qui ne sont pas forcément identiques et, bien qu’elles ne soient nullement incompatibles, elles ne sauraient néanmoins être confondues. La considération pour l’humain Regarder dans la direction de l’humain singulier pour exercer sa pratique quotidienne de professionnel de la santé procède, en premier lieu, d’une prise de conscience de laquelle découle un choix, c’est-à-dire un parti pris, une prise de position. Cette prise de conscience n’est ni innée ni spontanée. Elle s’acquiert car elle se travaille, c’est-à-dire qu’elle se fait grandir en vue d’advenir et, au gré des situations, des prises de conscience, elle s’affine et s’affirme dans la vie quotidienne, tant professionnelle qu’extraprofessionnelle. Ce choix n’est ni automatique en regard de tel ou tel métier, ni aisé. Mais cette prise de conscience et ce choix se situent au fondement d’une orientation nouvelle de la pratique, d’un renouvellement de la complémentarité des différents acteurs d’une équipe. Notre propos pourra sembler naïf ou tellement évident mais il s’agit bien de prendre conscience, comme nous le mentionnons régulièrement, de la merveille de l’humain, de chaque humain sans distinction aucune, car nous pouvons constater que chaque humain est un être unique, exceptionnel et irremplaçable qui va, seul, son chemin, qui le conduit irrémédiablement à la mort. Que nous apprécions ou non cet autre, il est précieux, il est rare, il est merveilleux, car unique. A ce titre là, chacun est une exception et personne ne peut être remplacé. Que nous ne soyons pas capable de voir la merveille d’un humain, n’empêche qu’il recèle une merveille. Personne, ainsi, n’est réductible à ses actes, à son âge, à sa pathologie, à son statut ou à un sentiment de sympathie ou d’antipathie. Chaque humain est précieux car unique et le fait de ne pas percevoir sa merveille intrinsèque, de ne pas l’aimer ni même l’apprécier, ne nous autorise à ne pas le respecter en niant sa singularité et la valeur unique de son existence. C’est car chaque humain est rare et donc précieux car unique, que la considération qui lui est témoignée, dans chacun des actes posés, requiert, dans le comportement du professionnel, ce que nous nommons une élégance relationnelle, c’est-à-dire l’expression, dans les manières d’être et de faire du professionnel de son sens de la délicatesse, de son goût pour l’esthétique dans les rapports humains, goût qui se traduit dans la façon de toucher, de regarder, de parler, d’écouter, d’être tout simplement présent à cet autre. Dans son ouvrage intitulé « Cinq méditations sur la beauté », l’académicien français d’origine chinoise, François Cheng2, nous expose que, pour lui, « la beauté, c’est tendre vers la plénitude d’une présence », une telle beauté n’est pas à confondre avec la joliesse, elle est celle qui se dégage, se perçoit d’une manière d’être présent à l’autre, ce qui est bien éloigné de la manière que l’on peut avoir parfois d’être chez l’autre. Cette élégance relationnelle et le goût de l’esthétique dans les rapports humains qui la sous-tend peuvent sembler des préoccupations désuètes ou encore secondaires dans un contexte professionnel marqué par la rigueur et la frénésie du « faire ». Y a-t-il néanmoins la possibilité de témoigner à l’autre la considération sincère que l’on a pour lui sans se montrer soucieux de la délicatesse de nos manières d’être et de faire, de ce goût pour l’esthétique, de l’élégance qui s’en dégage ? L’écrivain Paul Valéry y voyait une forme de poésie : 2 François Cheng, « Cinq méditations sur la beauté », Paris, Albin Michel, 2006. 12 « Soigner. Donner des soins, c’est aussi une politique. Cela peut être fait avec une rigueur dont la douceur est l’enveloppe essentielle. Une attention exquise à la vie que l’on veille et surveille. Une précision constante. Une sorte d’élégance dans les actes, une présence et une légèreté, une prévision et une sorte de perception très éveillée qui observe les moindres signes. C’est une sorte d’œuvre, de poème (et qui n’a jamais été écrit), que la sollicitude intelligente compose.»3. C’est à partir d’un travail de considération pour l’humain, travail de considération mené dès le début de la formation dans toutes les filières composant les métiers de la santé et du social, que pourront évoluer, s’élever et se renouveler les pratiques professionnelles afin de s’inscrire de manière plus permanente dans une perspective soignante. Il ne s’agit pas, par ce propos, de proposer une augmentation du volume d’enseignement des « sciences humaines ». Quels que soient le volume et les modalités pédagogiques, la considération pour l’humain qui peut imprégner les actes posés procède, nécessairement, d’une prise de conscience personnelle et de l’implication, tout autant personnelle, qui pourra en résulter. C’est ainsi, à partir de ce constat, que notre conviction est que la pratique soignante, quelle qu’elle soit – infirmière, médicale, paramédicale, etc. –, n’est pas réductible à des actes, si sophistiqués soient-ils. La pratique soignante n’est pas réductible à des actes car chaque acte posé par ces professionnels s’adresse à chaque fois à un humain singulier qui va sa vie et qui vit ce qu’il a à vivre de manière particulière et qui ressent, appréhende ou espère quelque chose qui lui est particulier. Chaque acte s’inscrit ainsi dans une histoire, une trajectoire de vie unique, incomparable, sans égal et à nulle autre pareille. C’est parce que la pratique de chaque professionnel s’inscrit dans une histoire de vie, une trajectoire de vie si particulière que cette pratique est également particulière. Elle est complexe car elle agit au cœur de la complexité de l’humain et cette complexité est irréductiblement présente quels que soient le statut du professionnel, sa qualification et la nature des outils qu’il manie ou des gestes qu’il pose. Il n’y a donc pas de comparaison ni de hiérarchisation possible entre ces complexités car elles sont chacune uniques. Il n’y a dès lors aucune comparaison ni hiérarchisation possible entre les actes, les gestes posés, car chacun de ceuxci, du plus simple au plus sophistiqué, s’inscrit dans une complexité singulière, présente en chaque situation et à chaque fois renouvelée. Il n’y a donc pas de situations de soins plus complexes que d’autres voire de plus en plus complexes ; il y a des situations complexes, intrinsèquement et nécessairement complexes. Vouloir les hiérarchiser, c’est confondre les actes de soins et les difficultés qu’ils peuvent poser, avec la personne, l’humain singulier, à qui ces actes se destinent. Déployer une intelligence soignante4 C’est lorsque les professionnels veulent résolument inscrire leur pratique soignante dans la prise en compte de cette irréductible singularité de l’autre, cette irréductible complexité de l’humain que la pratique peut être qualifiée d’intellectuelle. Non par orgueil ou goût prononcé d’élitisme, mais par nécessité ! La pratique soignante est intellectuelle car elle requiert une intelligence humaine de situation. Une telle intelligence n’est pas celle que se proposent de mesurer des échelles en vue d’établir un quotient. Une telle intelligence est l’intelligence soignante ou intelligence du singulier; elle est celle qui accompagne et enrobe les actes de soins et qui donne à chacun de ceux-ci un relief particulier, une importance singulière, une perspective chaque fois renouvelée. C’est de l’intelligence soignante que pourra se dégager une saveur soignante au sein des structures de soins. L’intelligence soignante est celle qui permet d’inscrire les actes de soins dans une action soignante. Elle est celle que déploie un humain professionnel pour entrer en intelligence avec un autre humain qui vit ce qu’il a à vivre là où il en est de son histoire, de sa trajectoire de vie. Mentionner cette 3 Paul Valéry, « Politique organo-psychique », bibliothèque de La Pléiade, Paris, Gallimard, 1957. À partir de notre ouvrage : « Dire et écrire la pratique soignante du quotidien – Révéler la quête du sens du soin", Walter Hesbeen (dir.), Éditions Seli Arslan, Paris, mai 2009. 4 13 intelligence soignante ne relève pas d’une conception que l’on pourrait être tenté de qualifier trop hâtivement de théorique, ni d’une préoccupation abstraite d’intellectuels plus ou moins éclairés ou inspirés, car l’intelligence soignante est une nécessité pour toute pratique soignante résolument porteuse de sens et respectueuse de la personne. Pour illustrer cette nécessité, a-t-on suffisamment réfléchi à l’intelligence humaine que doivent déployer les soignants pour procéder à la toilette d’une personne dépendante ou pour changer une personne incontinente sans l’humilier ? De même, a-t-on suffisamment mis en exergue la nécessaire sensibilité des professionnels, sensibilité entravée par une forme d’interdit professionnel qui semble, bien souvent, confondre la sensibilité avec sa pathologie qui se nomme la sensiblerie. Telle l’éducation de certains garçons à qui l’entourage dit « un homme ne pleure pas », combien de fois n’avons-nous pas entendu les aînés voire les enseignants exposer auprès des étudiants : « un véritable professionnel n’exprime pas d’émotions », « la première fois c’est difficile, après on s’habitue », ou alors « il faut apprendre à se blinder », ou en encore « on est prié de laisser ses problèmes personnels au vestiaire », etc. ? Ne pas exprimer d’émotions, laisser sa personne au vestiaire, se blinder, s’habituer à la souffrance humaine pour s’y montrer insensible… alors que l’intelligence soignante requiert subtilité, délicatesse et élégance relationnelle. On ne peut prendre soin d’un homme ou d’une femme malade en tentant d’accueillir sa singularité sans se sentir concerné par sa situation, sans se laisser toucher par ce qui arrive à cet humain et ce qu’il vit ou a à vivre. On ne peut, pour le dire autrement, prendre soin de l’humain et déployer son intelligence du singulier sans être sensible à la situation et à la sensibilité de l’autre. La sensibilité est au cœur du soin, elle est le moteur de l’attention particulière portée à cet homme ou à cette femme malade, qui souffre, ou qui est vulnérable, fragile. Ainsi, quel message délivre-t-on de manière explicite ou insidieuse lorsque la sensibilité est réprimée ou raillée pour finalement être refoulée ? Quel humain professionnel animé d’une intention soignante peut-il ainsi se comporter, se transformer, si ce n’est celui qui s’est « dépersonnalisé » en se laissant envahir, chosifié, instrumentalisé par un système qui n’hésitera pas, d’une part, à exhorter à « placer le patient au centre des préoccupations », alors que, d’autre part, l’expression de la sensibilité y sera découragée ? Cela ne conduit-il pas le professionnel à ne plus habiter en personne sa pratique et, dès lors, à ne plus pouvoir faire preuve de l’intelligence soignante qu’en chaque situation elle requiert ? On le voit, déployer, enrichir, exercer l’intelligence soignante repose sur un choix dont la conscience requiert une conviction, celle que la pratique des soins ne se réduit pas, ne se résume pas, aux seuls gestes visibles, observables et mesurables si souvent présentés pour qualifier et évaluer la pratique des différents soignants. La visibilité des pratiques soignantes : un « malentendu fondamental » La visibilité des pratiques est ce qui va servir de fondement à leurs modalités d’organisation. Néanmoins, lorsqu’il est question de visibilité, se pose d’emblée la question : que souhaitons-nous donner à voir ? Cette question montre qu’il s’agit d’un choix. Selon que nos propos et nos écrits mentionnent et développent tel ou tel aspect de la pratique, la visibilité de cette même pratique sera de telle ou de telle nature. Nous nous devons d’insister sur le verbe « choisir ». En effet, il s’agit bien d’un choix, choix qui reflète la manière qu’a l’auteur d’un écrit ou d’un exposé de concevoir la pratique des soins en général ou des soins infirmiers en particulier, manière qu’il a de se représenter cette pratique. Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, un choix est un parti pris, c’est-à-dire une prise de position, elle-même ancrée dans une conviction. Selon que la conviction de l’auteur d’un écrit sur les soins infirmiers soit de telle nature ou de telle orientation, l’écrit ne dira pas la même chose alors qu’il traite d’une pratique invariablement nommée « soins infirmiers ». C’est ainsi que si la dimension intellectuelle qui permet de penser, de situer chaque acte dans la perspective de la 14 singularité de l’humain n’est pas nommée, c’est comme si elle n’existait pas. Rappelons-le à nouveau : ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Si elles ne sont pas nommées, cette dimension du soin et l’intelligence soignante sur laquelle elle se fonde ne peuvent être mises en lumière, en évidence, valorisées. Cette dimension ne peut dès lors être prise en compte réellement dans tout ce qui concerne la pratique, depuis la compréhension qu’en ont les politiques, jusqu’à la mise en œuvre dans la quotidienneté des structures en passant par la pensée et l’organisation de la formation. Insistons à nouveau : l’intelligence soignante ne se décline pas en différentes formes de savoirs qui se juxtaposent ; elle est celle d’un humain professionnel au contact d’un humain qui requiert des soins. À ce titre, elle comporte tant le recours aux savoirs théoriques et pratiques qu’une compétence relationnelle de situation. Cette compétence relationnelle conjugue les mots subtilité, délicatesse et élégance qui, ensemble, reflètent le goût de l’esthétique dans les rapports humains dont se veut de faire preuve le soignant. Un tel goût de l’esthétique donne à voir la beauté d’une pratique. Si une telle intelligence n’est pas nommée, tout ce qu’elle requiert ne peut être valorisé. Ce qui n’est pas nommé, n’existe pas et ce qui est mal nommé peut nous conduire à un malentendu, que je nommerai un « malentendu fondamental ». Le « malentendu fondamental » est ce qui surgit lorsque l’on s’entend mal voire on ne s’entend pas, on ne se comprend pas sur ce qu’est la nature profonde de la pratique soignante et, donc, sur l’organisation concrète qu’elle requiert comme support à la pratique quotidienne des soignants ainsi que sur la formation qui y conduit. On a ainsi pu observer, depuis plusieurs années, des orientations parfois très envahissantes, voire autoritaires, fondées sur un type de représentation de la pratique soignante et dont les effets se font toujours largement sentir aujourd’hui. Citons, ici, à titre d’exemples, les outils de la charge de travail qui donnent l’illusion que la pratique soignante est mesurable par les actes posés. Ne sousestimons pas le fait que cela induit insidieusement, y compris auprès des professionnels soignants qui côtoient quotidiennement des hommes et des femmes malades, l’idée que la pratique soignante est un ensemble d’actes laissant dans l’ombre la distinction entre l’acte et l’action. Le manque voire l’absence de distinction entre l’acte et l’action conduit à imaginer que l’acte existe en tant que tel, indistinctement, d’une situation professionnelle à une autre. Ignorer la distinction entre l’acte et l’action équivaut à ignorer que l’acte est posé par un acteur, c’est-à-dire un humain professionnel ayant une sensibilité qui lui est propre et une capacité de penser. Cela conduit, également, à négliger la singularité et la sensibilité de l’humain destinataire de l’acte. C’est ainsi qu’ignorer la distinction entre l’acte et l’action conduit, ni plus, ni moins, à mettre entre parenthèses toute l’intelligence soignante du professionnel, toute son implication personnelle pour tenter d’accueillir la singularité du patient afin de ne pas le réduire à un individu « objet de soins ». S’impliquer pour tenter de voir en chacun un sujet de soins nécessite une démarche personnalisée et, à ce titre, créative et chaque fois renouvelée. C’est ainsi que la véritable charge de travail réside dans le poids que porte le soignant lorsqu’il s’implique pour inscrire chacun des actes qu’il pose, chacun des soins qu’il donne, dans la perspective de la singularité de l’autre, dans la prise en compte de la complexité particulière de sa situation et dans la subtilité et la délicatesse qu’une telle complexité requiert. Ignorer la distinction entre l’acte et l’action débouche sur la banalisation de l’humain dans les pratiques professionnelles, banalisation tant de l’humain qui donne des soins que de celui à qui ceux-ci s’adressent. Un autre exemple de ce « malentendu fondamental » qui tend à orienter ou à réorienter la pratique soignante au risque de la dénaturer réside dans le recours, parfois imposé, à une théorie de soins servant de référence unique à tous les professionnels d’un établissement ou à tous les étudiants d’un même centre de formation. Cela conduit, chez les uns, à l’illusion que l’être humain est « fait » d’un certain nombre de besoins fondamentaux identiques chez chacun ou, pour d’autres, que l’on peut fonder toute la complexité de la pratique soignante en ayant recours à une et une seule théorie qui donnerait la ou les réponses aux questions qui se posent face aux situations humaines rencontrées. Ce « prêt à penser » provoque un « arrêt de la pensée ». Au nom de l’uniformisation organisationnelle, la singularité est délaissée. L’esprit critique ne peut dès lors être développé, stimulé, favorisé, et il en est de même du regard à chaque fois singulier que le soignant pourra porter sur des situa15 tions de soins qui, elles, sont irréductiblement singulières. Regarder l’humain par l’intermédiaire d’une théorie, c’est ne plus voir l’humain car c’est regarder la théorie et le degré de conformité de cet humain au contenu de ladite théorie. C’est poser un filtre identique pour chacun empêchant d’observer, d’identifier et de prendre en compte les particularités. On peut ici se rappeler ce proverbe attribué aux Japonais : « celui qui n’a qu’un marteau voit tous les problèmes en forme de clous ». On l’aura compris, le propos ici n’est pas de nier l’intérêt des théories et conceptions diverses mais bien de rappeler que la pratique soignante ne consiste pas à être conforme à une théorie, si élaborée soit-elle. Les théories ne sont pas faites pour s’appliquer aux situations de soins, elles ne sont pas faites pour y « faire entrer un patient » mais bien pour venir en aide au soignant dans sa quête d’un agir sensé. C’est ainsi que leur portée est bien plus grande et intéressante que des données à appliquer car elles sont de la « matière à penser » ; elles sont, à ce titre, nourricières de l’intelligence soignante que déploie le professionnel dans le cadre de sa démarche personnalisée. Les théories ne sont donc pas la finalité de l’action mais en sont des moyens, parmi d’autres, pour venir en aide au professionnel qui pense son action dans la perspective de la prise en compte de la singularité du sujet. C’est la raison pour laquelle on ne peut raisonnablement demander aux soignants de fonder leurs pratiques sur une théorie de soins – ou quelque théorie que ce soit – car c’est d’une multitude de références théoriques dont ils ont besoin pour mener et créer leurs actions. Les théories ne pensent pas et ne sont pas la pensée du soignant ; les théories proposent des éléments, des ingrédients pour alimenter l’intelligence soignante que requiert chaque situation mais les théories ne sont pas l’intelligence soignante, l’intelligence du singulier. Citons, encore, les outils de la pratique du quotidien, tels les dossiers de soins, démarches de soins, méthodes de transmissions d’informations, protocoles et autres procédures qui, sous forme papier ou informatique, ont troublé plus d’un professionnel. Ce trouble n’est pas seulement celui que chacun peut exprimer face à la nouveauté ou au changement ; il est aussi celui éprouvé par des professionnels qui percevaient que ces outils n’étaient pas faits pour leur pratique ou ne leur procurait pas une aide efficace comme support à leur pratique du quotidien ou, parfois insidieusement, les conduisaient à modifier voire dénaturer cette pratique. De quelle vision de la pratique soignante cette orientation est-elle le reflet et le prolongement concret ? Sur quel type de visibilité une telle vision débouche-t-elle et quelles modifications profondes une telle vision et une telle visibilité entraînent-elles tant pour la pratique quotidienne des soignants que pour la représentation que ceux-ci élaborent de leur métier, que pour la formation qui y conduit ainsi que pour les messages que cette vision et cette visibilité adressent à la population et aux responsables de l’action politique ? Aussi, rappelons-nous qu’un outil n’est pas qu’un outil, car chaque outil est élaboré à partir d’une représentation de la pratique ; il est associé à une philosophie et, à ce titre, influencera la pratique même de ceux qui y auront recours. Dès lors, lorsque des outils sont utilisés pour dire et écrire la pratique soignante, pour rendre compte de son contenu, une vigilance majeure s’impose : les outils sont-ils le reflet juste et pertinent de la réalité ou réduisent-ils, au risque de la dénaturer, la pratique soignante du quotidien et la prise en compte des exigences d’une telle pratique pour l’organisation même des professionnels et la considération que l’on a pour eux ? Si des outils réducteurs donnent la visibilité principale de la pratique soignante, cette visibilité donnera une représentation et nourrira une vision erronée. Une question éthique Par rapport à ce « malentendu fondamental », il y a, dans les faits, une véritable question éthique dans les choix qui sont opérés en matière de formation, d’organisation et d’outils de travail. Cette question éthique repose, comme le rappelle Raymond Gueibe dans son article sur les paradigmes dans le soin5, sur la clarté du choix des paradigmes de référence. En effet, le paradigme scientifique n’est pas le paradigme humaniste. Ces deux paradigmes ne s’opposent pas et ont chacun leur utilité, 5 .Raymond Gueibe, « L’Interrogation des paradigmes dans le soin, une exigence éthique », Perspective Soignante, n° 33, décembre 2008, p. 6-30. 16 mais ces deux paradigmes ne sont pas identiques. C’est ainsi que les responsables de l’orientation et de l’organisation, tant du système de santé que des structures de soins ou des centres de formation, se doivent de faire preuve d’une vigilance particulière, car il n’est pas éthiquement acceptable de tenir un discours exhortant à l’approche humaniste des soins tout en imposant aux professionnels et aux étudiants des théories, références et outils issus principalement du seul paradigme scientifique. Que des responsables choisissent de donner la préférence au paradigme scientifique ne pose pas de problème en soi : il s’agit de leur choix vraisemblablement issu de leurs valeurs. Le problème surgit, et avec lui la question éthique, lorsque ce choix est travesti par des propos humanistes, c’està-dire lorsque le contenu du paradigme scientifique servant de référence à ces responsables est déguisé en paradigme humaniste pour tenter d’en prendre l’allure et donner l’illusion de l’importance qu’ils lui accordent. Proclamer son attachement au paradigme humaniste tout en dotant les professionnels d’outils et de modalités d’organisation issus du paradigme scientifique conduit à les déstabiliser, voire à les désemparer ou les déboussoler, ce qui n’est pas étranger à la désillusion professionnelle et à ses effets pathologiques, tels un stress exacerbé, l’épuisement professionnel voire le burn-out. L’espoir, néanmoins, réside aujourd’hui dans la tension de plus en plus perceptible entre un discours dominant issu des paradigmes scientifiques, organisationnels et économiques, et le constat que proclament de plus ou plus souvent les soignants – mais assez discrètement – d’une forme d’incompatibilité avec leur intention soignante. Depuis un siècle, le système de soins a été dominé par la médecine technoscientifique, oubliant, parfois, que c’est à des humains singuliers qu’elle s’adresse. Aujourd’hui, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour dire que la performance technoscientifique, pour importante qu’elle soit et que je ne souhaite en rien minimiser, ne peut requérir de mettre entre parenthèses la parole du sujet et donc la personne même de l’humain auquel elle s’adresse. Un point d’équilibre est en train de se chercher et permettra, à terme, de corriger les excès du paradigme scientifique. Le paradigme humaniste n’est donc pas derrière nous ; il se propose comme une prochaine destination qui devrait permettre de donner toute sa place à l’humain dans la pratique des soins. La patiente préparation de ce paradigme humaniste dans les soins requiert, dès aujourd’hui, de donner une visibilité de la pratique soignante qui met en relief toute la subtilité et la délicatesse en son fondement. Une telle perspective se profilera et se mettra en œuvre dès lors qu’une conviction réussira à réunir et à solidariser les professionnels de la santé, quels qu’ils soient, celle que les différents métiers des soins requièrent, outre l’acquisition de connaissances et d’habiletés tant gestuelles que techniques et relationnelles, une intelligence de situation que nous nommons intelligence soignante ou intelligence du singulier. Une telle intelligence n’est pas celle que mesure une échelle en vue de donner un quotient. Une telle intelligence, quels que soient les actes ou les gestes posés, est celle par laquelle un professionnel réussit, avec subtilité et sensibilité, à saisir les particularités d’une situation humaine donnée. C’est l’intelligence soignante qui donne aux différents métiers des soins toute l’envergure et toute l’ampleur de leur pratique et la dimension intellectuelle sur laquelle elle se fonde. Walter Hesbeen 17 LE SOIN DU HANDICAP, UNE MEDECINE POUR LE XXIème SIECLE Docteur Bruno PINEL. Rhumatologue, gériatre et rééducateur. CRF Ernest Bretegnier. Héricourt (70400) I. LE HANDICAP DANS LES SOCIETES ANCIENNES Longtemps, même en Occident, le handicap physique ou mental s’accorda mal avec le vieillissement : en effet, être handicapé équivalait souvent à une mort rapide. A une époque où la survie du groupe nécessitait le travail de tous, la survenue d’un handicap était une charge insupportable pour la société. Sauf lorsqu’un rôle social pouvait leur être confié, les handicapés, fragiles, étaient les premières victimes des conséquences des carences nutritionnelles et des maladies infectieuses. Ils étaient alors exposés au parenticide ou à l’infanticide et ne pouvaient compter souvent que sur la solidarité de leur famille ou sur la sollicitude des congrégations religieuses. Comme nous le prouvent l’archéologie et les écrits de ces époques, la médecine ne disposait que de peu de moyens pour soigner les complications liées aux handicaps : la médecine physique et la médecine thermale, réservées aux classes privilégiées et aux militaires, se limitaient à de modestes compensations plus qu’à un véritable rôle réparateur. Par conséquent, à quelques exceptions près, être handicapé allait de pair avec une exclusion sociale et une mort prématurée. Le handicap congénital, favorisé par les consanguinités et les accouchements difficiles, pesait sur l’individu ou sa famille comme le prix d’une faute contre les dieux ou contre la société, dont il leur fallait payer le prix. Le handicap acquis au travail ou à la guerre, même glorieux, n’était pas ou peu indemnisé. Plus que ne le faisait la maladie elle-même, le handicap entraînait par ce fait l’individu vers un déclin social rapide et vers son corollaire qu’est la mort. La grande vieillesse était réservée à quelques-uns et, l’efficacité de la médecine étant là aussi relative, elle s’accompagnait alors de handicaps précipitant une fin rapide. On traita ainsi de la même façon, durant des siècles, la vieillesse et le handicap, le handicap et la pauvreté : parfois par la tolérance, le plus souvent par la compassion ou l’abandon à la charité publique. II. UN XXIème SIECLE FORMIDABLE ET IMPITOYABLE POUR LE HANDICAP Nous vivons désormais dans une époque à la fois formidable et impitoyable. Avec les progrès de la médecine, et surtout avec ceux de l’hygiène et des avancées sociales, l’espérance de vie de la plupart des handicapés, toutes causes confondues, rejoint celle des bienportants. Ainsi, d’à peine plus de 20 ans en 1930, l’espérance de vie des personnes atteintes de handicap mental dépassait les 58 ans en 1980. Elle s’est encore améliorée depuis. La différence de longévité qui peut exister entre des individus bien-portants et des individus handicapés ne cesse donc de diminuer, qu’il s’agisse de handicap mental ou de handicap physique. Désormais, dans le monde occidental au moins, vieillir est devenu le lot commun des bien-portants comme celui des handicapés. Par ailleurs, comme la grande vieillesse est rarement exempte de handicaps, on peut désormais dire que le handicap est le devenir de tous. Le handicap n’a plus d’âge… 18 Les maladies, certains traitements, la vieillesse, la société elle-même, génèrent du handicap. S’il n’y a jamais eu autant, ni si rapidement, de progrès médicaux et d’avancées sociales, jamais société n’a favorisé, dans le même temps, autant de situations de handicap. Que les handicaps soient directement liés au processus normal du vieillissement, qu’ils soient liés aux conséquences indirectes des soins permettant aux handicapés de survivre, qu’ils soient liés aux accidents du travail ou de la voie publique, ils sont très souvent secondaires à un environnement rendu ou maintenu inadapté pour certains. III. LE SOIN DU HANDICAP NOUS MET FACE A UNE MULTITUDE DE DEFIS Dans le contexte actuel, il nous appartient en effet de relever de nombreux défis. Ceux-ci sont médico-techniques, éthiques, sociaux et politiques. Les défis médico-techniques sont les plus faciles à relever, les progrès des connaissances médicales et technologiques étant à peu près encore sans limites. La prothétique, l’informatique, l’électronique et les biotechnologies laissent entrevoir une révolution dans le traitement du handicap moteur et aussi dans la prévention, l’accompagnement ou la compensation de certains handicaps mentaux. Domotique, robotique et neuropsychologie promettent des améliorations dans l’adaptation de l’homme à son environnement. Bien plus que ces lentes mutations qui, depuis des millions d’années, lui ont permis de domestiquer la planète. Nous sommes dès lors tous contraints de nous familiariser avec ces techniques nouvelles. Mais il faut compter aussi sur la place déterminante que prend désormais la prévention des causes du handicap, et mesurer l’importance de l’éducation à la santé. Cette dernière doit ainsi occuper de plus en plus de place dans notre travail de soignant. Si les défis éthiques ou philosophiques concernent chacun des membres de la société, ils n’épargnent alors pas le secteur de la réadaptation/fonctionnelle. Ces questions éthiques se posent de façon cruciale dans un système médico-économique dont les moyens financiers sont contingentés, qui a toujours privilégié les soins curatifs, et qui ne peine malheureusement toujours à considérer le soin de suite et la rééducation du handicap comme partie noble de la médecine. Sont concernés la question du choix de prise en charge en rééducation, mais aussi, aux deux extrémités de la vie, aussi bien la réanimation que l’acharnement thérapeutique. En premier lieu, devons-nous nous donner des limites dans la réparation chirurgicale ou la rééducation d’un handicap, en particulier dans le très grand âge, sachant le coût de celles-ci quand elles peuvent être opposées à une survie limitée ? De façon identique, face à un handicap mental, où la décision d’intervenir médicalement ou chirurgicalement doit-elle donc s’arrêter ? Doit-il d’ailleurs y avoir des limites autres que celle qu’impose la faisabilité technique ? Egalement, mais sans faire bien entendu de l’eugénisme, dans une société où ces contingences économiques obligent à faire des choix, et où le respect de la dignité humaine devrait passer toujours avant celui de « la vie à tout prix », est-il légitime de forcer ou de s’efforcer de mener à terme des grossesses pathologiques ou de réanimer des fœtus dont on sait par avance qu’ils sont potentiellement porteurs de handicaps majeurs ? La réponse ne peut rester individuelle, elle est collective. Dans le même sens, jusqu’où devons-nous aller dans le maintien en vie de certains états végétatifs persistants de l’adulte, souvent créés par des réanimations intempestives, détruisant ainsi ou empêchant de vivre bien des familles ? Ces questions éthiques qui nous concernent sont aussi celles relatives aux décisions de protection juridique lourde ou d’institutionnalisation du handicapé, jeune ou vieux, lorsque l’accompagnement 19 familial ou de proximité devient difficile, et qui privent de leur libre-arbitre des personnes qui pourraient exercer celui-ci au prix d’un accompagnement plus adapté et moins carcéral. Par ailleurs, certaines interrogations éthiques posent des problèmes qui dépassent, au niveau du langage, de simples questions d’ordre sémantique. Est-il acceptable qu’un handicapé soit appelé « vieillissant » quand il prend de l’âge, alors qu’une personne âgée est appelée « dépendante » quand elle est atteinte d’un handicap ? Est-il légitime de différencier le sujet handicapé vieillissant de la personne âgée dont le handicap est acquis avec l’âge ? Sur un certain plan, oui, car le handicapé vieillissant va passer d’un état de dépendance, déjà éprouvée antérieurement, à une dépendance accrue. Tandis que la personne âgée qui devient handicapée du fait des maladies liées à son âge devient brutalement, et de façon si l’on peut dire « non préparée », en état de dépendance. Sa prise en charge sociale et psychologique en est bien sûr différente. Mais il faut alors se donner les moyens d’y répondre. De même, est-il légitime de différencier le handicap mental et le handicap physique ? A priori, non, car le processus de vieillissement, qui est désormais commun aux deux populations, aboutit au fait que ces deux handicaps sont souvent, dans une certaine mesure, associés. De plus, le besoin et le droit de soin ne sont-ils pas identiques dans ces deux populations ? La seule chose qui diffère, c’est qu’avec l’âge nous savons que la régression physique, psychologique et sociale est plus sensible chez le handicapé mental que chez le handicapé physique. Enfin, ne faut-il pas faire un choix entre « rééducation » et « réadaptation » ? Cette question n’est pas que symbolique car privilégier le mot « réadaptation », c’est orienter notre action vers une rééducation qui soit véritablement « écologique », fonctionnelle et participative, quand le mot « rééducation » évoque plutôt une volonté d’un retour à une norme académique peut-être moins adaptée sur les plans humain et fonctionnel ? Quant aux défis sociaux qui se profilent, ils engagent chacun de nous, y compris les non soignants, dans la vie de tous les jours. Les données démographiques parlent d’elles-mêmes. La longévité dont bénéficient les handicapés croît de façon manifeste. Le vieillissement de la société augmente ainsi que le poids des 3 et 4ème âges, et celui du handicap. Les populations des hôpitaux et des centres de soins de suite en sont profondément modifiées. La demande de retour au domicile, de qualité de vie et d’autonomie, augmente de facto le niveau d’exigence en termes de réparation du handicap. Pour ces rasions, l’un des défis sociaux qu’il va falloir relever est d’accroître le nombre des professionnels du handicap, comme de diversifier leur formation. Un autre défi sera enfin d’améliorer le financement, en le personnalisant, de certaines prises en charge afin que soit respecté le légitime besoin d’autonomie que formulent de plus en plus souvent certaines personnes malades. Pourquoi donc les personnes âgées atteintes de handicap ne bénéficieraient-elles pas de l’allocation adulte handicapée versée aux adultes handicapés plus jeunes ? Les défis politiques sont sans doute les plus difficiles et les plus longs à relever car la politique, tributaire des conjonctures économiques, des rapports de force intra-sociétaux ainsi que des modes du moment, ne répond souvent que de façon incomplète et différée aux besoins réels des populations. Cela concerne l’aménagement d’un environnement qui ne soit pas source de handicaps. Mais aussi la clarification quant au statut et à la reconnaissance des handicapés avec les conséquences financières qui en découlent. Dans notre domaine professionnel, nous devons aussi pointer du doigt les choix parfois irrationnels faits par les autorités sanitaires ou politiques quand ils menacent, au-delà des finances publiques, la santé ou la dignité de nos malades. Qui pourrait donc le faire, si ce n’est nous-mêmes ? 20 IV. LE DEVENIR DU SOIN DU HANDICAP L’accident ou la maladie, à l’origine du handicap physique ou psychique, sont un moment de rupture, le moment où tout bascule. Le cours de la vie, les projets, tout est interrompu, se modifie et bouleverse l’organisation psychique d’un individu qui, comme le disait Verlaine, « ne sera plus jamais tout à fait le même ni tout à fait autre ». L’équipe soignante doit appréhender ce qui se déroule au niveau psychique pour l’individu car l’attitude aidante qu’elle adoptera aura des conséquences sur l’état psychologique à venir du patient. Ainsi, soit nous assisterons pour le sujet malade à une réécriture de son avenir, soit apparaîtront angoisse, dépression et régression psychologique qui amèneront le sujet à se réfugier dans la dépendance. Ces deux perspectives montrent à quel point il est indispensable d’introduire dans nos pratiques la psychologie, les techniques de relaxation, le sport adapté au handicap, le travail social et l’accompagnement familial. Le soin de rééducation/réadaptation fonctionnelle est le « soin de la qualité de la vie ». Ce dernier intitulé contient sa définition toute entière, ce soin consistant : - A rééduquer ou éduquer, c’est-à-dire à réparer mais surtout à apprendre au patient à utiliser ses ressources personnelles ou les outils qu’on lui propose pour traiter sa déficience, réduire son incapacité et supprimer ainsi son handicap. - A réadapter, c’est-à-dire à aménager la vie pour une adaptation de la déficience à un environnement parfois hostile qui s’impose au malade. - A avoir une visée fonctionnelle, c’est-à-dire à dispenser un soin qui permette au sujet de retrouver tout ou partie de la fonction qu’il a perdu. Ce soin doit être « écologique », c’est-à-dire qu’il est personnalisé et permettra de restaurer des capacités nécessaires à une autonomie raisonnable et suffisante, sans nécessairement viser une réparation anatomique ou scientifique parfaite. Cela est parfaitement vrai dans la vieillesse, qu’il s’agisse d’un handicapé jeune qui a vieilli ou d’une personne âgée devenue handicapée. Le soin de « rééducation/réadaptation fonctionnelle » ne peut être que global, lent, adapté à l’individu et pluridisciplinaire. Prendre en charge le handicap nécessite une culture de l’interdisciplinarité, du travail en réseau et en équipe, du partage des savoirs et de la polyvalence. Cela oblige à une ouverture à des compétences nouvelles : la pédagogie, l’apprentissage de techniques nouvelles et la psychologie. L’interdisciplinarité nous met au carrefour des métiers médicaux, paramédicaux et sociaux, chacun s’enrichissant de l’expertise indispensable de l’autre. Et si cette interdisciplinarité a un coût financier élevé, ce serait faire un mauvais calcul que de rogner sur cet investissement indispensable. Le retour est indéniable sur le plan humain, il l’est aussi de façon indirecte sur les plans hospitalier, social et familial. Il l’est donc au niveau économique en général. V. CONCLUSION : Il nous faut désormais repenser un handicap que nous prenions en charge auparavant sans grande perspective à long terme. Le handicap est en effet à appréhender dans un processus de vieillissement hautement probable, avec l’afflux de populations inhabituelles et dotées de comorbidités nouvelles. Ceci d’autant plus que les patients d’aujourd’hui et leurs familles ont un niveau plus élevé d’exigence en termes d’efficacité et de sécurité des soins qu’autrefois. Une révolution fait donc irruption dans nos pratiques. Cette révolution doit nous amener à réajuster en permanence nos organisations, les objectifs de nos rééducations, les thérapeutiques et les appareillages que nous avions l’habitude d’utiliser. La réorganisation actuelle des services de soins de suite et de réadaptation peut être une chance donnée à notre spécialité et aux malades qui nous sont confiés. 21 A condition que soit habilement tracée la frontière entre secteur indifférencié et secteur spécialisé. A condition également que les critères d’accès au soin du handicap ne soient pas des critères financiers, d’âge, de proximité ou encore de disponibilité de places. Car seuls des critères d’accès strictement médicaux sont le garant d’une probabilité d’amélioration pour la personne. Eux seuls permettent qu’à aucun moment il n’y ait, pour le patient, comme on l’observe encore hélas trop souvent, une perte de chance. A condition aussi que soit fait un rééquilibrage entre les moyens donnés actuellement à la médecine technicienne et ceux qui sont encore trop chichement accordés à la médecine que nous pratiquons. 22 LA PLACE DE L’AGE DANS LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE DU SUJET EN MPR Elisabeth Bleuzet, Agnès Bouzon, Denis Chénier, Jacqueline Cueille, Annick Larnaudie, Jean-Michel Wirotius Service de Médecine Physique et de Réadaptation T : 05 55 92 60 05, F : 05 55 92 79 63, P : 06 87 48 37 09 Centre Hospitalier, 19100 Brive [email protected] Groupe de travail et présentation du thème le jour du congrès (noms soulignés) : Elisabeth BLEUZET (IDE), Agnès BOUZON (IDE), Denis CHENIER (cadre de santé), Jacqueline CUEILLE (Aide Soignante), Annick LARNAUDIE (IDE), Jean Michel WIROTIUS (MPR). La question de l’âge est centrale en MPR comme pour tout le champ de la santé. L’âge est un élément constitutif de l’identité de base des patients et a une part importante dans le choix des parcours de soins. L’histoire de la MPR a bien montré l’influence de l’âge dans les soins d’abord ciblés sur des populations jeunes, les enfants ou les adultes en âge de travailler. Puis l’âge, dans sa version de l’avancée en âge, est venue peu à peu s’imposer à la fois par l’intérêt porté au vieillissement des populations prises en charge à l’origine (par exemple les sujets « polio » et leur vieillissement) et aussi par le nombre croissant de personnes âgées qui survivent au-delà d’un fait médical invalidant. 1 – La question de l’âge en MPR En découvrant la thématique proposée pour le congrès 2009 de l’AIRR, nous nous sommes demandés de quel vieillissement parlions-nous ? Les personnes âgées source des questionnements sont celles qui sont très âgées (souvent plus de 80 ans) et chez lesquelles survient un événement les faisant entrer dans une situation de handicap. Il est alors difficile de démêler ce qui relève du « handicap » comme dysfonctionnement acquis de façon accidentelle et ce qui est lié à la dépendance progressive du grand âge. Pour approfondir la question de l’âge comme élément intervenant dans la représentation des patients admis en Médecine Physique et Réadaptation (MPR), nous avons choisie d’étudier la place de la personne âgée devenant handicapée en service de rééducation et réadaptation. Cette question recoupe les interrogations que nous associons habituellement à l’âge : Quelle part a l’âge dans la construction identitaire du sujet pour les équipes de soins ? L’âge est-il celui de la construction identitaire première ? Un sujet connu très jeune par une équipe peut-il « vieillir » ou conserve-t-il à jamais son âge premier ? L’âge est une donnée qui dans une période donnée, en particulier celle du temps des soins en MPR, est jugée stable. En effet, même si l’hospitalisation est prolongée, il n’est pas attendu de variations significatives liées à l’âge. Dans le temps d’un séjour hospitalier, la variation d’âge est jugée non signifiante. Ceci si l’on veut bien 23 mettre à part les limites d’âges socialement déterminées, comme par exemple le passage du statut social de personne handicapée à personne âgée à 60 ans. L’âge est une donnée graduée avec des seuils et des limites. Quels sont les seuils, voire les limites pour les unités de MPR ? Pourquoi l’âge est-il considéré par les unités de MPR comme un facteur possible de non-indication d’admission ? Nous avons connu dans une période encore récente un accueil privilégié des patients jeunes. Souvent, entre deux projets d’admission, c’est le sujet le plus jeune qui est privilégié. Est-ce en raison du potentiel fonctionnel supposé, de la valeur des corps selon l’âge ? L’âge est-il un élément important de la catégorisation des patients ? En quoi l’âge est-il une valeur positive ou négative pour la MPR ? La hiérarchie des facteurs identitaires pourrait être liée à leur plus ou moins grande pertinence vis-àvis de la quantification des soins à venir, et à leur niveau de stabilité par rapport à la catégorie. L’âge peut-il être une catégorie en MPR ou n’est-il pas assez fiable pour être prédictif ? Pour alimenter notre réflexion, nous avons listé les éléments qui exercent une influence reconnue dans cette problématique. 1/1 Les notions de « handicap », dépendance et autonomie confrontées à l’âge Le « handicap » en MPR est la somme des altérations fonctionnelles, analysées dans leur singularité et dans leurs interactions, qui retentissent sur la qualité de vie de l’individu. Bien souvent, nous abordons en première intention la personne âgée sous l’angle de la dépendance, pour aller vers la recherche de l’autonomie, essentielle en ce qu’elle permet à la personne de « se gouverner ellemême » et qui devient alors la priorité. C’est la compensation des incapacités qui prédomine avec la recherche des ressources à développer. 1/2 Les déterminants médicaux et sociaux qui influencent la situation de la personne âgée Ils sont nombreux, nous citons : (1) les polypathologies génératrices d’incapacités ; (2) les craintes liées au vieillissement se focalisant en priorité sur la perte d’autonomie et de mémoire ; (3) le risque d’isolement lié à l’éloignement familial ; (4) l’augmentation démographique des plus de 85 ans portant la dépendance au rang des problématiques de santé publique ; (5) l’organisation du système sanitaire et social abordant la réponse aux besoins des personnes âgées sous deux angles distincts : la perte d’autonomie ou la situation de handicap ; (6) le lieu de vie des personnes âgées souvent inadapté aux conséquences du handicap. Ainsi, le vieillissement génère des contraintes diverses qui doivent être prises en compte dans les soins d’une personne âgée devenant handicapée. Pour poursuivre notre réflexion, nous avons analysé l’influence de l’âge en tant que facteur identitaire dans le projet de soins en rééducation réadaptation. Nous avons construit une enquête à destination des personnels intervenant dans le service de MPR du centre hospitalier de Brive, afin d’identifier leurs représentations au regard de l’âge comme facteur intervenant dans la prise en charge des soins des personnes en rééducation réadaptation. 24 2 – Analyse des résultats d’un questionnaire sur la construction identitaire des patients en MPR : l’âge comme catégorie pertinente. Nous abordons ici la partie du travail sur la construction identitaire des patients en MPR. L’âge estil une catégorie pertinente pour une équipe en MPR ? Notre introduction invite à une première réponse positive, mais peut-on en préciser davantage la place ? La construction des catégories en MPR reste un travail en réflexion et en devenir. Comment dans ces unités de soins hospitalières, les professionnels construisent-ils les catégories pertinentes ? Les catégories communes dans le champ de la santé comme les maladies (Classification Internationale des Maladies) sont-elles tout aussi essentielles en MPR ? On évoque l’existence de Classifications des Handicaps (version CIH puis CIF) et la nécessaire approche autour des fonctions plus que des lésions. Mais en pratique comment faisons-nous dans notre quotidien pour catégoriser ? Nous souhaitons dans ce travail aborder la question de l’âge comme élément de catégorisation des patients en MPR. Pour poursuivre notre recherche, nous avons proposé à nos collègues de l’unité un questionnaire qui met en scène l’âge au milieu d’autres composantes identitaires topiques. Nous analysons le résultat des 32 questionnaires retournés et nous proposons après l’exposé des résultats, quelques réflexions et commentaires. 2/1 - Le questionnaire proposé aux personnels du service de MPR du CH de Brive Figure 1 : Le questionnaire proposé aux membres du service de MPR du Centre Hospitalier de Brive Le questionnaire, constitué d’une feuille recto-verso, comprend deux parties ; la première renseigne sur l’identité professionnelle des répondants et la seconde sur l’opinion des membres de l’équipe sur les composants identitaires en termes quantitatifs et qualitatifs. Le recueil s’est déroulé dans le premier trimestre 2009 au sein d’une unité de MPR située dans un hôpital général, comprenant 30 lits et les diverses activités spécifiques de ces services. Le recrutement des patients correspond à toutes les pathologies, tous les âges et tous les niveaux de dysfonctionnement du corps. 2/2 – Le tri à plat des questionnaires Le tri à plat a été réalisé pour les 32 questionnaires retournés sur un fichier Excel avec ensuite un traitement graphique et statistique des données. La retranscription des questionnaires comprend : (1) La numérotation des questionnaires ; (2) La fonction professionnelle du répondant en abrégé (IDE, Aide-soignant, K, …) ; (3) L’âge des répondants : (1) pour 20-30 ans, (2) pour 30-40 ans, etc. 3, 4, 5 ; (4) l’ancienneté des professionnels 25 en MPR en chiffre : ex « 8 » pour 8 ans ; (5) Les facteurs identitaires retenus : lorsqu’ils sont cochés, on note le chiffre 1 dans la case correspondante, on ne note rien autrement. (6) Les facteurs identitaires selon l’importance ressentie en notant le chiffre de 1 à 5 dans la case correspondante au choix ; (7) L’explication du choix : le chiffre 1 note la présence d’un texte explicatif. Ces tris à plat ont permis une analyse statistique des données. Les deux indicateurs utilisés pour analyser l’âge comme catégorie sont dans cette étude correspondent à une approche quantitative et qualitative. Le poids absolu de la catégorie, dont l’âge correspond au nombre de fois où l’item a été librement choisi par les professionnels. L’analyse est proposée sous la forme d’un pourcentage : si l’item est toujours choisi dans les réponses, alors le pourcentage est de 100%. Il s’agit ici d’un repère essentiellement quantitatif. Le second indicateur est un repère plus qualitatif évaluant pour chaque item son poids, non plus absolu, mais relatif. Les professionnels ont hiérarchisé les items choisis de 1 à 5 : le chiffre moyen pour chaque item représente ainsi sa plus ou moins grande intensité affective (près de « 1 » la valeur affective est très grande, près de 5 elle est plus faible). 2/3 – Les résultats Nous proposons les résultats sous la forme de tableaux et de figures qui synthétisent les données. Tous les professionnels n’ont pas répondu, mais les questionnaires complétés proviennent de l’ensemble des membres de l’équipe dans leur diversité. Tableau 1 : Le nombre de questionnaires remplis selon les professions (MPR - CH Brive) Professions Répondants Total Prothésiste 1 2 Ergothérapeute 3 3 Médecin 1 4 Psychologue 2 2 Cadre de santé 2 2 Kinésithérapeute 3 3 Psychomotricien(e) 1 1 Infirmièr(e) 7 11 Aide soignant(e) 8 14 Agent des services hospitaliers 4 8 (ASH) Total des professionnels 32 50 [Répondants : les professionnels de l’unité de MPR qui ont répondu au questionnaire ; Total : le nombre total des professionnels intervenants dans le service de MPR] Le Tableau 1 cite les membres du service de MPR selon leur profession d’origine. Tous ont été sollicités et 60% d’entre eux ont complété et retourné le questionnaire complété. 26 Tableau 2 : Age des professionnels répondant Age des répondants Plus de 60 ans De 51 à 60 ans De 41 à 50 ans De 31 à 40 ans De 20 à 30 ans professionnels Nombre 1 6 12 8 5 Total des professionnels 32 Le Tableau 2 informe sur l’âge des professionnels. L’ancienneté des professionnels en MPR est diverse, mais pour la majorité il s’agit d’une équipe qui a une large expérience du « handicap » en milieu sanitaire. La moyenne en années de présence en MPR est de 9,1 ans avec un écart type de 7, une médiane de 9,5 ans, une valeur maximale de 30 ans et une valeur minimale de 0,5 ans. Figure 2 : La dimension quantitative des items de l’aura identitaire des patients en MPR La Figure 2 illustre la part de chaque élément de l’aura identitaire. Plus le pourcentage noté pour l’item est élevé, plus souvent le choix correspondant est cité par les professionnels. La dimension « maladie » est la plus forte sur le plan identitaire. C’est la question rituelle posée à l’entrée dans un service : « qu’est-ce qu’il a ? ». Elle est représentée par la lésion, sa localisation et sa cause et les antécédents. Le devenir, l’« après » est aussi l’une des toutes premières questions, tant la notion du parcours rééducatif est prenante. L’âge vient ensuite et fait ainsi parti du top 3 de l’aura identitaire : en premier, l’affection médicale en cause, en second le devenir, et en troisième position, l’âge. Interrogeons-nous : est-ce ainsi que nous posons les questions à l’entrée à nos collègues qui ont déjà rencontré les patients ? 27 I II III IV Figure 3 : Données qualitatives sur les items identitaires des patients en MPR. La Figure 3 met en place sur le plan « qualitatif » la notion d’âge dans le processus de catégorisation. L’âge appartient à tout à la fois à la catégorisation médicale et à la catégorisation sociale. Mais pour les répondants, l’âge semble être davantage attiré par la catégorisation sociale. Il y a ainsi quatre zones qui se dessinent : la zone I correspond à la catégorisation médicale, ontologique (le corps du dedans), la zone II à la catégorisation sociologique (le corps du dehors), la zone III à la catégorisation morphologique (le corps en surface, sa forme) et la zone IV à la catégorisation historique (l’histoire du corps). L’âge appartient à deux registres, médical et social et semble être à la frontière des deux catégories. En effet, il renseigne de façon générique, tant la situation sur le plan de la santé que sur celui de projet social. Les résultats ont pu être ré-analysés selon trois caractéristiques : (1) le travail au sein de l’équipe soignante ou de ce que l’on nomme le plateau technique, (2) l’ancienneté en service de MPR et (3) l’âge des professionnels. Pour l’âge, nous n’avons pas noté de différences significatives. 2/4 – Les commentaires 2/4/1/ Sémiologie en MPR et catégorisation L’organisation du sens en MPR peut-être abordée de différentes façons. Nous avons privilégié dans notre réflexion clinique, deux directions : celle de la sémiologie car elle est au cœur des pratiques soignantes comme pour toutes les activités médicales et la catégorisation qui propose quelques repères identifiés, quelques cailloux blancs pour que tous les petits poucets de la réadaptation puissent retrouver un chemin familier pour accompagner les patients. La sémiologie en MPR comprend deux temps d’analyse : un temps immédiat, dans les premiers instants de la rencontre et de la présence du patient. C’est de cette construction identitaire topique dont il est ici question. Le second temps est beaucoup plus long et s’évalue non plus en minutes, mais en jours et en semaines. Les professionnels de MPR apprécient alors dans l’interaction avec l’équipe, dans l’environnement d’un service et du déploiement d’activités, les conduites d’un sujet confronté à des difficultés fonctionnelles. Le Tableau 3 synthétise cette démarche sémiologique avec la colonne de gauche qui met en scène l’identification des sujets en termes de système et une seconde colonne à droite qui identifie le sujet dans un procès qui met en jeu l’espace et le temps. La stratification horizontale témoigne d’une démarche générative qui va de la profondeur des significations vers la surface de leurs expressions. Notre propos vient ici illustrer la question des classificateurs sémantiques qui se situe à un niveau figuratif, ç’est à dire immédiatement accessible aux sens. 28 Tableau 3 : La sémiologie en MPRi Le parcours des significations en rééducation Les fonctions en MPR sont au nombre de 5 : motrices, cognitives, fondamentales (urinaire, intestinale, nutritionnelle, etc.), sensorielles, émotionnelles. Les deux colonnes sont à gauche pour Hjelmslev le système, pour Greimas la sémantique et à droite pour le premier le procès, pour le second la syntaxe. Dans l’approche sémiologique, les classificateurs sémantiques sont ceux qui se mettent en jeu dès le premier contact avec le sujet accueilli en MPR. La présence physique du sujet est indispensable à cette construction identitaire première ou au moins la rencontre avec un ou des membres de l’USM. L’unité sociale minimale est représentée par ce que l’on nomme communément « la famille ». Dans ce sens recevoir la « famille » en entretien, c’est presque « voir » le sujet comme un membre de cette entité affective, sociale et économique de base. En MPR le sujet n’est plus seulement un corps du dedans (objet de la part médicale de la MPR) mais aussi un corps du dehors socialisé qui s’articule avec d’autres corps avec des liens complexes et qui ne sont pas seulement affectifs. C’est pour l’essentiel le partage d’un parcours de vie, d’un destin collectif. Tableau 4 : Les classificateurs sémantiques en MPR [Moi vs soi, Fontanilleii] Dans le chapitre de l’identité l’ « existence » représente les divers positionnements stéréotypés du sujet (comme le sexe, l’âge…). C’est une définition topique du sujet que l’on construit dans la rencontre immédiate au moment même du contact. Pour rendre compte de ces dimensions faites de clichés, nous utilisons la notion d’aura qui est cette enveloppe qui entoure le sujet en cercles concentriques : d’abord l’aura corporelle, puis l’aura familial et enfin l’aura sociale. 29 Tableau 5 : L’aura du sujet (corporelle, familiale et sociale) et son existence topique. 2/4/2/ La maladie et le handicap Notre propos concerne les catégories qui contribuent à l’arrivée du sujet en MPR à sa construction identitaire. Dans cette construction, le propos de notre enquête est d’illustrer la question de l’« âge ». Les informations recherchées par les professionnels en termes de catégories, sont celles qui ont le meilleur rapport entre le type de données, leur stabilité et la charge de travail attendue pour l’équipe. L’analyse montre que dans cette construction identitaire la catégorie de la « maladie » est essentielle. Elle est hiérarchiquement première, en référence à la pathologie, à la cause du handicap et à toutes les affections dont le sujet est porteur. C’est la question rituelle et incontournable : il a quoi l’entrant ? Le handicap dans sa dimension sanitaire est en tension avec la maladie et représente la somme des dysfonctionnements du corps que nous décrivons sur les plans analytiques et syntaxiques. Figure 4 : La maladie et le handicap La maladie survient et elle impose sa marque de façon décisive sur le plan identitaire avec une dimension émotionnelle et synchronique. Elle est nommée par rapport aux autres affections dans le système des maladies : elle dit en positif l’affection en cause, et par déduction, ce que çà n’est pas. Par exemple, dire que le sujet hémiplégique a fait un AVC ischémique veut aussi dire que la lésion cérébrale n’était pas hémorragique, ni secondaire à une tumeur. Le handicap dans sa représentation en MPR (la somme des fonctions et des dysfonctions) est diachronique : comment ces fonctions 30 vont-elles évoluer dans le temps ? A quel degré de fonctionnement le sujet va-t-il parvenir ? Chaque sujet en MPR s’inscrit dans une dualité de valeurs : celle de la maladie et celle du handicap qui ont pour particularité, pour l’essentiel, de s’ignorer, l’une l’autre. 2/4/3/ L’âge dans sa version identitaire et topique : (a) - Le « prim-âge » est la notion d’un âge que l’on « fige » au moment de l’accueil du patient dans le service. Ce prim-âge serait préservé tout au long du suivi du patient en MPR. Par exemple, un sujet dont la construction identitaire en MPR se fait à un âge très jeune, ne va pas « vieillir » mais toujours rester ce sujet jeune alors connu au moment du premier contact. Nous avons soulevé cette question lors de l‘observation de nos comportements professionnels. Par exemple, nous nous sommes interrogés sur le « tutoiement » d’un sujet âgé de plus de 40 ans que nous avons connu alors qu’il s’éveillait de son coma, vingt ans plus tôt. D’autre part, au cours d’une hospitalisation en MPR même longue, l’âge n’est pas perçu comme une donnée qui se modifie. (b) - L’âge comme valeur catégorielle L’âge est une donnée qui s’analyse de façon multiple. L’âge actuel est celui qui est observé dans le moment vécu et qui correspond à l’aspect général du sujet. L’âge réel correspond à la chronologie. C’est l’âge au moment de l’admission du patient. L’âge différentiel est l’âge réel – l’âge actuel. Il peut-être positif, il paraît plus jeune que son âge ou négatif, il paraît plus vieux que son âge. Tableau 6 : Les âges en MPR Pluriel (générique) Numérique Réel (chronologie - avoir) Analogique Potentiel (avoir dans l’avenir) Singulier (unique) Actuel (apparence - faire) Différentiel (faire moins/plus) Prenons l’exemple de monsieur X qui « a » 40 ans d’âge « réel ». Mais, il en « fait » 60 d’âge « actuel ». Il lui reste un temps à vivre, un « potentiel », c’est son « devenir ». Il fait plus ou moins que son âge, c’est un « différentiel ». Il est « parvenu » au moment de l’accueil en MPR avec cet aspect physique. La colonne du pluriel, du générique correspond à la signification générale, mécanique de l’âge. C’est un champ « perfectif » qui indique ce qui a eu lieu mais et qui est terminé au moment de l’arrivée dans le service. La colonne du singulier, de l’unique correspond à la situation singulière du sujet par rapport à l’âge. L’« imperfectif » note la situation actuelle et son ouverture vers un avenir. Ainsi la première colonne représente un plan d’expression qui correspond au générique et à l’accompli, et la seconde colonne est un plan du contenu qui apporte des significations singulières liées à l’écart perçu entre l’âge réel et l’âge actuel. Age réel Le différentiel (parvenir) Age actuel Le potentiel (devenir) Figure 5 : L’âge et ses composants. (L’âge actuel dans ce schéma est proposé supérieur à l’âge réel, mais la situation peut se présenter selon deux autres modalités : la coïncidence des deux âges ou encore un âge actuel inférieur à l’âge réel). 31 Nous avions dans un précédent travail montré que dans la langue commune comme au niveau social, l’âge comme catégorie s’opposait au handicap comme autre catégorie. Dans ces représentations, l’âge correspondait à une situation générale non singulière par rapport au handicap toujours singulier et individuel. En effet « avoir 80 ans » a une signification en soi sur le plan humain et social en dehors de toute connaissance du sujet. Mais lorsque se déroule le processus identitaire, alors on va retrouver une part de singularité par rapport aux représentations communes liées à l’âge : « il fait beaucoup moins que son âge, on lui en donnerait 70 ». Figure 6 : La séquence « personnes âgées » / « personnes handicapées » (JM Wirotius, 2008 iii ) En principe les « catégories » sont plutôt choisies parmi les faits les plus stables et qui concentrent le maximum d’informations pertinentes à partir d’une notion générique partagée. Alors pourquoi l’âge est-il parmi les faits catégoriels les plus importants ? L’âge renseigne sur les composantes sociales. Selon l’âge, les questions se posent différemment pour le travail, la disponibilité du conjoint, les ressources… L’âge semble moduler les autres paramètres identitaires : pour les aspects médicaux, du devenir… L’âge est à l’intersection de deux champs catégoriels : le champ médical et le champ social. Sur le plan médical l’âge a du sens et c’est ainsi que la gériatrie s’est développée en attestant d’une spécificité des soins du corps âgé et sur le plan social aussi l’âge à du sens : les activités, les droits, la structure familiale, les ressources, l’organisation du temps… sont aussi en rapport à l’âge. Tout ce qui influe sur la temporalité, influe sur l’analyse en MPR. Si le sujet est très âgé alors se pose la question de ses capacités dans les temps à venir et de l’usage qui sera fait du temps à venir. Le sujet va-t-il disposer du temps nécessaire, souvent long, à une évolution possible en réadaptation. L’âge est une catégorie moins stable, donc en partie moins informative, que la catégorie liée à la pathologie. Pourtant son impact est très important dans la construction identitaire. Par sa situation à l’interface des composantes médicales et sociales, l’âge occupe une place centrale et justifiée dans l’analyse de l’aura du sujet accueilli en MPR. 3 – Les conclusions Quels enseignements tirer de cette étude pour la démarche de soins ? L’âge participe de façon effective et importante à la catégorisation des patients en MPR. Cette catégorie se place à l’intersection des données médicales et des données sociales. Malgré sa variabilité incessante, l’âge qui s’inscrit dans le temps qui passe, est figé par l’équipe de MPR (notion de prim-âge) et classé selon de multiples aspects en âge réel et âge actuel. Les divers 32 professionnels de MPR ont par rapport à l’âge comme catégorie une position homogène qu’ils situent par son importance, juste après les repères médicaux et lésionnels. L’âge est un facteur majeur dans la construction identitaire de la personne soignée en MPR, tant pour le déroulement du parcours de soins, que pour ses incidences médicales et sociales et pour les valeurs en jeu auprès des équipes. Les enjeux pour les personnes âgées en MPR se situent (1) au niveau de la légitimité et de l’utilité de l’hospitalisation dans ce type d’unité, ce sont les questions de pré-admission ; (2) puis à l’arrivée, en post-admission dans la part prise par l’âge dans les représentations médicales et sociales, dans les projets de soins. Tous les acteurs concernés, la personne âgée, sa famille et les soignants doivent effectuer un travail sur leurs représentations, donc sur leurs valeurs, afin d’accompagner la personne âgée de manière efficace. Le travail auprès de la personne âgée : La reconnaissance de sa capacité à faire des choix constitue un élément déterminant pour mobiliser l’investissement de la personne dans le processus de rééducation réadaptation. La qualité de la relation soignant/soigné permet à la personne de se sentir dans une situation de sécurité rendant possible l’investissement. Aide et soutien psychologique deviennent un soin signifiant par les repères qu’ils donnent à la personne âgée. Le travail auprès de la famille : La survenue d’un handicap chez une personne âgée cristallise pour ses enfants la responsabilité qu’ils ont à l’égard de leurs aînés. Les décisions que la famille est amenée à prendre pour le devenir peuvent être source de culpabilité. Les soignants doivent accepter que le temps d’adaptation psychologique de la famille à l’évolution de l’état de santé de la personne âgée fasse partie du processus de soins. L’accompagnement de la famille nécessite de l’informer sur ce que veut dire la réadaptation. Aider la famille à identifier les réserves fonctionnelles de la personne âgée de manière la plus claire et réaliste possible est également nécessaire. Le temps de l’accueil et les échanges au cours du séjour sont des moments propices à l’accompagnement du cheminement d’adaptation au handicap. Le travail d’analyse au sein de l’équipe de soins : Les soignants ont besoin de mettre du sens aux soins. La légitimité des soins passe d’abord par une réflexion sur le processus de rééducation réadaptation. Revenir aux concepts animant la pratique au quotidien est certainement un moyen d’y arriver. L’utilité est ensuite reconnue par la connaissance des besoins et ressources de la personne âgée. Objectiver les réserves fonctionnelles de la personne permet de déterminer des objectifs de soins réalistes et adaptés à son devenir. Le but ainsi déterminé avec l’équipe pluridisciplinaire permet de repérer la faisabilité du projet de soins. La mobilisation de l’énergie des soignants est alors possible car l’utilité est clarifiée. La rééducation réadaptation s’appuie sur des valeurs qu’il nous faut sans cesse rappeler. C’est par ce questionnement autour du « pourquoi faire » que nous pouvons aboutir au « comment faire » en vue de « bien faire ». REFERENCES Wirotius JM : La sémiologie des handicaps en MPR. Limoges, Editions LambertLucas, 2009 (sous presse). 1 Fontanille J : Soma et sema, figures du corps. Paris, Maisonneuve & Larose, 2004.] 1 Wirotius JM : La vieillesse et le handicap dans les textes réglementaires et le discours médical. In Les âges de la vie, I Darrault-Harris, J Fontanille ed, Paris, Puf, 2008. Pp : 130-145. 33 PROJET PERSONNALISE DANS UNE INSTIUTION POUR PERSONNES AGEES HANDICAPEES Monsieur S. Carnein, Chef de service et Responsable Pôle, M. Colin, Directrice des Soins, Centre de Repos et de Soins, Colmar Approche sémantique 1) La qualité de la vie (WHOQOL) ª Perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, selon : - contexte de la culture - système de valeur - objectifs, attentes, normes et inquiétudes ª Concept influencé - par la santé physique - par l’état psychologique - par l’autonomie - par les relations sociales 2) Objectifs du projet de vie individualisé ª Accompagnement du résident - dans son contexte - selon ses demandes et souhaits - selon son histoire personnelle ª Négociation permanente ª Réaffirmer la citoyenneté 3) Plan d’action cohérent, pertinent et individualisé ª Adossé au projet d’établissement ª Elaboration ª Mise en oeuvre ª Suivi évalué du développement personnel 4) Équipe pluri professionnelle ª Acteurs de culture et de sensibilité différentes ª Fédérés par un pilote ª En lien avec le résident Approche opérationnelle 1) Les étapes ª Choix du résident ª Entretien avec le résident - collecte d’informations - habitudes de vie - souhaits et demandes outil : guide d’entretien général 34 ª Entretien avec les aidants - réunion de synthèse - entretien avec les familles ª Grille d’évaluation - autonomie physique psychique sociale AGGIR, SMAF, MIF… grilles spécifiques (dépression, douleur…) ª Sollicitation des potentialités et des compétences du résident points forts / points faibles 2) Élaboration du projet a) définir les priorités d’action b) définir les objectifs du projet sur un an 3) Préparation des éléments qui organisent le suivi du projet personnalisé et l’évaluation du projet ª Résultats attendus ª Critères d’évaluation ª Définir les échéances de l’évaluation 4) Rédiger le projet ª Le pilote rédige le projet 5) Consulter le résident 6) Mise en œuvre du projet ª Initial ª Modification accompagnant des données fluctuantes (état de santé, état de cognition, situation familiale ou sociale) 7) Suivi et évaluation du projet a) Le suivi - adaptation des prestations - Les outils du suivi - grilles d’évaluation initiales et d’évolution - entretien individuel du suivi - fiche d’observation du personnel - Méthodes et échéances : impact du projet par rapport à la finalité poursuivie - informelle - formelle et programmée - Gestion des modifications documentaires - lisibilité - traçabilité b) L’évaluation - mesure de l’impact du projet par rapport à la finalité poursuivie mesure de l’écart entre les résultats réels et attendus 8) La prise de décision de phase décisionnelle ª Reconduction du projet ª Réajustement simple ª Changement d’orientation ª Abandon du projet 35 Approche ergonomique - Réunion de concertation institutionnalisée entre les professionnels - pilotage - ordre du jour - compte rendu - Coordination inter professionnelle dans le plan d’action Définir les objectifs et les actions - La place de chacun dans l’équipe pluri professionnelle - position active = terrain - position neutre = pilote - position de retrait = aidants non professionnels - Assurer la mobilisation de l’équipe et l’organisation du projet contre les obstacles et l’échec méthodologique du projet - faisabilité - réalisme - poser le cadre et les limites - Réorganiser les schèmes du travail - au profit du résident - lutter contre la « sécrétion » des organisations en faveur des équipes Approche règlementaire - Loi du 24 janvier 1997 (97-60) PSD - Loi de 2002 Art. 7 - Loi du 22 juillet 1992 (92-684) Approches conclusives - Les demandes et souhaits prennent le pas sur les organisations figées. - La construction individualisée, le plan d’action spécifique et l’évaluation périodique sont des étapes incontournables. - Les dérives nécessitent un centrage régulier et organisé. - L’organisation du travail « tayloriste » n’est plus acceptable. - Réalisme et pérennité sont deux écueils majeurs. - La remise en cause des pratiques professionnelles constitue la clé de voûte du projet individualisé et donc évolutif. 36 ADULTES HANDICAPES – PARENTS AGES : VIVRE AUTREMENT Emmanuel BONNEAU – Directeur Christine ARNAUD - Infirmière La Maison d’Accueil Familial ‘Marie-Claude Mignet’ Le phénomène grandissant des personnes handicapées arrivant à un âge avancé soulève des questions nouvelles qui interrogent les structures habituelles d’accueil des personnes handicapées et des personnes âgées. L’augmentation importante de l’espérance de vie constatée ces dernières décennies rend parfois caduques les schémas de pensée et les solutions qui ont fait leurs preuves dans la mouvance créatrice des années 1970-1975 trouvent aujourd’hui leurs limites. Face à ce nouveau défi qu’est l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées âgées, nous sommes maintenant contraint d’inventer rapidement des réponses innovantes. Celles-ci ne peuvent pas faire l’économie de l’écoute des familles. Car elles nous demandent de leur proposer des solutions idéales, le plus proche possible de ce qu’elles ont rêvé sinon de mieux (on ne fera jamais aussi bien qu’elles) du moins de moins pire pour leur enfant. Pendant notre propos nous allons être énormément gênés par un problème de vocabulaire. Il n’existe pas de mot générique dans la langue française (du moins courante) pour désigner ‘l’enfant adulte’ de quelqu’un. Fils et fille renseignent sur la filiation et le sexe. Ils ne disent rien de l’âge. D’une façon générale, on va plutôt être amené à utiliser le mot enfant. Toute notre vie, nous sommes les enfants de nos parents et dans le même temps, enfant renvoie à l’enfance. Il n’est pas idéal pour désigner une personne de 50 ans. Qui plus est, quand les parents eux-mêmes désignent leur descendant handicapé, il est difficile de savoir si le mot mon enfant signifie un fils ou une personne restée à l’âge de l’enfance. Lorsque j’utiliserai le mot enfant, je vous demande de bien vouloir l’entendre dans le sens du fils ou de la fille de ses parents, mais en imaginant bien qu’il a entre 37 et 62 ans, l’écart d’âges de adultes handicapés résidant à la Maison d’Accueil familial ‘Marie-Claude Mignet’. Depuis toujours les parents d’enfant handicapé portent la question de l’après-eux : ‘que deviendra-til quand nous ne serons plus là ?’ Autrefois cette question trouvait le plus souvent sa réponse dans l’espérance de vie défavorable des personnes handicapées. Cette mort étant parfois vécue comme une libération pour les parents mais aussi la fratrie et l’entourage, parfois même comme la réponse espérée. Avec les progrès de la médecine et des conditions d’accueil, l’espérance de vie des personnes handicapées a peu à peu rattrapé la moyenne de tout un chacun. Désormais les parents peuvent espérer ou craindre selon les cas que leur enfant leur survive. C’est un phénomène nouveau qui interroge non seulement les institutions existantes mais aussi les savoirs et les pratiques professionnelles. Quelle réponse inventer quand la famille ne s’est pas ou peu séparée ? Que la vie l’un sans l’autre n’est pas envisageable ? Et que l’âge et la dépendance des parents ne leur permettent plus de répondre à leurs propres besoins et à ceux de leur enfant dépendant ? Quel soulagement apporter lorsque l’angoisse du devenir de l’enfant devient la principale préoccupation de la journée ? Les expériences vécues régulièrement par les institutions lors de l’accueil tardif d’un adulte handicapé qui vit simultanément la mort du dernier parent, le départ de la maison familiale et la 37 découverte de la collectivité nous incitent à rechercher le plus tôt possible des solutions permettant la séparation. Cette démarche s’inscrit dans une logique dominante et repose sur des théories psychanalytiques de séparation-individuation. Qui sont les familles qui vivent cette situation ? Venant de toutes les couches de la société, il n’est pas possible de définir un profil sociologique type. Les motivations ou les contraintes qui les ont amenées à assurer pendant toute une vie l’accompagnement quotidien de leur enfant handicapé sont propres à chacune d’elles et même, au sein du couple, à chacun des parents. On y trouve des motivations spirituelles (don ou croix), des représentations du rôle social des parents (on assume), des projections personnelles (personne ne saura faire aussi bien que moi ; je suis coupable de l’avoir fait naître)… On y trouve aussi des situations de ‘non choix’ : défaut d’établissement adapté, retrait des institutions suite à des maltraitances, fin de prise en charge, déménagement … Le point qui les réunit est cette question, évoquée plus tôt, qui les taraude depuis la survenue du handicap : ‘Que deviendra-t-il que nous ne serons plus là ?’ Chaque famille a cherché des réponses, le plus souvent par une tentative échouée d’un passage de relais à des professionnels, parfois en s’en remettant à la providence, parfois en comptant sur un relais par la fratrie … A ce titre nous constatons que les frères et sœurs portent la même inquiétude de l’avenir. Ils craignent par-dessus tout de devoir accueillir chez eux un adulte handicapé, au sein de leur propre famille, avec leurs enfants et leur conjoint, dans un lieu qui n’a pas été prévu pour. Ils se sentent souvent investis d’une mission dont ils ont conscience qu’elle est contre nature, et qui les met dans un conflit de loyauté vis-à-vis de leurs parents, de leur frère et de leur propre famille. Des situations très compliquées peuvent même apparaître quand des promesses ont été faites aux parents, parfois sur leur lit de mort. Bien sur, on nous dit souvent que la prise en charge de la personne handicapée par une structure spécialisée, et ce le plus tôt possible, résout ce problème. L’enfant grandit, plus ou moins loin de ses parents (comme tout un chacun – c’est normal) et c’est même profitable pour tous. Que d’accueillir la famille et lui permettre de vivre ensemble jusqu’au bout du chemin ce qui a fait le sens de leur vie c’est refuser de voir la réalité en face et nier ce qui serait bien pour l’adulte handicapé : vivre éloigné de ses parents. Je renvoie alors ces questions : qu’est-ce qui justifie que l’on inflige à une personne de 80 et son enfant de 50 la douleur d’une déchirure à des personnes qui n’ont rien demandé d’autre que de vivre ensemble ? Quel sens cela peut-il avoir pour eux ? Le passage à l’acte de la séparation produira-t-il davantage de bien que de mal aux personnes concernées ? ne sommes-nous pas en train de mettre en avant la théorie plutôt que la personne ? Force est de constater que j’ai finalement peu de réponse satisfaisantes et étayées, y compris de la part de nos plus virulent détracteurs. Pour notre part, après avoir entendu les demandes de ces familles, parlé avec elles de leurs conditions de vie, et intégré l’idée que pour certaines familles la séparation n’a jamais été possible, ou ne l’est plus maintenant, nous avons créé un établissement susceptible d’accueillir ces familles, c'est-à-dire à la fois l’adulte handicapé et ses parents. A leur entrée dans l’établissement nous prenons vis-à-vis d’eux les engagements suivants : - accueillir la famille telle qu’elle se présente, avec son histoire, son projet, ses habitudes … - offrir un accompagnement individualisé à chacun de ses membres - accompagner jusqu’en fin de vie - maintenir l’enfant dans l’établissement après le décès de ses parents, sans limite d’âge ni de dépendance 38 Ainsi à la Maison d’Accueil Familial nous sommes confrontés à deux type de familles : celles qui n’ont jamais pu se séparer (quand je dis ça, je parle surtout des parents) et celles qui ont essayé mais pour qui ça n’a pas marché et qui ne le souhaitent plus. Les deux situations reviennent finalement au même puisque la vieillesse venant, les uns et les autres se trouvent face à un avenir angoissant. Qu’importe comment ils en sont arrivés là, il devient urgent de leur apporter une réponse définitive à La Question. Les premières citées, ceux qui n’ont jamais pu se séparer, ils ont été désignés par les courants psychologiques qui ont façonné les travailleurs sociaux comme maltraitant car empêchant leur enfant de devenir l’être unique, séparé de sa mère. Pour autant, non seulement nous devons constater et accepter que pour certaines familles, la séparation a été impossible mais également que l’enfant handicapé n’en a pas forcément souffert. En disant cela, je ne dis pas qu’il n’aurait pas pu avoir une vie plus épanouie, qu’il n’aurait pas pu développer d’autres compétences, qu’il n’aurait pas pu découvrir le monde autrement. Je dis simplement que même si la fusion l’a empêché de développer totalement sa propre identité il n’en a pas forcément souffert ne sachant pas ce qu’il manquait. Les adultes handicapés que nous rencontrons donc à la Maison d’Accueil familial sont plutôt bien dans leur peau et ne nourrissent pas de regret par rapport à une autre vie qu’ils auraient pu avoir. Les secondes se présentent à nous avec une expérience malheureuse de la rencontre avec le professionnel. A des périodes souvent charnières leur vie, les professionnels n’ont pas été à la hauteur des attentes des parents. A priori rien ne leur garanti que nous serons ‘meilleurs’ que les autres. Ils nous observent et nous demandent de faire nos preuves. Quelle réponse leur apporte la Maison d’Accueil Familial ‘Marie-Claude Mignet’ ? La séparation psychique et/ou physique n’est pas un objectif en soi. La séparation arrivera, c’est une certitude, au plus tard au moment du décès de l’un ou l’autre. A minima, nous avons pour ambition d’arriver à ce que, au moment de la mort, l’enfant se sente autorisé à survivre à ses parents. Pour autant cette question est centrale dans l’accompagnement. La distance entre les personnes de la famille, c’est l’espace de l’intervention des professionnels, le lieu du tiers aidant, respectueux de la cellule familiale et des personnes qui la compose aujourd’hui, mais aussi garant de la continuité après la mort… Notre axe de travail est donc quand même de "rentrer" dans une relation qui des fois est tellement fermée ou recluse sur elle-même qu'il n'existe pas d'espaces séparés pour chacun... Or notre responsabilité est bien d'en initier suffisamment pour avoir d'abords des micro-projets, favoriser l'émergence de désirs individualisés, et d'autre part de préparer le plus doucement possible une séparation définitive qui leur sera imposée à un moment donné Notre travail s'articule autour de cet axe même si ce n'est pas un objectif en soi. Christine ARNAUD - Infirmière Quelles sont les spécificités de cet accompagnement pour les professionnels ? Dans ce projet, la place du soignant est interrogée en permanence. Bien que n’étant pas dans la cellule familiale, il n’y est pas totalement extérieur. Il est pris à parti car il symbolise l’avenir, la survie, quand la mort approche. Il est celui qui prendra le relais, en professionnel certes mais jamais aussi bon que le parent. Il est à la fois un secours et une menace et sa place cristallise les enjeux de la séparation. Faire naître la confiance, entrer en relation, être invité dans la cellule familiale non pas comme une menace mais comme une aide, un moyen de poursuivre ce projet de vie. Intervenant au sein de la cellule familiale, notre positionnement est toujours « sur la tangente » entre les besoins exprimés ou non de chacun, et notre capacité de réponse qui doit être adaptée à l’un comme à l’autre ; ceci sans être intrusif, sans provoquer de sentiment de jugement sur le type de fonctionnement familial. 39 Contrairement, à l’exercice dans un foyer classique, les professionnels interviennent en permanence sous le regard des parents ; c’est une difficulté mais aussi un défi. Nous ne serons jamais reconnus comme aussi bon qu’eux. Nous devons en accepter le principe dès le départ et à la fois faire des parents des alliés, voire des conseils et en même temps les aider à lâcher prise et à nous confier leur enfant, cet être cher à qui ils ont voué toute leur vie, sans qu’ils aient le sentiment d’être dépossédé de leur parentalité. Il nous faut prendre en compte leur expérience de parents vis-à-vis du handicap et ainsi enrichir notre regard de professionnel. Un autre risque important c’est de vouloir faire trop bien trop vite. Nous découvrons à leur arrivée des personnes adultes handicapées qui n’ont pas bénéficié pendant des années des stimulations et des propositions correspondant à leurs réelles capacités. Ils ont vécu au rythme de leur parents et pour la plupart dans un univers relativement pauvre en relations sociales et en ouverture sur le monde. Avec nous, ils découvrent tout un monde du possible qu’ils ne soupçonnaient pas. Ils sont avides de s’y confronter. C’est très stimulant pour les professionnels. Le plaisir du résidant renforce le plaisir du salarié face à la découverte des potentialités de l’adulte. Notre tentation peut-être d’en faire trop et de renvoyer aux parents quelque chose d’insupportable pour eux, qui mettrait en cause les choix de vie qu’ils ont fait. Nous devons être vigilant à ne pas leur dire, même de façon détournée : ‘Voyez tout ce que vous n’avez pas fait pendant toutes ces années. Votre enfant aurait été plus heureux s’il avait été accompagné par des professionnels …’ je vais peut-être choquer mais ceci peut nous contraindre à freiner les progrès des adultes handicapés et à ne pas les mettre en situation d’être stimulés à hauteur de leurs capacités. Le risque étant de mettre tellement les parents en situation de se protéger qu’ils ne nous autoriseraient plus à intervenir auprès de leur enfant. Vous l’avez compris, La Maison M.C.Mignet , non médicalisée, se définit d’abord comme un lieu de vie, et l’équipe, comme une équipe d’accompagnement au plus proche des rythmes de vie de chacun, de son vécu, de ses attentes. L’infirmière, au sein de l’équipe, participe à l’élaboration et à la mise en place des axes de travail, dans le respect du projet de l’établissement. En tant que tel, elle est une personne ressource pour l’équipe comme pour les résidents. Notre travail se fait toujours sous le regard du parent ; C’est une des difficultés, mais aussi un défi. Il nous faut gagner la confiance du parent, pour que celui-ci s’autorise à nous confier son enfant sans avoir le sentiment d’être dépossédé de sa parentalité. Il nous faut prendre en compte l’expérience des parents vis-à-vis du handicap (surtout de leur propre enfant) et apporter notre regard professionnel. Le regard de l’infirmière peut être davantage sollicité que celui des aides-soigantes car les résidents ont une représentation hiérarchique de l’infirmière, et lui reconnaissent des compétences particulières. Par là-même, ils peuvent s’autoriser à lui donner des informations qu’elle va relayer ou non à l’équipe, ou bien, être le médiateur entre celle-ci et eux. S’agissant du vieillissement du parent, il est primordial d’être vigilant pour dépister les répercussions que la perte d’autonomie et la dépendance du parent peuvent générer chez l’adulte handicapé. De notre observation découlera notre prise en charge de l’adulte handicapé : écouter, rassurer, décrypter l’angoisse, prendre soin, dépister et prévenir des signes éventuels de dépression…jusqu’à préparer le travail de deuil. -De plus, certains parents vieillissants, pour qui leur vie a toujours été centrée sur leur enfant handicapé, sont réticents à ce qu’on les prenne en charge : « Pour ma fille, oui. Pour moi, c’est pas la peine ». Il nous faut argumenter ou négocier pour leur faire accepter l’idée qu’on prenne soin d’eux ; et ce pour leur mieux-être, et par rebondissement pour celui de leur enfant. Quand c’est l’adulte handicapé qui montre des signes de vieillissement, on retrouve bien-sûr cette inquiétude chez le parent, mais la difficulté que nous rencontrons est différente : ‐ Certaines familles n’ont toujours pas réussi à voir leur enfant comme adulte à part entière, capable d’exprimer ses besoins, ce qu’il ressent, etc…Du coup, elles anticipent 40 les demandes, interprètent des signes, parlent pour eux…Même si nous reconnaissons les parents comme ceux qui connaissent le mieux leur enfant (et donc, nous avons besoin de leur avis sur la « situation »), il est parfois difficile pour nous de faire la part des choses. ‐ Pour peu que plusieurs signes relèvent du processus de vieillissement, il est parfois difficile de le faire entendre au parent qui recherche toujours une autre explication : autre pathologie, évolution de la maladie invalidante…Les parents ont du mal à appréhender la réalité du vieillissement parce qu’ils ont toujours vu leur enfant sous le prisme du handicap, et aussi parce qu’il est toujours pour eux, justement, un enfant. ‐ Face aux multiples retentissements du vieillissement, certaines familles peuvent alors être très demandeuses d’examens complémentaires. Si on essaie de temporiser, ou de ne pas multiplier les consultations et examens plus ou moins justifiés, on est alors confronter au sentiment d’injustice qui ressort : « Les médecins ne connaissent rien au handicap ; ça ne les intéresse pas ; les locaux ou appareils d’investigation ne sont pas adaptés pour eux.. » ‐ Enfin, nous travaillons non seulement sous le regard des parents de tel adulte, mais aussi de tous les parents de la Maison. Certains se sentent investis d’un devoir de bienveillance vis-à-vis des autres adultes handicapés présents dans la Maison. Du coup, de part leur expérience avec leur propre enfant, ils posent un regard sur notre posture professionnelle concernant un autre adulte handicapé (ou même parfois la remettent en cause) ; chose qu’ils ne feraient pas par rapport à un autre parent). Là encore, il nous faut réajuster la place de chacun, reposer le cadre, réaffirmer le choix d’un accompagnement et d’une prise en charge individuelle, personnalisée. Pour conclure, j’insisterai sur notre conviction que cette Maison, ce qui s’y vit et l’accompagnement proposé sont tout à fait pertinents. Pour autant ce n’est certainement pas la seule solution possible (d’autres d’ailleurs existent ou son en réflexion actuellement). Elle répond à certaines familles, celles qui par exemple sont prêtes à partager à minima une vie collective, ou qui ne sont pas inquiétées par le handicap des enfants des autres familles, etc.… Deux des 16 familles accueillies vont quitter l’établissement d’ici la fin de l’année parce qu’elle n’y trouve pas la réponse qu’elles cherchaient. Pour elles il y a certainement d’autres solutions à inventer. Quant aux autres, on sent bien quelque part qu’ils attendent le premier orphelin pour voir si nous serons bien capable de tenir nos promesses. Ils ne seront rassurés sur le fait que leur enfant continuera à être accompagné dans la Maison après leur mort et qu’il n’en souffrira pas. C’est un challenge qui nous attend mais que nous ne craignons pas outre mesure. 41 VIEILLIR AVEC LA POLIOMYELITE Thefenne L, Trappier T, Jouvion A, Jacquier C Service de Médecine Physique et Réadaptation Hôpital d’Instruction des Armées Laveran BP 60149 13884 Marseille cedex 13 Téléphone : 04 91 61 71 32 Fax : 04 91 61 73 15 Email : [email protected] Introduction : La poliomyélite est responsable d’épidémie dramatique durant le début du siècle dernier. Les patients ayant présenté des atteintes neurologiques ont développé des compensations qui leur sont propres en fonction des variantes de l’atteinte initiale, de l’âge de survenue de l’infection (développement psychomoteur et staturo-pondéral). Le développement de compensations révélant un véritable « paradoxe analytique et fonctionnel » oblige parfois à respecter des déformations ou des attitudes vicieuses a priori. Cela se complique fréquemment lorsque le patient a bénéficié antérieurement et notamment pendant son enfance de chirurgie des membres variée : arthrodèses, ostéotomies, transferts musculaires,… ou des antécédents de fractures [1]. Le retentissement fonctionnel (notamment sur la marche) dépend de ces déficits analytiques mais également de l’âge de consultation des patients. En effet, il s’agit d’une population pour la plupart vieillissante puisque l’éradication de cette pathologie est souhaité et programmée par l’organisation mondiale de la santé (OMS) vers 2010. Un certain nombre de facteurs favorisent une perte d’autonomie et une restriction de participation. La particularité de cette pathologie est la possibilité de développer une nouvelle entité après plusieurs dizaines d’années, le syndrome post-poliomyélite (SPP). Après un bref rappel sur la poliomyélite et les risques actuels de cette maladie, nous présenterons le vieillissement de ces patients, les facteurs favorisant de dégradation analytique et fonctionnelle et le syndrome post-poliomyélite avant d’évoquer la prise en charge. I - Le poliovirus/al poliomyélite : La poliomyélite est une pathologie infectieuse liée au poliovirus qui fait partie des virus à ARN de la famille des entérovirus. C’est un virus exclusivement humain très résistant dans le milieu extérieur. Sa transmission se fait soit par les particules de Pflüge (transmission oropharyngée comme le virus de la grippe), soit par les selles (ce qui constitue le péril fécal). La transmission est donc interhumaine. La contagiosité est importante. Le patient est asymptomatique ou peut exprimer un syndrome rhinopharyngé ou à un tableau de gastroentérite. Il s’agit là des formes cliniques les plus fréquentes (99% des cas). A partir des amygdales et des plaques de Peyer, une virémie est possible. Le poliovirus peut alors passer la barrière hématoméningée et développé un syndrome méningé voire des paralysies flasques asymétriques et diffuses par atteinte du motoneurone sa cible privilégiée. L’atteinte est exclusivement motrice (pas d’atteinte sensitive). La gravité de la maladie se juge par les troubles de la déglutition, de la respiration et de la conscience du fait de lésions bulbaire, de la substance réticulée et du système végétatif [6]. Le traitement de la phase aiguë repose sur un traitement symptomatique. L’isolement est primordial des patients non atteints ou non vaccinés. On doit lutter contre les phénomènes 42 douloureux, contre les complications du décubitus, contre les manifestations végétatives. Admission en réanimation en cas d’atteinte respiratoire. Puis un fois la maladie stabilisée, le patient est orienté vers un centre de médecine physique et de réadaptation. L’évolution est lente et est souvent asymétrique puis stabilisation des lésions ou régression [7]. Leur prise en charge initiale a permis de nombreuses avancées dans plusieurs domaines : - un développement de la réanimation respiratoire, - le regroupement des moyens a permis de structurer les centres de réanimation et à l’autre bout de la chaîne de prise en charge, les centres de rééducation, - les transports médicalisés - les bienfaits de l’hydrothérapie (sur la douleur, les contractures musculaires) et la balnéothérapie (en termes de soulagement des douleurs, de rééducation des muscles déficitaires sans contrainte sur les articulations), - l’appareillage, - les règles d’évolutivité de la scoliose et leur traitement par corset de Duval Beaupère, - la chirurgie fonctionnelle notamment des membres supérieurs dont bénéficient désormais les patients ayant des déficits séquellaires d’une tétraplégie ou d’une atteinte du plexus brachial (de moins bons résultats pour la chirurgie des membres inférieurs), - la création d’association telle que l’Association des Paralysés de France (APF). C’est la première cause de handicap moteur dans le monde. Le seul traitement efficace est la vaccination. La vaccination orale et injectable a permis d’entrevoir une possible éradication de ce virus ou tout du moins de la maladie. Ceci repose sur une acceptation des gouvernements, sur la réalisation de campagnes de vaccination et sur une surveillance très étroite des nouveaux cas (ce dernier élément est plus difficile que dans le cas de la variole du fait de nombreux cas de patients asymptomatiques ou avec une symptomatologie aspécifique) [3]. L’éradication est envisageable sur le modèle de la variole. Il se pose déjà la question de l’après éradication. Tant que cet objectif n’est pas atteint, la couverture vaccinale doit être maintenue. En effet le risque d’importation à partir des pays où le poliovirus circule n’est pas négligeable et est même préoccupant. Ce fut d’ailleurs le cas en France en 1998. Les 4 pays d’endémie sont : le Nigéria, l’Afghanistan, l’Inde et le Pakistan. II – le vieillissement des patients atteints de séquelles de poliomyélite. Après cette phase aiguë, un certain nombre de patients présentent des séquelles neurologiques. Ces déficits associés à la croissance favorisent des séquelles principalement orthopédiques si bien que l’on définit parfois la poliomyélite comme une véritable « maladie orthopédique » selon Boppe. Les patients se sont habitués à leurs déficiences, leurs incapacités et leur restriction de participation. Ils ont mis en place des schémas de compensation. Mais cette population vieillit. Un certain nombre de problématique se pose alors auquel se surajoute un nouveau syndrome décrit par de nombreux auteurs le syndrome postpoliomyélitique. II.1 – Physiopathologie Après une phase aiguë, le motoneurone qui est la cible privilégiée nous l’avons vu est détruit. Les trois facteurs contribuant à la récupération sont : - le nombre d’unités motrices qui reprennent leur fonction (capacité de récupération), - le nombre d’unités motrices qui développent des pousses (« sprout ») pour ré innerver les fibres musculaires « restées orphelines » (devenant une unité motrice géante), parfois facteur multiplicatif de 10, - l’hypertrophie des fibres musculaires compensatrices. Après cette phase, les séquelles étaient considérées comme stables. Mais cette population vieillit et une dégradation s’opère [8]. 43 II.2 - Facteurs influençant l’évolution Certains facteurs généraux peuvent contribuer à cette dégradation fonctionnelle : prise de poids (liée à l'âge, à la diminution d'activité, à des perturbations hormonales), maladie intercurrente, immobilisation avec alitement responsable d'une fonte musculaire (intervention chirurgicale, virose tel qu’une grippe, fracture…).... la moindre perte de force favorise une déstabilisation des adaptations et une aggravation du statut fonctionnel. II.3 – Complications liées au vieillissement a) Orthopédiques Certaines complications orthopédiques particulièrement fréquentes dans cette population concourent elles aussi à cette dégradation. Aux membres supérieurs l’utilisation de cannes ou les transferts itératifs sont des facteurs favorisant les tendinopathies (voire rupture) de coiffe et/ou au conflit sous acromial. Une telle pathologie contraint les patients à une perte d’autonomie majeure. Aux membres inférieurs, il peut survenir des tendinopathies sur des muscles sur utilisés (par exemple par compensation). Les stratégies adoptées avec le temps permettent souvent au patient d’exploiter au mieux ses capacités restantes pour acquérir la station debout et assurer une marche, souvent pendant de longues années. Ces stratégies induisent souvent à long terme des lésions dégénératives qui peuvent poser problème pour le maintien de la marche. Par exemple, la stabilisation de la hanche et du genou par une grande antéversion de hanche et rotation interne fémorale permettent un verrouillage du genou en rotation externe, le risque est de voir apparaître une dislocation du genou en rotation externe qui entraîne une arthrose souvent intolérable. Les déformations du pied séquellaire des déficits de la poliomyélite ou secondaire à une chirurgie stabilisatrice deviennent progressivement douloureux et arthrogènes. Les déformations rachidiennes (scolioses, cyphoses) peuvent également s’accentuer avec les années et entraîner des douleurs Ces patients sont soumis aux mêmes facteurs de risque de l’ostéoporose majorée au niveau des membres parétiques. La moindre chute est susceptible de favoriser une fracture. Il survient alors un véritable cercle viscieux. Le risque de chute est lié à la paralysie et à la mauvaise utilisation du membre. b) Neurologiques Les déformations rachidiennes peuvent également favoriser des radiculalgies qui sont autant de facteurs aggravants, voire des atteintes neurologiques centrales. Des syndromes canalaires sont fréquents au niveau des coudes et des poignets du fait des contraintes liées aux cannes et de façon moindre à l’utilisation des fauteuils roulants. c) Respiratoires Les troubles respiratoires sont fréquents : décompensation tardive d'une insuffisance respiratoire restrictive liée à une diminution de la force des muscles respiratoires ou à une majoration de déformations rachidiennes. Le syndrome des apnées du sommeil doit être recherché notamment devant une majoration de la fatigue. d) Digestives Certains troubles digestifs sont aussi décrits du fait des mêmes facteurs favorisant que pour les atteintes respiratoires. Ils touchent souvent des patients ayant une atteinte bulbaire à la phase initiale (symptomatique ou non). 44 e) Autres Les patients se plaignent également d’une intolérance au froid notamment sur les membres parétiques ; d’œdème des membres inférieurs ; de trouble du sommeil ; de mouvements nocturnes des membres inférieurs. II.4 – Le syndrome post poliomyélitique (SPP) a) Physiopathologie Dans les années 80, soit de 10 à 40 ans après l'infection par le poliovirus, de nombreux patients se plaignent d’un ensemble de symptômes. Les séquelles de poliomyélite ne sont donc pas stables avec le temps comme on le prétendait initialement. Il peut s’agir d’une anomalie au niveau de la transmission neuromusculaire. Les unités motrices anormalement élargies ne sont plus capables de maintenir le modèle de repousse axonale (remodelage). Elles commencent à dégénérer, produisant de nouvelles dénervations. Quand un nombre critique de fibres musculaires deviennent, de manière permanente, dénervées et atrophiées, il apparaît une manifestation des nouveaux signes cliniques. Ils ne peuvent être expliqués par les atteintes précédemment décrites. Alors plusieurs hypothèses ont été élaborées. Il pourrait y avoir deux types d’altération de l’unité motrice : d’une part, une dégénérescence axonale progressive entraînant une faiblesse musculaire nouvelle et irréversible ; d’autre part, des altérations fluctuantes métaboliques expliquant fatigue et fatigabilité. Cette hypothèse ne suffit pas à expliquer l’ensemble des signes fonctionnels décrits par les patients. Une autre hypothèse est avancée, celle d’une réaction immunoinflammatoire directement au niveau central. Par analogie avec le syndrome de Guillain Barré et la sclérose en plaques (SEP), on explique les déficits musculaires, certaines douleurs et la fatigue. Le mécanisme de cette réaction inflammatoire n’est pas bien établi mais plusieurs équipes ont découvert des lymphocytes, de cytokines de l’inflammation et même du matériel génétique du virus. D’autres hypothèses sont proposées mais ne sont pas assez étayées. D’après les résultats autoptiques et IRM, le poliovirus a une cible privilégiée qui est certes le neurone de la corne antérieure de la moelle. Une nouvelle atteinte expliquerait un déficit musculaire pouvant aggraver les déficits préexistants des membres, des muscles respiratoires et de la déglutition. Les efforts nécessaires seraient donc plus grands et donc une fatigue s’installerait. Les déformations favoriseraient les douleurs Ce n’est pas la seule cible. En fonction des localisations on peut expliquer un certain nombre de manifestations. L’atteinte du système végétatif et la fatigue, les troubles de la thermorégulation… L’atteinte du tronc cérébral pourrait expliquer en partie un déficit musculaire, des troubles respiratoires et de la déglutition. L’atteinte de la formation réticulée peut entrer en jeu dans la fatigue d’origine centrale. b) la clinique Les symptômes les plus fréquemment évoqués forment une triade qui comprend : - la fatigue (et la fatigabilité) qui peut être périphérique ou centrale, localisée ou générale - les douleurs (musculaires et articulaires), - l’aggravation des paralysies initiales (voire leurs extensions sur des muscles considérés comme sains auparavant). Il existe d’autres symptômes qui sont décrits en relation avec ce syndrome. Des troubles de la déglutition, de la phonation et de la respiration (dont l’apnée du sommeil), une intolérance au froid sont les conséquences des signes décrits précédemment où peuvent se développer sur leur propre mode. Il existe entre 20 et 80 % de patients ayant contracté la poliomyélite qui se plaignent de cette constellation de nouveaux signes fonctionnels et cliniques, survenant après une période de 45 « stabilité » de la maladie de plusieurs décennies. Il existe une grande variabilité des prévalences des symptômes telle qu’on peut le voir pour la fatigue du fait de la difficulté à définir le SPP et des moyens pour rechercher les symptômes chez les patients ayant des séquelles de poliomyélite (courrier, examen hospitalier…). Le diagnostic de SPP repose donc seulement sur la présence de critères fixés par un collège d’experts internationaux près de 20 ans après la première description Les critères d’Halstead de 1991 [5] semblent, d’après ces auteurs, le plus correspondre au tableau clinique définissant le syndrome post-poliomyélite : - ATCD de poliomyélite paralytique avec perte de neurones moteurs confirmés par des symptômes passés évoquant une poliomyélite paralytique aiguë, des signes de faiblesse et d’amyotrophie séquellaires lors de l’examen neurologique et des signes de dénervation à l’examen électromyographique (EMG) ; - examen EMG compatible avec une atteinte des neurones de la corne antérieure de la moelle (amplitude et durée augmentées du potentiel d’action moteur, nombreux potentiels polyphasiques, diminution du nombre d’unités motrices lors du recrutement maximum, recrutement temporel, fibrillation et ondes lentes de dénervation) ; - période de récupération fonctionnelle partielle ou complète après une poliomyélite aiguë, suivie d’un intervalle (habituellement 20 ans ou plus) de stabilité neurologique ; - nouveau déficit moteur ou nouvelle faiblesse musculaire anormale (endurance réduite) progressive et persistante, à début soudain ou graduel, avec ou sans fatigue généralisée, atrophie musculaire ou douleurs musculaires et articulaires. Le début abrupt peut survenir à la suite d’une période d’inactivité, d’un traumatisme ou d’une intervention chirurgicale. Moins fréquemment, les symptômes dus au syndrome post-poliomyélite incluent une nouvelle difficulté respiratoire ou une nouvelle dysphagie ; - symptômes qui persistent pendant au moins un an ; - exclusion d’autres affections neurologique centrale ou périphérique, musculaire, une myasthénie, une endocrinopathie (thyroïde, surrénales, diabète…), un cancer, une atteinte métabolique ou retentissement somatique d’un trouble psychiatrique tel qu’une dépression. En résumé, il s’agit, chaque fois, d’un challenge diagnostic d’autant plus difficile que d’autres comorbidités lui sont associées et qu’il y a une intrication possible entre plusieurs pathologies. II.5 – Le retentissement Que ce soit devant un SPP ou les complications liées au vieillissement de patients ayant des séquelles de poliomyélite, les symptômes sont aspécifiques. Ces symptômes sont étroitement intriqués (ainsi le syndrome d’apnée du sommeil peut favoriser des douleurs, une perte de force et une fatigue et des douleurs peuvent entretenir la fatigue et perturber le sommeil… de même qu’une perte de force majore la fatigue). La douleur est d’origine articulaire, conflictuelle, neurologique… Ils sont responsables de répercussions en termes de fonction, de restriction de participation, de qualité de vie, de besoins médicaux, de recours aux organismes sociaux. Les conséquences fonctionnelles les plus citées sont : - difficultés à la montée et descente des escaliers, - difficultés à la marche (diminution du périmètre de marche, désadaptation cardiovasculaire), - perte d’autonomie (habillage...), - parfois responsable de désocialisation, isolement, dépression voire grabatérisation. La qualité de vie est diminuée par rapport à une population générale et par rapport à une population de patients ayant des séquelles de poliomyélite sans complication. 46 III – Traitement En conséquence, que faire ? Il faut connaître et savoir reconnaître les atteintes fréquentes de cette tranche de population pour les mettre en évidence et les traiter. On doit prendre en compte le patient dans sa globalité et non se focaliser sur une déficience isolée. Il faut rechercher tous les éléments pouvant favoriser une perte d’autonomie (orthopédique, neurologique, respiratoire) III.1 – Existe-t-il un traitement spécifique du SPP? L’hypothèse d’une détérioration de la transmission neuromusculaire du fait d’un dysfonctionnement de la synthèse en acétylcholine et de sa libération comme dans la myasthénie suggère l’essai de la pyridostigmine. L’efficacité na été réellement démontrée à ce jour que pour les déficits sévères. Le Modafinil®, l’amantadine (200mg/j) la prednisone ont un effet transitoire comme la ségéline (Déprényl®, un IMAO sélectif de type B). La bromocriptine (Parlodel®) et la méthylphénidate hypochloride (Ritaline®) ont été testées sur la fatigue chronique avec des effets non significatifs. La lamotrigine est une molécule récemment étudiée (Lamictal®). Lors d’une étude randomisée avec des doses de 50 à 100 mg, un effet significatif est détecté sur la fatigue et sur la qualité de vie des patients. Ces résultats préliminaires sont encourageants et doivent être confirmés. Ces résultats supposeraient d’autres explications pathogéniques aux troubles [8]. Les résultats récents sur les immunoglobulines apportent des perspectives intéressantes sur plusieurs paramètres du syndrome post-poliomyélite : sur la force musculaire mais également une majoration des activités, la réduction chez certains de la douleur (comme dans le syndrome de Guillain Barré) des scores de qualité de vie. L’effectif étudié est faible, ce qui gêne pour généraliser les résultats. Il s’agit de traitement bien toléré par les patients … mais très coûteux [3]. III.2 – Traitements non spécifiques En l’absence de traitement spécifique une prise en charge pragmatique est nécessaire. Il est primordial que les professionnels de la santé soient à l’écoute des survivants de la poliomyélite qui font face à leur handicap depuis plusieurs décennies. Le soutien qu’ils peuvent leur apporter consiste entre autres, à les informer, les conseiller, leur fournir des aides techniques, les guider dans leur rééducation, leur donner du soutien psychologique et les aider à modifier leur mode de vie. Parmi les solutions thérapeutiques à notre disposition, les mesures préventives et générales sont les plus importantes [2] : respect de la fatigabilité (sieste réparatrice, repos après un effort, adapter les aides techniques…), hygiène de vie, aménagements de l'environnement (pour diminuer les contraintes, éviter les chutes…), suivi médical régulier pour prévenir les complications les plus fréquentes (surveillance du poids, de la comorbidité, vaccinations, traitement de l'ostéoporose...), corrections des troubles sensoriels, protection des articulations. Les complications orthopédiques peuvent nécessiter un traitement spécialisé : traitement médical, rééducation, infiltrations.... La correction de ces états pathologiques surajoutés, et/ou leur prévention permettent de maintenir des possibilités fonctionnelles compatibles avec une qualité de vie satisfaisante. L'insuffisance respiratoire ou le syndrome des apnées du sommeil doivent être dépistés et rendent parfois nécessaire la mise en route d'une ventilation non invasive au masque. Parallèlement au maintien ou à l’amélioration du pronostic fonctionnel de marche, la prévention des chutes et des fractures font partie de la réflexion pour la stratégie thérapeutique. Le principe est de respecter les axes fonctionnels (par exemple en conservant ou parfois en créant un recurvatum de genou), proscrire les secteurs articulaires responsables de chutes comme le flessum de genou. La prise en charge rééducative [2] doit comporter des exercices aérobies non fatigants. Là encore il faut respecter les temps de pause. Il faut bien évidemment proposer des objectifs réalistes. La balnéothérapie [12] est un excellent mode de prise en charge pour de nombreuses raisons : 47 renforcement musculaire de n'importe quel groupe musculaire, travail hors pesanteur permettant d'économiser le capital articulaire, effet antalgique et décontractant de l'eau chaude, reconditionnement cardio-respiratoire à l'effort. Cette rééducation se fera principalement en externe, mais pourra bénéficier de courte hospitalisation classique ou de jour en fonction du projet établi avec le patient. Il faudra apprendre au patient les exercices pour les pratiquer ensuite chez lui dans de bonnes conditions et s’autoentretenir. Il faut éviter globalement le déconditionnement à l’effort. Les aides techniques [7 ; 10 ; 11] sont nécessaires non seulement pour la marche mais également pour les membres supérieurs. Il s’agit d’un domaine important, cause fréquente de consultation. Elles ont bénéficié des avancées technologiques récentes telles que l’allègement des orthèses par l’utilisation de matériaux en carbone, les genoux à verrouillage dynamique, les éléments amovibles lavables. Elle nécessite une consultation spécifique avec l’appareilleur et une livraison en présence du médecin pour l’adéquation patient-appareillage-fonction. Ce domaine est très important puisqu’il constitue selon l’expérience garchoise plus de 50% des consultations. Dans tous les cas, il faut expliquer au patient l’intérêt de la prise en charge. Leur première réaction est souvent le refus de tout nouveau moyen entravant leur mobilité. Souvent il s’agit d’un refus en relation avec leur vécu douloureux de « engins de torture ». Il faut souvent plusieurs consultations pour qu’ils admettent l’intérêt. Une autre particularité pour la prise en charge de la marche de ces patients est l’absence d’atteinte sensitive. Cela garantit l’absence de lésions cutanées en cas d’hyperappui (sur le sol ou dans un appareillage) mais ajoute la difficulté de la création d’un appareillage confortable, très ajusté au patient en ayant l’objectif de conserver les propriétés mécaniques de cet appareil. Les principes élémentaires à respecter pour la prescription sont notamment de conserver le schéma de marche, simplifier au maximum les appuis et contre appuis (pas d’appui ischiatique ou fronde rotulienne si elles ne sont pas nécessaire), respecter les axes articulaires des membres du patient, faire la chasse au poids excessif de l’orthèse, rechercher le confort maximal et faire évoluer l’aspect de l’appareil afin de s’éloigner de l’image orthopédique classique qui renvoie à l’ère de l’ « infirmité ». Il existe de nombreux schémas de marche chez les patients poliomyélitiques. Ils présentent des variantes en fonction de la topographie et de l’intensité des déficits, l’utilisation ou non d’aides techniques (cannes, orthèses,…), du morphotype du patient et de ses capacités cardio-respiratoires à l’effort. Il ne faudra pas passer le moment de la prescription du fauteuil roulant manuel ou électrique, tournant évolutif certes dans l’autonomie mais également dans l’acceptation de soi et de cette pathologie présente depuis leur enfance. Aussi fréquente soit elle, cette dégradation tardive n'est ni inéluctable ni incurable... L’ensemble de cette prise en charge doit permettre d’améliorer la symptomatologie, de diminuer les répercussions de ces différents symptômes, de limiter les restrictions de participation, de rendre plus autonome le patient. Au cours de consultations multidisciplinaire peuvent apparaître des indications opératoires. La chirurgie est cependant limitée par le vieillissement musculotendineux, l’état ostéoarticulaire (dégénérescence arthrosique, ostéoporose,…), par l’état général (dégradation de la fonction respiratoire,…) et peut-être une plus grande sensibilité aux anesthésiques (résultats contradictoires). Les indications sont fonctionnelles et visent à améliorer la marche et les possibilités d’appareillage, à supprimer les douleurs ou à éviter l’aggravation d’une scoliose. Les risques encourus ne sont pas négligeables et les indications doivent être posées par des équipes habituées. Une chirurgie de correction peut perturber un équilibre difficilement acquis. La normalité anatomique ne doit jamais est prioritaire et il faut veiller à priori à la conservation de la fonction. Il sera discuté la réalisation de plusieurs gestes dans le même temps opératoire pour diminuer les effets adverses (complications anesthésiques, complications du décubitus et le déconditionnement musculaire et global). La composante sociale est essentielle afin de permettre d’aider ces patients dans leur activité. Ne pas hésiter à les orienter vers les maisons départementales du hanidicap, de constituer des dossiers d’aggravation... 48 Conclusion On estime actuellement à 20 millions le nombre de personnes atteintes de la poliomyélite dans le monde. Parmi elles, 700 000 vivent en Europe et 50 à 60 000 en France. Les dernières épidémies en France ont eu lieu dans les années 1950. La majorité des « anciens polios » dans notre pays ont donc autour de 60 ans. Beaucoup de ces personnes décrivent une dégradation tardive qui est souvent multifactorielle : complications diverses, vieillissement physiologique, syndrome postpoliomyélitique. La poliomyélite et le syndrome postpoliomyélitique sont donc peu connus. L’organisation sanitaire et médico-sociale, en particulier pluridisciplinaire doit permettre de répondre à la demande de cette population en termes de soins, de compensation et d’orientation. La constitution de réseau permet un accès aux soins plus facilement comme celui inauguré en 2001 en en Ile de France. La rééducation, la réadaptation et la réinsertion étant au centre actuel de la prise en charge, les médecins de médecine physique et de réadaptation sont donc amenés à avoir une place prépondérante dans ces réseaux. Bibliographie : 1. Faraj A. Poliomyelitis:orthopaedic management. Current Orthopaedic. 2006;20:41-6. 2. Farbu E, Gilhus NE, Barnes MP, Borg K, de Visser M, Driessen A, Howard R, Nollet F, Opara J, Stalberg E. EFNS guideline on diagnosis and management of post-polio syndrome. Report of an EFNS task force. Eur J Neurol. 2006;13(8):795-801. 3. Gonzalez H, Sunnerhagen KS, Sjöberg I, Kaponides G, Olsson T, Borg K. Intravenous immunoglobulin for post-polio syndrome : a randomised controlled trial. Lancet Neurol. 2006;5:493-500. 4. Guérin N, Delpeyroux F, Rey M. Poliomyélite. In : Encycl Med Chir. (Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS, Paris). Pédiatrie, 8-058-A-10, 2007, 14p. 5. Halstead LS. Assessment and differential diagnosis for post-polio syndrome. Orthopedics. 1991;14:1209-17. 6. Huraux JM, Nicolas JC, Agut H et Peigue-Lafeuille H. Les picornaviridae, genre enterovirus, traité de virologie médicale. Ed. Estem ; chapitre 27:397-404. 7. Laffont I, Yelnik A, Cantalloube S, Dizien O. rééducation dans le traitement de la poliomyélite antérieure aiguë. In : Encycl Med Chir. (Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS, Paris). Rééducation, 26-450-A-10, 1996, 12p. 8. On AT, Oncu J, Uludag B, Ertekin C. Effects of lamotrigine on the symptoms of life qualities of patients with potpolio syndrome : a randomized, controlled study. Neurorehabiltation. 2005;20(4):245-51. 9. Sorenson EJ, Daube JR, Windebank AJ. Electrophysiological findings in a cohort of old polio survivors. Journal of the Peripheral Nervous System. 2006;11:241-6. 10. Tremaine Billings F et Collins RD. The devastating blacklash of a dread disease : poliomyelitis. Transactions of the American clinical and climatological association. 2005;116:57-63. 11. Waring, WP, Maynard F, Grady W, Grady R, Boyles C. Influence of appropriate lower extremity orthotic management on ambulation, pain, and fatigue in a postpolio population. Arch Phys Med Rehabil. 1989;70(5):371-5. 12. Willen C, Stibrant Sunnerhagen K, Grimby G. Dynamic water exercise in individuals with late poliomyelitis. Arch Phys Med Rehabil. 2001;82:66-72. 49 VIEILLIR AVEC UN HANDICAP C. RUELLE cadre IDE A. CARRIER VERNAND IDE Dr G. HEURLEY MPR INSTITUT DE REEDUCATION FONCTIONNELLE POMPONIANA OLBIA BP 41 83407 HYERES Mail : [email protected] Les pathologies développées par les personnes handicapées et polyhandicapées engendrent le plus souvent un vieillissement précoce notamment de leurs fonctions vitales Le vieillissement de la population ADULTE HANDICAPEE exige un accompagnement très proche (surveillance accrue, aide à la toilette, à l’habillement, aux repas...). L’exécution de ces tâches est difficilement réalisable avec les moyens dont disposent les structures médico-sociales dans lesquelles certains handicapés ont été placés il y a plusieurs décennies et le vieillissement des patients représente un sérieux problème de gestion des établissements dont le taux d’encadrement médical et soignant devient insuffisant lorsque les résidents vieillissent. Il est néanmoins, nécessaire de maintenir sécurité et si possible, qualité de vie. L’objectif prioritaire est le maintien au domicile Facteurs prédictifs du projet de vie Il existe des facteurs prédictifs fiables permettant d’anticiper le devenir social et professionnel. Distinguer l’indépendance : je réalise moi-même De l’autonomie : je décide moi même. Les facteurs prédictifs les plus fiables sont : La déficience intellectuelle, L’indépendance de déplacement, L’indépendance de soins à la personne, La qualité de l’environnement familial, L’habitat et l’environnement géographique. HANDICAP ET PASSAGE A L’AGE ADULTE Les adultes handicapés vivant au domicile sont souvent en abandon thérapeutique, après une période pendant laquelle dans l’enfance ils ont reçu une overdose de soins. Ces patients, à tort, ne veulent plus fréquenter les hôpitaux. 50 Pour les autres, demandeurs de soins les équipes compétentes dans le suivi des adultes handicapés font souvent défaut (Spina, Imc…). Pour l’enfant handicapé, sous l’impulsion de la famille, priorité est donnée à la prise en charge médicale et paramédicale, à l’intégration scolaire. Pour l’adulte, libéré de la contrainte parentale priorité est donnée à la socialisation et secondairement à la prise en charge de l’état de santé : se déplacer seul en ville, gérer les taches de la vie quotidienne, utiliser les services sociaux. La prise en charge de l’état de santé devient secondaire. Les personnes les plus lourdement handicapées ont besoin de prestations de soins coordonnés et continus qui augmentent avec l’âge ainsi que d’un accompagnement psychologique et social attentif. Il n’existe pas de structure d’accueil spécifique prenant en charge et évaluant les effets du vieillissement sur la personne adulte handicapée. Hiatus entre le suivi médical spécialisé étroit pendant l’enfance et la prise en charge de l’adulte handicapé. Le vieillissement en soi est un handicap Le vieillissement s’accompagne d’une altération des performances personnelles, il s’agit d’un véritable sur-handicap lorsqu’il existe un handicap préexistant. Lorsque l’adulte handicapé moteur va moins bien, le plus souvent la dégradation provient des effets pervers du vieillissement et non pas de l’aggravation du handicap proprement dit. Plusieurs cas de figure à envisager concernant l’handicapé moteur vieillissant Handicap stable non évolutif : (IMC, trauma crânien…). En vieillissant, on observe : o une plus grande fatigabilité, o une perte d’autonomie liée au phénomène physiologique de vieillissement comme l’arthrose, l’ostéoporose, la diminution de la force musculaire, le risque de fractures et de chutes est plus important, o Une prise de poids. Pathologie évolutive en particulier neurodégénérative : o dans ces cas, l’évolution de la maladie est un facteur explicatif à la dégradation de l’état de santé et de la dépendance. Handicap stable dont les conséquences peuvent évoluées en vieillissant comme : o les paraplégies ou spina bifida pour lesquels on observe des infections urinaires fréquentes et à la longue insuffisance rénale. Egalement problème cutané et fragilité osseuse. o S’impose alors la nécessité de la prévention des complications qui peuvent survenir. Peut-on prévenir les conséquences du vieillissement physiologique ? L’ostéoporose : o Il y a une véritable campagne à faire auprès des médecins et des personnes handicapées sur cette maladie, la personne handicapée tombe plus souvent qu’une personne valide donc risque de fracture plus important. o La prévention repose sur une alimentation équilibrée, un traitement médicamenteux et une gymnastique d’entretien. L’arthrose : o pathologie du vieillissement banal se traduisant par des douleurs pouvant entrainer des contractures, risque de dégradation de l’autonomie, nécessité d’un traitement 51 médical physiothérapique voir chirurgical. Hygiène de vie : surveillance du poids nécessaire. Diminution de la force musculaire : o physiologique avec l’âge, au-delà de 40 ans, il faut s’entretenir physiquement, les personnes handicapées ont plus que les autres besoin d’écouter leur corps et de l’entretenir. Nécessité d’adapter avec l’âge les solutions d’appareillage, d’aide-technique et de contrôle d’environnement. Les reins et l’insuffisance rénale Des actions d’éducation doivent être poursuivies à l’âge adulte pour prévenir l’insuffisance rénale chez les handicapés présentant des troubles de la continence en particulier : - Prévention des infections urinaires, vidange correcte de la vessie, - Prévention des lithiases. Dans les grandes lignes, recommandations d’hygiène : - sondage si nécessaire, - boissons abondantes, - contrôle régulier vessie et arbre urinaire (ECBU, évaluation de la diurèse, échographie et bilans) mais aussi plus tard dépistage de l’adénome de la prostate, - éviter l’automédication : de nombreux médicaments peuvent entrainer une insuffisance rénale chronique. L’hypertension artérielle doit être prise en charge et suivie car à elle seule elle détériore les reins. Reflux gastro-œsophagien le RGO peut être occulté chez le polyhandicapé non communicant aboutissant non pas seulement à des vomissements mais à des contacts entre le liquide acide et la muqueuse œsophagienne. La conséquence en est la douleur et l’œsophagite. Il faut savoir le dépister (TOGD) ou fibroscopie. Le traitement repose souvent sur l’orthostatisme notamment nocturne par surélévation de la tête du lit associé à des traitements médicamenteux. Ces RGO se compliquent parfois de pneumopathie. Les troubles de la déglutition Problème fréquent pouvant mettre en jeu avec l’âge le pronostic vital D’origine neurologique ou musculaire. Facteurs aggravants : o trouble de la mastication, o trouble de salivation, o trachéotomie, o RGO. Exploration fonctionnelle de la déglutition au moindre doute : o Observation de la prise alimentaire, o Radiocinéma, o Fibroscopie. 52 Les troubles de la déglutition Complications possibles : o retentissement pulmonaire, o fausse route avec asphyxie, o retentissement pondéral. Traitement adapté : o Positionnement, o Mastication prolongée o Régime avec texture adaptée o Voire alimentation entérale Cette prise en charge est très lourde, le maintien d’une alimentation orale demandant un gros investissement en temps et en personnel. Les options thérapeutiques sont difficiles à prendre, la participation et l’adhésion de la famille et de l’institution sont indispensables. Stomatologie et handicap Un travail préventif d’hygiène bucco-dentaire est nécessaire. Suivi régulier de préférence auprès de chirurgiens dentistes formés au handicap (Réseau Handident PACA) permettant un soin facilité aux soins bucco-dentaires aux personnes handicapées pour lesquelles les déplacements vers les cabinets dentaires traditionnels sont source de grande difficulté. Prise en charge respiratoire Le vieillissement est un facteur aggravant des problèmes respiratoires préexistants : o Augmentation des déformations rachidiennes, o Fragilité broncho-pulmonaire accrue avec l’âge avec sur infections fréquentes et diminution de la CV o Augmentation de la fréquence des troubles de déglutition, o Sédentarité, grabatisation, o Aggravation de la pathologie à l’origine du handicap (insuffisance respiratoire restrictive). Mesures préventives (vaccination antigrippale, positionnement, repas….), Surveillance de la fonction respiratoire (ventilation et SaO2), Rééducation respiratoire à la demande et traitement médicamenteux (antibiothérapie, bronchodilatateur). Problèmes orthopédiques (passage de l’orthopédie à la rhumatologie) Le vieillissement s’accompagne fréquemment d’une perte d’autonomie avec arrêt de la marche, troubles de l’équilibre, aggravation des attitudes vicieuses en particulier au niveau du tronc. La douleur est fréquemment mise en avant, il faut mettre en place une stratégie préventive après avoir analysé des situations douloureuses (transferts, installation assise, verticalisation). La chirurgie représente un acte majeur pour ces malades et les indications doivent être soigneusement pesées. L’aggravation des déformations s’accompagne fréquemment d’une fragilité cutanée accrue. Précaution nécessaire : capitonnage des appareillages. Recours systématique aux antalgiques, myorelaxants et anti-spastiques. 53 Cause possible des douleurs chez le polyhandicapé (1/4) Il convient d’être très vigilant surtout pour les patients non communicants, l’utilisation d’échelles d’évaluation spécifiques est alors nécessaire. Cutanée ou muqueuse : o Escarre o Mycose o Fissure anale o Ongle incarné Stomatologique : o Carie Cause des douleurs possibles chez le polyhandicapé (2/4) ORL, pulmonaire : o Otite, o Sinusite, o Pneumonie Ophtalmo : o Kératite Cause des douleurs possibles chez le polyhandicapé (3/4) Digestive : o RGO o Gastrite o Œsophagite o Colite o Constipation o Complication d’une gastrostomie o Hernie Urinaire : o Infection o Globe vésical o Lithiase Cause des douleurs possibles chez le polyhandicapé (4/4) Neuro orthopédique : o Contracture o Fracture, o Luxation o Arthrose o Tassement ostéoporotique o Conflit pieds chaussure Douleurs iatrogène : Liées aux soins (transferts, toilette, installation, prélèvement sanguin…) 54 Problèmes dermatologiques Ils surviennent plus volontiers en période estivale et caniculaire : points d’appui, macération, mycoses. Les appareillages sont moins bien tolérés avec l’âge. Des soins d’hygiène préventifs sont le plus souvent suffisants. Les escarres restent la complication majeure chez l’adulte handicapé. Déshydratation Le risque est toujours présent chez l’adulte handicapé même s’il semble en bonne santé, la prévention est le meilleur traitement. Les facteurs favorisants sont nombreux : o Handicap locomoteur et de communication (dépendance, perte d’autonomie limitant l’accès aux boissons). o Vieillissement physiologique avec diminution de la sensation de soif. o Polypathologies et polymédication (dysphagie, dépression). o La température extérieure, la fièvre, les diarrhées, un diabète, une insuffisance rénale………. En cas de troubles de la déglutition, une eau gélifiée est recommandée, hydratation de la bouche en pulvérisation et utilisation de matériel adapté (verres à bec, paille…). Les apports hydriques quotidiens doivent être contrôlés et augmentés en cas de situation à risque : carafe nominale, les apports quotidiens doivent dépasser 2 litres en comptant l’eau contenue dans les aliments et les boissons du matin. Recommandations diététiques aux personnes handicapées « vieillissantes » De simples recommandations diététiques ont leur place à l’occasion des CS spécialisées parmi lesquelles : o Mangez moins, o Mangez plus, o Mangez plusieurs fois par jour, o Mangez des protides, des fruits, des légumes, des laitages, des fibres, o Ne mangez pas seul : manger est un acte social, o Soignez vos dents, o Faites de l’exercice physique, o Buvez suffisamment. CONCLUSION Pour les personnes handicapées le passage à l’âge adulte représente un moment clef : o Allègement des contraintes de soins, o Changement d’équipe assurant la prise en charge, o Prise de distance par rapport aux contraintes jusqu’ici imposées par les soignants et la famille, o Choix de vie. Le vieillissement constitue un surhandicap et certaines pathologies engendrent un vieillissement précoce des fonctions vitales (blessés médullaires). A l’âge adulte, les équipes spécialisées dans le handicap semblent moins nombreuses pour assurer le suivi des pathologies comme les IMC et les Spina bifida. 55 Un accompagnement, une surveillance, une prise en charge avec éducation thérapeutique sont nécessaires et le développement de consultations de suivi pluridisciplinaires incluant notamment IDE et médecins MPR sur le modèle de ce qui existe pour les enfants handicapés est souhaitable. L’activité physique doit être encouragée et prescrite Chez les adultes handicapés encore plus que pour la population générale la pratique régulière d’une activité régulière même modérée est un facteur majeur de prévention des pathologies cardiaque, diabète, ostéoporose… o Elle améliore la santé mentale et est un facteur important de maintien de l’autonomie 56 DU CENTRE DE REEDUCATION AU DOMICILE : un projet de sortie à accompagner et à construire en partenariat. A. VINEY, Assistante de service social CRF Bretegnier Héricourt. H. DONTAIL, Responsable départementale Service Social CRAM BFC Unité Belfort M N.SCHULZ, Conseillère en gérontologie Conseil Général du Territoire de Belfort L’hospitalisation d’une personne âgée de plus de 60 ans en centre de rééducation fonctionnelle peut être un évènement déstabilisant et révélateur de difficultés pour son retour à domicile. Dès l’admission, l’assistante sociale du centre de rééducation intervient dans la prise en soin du patient avec pour objectif de préparer la sortie. Pour cela, elle active les réseaux coordonnés d’intervenants sociaux du domicile. Cette présentation s’appuie sur l’expérience de coordination avec l’unité du service social CRAM et les services du Conseil Général du Territoire de Belfort. Audrey VINEY, assistante de service social, au centre de rééducation fonctionnelle d’Héricourt E.Bretegnier en Haute Saône, département de la Franche Comté. Le CRF a développé une prise en charge en filières : - une filière neurologique où sont accueillis les patients présentant une lésion de la moelle épinière, une lésion vasculaire cérébrale ou un traumatisme crânien - une filière orthopédique après chirurgie prothétique de la hanche, genou ou épaule - une filière traumatologique où sont accueillis les patients victimes d’un accident de la voie publique - une filière « amputé membre inférieur » : rééducation et appareillage. Ces prises en charge peuvent se faire en hospitalisation complète ou en hôpital de jour. La situation géographique du centre l’amène à accueillir des patients de la Haute Saône, du Doubs et du Territoire de Belfort. L’assistante sociale du centre de rééducation a pour mission : - d’écouter le patient et sa famille d’accompagner le patient et sa famille pour les aider à assumer le handicap et ses conséquences d’aider le patient dans l’élaboration et la mise en œuvre de son projet de sortie dans les meilleures conditions d’aider le patient à préparer sa sortie et sa réinsertion sociale, familiale et professionnelle. 57 Henriette DONTAIL, responsable de l’unité du service social CRAM Bourgogne Franche Comté située à Belfort, assistante de service social de formation. L’équipe d’assistantes sociales CRAM intervient dans le cadre de plusieurs missions définies par une circulaire commune CNAMTS-CNAVTS du 21 juin 2007 qui fixe les priorités du service social des CRAM : - accès aux soins et aux droits des populations fragilisées ou précarisées prévention de la désinsertion socio-professionnelle pour les assurés en arrêt de travail maladie ou accident du travail indemnisés par la caisse primaire d’assurance maladie ou pour ceux qui font l’objet d’un passage en pension d’invalidité la prévention de la perte d’autonomie. Ainsi, les assistantes sociales sont amenées à accompagner les personnes lors de leur sortie d’hospitalisation notamment les plus de 60 ans dans le cadre d’un dispositif partenarial. Marie Noëlle SCHULZ, conseillère en gérontologie au Conseil Général du Territoire de Belfort, assistante de service social de formation. Assure le conseil technique auprès de l’équipe de conseillères en gérontologie et est également la référente départementale pour l’accueil familial des personnes âgées et personnes handicapées. Dès 1993, le Conseil Général s’est doté de personnel spécialisé dans la prise en charge de la population âgée en créant le métier de conseillère en gérontologie. Depuis 2008, le service personnes âgées auquel l’équipe appartient est intégré au sein de la Maison de l’Autonomie du Territoire de Belfort. La conseillère en gérontologie est un travailleur social spécialisé dans la prise en charge de la population âgée de plus de 60 ans et notamment dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie. Les missions essentielles de la conseillère en gérontologie sont : - de contribuer à l’autonomie des personnes âgées de les accompagner de mettre en œuvre les dispositifs d’accès aux droits de protéger la personne âgée des abus, des maltraitances et de la rétablir dans ses droits. La collaboration effective entre le CRF, la CRAM et le Conseil Général amène au thème de l’intervention : du centre de rééducation au domicile un projet de sortie à accompagner et à construire en partenariat. La réussite du retour à domicile, repose sur la préparation en amont et la coordination des différents acteurs : équipe interdisciplinaire du centre de rééducation et partenaires externes. Ce travail en réseau interdisciplinaire permet de créer un projet de sortie singulier. La définition du projet de sortie se construit à partir d’un travail de repérage, d’évaluation et d’écoute réalisé au quotidien avec le patient et sa famille. 58 Dès son arrivée au centre, le médecin définit avec le patient les objectifs du séjour, la durée de prise en charge et la préparation de la sortie. L’assistante sociale du CRF, membre à part entière de l’équipe interdisciplinaire, est sollicitée pour une intervention sociale. Ainsi, L’assistante sociale rencontre le patient et son entourage afin de prendre en compte les données environnementales, sociales, familiales, économiques, architecturales, ses habitudes de vie antérieures et ses attentes. Ces multiples informations, en lien avec les capacités fonctionnelles et de récupération du patient, lui permettent de mettre en perspective les différentes composantes de la situation. Une fois l’analyse des besoins repérés, l’AS (assistante sociale) prend le temps d’accompagner le patient au fil des jours dans sa progression. Ainsi, elle l’aide à construire son projet de retour à domicile. La sortie constitue une étape très importante pour la personne et sa famille. Afin qu’elle ne soit pas vécue comme une conclusion par l’arrêt de la prise en charge, il est nécessaire de donner sens à la sortie comme une étape vers une autre étape. Une visite du domicile est réalisée avec le patient et l’ergothérapeute pour évaluer les besoins. En accord avec l’intéressé, l’AS met alors en place un plan d’aide personnalisé et singulier pouvant faire appel à des aides humaines, aides techniques, aménagement du logement ou à des aides spécifiques en fonction des droits mobilisables. Selon l’autonomie au moment de la sortie ou du degré de récupération possible, l’AS opte en matière d’aide humaine pour l’un des deux dispositifs en présence à savoir le Dispositif sortie d’hospitalisation ou l’Allocation Personnalisée d’Autonomie en fonction du GIR évalué. La grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupe Iso-Ressources) est complétée par un médecin. Les personnes évaluées en GIR 5 ou 6 peuvent bénéficier du Dispositif sortie d’hospitalisation GIE IMPA (Ingénierie Maintien à domicile des Personnes Agées). Il s’agit d’une prestation d’Action Sanitaire et Sociale mise en place par les régimes de Sécurité Sociale CRAM, MSA et RSI de Bourgogne Franche Comté dans le cadre d’un GIE (Groupement d’Intérêt Economique). Les personnes évaluées en GIR 4,3,2 et 1 relèvent du dispositif légal APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie). Cette prestation est servie par les Conseils Généraux. Si la personne relève du Dispositif sortie d’hospitalisation, l’assistante sociale du CRF informe le patient de l’existence de cette prestation et complète avec lui le plan d’aide. Le dispositif permet d’établir ce plan de sortie coordonné entre les soignants, la personne, sa famille ou son entourage et les intervenants à domicile. Il prend appui sur le référent « sortie d’hospitalisation », ici l’assistante sociale du CRF. Dès connaissance de la date de retour à domicile, le contact avec l’assistante sociale Cram est important pour préparer le passage de relais . 59 L’assistante sociale du centre faxe « le plan de sortie » au plus tard 48h avant la sortie . La CRAM vérifie l’ouverture des droits. Elle notifie l’accord de plan de sortie au service social du CRF , au service social Cram, à la personne et aux intervenants mentionnés par l’assistante sociale du CRF. Avant la sortie, les aides sont mises en place par l’assistante sociale du CRF pour qu’elles soient opérationnelles dès le retour à domicile (besoins en aide humaine à domicile ou en matériel de première nécessité). L’assistante sociale CRAM, prend contact avec la personne et la rencontre à son domicile dès les premiers jours suivant sa sortie et au plus tard 10 jours après son retour. Elle évalue si le plan de sortie est adapté. En effet, la personne est dans un univers protégé lorsqu’elle est au centre. Des difficultés liées à ses capacités peuvent se révéler lors du retour à la vie quotidienne. L’environnement moins adapté peut aussi être à l’origine de celles-ci. Le cas échéant, elle reprend contact avec l’assistante sociale du centre pour échanger sur l’évolution de la situation de la personne et affiner son « diagnostic ». Si nécessaire, elle réajuste le plan d’aide et met en place les aides adaptées (intervention, petit matériel, aides techniques...). Le Dispositif sortie hospitalisation permet de mobiliser des heures d’aides à domicile jusqu’à 25 heures sur 15 jours maximum hors week end soit une période de trois semaines. Ll’assistante sociale évalue la récupération de la personne et si des besoins vont persister au delà. Dans ce cas, l’assistante sociale CRAM sollicite la continuité d’une intervention par d’autres dispositifs : PAP (plan d’actions personnalisé) financé par la CRAM pour les personnes de plus de 65 ans ou aide ménagère à domicile pour les moins de 65 ans financé par la Cpam. Si son évaluation détecte des besoins d’autre nature, elle met en place un accompagnement social pour aider la personne à résoudre les difficultés intercurrentes (administratives, financières, logement, …) et activer le réseau local. Si lors de la visite à domicile, l’assistante sociale constate une évolution qui se caractérise non pas par une récupération ou une stabilisation mais par une perte d’autonomie avérée, elle analyse si la personne est éligible à l’APA. Elle effectue alors une liaison avec la conseillère en gérontologie du Conseil Général pour étudier les solutions qui s’offrent à la personne et à son entourage : passage de relais en vue APA, placement familial ou entrée en institution. L’assistante sociale CRAM assure un retour d’informations au service administratif de la CRAM et à l’assistante sociale du CRF. Comme indiqué avant l’intervention de Mme Dontail, si la personne relève du dispositif APA, l’assistante sociale du CRF sollicite auprès de la Maison de l’Autonomie du Territoire de Belfort l’envoi d’un dossier. L’AS propose son aide à la famille pour compléter ce dossier administratif et fait établir le certificat médical par un médecin du centre. Dès connaissance de la date de sortie, elle contacte la conseillère en gérontologie, référente du dispositif APA, afin de définir avec sa partenaire les aides à mettre en place pour le retour au domicile. 60 Lors de cette liaison téléphonique, la conseillère en gérontologie fixe une date de visite au domicile de la personne âgée. Cette date est immédiatement proposée à la personne avec les coordonnées de la conseillère. Puis l’Assistante sociale du CRF communique à la conseillère en gérontologie les renseignements permettant une bonne connaissance de la situation de l’intéressé. La transmission de ces éléments concernant l’état de santé, les possibilités de récupération, l’environnement familial, la perte d’autonomie, facilite la prise en charge globale de la situation. Cet échange est très rassurant pour la personne car il fait le lien de l’accompagnement social entre l’intra centre de rééducation et l’extra hospitalier. Il matérialise le passage de relais entre les services sociaux. Cette coopération est un facteur essentiel pour la bonne réalisation du projet de sortie. La visite au domicile a lieu rapidement après le retour à domicile. Elle est fonction de l’existence ou non d’entourage familial. Si la personne est seule, la visite a lieu très rapidement après la sortie, dans les 48 h généralement. Dans les autres cas, elle se déroule dans les 8 jours qui suivent le retour à domicile. Cette rencontre au domicile permet à la conseillère en gérontologie d’observer la personne dans son lieu de vie. Elle procède à l’évaluation de l’autonomie de la personne âgée au regard de son environnement quotidien puis élabore avec elle la proposition de plan d’aide. Le GIR déterminé à partir de la grille AGGIR va lui permettre de fixer les possibilités de prise en charge financière des aides humaines et le cas échéant des aides techniques. Dans la majorité des cas, le plan d’aide mis en place en concertation entre l’assistante sociale du CRF et la conseillère en gérontologie répond tout à fait aux besoins de la personne. Il peut s’avérer que des ajustements du plan d’aide soient nécessaires du fait de difficultés d’adaptation de la personne à son domicile mais aussi pour des raisons financières. La conseillère en gérontologie établit alors, en accord avec la personne et son entourage, une proposition de plan d’aide qui reste toujours en adéquation avec les besoins et les possibilités financières de l’intéressé. Ce dossier est présenté par la conseillère en gérontologie en commission médico-sociale départementale APA pour validation, puis transmis à l’intéressé pour accord ou refus. L’APA ne peut être effective qu’après ces différentes étapes. La conseillère en gérontologie reprend contact avec l’assistante sociale du CRF pour l’informer de la décision prise et de l’évolution de la situation de la personne dans son milieu de vie. La conseillère en gérontologie prend le relais de l’accompagnement social qui existait déjà au CRF. Dans le cadre de ce suivi social, elle vérifie le bon fonctionnement des aides mises en place et les ajuste si nécessaire à partir des relations quotidiennes établies avec la famille et les différents partenaires : associations d’aide à domicile, services de soins infirmiers à domicile, praticiens libéraux et établissements hospitaliers. Lorsque l’intéressé sollicite une modification de son plan d’aide, la conseillère en gérontologie réévalue l’ensemble de la situation, détermine le nouveau GIR, toujours à l’aide de la grille AGGIR, et procède à l’établissement d’un nouveau plan d’aide comme indiqué précédemment. 61 La souplesse de l’application du dispositif APA dans le département 90 permet d’apporter une aide au plus près des besoins de la personne âgée. La conseillère en gérontologie, par sa position de référente dans la mise en place de l’APA, est à l’écoute permanente de la personne et des aidants familiaux. Sa mission ne consiste pas uniquement à définir un plan d’aide mais à en suivre la réalisation en continu. Si les conditions du maintien à domicile deviennent trop difficiles et que la sécurité de la personne ne peut plus être assurée, la conseillère en gérontologie aide la personne à cheminer vers d’autres alternatives tout en veillant à respecter ses choix. Tout au long de cet exposé vous avez pu appréhender le souci permanent des professionnels à travailler en lien et en coordination avec le patient pour d’une part le rendre acteur de sa situation et d’autre part mettre en place les aides les plus adaptées à sa perte d’autonomie en valorisant ses capacités restantes. Le lien étroit entre le centre de rééducation et les services sociaux intervenant au domicile permet non seulement de prendre en compte toutes les dimensions personnelles et environnementales de la personne mais aussi d’être un fil conducteur pour la continuité de l’accompagnement social. L’ensemble des personnes et moyens sont ici mobilisés autour d’un projet commun : la sortie d’hospitalisation. Nous agissons bien dans le cadre d’une réelle coordination. Celle ci repose sur un partenariat fort construit à partir de la volonté des institutions et de l’implication des professionnels sur le terrain. Sa force passe par une connaissance fine des missions de chaque institution et de chaque métier. Respect et reconnaissances mutuels sont les clefs de voûte d’une véritable coordination pour un accompagnement partenarial réussi de la sortie d’hospitalisation, accompagnement qui place la personne âgée au cœur des dispositifs. 62 LA BIENTRAITANCE – AU RISQUE DE LA MISE EN ŒUVRE Emmanuel BONNEAU – Directeur Maison d’Accueil Familial ‘Marie-Claude Mignet’ Christine ARNAUD – Infirmière Après avoir fait pendant de longues années de la prévention de la maltraitance, nous avons vu peu à peu s’imposer une nouvelle notion, celle de la Bientraitance. Cette notion a été renforcée dans le secteur médico-social avec la publication, par l’ANESMS, en juin 2008, du guide de bonnes pratiques professionnelles : « La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre » Porteur d’attentes fortes ce thème concerne aujourd’hui l’ensemble des acteurs du secteur. Mais il est aussi l’objet de nombreuses représentations, chacun ayant sinon sa propre définition du moins son référentiel en fonction de sa culture, de son éducation, de la conception de la place de l’usager et du professionnel, de l’attachement affectif à l’usager … On ne peut donc pas seul se qualifier de bien traitant. En institution, cette démarche ne peut donc être que collective. La bientraitance retient l’importance de l’intention positive, la volonté de faire bien ou du bien voire Le Bien. L’éthique nous contraint à la l’élaboration intellectuelle de cette intention et à sa transformation en actes réfléchis dont les conséquences sont évaluées. C’est un aller-retour permanent entre penser et agir. C’est une culture du questionnement qui intègre en permanence les évolutions des savoirs et des découvertes. On ne peut pas s’autoproclamer bien traitant et il ne suffit pas non plus de l’avoir écrit dans un projet d’établissement pour que cela aille de soi pour chacun des professionnels de l’établissement. Combien même nous serions les plus bienveillants du monde et que notre pratique professionnelle réponde au plus juste aux besoins et aux attentes des résidents, l’ANESMS nous dit que nous ne pouvons pas faire l’économie de la démonstration par l’évaluation régulière de la bientraitance. Cela s’explique surement par le fait que le risque de glissement progressif vers des situations maltraitantes n’est absolument pas exclu par le désir de bien faire et par l’autoévaluation de sa pratique professionnelle. I – La bientraitance pose la question du respect et des postures Elle s’appuie sur une culture du respect de la personne et de son histoire, de sa dignité et de sa singularité et sur un refus sans concession de toute forme de violence et d’abus sur le plus faible, d’où qu’elle émane. Nous exerçons des métiers exigeants, qui ne peuvent se satisfaire de la simple répétition de la mise en œuvre de savoirs et de savoir-faire, fussent-ils de qualité. Le risque est trop grand, face à des situations ingrates, une pression psychologique exercée par les usagers sur les professionnels de se protéger en se présentant comme le professionnel qui sait ce qu’il fait, ce qu’il a à faire et comment le faire, face à des usagers et des familles qui deviennent objets du soin ou de l’accompagnement. On ne peut donc pas dire ‘je suis bien-traitant car j’ai réalisé les gestes professionnels conformément à ce que j’ai appris à l’école’, car chacun des gestes d’aide que je réalise s’inscrit dans une relation, un échange avec un tiers, et que ce tiers est non seulement unique mais aussi changeant. Ce que j’ai fait de bien avec le résident d’à coté ne l’est pas forcément pour celui avec qui je suis ici et maintenant. Ce qui était bien hier ne l’est peut-être plus tout à fait aujourd’hui … Au Val Fleuri, un foyer de vie qui accueille 34 adultes handicapés moteurs, nous travaillons la notion de pilotage du soignant par le résident. Nous partons du principe que le résident sait ce qui 63 est bien pour lui et qu’à ce titre, c’est au professionnel d’adapter sa pratique et non au résident de subir la pratique du professionnel. L’enjeu est double : d’une part il s’agit de redonner au résident le pouvoir d’agir ou de faire agir sur SON corps, de se l’approprier et d’autre part de remettre le salarié à sa place d’aidant et non de sachant. Ce pilotage doit pouvoir garantir au résident qu’il aura chaque matin, qu’importe l’aide-soignant qui viendra l’aider, la même qualité de prestation en adéquation avec ses attentes. Il n’a rien de dégradant pour le personnel bien au contraire, il fait appel à sa capacité d’écouter l’autre et d’adapter sa pratique aux besoins. Dans le suivi par notre SAVS- SAMSAH de l’accompagnement des personnes handicapées motrices et polyhandicapées à leur domicile cette question est tout à fait centrale. Une personne peut parfois voir défiler à son domicile 15-20 professionnels différents au cours de la semaine (auxiliaire de vie – AS de SSIAD – Infirmières - médecin – rééducateurs …). Chacun arrive avec son point de vue, ses comparaisons, avec sa sensibilité et sa plus ou moins grande bienveillance… autant de choses qui font que le même geste d’aide va être réalisé et vécu très différemment par la personne dépendante. Cette notion de pilotage nécessite tout de même la mise en place de garde-fous car le professionnel ne doit pas se laisser instrumentaliser par le résident ni laisser place au fantasme de la relation. Il doit être garant du cadre du soin et de ce qu’il produit chez la personne aidée. Par exemple, Melle P vient me voir un jour pour me demander si les relations entre résidents et professionnels sont possibles. Elle éclaire sa question en m’expliquant qu’un aide-soignant est amoureux d’elle. La preuve, c’est que quand il lui lave les seins, il ne le fait pas comme les autres membres de l’équipe, toutes des femmes. Qu’elle est la part de fantasme de la résidente ? Le soignant entretient-il par des gestes mal assurés ou volontaires une ambigüité sur sa place ? Seule la supervision et le travail en équipe a permis de désamorcer la situation et mettre en lumière le faible écart entre le désir du professionnel de bien faire son travail et une situation pouvant être qualifiée d’agression sexuelle. La bientraitance pose donc en premier lieu la question de l’accompagnement de l’autonomie dans le sens non pas de faire seul mais dans le sens de pouvoir dire ou faire comprendre ce que je sais qui est bon pour moi, autonomie dans le sens étymologique de ‘définir les lois qui sont bonnes pour moi’. Ainsi, moi, tout professionnel que je sois, je dois pouvoir admettre que la personne que j’ai en face de moi se connaît mieux que je ne la connais. Je dois pouvoir reconnaître que mes savoirs, mon expérience sont des atouts qui doivent guider ma pratique, mais ne me donne qu’une légitimité relative. Pour autant je ne me sens pas menacé dans ma place. Je mets ces savoirs au service de quelqu’un qui a besoin de moi. La question du pouvoir n’est pas au cœur de cette relation soignantsoigné. Elle ne se pose même pas, elle n’a pas de raison d’être dans cette relation. Hélas, trop souvent elle s’y immisce jusqu’à prendre une place centrale qui perverti la relation et cristallise les mécontentements. La maltraitance pouvant ainsi être mise totalement en relation avec l’estime que j’ai de moi et de l’autre. Jusqu’où j’accepte de renoncer à ma toute puissance pour m’exposer au regard critique de celui que j’accompagne. Jusqu’où je prends le risque d’être déstabilisé dans mes certitudes et mes habitudes pour rejoindre l’autre dans ce qui fait sa singularité. II – La bientraitance pose la question des actes La bientraitance inclut aussi bien sur la sécurité physique et psychologique mais aussi son pendant : le droit au risque. La sensibilisation des équipes à la recherche de l’équilibre entre marges d’autonomie et marges d’incertitude est indispensable pour que le respect des règles de sécurité et les inquiétudes personnelles ne conduisent pas à des restrictions de liberté inutiles ou injustifiées. En France, le droit de la responsabilité s’est structuré sur le principe de la faute, qui prend de plus en plus de place. Le nouveau code pénal a adopté le « délit de mise en danger de la personne d’autrui ». Or, nous affirmons tous qu’il n’est pas possible de soigner sans prendre un risque. Les professionnels se voient ainsi pris au piège de cette responsabilité, à laquelle il peut être tentant de répondre par des 64 pratiques de plus en plus sécuritaires et par des procédures qui tendent à standardiser voire à stériliser l’action pour écarter tout risque de poursuite. En réalité, le droit administratif nous oblige à ne pas mettre en danger les personnes qui nous sont confiées. Nous sommes invités à faire preuve de précaution. Dans la notion de précaution et par rapport à la prévention, la référence au danger n’est pas clairement déterminée. Prendre des précautions, suppose de se poser réellement les bonnes questions relatives aux risques pris mais aussi et peut-être surtout de comprendre qui nous rassurons quand ces risques ne sont pas pris. L’enjeu de certaines pratiques apparaît ici : interdire à une personne de sortir, prendre des dispositions de contention pour éviter les risques de chute, interdire tout aliment sucré sous prétexte de diabète… Qui cela rassure-t-il ? Nous posons-nous assez souvent cette question ? Dans la charte des droits et libertés de personnes accueillies en institution (loi 2002-2), est abordé le droit au choix donc le droit au risque. Si on peut convenir que Vivre c’est prendre un risque, il reste nécessaire pour les institutions (mais surement aussi pour les individus) d’évaluer ce risque, de l’analyser, de le maîtriser et surtout de le prévenir. L’établissement est garant à la fois du respect de l’autonomie et de la liberté des résidents mais aussi de sa protection et du prendre soin. Où placer le curseur entre respect de l’autonomie et non assistance à personne en péril quand nos actes, pour garantir la sécurité, entravent la liberté ? Le risque de la pénalisation de l’accompagnement serait de dénier la possibilité d’un choix par le résident au motif qu’il présente un risque pour lui. Nous y tendons avec l’arrivée régulière et massive de réglementations en matière d’hygiène et de sécurité. Le droit au choix et donc au risque, s’il est intrinsèquement attaché à la notion de bientraitance, suppose donc que l’on prenne le temps de l’interroger et de mettre en place des instances de négociation, de concertation et d’explication. Je poserai ici une question : centrer son action sur les pratiques sécuritaires, n’évite n’évite-t-il de se poser les questions relatives au respect des désirs ? Passer du temps à vouloir prévenir tous les risque, c’est prendre du temps sur l’accompagnement, sur la relation avec comme conséquence de finir par protéger non plus des sujets mais des objets qui nous seraient confiés et pour qui nous sommes prêts à renoncer aux fondamentaux de l’accompagnement pour ne pas avoir à rendre compte des conséquences d’un risque qu’il aurait pris. Les professionnels doivent être sensibilisés à ce travail sur les marges d’autonomie et les marges d’incertitude par l’équipe de direction, pour que le respect des règles de sécurité en vigueur ne conduise pas à des restrictions de liberté inutiles ou injustifiées et pour que, autant que possible, la liberté reste la règle et la restriction de liberté, l’exception. III – La bientraitance pose la question de la frontière avec la maltraitance Nous voyons bien que la notion de bientraitance est soumise à la subjectivité des acteurs. A partir de deux exemples nous allons voir que, selon le point de vue, dans la même situation, on va pouvoir qualifier l’attitude du professionnel de ‘bientraitante’ ou de ‘maltraitante’. M. X est hémiplégique suite à une opération d’une tumeur au cerveau au cours de laquelle il a aussi perdu la vue de son œil gauche. Il se déplace en fauteuil roulant électrique. Lorsqu’il se déplace à l’extérieur du foyer, il emprunte une rue à forte circulation. L’équipe évoque ses problèmes de vue et insiste sur le fait qu’il n’ait plus la vision en relief pour interpeller la direction afin qu’elle interdise à M. X de sortir seul en ville. Du point de vue des salariés, si l’institution n’intervient pas elle met le résident en danger et le maltraite. Le résident pour sa part affirme que c’est son choix, qu’il connaît le risque et que l’institution ne peut pas le priver de son droit d’aller et venir. Cette situation cristallise les tensions à la fois entre l’équipe et la direction qui refuse d’interdire mais aussi entre l’équipe et le résident qui se sent infantilisé et non respecté. Ce qui est le plus étonnant dans cette situation, c’est que dans le même établissement, on pourrait vous citer au moins trois autres résidents qui utilisent leurs fauteuils sur le même trajet et qui sont au moins autant, sinon plus, en danger que lui, sans pour autant que l’équipe ne se positionne aussi catégoriquement. On 65 voit bien ici que le droit à l’autonomie et donc au risque ne repose pas sur une réflexion globale des situations mais bien sur des cas individuels en fonction de ce que le résident nous renvoie et de ce que l’on peut s’autoriser ou non vis-à-vis de lui. Les professionnels s’estiment bien traitant en voulant soustraire le résident à un risque grave, le résident s’estime maltraiter par une atteinte à sa liberté de circuler. Il va nous falloir décoder pourquoi cette situation est dérangeante pour le personnel pour ce résident ci et pas pour les autres et pourquoi nous sommes prêts à réduire son espace de liberté pour le protéger d’un risque qui n’est pas supérieur à celui auquel les autres résidents sont soumis. Mme B est hémiplégique suite à un trauma crânien. Elle vit dans l’établissement depuis 10 ans. En tant que doyenne (61 ans) et avec la sympathie qu’elle provoque, elle est un peu devenue la ‘mascotte’ de l’unité de vie et bénéficie d’une grande bienveillance de l’équipe. Elle présente, des suites de son trauma, des signes de désorientation que l’âge a tendance à aggraver. Suite à une chute de fauteuil ayant entraîné une fracture du col du fémur, les aides-soignants ont pris l’habitude de lui mettre une ceinture quand ils l’installent dans son fauteuil roulant, en prenant garde à mettre le clip dans le dos, hors de portée. La direction ayant interrogé cette pratique, il est convenu de modifier la ceinture et de lui en mettre une avec attache rapide positionnée devant, à portée de main. La ceinture permettant uniquement de réduire le risque de chute avant chez une personne dont le maintien du tronc n’est pas suffisant. Très rapidement Mme B trouve le truc et arrive à se détacher seule. Par 2 fois une aide-soignante arrive dans la salle de bain de Mme B au moment où, après s’être détachée, elle réalise un transfert fauteuil WC. La salariée affirme que, si elle n’avait pas été présente, la résidente aurait chuté. Après en avoir parlé avec l’équipe, elle saisit la direction, la mettant en demeure de prendre toutes les dispositions pour mettre Mme B en sécurité. Elle demande fermement que l’on remette la ceinture comme avant. Devant le refus de la direction, elle repart en colère en regrettant qu’une fois de plus il faille attendre qu’il arrive quelque chose de grave pour que la direction intervienne. Cette situation a été reprise avec l’équipe par la direction. Il a fallu passer par une démonstration par l’absurde pour ouvrir les yeux de l’équipe. Par deux fois il y a un témoin. D’accord. Mais peut-on affirmer qu’il n’y a pas eu d’autres transferts, sans témoin et sans chute ? Non. Donc on peut en conclure que Mme B a la capacité de réaliser seule ses transferts fauteuil WC. La prévention du risque de chute doit-il dès lors prévaloir sur le maintien des capacités motrices. Doit-on rendre cette personne dépendante d’un professionnel pour un acte qu’elle peut réaliser seule ? Sa désorientation justifie-t-elle à elle seule la contention permanente ? A aucune de ces questions l’équipe n’a pu répondre oui catégoriquement. La ceinture n’a donc pas été modifiée. Là encore, la limite entre bientraitance et maltraitance n’est pas évidente à définir. Ainsi vouloir mettre en œuvre ‘La bientraitance’ c’est prendre le risque de voir changer nos postures et de remettre en cause nos savoirs et nos pratiques, de passer du discours aux actes. Il n’est pas de bientraitance sans engagement car il n’est pas de bientraitance sans risque et que mettre l’usager que l’on accompagne en situation à risque engage le professionnel que je suis. Je reprendrai à mon compte les conclusions de l’ANESMS : L’interaction des professionnels avec les usagers est fortement corrélative des modes d’encadrement qui leur sont proposés. Il est recommandé que les professionnels fassent l’objet d’un encadrement cohérent avec les objectifs de bientraitance des usagers. Ceci induit que l’encadrement soit en premier lieu respectueux des personnes et soucieux de réserver aux équipes une possibilité de pensée, de parole et d’autonomie et en second lieu, attentif à la cohérence des actions mises en œuvre avec les principes et les intentions annoncées en matière de bientraitance. Ce mode d’encadrement a pour objectif de permettre aux professionnels d’être des acteurs à part entière dans l’accompagnement, ce qui suppose de les soutenir dans l’initiative et d’éviter toutes les formes d’organisation déresponsabilisantes. L’encadrement visé ici appelle trois qualités importantes et complémentaires. Une qualité d’engagement, qui permet d’amener une présence 66 sécurisante pour les professionnels, d’incarner et de porter le projet collectif de la bientraitance. Cette qualité correspond à l’éthique de la conviction. Une qualité de clairvoyance et d’anticipation, condition indispensable pour mettre en œuvre toutes les dimensions préconisées dans la recommandation. Elle correspond à l’éthique de la responsabilité. Une qualité de justice, enfin, pour permettre aux professionnels de travailler dans la transparence et sans crainte d’arbitraire. Cette qualité est le ressort incontournable de la bientraitance, en ce qu’elle est la vertu de la vie sociale par excellence. Elle est aussi le support de la visée éthique contenue dans la bientraitance – visée éthique qui est « la visée de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes. 67 SYNTHESE DE LA XXVII JOURNEE Claire MATTER Présidente AIRR Cette journée a été appelée « Journée des défis » par l’un des intervenants. Et quel défi d’en faire la synthèse, tant chacune et chacun y a contribué dans sa diversité et sa complémentarité ! J’ai glané ici et là des mots-clés, des expressions qui, en ont, finalement, retracé le fil rouge. Nous avons parlé de « soin écologique », tant la dimension du seul corps à soigner ne suffit plus…. Pratiquer avec bon sens dans un esprit d’ouverture… Oser le questionnement pour une remise en cause de nos pratiques … Amorcer une révolution en donnant du sens à nos actes… Avoir l’intelligence soignante, celle du singulier, celle du respect. Réviser ensemble nos fondements de soignants, en équipe interdisciplinaire, où l’infirmière, tout en ayant un rôle spécifique, s’inscrit dans un réseau qui saura s’adapter, évoluer, accompagner la personne dans sa particularité, tout en préservant son autonomie.. Considérer la famille qui devient co-soignante, co-stress, co-handicapée, dans divers milieux, dans le médical comme dans le médico-social, que ce soit dans un projet personnalisé en institution ou vers le domicile… S’arrêter vers une prise en charge globale, en coordination, dans le respect…. Appliquer la Bientraitance, tout en y fixant les frontières…. Avoir droit au risque… « Handicap et Vieillissement », avions- nous annoncé, comme titre de cette Journée d’Etude ? Mais, finalement, n’y avons-nous pas tous pris une cure de jouvence ? Quelle richesse ! Je vous en remercie chacun, de tout cœur ! Et j’espère vous dire « A l’année prochaine, à Berck sur Mer ! », nous tournant vers un thème tout aussi porteur, celui du Handicap et Sexualité. Bon retour et à bientôt ! 68 REMISE DES DIPLOMES UNIVERSITAIRES SOINS INFIRMIERS EN REEDUCATION ET READAPATION Remise des Diplômes par Claire MATTER Présidente de l’AIRR à : • Sandrine ASTIER épouse BONNARDEL • Nathalie DRILLAUD • Tony DOS SANTOS • Christel CONTARD épouse GAURON • Fabienne KANDEL • Stéphanie MOUTARDE épouse LEFEVRE • Alexis PEYRONNET • Rachel ROBIN COLMEZ • Valérie THOMAS épouse POIVET 69 70 ATTRIBUTION DU PRIX AIRR / SOINS 2009 A VALOIR CHEZ L’EDITEUR « MASSON ELSEVIER » « La place de l’âge dans la construction identitaire du sujet en MPR » Service de Médecine Physique et de Réadaptation Centre Hospitalier, 19100 Brive Groupe de travail et présentation du thème le jour du congrès (noms soulignés) : Elisabeth BLEUZET (IDE), Agnès BOUZON (IDE), Denis CHENIER (cadre de santé), Jacqueline CUEILLE (Aide Soignante), Annick LARNAUDIE (IDE), Jean Michel WIROTIUS (MPR). 71 PROCES-VERVAL DE L’ASSEMBLEE GENERALE EXTRAORDINAIRE DU 24 SEPTEMBRE 2009 Les membres de l’Association des Infirmières et Infirmiers de Rééducation et Réadaptation, dont le siège social est établi au CRF E. Bretegnier, 14 rue Dr Gaulier à 70400 Héricourt, se sont réunis en assemblée générale extraordinaire le 24 septembre 2009 dans la salle « Bruxelles » du Foyer International d’Accueil de Paris « Jean Monnet », 14 rue Cabanis à Paris XIVème. Il a été établi une feuille d’émargement des membres présents et représentés. Présents : C. DUMANOIR, C. HERNIOTTE, S. JOURDAIN, A. LAUTISSIER, C. LEBAILLY, S. LEFEVRE, C. MANISE (rapporteur), Cl. MATTER, N. POULAIN, V. POIVET, I. ROBINE et L. VINCENT. Représentés : néant. La séance est ouverte à 12 heures, sous la présidence de Cl. Matter, présidente. Cl. MATTER explique aux membres de l’assemblée générale que l’AIRR bénéficie actuellement, pour nos journées d’étude, du numéro de formation de l’association Arc-en-ciel, sise 14 rue du Dr Gaulier à 70400 Héricourt, celle-ci étant en lien avec le CRF E. Bretegnier. A. Lautissier, trésorière, prenant prochainement sa retraite du CRF E. Bretegnier, M. Blouet, directeur général du CMPR de Bagnoles-de-l’Orne, a proposé de nous offrir l’accès au numéro de formation de l’association Pierre Noal, sise 17 avenue du Dr Jacques Aimez à 61140 Bagnoles-del’Orne Ceci entraînera un changement de siège au CRF de Bagnoles-de-l’Orne. La succession du poste de trésorière sera assurée par I. Robine. De ce fait, un transfert de la comptabilité vers un bureau d’experts de La Ferté Macé s’impose. Ces trois dispositions seront d’application à compter du 1er janvier 2010. Le débat s’ouvre entre les participants. Plus personne ne souhaitant prendre la parole, Cl. MATTER met au vote les différents points à l’ordre du jour : • Première résolution : l’assemblée approuve le changement de siège de l’association. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents. • Deuxième résolution : l’assemblée générale approuve le changement de numéro de formation. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents. • Troisième résolution : l’assemblée générale approuve le changement de bureau d’expertise comptable. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents. La séance est clôturée à 12 heures15. 72 PROCES-VERVAL DE L’ASSEMBLEE GENERALE DU 24 SEPTEMBRE 2009 Les membres de l’Association des Infirmières et Infirmiers de Rééducation et Réadaptation, dont le siège social est établi au CRF E. Bretegnier, 14 rue Dr Gaulier à 70400 Héricourt, se sont réunis en assemblée générale ordinaire le 24 septembre 2009 dans la salle « Bruxelles » du Foyer International d’Accueil de Paris Jean Monnet, 14 rue Cabanis à Paris XIVème. Il a été établi une feuille d’émargement des membres présents et représentés. Présents : C. DUMANOIR, S. JOURDAIN, C. HERNIOTTE, A. LAUTISSIER, C. LEBAILLY, S. LEFEVRE, C. MANISE (rapporteur), Cl. MATTER, N. POULAIN, V. POIVET, I. ROBINE et L. VINCENT. Représentés : néant. La séance est ouverte à 12 heures 15, sous la présidence de Cl. Matter, présidente. 1. Rapport moral - Les 26èmes journées d’études 2008 se sont déroulées à Bagnoles-de-l’Orne sur le thème de l’éducation thérapeutique. Ces deux journées ont rassemblé plus de 450 participants. Le questionnaire de satisfaction nous renseigne que 82% des congressistes ne sont pas membres de l’AIRR et que 60% participaient pour la 1ère fois à des journées d’étude de notre association. 96% des participants ont déclaré que ces journées avaient répondu à leurs attentes. 88% d’entre eux ont eu l’occasion de faire des rencontres professionnelles au cours des journées. Pour 97% d’entre eux, les journées ont enrichi leurs connaissances. Le bilan financier des journées de Bagnoles-de-l’Orne a été positif. - L’AIRR a organisé une séance parallèle sur le même thème lors du 4ème congrès du SIDIIEF (Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone) qui s’est déroulé du 7 au 11 juin 2009 à Marrakech (Maroc). Cette participation est garante d’une ouverture à la dimension mondiale et valorise notre spécificité dans un partenariat international. - Le nombre d’adhérents s’élève à ce jour à 106 personnes, dont 22 renouvellements. - Le nombre d’inscrits à la présente journée de Paris sur le thème du vieillissement et du handicap s’élève à 200 personnes (nombre limité par la capacité de la salle). - Le conseil d’administration de l’association est actuellement composé de 8 administrateurs et s’est réuni 3 fois au cours de cette année : les 21 et 22 novembre 2008, les 27 et 28 février, ainsi que les 26 et 27 juin 2009, chaque fois à Paris. Le conseil se compose aujourd’hui de Cl. MATTER, présidente et de V. POIVET, viceprésidente, d’A. LAUTISSIER, trésorière et d’I. ROBINE, trésorière adjointe et chargée des 73 Journées d’Etude, de C. MANISE, secrétaire-webmestre et de C. HERNIOTTE, secrétaire adjointe, de M. CHRIST, responsable des publications, ainsi que de S. JOURDAIN, trésorière adjointe et responsable du congrès de Berck-sur-Mer. - Nos contacts extérieurs consistent essentiellement en un partenariat de plus en plus important avec le SIDIIEF. - Notre promotion externe repose sur 2 moyens : notre journal Alter Ego, dont une revue « Spécial Journées d’Etude » et 3 numéros intermédiaires. L’autre vecteur est notre site internet www.airr.info. Celui-ci a drainé 35.341 visites sur l’année civile 2008 et enregistre déjà 24.000 visites à fin août 2009. La documentation scientifique qui s’accumule au fil des années sur les soins infirmiers spécifiques de rééducationréadaptation représente manifestement un attrait essentiel pour les visiteurs. Jan 2008 Fév 2008 Mar 2008 Avr 2008 Mai 2008 Juin 2008 Juil 2008 Aoû 2008 Sep 2008 Oct 2008 Nov 2008 Déc 2008 2. Mois Visiteurs différents Visites Pages Hits Jan 2008 2977 3422 9526 30191 Bande passante 1.07 Go Fév 2008 3045 3550 10517 32626 1.07 Go Mar 2008 3346 3889 11303 30032 1.23 Go Avr 2008 3235 3724 11374 30402 1.56 Go Mai 2008 2943 3320 9665 28343 1.76 Go Juin 2008 2969 3419 9238 27949 1.68 Go Juil 2008 0 0 0 0 0 Aoû 2008 1605 2038 6199 20563 903.88 Mo Sep 2008 2420 2826 8321 35455 1.29 Go Oct 2008 2659 3102 9002 33668 1.81 Go Nov 2008 2890 3306 8928 29162 1.46 Go Déc 2008 2455 2745 7865 23142 1.45 Go Total 30544 35341 101938 321533 15.25 o - DUSIRR : pour rappel, le diplôme universitaire en soins infirmiers de rééducation et réadaptation est organisé par une tripartite constituée du SERFA (Université de Haute Alsace), de l’AIRR et d’ALISTER (Association pour l’Information Scientifique et Technique en Rééducation). L’année 2008 a compté 10 étudiant(e)s motivé(e)s et intéressé(e)s. Il n’y a pas de promotion 2009. 2. Rapport financier L’exercice clos au 30/06/2009 fait état d’un bénéfice s’élevant à 4 479.66 €. Il est à noter que les produits d’exploitation sont en augmentation par rapport au bilan clos au 30/06/2008, le pourcentage de variation constatée par rapport à l’année dernière est de 23.38 %. Le chiffre d’affaire net est en progression de plus de 35 %, due essentiellement à l’augmentation des inscriptions au congrès (70 560 € pour le congrès 2008 contre 50 715 € pour le congrès 2007). Parallèlement, les subventions reçues par l’association sont en en forte baisse, l’association ayant perçu moins de subventions au titre de l’organisation du congrès de Bagnoles de l’Orne que pour le congrès de Sochaux. Les charges d’exploitation s’élèvent à 85 289 € contre 92 182 € pour l’exercice 2008 soit une légère diminution de 7.48 % sur l’exercice. 74 Le centre « Administration » est toujours en déficit cette année, ce déficit passant de 10 324 € en 2008 à 20 340 € en 2009. Cette variation s’explique en partie par la forte augmentation du poste « Frais de déplacements » essentiellement due par la participation au congrès du SIDIIEF organisé à Marrakech. Le centre « Congrès » dégage un bénéfice de 24 820 € alors que l’organisation des journées d’étude pour l’année 2007 avait occasionné une perte de 8 692 € pour l’association. Cela s’explique par une augmentation du poste « Inscription congrès » grâce à la hausse du prix d’inscription à la participation des journées d’étude du congrès de Bagnoles de l’Orne. Perspectives : Pour conclure, la situation financière reste correcte avec 50 465 € de disponibilités tout compte bancaire confondu au 30 Juin 2009. La réflexion stratégique menée sur l’organisation du congrès 2008, notamment au niveau des prix d’inscription, a permis de dégager, pour la première fois depuis quelques exercices, un excédent suffisant pour couvrir l’intégralité des charges administratives que doit supporter l’association tout au long de l’année. Cet excédent dégagé n’a pas de conséquence directe sur l’évolution de la trésorerie (légèrement en baisse par rapport à l’année 2008) mais a un impact substantiel au niveau de la santé financière de l’association puisque les dettes de l’association ne s’élèvent plus qu’à 4 009 € au 30/06/2009 contre 18 095 € au 30/06/2008. Il paraît donc nécessaire de continuer sur cette voie, seule à même de garantir la santé financière de l’association et d’assurer sa pérennité dans le temps. 3. Renouvellement des dirigeants Deux membres du conseil d’administration sont sortants : M. CHRIST, entrée au conseil en 2004 et C. HERNIOTTE, entrée en 2006. Cl. MATTER profite de l’occasion pour faire appel à candidature pour 2 postes qui se retrouvent ainsi vacants. 4. Objectifs 2009-2010 - Le 1er objectif est l’organisation des prochaines journées d’étude de notre association qui porteront sur le thème de la sexualité et du handicap les 23 et 24 septembre à Bercksur-Mer ; - Le 2ème consiste en la poursuite de notre partenariat avec le SIDIIEF ; - Passé ce cap 2008-2009, le 3ème sera de poursuivre notre mission de promotion, d’information et de formation avec une équipe en cours de renouvellement ; - Le 4ème et nouvel objectif sera d’ouvrir notre association à la dimension médico-sociale. Le débat s’ouvre entre les participants. Plus personne ne souhaitant prendre la parole, Cl. MATTER met au vote les différents points à l’ordre du jour : • Première résolution : l’assemblée approuve le rapport moral de la présidente. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents. • Deuxième résolution : l’assemblée générale approuve le rapport financier de la trésorière. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents. 75 • • Troisième résolution : l’assemblée générale approuve les comptes et bilans et donne le quitus aux administrateurs. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents. Quatrième résolution : l’assemblée générale approuve la nouvelle composition du conseil d’administration. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents. L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 13 heures. De l’assemblée, il a été dressé le présent procès-verbal signé par la présidente et le secrétaire. Charles MANISE Secrétaire Claire MATTER Présidente 76 Bulletin d’adhésion individuel Adhérent Mlle Mme M. Nom : ………………………………………………………….. Prénom : ……………………….…………..………………….. Fonction : ……..…………………………….…………………. Adresse à laquelle Rue : …………………………………………….……………… vous souhaitez recevoir la correspondance …………………………………………………………………… Code postal : ……………….. Ville : …………………………….……………………………… Courriel : Personnel…………………………………………… Professionnel………………………………………. Date Signature Votre adhésion est valable pour l’année du1er/07 au 30/06 de l’année suivante (année comptable). Ci-joint, Un chèque bancaire de 30€ à l’ordre de l’AIRR A retourner accompagné du règlement à Marie Christine TROCHUT Secrétariat AIRR 18, avenue des Cormorans 50610 JULLOUVILLE Cette adhésion vous offre : • Un tarif préférentiel aux Journées d’Etude AIRR • L’envoi de 3 revues Alter Ego par an 77 78