2009 - AIRR

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XXVIIème Journée d’Etude de
l’AIRR
Le jeudi 24 septembre 2009
PARIS
Handicap et vieillissement
« Quels défis pour la rééducation-réadaptation ? »
www.airr.info
SOMMAIRE
XXVIIème Journée d’Etude
de l’Association des Infirmières et Infirmiers
en Rééducation et Réadaptation
PARIS
Pages
¾ Discours d’introduction
Claire MATTER, Présidente de l’AIRR
¾ Lettre de Me Dominique LEBOEUF,
Présidente de l’Ordre National des Infirmiers
¾ Lette de Me Valérie BINAME-DESCOEUDRES
Représentante du SIDIIEF
¾ IV Congrès mondial des infirmières et infirmiers francophones
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¾ Le soin dans la relation humaine
Mr W. HESBEN
9
¾ Le soin du handicap, une médecine pour le XXIéme siècle
Dr B PINEL
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¾ La place de l’âge dans la construction identitaire du sujet en MPR
Elisabeth Bleuzet, Agnès Bouzon, Denis Chénier,
Jacqueline Cueille, Annick Larnaudie, Jean-Michel Wirotius
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¾ Projet personnalisé dans une institution pour personnes âgées
Dr CARNEIN et Me COLIN
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¾ Adultes handicapés, parents âgés : vivre autrement
Dr BONNEAU et Me ARNAUD
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¾ Vieillir avec la poliomyélite
Dr THEFENNE
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¾ Vieillir avec un handicap
Me RUELLE, Me A. CARRIER VERNAND, Dr G. HEURLEY
50
¾ Du centre de rééducation au domicile : un projet de sortie à accompagner et à construire
en partenariat
Me VINEY, M DONTAIL, Me SCHULZ
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¾ La bientraitance – au risque de la mise en oeuvre
Dr BONNEAU, Me ARNAUD
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¾
¾
¾
¾
¾
¾
Synthèses de la XXVIIéme journée
DUSIRR : remise des Diplômes et présentation du programme
Attribution du prix AIRR / Soins 2009
Procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 24 septembre 09
Procès-verbal de l’assemblée générale du 24 septembre 09
Bulletin d’adhésion
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DISCOURS D’INTRODUCTION
Claire MATTER
Présidente de l’AIRR
HANDICAP et VIEILLISSEMENT
Quels défis pour la Rééducation-Réadaptation ?
Bonjour à toutes et à tous !
L’Association des Infirmières en Rééducation-Réadaptation (A.I.R.R.) est heureuse de vous
accueillir une fois de plus autour du thème des plus actuels, celui du « Handicap et Vieillissement »,
en s’interrogeant sur les défis (au pluriel) soulevés pour la Rééducation- réadaptation, notre
dénominateur commun d’aujourd’hui.
Cette année, nous nous réunissons à Paris, tant cette question devient CAPITALE dans nos
divers lieux d’intervention, quels qu’ils soient. Lorsque Monsieur Gustave EIFFEL, épaulé de 2
ingénieurs de ses ateliers érigea sa Tour en 1889 pour l’exposition Universelle, il était loin de
penser que, presque 120 ans plus tard, elle subsisterait encore jusqu’à devenir l’une des
représentations des plus populaires de notre pays pour les Français et au-delà de nos frontières !
Tout au long de l’histoire, elle a été source d’inspiration pour beaucoup, qu’ils soient artistes,
politiques, sportifs ou simples visiteurs et j’en passe, suscitant tour à tour critiques acerbes ou
commentaires élogieux….Elle est allée jusqu’à même, comme vous l’avez vu sur votre programme,
substituer le A majuscule de l’A-IRR pour cette journée d’étude 2009!
Comme la Tour, notre rencontre d’un jour se veut être un point de repère, pour diriger nos
réflexions de professionnels et d’accompagnants vers la personne âgée porteuse d’un handicap au
sens large du terme, de plus en plus présente dans nos institutions et notre société, à cette époque du
XXIème siècle, qui est, pour emprunter les termes de l’un des intervenants de tout –à - l’heure, « à
la fois impitoyable et formidable ».
Messieurs dames les orateurs et invités, vous avez répondu à notre appel à communication,
apportant chacun un éclairage différent et complémentaire autour du sujet qui nous réunit
aujourd’hui. Je vais vous les énumérer en vrac, comme lors d’un vide-grenier, où chacun de nous
saura fouiner, s’arrêter, soupeser, pour y trouver de nouvelles pistes pour sa pratique et son éthique
quotidienne. Les voici.
Quelle signification donner au « soins du handicap » en ce XXIème siècle ? Quelle considération
pour l’ « Humain » ? Quelles questions éthiques soulevées ? La personne âgée qui devient
handicapée a-t-elle sa place en Médecine Physique et de Réadaptation ? Quel rôle de proximité y
joue l’Infirmière au sein d’une équipe pluridisciplinaire ? Que signifie la « Prise en charge globale
de la maladie » lorsque celle-ci devient invalidante ? De quoi s’agit-il, lorsqu’on parle de « Projet
personnalisé » dans une institution pour personnes âgées ? Quel partenariat possible pour
l’élaboration d’un projet de sortie cohérent, de l’institution vers le domicile? Quelles sont les
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questions nouvelles soulevées dans l’accueil de personnes handicapées ET de personnes âgées ?
Quelles sont les frontières de la « Bientraitance », dont on parle tant ?
Mais ce « tour de Marché » serait bien incomplet s’il ne se limitait qu’à notre pays, ou, pis
encore, à notre seule profession !
C’est pourquoi, Madame LEBOEUF, Présidente du Conseil de l’ordre national des
Infirmiers, nous apportera des éléments complémentaires quant à notre exercice professionnel.
D’autre part, la remise de 9 Diplômes Universitaires des Soins Infirmiers en Rééducation et
Réadaptation ou DUSIRR aura lieu avant déjeuner, clôturant 1 an de formation de 15 Infirmières en
RR.
Et, pour aller au-delà des mers et des océans, nous donnerons la parole à Madame
BINAME, Responsable de l’Institut La Source à LAUSANNE, Suisse, et représentante du SIDIIEF,
(Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone), dont l’AIRR est
membre. D’ailleurs, en Juin de cette année, notre association a participé au IVème Congrès Mondial
des Infirmiers et infirmières francophones organisé par le SIDIIEF à MARRAKECH, Maroc,
réunissant plus de 2000 participants autour du thème ô combien porteur du « Savoir infirmier,
promoteur du développement humain ». Vous aurez l’occasion d’en voir un court reportage dans
cette salle, lors des pauses.
Et, pour marquer les 10 ans du SIDIIEF, ce partenariat se concrétisera également lors des
XXVIIèmes Journées d’Etude de l’AIRR à BERCK sur Mer, les 23 et 24 septembre 2010, qui nous
réunira autour du thème « Sexualité et handicap ». Vous en trouverez un appel à communication
dans votre pochette.
Enfin, à l’issue de cette journée, après la table ronde à laquelle je vous convie tous, Yasmina
OUHARZOUNE, Directrice de Rédaction aux Editions ELSEVIER-MASSON, décernera le prix
AIRR à la meilleure intervention parmi les 3 sélectionnées.
Alors, sans plus tarder, il ne me reste plus qu’à « nous » souhaiter à tous une excellente
journée !
Messieurs dames, je vous remercie.
Claire MATTER
Présidente de l’AIRR
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L’ORDRE NATIONAL
DES INFIRMERS
Dominique LEBOEUF
Présidente de l’Ordre National des Infirmiers
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LE SIDIIEF
Madame Valérie BINAME DESCOEUDRES
Directrice de l'Institut La Source
LAUSANNE – Suisse
Membre du Conseil d’Administration du SIDIIEF
Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone
Cher(e)s Collègues, Mesdames, Messieurs,
L’Institut La Source, dont je suis responsable, partie intégrante de l’Ecole La Source à Lausanne,
co-fondateur du SIDIIEF avec l’OIIQ, est honoré d’avoir été associé à votre 27ème journée d’étude.
Personnellement, mon intérêt est double :
D’une part, le sujet que vous abordez aujourd’hui touche au domaine professionnel que j’ai bien
connu, lorsque j’étais dans ma pratique d’infirmière, puis d’infirmière cheffe d’unité de soins, dans
un établissement pour personnes handicapées physiques adultes.
D’autre part, et c’est la principale raison de ma venue à Paris, je saisis ici l’occasion de mettre en
œuvre une des missions essentielles du SIDIIEF qui est de favoriser, d’encourager la mise en réseau
des professionnels infirmiers.
Parmi les buts du SIDIIEF figure notamment celui de soutenir et de faire connaître les activités de
ses membres, ainsi que mettre tout en œuvre pour favoriser le réseautage. Dans cette optique, le
SIDIIEF offre une plateforme sur Internet www.sidiief.org , des parutions régulières (notamment le
s@voir inf, revue en ligne) pour que les activités de ses membres puissent être valorisées.
Afin de renforcer encore ces liens, il est prévu que l’Institut la Source officie comme antenne
européenne et fasse le lien entre les membres européens et le secrétariat général au Québec, quand
cela s’avère nécessaire, et assiste également aux manifestions organisées par ses membres. Cet
objectif se développera progressivement dès 2010, en fonction des besoins des associations ou
institutions. Nous aurons ainsi le plaisir de vous rencontrer à nouveau l’an prochain, lors de vos
Journées à Berck sur Mer, après avoir pu échanger avec les membres du comité de l’AIRR lors du
IVème Congrès du SIDIIEF à Marrakech en juin dernier.
Permettez-moi de profiter de l’occasion pour vous inviter à réserver d’ores et déjà les dates du
prochain congrès du SIDIIEF qui se déroulera du 20 au 24 mai 2012 à Genève. Je me réjouis de
vous y retrouver nombreux et vous remercie encore une fois de votre accueil.
Bonne Journée d’étude !
Valérie Binamé-Descoeudres, Infirmière, MPA
Responsable de l’Institut La Source, Lausanne
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Du 7 au 11 juin 2009,
Palais des congrès de Marrakech (Maroc)
« Le savoir infirmier, promoteur du développement humain »
C’est sous le soleil de Marrakech, ville millénaire aux couleurs envoûtantes et aux parfums
exotiques, que l’AIRR (Association des Infirmières et Infirmiers de Rééducation et de
Réadaptation) a conforté son partenariat avec le SIDIIEF (Secrétariat International des
Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone) par sa présence et ses
communications lors du IV e Congrès mondial des Infirmières et Infirmiers Francophones.
Ce congrès a été très riche en échanges internationaux autour de préoccupations
communes, en partage d’expériences professionnelles, de compétences mais également
de sourires, d’amitié et de messages de solidarité.
Le thème de ce IV e congrès : « le savoir infirmier, promoteur du développement
humain » a mis en évidence la nécessité pour les infirmiers de formaliser leur pratique
mais aussi leur savoir théorique. Les mettre en mots : écrire ce que l’on fait et faire ce que
l’on écrit, n’est-il pas le premier des engagements ? Développer les sciences infirmières
pour spécifier une identité professionnelle avec l’appui des lois, de l’ordre infirmier et en
généralisant la formation universitaire. Développer, aussi, la recherche pour affiner les
pratiques.
La profession d’infirmière s’exerce au travers de plusieurs savoirs, empirique, personnel,
esthétique, moral dont l’équilibre va permettre le savoir libérateur du « bien
soigner ».Mais, pour certains politiques, la profession d’infirmière se résume à une
succession d’actes techniques. Est-il nécessaire alors, de mettre en place une formation
universitaire ?
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Se pose toujours cette question liée à la reconnaissance de cette profession
majoritairement féminine. Il y a 150 ans, Florence Nightingale évoquait cet obstacle
concernant le statut des femmes dans le monde professionnel...
La disparité entre les pays riches préoccupés par le bien être des professionnels en
construisant un milieu de travail dans lequel ils vont s’épanouir et les pays en voie de
développement qui travaillent dans des conditions matérielles et humaines difficiles mais
qui vont travailler avec plaisir, a été un point central de ce congrès.
Comment faire pour transmettre le savoir infirmier dans les pays en voie de
développement, où chaque pays utilise ses propres termes, ses propres coutumes, ses
propres représentations ?
En terme de promotion de la santé, il est important de prendre en compte les déterminants
économiques, physiques, technologiques, sociaux et comportementaux avant de lancer un
programme. L’action en amont demande de bien connaître ce qui fait sens pour une
population. Par exemple, recommander la marche à pied comme moyen de prévention
des maladies cardio-vasculaires n’a aucun sens dans un pays où se déplacer en voiture
est un signe de rang social.
Mettre au centre de l’action la vie de la communauté avec la participation de la population
et l’utilisation de ses ressources qui peuvent être extraordinaires, développer l’estime de
soi « tout le monde est digne de noblesse », ne sont-ils pas le socle de la promotion de la
santé ? Cette sensibilisation de l’impact de l’environnement culturel et social sur la mise
en place d’un projet de santé publique conforte la dimension d’éducation thérapeutique.
L’éducation thérapeutique a été le thème des séances parallèles organisées par l’AIRR.
Trois interventions ont été présentées sous la modération de Claire MATTER, Présidente
de l’AIRR. En effet les enjeux de l’éducation thérapeutique pour l’avenir sont
considérables. Entretenir l’autonomie, prévenir les risques, apprendre à gérer un
handicap, sont des axes forts de la rééducation et de la réadaptation.
La première communication, animée par Isabelle ROBINE (Cadre de Santé) et Valérie
POIVET (infirmière - DU SIRR)
a fait part des différentes actions d’éducation
thérapeutique menées au Centre de Médecine Physique et de Réadaptation (Association
Pierre Noal) de BAGNOLES DE L’ORNE : ateliers pour les patients diabétiques, livrets
d’informations thérapeutiques pour les patients blessés médullaires et atteints de sclérose
en plaques, réunions de communication et d’information thérapeutique.
La deuxième intervention présentée par Nathalie JEANMAIRE (infirmière) et Marie-Paule
BARBIER (Cadre de santé - kinésithérapeute) au Centre de Réadaptation Fonctionnelle
Ernest Bretegnier d’HERICOURT a exposé la mise en place d’un programme d’éducation
spécifique aux personnes amputées : une réponse aux besoins de la personne et aux
contraintes structurelles. Une démarche à plusieurs niveaux : en hospitalisation, en
consultation et dans le cadre d’une réunion annuelle.
Le suivi et l’évaluation infirmiers de l’apprentissage aux autosondages effectués chez les
blessés médullaires a été l’objet de la troisième intervention menée par Christel GAURONGONTARD (infirmière - DU SIRR) représentant l’Institution Nationale des Invalides à
Paris. Un travail de recherche qu’elle a conduit dans le cadre d’un mémoire de DU SIRR
(Diplôme Universitaire Soins Infirmiers en Rééducation et Réadaptation)
Pour conclure sur ces 5 journées, Gyslaine DESROSIERS, Présidente du SIDIIEF,
précise qu’au-delà de tous les projets évoqués avec compétence, enthousiasme, intérêt
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et émotion parfois, le SIDIIEF insiste sur la qualité de la formation initiale et s’engage à
soutenir et encourager toutes les initiatives de formations continues.
Toute la délégation AIRR, enrichie de cette expérience, réaffirme sa dynamique d’équipe
et entrevoit de belles perspectives d’avenir par les rencontres et réunions réalisées à
Marrakech, lieu propice d’échanges fructueux...
Cet article ne peut être qu’un retour synthétique et global car devant la telle diversité des
interventions, il est impossible de rapporter toutes les pistes de réflexion, de recherche,
d’action et d’analyse qui ont été évoquées. C’est pourquoi, nous vous invitons à visiter le
site du SIDIIEF : www.sidiief.org
MERCI à Gyslaine DESROSIERS, Présidente du SIDIIEF, à Héléne SALETTE, Secrétaire
Générale et au Conseil d’Administration du SIDIIEF pour la qualité de ce congrès.
Au Comité d’Organisation de Marrakech et à tous les Marocains, CHOUKRANE pour
l’accueil si chaleureux.
Claire MATTER, Présidente
Valérie POIVET, Vice-présidente
Annie LAUTISSIER, Trésorière
Isabelle ROBINE, Chargée des Journées d’Etude
www.airr.info
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LE SOIN DANS LA RELATION HUMAINE
Walter HESBEEN, Infirmier et Docteur en Santé Publique,
Responsable Pédagogique du Groupe Francophone d’Etudes et de Formations en Ethique de
la Relation de Service et de Soin.
GEFERS, Paris
et Université Catholique de Louvain, Bruxelles
Lorsque la santé d’une personne est défaillante, des professionnels sont requis en vue, notamment,
de lui donner des soins. L’action des différents professionnels de la santé s’inscrit ainsi chaque fois
dans une relation humaine où une vie singulière se présente à eux sous l’angle de la maladie, de la
souffrance, de l’appréhension de ce qui pourrait advenir, c’est-à-dire sous l’angle d’une personne
qui présente un risque accru de fragilité, de vulnérabilité et qui vit ce qui lui arrive de manière
particulière comme l’est sa trajectoire unique de vie. Outre leur bagage scientifique, leurs
expériences professionnelles et personnelles, leurs habiletés techniques et leurs compétences
relationnelles, la manière d’être et de faire de chaque professionnel sera déterminée par la capacité
de chacun de ceux-ci d’accueillir la singularité de l’autre, c’est-à-dire de déployer une intelligence
soignante – ou intelligence du singulier – elle-même ancrée dans la considération pour l’humain qui
habite, qui anime le professionnel.
Le soin qui peut être mis dans les soins
Nous pouvons assez aisément opérer une distinction entre les soins qui se font, qui se donnent et le
soin porté à la personne. Cette distinction est fondamentale, c’est-à-dire qu’elle est au fondement de
l’orientation donnée à une pratique. Ne pas procéder à cette distinction ou ne pas la nommer conduit
à un malentendu fondamental, malentendu par lequel les professionnels risquent de ne pas se
comprendre, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’organisation des soins, le choix des outils de
la pratique et de son évaluation, le management des équipes, la formation des professionnels et les
travaux de recherches menés. C’est de la visibilité même de la pratique dont il est question, ce que
cette pratique donne à voir d’elle-même et donc de la compréhension plus ou moins éclairée qu’en
auront tant la population en général que les acteurs politiques en particulier. Retenons que ce qui
n’est pas nommé n’existe pas. Si la distinction entre les soins et le soin n’est pas nommée, c’est
comme si cette distinction était inexistante, comme si le soin se confondait dans les soins, comme
s’il y avait une forme d’automaticité entre les exigences associées aux uns et celles associées à
l’autre.
Si nous dressons une forme de tableau comparatif à deux colonnes, nous pouvons poser, d’un côté,
que l’expression « les soins » englobe l’ensemble des actes, des gestes qui ponctuent le quotidien
des professionnels. Il ne s’agit pas seulement d’actes ou de gestes techniques ; un entretien
d’accueil, par exemple, relève d’un acte professionnel. Cette expression désigne ainsi « tout ce qui
se fait ». De la sorte, les soins sont contenus dans des expressions telles « faire des soins »,
« donner des soins ». On distingue, généralement, les soins directs des soins indirects. Les premiers
sont effectués directement en présence des patients alors que les seconds désignent tout le restant,
depuis la préparation et le rangement du matériel jusqu’aux transmissions d’informations ou encore
aux réunions d’équipe. La somme des soins directs et indirects équivaut à 100% du temps de travail.
En règle générale, en France, le taux de soins directs des infirmières et des infirmiers se situe entre
30 et 40%, soit un temps de travail infirmier qui se déroule largement en dehors de la présence du
patient. A titre de comparaison, la répartition des soins directs et indirects des aides-soignants
montre une distribution exactement inverse, ces derniers passant ainsi plus de temps en présence
9
des patients qu’éloignés de ceux-ci. Bien qu’elle mériterait d’être affinée, cette comparaison indique
que plus le niveau de qualification dans les soins infirmiers est élevé, plus la distance avec le patient
est grande. En termes de qualité, il s’agira ici d’évaluation de la qualité des soins, c’est-à-dire
l’appréciation du degré d’excellence – ou de conformité aux exigences – des actes et gestes posés.
Si nous regardons maintenant de l’autre côté du tableau, nous pouvons y observer l’expression « le
soin ». Le soin n’est pas seulement le singulier des soins. Il a une signification propre. Le soin
indique « porter une attention particulière à quelqu’un ou à quelque chose ». Pour le dire autrement,
le soin équivaut à exprimer « tu es important pour moi et c’est parce que tu es important pour moi
que je vais te porter une attention particulière ». A titre d’exemple, lorsque nous tenons entre les
mains un livre qui n’a pas d’importance à nos yeux, nous n’allons pas le manier avec soin, du moins
pas avec le même soin que s’il était pour nous un ouvrage important. Le soin tient ainsi dans
l’expression « prendre soin ». Notons ici, pour éviter une éventuelle confusion, que « prendre soin »
n’équivaut pas à l’étrange mais très répandue expression « prendre en charge ». Vouloir prendre
l’autre en charge c’est, d’une part, désigner cet autre comme une charge et, d’autre part, lui
demander de se laisser faire, de se mettre en retrait de ce qui le concerne. On peut ainsi observer
que l’on peut « faire des soins » de bonne qualité sans « prendre soin » de la personne à qui se
destinent les soins, c’est-à-dire sans porter à cette personne une attention particulière, une attention
qui témoignerait de l’intention du professionnel de tenter de prendre en compte la singularité de cet
autre, l’existence à nulle autre pareille qui est la sienne. On peut, par ailleurs, « prendre soin » sans
avoir à « faire des soins » et l’on peut, également et fort heureusement, faire des soins tout en
prenant soin ou prendre soin en faisant des soins. En termes de qualité, nous sommes-là dans le
registre de l’évaluation de la qualité du soin qui ne saurait être confondu avec celui de l’évaluation
de la qualité des soins. Si l’une n’est pas incompatible avec l’autre, l’une, néanmoins, n’est pas
l’autre. Par l’évaluation de la qualité du soin, il s’agit d’apprécier la qualité, certes complexe et
subtile, de l’attention particulière portée à la personne, ce qui est différent de l’appréciation
incontestablement utile de la qualité des actes ou des gestes dont a été destinataire cette personne.
Bien des professionnels trouvent cette distinction entre les soins et le soin exigeante et me
rétorquent que « le temps manque ou que l’organisation n’est pas propice à mettre du soin dans les
soins. Nous assistons ainsi à une forme d’envahissement de la « frénésie du faire » ne laissant
parfois qu’une place secondaire à l’attention réelle portée à la singularité du sujet. Nous pouvons
ainsi constater qu’il n’est souvent pas aisé de « simplement » faire ce qu’il y a à faire alors, en plus,
« prendre soin » pour aller au-delà du « faire des soins », n’est-ce pas une exigence démesurée plus
proche de l’impossible que de la réalité ? La question qui se pose est celle de « pourquoi prendre
soin ? »
Cette question s’inscrit dans un contexte professionnel qui est bien différent du contexte familial ou
amical. Constatons qu’il n’est pas trop difficile de prendre soin d’un proche que l’on aime et qu’il
est même parfois difficile de faire des soins à cette personne car elle est justement aimée. En
revanche, le contexte professionnel confronte, à longueur de journées, à des personnes que l’on
n’aime pas ; ceci ne veut pas dire qu’on les déteste ou qu’on les ignore mais bien que le
professionnel n’est pas relié à ces personnes par un lien affectif fort, un lien de personne aimante à
personne aimée. La question qui se pose est, dès lors, « pourquoi prendre soin d’une personne que
je n’aime pas, c’est-à-dire pourquoi dire à cette personne ‘tu es importante pour moi’ alors que je ne
t’aime pas ? »
Il serait tentant de brandir ici la valeur « respect » telle une évidence absolue qui mettrait fin à toute
discussion. Une valeur « respect » si souvent proclamée mais dont les pourtours et la vivacité
restent flous et fluctuants. Le respect proclamé - ce qui est déjà appréciable lorsqu’il l’est avec
sincérité – n’équivaut néanmoins pas d’être capable de dire à cet autre et malgré le respect qui est
ainsi proclamé, « tu es important pour moi et c’est parce que tu es important pour moi que je vais
tenter, dans ma pratique du quotidien, de prendre en compte ta singularité. » Nous rejoignons ainsi
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le constat que posait Alexandre Lhotellier dans un de ses articles intitulé « Le service à la
personne » :
« Ce qui est intéressant, dans le vocabulaire usuel, c’est quand apparaît le terme personne.
En général, dignité, respect ne sont pas loin. Mais on ne peut prendre en considération la
personne seulement quand elle risque de n’être plus : risque d’assassinat politique, prise
d’otages, risque de mort (accident, catastrophe, maladie grave). Pour que la personne ait un
sens, elle n’apparaît pas seulement à certains moments de la vie. Elle existe tout le temps ou
elle n’est pas. Ce n’est pas seulement dans la réunion d’un comité d’éthique que la personne
surgit. Ou alors, c’est comme si chacun vivait avec un mythe de la personne. Une sorte
d’idéalisme naïf, à brandir dans tous les discours, dans toutes les manifestations, mais oublié
dans les pratiques.
La personne serait-elle une fiction éthique ou métaphysique dont nous aurions besoin pour
survivre ? Un alibi ?
Nous avons à rétablir, par la critique du mythe, la personne comme pratique, comme fait
quotidien ordinaire. La mort de la personne n’arrive pas qu’une fois. C’est nous qui tuons la
personne tous les jours. Le tragique, c’est cette banalisation de l’oubli de la personne tout en
la célébrant dans nos discours. La personne n’est pas une entité douée d’un certain nombre
de caractères abstraits. Valoriser la personne, ce n’est pas majorer l’individualisme, le
subjectivisme, le juridisme. C’est tout simplement essayer de considérer l’être humain dans
sa totalité. »1
La réponse à la question « pourquoi prendre soin ? » réside ainsi dans cette prise en compte
pratique, concrète, dans les actes et gestes qui ponctuent le quotidien, de la singularité de cet
homme ou de cette femme malade, de cette personne qui, car elle est à notre contact pour des
raisons professionnelles, c’est-à-dire pour des raisons qui ont un lien avec sa santé, se présente à
nous avec une souffrance ou, à tout le moins, avec un risque accru de vulnérabilité, de fragilité. La
question n’est pas épuisée pour autant et devient, « pourquoi tenter de prendre en compte la
singularité de cet autre ? » Notons ici avec insistance la présence du verbe « tenter » ; il s’agit bien
d’une intention qui se traduit par une tentative, tentative qui aboutira parfois mais qui pourra
également échouer, tout simplement car il s’agit chaque fois de la relation d’un humain avec un
autre et qu’une telle relation, malgré toute l’énergie et la bonne volonté du professionnel, ne peut
être ni programmée, ni prédéterminée. Cette prise en compte de la singularité est à chaque fois
nouvelle requérant, de ce fait même, une intelligence du singulier. Oublier qu’il s’agit d’une
tentative chaque fois renouvelée – rien qu’une tentative mais toute une tentative - pourrait conduire
le professionnel à s’obstiner ce qui équivaut, ni plus, ni moins, à faire courir au sujet le risque de
son instrumentalisation, celui de sa banalisation. Dès lors, pourquoi tenter de prendre en compte la
singularité de cet autre dans un contexte qui pousse davantage à la systématisation, à la performance
et aux prouesses ? La réponse n’est pas seulement contenue dans le respect qui lui est dû, mais se
prolonge, s’affine et se complexifie dans la considération qui lui sera témoignée, considération qui
s’exprime, se concrétise, sans distinction, sans hiérarchisation, à l’occasion de chacun des gestes ou
des actes posés et au sein de chacune des situations relationnelles mettant en présence deux
humains, l’un qui est professionnel et l’autre à qui se destine son action.
Il s’agit d’une question de perspective, perspective que nous avons nommée soignante, non de par
le statut de celles et ceux qui donnent ou font des soins, mais de par la perspective même donnée à
leur action. C’est ainsi que si la profession infirmière peut se présenter comme une profession
soignante du fait que les professionnels qu’elle regroupe donnent des soins, il ne faudrait pas que
l’ambiguïté de cette appellation, cette manière de se présenter, induise voire entretienne la
confusion au risque d’une désillusion. En effet, si les soins infirmiers peuvent être prodigués de
manière professionnelle par des professionnels courtois et bienveillants, cela n’indique nullement
que ces mêmes professionnels inscrivent leurs actions dans une perspective soignante, ou
1
Alexandre Lhotellier, « Le service à la personne », in Perspective soignante, n°3, décembre 1998, p.8-20.
11
perspective d’attention particulière portée à la personne, c’est-à-dire une perspective qui s’offre le
soin dans les soins pour horizon. Une distinction se doit ainsi d’être précisée entre la perspective
soignante et la perspective infirmière. En effet, pour professionnelle qu’elle soit, la perspective
infirmière n’est pas la perspective soignante. D’une part, car la perspective infirmière – perspective
de l’infirmière ou donnée par l’infirmière - peut se montrer plus soucieuse d’une action conforme
aux règles et aux savoirs infirmiers qu’à la personne même à laquelle les pratiques infirmières se
destinent ; d’autre part, car la perspective soignante ne saurait être contenue dans la seule pratique
infirmière car la perspective soignante – celle qui s’offre pour horizon l’attention particulière portée
à la personne – est résolument accessible à chaque humain, sans distinction de qualification et de
statut. Il en résulte que la perspective infirmière et la perspective soignante résultent de visions et
d’intentions qui ne sont pas forcément identiques et, bien qu’elles ne soient nullement
incompatibles, elles ne sauraient néanmoins être confondues.
La considération pour l’humain
Regarder dans la direction de l’humain singulier pour exercer sa pratique quotidienne de
professionnel de la santé procède, en premier lieu, d’une prise de conscience de laquelle découle un
choix, c’est-à-dire un parti pris, une prise de position. Cette prise de conscience n’est ni innée ni
spontanée. Elle s’acquiert car elle se travaille, c’est-à-dire qu’elle se fait grandir en vue d’advenir et,
au gré des situations, des prises de conscience, elle s’affine et s’affirme dans la vie quotidienne, tant
professionnelle qu’extraprofessionnelle. Ce choix n’est ni automatique en regard de tel ou tel
métier, ni aisé. Mais cette prise de conscience et ce choix se situent au fondement d’une orientation
nouvelle de la pratique, d’un renouvellement de la complémentarité des différents acteurs d’une
équipe. Notre propos pourra sembler naïf ou tellement évident mais il s’agit bien de prendre
conscience, comme nous le mentionnons régulièrement, de la merveille de l’humain, de chaque
humain sans distinction aucune, car nous pouvons constater que chaque humain est un être unique,
exceptionnel et irremplaçable qui va, seul, son chemin, qui le conduit irrémédiablement à la mort.
Que nous apprécions ou non cet autre, il est précieux, il est rare, il est merveilleux, car unique. A ce
titre là, chacun est une exception et personne ne peut être remplacé. Que nous ne soyons pas
capable de voir la merveille d’un humain, n’empêche qu’il recèle une merveille. Personne, ainsi,
n’est réductible à ses actes, à son âge, à sa pathologie, à son statut ou à un sentiment de sympathie
ou d’antipathie. Chaque humain est précieux car unique et le fait de ne pas percevoir sa merveille
intrinsèque, de ne pas l’aimer ni même l’apprécier, ne nous autorise à ne pas le respecter en niant sa
singularité et la valeur unique de son existence.
C’est car chaque humain est rare et donc précieux car unique, que la considération qui lui est
témoignée, dans chacun des actes posés, requiert, dans le comportement du professionnel, ce que
nous nommons une élégance relationnelle, c’est-à-dire l’expression, dans les manières d’être et de
faire du professionnel de son sens de la délicatesse, de son goût pour l’esthétique dans les rapports
humains, goût qui se traduit dans la façon de toucher, de regarder, de parler, d’écouter, d’être tout
simplement présent à cet autre. Dans son ouvrage intitulé « Cinq méditations sur la beauté »,
l’académicien français d’origine chinoise, François Cheng2, nous expose que, pour lui, « la beauté,
c’est tendre vers la plénitude d’une présence », une telle beauté n’est pas à confondre avec la
joliesse, elle est celle qui se dégage, se perçoit d’une manière d’être présent à l’autre, ce qui est bien
éloigné de la manière que l’on peut avoir parfois d’être chez l’autre. Cette élégance relationnelle et
le goût de l’esthétique dans les rapports humains qui la sous-tend peuvent sembler des
préoccupations désuètes ou encore secondaires dans un contexte professionnel marqué par la
rigueur et la frénésie du « faire ». Y a-t-il néanmoins la possibilité de témoigner à l’autre la
considération sincère que l’on a pour lui sans se montrer soucieux de la délicatesse de nos manières
d’être et de faire, de ce goût pour l’esthétique, de l’élégance qui s’en dégage ? L’écrivain Paul
Valéry y voyait une forme de poésie :
2
François Cheng, « Cinq méditations sur la beauté », Paris, Albin Michel, 2006.
12
« Soigner. Donner des soins, c’est aussi une politique. Cela peut être fait avec une rigueur
dont la douceur est l’enveloppe essentielle. Une attention exquise à la vie que l’on veille et
surveille. Une précision constante. Une sorte d’élégance dans les actes, une présence et une
légèreté, une prévision et une sorte de perception très éveillée qui observe les moindres
signes. C’est une sorte d’œuvre, de poème (et qui n’a jamais été écrit), que la sollicitude
intelligente compose.»3.
C’est à partir d’un travail de considération pour l’humain, travail de considération mené dès le
début de la formation dans toutes les filières composant les métiers de la santé et du social, que
pourront évoluer, s’élever et se renouveler les pratiques professionnelles afin de s’inscrire de
manière plus permanente dans une perspective soignante. Il ne s’agit pas, par ce propos, de proposer
une augmentation du volume d’enseignement des « sciences humaines ». Quels que soient le
volume et les modalités pédagogiques, la considération pour l’humain qui peut imprégner les actes
posés procède, nécessairement, d’une prise de conscience personnelle et de l’implication, tout
autant personnelle, qui pourra en résulter.
C’est ainsi, à partir de ce constat, que notre conviction est que la pratique soignante, quelle qu’elle
soit – infirmière, médicale, paramédicale, etc. –, n’est pas réductible à des actes, si sophistiqués
soient-ils. La pratique soignante n’est pas réductible à des actes car chaque acte posé par ces
professionnels s’adresse à chaque fois à un humain singulier qui va sa vie et qui vit ce qu’il a à
vivre de manière particulière et qui ressent, appréhende ou espère quelque chose qui lui est
particulier. Chaque acte s’inscrit ainsi dans une histoire, une trajectoire de vie unique,
incomparable, sans égal et à nulle autre pareille. C’est parce que la pratique de chaque professionnel
s’inscrit dans une histoire de vie, une trajectoire de vie si particulière que cette pratique est
également particulière. Elle est complexe car elle agit au cœur de la complexité de l’humain et cette
complexité est irréductiblement présente quels que soient le statut du professionnel, sa qualification
et la nature des outils qu’il manie ou des gestes qu’il pose. Il n’y a donc pas de comparaison ni de
hiérarchisation possible entre ces complexités car elles sont chacune uniques. Il n’y a dès lors
aucune comparaison ni hiérarchisation possible entre les actes, les gestes posés, car chacun de ceuxci, du plus simple au plus sophistiqué, s’inscrit dans une complexité singulière, présente en chaque
situation et à chaque fois renouvelée. Il n’y a donc pas de situations de soins plus complexes que
d’autres voire de plus en plus complexes ; il y a des situations complexes, intrinsèquement et
nécessairement complexes. Vouloir les hiérarchiser, c’est confondre les actes de soins et les
difficultés qu’ils peuvent poser, avec la personne, l’humain singulier, à qui ces actes se destinent.
Déployer une intelligence soignante4
C’est lorsque les professionnels veulent résolument inscrire leur pratique soignante dans la prise en
compte de cette irréductible singularité de l’autre, cette irréductible complexité de l’humain que la
pratique peut être qualifiée d’intellectuelle. Non par orgueil ou goût prononcé d’élitisme, mais par
nécessité ! La pratique soignante est intellectuelle car elle requiert une intelligence humaine de
situation. Une telle intelligence n’est pas celle que se proposent de mesurer des échelles en vue
d’établir un quotient. Une telle intelligence est l’intelligence soignante ou intelligence du singulier;
elle est celle qui accompagne et enrobe les actes de soins et qui donne à chacun de ceux-ci un relief
particulier, une importance singulière, une perspective chaque fois renouvelée. C’est de
l’intelligence soignante que pourra se dégager une saveur soignante au sein des structures de soins.
L’intelligence soignante est celle qui permet d’inscrire les actes de soins dans une action soignante.
Elle est celle que déploie un humain professionnel pour entrer en intelligence avec un autre humain
qui vit ce qu’il a à vivre là où il en est de son histoire, de sa trajectoire de vie. Mentionner cette
3
Paul Valéry, « Politique organo-psychique », bibliothèque de La Pléiade, Paris, Gallimard, 1957.
À partir de notre ouvrage : « Dire et écrire la pratique soignante du quotidien – Révéler la quête du sens du soin",
Walter Hesbeen (dir.), Éditions Seli Arslan, Paris, mai 2009.
4
13
intelligence soignante ne relève pas d’une conception que l’on pourrait être tenté de qualifier trop
hâtivement de théorique, ni d’une préoccupation abstraite d’intellectuels plus ou moins éclairés ou
inspirés, car l’intelligence soignante est une nécessité pour toute pratique soignante résolument
porteuse de sens et respectueuse de la personne. Pour illustrer cette nécessité, a-t-on suffisamment
réfléchi à l’intelligence humaine que doivent déployer les soignants pour procéder à la toilette d’une
personne dépendante ou pour changer une personne incontinente sans l’humilier ? De même, a-t-on
suffisamment mis en exergue la nécessaire sensibilité des professionnels, sensibilité entravée par
une forme d’interdit professionnel qui semble, bien souvent, confondre la sensibilité avec sa
pathologie qui se nomme la sensiblerie. Telle l’éducation de certains garçons à qui l’entourage dit
« un homme ne pleure pas », combien de fois n’avons-nous pas entendu les aînés voire les
enseignants exposer auprès des étudiants : « un véritable professionnel n’exprime pas d’émotions »,
« la première fois c’est difficile, après on s’habitue », ou alors « il faut apprendre à se blinder », ou
en encore « on est prié de laisser ses problèmes personnels au vestiaire », etc. ? Ne pas exprimer
d’émotions, laisser sa personne au vestiaire, se blinder, s’habituer à la souffrance humaine pour s’y
montrer insensible… alors que l’intelligence soignante requiert subtilité, délicatesse et élégance
relationnelle. On ne peut prendre soin d’un homme ou d’une femme malade en tentant d’accueillir
sa singularité sans se sentir concerné par sa situation, sans se laisser toucher par ce qui arrive à cet
humain et ce qu’il vit ou a à vivre. On ne peut, pour le dire autrement, prendre soin de l’humain et
déployer son intelligence du singulier sans être sensible à la situation et à la sensibilité de l’autre. La
sensibilité est au cœur du soin, elle est le moteur de l’attention particulière portée à cet homme ou à
cette femme malade, qui souffre, ou qui est vulnérable, fragile.
Ainsi, quel message délivre-t-on de manière explicite ou insidieuse lorsque la sensibilité est
réprimée ou raillée pour finalement être refoulée ? Quel humain professionnel animé d’une
intention soignante peut-il ainsi se comporter, se transformer, si ce n’est celui qui s’est
« dépersonnalisé » en se laissant envahir, chosifié, instrumentalisé par un système qui n’hésitera
pas, d’une part, à exhorter à « placer le patient au centre des préoccupations », alors que, d’autre
part, l’expression de la sensibilité y sera découragée ? Cela ne conduit-il pas le professionnel à ne
plus habiter en personne sa pratique et, dès lors, à ne plus pouvoir faire preuve de l’intelligence
soignante qu’en chaque situation elle requiert ?
On le voit, déployer, enrichir, exercer l’intelligence soignante repose sur un choix dont la
conscience requiert une conviction, celle que la pratique des soins ne se réduit pas, ne se résume
pas, aux seuls gestes visibles, observables et mesurables si souvent présentés pour qualifier et
évaluer la pratique des différents soignants.
La visibilité des pratiques soignantes : un « malentendu fondamental »
La visibilité des pratiques est ce qui va servir de fondement à leurs modalités d’organisation.
Néanmoins, lorsqu’il est question de visibilité, se pose d’emblée la question : que souhaitons-nous
donner à voir ? Cette question montre qu’il s’agit d’un choix. Selon que nos propos et nos écrits
mentionnent et développent tel ou tel aspect de la pratique, la visibilité de cette même pratique sera
de telle ou de telle nature.
Nous nous devons d’insister sur le verbe « choisir ». En effet, il s’agit bien d’un choix, choix qui
reflète la manière qu’a l’auteur d’un écrit ou d’un exposé de concevoir la pratique des soins en
général ou des soins infirmiers en particulier, manière qu’il a de se représenter cette pratique.
Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, un choix est un parti pris, c’est-à-dire une prise de
position, elle-même ancrée dans une conviction. Selon que la conviction de l’auteur d’un écrit sur
les soins infirmiers soit de telle nature ou de telle orientation, l’écrit ne dira pas la même chose alors
qu’il traite d’une pratique invariablement nommée « soins infirmiers ». C’est ainsi que si la
dimension intellectuelle qui permet de penser, de situer chaque acte dans la perspective de la
14
singularité de l’humain n’est pas nommée, c’est comme si elle n’existait pas. Rappelons-le à
nouveau : ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Si elles ne sont pas nommées, cette dimension du
soin et l’intelligence soignante sur laquelle elle se fonde ne peuvent être mises en lumière, en
évidence, valorisées. Cette dimension ne peut dès lors être prise en compte réellement dans tout ce
qui concerne la pratique, depuis la compréhension qu’en ont les politiques, jusqu’à la mise en
œuvre dans la quotidienneté des structures en passant par la pensée et l’organisation de la
formation. Insistons à nouveau : l’intelligence soignante ne se décline pas en différentes formes de
savoirs qui se juxtaposent ; elle est celle d’un humain professionnel au contact d’un humain qui
requiert des soins. À ce titre, elle comporte tant le recours aux savoirs théoriques et pratiques
qu’une compétence relationnelle de situation. Cette compétence relationnelle conjugue les mots
subtilité, délicatesse et élégance qui, ensemble, reflètent le goût de l’esthétique dans les rapports
humains dont se veut de faire preuve le soignant. Un tel goût de l’esthétique donne à voir la beauté
d’une pratique. Si une telle intelligence n’est pas nommée, tout ce qu’elle requiert ne peut être
valorisé. Ce qui n’est pas nommé, n’existe pas et ce qui est mal nommé peut nous conduire à un
malentendu, que je nommerai un « malentendu fondamental ». Le « malentendu fondamental » est
ce qui surgit lorsque l’on s’entend mal voire on ne s’entend pas, on ne se comprend pas sur ce
qu’est la nature profonde de la pratique soignante et, donc, sur l’organisation concrète qu’elle
requiert comme support à la pratique quotidienne des soignants ainsi que sur la formation qui y
conduit.
On a ainsi pu observer, depuis plusieurs années, des orientations parfois très envahissantes, voire
autoritaires, fondées sur un type de représentation de la pratique soignante et dont les effets se font
toujours largement sentir aujourd’hui. Citons, ici, à titre d’exemples, les outils de la charge de
travail qui donnent l’illusion que la pratique soignante est mesurable par les actes posés. Ne sousestimons pas le fait que cela induit insidieusement, y compris auprès des professionnels soignants
qui côtoient quotidiennement des hommes et des femmes malades, l’idée que la pratique soignante
est un ensemble d’actes laissant dans l’ombre la distinction entre l’acte et l’action. Le manque voire
l’absence de distinction entre l’acte et l’action conduit à imaginer que l’acte existe en tant que tel,
indistinctement, d’une situation professionnelle à une autre. Ignorer la distinction entre l’acte et
l’action équivaut à ignorer que l’acte est posé par un acteur, c’est-à-dire un humain professionnel
ayant une sensibilité qui lui est propre et une capacité de penser. Cela conduit, également, à négliger
la singularité et la sensibilité de l’humain destinataire de l’acte. C’est ainsi qu’ignorer la distinction
entre l’acte et l’action conduit, ni plus, ni moins, à mettre entre parenthèses toute l’intelligence
soignante du professionnel, toute son implication personnelle pour tenter d’accueillir la singularité
du patient afin de ne pas le réduire à un individu « objet de soins ». S’impliquer pour tenter de voir
en chacun un sujet de soins nécessite une démarche personnalisée et, à ce titre, créative et chaque
fois renouvelée. C’est ainsi que la véritable charge de travail réside dans le poids que porte le
soignant lorsqu’il s’implique pour inscrire chacun des actes qu’il pose, chacun des soins qu’il
donne, dans la perspective de la singularité de l’autre, dans la prise en compte de la complexité
particulière de sa situation et dans la subtilité et la délicatesse qu’une telle complexité requiert.
Ignorer la distinction entre l’acte et l’action débouche sur la banalisation de l’humain dans les
pratiques professionnelles, banalisation tant de l’humain qui donne des soins que de celui à qui
ceux-ci s’adressent.
Un autre exemple de ce « malentendu fondamental » qui tend à orienter ou à réorienter la pratique
soignante au risque de la dénaturer réside dans le recours, parfois imposé, à une théorie de soins
servant de référence unique à tous les professionnels d’un établissement ou à tous les étudiants d’un
même centre de formation. Cela conduit, chez les uns, à l’illusion que l’être humain est « fait » d’un
certain nombre de besoins fondamentaux identiques chez chacun ou, pour d’autres, que l’on peut
fonder toute la complexité de la pratique soignante en ayant recours à une et une seule théorie qui
donnerait la ou les réponses aux questions qui se posent face aux situations humaines rencontrées.
Ce « prêt à penser » provoque un « arrêt de la pensée ». Au nom de l’uniformisation organisationnelle, la singularité est délaissée. L’esprit critique ne peut dès lors être développé, stimulé, favorisé,
et il en est de même du regard à chaque fois singulier que le soignant pourra porter sur des situa15
tions de soins qui, elles, sont irréductiblement singulières. Regarder l’humain par l’intermédiaire
d’une théorie, c’est ne plus voir l’humain car c’est regarder la théorie et le degré de conformité de
cet humain au contenu de ladite théorie. C’est poser un filtre identique pour chacun empêchant
d’observer, d’identifier et de prendre en compte les particularités. On peut ici se rappeler ce
proverbe attribué aux Japonais : « celui qui n’a qu’un marteau voit tous les problèmes en forme de
clous ». On l’aura compris, le propos ici n’est pas de nier l’intérêt des théories et conceptions
diverses mais bien de rappeler que la pratique soignante ne consiste pas à être conforme à une
théorie, si élaborée soit-elle. Les théories ne sont pas faites pour s’appliquer aux situations de soins,
elles ne sont pas faites pour y « faire entrer un patient » mais bien pour venir en aide au soignant
dans sa quête d’un agir sensé. C’est ainsi que leur portée est bien plus grande et intéressante que des
données à appliquer car elles sont de la « matière à penser » ; elles sont, à ce titre, nourricières de
l’intelligence soignante que déploie le professionnel dans le cadre de sa démarche personnalisée.
Les théories ne sont donc pas la finalité de l’action mais en sont des moyens, parmi d’autres, pour
venir en aide au professionnel qui pense son action dans la perspective de la prise en compte de la
singularité du sujet. C’est la raison pour laquelle on ne peut raisonnablement demander aux
soignants de fonder leurs pratiques sur une théorie de soins – ou quelque théorie que ce soit – car
c’est d’une multitude de références théoriques dont ils ont besoin pour mener et créer leurs actions.
Les théories ne pensent pas et ne sont pas la pensée du soignant ; les théories proposent des
éléments, des ingrédients pour alimenter l’intelligence soignante que requiert chaque situation mais
les théories ne sont pas l’intelligence soignante, l’intelligence du singulier.
Citons, encore, les outils de la pratique du quotidien, tels les dossiers de soins, démarches de soins,
méthodes de transmissions d’informations, protocoles et autres procédures qui, sous forme papier
ou informatique, ont troublé plus d’un professionnel. Ce trouble n’est pas seulement celui que
chacun peut exprimer face à la nouveauté ou au changement ; il est aussi celui éprouvé par des
professionnels qui percevaient que ces outils n’étaient pas faits pour leur pratique ou ne leur
procurait pas une aide efficace comme support à leur pratique du quotidien ou, parfois
insidieusement, les conduisaient à modifier voire dénaturer cette pratique. De quelle vision de la
pratique soignante cette orientation est-elle le reflet et le prolongement concret ? Sur quel type de
visibilité une telle vision débouche-t-elle et quelles modifications profondes une telle vision et une
telle visibilité entraînent-elles tant pour la pratique quotidienne des soignants que pour la
représentation que ceux-ci élaborent de leur métier, que pour la formation qui y conduit ainsi que
pour les messages que cette vision et cette visibilité adressent à la population et aux responsables de
l’action politique ? Aussi, rappelons-nous qu’un outil n’est pas qu’un outil, car chaque outil est
élaboré à partir d’une représentation de la pratique ; il est associé à une philosophie et, à ce titre,
influencera la pratique même de ceux qui y auront recours. Dès lors, lorsque des outils sont utilisés
pour dire et écrire la pratique soignante, pour rendre compte de son contenu, une vigilance majeure
s’impose : les outils sont-ils le reflet juste et pertinent de la réalité ou réduisent-ils, au risque de la
dénaturer, la pratique soignante du quotidien et la prise en compte des exigences d’une telle
pratique pour l’organisation même des professionnels et la considération que l’on a pour eux ? Si
des outils réducteurs donnent la visibilité principale de la pratique soignante, cette visibilité donnera
une représentation et nourrira une vision erronée.
Une question éthique
Par rapport à ce « malentendu fondamental », il y a, dans les faits, une véritable question éthique
dans les choix qui sont opérés en matière de formation, d’organisation et d’outils de travail. Cette
question éthique repose, comme le rappelle Raymond Gueibe dans son article sur les paradigmes
dans le soin5, sur la clarté du choix des paradigmes de référence. En effet, le paradigme scientifique
n’est pas le paradigme humaniste. Ces deux paradigmes ne s’opposent pas et ont chacun leur utilité,
5
.Raymond Gueibe, « L’Interrogation des paradigmes dans le soin, une exigence éthique », Perspective Soignante,
n° 33, décembre 2008, p. 6-30.
16
mais ces deux paradigmes ne sont pas identiques. C’est ainsi que les responsables de l’orientation et
de l’organisation, tant du système de santé que des structures de soins ou des centres de formation,
se doivent de faire preuve d’une vigilance particulière, car il n’est pas éthiquement acceptable de
tenir un discours exhortant à l’approche humaniste des soins tout en imposant aux professionnels et
aux étudiants des théories, références et outils issus principalement du seul paradigme scientifique.
Que des responsables choisissent de donner la préférence au paradigme scientifique ne pose pas de
problème en soi : il s’agit de leur choix vraisemblablement issu de leurs valeurs. Le problème
surgit, et avec lui la question éthique, lorsque ce choix est travesti par des propos humanistes, c’està-dire lorsque le contenu du paradigme scientifique servant de référence à ces responsables est
déguisé en paradigme humaniste pour tenter d’en prendre l’allure et donner l’illusion de
l’importance qu’ils lui accordent. Proclamer son attachement au paradigme humaniste tout en
dotant les professionnels d’outils et de modalités d’organisation issus du paradigme scientifique
conduit à les déstabiliser, voire à les désemparer ou les déboussoler, ce qui n’est pas étranger à la
désillusion professionnelle et à ses effets pathologiques, tels un stress exacerbé, l’épuisement
professionnel voire le burn-out.
L’espoir, néanmoins, réside aujourd’hui dans la tension de plus en plus perceptible entre un
discours dominant issu des paradigmes scientifiques, organisationnels et économiques, et le constat
que proclament de plus ou plus souvent les soignants – mais assez discrètement – d’une forme
d’incompatibilité avec leur intention soignante. Depuis un siècle, le système de soins a été dominé
par la médecine technoscientifique, oubliant, parfois, que c’est à des humains singuliers qu’elle
s’adresse. Aujourd’hui, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour dire que la
performance technoscientifique, pour importante qu’elle soit et que je ne souhaite en rien
minimiser, ne peut requérir de mettre entre parenthèses la parole du sujet et donc la personne même
de l’humain auquel elle s’adresse. Un point d’équilibre est en train de se chercher et permettra, à
terme, de corriger les excès du paradigme scientifique. Le paradigme humaniste n’est donc pas
derrière nous ; il se propose comme une prochaine destination qui devrait permettre de donner toute
sa place à l’humain dans la pratique des soins. La patiente préparation de ce paradigme humaniste
dans les soins requiert, dès aujourd’hui, de donner une visibilité de la pratique soignante qui met en
relief toute la subtilité et la délicatesse en son fondement. Une telle perspective se profilera et se
mettra en œuvre dès lors qu’une conviction réussira à réunir et à solidariser les professionnels de la
santé, quels qu’ils soient, celle que les différents métiers des soins requièrent, outre l’acquisition de
connaissances et d’habiletés tant gestuelles que techniques et relationnelles, une intelligence de
situation que nous nommons intelligence soignante ou intelligence du singulier. Une telle
intelligence n’est pas celle que mesure une échelle en vue de donner un quotient. Une telle
intelligence, quels que soient les actes ou les gestes posés, est celle par laquelle un professionnel
réussit, avec subtilité et sensibilité, à saisir les particularités d’une situation humaine donnée. C’est
l’intelligence soignante qui donne aux différents métiers des soins toute l’envergure et toute
l’ampleur de leur pratique et la dimension intellectuelle sur laquelle elle se fonde.
Walter Hesbeen
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LE SOIN DU HANDICAP, UNE MEDECINE
POUR LE XXIème SIECLE
Docteur Bruno PINEL. Rhumatologue, gériatre et rééducateur.
CRF Ernest Bretegnier. Héricourt (70400)
I. LE HANDICAP DANS LES SOCIETES ANCIENNES
Longtemps, même en Occident, le handicap physique ou mental s’accorda mal avec le
vieillissement : en effet, être handicapé équivalait souvent à une mort rapide.
A une époque où la survie du groupe nécessitait le travail de tous, la survenue d’un handicap était
une charge insupportable pour la société. Sauf lorsqu’un rôle social pouvait leur être confié, les
handicapés, fragiles, étaient les premières victimes des conséquences des carences nutritionnelles et
des maladies infectieuses. Ils étaient alors exposés au parenticide ou à l’infanticide et ne pouvaient
compter souvent que sur la solidarité de leur famille ou sur la sollicitude des congrégations
religieuses.
Comme nous le prouvent l’archéologie et les écrits de ces époques, la médecine ne disposait que de
peu de moyens pour soigner les complications liées aux handicaps : la médecine physique et la
médecine thermale, réservées aux classes privilégiées et aux militaires, se limitaient à de modestes
compensations plus qu’à un véritable rôle réparateur. Par conséquent, à quelques exceptions près,
être handicapé allait de pair avec une exclusion sociale et une mort prématurée.
Le handicap congénital, favorisé par les consanguinités et les accouchements difficiles, pesait sur
l’individu ou sa famille comme le prix d’une faute contre les dieux ou contre la société, dont il leur
fallait payer le prix.
Le handicap acquis au travail ou à la guerre, même glorieux, n’était pas ou peu indemnisé. Plus que
ne le faisait la maladie elle-même, le handicap entraînait par ce fait l’individu vers un déclin social
rapide et vers son corollaire qu’est la mort.
La grande vieillesse était réservée à quelques-uns et, l’efficacité de la médecine étant là aussi
relative, elle s’accompagnait alors de handicaps précipitant une fin rapide.
On traita ainsi de la même façon, durant des siècles, la vieillesse et le handicap, le handicap et la
pauvreté : parfois par la tolérance, le plus souvent par la compassion ou l’abandon à la charité
publique.
II. UN XXIème SIECLE FORMIDABLE ET IMPITOYABLE POUR LE HANDICAP
Nous vivons désormais dans une époque à la fois formidable et impitoyable.
Avec les progrès de la médecine, et surtout avec ceux de l’hygiène et des avancées sociales,
l’espérance de vie de la plupart des handicapés, toutes causes confondues, rejoint celle des bienportants. Ainsi, d’à peine plus de 20 ans en 1930, l’espérance de vie des personnes atteintes de
handicap mental dépassait les 58 ans en 1980. Elle s’est encore améliorée depuis. La différence de
longévité qui peut exister entre des individus bien-portants et des individus handicapés ne cesse
donc de diminuer, qu’il s’agisse de handicap mental ou de handicap physique.
Désormais, dans le monde occidental au moins, vieillir est devenu le lot commun des bien-portants
comme celui des handicapés. Par ailleurs, comme la grande vieillesse est rarement exempte de
handicaps, on peut désormais dire que le handicap est le devenir de tous. Le handicap n’a plus
d’âge…
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Les maladies, certains traitements, la vieillesse, la société elle-même, génèrent du handicap. S’il n’y
a jamais eu autant, ni si rapidement, de progrès médicaux et d’avancées sociales, jamais société n’a
favorisé, dans le même temps, autant de situations de handicap. Que les handicaps soient
directement liés au processus normal du vieillissement, qu’ils soient liés aux conséquences
indirectes des soins permettant aux handicapés de survivre, qu’ils soient liés aux accidents du
travail ou de la voie publique, ils sont très souvent secondaires à un environnement rendu ou
maintenu inadapté pour certains.
III.
LE SOIN DU HANDICAP NOUS MET FACE A UNE MULTITUDE DE DEFIS
Dans le contexte actuel, il nous appartient en effet de relever de nombreux défis. Ceux-ci sont
médico-techniques, éthiques, sociaux et politiques.
Les défis médico-techniques sont les plus faciles à relever, les progrès des connaissances
médicales et technologiques étant à peu près encore sans limites.
La prothétique, l’informatique, l’électronique et les biotechnologies laissent entrevoir une
révolution dans le traitement du handicap moteur et aussi dans la prévention, l’accompagnement ou
la compensation de certains handicaps mentaux.
Domotique, robotique et neuropsychologie promettent des améliorations dans l’adaptation de
l’homme à son environnement. Bien plus que ces lentes mutations qui, depuis des millions
d’années, lui ont permis de domestiquer la planète. Nous sommes dès lors tous contraints de nous
familiariser avec ces techniques nouvelles.
Mais il faut compter aussi sur la place déterminante que prend désormais la prévention des causes
du handicap, et mesurer l’importance de l’éducation à la santé. Cette dernière doit ainsi occuper de
plus en plus de place dans notre travail de soignant.
Si les défis éthiques ou philosophiques concernent chacun des membres de la société, ils
n’épargnent alors pas le secteur de la réadaptation/fonctionnelle.
Ces questions éthiques se posent de façon cruciale dans un système médico-économique dont les
moyens financiers sont contingentés, qui a toujours privilégié les soins curatifs, et qui ne peine
malheureusement toujours à considérer le soin de suite et la rééducation du handicap comme partie
noble de la médecine.
Sont concernés la question du choix de prise en charge en rééducation, mais aussi, aux deux
extrémités de la vie, aussi bien la réanimation que l’acharnement thérapeutique.
En premier lieu, devons-nous nous donner des limites dans la réparation chirurgicale ou la
rééducation d’un handicap, en particulier dans le très grand âge, sachant le coût de celles-ci quand
elles peuvent être opposées à une survie limitée ?
De façon identique, face à un handicap mental, où la décision d’intervenir médicalement ou
chirurgicalement doit-elle donc s’arrêter ? Doit-il d’ailleurs y avoir des limites autres que celle
qu’impose la faisabilité technique ?
Egalement, mais sans faire bien entendu de l’eugénisme, dans une société où ces contingences
économiques obligent à faire des choix, et où le respect de la dignité humaine devrait passer
toujours avant celui de « la vie à tout prix », est-il légitime de forcer ou de s’efforcer de mener à
terme des grossesses pathologiques ou de réanimer des fœtus dont on sait par avance qu’ils sont
potentiellement porteurs de handicaps majeurs ? La réponse ne peut rester individuelle, elle est
collective.
Dans le même sens, jusqu’où devons-nous aller dans le maintien en vie de certains états végétatifs
persistants de l’adulte, souvent créés par des réanimations intempestives, détruisant ainsi ou
empêchant de vivre bien des familles ?
Ces questions éthiques qui nous concernent sont aussi celles relatives aux décisions de protection
juridique lourde ou d’institutionnalisation du handicapé, jeune ou vieux, lorsque l’accompagnement
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familial ou de proximité devient difficile, et qui privent de leur libre-arbitre des personnes qui
pourraient exercer celui-ci au prix d’un accompagnement plus adapté et moins carcéral.
Par ailleurs, certaines interrogations éthiques posent des problèmes qui dépassent, au niveau du
langage, de simples questions d’ordre sémantique. Est-il acceptable qu’un handicapé soit appelé
« vieillissant » quand il prend de l’âge, alors qu’une personne âgée est appelée « dépendante »
quand elle est atteinte d’un handicap ?
Est-il légitime de différencier le sujet handicapé vieillissant de la personne âgée dont le handicap est
acquis avec l’âge ? Sur un certain plan, oui, car le handicapé vieillissant va passer d’un état de
dépendance, déjà éprouvée antérieurement, à une dépendance accrue. Tandis que la personne âgée
qui devient handicapée du fait des maladies liées à son âge devient brutalement, et de façon si l’on
peut dire « non préparée », en état de dépendance. Sa prise en charge sociale et psychologique en
est bien sûr différente. Mais il faut alors se donner les moyens d’y répondre.
De même, est-il légitime de différencier le handicap mental et le handicap physique ? A priori, non,
car le processus de vieillissement, qui est désormais commun aux deux populations, aboutit au fait
que ces deux handicaps sont souvent, dans une certaine mesure, associés. De plus, le besoin et le
droit de soin ne sont-ils pas identiques dans ces deux populations ? La seule chose qui diffère, c’est
qu’avec l’âge nous savons que la régression physique, psychologique et sociale est plus sensible
chez le handicapé mental que chez le handicapé physique.
Enfin, ne faut-il pas faire un choix entre « rééducation » et « réadaptation » ? Cette question n’est
pas que symbolique car privilégier le mot « réadaptation », c’est orienter notre action vers une
rééducation qui soit véritablement « écologique », fonctionnelle et participative, quand le mot
« rééducation » évoque plutôt une volonté d’un retour à une norme académique peut-être moins
adaptée sur les plans humain et fonctionnel ?
Quant aux défis sociaux qui se profilent, ils engagent chacun de nous, y compris les non soignants,
dans la vie de tous les jours.
Les données démographiques parlent d’elles-mêmes. La longévité dont bénéficient les handicapés
croît de façon manifeste. Le vieillissement de la société augmente ainsi que le poids des 3 et 4ème
âges, et celui du handicap. Les populations des hôpitaux et des centres de soins de suite en sont
profondément modifiées. La demande de retour au domicile, de qualité de vie et d’autonomie,
augmente de facto le niveau d’exigence en termes de réparation du handicap.
Pour ces rasions, l’un des défis sociaux qu’il va falloir relever est d’accroître le nombre des
professionnels du handicap, comme de diversifier leur formation.
Un autre défi sera enfin d’améliorer le financement, en le personnalisant, de certaines prises en
charge afin que soit respecté le légitime besoin d’autonomie que formulent de plus en plus souvent
certaines personnes malades. Pourquoi donc les personnes âgées atteintes de handicap ne
bénéficieraient-elles pas de l’allocation adulte handicapée versée aux adultes handicapés plus
jeunes ?
Les défis politiques sont sans doute les plus difficiles et les plus longs à relever car la politique,
tributaire des conjonctures économiques, des rapports de force intra-sociétaux ainsi que des modes
du moment, ne répond souvent que de façon incomplète et différée aux besoins réels des
populations.
Cela concerne l’aménagement d’un environnement qui ne soit pas source de handicaps. Mais aussi
la clarification quant au statut et à la reconnaissance des handicapés avec les conséquences
financières qui en découlent.
Dans notre domaine professionnel, nous devons aussi pointer du doigt les choix parfois irrationnels
faits par les autorités sanitaires ou politiques quand ils menacent, au-delà des finances publiques, la
santé ou la dignité de nos malades. Qui pourrait donc le faire, si ce n’est nous-mêmes ?
20
IV.
LE DEVENIR DU SOIN DU HANDICAP
L’accident ou la maladie, à l’origine du handicap physique ou psychique, sont un moment de
rupture, le moment où tout bascule. Le cours de la vie, les projets, tout est interrompu, se modifie et
bouleverse l’organisation psychique d’un individu qui, comme le disait Verlaine, « ne sera plus
jamais tout à fait le même ni tout à fait autre ». L’équipe soignante doit appréhender ce qui se
déroule au niveau psychique pour l’individu car l’attitude aidante qu’elle adoptera aura des
conséquences sur l’état psychologique à venir du patient. Ainsi, soit nous assisterons pour le sujet
malade à une réécriture de son avenir, soit apparaîtront angoisse, dépression et régression
psychologique qui amèneront le sujet à se réfugier dans la dépendance. Ces deux perspectives
montrent à quel point il est indispensable d’introduire dans nos pratiques la psychologie, les
techniques de relaxation, le sport adapté au handicap, le travail social et l’accompagnement familial.
Le soin de rééducation/réadaptation fonctionnelle est le « soin de la qualité de la vie ». Ce dernier
intitulé contient sa définition toute entière, ce soin consistant :
- A rééduquer ou éduquer, c’est-à-dire à réparer mais surtout à apprendre au patient à utiliser ses
ressources personnelles ou les outils qu’on lui propose pour traiter sa déficience, réduire son
incapacité et supprimer ainsi son handicap.
- A réadapter, c’est-à-dire à aménager la vie pour une adaptation de la déficience à un environnement
parfois hostile qui s’impose au malade.
- A avoir une visée fonctionnelle, c’est-à-dire à dispenser un soin qui permette au sujet de retrouver
tout ou partie de la fonction qu’il a perdu.
Ce soin doit être « écologique », c’est-à-dire qu’il est personnalisé et permettra de restaurer des
capacités nécessaires à une autonomie raisonnable et suffisante, sans nécessairement viser une
réparation anatomique ou scientifique parfaite. Cela est parfaitement vrai dans la vieillesse, qu’il
s’agisse d’un handicapé jeune qui a vieilli ou d’une personne âgée devenue handicapée.
Le soin de « rééducation/réadaptation fonctionnelle » ne peut être que global, lent, adapté à
l’individu et pluridisciplinaire. Prendre en charge le handicap nécessite une culture de
l’interdisciplinarité, du travail en réseau et en équipe, du partage des savoirs et de la polyvalence.
Cela oblige à une ouverture à des compétences nouvelles : la pédagogie, l’apprentissage de
techniques nouvelles et la psychologie. L’interdisciplinarité nous met au carrefour des métiers
médicaux, paramédicaux et sociaux, chacun s’enrichissant de l’expertise indispensable de l’autre.
Et si cette interdisciplinarité a un coût financier élevé, ce serait faire un mauvais calcul que de
rogner sur cet investissement indispensable. Le retour est indéniable sur le plan humain, il l’est
aussi de façon indirecte sur les plans hospitalier, social et familial. Il l’est donc au niveau
économique en général.
V. CONCLUSION :
Il nous faut désormais repenser un handicap que nous prenions en charge auparavant sans grande
perspective à long terme. Le handicap est en effet à appréhender dans un processus de
vieillissement hautement probable, avec l’afflux de populations inhabituelles et dotées de
comorbidités nouvelles. Ceci d’autant plus que les patients d’aujourd’hui et leurs familles ont un
niveau plus élevé d’exigence en termes d’efficacité et de sécurité des soins qu’autrefois. Une
révolution fait donc irruption dans nos pratiques. Cette révolution doit nous amener à réajuster en
permanence nos organisations, les objectifs de nos rééducations, les thérapeutiques et les
appareillages que nous avions l’habitude d’utiliser.
La réorganisation actuelle des services de soins de suite et de réadaptation peut être une chance
donnée à notre spécialité et aux malades qui nous sont confiés.
21
A condition que soit habilement tracée la frontière entre secteur indifférencié et secteur spécialisé.
A condition également que les critères d’accès au soin du handicap ne soient pas des critères
financiers, d’âge, de proximité ou encore de disponibilité de places. Car seuls des critères d’accès
strictement médicaux sont le garant d’une probabilité d’amélioration pour la personne. Eux seuls
permettent qu’à aucun moment il n’y ait, pour le patient, comme on l’observe encore hélas trop
souvent, une perte de chance.
A condition aussi que soit fait un rééquilibrage entre les moyens donnés actuellement à la médecine
technicienne et ceux qui sont encore trop chichement accordés à la médecine que nous pratiquons.
22
LA PLACE DE L’AGE
DANS LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE
DU SUJET EN MPR
Elisabeth Bleuzet, Agnès Bouzon, Denis Chénier,
Jacqueline Cueille, Annick Larnaudie, Jean-Michel Wirotius
Service de Médecine Physique et de Réadaptation
T : 05 55 92 60 05, F : 05 55 92 79 63, P : 06 87 48 37 09
Centre Hospitalier, 19100 Brive
[email protected]
Groupe de travail et présentation du thème le jour du congrès (noms soulignés) : Elisabeth
BLEUZET (IDE), Agnès BOUZON (IDE), Denis CHENIER (cadre de santé), Jacqueline
CUEILLE (Aide Soignante), Annick LARNAUDIE (IDE), Jean Michel WIROTIUS (MPR).
La question de l’âge est centrale en MPR comme pour tout le champ de la santé. L’âge est un
élément constitutif de l’identité de base des patients et a une part importante dans le choix des
parcours de soins. L’histoire de la MPR a bien montré l’influence de l’âge dans les soins d’abord
ciblés sur des populations jeunes, les enfants ou les adultes en âge de travailler. Puis l’âge, dans sa
version de l’avancée en âge, est venue peu à peu s’imposer à la fois par l’intérêt porté au
vieillissement des populations prises en charge à l’origine (par exemple les sujets « polio » et leur
vieillissement) et aussi par le nombre croissant de personnes âgées qui survivent au-delà d’un fait
médical invalidant.
1 – La question de l’âge en MPR
En découvrant la thématique proposée pour le congrès 2009 de l’AIRR, nous nous sommes
demandés de quel vieillissement parlions-nous ? Les personnes âgées source des questionnements
sont celles qui sont très âgées (souvent plus de 80 ans) et chez lesquelles survient un événement les
faisant entrer dans une situation de handicap. Il est alors difficile de démêler ce qui relève du
« handicap » comme dysfonctionnement acquis de façon accidentelle et ce qui est lié à la
dépendance progressive du grand âge.
Pour approfondir la question de l’âge comme élément intervenant dans la représentation des
patients admis en Médecine Physique et Réadaptation (MPR), nous avons choisie d’étudier la place
de la personne âgée devenant handicapée en service de rééducation et réadaptation. Cette question
recoupe les interrogations que nous associons habituellement à l’âge :
Quelle part a l’âge dans la construction identitaire du sujet pour les équipes de soins ?
L’âge est-il celui de la construction identitaire première ? Un sujet connu très jeune par une équipe
peut-il « vieillir » ou conserve-t-il à jamais son âge premier ? L’âge est une donnée qui dans une
période donnée, en particulier celle du temps des soins en MPR, est jugée stable. En effet, même si
l’hospitalisation est prolongée, il n’est pas attendu de variations significatives liées à l’âge. Dans le
temps d’un séjour hospitalier, la variation d’âge est jugée non signifiante. Ceci si l’on veut bien
23
mettre à part les limites d’âges socialement déterminées, comme par exemple le passage du statut
social de personne handicapée à personne âgée à 60 ans.
L’âge est une donnée graduée avec des seuils et des limites. Quels sont les seuils, voire les limites
pour les unités de MPR ?
Pourquoi l’âge est-il considéré par les unités de MPR comme un facteur possible de non-indication
d’admission ? Nous avons connu dans une période encore récente un accueil privilégié des patients
jeunes. Souvent, entre deux projets d’admission, c’est le sujet le plus jeune qui est privilégié. Est-ce
en raison du potentiel fonctionnel supposé, de la valeur des corps selon l’âge ?
L’âge est-il un élément important de la catégorisation des patients ? En quoi l’âge est-il une valeur
positive ou négative pour la MPR ?
La hiérarchie des facteurs identitaires pourrait être liée à leur plus ou moins grande pertinence vis-àvis de la quantification des soins à venir, et à leur niveau de stabilité par rapport à la catégorie.
L’âge peut-il être une catégorie en MPR ou n’est-il pas assez fiable pour être prédictif ?
Pour alimenter notre réflexion, nous avons listé les éléments qui exercent une influence reconnue
dans cette problématique.
1/1 Les notions de « handicap », dépendance et autonomie confrontées à l’âge
Le « handicap » en MPR est la somme des altérations fonctionnelles, analysées dans leur singularité
et dans leurs interactions, qui retentissent sur la qualité de vie de l’individu. Bien souvent, nous
abordons en première intention la personne âgée sous l’angle de la dépendance, pour aller vers la
recherche de l’autonomie, essentielle en ce qu’elle permet à la personne de « se gouverner ellemême » et qui devient alors la priorité. C’est la compensation des incapacités qui prédomine avec la
recherche des ressources à développer.
1/2 Les déterminants médicaux et sociaux qui influencent la situation de la personne âgée
Ils sont nombreux, nous citons : (1) les polypathologies génératrices d’incapacités ; (2) les craintes
liées au vieillissement se focalisant en priorité sur la perte d’autonomie et de mémoire ; (3) le risque
d’isolement lié à l’éloignement familial ; (4) l’augmentation démographique des plus de 85 ans
portant la dépendance au rang des problématiques de santé publique ; (5) l’organisation du système
sanitaire et social abordant la réponse aux besoins des personnes âgées sous deux angles distincts :
la perte d’autonomie ou la situation de handicap ; (6) le lieu de vie des personnes âgées souvent
inadapté aux conséquences du handicap. Ainsi, le vieillissement génère des contraintes diverses qui
doivent être prises en compte dans les soins d’une personne âgée devenant handicapée.
Pour poursuivre notre réflexion, nous avons analysé l’influence de l’âge en tant que facteur
identitaire dans le projet de soins en rééducation réadaptation. Nous avons construit une enquête à
destination des personnels intervenant dans le service de MPR du centre hospitalier de Brive, afin
d’identifier leurs représentations au regard de l’âge comme facteur intervenant dans la prise en
charge des soins des personnes en rééducation réadaptation.
24
2 – Analyse des résultats d’un questionnaire sur la construction identitaire des patients en
MPR : l’âge comme catégorie pertinente.
Nous abordons ici la partie du travail sur la construction identitaire des patients en MPR. L’âge estil une catégorie pertinente pour une équipe en MPR ? Notre introduction invite à une première
réponse positive, mais peut-on en préciser davantage la place ?
La construction des catégories en MPR reste un travail en réflexion et en devenir. Comment dans
ces unités de soins hospitalières, les professionnels construisent-ils les catégories pertinentes ? Les
catégories communes dans le champ de la santé comme les maladies (Classification Internationale
des Maladies) sont-elles tout aussi essentielles en MPR ? On évoque l’existence de Classifications
des Handicaps (version CIH puis CIF) et la nécessaire approche autour des fonctions plus que des
lésions. Mais en pratique comment faisons-nous dans notre quotidien pour catégoriser ? Nous
souhaitons dans ce travail aborder la question de l’âge comme élément de catégorisation des
patients en MPR. Pour poursuivre notre recherche, nous avons proposé à nos collègues de l’unité un
questionnaire qui met en scène l’âge au milieu d’autres composantes identitaires topiques. Nous
analysons le résultat des 32 questionnaires retournés et nous proposons après l’exposé des résultats,
quelques réflexions et commentaires.
2/1 - Le questionnaire proposé aux personnels du service de MPR du CH de Brive
Figure 1 : Le questionnaire proposé aux membres du service de MPR du Centre Hospitalier
de Brive
Le questionnaire, constitué d’une feuille recto-verso, comprend deux parties ; la première renseigne
sur l’identité professionnelle des répondants et la seconde sur l’opinion des membres de l’équipe sur
les composants identitaires en termes quantitatifs et qualitatifs. Le recueil s’est déroulé dans le
premier trimestre 2009 au sein d’une unité de MPR située dans un hôpital général, comprenant 30
lits et les diverses activités spécifiques de ces services. Le recrutement des patients correspond à
toutes les pathologies, tous les âges et tous les niveaux de dysfonctionnement du corps.
2/2 – Le tri à plat des questionnaires
Le tri à plat a été réalisé pour les 32 questionnaires retournés sur un fichier Excel avec ensuite un
traitement graphique et statistique des données.
La retranscription des questionnaires comprend : (1) La numérotation des questionnaires ; (2) La
fonction professionnelle du répondant en abrégé (IDE, Aide-soignant, K, …) ; (3) L’âge des
répondants : (1) pour 20-30 ans, (2) pour 30-40 ans, etc. 3, 4, 5 ; (4) l’ancienneté des professionnels
25
en MPR en chiffre : ex « 8 » pour 8 ans ; (5) Les facteurs identitaires retenus : lorsqu’ils sont
cochés, on note le chiffre 1 dans la case correspondante, on ne note rien autrement. (6) Les facteurs
identitaires selon l’importance ressentie en notant le chiffre de 1 à 5 dans la case correspondante au
choix ; (7) L’explication du choix : le chiffre 1 note la présence d’un texte explicatif. Ces tris à plat
ont permis une analyse statistique des données.
Les deux indicateurs utilisés pour analyser l’âge comme catégorie sont dans cette étude
correspondent à une approche quantitative et qualitative.
Le poids absolu de la catégorie, dont l’âge correspond au nombre de fois où l’item a été librement
choisi par les professionnels. L’analyse est proposée sous la forme d’un pourcentage : si l’item est
toujours choisi dans les réponses, alors le pourcentage est de 100%. Il s’agit ici d’un repère
essentiellement quantitatif.
Le second indicateur est un repère plus qualitatif évaluant pour chaque item son poids, non plus
absolu, mais relatif. Les professionnels ont hiérarchisé les items choisis de 1 à 5 : le chiffre moyen
pour chaque item représente ainsi sa plus ou moins grande intensité affective (près de « 1 » la valeur
affective est très grande, près de 5 elle est plus faible).
2/3 – Les résultats
Nous proposons les résultats sous la forme de tableaux et de figures qui synthétisent les données.
Tous les professionnels n’ont pas répondu, mais les questionnaires complétés proviennent de
l’ensemble des membres de l’équipe dans leur diversité.
Tableau 1 : Le nombre de questionnaires remplis selon les professions (MPR - CH Brive)
Professions
Répondants Total
Prothésiste
1
2
Ergothérapeute
3
3
Médecin
1
4
Psychologue
2
2
Cadre de santé
2
2
Kinésithérapeute
3
3
Psychomotricien(e)
1
1
Infirmièr(e)
7
11
Aide soignant(e)
8
14
Agent des services hospitaliers 4
8
(ASH)
Total des professionnels
32
50
[Répondants : les professionnels de l’unité de MPR qui ont répondu au questionnaire ; Total :
le nombre total des professionnels intervenants dans le service de MPR]
Le Tableau 1 cite les membres du service de MPR selon leur profession d’origine. Tous ont été
sollicités et 60% d’entre eux ont complété et retourné le questionnaire complété.
26
Tableau 2 : Age des professionnels répondant
Age
des
répondants
Plus de 60 ans
De 51 à 60 ans
De 41 à 50 ans
De 31 à 40 ans
De 20 à 30 ans
professionnels Nombre
1
6
12
8
5
Total des professionnels
32
Le Tableau 2 informe sur l’âge des professionnels. L’ancienneté des professionnels en MPR est
diverse, mais pour la majorité il s’agit d’une équipe qui a une large expérience du « handicap » en
milieu sanitaire. La moyenne en années de présence en MPR est de 9,1 ans avec un écart type de 7,
une médiane de 9,5 ans, une valeur maximale de 30 ans et une valeur minimale de 0,5 ans.
Figure 2 : La dimension quantitative des items de l’aura identitaire des patients en MPR
La Figure 2 illustre la part de chaque élément de l’aura identitaire. Plus le pourcentage noté pour
l’item est élevé, plus souvent le choix correspondant est cité par les professionnels. La dimension
« maladie » est la plus forte sur le plan identitaire. C’est la question rituelle posée à l’entrée dans un
service : « qu’est-ce qu’il a ? ». Elle est représentée par la lésion, sa localisation et sa cause et les
antécédents. Le devenir, l’« après » est aussi l’une des toutes premières questions, tant la notion du
parcours rééducatif est prenante. L’âge vient ensuite et fait ainsi parti du top 3 de l’aura identitaire :
en premier, l’affection médicale en cause, en second le devenir, et en troisième position, l’âge.
Interrogeons-nous : est-ce ainsi que nous posons les questions à l’entrée à nos collègues qui ont déjà
rencontré les patients ?
27
I
II
III
IV
Figure 3 : Données qualitatives sur les items identitaires des patients en MPR.
La Figure 3 met en place sur le plan « qualitatif » la notion d’âge dans le processus de
catégorisation. L’âge appartient à tout à la fois à la catégorisation médicale et à la catégorisation
sociale. Mais pour les répondants, l’âge semble être davantage attiré par la catégorisation sociale. Il
y a ainsi quatre zones qui se dessinent : la zone I correspond à la catégorisation médicale,
ontologique (le corps du dedans), la zone II à la catégorisation sociologique (le corps du dehors), la
zone III à la catégorisation morphologique (le corps en surface, sa forme) et la zone IV à la
catégorisation historique (l’histoire du corps). L’âge appartient à deux registres, médical et social et
semble être à la frontière des deux catégories. En effet, il renseigne de façon générique, tant la
situation sur le plan de la santé que sur celui de projet social.
Les résultats ont pu être ré-analysés selon trois caractéristiques : (1) le travail au sein de l’équipe
soignante ou de ce que l’on nomme le plateau technique, (2) l’ancienneté en service de MPR et (3)
l’âge des professionnels. Pour l’âge, nous n’avons pas noté de différences significatives.
2/4 – Les commentaires
2/4/1/ Sémiologie en MPR et catégorisation
L’organisation du sens en MPR peut-être abordée de différentes façons. Nous avons privilégié dans
notre réflexion clinique, deux directions : celle de la sémiologie car elle est au cœur des pratiques
soignantes comme pour toutes les activités médicales et la catégorisation qui propose quelques
repères identifiés, quelques cailloux blancs pour que tous les petits poucets de la réadaptation
puissent retrouver un chemin familier pour accompagner les patients.
La sémiologie en MPR comprend deux temps d’analyse : un temps immédiat, dans les premiers
instants de la rencontre et de la présence du patient. C’est de cette construction identitaire topique
dont il est ici question. Le second temps est beaucoup plus long et s’évalue non plus en minutes,
mais en jours et en semaines. Les professionnels de MPR apprécient alors dans l’interaction avec
l’équipe, dans l’environnement d’un service et du déploiement d’activités, les conduites d’un sujet
confronté à des difficultés fonctionnelles. Le Tableau 3 synthétise cette démarche sémiologique
avec la colonne de gauche qui met en scène l’identification des sujets en termes de système et une
seconde colonne à droite qui identifie le sujet dans un procès qui met en jeu l’espace et le temps. La
stratification horizontale témoigne d’une démarche générative qui va de la profondeur des
significations vers la surface de leurs expressions. Notre propos vient ici illustrer la question des
classificateurs sémantiques qui se situe à un niveau figuratif, ç’est à dire immédiatement accessible
aux sens.
28
Tableau 3 : La sémiologie en MPRi
Le parcours des significations en rééducation
Les fonctions en MPR sont au nombre de 5 : motrices, cognitives, fondamentales (urinaire,
intestinale, nutritionnelle, etc.), sensorielles, émotionnelles. Les deux colonnes sont à gauche pour
Hjelmslev le système, pour Greimas la sémantique et à droite pour le premier le procès, pour le
second la syntaxe.
Dans l’approche sémiologique, les classificateurs sémantiques sont ceux qui se mettent en jeu dès le
premier contact avec le sujet accueilli en MPR. La présence physique du sujet est indispensable à
cette construction identitaire première ou au moins la rencontre avec un ou des membres de l’USM.
L’unité sociale minimale est représentée par ce que l’on nomme communément « la famille ». Dans
ce sens recevoir la « famille » en entretien, c’est presque « voir » le sujet comme un membre de
cette entité affective, sociale et économique de base. En MPR le sujet n’est plus seulement un corps
du dedans (objet de la part médicale de la MPR) mais aussi un corps du dehors socialisé qui
s’articule avec d’autres corps avec des liens complexes et qui ne sont pas seulement affectifs. C’est
pour l’essentiel le partage d’un parcours de vie, d’un destin collectif.
Tableau 4 : Les classificateurs sémantiques en MPR
[Moi vs soi, Fontanilleii]
Dans le chapitre de l’identité l’ « existence » représente les divers positionnements stéréotypés du
sujet (comme le sexe, l’âge…). C’est une définition topique du sujet que l’on construit dans la
rencontre immédiate au moment même du contact. Pour rendre compte de ces dimensions faites de
clichés, nous utilisons la notion d’aura qui
est cette enveloppe qui entoure le sujet en cercles concentriques : d’abord l’aura corporelle, puis
l’aura familial et enfin l’aura sociale.
29
Tableau 5 : L’aura du sujet (corporelle, familiale et sociale) et son existence topique.
2/4/2/ La maladie et le handicap
Notre propos concerne les catégories qui contribuent à l’arrivée du sujet en MPR à sa construction
identitaire. Dans cette construction, le propos de notre enquête est d’illustrer la question de
l’« âge ». Les informations recherchées par les professionnels en termes de catégories, sont celles
qui ont le meilleur rapport entre le type de données, leur stabilité et la charge de travail attendue
pour l’équipe.
L’analyse montre que dans cette construction identitaire la catégorie de la « maladie » est
essentielle. Elle est hiérarchiquement première, en référence à la pathologie, à la cause du handicap
et à toutes les affections dont le sujet est porteur. C’est la question rituelle et incontournable : il a
quoi l’entrant ? Le handicap dans sa dimension sanitaire est en tension avec la maladie et
représente la somme des dysfonctionnements du corps que nous décrivons sur les plans analytiques
et syntaxiques.
Figure 4 : La maladie et le handicap
La maladie survient et elle impose sa marque de façon décisive sur le plan identitaire avec une
dimension émotionnelle et synchronique. Elle est nommée par rapport aux autres affections dans le
système des maladies : elle dit en positif l’affection en cause, et par déduction, ce que çà n’est pas.
Par exemple, dire que le sujet hémiplégique a fait un AVC ischémique veut aussi dire que la lésion
cérébrale n’était pas hémorragique, ni secondaire à une tumeur. Le handicap dans sa représentation
en MPR (la somme des fonctions et des dysfonctions) est diachronique : comment ces fonctions
30
vont-elles évoluer dans le temps ? A quel degré de fonctionnement le sujet va-t-il parvenir ? Chaque
sujet en MPR s’inscrit dans une dualité de valeurs : celle de la maladie et celle du handicap qui ont
pour particularité, pour l’essentiel, de s’ignorer, l’une l’autre.
2/4/3/ L’âge dans sa version identitaire et topique :
(a) - Le « prim-âge » est la notion d’un âge que l’on « fige » au moment de l’accueil du patient dans
le service. Ce prim-âge serait préservé tout au long du suivi du patient en MPR. Par exemple, un
sujet dont la construction identitaire en MPR se fait à un âge très jeune, ne va pas « vieillir » mais
toujours rester ce sujet jeune alors connu au moment du premier contact. Nous avons soulevé cette
question lors de l‘observation de nos comportements professionnels. Par exemple, nous nous
sommes interrogés sur le « tutoiement » d’un sujet âgé de plus de 40 ans que nous avons connu
alors qu’il s’éveillait de son coma, vingt ans plus tôt. D’autre part, au cours d’une hospitalisation en
MPR même longue, l’âge n’est pas perçu comme une donnée qui se modifie.
(b) - L’âge comme valeur catégorielle
L’âge est une donnée qui s’analyse de façon multiple. L’âge actuel est celui qui est observé dans le
moment vécu et qui correspond à l’aspect général du sujet. L’âge réel correspond à la chronologie.
C’est l’âge au moment de l’admission du patient. L’âge différentiel est l’âge réel – l’âge actuel. Il
peut-être positif, il paraît plus jeune que son âge ou négatif, il paraît plus vieux que son âge.
Tableau 6 : Les âges en MPR
Pluriel (générique)
Numérique Réel (chronologie - avoir)
Analogique Potentiel (avoir dans
l’avenir)
Singulier (unique)
Actuel (apparence - faire)
Différentiel
(faire
moins/plus)
Prenons l’exemple de monsieur X qui « a » 40 ans d’âge « réel ». Mais, il en « fait » 60 d’âge
« actuel ». Il lui reste un temps à vivre, un « potentiel », c’est son « devenir ». Il fait plus ou moins
que son âge, c’est un « différentiel ». Il est « parvenu » au moment de l’accueil en MPR avec cet
aspect physique. La colonne du pluriel, du générique correspond à la signification générale,
mécanique de l’âge. C’est un champ « perfectif » qui indique ce qui a eu lieu mais et qui est terminé
au moment de l’arrivée dans le service. La colonne du singulier, de l’unique correspond à la
situation singulière du sujet par rapport à l’âge. L’« imperfectif » note la situation actuelle et son
ouverture vers un avenir. Ainsi la première colonne représente un plan d’expression qui correspond
au générique et à l’accompli, et la seconde colonne est un plan du contenu qui apporte des
significations singulières liées à l’écart perçu entre l’âge réel et l’âge actuel.
Age réel
Le différentiel (parvenir)
Age actuel
Le potentiel (devenir)
Figure 5 : L’âge et ses composants.
(L’âge actuel dans ce schéma est proposé supérieur à l’âge réel, mais la situation peut se
présenter selon deux autres modalités : la coïncidence des deux âges ou encore un âge actuel
inférieur à l’âge réel).
31
Nous avions dans un précédent travail montré que dans la langue commune comme au niveau
social, l’âge comme catégorie s’opposait au handicap comme autre catégorie. Dans ces
représentations, l’âge correspondait à une situation générale non singulière par rapport au handicap
toujours singulier et individuel.
En effet « avoir 80 ans » a une signification en soi sur le plan humain et social en dehors de toute
connaissance du sujet. Mais lorsque se déroule le processus identitaire, alors on va retrouver une
part de singularité par rapport aux représentations communes liées à l’âge : « il fait beaucoup moins
que son âge, on lui en donnerait 70 ».
Figure 6 : La séquence « personnes âgées » / « personnes handicapées »
(JM Wirotius, 2008 iii )
En principe les « catégories » sont plutôt choisies parmi les faits les plus stables et qui concentrent
le maximum d’informations pertinentes à partir d’une notion générique partagée. Alors pourquoi
l’âge est-il parmi les faits catégoriels les plus importants ?
L’âge renseigne sur les composantes sociales. Selon l’âge, les questions se posent différemment
pour le travail, la disponibilité du conjoint, les ressources… L’âge semble moduler les autres
paramètres identitaires : pour les aspects médicaux, du devenir…
L’âge est à l’intersection de deux champs catégoriels : le champ médical et le champ social. Sur le
plan médical l’âge a du sens et c’est ainsi que la gériatrie s’est développée en attestant d’une
spécificité des soins du corps âgé et sur le plan social aussi l’âge à du sens : les activités, les droits,
la structure familiale, les ressources, l’organisation du temps… sont aussi en rapport à l’âge.
Tout ce qui influe sur la temporalité, influe sur l’analyse en MPR. Si le sujet est très âgé alors se
pose la question de ses capacités dans les temps à venir et de l’usage qui sera fait du temps à venir.
Le sujet va-t-il disposer du temps nécessaire, souvent long, à une évolution possible en
réadaptation.
L’âge est une catégorie moins stable, donc en partie moins informative, que la catégorie liée à la
pathologie. Pourtant son impact est très important dans la construction identitaire. Par sa situation à
l’interface des composantes médicales et sociales, l’âge occupe une place centrale et justifiée dans
l’analyse de l’aura du sujet accueilli en MPR.
3 – Les conclusions
Quels enseignements tirer de cette étude pour la démarche de soins ?
L’âge participe de façon effective et importante à la catégorisation des patients en MPR. Cette
catégorie se place à l’intersection des données médicales et des données sociales. Malgré sa
variabilité incessante, l’âge qui s’inscrit dans le temps qui passe, est figé par l’équipe de MPR
(notion de prim-âge) et classé selon de multiples aspects en âge réel et âge actuel. Les divers
32
professionnels de MPR ont par rapport à l’âge comme catégorie une position homogène qu’ils
situent par son importance, juste après les repères médicaux et lésionnels.
L’âge est un facteur majeur dans la construction identitaire de la personne soignée en MPR, tant
pour le déroulement du parcours de soins, que pour ses incidences médicales et sociales et pour les
valeurs en jeu auprès des équipes. Les enjeux pour les personnes âgées en MPR se situent (1) au
niveau de la légitimité et de l’utilité de l’hospitalisation dans ce type d’unité, ce sont les questions
de pré-admission ; (2) puis à l’arrivée, en post-admission dans la part prise par l’âge dans les
représentations médicales et sociales, dans les projets de soins.
Tous les acteurs concernés, la personne âgée, sa famille et les soignants doivent effectuer un travail
sur leurs représentations, donc sur leurs valeurs, afin d’accompagner la personne âgée de manière
efficace.
Le travail auprès de la personne âgée :
La reconnaissance de sa capacité à faire des choix constitue un élément déterminant pour mobiliser
l’investissement de la personne dans le processus de rééducation réadaptation. La qualité de la
relation soignant/soigné permet à la personne de se sentir dans une situation de sécurité rendant
possible l’investissement. Aide et soutien psychologique deviennent un soin signifiant par les
repères qu’ils donnent à la personne âgée.
Le travail auprès de la famille :
La survenue d’un handicap chez une personne âgée cristallise pour ses enfants la responsabilité
qu’ils ont à l’égard de leurs aînés. Les décisions que la famille est amenée à prendre pour le devenir
peuvent être source de culpabilité. Les soignants doivent accepter que le temps d’adaptation
psychologique de la famille à l’évolution de l’état de santé de la personne âgée fasse partie du
processus de soins. L’accompagnement de la famille nécessite de l’informer sur ce que veut dire la
réadaptation. Aider la famille à identifier les réserves fonctionnelles de la personne âgée de manière
la plus claire et réaliste possible est également nécessaire. Le temps de l’accueil et les échanges au
cours du séjour sont des moments propices à l’accompagnement du cheminement d’adaptation au
handicap.
Le travail d’analyse au sein de l’équipe de soins :
Les soignants ont besoin de mettre du sens aux soins. La légitimité des soins passe d’abord par une
réflexion sur le processus de rééducation réadaptation. Revenir aux concepts animant la pratique au
quotidien est certainement un moyen d’y arriver. L’utilité est ensuite reconnue par la connaissance
des besoins et ressources de la personne âgée. Objectiver les réserves fonctionnelles de la personne
permet de déterminer des objectifs de soins réalistes et adaptés à son devenir. Le but ainsi déterminé
avec l’équipe pluridisciplinaire permet de repérer la faisabilité du projet de soins. La mobilisation
de l’énergie des soignants est alors possible car l’utilité est clarifiée.
La rééducation réadaptation s’appuie sur des valeurs qu’il nous faut sans cesse rappeler. C’est par
ce questionnement autour du « pourquoi faire » que nous pouvons aboutir au « comment faire » en
vue de « bien faire ».
REFERENCES
Wirotius JM : La sémiologie des handicaps en MPR. Limoges, Editions LambertLucas, 2009 (sous presse).
1
Fontanille J : Soma et sema, figures du corps. Paris, Maisonneuve & Larose, 2004.]
1
Wirotius JM : La vieillesse et le handicap dans les textes réglementaires et le
discours médical. In Les âges de la vie, I Darrault-Harris, J Fontanille ed, Paris, Puf,
2008. Pp : 130-145.
33
PROJET PERSONNALISE DANS UNE
INSTIUTION POUR PERSONNES AGEES
HANDICAPEES
Monsieur S. Carnein, Chef de service et Responsable Pôle,
M. Colin, Directrice des Soins,
Centre de Repos et de Soins, Colmar
Approche sémantique
1) La qualité de la vie (WHOQOL)
ª Perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, selon :
- contexte de la culture
- système de valeur
- objectifs, attentes, normes et inquiétudes
ª Concept influencé
- par la santé physique
- par l’état psychologique
- par l’autonomie
- par les relations sociales
2) Objectifs du projet de vie individualisé
ª Accompagnement du résident
- dans son contexte
- selon ses demandes et souhaits
- selon son histoire personnelle
ª Négociation permanente
ª Réaffirmer la citoyenneté
3) Plan d’action cohérent, pertinent et individualisé
ª Adossé au projet d’établissement
ª Elaboration
ª Mise en oeuvre
ª Suivi évalué du développement personnel
4) Équipe pluri professionnelle
ª Acteurs de culture et de sensibilité différentes
ª Fédérés par un pilote
ª En lien avec le résident
Approche opérationnelle
1) Les étapes
ª Choix du résident
ª Entretien avec le résident
- collecte d’informations
- habitudes de vie
- souhaits et demandes
outil : guide d’entretien général
34
ª Entretien avec les aidants
- réunion de synthèse
- entretien avec les familles
ª Grille d’évaluation
- autonomie physique
psychique
sociale
AGGIR, SMAF, MIF…
grilles spécifiques (dépression, douleur…)
ª Sollicitation des potentialités et des compétences du résident
points forts / points faibles
2) Élaboration du projet
a) définir les priorités d’action
b) définir les objectifs du projet sur un an
3) Préparation des éléments qui organisent le suivi du projet personnalisé et
l’évaluation du projet
ª Résultats attendus
ª Critères d’évaluation
ª Définir les échéances de l’évaluation
4) Rédiger le projet
ª Le pilote rédige le projet
5) Consulter le résident
6) Mise en œuvre du projet
ª Initial
ª Modification accompagnant des données fluctuantes (état de santé, état de cognition, situation
familiale ou sociale)
7) Suivi et évaluation du projet
a) Le suivi
- adaptation des prestations
- Les outils du suivi
- grilles d’évaluation initiales et d’évolution
- entretien individuel du suivi
- fiche d’observation du personnel
- Méthodes et échéances : impact du projet par rapport à la finalité poursuivie
- informelle
- formelle et programmée
- Gestion des modifications documentaires
- lisibilité
- traçabilité
b) L’évaluation
- mesure de l’impact du projet par rapport à la finalité poursuivie
mesure de l’écart entre les résultats réels et attendus
8) La prise de décision de phase décisionnelle
ª Reconduction du projet
ª Réajustement simple
ª Changement d’orientation
ª Abandon du projet
35
Approche ergonomique
- Réunion de concertation institutionnalisée entre les professionnels
- pilotage
- ordre du jour
- compte rendu
- Coordination inter professionnelle dans le plan d’action
Définir les objectifs et les actions
- La place de chacun dans l’équipe pluri professionnelle
- position active = terrain
- position neutre = pilote
- position de retrait = aidants non professionnels
- Assurer la mobilisation de l’équipe et l’organisation du projet contre les obstacles et
l’échec méthodologique du projet
- faisabilité
- réalisme
- poser le cadre et les limites
- Réorganiser les schèmes du travail
- au profit du résident
- lutter contre la « sécrétion » des organisations en faveur des équipes
Approche règlementaire
- Loi du 24 janvier 1997 (97-60) PSD
- Loi de 2002
Art. 7
- Loi du 22 juillet 1992 (92-684)
Approches conclusives
- Les demandes et souhaits prennent le pas sur les organisations figées.
- La construction individualisée, le plan d’action spécifique et l’évaluation périodique sont
des étapes incontournables.
- Les dérives nécessitent un centrage régulier et organisé.
- L’organisation du travail « tayloriste » n’est plus acceptable.
- Réalisme et pérennité sont deux écueils majeurs.
- La remise en cause des pratiques professionnelles constitue la clé de voûte du projet
individualisé et donc évolutif.
36
ADULTES HANDICAPES – PARENTS AGES : VIVRE
AUTREMENT
Emmanuel BONNEAU – Directeur
Christine ARNAUD - Infirmière
La Maison d’Accueil Familial ‘Marie-Claude Mignet’
Le phénomène grandissant des personnes handicapées arrivant à un âge avancé soulève des
questions nouvelles qui interrogent les structures habituelles d’accueil des personnes handicapées et
des personnes âgées. L’augmentation importante de l’espérance de vie constatée ces dernières
décennies rend parfois caduques les schémas de pensée et les solutions qui ont fait leurs preuves
dans la mouvance créatrice des années 1970-1975 trouvent aujourd’hui leurs limites. Face à ce
nouveau défi qu’est l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées âgées, nous sommes
maintenant contraint d’inventer rapidement des réponses innovantes. Celles-ci ne peuvent pas faire
l’économie de l’écoute des familles. Car elles nous demandent de leur proposer des solutions
idéales, le plus proche possible de ce qu’elles ont rêvé sinon de mieux (on ne fera jamais aussi bien
qu’elles) du moins de moins pire pour leur enfant.
Pendant notre propos nous allons être énormément gênés par un problème de
vocabulaire. Il n’existe pas de mot générique dans la langue française (du moins courante) pour
désigner ‘l’enfant adulte’ de quelqu’un. Fils et fille renseignent sur la filiation et le sexe. Ils ne
disent rien de l’âge. D’une façon générale, on va plutôt être amené à utiliser le mot enfant. Toute
notre vie, nous sommes les enfants de nos parents et dans le même temps, enfant renvoie à
l’enfance. Il n’est pas idéal pour désigner une personne de 50 ans. Qui plus est, quand les parents
eux-mêmes désignent leur descendant handicapé, il est difficile de savoir si le mot mon enfant
signifie un fils ou une personne restée à l’âge de l’enfance. Lorsque j’utiliserai le mot enfant, je
vous demande de bien vouloir l’entendre dans le sens du fils ou de la fille de ses parents, mais en
imaginant bien qu’il a entre 37 et 62 ans, l’écart d’âges de adultes handicapés résidant à la
Maison d’Accueil familial ‘Marie-Claude Mignet’.
Depuis toujours les parents d’enfant handicapé portent la question de l’après-eux : ‘que deviendra-til quand nous ne serons plus là ?’ Autrefois cette question trouvait le plus souvent sa réponse dans
l’espérance de vie défavorable des personnes handicapées. Cette mort étant parfois vécue comme
une libération pour les parents mais aussi la fratrie et l’entourage, parfois même comme la réponse
espérée.
Avec les progrès de la médecine et des conditions d’accueil, l’espérance de vie des personnes
handicapées a peu à peu rattrapé la moyenne de tout un chacun. Désormais les parents peuvent
espérer ou craindre selon les cas que leur enfant leur survive. C’est un phénomène nouveau qui
interroge non seulement les institutions existantes mais aussi les savoirs et les pratiques
professionnelles.
Quelle réponse inventer quand la famille ne s’est pas ou peu séparée ? Que la vie l’un sans l’autre
n’est pas envisageable ? Et que l’âge et la dépendance des parents ne leur permettent plus de
répondre à leurs propres besoins et à ceux de leur enfant dépendant ? Quel soulagement apporter
lorsque l’angoisse du devenir de l’enfant devient la principale préoccupation de la journée ?
Les expériences vécues régulièrement par les institutions lors de l’accueil tardif d’un adulte
handicapé qui vit simultanément la mort du dernier parent, le départ de la maison familiale et la
37
découverte de la collectivité nous incitent à rechercher le plus tôt possible des solutions permettant
la séparation. Cette démarche s’inscrit dans une logique dominante et repose sur des théories
psychanalytiques de séparation-individuation.
Qui sont les familles qui vivent cette situation ?
Venant de toutes les couches de la société, il n’est pas possible de définir un profil
sociologique type. Les motivations ou les contraintes qui les ont amenées à assurer pendant toute
une vie l’accompagnement quotidien de leur enfant handicapé sont propres à chacune d’elles et
même, au sein du couple, à chacun des parents.
On y trouve des motivations spirituelles (don ou croix), des représentations du rôle social
des parents (on assume), des projections personnelles (personne ne saura faire aussi bien que moi ;
je suis coupable de l’avoir fait naître)…
On y trouve aussi des situations de ‘non choix’ : défaut d’établissement adapté, retrait des
institutions suite à des maltraitances, fin de prise en charge, déménagement …
Le point qui les réunit est cette question, évoquée plus tôt, qui les taraude depuis la survenue
du handicap : ‘Que deviendra-t-il que nous ne serons plus là ?’
Chaque famille a cherché des réponses, le plus souvent par une tentative échouée d’un passage de
relais à des professionnels, parfois en s’en remettant à la providence, parfois en comptant sur un
relais par la fratrie … A ce titre nous constatons que les frères et sœurs portent la même inquiétude
de l’avenir. Ils craignent par-dessus tout de devoir accueillir chez eux un adulte handicapé, au sein
de leur propre famille, avec leurs enfants et leur conjoint, dans un lieu qui n’a pas été prévu pour. Ils
se sentent souvent investis d’une mission dont ils ont conscience qu’elle est contre nature, et qui les
met dans un conflit de loyauté vis-à-vis de leurs parents, de leur frère et de leur propre famille. Des
situations très compliquées peuvent même apparaître quand des promesses ont été faites aux
parents, parfois sur leur lit de mort.
Bien sur, on nous dit souvent que la prise en charge de la personne handicapée par une
structure spécialisée, et ce le plus tôt possible, résout ce problème. L’enfant grandit, plus ou moins
loin de ses parents (comme tout un chacun – c’est normal) et c’est même profitable pour tous. Que
d’accueillir la famille et lui permettre de vivre ensemble jusqu’au bout du chemin ce qui a fait le
sens de leur vie c’est refuser de voir la réalité en face et nier ce qui serait bien pour l’adulte
handicapé : vivre éloigné de ses parents.
Je renvoie alors ces questions : qu’est-ce qui justifie que l’on inflige à une personne de 80 et son
enfant de 50 la douleur d’une déchirure à des personnes qui n’ont rien demandé d’autre que de vivre
ensemble ? Quel sens cela peut-il avoir pour eux ? Le passage à l’acte de la séparation produira-t-il
davantage de bien que de mal aux personnes concernées ? ne sommes-nous pas en train de mettre
en avant la théorie plutôt que la personne ? Force est de constater que j’ai finalement peu de réponse
satisfaisantes et étayées, y compris de la part de nos plus virulent détracteurs.
Pour notre part, après avoir entendu les demandes de ces familles, parlé avec elles de leurs
conditions de vie, et intégré l’idée que pour certaines familles la séparation n’a jamais été possible,
ou ne l’est plus maintenant, nous avons créé un établissement susceptible d’accueillir ces familles,
c'est-à-dire à la fois l’adulte handicapé et ses parents. A leur entrée dans l’établissement nous
prenons vis-à-vis d’eux les engagements suivants :
- accueillir la famille telle qu’elle se présente, avec son histoire, son projet, ses habitudes …
- offrir un accompagnement individualisé à chacun de ses membres
- accompagner jusqu’en fin de vie
- maintenir l’enfant dans l’établissement après le décès de ses parents, sans limite d’âge ni
de dépendance
38
Ainsi à la Maison d’Accueil Familial nous sommes confrontés à deux type de familles :
celles qui n’ont jamais pu se séparer (quand je dis ça, je parle surtout des parents) et celles qui ont
essayé mais pour qui ça n’a pas marché et qui ne le souhaitent plus. Les deux situations reviennent
finalement au même puisque la vieillesse venant, les uns et les autres se trouvent face à un avenir
angoissant. Qu’importe comment ils en sont arrivés là, il devient urgent de leur apporter une
réponse définitive à La Question.
Les premières citées, ceux qui n’ont jamais pu se séparer, ils ont été désignés par les
courants psychologiques qui ont façonné les travailleurs sociaux comme maltraitant car empêchant
leur enfant de devenir l’être unique, séparé de sa mère. Pour autant, non seulement nous devons
constater et accepter que pour certaines familles, la séparation a été impossible mais également que
l’enfant handicapé n’en a pas forcément souffert. En disant cela, je ne dis pas qu’il n’aurait pas pu
avoir une vie plus épanouie, qu’il n’aurait pas pu développer d’autres compétences, qu’il n’aurait
pas pu découvrir le monde autrement. Je dis simplement que même si la fusion l’a empêché de
développer totalement sa propre identité il n’en a pas forcément souffert ne sachant pas ce qu’il
manquait. Les adultes handicapés que nous rencontrons donc à la Maison d’Accueil familial sont
plutôt bien dans leur peau et ne nourrissent pas de regret par rapport à une autre vie qu’ils auraient
pu avoir.
Les secondes se présentent à nous avec une expérience malheureuse de la rencontre avec le
professionnel. A des périodes souvent charnières leur vie, les professionnels n’ont pas été à la
hauteur des attentes des parents. A priori rien ne leur garanti que nous serons ‘meilleurs’ que les
autres. Ils nous observent et nous demandent de faire nos preuves.
Quelle réponse leur apporte la Maison d’Accueil Familial ‘Marie-Claude Mignet’ ?
La séparation psychique et/ou physique n’est pas un objectif en soi. La séparation arrivera, c’est une
certitude, au plus tard au moment du décès de l’un ou l’autre. A minima, nous avons pour ambition
d’arriver à ce que, au moment de la mort, l’enfant se sente autorisé à survivre à ses parents.
Pour autant cette question est centrale dans l’accompagnement. La distance entre les personnes de
la famille, c’est l’espace de l’intervention des professionnels, le lieu du tiers aidant, respectueux de
la cellule familiale et des personnes qui la compose aujourd’hui, mais aussi garant de la continuité
après la mort…
Notre axe de travail est donc quand même de "rentrer" dans une relation qui des fois est tellement
fermée ou recluse sur elle-même qu'il n'existe pas d'espaces séparés pour chacun...
Or notre responsabilité est bien d'en initier suffisamment pour avoir d'abords des micro-projets,
favoriser l'émergence de désirs individualisés, et d'autre part de préparer le plus doucement possible
une séparation définitive qui leur sera imposée à un moment donné
Notre travail s'articule autour de cet axe même si ce n'est pas un objectif en soi.
Christine ARNAUD - Infirmière
Quelles sont les spécificités de cet accompagnement pour les professionnels ?
Dans ce projet, la place du soignant est interrogée en permanence. Bien que n’étant pas dans la
cellule familiale, il n’y est pas totalement extérieur. Il est pris à parti car il symbolise l’avenir, la
survie, quand la mort approche. Il est celui qui prendra le relais, en professionnel certes mais jamais
aussi bon que le parent. Il est à la fois un secours et une menace et sa place cristallise les enjeux de
la séparation.
Faire naître la confiance, entrer en relation, être invité dans la cellule familiale non pas comme une
menace mais comme une aide, un moyen de poursuivre ce projet de vie.
Intervenant au sein de la cellule familiale, notre positionnement est toujours « sur la
tangente » entre les besoins exprimés ou non de chacun, et notre capacité de réponse qui doit être
adaptée à l’un comme à l’autre ; ceci sans être intrusif, sans provoquer de sentiment de jugement sur
le type de fonctionnement familial.
39
Contrairement, à l’exercice dans un foyer classique, les professionnels interviennent en permanence
sous le regard des parents ; c’est une difficulté mais aussi un défi. Nous ne serons jamais reconnus
comme aussi bon qu’eux. Nous devons en accepter le principe dès le départ et à la fois faire des
parents des alliés, voire des conseils et en même temps les aider à lâcher prise et à nous confier leur
enfant, cet être cher à qui ils ont voué toute leur vie, sans qu’ils aient le sentiment d’être dépossédé
de leur parentalité. Il nous faut prendre en compte leur expérience de parents vis-à-vis du handicap
et ainsi enrichir notre regard de professionnel.
Un autre risque important c’est de vouloir faire trop bien trop vite. Nous découvrons à leur arrivée
des personnes adultes handicapées qui n’ont pas bénéficié pendant des années des stimulations et
des propositions correspondant à leurs réelles capacités. Ils ont vécu au rythme de leur parents et
pour la plupart dans un univers relativement pauvre en relations sociales et en ouverture sur le
monde.
Avec nous, ils découvrent tout un monde du possible qu’ils ne soupçonnaient pas. Ils sont avides de
s’y confronter. C’est très stimulant pour les professionnels. Le plaisir du résidant renforce le plaisir
du salarié face à la découverte des potentialités de l’adulte. Notre tentation peut-être d’en faire trop
et de renvoyer aux parents quelque chose d’insupportable pour eux, qui mettrait en cause les choix
de vie qu’ils ont fait. Nous devons être vigilant à ne pas leur dire, même de façon détournée :
‘Voyez tout ce que vous n’avez pas fait pendant toutes ces années. Votre enfant aurait été plus
heureux s’il avait été accompagné par des professionnels …’ je vais peut-être choquer mais ceci
peut nous contraindre à freiner les progrès des adultes handicapés et à ne pas les mettre en situation
d’être stimulés à hauteur de leurs capacités. Le risque étant de mettre tellement les parents en
situation de se protéger qu’ils ne nous autoriseraient plus à intervenir auprès de leur enfant.
Vous l’avez compris, La Maison M.C.Mignet , non médicalisée, se définit d’abord comme
un lieu de vie, et l’équipe, comme une équipe d’accompagnement au plus proche des rythmes de vie
de chacun, de son vécu, de ses attentes.
L’infirmière, au sein de l’équipe, participe à l’élaboration et à la mise en place des axes de
travail, dans le respect du projet de l’établissement. En tant que tel, elle est une personne ressource
pour l’équipe comme pour les résidents.
Notre travail se fait toujours sous le regard du parent ; C’est une des difficultés, mais aussi un défi.
Il nous faut gagner la confiance du parent, pour que celui-ci s’autorise à nous confier son enfant
sans avoir le sentiment d’être dépossédé de sa parentalité. Il nous faut prendre en compte
l’expérience des parents vis-à-vis du handicap (surtout de leur propre enfant) et apporter notre
regard professionnel.
Le regard de l’infirmière peut être davantage sollicité que celui des aides-soigantes car les
résidents ont une représentation hiérarchique de l’infirmière, et lui reconnaissent des compétences
particulières. Par là-même, ils peuvent s’autoriser à lui donner des informations qu’elle va relayer
ou non à l’équipe, ou bien, être le médiateur entre celle-ci et eux.
S’agissant du vieillissement du parent, il est primordial d’être vigilant pour dépister les
répercussions que la perte d’autonomie et la dépendance du parent peuvent générer chez l’adulte
handicapé. De notre observation découlera notre prise en charge de l’adulte handicapé : écouter,
rassurer, décrypter l’angoisse, prendre soin, dépister et prévenir des signes éventuels de
dépression…jusqu’à préparer le travail de deuil.
-De plus, certains parents vieillissants, pour qui leur vie a toujours été centrée sur leur enfant
handicapé, sont réticents à ce qu’on les prenne en charge : « Pour ma fille, oui. Pour moi, c’est pas
la peine ». Il nous faut argumenter ou négocier pour leur faire accepter l’idée qu’on prenne soin
d’eux ; et ce pour leur mieux-être, et par rebondissement pour celui de leur enfant.
Quand c’est l’adulte handicapé qui montre des signes de vieillissement, on retrouve bien-sûr
cette inquiétude chez le parent, mais la difficulté que nous rencontrons est différente :
‐ Certaines familles n’ont toujours pas réussi à voir leur enfant comme adulte à part
entière, capable d’exprimer ses besoins, ce qu’il ressent, etc…Du coup, elles anticipent
40
les demandes, interprètent des signes, parlent pour eux…Même si nous reconnaissons les
parents comme ceux qui connaissent le mieux leur enfant (et donc, nous avons besoin de
leur avis sur la « situation »), il est parfois difficile pour nous de faire la part des choses.
‐
Pour peu que plusieurs signes relèvent du processus de vieillissement, il est parfois
difficile de le faire entendre au parent qui recherche toujours une autre explication : autre
pathologie, évolution de la maladie invalidante…Les parents ont du mal à appréhender
la réalité du vieillissement parce qu’ils ont toujours vu leur enfant sous le prisme du
handicap, et aussi parce qu’il est toujours pour eux, justement, un enfant.
‐
Face aux multiples retentissements du vieillissement, certaines familles peuvent alors
être très demandeuses d’examens complémentaires. Si on essaie de temporiser, ou de ne
pas multiplier les consultations et examens plus ou moins justifiés, on est alors
confronter au sentiment d’injustice qui ressort : « Les médecins ne connaissent rien au
handicap ; ça ne les intéresse pas ; les locaux ou appareils d’investigation ne sont pas
adaptés pour eux.. »
‐
Enfin, nous travaillons non seulement sous le regard des parents de tel adulte, mais aussi
de tous les parents de la Maison. Certains se sentent investis d’un devoir de
bienveillance vis-à-vis des autres adultes handicapés présents dans la Maison. Du coup,
de part leur expérience avec leur propre enfant, ils posent un regard sur notre posture
professionnelle concernant un autre adulte handicapé (ou même parfois la remettent en
cause) ; chose qu’ils ne feraient pas par rapport à un autre parent). Là encore, il nous faut
réajuster la place de chacun, reposer le cadre, réaffirmer le choix d’un accompagnement
et d’une prise en charge individuelle, personnalisée.
Pour conclure, j’insisterai sur notre conviction que cette Maison, ce qui s’y vit et l’accompagnement
proposé sont tout à fait pertinents. Pour autant ce n’est certainement pas la seule solution possible
(d’autres d’ailleurs existent ou son en réflexion actuellement). Elle répond à certaines familles,
celles qui par exemple sont prêtes à partager à minima une vie collective, ou qui ne sont pas
inquiétées par le handicap des enfants des autres familles, etc.…
Deux des 16 familles accueillies vont quitter l’établissement d’ici la fin de l’année parce qu’elle n’y
trouve pas la réponse qu’elles cherchaient. Pour elles il y a certainement d’autres solutions à
inventer.
Quant aux autres, on sent bien quelque part qu’ils attendent le premier orphelin pour voir si nous
serons bien capable de tenir nos promesses. Ils ne seront rassurés sur le fait que leur enfant
continuera à être accompagné dans la Maison après leur mort et qu’il n’en souffrira pas. C’est un
challenge qui nous attend mais que nous ne craignons pas outre mesure.
41
VIEILLIR AVEC LA POLIOMYELITE
Thefenne L, Trappier T, Jouvion A, Jacquier C
Service de Médecine Physique et Réadaptation
Hôpital d’Instruction des Armées Laveran
BP 60149 13884 Marseille cedex 13
Téléphone : 04 91 61 71 32
Fax :
04 91 61 73 15
Email :
[email protected]
Introduction :
La poliomyélite est responsable d’épidémie dramatique durant le début du siècle dernier. Les
patients ayant présenté des atteintes neurologiques ont développé des compensations qui leur sont
propres en fonction des variantes de l’atteinte initiale, de l’âge de survenue de l’infection
(développement psychomoteur et staturo-pondéral). Le développement de compensations révélant
un véritable « paradoxe analytique et fonctionnel » oblige parfois à respecter des déformations ou
des attitudes vicieuses a priori. Cela se complique fréquemment lorsque le patient a bénéficié
antérieurement et notamment pendant son enfance de chirurgie des membres variée : arthrodèses,
ostéotomies, transferts musculaires,… ou des antécédents de fractures [1].
Le retentissement fonctionnel (notamment sur la marche) dépend de ces déficits analytiques mais
également de l’âge de consultation des patients. En effet, il s’agit d’une population pour la plupart
vieillissante puisque l’éradication de cette pathologie est souhaité et programmée par l’organisation
mondiale de la santé (OMS) vers 2010. Un certain nombre de facteurs favorisent une perte
d’autonomie et une restriction de participation.
La particularité de cette pathologie est la possibilité de développer une nouvelle entité après
plusieurs dizaines d’années, le syndrome post-poliomyélite (SPP).
Après un bref rappel sur la poliomyélite et les risques actuels de cette maladie, nous présenterons le
vieillissement de ces patients, les facteurs favorisant de dégradation analytique et fonctionnelle et le
syndrome post-poliomyélite avant d’évoquer la prise en charge.
I - Le poliovirus/al poliomyélite :
La poliomyélite est une pathologie infectieuse liée au poliovirus qui fait partie des virus à
ARN de la famille des entérovirus. C’est un virus exclusivement humain très résistant dans le
milieu extérieur. Sa transmission se fait soit par les particules de Pflüge (transmission oropharyngée
comme le virus de la grippe), soit par les selles (ce qui constitue le péril fécal). La transmission est
donc interhumaine. La contagiosité est importante. Le patient est asymptomatique ou peut exprimer
un syndrome rhinopharyngé ou à un tableau de gastroentérite. Il s’agit là des formes cliniques les
plus fréquentes (99% des cas).
A partir des amygdales et des plaques de Peyer, une virémie est possible. Le poliovirus peut alors
passer la barrière hématoméningée et développé un syndrome méningé voire des paralysies flasques
asymétriques et diffuses par atteinte du motoneurone sa cible privilégiée. L’atteinte est
exclusivement motrice (pas d’atteinte sensitive). La gravité de la maladie se juge par les troubles de
la déglutition, de la respiration et de la conscience du fait de lésions bulbaire, de la substance
réticulée et du système végétatif [6].
Le traitement de la phase aiguë repose sur un traitement symptomatique. L’isolement est
primordial des patients non atteints ou non vaccinés. On doit lutter contre les phénomènes
42
douloureux, contre les complications du décubitus, contre les manifestations végétatives. Admission
en réanimation en cas d’atteinte respiratoire. Puis un fois la maladie stabilisée, le patient est orienté
vers un centre de médecine physique et de réadaptation. L’évolution est lente et est souvent
asymétrique puis stabilisation des lésions ou régression [7].
Leur prise en charge initiale a permis de nombreuses avancées dans plusieurs domaines :
- un développement de la réanimation respiratoire,
- le regroupement des moyens a permis de structurer les centres de réanimation et à l’autre bout
de la chaîne de prise en charge, les centres de rééducation,
- les transports médicalisés
- les bienfaits de l’hydrothérapie (sur la douleur, les contractures musculaires) et la
balnéothérapie (en termes de soulagement des douleurs, de rééducation des muscles déficitaires
sans contrainte sur les articulations),
- l’appareillage,
- les règles d’évolutivité de la scoliose et leur traitement par corset de Duval Beaupère,
- la chirurgie fonctionnelle notamment des membres supérieurs dont bénéficient désormais les
patients ayant des déficits séquellaires d’une tétraplégie ou d’une atteinte du plexus brachial (de
moins bons résultats pour la chirurgie des membres inférieurs),
- la création d’association telle que l’Association des Paralysés de France (APF).
C’est la première cause de handicap moteur dans le monde.
Le seul traitement efficace est la vaccination. La vaccination orale et injectable a permis
d’entrevoir une possible éradication de ce virus ou tout du moins de la maladie. Ceci repose sur une
acceptation des gouvernements, sur la réalisation de campagnes de vaccination et sur une
surveillance très étroite des nouveaux cas (ce dernier élément est plus difficile que dans le cas de la
variole du fait de nombreux cas de patients asymptomatiques ou avec une symptomatologie
aspécifique) [3]. L’éradication est envisageable sur le modèle de la variole. Il se pose déjà la
question de l’après éradication. Tant que cet objectif n’est pas atteint, la couverture vaccinale doit
être maintenue. En effet le risque d’importation à partir des pays où le poliovirus circule n’est pas
négligeable et est même préoccupant. Ce fut d’ailleurs le cas en France en 1998. Les 4 pays
d’endémie sont : le Nigéria, l’Afghanistan, l’Inde et le Pakistan.
II – le vieillissement des patients atteints de séquelles de poliomyélite.
Après cette phase aiguë, un certain nombre de patients présentent des séquelles neurologiques. Ces
déficits associés à la croissance favorisent des séquelles principalement orthopédiques si bien que
l’on définit parfois la poliomyélite comme une véritable « maladie orthopédique » selon Boppe.
Les patients se sont habitués à leurs déficiences, leurs incapacités et leur restriction de participation.
Ils ont mis en place des schémas de compensation. Mais cette population vieillit. Un certain nombre
de problématique se pose alors auquel se surajoute un nouveau syndrome décrit par de nombreux
auteurs le syndrome postpoliomyélitique.
II.1 – Physiopathologie
Après une phase aiguë, le motoneurone qui est la cible privilégiée nous l’avons vu est
détruit. Les trois facteurs contribuant à la récupération sont :
- le nombre d’unités motrices qui reprennent leur fonction (capacité de récupération),
- le nombre d’unités motrices qui développent des pousses (« sprout ») pour ré innerver les
fibres musculaires « restées orphelines » (devenant une unité motrice géante), parfois facteur
multiplicatif de 10,
- l’hypertrophie des fibres musculaires compensatrices.
Après cette phase, les séquelles étaient considérées comme stables. Mais cette population
vieillit et une dégradation s’opère [8].
43
II.2 - Facteurs influençant l’évolution
Certains facteurs généraux peuvent contribuer à cette dégradation fonctionnelle : prise de poids (liée
à l'âge, à la diminution d'activité, à des perturbations hormonales), maladie intercurrente,
immobilisation avec alitement responsable d'une fonte musculaire (intervention chirurgicale, virose
tel qu’une grippe, fracture…).... la moindre perte de force favorise une déstabilisation des
adaptations et une aggravation du statut fonctionnel.
II.3 – Complications liées au vieillissement
a) Orthopédiques
Certaines complications orthopédiques particulièrement fréquentes dans cette population
concourent elles aussi à cette dégradation. Aux membres supérieurs l’utilisation de cannes ou les
transferts itératifs sont des facteurs favorisant les tendinopathies (voire rupture) de coiffe et/ou au
conflit sous acromial. Une telle pathologie contraint les patients à une perte d’autonomie majeure.
Aux membres inférieurs, il peut survenir des tendinopathies sur des muscles sur utilisés (par
exemple par compensation). Les stratégies adoptées avec le temps permettent souvent au patient
d’exploiter au mieux ses capacités restantes pour acquérir la station debout et assurer une marche,
souvent pendant de longues années. Ces stratégies induisent souvent à long terme des lésions
dégénératives qui peuvent poser problème pour le maintien de la marche. Par exemple, la
stabilisation de la hanche et du genou par une grande antéversion de hanche et rotation interne
fémorale permettent un verrouillage du genou en rotation externe, le risque est de voir apparaître
une dislocation du genou en rotation externe qui entraîne une arthrose souvent intolérable.
Les déformations du pied séquellaire des déficits de la poliomyélite ou secondaire à une chirurgie
stabilisatrice deviennent progressivement douloureux et arthrogènes.
Les déformations rachidiennes (scolioses, cyphoses) peuvent également s’accentuer avec les
années et entraîner des douleurs
Ces patients sont soumis aux mêmes facteurs de risque de l’ostéoporose majorée au niveau des
membres parétiques. La moindre chute est susceptible de favoriser une fracture. Il survient alors un
véritable cercle viscieux. Le risque de chute est lié à la paralysie et à la mauvaise utilisation du
membre.
b) Neurologiques
Les déformations rachidiennes peuvent également favoriser des radiculalgies qui sont autant de
facteurs aggravants, voire des atteintes neurologiques centrales.
Des syndromes canalaires sont fréquents au niveau des coudes et des poignets du fait des
contraintes liées aux cannes et de façon moindre à l’utilisation des fauteuils roulants.
c) Respiratoires
Les troubles respiratoires sont fréquents : décompensation tardive d'une insuffisance respiratoire
restrictive liée à une diminution de la force des muscles respiratoires ou à une majoration de
déformations rachidiennes. Le syndrome des apnées du sommeil doit être recherché notamment
devant une majoration de la fatigue.
d) Digestives
Certains troubles digestifs sont aussi décrits du fait des mêmes facteurs favorisant que pour
les atteintes respiratoires. Ils touchent souvent des patients ayant une atteinte bulbaire à la phase
initiale (symptomatique ou non).
44
e) Autres
Les patients se plaignent également d’une intolérance au froid notamment sur les membres
parétiques ; d’œdème des membres inférieurs ; de trouble du sommeil ; de mouvements nocturnes
des membres inférieurs.
II.4 – Le syndrome post poliomyélitique (SPP)
a) Physiopathologie
Dans les années 80, soit de 10 à 40 ans après l'infection par le poliovirus, de nombreux
patients se plaignent d’un ensemble de symptômes. Les séquelles de poliomyélite ne sont donc pas
stables avec le temps comme on le prétendait initialement. Il peut s’agir d’une anomalie au niveau
de la transmission neuromusculaire. Les unités motrices anormalement élargies ne sont plus
capables de maintenir le modèle de repousse axonale (remodelage). Elles commencent à dégénérer,
produisant de nouvelles dénervations. Quand un nombre critique de fibres musculaires deviennent,
de manière permanente, dénervées et atrophiées, il apparaît une manifestation des nouveaux signes
cliniques. Ils ne peuvent être expliqués par les atteintes précédemment décrites. Alors plusieurs
hypothèses ont été élaborées.
Il pourrait y avoir deux types d’altération de l’unité motrice : d’une part, une dégénérescence
axonale progressive entraînant une faiblesse musculaire nouvelle et irréversible ; d’autre part, des
altérations fluctuantes métaboliques expliquant fatigue et fatigabilité. Cette hypothèse ne suffit pas
à expliquer l’ensemble des signes fonctionnels décrits par les patients.
Une autre hypothèse est avancée, celle d’une réaction immunoinflammatoire directement au
niveau central. Par analogie avec le syndrome de Guillain Barré et la sclérose en plaques (SEP), on
explique les déficits musculaires, certaines douleurs et la fatigue. Le mécanisme de cette réaction
inflammatoire n’est pas bien établi mais plusieurs équipes ont découvert des lymphocytes, de
cytokines de l’inflammation et même du matériel génétique du virus.
D’autres hypothèses sont proposées mais ne sont pas assez étayées.
D’après les résultats autoptiques et IRM, le poliovirus a une cible privilégiée qui est certes le
neurone de la corne antérieure de la moelle. Une nouvelle atteinte expliquerait un déficit musculaire
pouvant aggraver les déficits préexistants des membres, des muscles respiratoires et de la
déglutition. Les efforts nécessaires seraient donc plus grands et donc une fatigue s’installerait. Les
déformations favoriseraient les douleurs
Ce n’est pas la seule cible. En fonction des localisations on peut expliquer un certain nombre
de manifestations. L’atteinte du système végétatif et la fatigue, les troubles de la
thermorégulation… L’atteinte du tronc cérébral pourrait expliquer en partie un déficit musculaire,
des troubles respiratoires et de la déglutition. L’atteinte de la formation réticulée peut entrer en jeu
dans la fatigue d’origine centrale.
b) la clinique
Les symptômes les plus fréquemment évoqués forment une triade qui comprend :
- la fatigue (et la fatigabilité) qui peut être périphérique ou centrale, localisée ou générale
- les douleurs (musculaires et articulaires),
- l’aggravation des paralysies initiales (voire leurs extensions sur des muscles considérés comme
sains auparavant).
Il existe d’autres symptômes qui sont décrits en relation avec ce syndrome. Des troubles de
la déglutition, de la phonation et de la respiration (dont l’apnée du sommeil), une intolérance au
froid sont les conséquences des signes décrits précédemment où peuvent se développer sur leur
propre mode.
Il existe entre 20 et 80 % de patients ayant contracté la poliomyélite qui se plaignent de cette
constellation de nouveaux signes fonctionnels et cliniques, survenant après une période de
45
« stabilité » de la maladie de plusieurs décennies. Il existe une grande variabilité des prévalences
des symptômes telle qu’on peut le voir pour la fatigue du fait de la difficulté à définir le SPP et des
moyens pour rechercher les symptômes chez les patients ayant des séquelles de poliomyélite
(courrier, examen hospitalier…).
Le diagnostic de SPP repose donc seulement sur la présence de critères fixés par un collège
d’experts internationaux près de 20 ans après la première description Les critères d’Halstead de
1991 [5] semblent, d’après ces auteurs, le plus correspondre au tableau clinique définissant le
syndrome post-poliomyélite :
- ATCD de poliomyélite paralytique avec perte de neurones moteurs confirmés par des
symptômes passés évoquant une poliomyélite paralytique aiguë, des signes de faiblesse et
d’amyotrophie séquellaires lors de l’examen neurologique et des signes de dénervation à
l’examen électromyographique (EMG) ;
- examen EMG compatible avec une atteinte des neurones de la corne antérieure de la moelle
(amplitude et durée augmentées du potentiel d’action moteur, nombreux potentiels
polyphasiques, diminution du nombre d’unités motrices lors du recrutement maximum,
recrutement temporel, fibrillation et ondes lentes de dénervation) ;
- période de récupération fonctionnelle partielle ou complète après une poliomyélite aiguë, suivie
d’un intervalle (habituellement 20 ans ou plus) de stabilité neurologique ;
- nouveau déficit moteur ou nouvelle faiblesse musculaire anormale (endurance réduite)
progressive et persistante, à début soudain ou graduel, avec ou sans fatigue généralisée, atrophie
musculaire ou douleurs musculaires et articulaires. Le début abrupt peut survenir à la suite
d’une période d’inactivité, d’un traumatisme ou d’une intervention chirurgicale. Moins
fréquemment, les symptômes dus au syndrome post-poliomyélite incluent une nouvelle
difficulté respiratoire ou une nouvelle dysphagie ;
- symptômes qui persistent pendant au moins un an ;
- exclusion d’autres affections neurologique centrale ou périphérique, musculaire, une
myasthénie, une endocrinopathie (thyroïde, surrénales, diabète…), un cancer, une atteinte
métabolique ou retentissement somatique d’un trouble psychiatrique tel qu’une dépression.
En résumé, il s’agit, chaque fois, d’un challenge diagnostic d’autant plus difficile que d’autres
comorbidités lui sont associées et qu’il y a une intrication possible entre plusieurs pathologies.
II.5 – Le retentissement
Que ce soit devant un SPP ou les complications liées au vieillissement de patients ayant des
séquelles de poliomyélite, les symptômes sont aspécifiques. Ces symptômes sont étroitement
intriqués (ainsi le syndrome d’apnée du sommeil peut favoriser des douleurs, une perte de force et
une fatigue et des douleurs peuvent entretenir la fatigue et perturber le sommeil… de même qu’une
perte de force majore la fatigue). La douleur est d’origine articulaire, conflictuelle, neurologique…
Ils sont responsables de répercussions en termes de fonction, de restriction de participation,
de qualité de vie, de besoins médicaux, de recours aux organismes sociaux. Les conséquences
fonctionnelles les plus citées sont :
- difficultés à la montée et descente des escaliers,
- difficultés à la marche (diminution du périmètre de marche, désadaptation cardiovasculaire),
- perte d’autonomie (habillage...),
- parfois responsable de désocialisation, isolement, dépression voire grabatérisation.
La qualité de vie est diminuée par rapport à une population générale et par rapport à une
population de patients ayant des séquelles de poliomyélite sans complication.
46
III – Traitement
En conséquence, que faire ? Il faut connaître et savoir reconnaître les atteintes fréquentes de
cette tranche de population pour les mettre en évidence et les traiter. On doit prendre en compte le
patient dans sa globalité et non se focaliser sur une déficience isolée. Il faut rechercher tous les
éléments pouvant favoriser une perte d’autonomie (orthopédique, neurologique, respiratoire)
III.1 – Existe-t-il un traitement spécifique du SPP?
L’hypothèse d’une détérioration de la transmission neuromusculaire du fait d’un
dysfonctionnement de la synthèse en acétylcholine et de sa libération comme dans la myasthénie
suggère l’essai de la pyridostigmine. L’efficacité na été réellement démontrée à ce jour que pour les
déficits sévères.
Le Modafinil®, l’amantadine (200mg/j) la prednisone ont un effet transitoire comme la
ségéline (Déprényl®, un IMAO sélectif de type B).
La bromocriptine (Parlodel®) et la méthylphénidate hypochloride (Ritaline®) ont été testées
sur la fatigue chronique avec des effets non significatifs.
La lamotrigine est une molécule récemment étudiée (Lamictal®). Lors d’une étude
randomisée avec des doses de 50 à 100 mg, un effet significatif est détecté sur la fatigue et sur la
qualité de vie des patients. Ces résultats préliminaires sont encourageants et doivent être confirmés.
Ces résultats supposeraient d’autres explications pathogéniques aux troubles [8].
Les résultats récents sur les immunoglobulines apportent des perspectives intéressantes sur
plusieurs paramètres du syndrome post-poliomyélite : sur la force musculaire mais également une
majoration des activités, la réduction chez certains de la douleur (comme dans le syndrome de
Guillain Barré) des scores de qualité de vie. L’effectif étudié est faible, ce qui gêne pour généraliser
les résultats. Il s’agit de traitement bien toléré par les patients … mais très coûteux [3].
III.2 – Traitements non spécifiques
En l’absence de traitement spécifique une prise en charge pragmatique est nécessaire. Il est
primordial que les professionnels de la santé soient à l’écoute des survivants de la poliomyélite qui
font face à leur handicap depuis plusieurs décennies. Le soutien qu’ils peuvent leur apporter
consiste entre autres, à les informer, les conseiller, leur fournir des aides techniques, les guider dans
leur rééducation, leur donner du soutien psychologique et les aider à modifier leur mode de vie.
Parmi les solutions thérapeutiques à notre disposition, les mesures préventives et générales
sont les plus importantes [2] : respect de la fatigabilité (sieste réparatrice, repos après un effort,
adapter les aides techniques…), hygiène de vie, aménagements de l'environnement (pour diminuer
les contraintes, éviter les chutes…), suivi médical régulier pour prévenir les complications les plus
fréquentes (surveillance du poids, de la comorbidité, vaccinations, traitement de l'ostéoporose...),
corrections des troubles sensoriels, protection des articulations.
Les complications orthopédiques peuvent nécessiter un traitement spécialisé : traitement
médical, rééducation, infiltrations.... La correction de ces états pathologiques surajoutés, et/ou leur
prévention permettent de maintenir des possibilités fonctionnelles compatibles avec une qualité de
vie satisfaisante.
L'insuffisance respiratoire ou le syndrome des apnées du sommeil doivent être dépistés et rendent
parfois nécessaire la mise en route d'une ventilation non invasive au masque.
Parallèlement au maintien ou à l’amélioration du pronostic fonctionnel de marche, la prévention des
chutes et des fractures font partie de la réflexion pour la stratégie thérapeutique. Le principe est de
respecter les axes fonctionnels (par exemple en conservant ou parfois en créant un recurvatum de
genou), proscrire les secteurs articulaires responsables de chutes comme le flessum de genou.
La prise en charge rééducative [2] doit comporter des exercices aérobies non fatigants. Là
encore il faut respecter les temps de pause. Il faut bien évidemment proposer des objectifs réalistes.
La balnéothérapie [12] est un excellent mode de prise en charge pour de nombreuses raisons :
47
renforcement musculaire de n'importe quel groupe musculaire, travail hors pesanteur permettant
d'économiser le capital articulaire, effet antalgique et décontractant de l'eau chaude,
reconditionnement cardio-respiratoire à l'effort. Cette rééducation se fera principalement en externe,
mais pourra bénéficier de courte hospitalisation classique ou de jour en fonction du projet établi
avec le patient. Il faudra apprendre au patient les exercices pour les pratiquer ensuite chez lui dans
de bonnes conditions et s’autoentretenir. Il faut éviter globalement le déconditionnement à l’effort.
Les aides techniques [7 ; 10 ; 11] sont nécessaires non seulement pour la marche mais
également pour les membres supérieurs. Il s’agit d’un domaine important, cause fréquente de
consultation. Elles ont bénéficié des avancées technologiques récentes telles que l’allègement des
orthèses par l’utilisation de matériaux en carbone, les genoux à verrouillage dynamique, les
éléments amovibles lavables. Elle nécessite une consultation spécifique avec l’appareilleur et une
livraison en présence du médecin pour l’adéquation patient-appareillage-fonction. Ce domaine est
très important puisqu’il constitue selon l’expérience garchoise plus de 50% des consultations. Dans
tous les cas, il faut expliquer au patient l’intérêt de la prise en charge. Leur première réaction est
souvent le refus de tout nouveau moyen entravant leur mobilité. Souvent il s’agit d’un refus en
relation avec leur vécu douloureux de « engins de torture ». Il faut souvent plusieurs consultations
pour qu’ils admettent l’intérêt. Une autre particularité pour la prise en charge de la marche de ces
patients est l’absence d’atteinte sensitive. Cela garantit l’absence de lésions cutanées en cas
d’hyperappui (sur le sol ou dans un appareillage) mais ajoute la difficulté de la création d’un
appareillage confortable, très ajusté au patient en ayant l’objectif de conserver les propriétés
mécaniques de cet appareil. Les principes élémentaires à respecter pour la prescription sont
notamment de conserver le schéma de marche, simplifier au maximum les appuis et contre appuis
(pas d’appui ischiatique ou fronde rotulienne si elles ne sont pas nécessaire), respecter les axes
articulaires des membres du patient, faire la chasse au poids excessif de l’orthèse, rechercher le
confort maximal et faire évoluer l’aspect de l’appareil afin de s’éloigner de l’image orthopédique
classique qui renvoie à l’ère de l’ « infirmité ».
Il existe de nombreux schémas de marche chez les patients poliomyélitiques. Ils présentent des
variantes en fonction de la topographie et de l’intensité des déficits, l’utilisation ou non d’aides
techniques (cannes, orthèses,…), du morphotype du patient et de ses capacités cardio-respiratoires à
l’effort.
Il ne faudra pas passer le moment de la prescription du fauteuil roulant manuel ou électrique,
tournant évolutif certes dans l’autonomie mais également dans l’acceptation de soi et de cette
pathologie présente depuis leur enfance.
Aussi fréquente soit elle, cette dégradation tardive n'est ni inéluctable ni incurable...
L’ensemble de cette prise en charge doit permettre d’améliorer la symptomatologie, de
diminuer les répercussions de ces différents symptômes, de limiter les restrictions de participation,
de rendre plus autonome le patient.
Au cours de consultations multidisciplinaire peuvent apparaître des indications opératoires.
La chirurgie est cependant limitée par le vieillissement musculotendineux, l’état ostéoarticulaire
(dégénérescence arthrosique, ostéoporose,…), par l’état général (dégradation de la fonction
respiratoire,…) et peut-être une plus grande sensibilité aux anesthésiques (résultats contradictoires).
Les indications sont fonctionnelles et visent à améliorer la marche et les possibilités d’appareillage,
à supprimer les douleurs ou à éviter l’aggravation d’une scoliose. Les risques encourus ne sont pas
négligeables et les indications doivent être posées par des équipes habituées. Une chirurgie de
correction peut perturber un équilibre difficilement acquis. La normalité anatomique ne doit jamais
est prioritaire et il faut veiller à priori à la conservation de la fonction. Il sera discuté la réalisation
de plusieurs gestes dans le même temps opératoire pour diminuer les effets adverses (complications
anesthésiques, complications du décubitus et le déconditionnement musculaire et global).
La composante sociale est essentielle afin de permettre d’aider ces patients dans leur activité. Ne
pas hésiter à les orienter vers les maisons départementales du hanidicap, de constituer des dossiers
d’aggravation...
48
Conclusion
On estime actuellement à 20 millions le nombre de personnes atteintes de la poliomyélite dans le
monde. Parmi elles, 700 000 vivent en Europe et 50 à 60 000 en France. Les dernières épidémies en
France ont eu lieu dans les années 1950. La majorité des « anciens polios » dans notre pays ont
donc autour de 60 ans. Beaucoup de ces personnes décrivent une dégradation tardive qui est souvent
multifactorielle
:
complications
diverses,
vieillissement
physiologique,
syndrome
postpoliomyélitique.
La poliomyélite et le syndrome postpoliomyélitique sont donc peu connus. L’organisation
sanitaire et médico-sociale, en particulier pluridisciplinaire doit permettre de répondre à la demande
de cette population en termes de soins, de compensation et d’orientation.
La constitution de réseau permet un accès aux soins plus facilement comme celui inauguré
en 2001 en en Ile de France. La rééducation, la réadaptation et la réinsertion étant au centre actuel
de la prise en charge, les médecins de médecine physique et de réadaptation sont donc amenés à
avoir une place prépondérante dans ces réseaux.
Bibliographie :
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2. Farbu E, Gilhus NE, Barnes MP, Borg K, de Visser M, Driessen A, Howard R, Nollet F,
Opara J, Stalberg E. EFNS guideline on diagnosis and management of post-polio syndrome.
Report of an EFNS task force. Eur J Neurol. 2006;13(8):795-801.
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immunoglobulin for post-polio syndrome : a randomised controlled trial. Lancet Neurol.
2006;5:493-500.
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1991;14:1209-17.
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enterovirus, traité de virologie médicale. Ed. Estem ; chapitre 27:397-404.
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poliomyélite antérieure aiguë. In : Encycl Med Chir. (Editions scientifiques et médicales
Elsevier SAS, Paris). Rééducation, 26-450-A-10, 1996, 12p.
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extremity orthotic management on ambulation, pain, and fatigue in a postpolio population.
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late poliomyelitis. Arch Phys Med Rehabil. 2001;82:66-72.
49
VIEILLIR AVEC UN HANDICAP
C. RUELLE cadre IDE
A. CARRIER VERNAND IDE
Dr G. HEURLEY MPR
INSTITUT DE REEDUCATION FONCTIONNELLE POMPONIANA OLBIA BP 41 83407
HYERES
Mail : [email protected]
Les pathologies développées par les personnes handicapées et polyhandicapées engendrent le plus
souvent un vieillissement précoce notamment de leurs fonctions vitales
Le vieillissement de la population ADULTE HANDICAPEE exige un accompagnement très proche
(surveillance accrue, aide à la toilette, à l’habillement, aux repas...).
L’exécution de ces tâches est difficilement réalisable avec les moyens dont disposent les structures
médico-sociales dans lesquelles certains handicapés ont été placés il y a plusieurs décennies et le
vieillissement des patients représente un sérieux problème de gestion des établissements dont le
taux d’encadrement médical et soignant devient insuffisant lorsque les résidents vieillissent.
Il est néanmoins, nécessaire de maintenir sécurité et si possible, qualité de vie.
L’objectif prioritaire est le maintien au domicile
Facteurs prédictifs du projet de vie
ƒ
ƒ
ƒ
Il existe des facteurs prédictifs fiables permettant d’anticiper le devenir social et
professionnel.
Distinguer l’indépendance : je réalise moi-même
De l’autonomie : je décide moi même.
Les facteurs prédictifs les plus fiables sont :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
La déficience intellectuelle,
L’indépendance de déplacement,
L’indépendance de soins à la personne,
La qualité de l’environnement familial,
L’habitat et l’environnement géographique.
HANDICAP ET PASSAGE A L’AGE ADULTE
Les adultes handicapés vivant au domicile sont souvent en abandon thérapeutique, après une
période pendant laquelle dans l’enfance ils ont reçu une overdose de soins. Ces patients, à tort, ne
veulent plus fréquenter les hôpitaux.
50
Pour les autres, demandeurs de soins les équipes compétentes dans le suivi des adultes handicapés
font souvent défaut (Spina, Imc…).
ƒ Pour l’enfant handicapé, sous l’impulsion de la famille, priorité est donnée à la prise en
charge médicale et paramédicale, à l’intégration scolaire.
ƒ Pour l’adulte, libéré de la contrainte parentale priorité est donnée à la socialisation et
secondairement à la prise en charge de l’état de santé : se déplacer seul en ville, gérer les
taches de la vie quotidienne, utiliser les services sociaux.
ƒ La prise en charge de l’état de santé devient secondaire.
ƒ Les personnes les plus lourdement handicapées ont besoin de prestations de soins
coordonnés et continus qui augmentent avec l’âge ainsi que d’un accompagnement
psychologique et social attentif. Il n’existe pas de structure d’accueil spécifique prenant en
charge et évaluant les effets du vieillissement sur la personne adulte handicapée.
ƒ Hiatus entre le suivi médical spécialisé étroit pendant l’enfance et la prise en charge de
l’adulte handicapé.
Le vieillissement en soi est un handicap
ƒ
ƒ
Le vieillissement s’accompagne d’une altération des performances personnelles, il s’agit
d’un véritable sur-handicap lorsqu’il existe un handicap préexistant.
Lorsque l’adulte handicapé moteur va moins bien, le plus souvent la dégradation provient
des effets pervers du vieillissement et non pas de l’aggravation du handicap proprement dit.
Plusieurs cas de figure à envisager concernant l’handicapé moteur vieillissant
ƒ
Handicap stable non évolutif : (IMC, trauma crânien…). En vieillissant, on observe :
o une plus grande fatigabilité,
o une perte d’autonomie liée au phénomène physiologique de vieillissement
comme l’arthrose, l’ostéoporose, la diminution de la force musculaire, le risque
de fractures et de chutes est plus important,
o Une prise de poids.
ƒ
Pathologie évolutive en particulier neurodégénérative :
o dans ces cas, l’évolution de la maladie est un facteur explicatif à la dégradation
de l’état de santé et de la dépendance.
Handicap stable dont les conséquences peuvent évoluées en vieillissant comme :
o les paraplégies ou spina bifida pour lesquels on observe des infections urinaires
fréquentes et à la longue insuffisance rénale. Egalement problème cutané et fragilité
osseuse.
o S’impose alors la nécessité de la prévention des complications qui peuvent survenir.
ƒ
Peut-on prévenir les conséquences du vieillissement physiologique ?
ƒ
ƒ
L’ostéoporose :
o Il y a une véritable campagne à faire auprès des médecins et des personnes
handicapées sur cette maladie, la personne handicapée tombe plus souvent qu’une
personne valide donc risque de fracture plus important.
o La prévention repose sur une alimentation équilibrée, un traitement médicamenteux
et une gymnastique d’entretien.
L’arthrose :
o pathologie du vieillissement banal se traduisant par des douleurs pouvant entrainer
des contractures, risque de dégradation de l’autonomie, nécessité d’un traitement
51
médical physiothérapique voir chirurgical. Hygiène de vie : surveillance du poids
nécessaire.
ƒ
Diminution de la force musculaire :
o physiologique avec l’âge, au-delà de 40 ans, il faut s’entretenir physiquement, les
personnes handicapées ont plus que les autres besoin d’écouter leur corps et de
l’entretenir.
ƒ
Nécessité d’adapter avec l’âge les solutions d’appareillage, d’aide-technique et de contrôle
d’environnement.
Les reins et l’insuffisance rénale
ƒ
Des actions d’éducation doivent être poursuivies à l’âge adulte pour prévenir l’insuffisance
rénale chez les handicapés présentant des troubles de la continence en particulier :
- Prévention des infections urinaires, vidange correcte de la vessie,
- Prévention des lithiases.
ƒ
Dans les grandes lignes, recommandations d’hygiène :
- sondage si nécessaire,
- boissons abondantes,
- contrôle régulier vessie et arbre urinaire (ECBU, évaluation de la diurèse,
échographie et bilans) mais aussi plus tard dépistage de l’adénome de la prostate,
- éviter l’automédication : de nombreux médicaments peuvent entrainer une
insuffisance rénale chronique.
ƒ
L’hypertension artérielle doit être prise en charge et suivie car à elle seule elle détériore les
reins.
Reflux gastro-œsophagien
ƒ
le RGO peut être occulté chez le polyhandicapé non communicant aboutissant non pas
seulement à des vomissements mais à des contacts entre le liquide acide et la muqueuse
œsophagienne. La conséquence en est la douleur et l’œsophagite. Il faut savoir le dépister
(TOGD) ou fibroscopie. Le traitement repose souvent sur l’orthostatisme notamment
nocturne par surélévation de la tête du lit associé à des traitements médicamenteux. Ces
RGO se compliquent parfois de pneumopathie.
Les troubles de la déglutition
ƒ
ƒ
ƒ
Problème fréquent pouvant mettre en jeu avec l’âge le pronostic vital
D’origine neurologique ou musculaire.
Facteurs aggravants :
o trouble de la mastication,
o trouble de salivation,
o trachéotomie,
o RGO.
ƒ
Exploration fonctionnelle de la déglutition au moindre doute :
o Observation de la prise alimentaire,
o Radiocinéma,
o Fibroscopie.
52
Les troubles de la déglutition
ƒ
Complications possibles :
o retentissement pulmonaire,
o fausse route avec asphyxie,
o retentissement pondéral.
ƒ
Traitement adapté :
o Positionnement,
o Mastication prolongée
o Régime avec texture adaptée
o Voire alimentation entérale
ƒ
Cette prise en charge est très lourde, le maintien d’une alimentation orale demandant un gros
investissement en temps et en personnel. Les options thérapeutiques sont difficiles à
prendre, la participation et l’adhésion de la famille et de l’institution sont indispensables.
Stomatologie et handicap
ƒ
Un travail préventif d’hygiène bucco-dentaire est nécessaire. Suivi régulier de préférence
auprès de chirurgiens dentistes formés au handicap (Réseau Handident PACA) permettant
un soin facilité aux soins bucco-dentaires aux personnes handicapées pour lesquelles les
déplacements vers les cabinets dentaires traditionnels sont source de grande difficulté.
Prise en charge respiratoire
ƒ
Le vieillissement est un facteur aggravant des problèmes respiratoires préexistants :
o Augmentation des déformations rachidiennes,
o Fragilité broncho-pulmonaire accrue avec l’âge avec sur infections fréquentes et
diminution de la CV
o Augmentation de la fréquence des troubles de déglutition,
o Sédentarité, grabatisation,
o Aggravation de la pathologie à l’origine du handicap (insuffisance respiratoire
restrictive).
ƒ Mesures préventives (vaccination antigrippale, positionnement, repas….),
ƒ Surveillance de la fonction respiratoire (ventilation et SaO2),
ƒ Rééducation respiratoire à la demande et traitement médicamenteux
(antibiothérapie, bronchodilatateur).
Problèmes orthopédiques (passage de l’orthopédie à la rhumatologie)
ƒ
ƒ
ƒ
Le vieillissement s’accompagne fréquemment d’une perte d’autonomie avec arrêt de la
marche, troubles de l’équilibre, aggravation des attitudes vicieuses en particulier au niveau
du tronc. La douleur est fréquemment mise en avant, il faut mettre en place une stratégie
préventive après avoir analysé des situations douloureuses (transferts, installation assise,
verticalisation). La chirurgie représente un acte majeur pour ces malades et les indications
doivent être soigneusement pesées.
L’aggravation des déformations s’accompagne fréquemment d’une fragilité cutanée accrue.
Précaution nécessaire : capitonnage des appareillages.
Recours systématique aux antalgiques, myorelaxants et anti-spastiques.
53
Cause possible des douleurs chez le polyhandicapé (1/4)
Il convient d’être très vigilant surtout pour les patients non communicants, l’utilisation d’échelles
d’évaluation spécifiques est alors nécessaire.
ƒ
Cutanée ou muqueuse :
o Escarre
o Mycose
o Fissure anale
o Ongle incarné
ƒ
Stomatologique :
o Carie
Cause des douleurs possibles chez le polyhandicapé (2/4)
ƒ
ORL, pulmonaire :
o Otite,
o Sinusite,
o Pneumonie
ƒ
Ophtalmo :
o Kératite
Cause des douleurs possibles chez le polyhandicapé (3/4)
ƒ
Digestive :
o RGO
o Gastrite
o Œsophagite
o Colite
o Constipation
o Complication d’une gastrostomie
o Hernie
ƒ
Urinaire :
o Infection
o Globe vésical
o Lithiase
Cause des douleurs possibles chez le polyhandicapé (4/4)
ƒ
Neuro orthopédique :
o Contracture
o Fracture,
o Luxation
o Arthrose
o Tassement ostéoporotique
o Conflit pieds chaussure
ƒ
Douleurs iatrogène : Liées aux soins (transferts, toilette, installation, prélèvement
sanguin…)
54
Problèmes dermatologiques
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Ils surviennent plus volontiers en période estivale et caniculaire : points d’appui, macération,
mycoses.
Les appareillages sont moins bien tolérés avec l’âge.
Des soins d’hygiène préventifs sont le plus souvent suffisants.
Les escarres restent la complication majeure chez l’adulte handicapé.
Déshydratation
ƒ Le risque est toujours présent chez l’adulte handicapé même s’il semble en bonne santé, la
prévention est le meilleur traitement.
ƒ Les facteurs favorisants sont nombreux :
o Handicap locomoteur et de communication (dépendance, perte d’autonomie limitant
l’accès aux boissons).
o Vieillissement physiologique avec diminution de la sensation de soif.
o Polypathologies et polymédication (dysphagie, dépression).
o La température extérieure, la fièvre, les diarrhées, un diabète, une insuffisance
rénale……….
ƒ En cas de troubles de la déglutition, une eau gélifiée est recommandée, hydratation de la
bouche en pulvérisation et utilisation de matériel adapté (verres à bec, paille…).
ƒ Les apports hydriques quotidiens doivent être contrôlés et augmentés en cas de situation à
risque : carafe nominale, les apports quotidiens doivent dépasser 2 litres en comptant l’eau
contenue dans les aliments et les boissons du matin.
Recommandations diététiques aux personnes handicapées « vieillissantes »
De simples recommandations diététiques ont leur place à l’occasion des CS spécialisées parmi
lesquelles :
o Mangez moins,
o Mangez plus,
o Mangez plusieurs fois par jour,
o Mangez des protides, des fruits, des légumes, des laitages, des fibres,
o Ne mangez pas seul : manger est un acte social,
o Soignez vos dents,
o Faites de l’exercice physique,
o Buvez suffisamment.
CONCLUSION
ƒ Pour les personnes handicapées le passage à l’âge adulte représente un moment clef :
o Allègement des contraintes de soins,
o Changement d’équipe assurant la prise en charge,
o Prise de distance par rapport aux contraintes jusqu’ici imposées par les soignants et
la famille,
o Choix de vie.
ƒ Le vieillissement constitue un surhandicap et certaines pathologies engendrent un
vieillissement précoce des fonctions vitales (blessés médullaires).
ƒ A l’âge adulte, les équipes spécialisées dans le handicap semblent moins nombreuses pour
assurer le suivi des pathologies comme les IMC et les Spina bifida.
55
ƒ Un accompagnement, une surveillance, une prise en charge avec éducation thérapeutique
sont nécessaires et le développement de consultations de suivi pluridisciplinaires incluant
notamment IDE et médecins MPR sur le modèle de ce qui existe pour les enfants handicapés
est souhaitable.
ƒ L’activité physique doit être encouragée et prescrite
ƒ Chez les adultes handicapés encore plus que pour la population générale la pratique
régulière d’une activité régulière même modérée est un facteur majeur de prévention des
pathologies cardiaque, diabète, ostéoporose…
o Elle améliore la santé mentale et est un facteur important de maintien de
l’autonomie
56
DU CENTRE DE REEDUCATION AU
DOMICILE :
un projet de sortie à accompagner et
à construire en partenariat.
A. VINEY, Assistante de service social CRF Bretegnier Héricourt.
H. DONTAIL, Responsable départementale Service Social CRAM BFC Unité Belfort
M N.SCHULZ, Conseillère en gérontologie Conseil Général du Territoire de Belfort
L’hospitalisation d’une personne âgée de plus de 60 ans en centre de rééducation fonctionnelle peut
être un évènement déstabilisant et révélateur de difficultés pour son retour à domicile.
Dès l’admission, l’assistante sociale du centre de rééducation intervient dans la prise en soin du
patient avec pour objectif de préparer la sortie.
Pour cela, elle active les réseaux coordonnés d’intervenants sociaux du domicile.
Cette présentation s’appuie sur l’expérience de coordination avec l’unité du service social CRAM et
les services du Conseil Général du Territoire de Belfort.
Audrey VINEY, assistante de service social, au centre de rééducation fonctionnelle d’Héricourt
E.Bretegnier en Haute Saône, département de la Franche Comté.
Le CRF a développé une prise en charge en filières :
- une filière neurologique où sont accueillis les patients présentant une lésion de la moelle
épinière, une lésion vasculaire cérébrale ou un traumatisme crânien
- une filière orthopédique après chirurgie prothétique de la hanche, genou ou épaule
- une filière traumatologique où sont accueillis les patients victimes d’un accident de la voie
publique
- une filière « amputé membre inférieur » : rééducation et appareillage.
Ces prises en charge peuvent se faire en hospitalisation complète ou en hôpital de jour.
La situation géographique du centre l’amène à accueillir des patients de la Haute Saône, du Doubs
et du Territoire de Belfort.
L’assistante sociale du centre de rééducation a pour mission :
-
d’écouter le patient et sa famille
d’accompagner le patient et sa famille pour les aider à assumer le handicap et ses
conséquences
d’aider le patient dans l’élaboration et la mise en œuvre de son projet de sortie dans les
meilleures conditions
d’aider le patient à préparer sa sortie et sa réinsertion sociale, familiale et professionnelle.
57
Henriette DONTAIL, responsable de l’unité du service social CRAM Bourgogne Franche Comté
située à Belfort, assistante de service social de formation.
L’équipe d’assistantes sociales CRAM intervient dans le cadre de plusieurs missions définies par
une circulaire commune CNAMTS-CNAVTS du 21 juin 2007 qui fixe les priorités du service
social des CRAM :
-
accès aux soins et aux droits des populations fragilisées ou précarisées
prévention de la désinsertion socio-professionnelle pour les assurés en arrêt de travail
maladie ou accident du travail indemnisés par la caisse primaire d’assurance maladie ou
pour ceux qui font l’objet d’un passage en pension d’invalidité
la prévention de la perte d’autonomie.
Ainsi, les assistantes sociales sont amenées à accompagner les personnes lors de leur sortie
d’hospitalisation notamment les plus de 60 ans dans le cadre d’un dispositif partenarial.
Marie Noëlle SCHULZ, conseillère en gérontologie au Conseil Général du Territoire de Belfort,
assistante de service social de formation.
Assure le conseil technique auprès de l’équipe de conseillères en gérontologie et est également la
référente départementale pour l’accueil familial des personnes âgées et personnes handicapées.
Dès 1993, le Conseil Général s’est doté de personnel spécialisé dans la prise en charge de la
population âgée en créant le métier de conseillère en gérontologie.
Depuis 2008, le service personnes âgées auquel l’équipe appartient est intégré au sein de la Maison
de l’Autonomie du Territoire de Belfort.
La conseillère en gérontologie est un travailleur social spécialisé dans la prise en charge de la
population âgée de plus de 60 ans et notamment dans le cadre de l’allocation personnalisée
d’autonomie.
Les missions essentielles de la conseillère en gérontologie sont :
-
de contribuer à l’autonomie des personnes âgées
de les accompagner
de mettre en œuvre les dispositifs d’accès aux droits
de protéger la personne âgée des abus, des maltraitances et de la rétablir dans ses droits.
La collaboration effective entre le CRF, la CRAM et le Conseil Général amène au thème de
l’intervention : du centre de rééducation au domicile un projet de sortie à accompagner et à
construire en partenariat.
La réussite du retour à domicile, repose sur la préparation en amont et la coordination des différents
acteurs : équipe interdisciplinaire du centre de rééducation et partenaires externes.
Ce travail en réseau interdisciplinaire permet de créer un projet de sortie singulier.
La définition du projet de sortie se construit à partir d’un travail de repérage, d’évaluation et
d’écoute réalisé au quotidien avec le patient et sa famille.
58
Dès son arrivée au centre, le médecin définit avec le patient les objectifs du séjour, la durée de prise
en charge et la préparation de la sortie.
L’assistante sociale du CRF, membre à part entière de l’équipe interdisciplinaire, est sollicitée pour
une intervention sociale.
Ainsi, L’assistante sociale rencontre le patient et son entourage afin de prendre en compte les
données environnementales, sociales, familiales, économiques, architecturales, ses habitudes de vie
antérieures et ses attentes.
Ces multiples informations, en lien avec les capacités fonctionnelles et de récupération du patient,
lui permettent de mettre en perspective les différentes composantes de la situation.
Une fois l’analyse des besoins repérés, l’AS (assistante sociale) prend le temps d’accompagner le
patient au fil des jours dans sa progression.
Ainsi, elle l’aide à construire son projet de retour à domicile.
La sortie constitue une étape très importante pour la personne et sa famille.
Afin qu’elle ne soit pas vécue comme une conclusion par l’arrêt de la prise en charge, il est
nécessaire de donner sens à la sortie comme une étape vers une autre étape.
Une visite du domicile est réalisée avec le patient et l’ergothérapeute pour évaluer les besoins.
En accord avec l’intéressé, l’AS met alors en place un plan d’aide personnalisé et singulier pouvant
faire appel à des aides humaines, aides techniques, aménagement du logement ou à des aides
spécifiques en fonction des droits mobilisables.
Selon l’autonomie au moment de la sortie ou du degré de récupération possible, l’AS opte en
matière d’aide humaine pour l’un des deux dispositifs en présence à savoir le Dispositif sortie
d’hospitalisation ou l’Allocation Personnalisée d’Autonomie en fonction du GIR évalué.
La grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupe Iso-Ressources) est complétée par un médecin.
Les personnes évaluées en GIR 5 ou 6 peuvent bénéficier du Dispositif sortie d’hospitalisation GIE
IMPA (Ingénierie Maintien à domicile des Personnes Agées).
Il s’agit d’une prestation d’Action Sanitaire et Sociale mise en place par les régimes de Sécurité
Sociale CRAM, MSA et RSI de Bourgogne Franche Comté dans le cadre d’un GIE (Groupement
d’Intérêt Economique).
Les personnes évaluées en GIR 4,3,2 et 1 relèvent du dispositif légal APA
(Allocation Personnalisée d’Autonomie).
Cette prestation est servie par les Conseils Généraux.
Si la personne relève du Dispositif sortie d’hospitalisation, l’assistante sociale du CRF informe le
patient de l’existence de cette prestation et complète avec lui le plan d’aide.
Le dispositif permet d’établir ce plan de sortie coordonné entre les soignants, la personne, sa famille
ou son entourage et les intervenants à domicile.
Il prend appui sur le référent « sortie d’hospitalisation », ici l’assistante sociale du CRF.
Dès connaissance de la date de retour à domicile, le contact avec l’assistante sociale Cram est
important pour préparer le passage de relais .
59
L’assistante sociale du centre faxe « le plan de sortie » au plus tard 48h avant la sortie . La CRAM
vérifie l’ouverture des droits. Elle notifie l’accord de plan de sortie au service social du CRF , au
service social Cram, à la personne et aux intervenants mentionnés par l’assistante sociale du CRF.
Avant la sortie, les aides sont mises en place par l’assistante sociale du CRF pour qu’elles soient
opérationnelles dès le retour à domicile (besoins en aide humaine à domicile ou en matériel de
première nécessité).
L’assistante sociale CRAM, prend contact avec la personne et la rencontre à son domicile dès les
premiers jours suivant sa sortie et au plus tard 10 jours après son retour.
Elle évalue si le plan de sortie est adapté.
En effet, la personne est dans un univers protégé lorsqu’elle est au centre.
Des difficultés liées à ses capacités peuvent se révéler lors du retour à la vie quotidienne.
L’environnement moins adapté peut aussi être à l’origine de celles-ci.
Le cas échéant, elle reprend contact avec l’assistante sociale du centre pour échanger sur l’évolution
de la situation de la personne et affiner son « diagnostic ».
Si nécessaire, elle réajuste le plan d’aide et met en place les aides adaptées (intervention, petit
matériel, aides techniques...).
Le Dispositif sortie hospitalisation permet de mobiliser des heures d’aides à domicile jusqu’à 25
heures sur 15 jours maximum hors week end soit une période de trois semaines. Ll’assistante
sociale évalue la récupération de la personne et si des besoins vont persister au delà.
Dans ce cas, l’assistante sociale CRAM sollicite la continuité d’une intervention par d’autres
dispositifs : PAP (plan d’actions personnalisé) financé par la CRAM pour les personnes de plus de
65 ans ou aide ménagère à domicile pour les moins de 65 ans financé par la Cpam.
Si son évaluation détecte des besoins d’autre nature, elle met en place un accompagnement social
pour aider la personne à résoudre les difficultés intercurrentes (administratives, financières,
logement, …) et activer le réseau local.
Si lors de la visite à domicile, l’assistante sociale constate une évolution qui se caractérise non pas
par une récupération ou une stabilisation mais par une perte d’autonomie avérée, elle analyse si la
personne est éligible à l’APA.
Elle effectue alors une liaison avec la conseillère en gérontologie du Conseil Général pour étudier
les solutions qui s’offrent à la personne et à son entourage : passage de relais en vue APA,
placement familial ou entrée en institution.
L’assistante sociale CRAM assure un retour d’informations au service administratif de la CRAM et
à l’assistante sociale du CRF.
Comme indiqué avant l’intervention de Mme Dontail, si la personne relève du dispositif APA,
l’assistante sociale du CRF sollicite auprès de la Maison de l’Autonomie du Territoire de Belfort
l’envoi d’un dossier.
L’AS propose son aide à la famille pour compléter ce dossier administratif et fait établir le certificat
médical par un médecin du centre.
Dès connaissance de la date de sortie, elle contacte la conseillère en gérontologie, référente du
dispositif APA, afin de définir avec sa partenaire les aides à mettre en place pour le retour au
domicile.
60
Lors de cette liaison téléphonique, la conseillère en gérontologie fixe une date de visite au domicile
de la personne âgée. Cette date est immédiatement proposée à la personne avec les coordonnées de
la conseillère. Puis l’Assistante sociale du CRF communique à la conseillère en gérontologie les
renseignements permettant une bonne connaissance de la situation de l’intéressé.
La transmission de ces éléments concernant l’état de santé, les possibilités de récupération,
l’environnement familial, la perte d’autonomie, facilite la prise en charge globale de la situation.
Cet échange est très rassurant pour la personne car il fait le lien de l’accompagnement social entre
l’intra centre de rééducation et l’extra hospitalier. Il matérialise le passage de relais entre les
services sociaux. Cette coopération est un facteur essentiel pour la bonne réalisation du projet de
sortie.
La visite au domicile a lieu rapidement après le retour à domicile. Elle est fonction de l’existence ou
non d’entourage familial.
Si la personne est seule, la visite a lieu très rapidement après la sortie, dans les 48 h généralement.
Dans les autres cas, elle se déroule dans les 8 jours qui suivent le retour à domicile.
Cette rencontre au domicile permet à la conseillère en gérontologie d’observer la personne dans son
lieu de vie.
Elle procède à l’évaluation de l’autonomie de la personne âgée au regard de son environnement
quotidien puis élabore avec elle la proposition de plan d’aide. Le GIR déterminé à partir de la grille
AGGIR va lui permettre de fixer les possibilités de prise en charge financière des aides humaines et
le cas échéant des aides techniques.
Dans la majorité des cas, le plan d’aide mis en place en concertation entre l’assistante sociale du
CRF et la conseillère en gérontologie répond tout à fait aux besoins de la personne.
Il peut s’avérer que des ajustements du plan d’aide soient nécessaires du fait de difficultés
d’adaptation de la personne à son domicile mais aussi pour des raisons financières.
La conseillère en gérontologie établit alors, en accord avec la personne et son entourage, une
proposition de plan d’aide qui reste toujours en adéquation avec les besoins et les possibilités
financières de l’intéressé. Ce dossier est présenté par la conseillère en gérontologie en commission
médico-sociale départementale APA pour validation, puis transmis à l’intéressé pour accord ou
refus. L’APA ne peut être effective qu’après ces différentes étapes.
La conseillère en gérontologie reprend contact avec l’assistante sociale du CRF pour l’informer de
la décision prise et de l’évolution de la situation de la personne dans son milieu de vie.
La conseillère en gérontologie prend le relais de l’accompagnement social qui existait déjà au CRF.
Dans le cadre de ce suivi social, elle vérifie le bon fonctionnement des aides mises en place et les
ajuste si nécessaire à partir des relations quotidiennes établies avec la famille et les différents
partenaires : associations d’aide à domicile, services de soins infirmiers à domicile, praticiens
libéraux et établissements hospitaliers.
Lorsque l’intéressé sollicite une modification de son plan d’aide, la conseillère en gérontologie
réévalue l’ensemble de la situation, détermine le nouveau GIR, toujours à l’aide de la grille AGGIR,
et procède à l’établissement d’un nouveau plan d’aide comme indiqué précédemment.
61
La souplesse de l’application du dispositif APA dans le département 90 permet d’apporter une aide
au plus près des besoins de la personne âgée.
La conseillère en gérontologie, par sa position de référente dans la mise en place de l’APA, est à
l’écoute permanente de la personne et des aidants familiaux.
Sa mission ne consiste pas uniquement à définir un plan d’aide mais à en suivre la réalisation en
continu.
Si les conditions du maintien à domicile deviennent trop difficiles et que la sécurité de la personne
ne peut plus être assurée, la conseillère en gérontologie aide la personne à cheminer vers d’autres
alternatives tout en veillant à respecter ses choix.
Tout au long de cet exposé vous avez pu appréhender le souci permanent des professionnels à
travailler en lien et en coordination avec le patient pour d’une part le rendre acteur de sa situation et
d’autre part mettre en place les aides les plus adaptées à sa perte d’autonomie en valorisant ses
capacités restantes.
Le lien étroit entre le centre de rééducation et les services sociaux intervenant au domicile permet
non seulement de prendre en compte toutes les dimensions personnelles et environnementales de la
personne mais aussi d’être un fil conducteur pour la continuité de l’accompagnement social.
L’ensemble des personnes et moyens sont ici mobilisés autour d’un projet commun : la sortie
d’hospitalisation. Nous agissons bien dans le cadre d’une réelle coordination.
Celle ci repose sur un partenariat fort construit à partir de la volonté des institutions et de
l’implication des professionnels sur le terrain.
Sa force passe par une connaissance fine des missions de chaque institution et de chaque métier.
Respect et reconnaissances mutuels sont les clefs de voûte d’une véritable coordination pour un
accompagnement partenarial réussi de la sortie d’hospitalisation, accompagnement qui place la
personne âgée au cœur des dispositifs.
62
LA BIENTRAITANCE – AU RISQUE DE LA MISE EN
ŒUVRE
Emmanuel BONNEAU – Directeur
Maison d’Accueil Familial ‘Marie-Claude Mignet’
Christine ARNAUD – Infirmière
Après avoir fait pendant de longues années de la prévention de la maltraitance, nous avons vu peu à
peu s’imposer une nouvelle notion, celle de la Bientraitance.
Cette notion a été renforcée dans le secteur médico-social avec la publication, par l’ANESMS, en
juin 2008, du guide de bonnes pratiques professionnelles : « La bientraitance : définition et repères
pour la mise en œuvre »
Porteur d’attentes fortes ce thème concerne aujourd’hui l’ensemble des acteurs du secteur. Mais il
est aussi l’objet de nombreuses représentations, chacun ayant sinon sa propre définition du moins
son référentiel en fonction de sa culture, de son éducation, de la conception de la place de l’usager
et du professionnel, de l’attachement affectif à l’usager … On ne peut donc pas seul se qualifier de
bien traitant. En institution, cette démarche ne peut donc être que collective.
La bientraitance retient l’importance de l’intention positive, la volonté de faire bien ou du bien voire
Le Bien. L’éthique nous contraint à la l’élaboration intellectuelle de cette intention et à sa
transformation en actes réfléchis dont les conséquences sont évaluées. C’est un aller-retour
permanent entre penser et agir. C’est une culture du questionnement qui intègre en permanence les
évolutions des savoirs et des découvertes. On ne peut pas s’autoproclamer bien traitant et il ne suffit
pas non plus de l’avoir écrit dans un projet d’établissement pour que cela aille de soi pour chacun
des professionnels de l’établissement. Combien même nous serions les plus bienveillants du monde
et que notre pratique professionnelle réponde au plus juste aux besoins et aux attentes des résidents,
l’ANESMS nous dit que nous ne pouvons pas faire l’économie de la démonstration par l’évaluation
régulière de la bientraitance. Cela s’explique surement par le fait que le risque de glissement
progressif vers des situations maltraitantes n’est absolument pas exclu par le désir de bien faire et
par l’autoévaluation de sa pratique professionnelle.
I – La bientraitance pose la question du respect et des postures
Elle s’appuie sur une culture du respect de la personne et de son histoire, de sa dignité et de sa
singularité et sur un refus sans concession de toute forme de violence et d’abus sur le plus faible,
d’où qu’elle émane.
Nous exerçons des métiers exigeants, qui ne peuvent se satisfaire de la simple répétition de la mise
en œuvre de savoirs et de savoir-faire, fussent-ils de qualité. Le risque est trop grand, face à des
situations ingrates, une pression psychologique exercée par les usagers sur les professionnels de se
protéger en se présentant comme le professionnel qui sait ce qu’il fait, ce qu’il a à faire et comment
le faire, face à des usagers et des familles qui deviennent objets du soin ou de l’accompagnement.
On ne peut donc pas dire ‘je suis bien-traitant car j’ai réalisé les gestes professionnels
conformément à ce que j’ai appris à l’école’, car chacun des gestes d’aide que je réalise s’inscrit
dans une relation, un échange avec un tiers, et que ce tiers est non seulement unique mais aussi
changeant. Ce que j’ai fait de bien avec le résident d’à coté ne l’est pas forcément pour celui avec
qui je suis ici et maintenant. Ce qui était bien hier ne l’est peut-être plus tout à fait aujourd’hui …
Au Val Fleuri, un foyer de vie qui accueille 34 adultes handicapés moteurs, nous travaillons la
notion de pilotage du soignant par le résident. Nous partons du principe que le résident sait ce qui
63
est bien pour lui et qu’à ce titre, c’est au professionnel d’adapter sa pratique et non au résident de
subir la pratique du professionnel. L’enjeu est double : d’une part il s’agit de redonner au résident le
pouvoir d’agir ou de faire agir sur SON corps, de se l’approprier et d’autre part de remettre le
salarié à sa place d’aidant et non de sachant. Ce pilotage doit pouvoir garantir au résident qu’il aura
chaque matin, qu’importe l’aide-soignant qui viendra l’aider, la même qualité de prestation en
adéquation avec ses attentes. Il n’a rien de dégradant pour le personnel bien au contraire, il fait
appel à sa capacité d’écouter l’autre et d’adapter sa pratique aux besoins.
Dans le suivi par notre SAVS- SAMSAH de l’accompagnement des personnes handicapées
motrices et polyhandicapées à leur domicile cette question est tout à fait centrale. Une personne
peut parfois voir défiler à son domicile 15-20 professionnels différents au cours de la semaine
(auxiliaire de vie – AS de SSIAD – Infirmières - médecin – rééducateurs …). Chacun arrive avec
son point de vue, ses comparaisons, avec sa sensibilité et sa plus ou moins grande bienveillance…
autant de choses qui font que le même geste d’aide va être réalisé et vécu très différemment par la
personne dépendante.
Cette notion de pilotage nécessite tout de même la mise en place de garde-fous car le professionnel
ne doit pas se laisser instrumentaliser par le résident ni laisser place au fantasme de la relation. Il
doit être garant du cadre du soin et de ce qu’il produit chez la personne aidée. Par exemple, Melle P
vient me voir un jour pour me demander si les relations entre résidents et professionnels sont
possibles. Elle éclaire sa question en m’expliquant qu’un aide-soignant est amoureux d’elle. La
preuve, c’est que quand il lui lave les seins, il ne le fait pas comme les autres membres de l’équipe,
toutes des femmes. Qu’elle est la part de fantasme de la résidente ? Le soignant entretient-il par des
gestes mal assurés ou volontaires une ambigüité sur sa place ? Seule la supervision et le travail en
équipe a permis de désamorcer la situation et mettre en lumière le faible écart entre le désir du
professionnel de bien faire son travail et une situation pouvant être qualifiée d’agression sexuelle.
La bientraitance pose donc en premier lieu la question de l’accompagnement de l’autonomie dans le
sens non pas de faire seul mais dans le sens de pouvoir dire ou faire comprendre ce que je sais qui
est bon pour moi, autonomie dans le sens étymologique de ‘définir les lois qui sont bonnes pour
moi’. Ainsi, moi, tout professionnel que je sois, je dois pouvoir admettre que la personne que j’ai en
face de moi se connaît mieux que je ne la connais. Je dois pouvoir reconnaître que mes savoirs, mon
expérience sont des atouts qui doivent guider ma pratique, mais ne me donne qu’une légitimité
relative. Pour autant je ne me sens pas menacé dans ma place. Je mets ces savoirs au service de
quelqu’un qui a besoin de moi. La question du pouvoir n’est pas au cœur de cette relation soignantsoigné. Elle ne se pose même pas, elle n’a pas de raison d’être dans cette relation. Hélas, trop
souvent elle s’y immisce jusqu’à prendre une place centrale qui perverti la relation et cristallise les
mécontentements. La maltraitance pouvant ainsi être mise totalement en relation avec l’estime que
j’ai de moi et de l’autre. Jusqu’où j’accepte de renoncer à ma toute puissance pour m’exposer au
regard critique de celui que j’accompagne. Jusqu’où je prends le risque d’être déstabilisé dans mes
certitudes et mes habitudes pour rejoindre l’autre dans ce qui fait sa singularité.
II – La bientraitance pose la question des actes
La bientraitance inclut aussi bien sur la sécurité physique et psychologique mais aussi son pendant :
le droit au risque.
La sensibilisation des équipes à la recherche de l’équilibre entre marges d’autonomie et marges
d’incertitude est indispensable pour que le respect des règles de sécurité et les inquiétudes
personnelles ne conduisent pas à des restrictions de liberté inutiles ou injustifiées. En France, le
droit de la responsabilité s’est structuré sur le principe de la faute, qui prend de plus en plus de
place. Le nouveau code pénal a adopté le « délit de mise en danger de la personne d’autrui ». Or,
nous affirmons tous qu’il n’est pas possible de soigner sans prendre un risque. Les professionnels se
voient ainsi pris au piège de cette responsabilité, à laquelle il peut être tentant de répondre par des
64
pratiques de plus en plus sécuritaires et par des procédures qui tendent à standardiser voire à
stériliser l’action pour écarter tout risque de poursuite.
En réalité, le droit administratif nous oblige à ne pas mettre en danger les personnes qui nous sont
confiées. Nous sommes invités à faire preuve de précaution. Dans la notion de précaution et par
rapport à la prévention, la référence au danger n’est pas clairement déterminée. Prendre des
précautions, suppose de se poser réellement les bonnes questions relatives aux risques pris mais
aussi et peut-être surtout de comprendre qui nous rassurons quand ces risques ne sont pas pris.
L’enjeu de certaines pratiques apparaît ici : interdire à une personne de sortir, prendre des
dispositions de contention pour éviter les risques de chute, interdire tout aliment sucré sous prétexte
de diabète… Qui cela rassure-t-il ? Nous posons-nous assez souvent cette question ?
Dans la charte des droits et libertés de personnes accueillies en institution (loi 2002-2), est abordé le
droit au choix donc le droit au risque. Si on peut convenir que Vivre c’est prendre un risque, il reste
nécessaire pour les institutions (mais surement aussi pour les individus) d’évaluer ce risque, de
l’analyser, de le maîtriser et surtout de le prévenir. L’établissement est garant à la fois du respect de
l’autonomie et de la liberté des résidents mais aussi de sa protection et du prendre soin.
Où placer le curseur entre respect de l’autonomie et non assistance à personne en péril quand nos
actes, pour garantir la sécurité, entravent la liberté ?
Le risque de la pénalisation de l’accompagnement serait de dénier la possibilité d’un choix par le
résident au motif qu’il présente un risque pour lui. Nous y tendons avec l’arrivée régulière et
massive de réglementations en matière d’hygiène et de sécurité.
Le droit au choix et donc au risque, s’il est intrinsèquement attaché à la notion de bientraitance,
suppose donc que l’on prenne le temps de l’interroger et de mettre en place des instances de
négociation, de concertation et d’explication. Je poserai ici une question : centrer son action sur les
pratiques sécuritaires, n’évite n’évite-t-il de se poser les questions relatives au respect des désirs ?
Passer du temps à vouloir prévenir tous les risque, c’est prendre du temps sur l’accompagnement,
sur la relation avec comme conséquence de finir par protéger non plus des sujets mais des objets qui
nous seraient confiés et pour qui nous sommes prêts à renoncer aux fondamentaux de
l’accompagnement pour ne pas avoir à rendre compte des conséquences d’un risque qu’il aurait
pris.
Les professionnels doivent être sensibilisés à ce travail sur les marges d’autonomie et les marges
d’incertitude par l’équipe de direction, pour que le respect des règles de sécurité en vigueur ne
conduise pas à des restrictions de liberté inutiles ou injustifiées et pour que, autant que possible, la
liberté reste la règle et la restriction de liberté, l’exception.
III – La bientraitance pose la question de la frontière avec la maltraitance
Nous voyons bien que la notion de bientraitance est soumise à la subjectivité des acteurs. A partir
de deux exemples nous allons voir que, selon le point de vue, dans la même situation, on va pouvoir
qualifier l’attitude du professionnel de ‘bientraitante’ ou de ‘maltraitante’.
M. X est hémiplégique suite à une opération d’une tumeur au cerveau au cours de laquelle il a aussi
perdu la vue de son œil gauche. Il se déplace en fauteuil roulant électrique. Lorsqu’il se déplace à
l’extérieur du foyer, il emprunte une rue à forte circulation. L’équipe évoque ses problèmes de vue
et insiste sur le fait qu’il n’ait plus la vision en relief pour interpeller la direction afin qu’elle
interdise à M. X de sortir seul en ville. Du point de vue des salariés, si l’institution n’intervient pas
elle met le résident en danger et le maltraite. Le résident pour sa part affirme que c’est son choix,
qu’il connaît le risque et que l’institution ne peut pas le priver de son droit d’aller et venir. Cette
situation cristallise les tensions à la fois entre l’équipe et la direction qui refuse d’interdire mais
aussi entre l’équipe et le résident qui se sent infantilisé et non respecté. Ce qui est le plus étonnant
dans cette situation, c’est que dans le même établissement, on pourrait vous citer au moins trois
autres résidents qui utilisent leurs fauteuils sur le même trajet et qui sont au moins autant, sinon
plus, en danger que lui, sans pour autant que l’équipe ne se positionne aussi catégoriquement. On
65
voit bien ici que le droit à l’autonomie et donc au risque ne repose pas sur une réflexion globale des
situations mais bien sur des cas individuels en fonction de ce que le résident nous renvoie et de ce
que l’on peut s’autoriser ou non vis-à-vis de lui. Les professionnels s’estiment bien traitant en
voulant soustraire le résident à un risque grave, le résident s’estime maltraiter par une atteinte à sa
liberté de circuler.
Il va nous falloir décoder pourquoi cette situation est dérangeante pour le personnel pour ce résident
ci et pas pour les autres et pourquoi nous sommes prêts à réduire son espace de liberté pour le
protéger d’un risque qui n’est pas supérieur à celui auquel les autres résidents sont soumis.
Mme B est hémiplégique suite à un trauma crânien. Elle vit dans l’établissement depuis 10 ans. En
tant que doyenne (61 ans) et avec la sympathie qu’elle provoque, elle est un peu devenue la
‘mascotte’ de l’unité de vie et bénéficie d’une grande bienveillance de l’équipe. Elle présente, des
suites de son trauma, des signes de désorientation que l’âge a tendance à aggraver. Suite à une chute
de fauteuil ayant entraîné une fracture du col du fémur, les aides-soignants ont pris l’habitude de lui
mettre une ceinture quand ils l’installent dans son fauteuil roulant, en prenant garde à mettre le clip
dans le dos, hors de portée.
La direction ayant interrogé cette pratique, il est convenu de modifier la ceinture et de lui en mettre
une avec attache rapide positionnée devant, à portée de main. La ceinture permettant uniquement de
réduire le risque de chute avant chez une personne dont le maintien du tronc n’est pas suffisant.
Très rapidement Mme B trouve le truc et arrive à se détacher seule. Par 2 fois une aide-soignante
arrive dans la salle de bain de Mme B au moment où, après s’être détachée, elle réalise un transfert
fauteuil WC. La salariée affirme que, si elle n’avait pas été présente, la résidente aurait chuté. Après
en avoir parlé avec l’équipe, elle saisit la direction, la mettant en demeure de prendre toutes les
dispositions pour mettre Mme B en sécurité. Elle demande fermement que l’on remette la ceinture
comme avant. Devant le refus de la direction, elle repart en colère en regrettant qu’une fois de plus
il faille attendre qu’il arrive quelque chose de grave pour que la direction intervienne.
Cette situation a été reprise avec l’équipe par la direction. Il a fallu passer par une démonstration par
l’absurde pour ouvrir les yeux de l’équipe. Par deux fois il y a un témoin. D’accord. Mais peut-on
affirmer qu’il n’y a pas eu d’autres transferts, sans témoin et sans chute ? Non. Donc on peut en
conclure que Mme B a la capacité de réaliser seule ses transferts fauteuil WC. La prévention du
risque de chute doit-il dès lors prévaloir sur le maintien des capacités motrices. Doit-on rendre cette
personne dépendante d’un professionnel pour un acte qu’elle peut réaliser seule ? Sa désorientation
justifie-t-elle à elle seule la contention permanente ? A aucune de ces questions l’équipe n’a pu
répondre oui catégoriquement. La ceinture n’a donc pas été modifiée. Là encore, la limite entre
bientraitance et maltraitance n’est pas évidente à définir.
Ainsi vouloir mettre en œuvre ‘La bientraitance’ c’est prendre le risque de voir changer nos
postures et de remettre en cause nos savoirs et nos pratiques, de passer du discours aux actes. Il
n’est pas de bientraitance sans engagement car il n’est pas de bientraitance sans risque et que mettre
l’usager que l’on accompagne en situation à risque engage le professionnel que je suis.
Je reprendrai à mon compte les conclusions de l’ANESMS :
L’interaction des professionnels avec les usagers est fortement corrélative des modes
d’encadrement qui leur sont proposés. Il est recommandé que les professionnels fassent l’objet d’un
encadrement cohérent avec les objectifs de bientraitance des usagers. Ceci induit que l’encadrement
soit en premier lieu respectueux des personnes et soucieux de réserver aux équipes une possibilité
de pensée, de parole et d’autonomie et en second lieu, attentif à la cohérence des actions mises en
œuvre avec les principes et les intentions annoncées en matière de bientraitance.
Ce mode d’encadrement a pour objectif de permettre aux professionnels d’être des acteurs à part
entière dans l’accompagnement, ce qui suppose de les soutenir dans l’initiative et d’éviter toutes les
formes d’organisation déresponsabilisantes. L’encadrement visé ici appelle trois qualités
importantes et complémentaires. Une qualité d’engagement, qui permet d’amener une présence
66
sécurisante pour les professionnels, d’incarner et de porter le projet collectif de la bientraitance.
Cette qualité correspond à l’éthique de la conviction. Une qualité de clairvoyance et
d’anticipation, condition indispensable pour mettre en œuvre toutes les dimensions préconisées dans
la recommandation. Elle correspond à l’éthique de la responsabilité. Une qualité de justice, enfin,
pour permettre aux professionnels de travailler dans la transparence et sans crainte d’arbitraire.
Cette qualité est le ressort incontournable de la bientraitance, en ce qu’elle est la vertu de la vie
sociale par excellence. Elle est aussi le support de la visée éthique contenue dans la bientraitance –
visée éthique qui est « la visée de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes.
67
SYNTHESE DE LA XXVII JOURNEE
Claire MATTER
Présidente AIRR
Cette journée a été appelée « Journée des défis » par l’un des intervenants. Et quel défi d’en
faire la synthèse, tant chacune et chacun y a contribué dans sa diversité et sa complémentarité !
J’ai glané ici et là des mots-clés, des expressions qui, en ont, finalement, retracé le fil rouge. Nous
avons parlé de « soin écologique », tant la dimension du seul corps à soigner ne suffit plus….
Pratiquer avec bon sens dans un esprit d’ouverture… Oser le questionnement pour une remise en
cause de nos pratiques … Amorcer une révolution en donnant du sens à nos actes… Avoir
l’intelligence soignante, celle du singulier, celle du respect. Réviser ensemble nos fondements de
soignants, en équipe interdisciplinaire, où l’infirmière, tout en ayant un rôle spécifique, s’inscrit
dans un réseau qui saura s’adapter, évoluer, accompagner la personne dans sa particularité, tout en
préservant son autonomie.. Considérer la famille qui devient co-soignante, co-stress, co-handicapée,
dans divers milieux, dans le médical comme dans le médico-social, que ce soit dans un projet
personnalisé en institution ou vers le domicile… S’arrêter vers une prise en charge globale, en
coordination, dans le respect…. Appliquer la Bientraitance, tout en y fixant les frontières…. Avoir
droit au risque…
« Handicap et Vieillissement », avions- nous annoncé, comme titre de cette Journée d’Etude ? Mais,
finalement, n’y avons-nous pas tous pris une cure de jouvence ? Quelle richesse !
Je vous en remercie chacun, de tout cœur !
Et j’espère vous dire « A l’année prochaine, à Berck sur Mer ! », nous tournant vers un thème tout
aussi porteur, celui du Handicap et Sexualité.
Bon retour et à bientôt !
68
REMISE
DES DIPLOMES UNIVERSITAIRES
SOINS INFIRMIERS EN
REEDUCATION ET READAPATION
Remise des Diplômes par Claire MATTER
Présidente de l’AIRR à :
• Sandrine ASTIER épouse BONNARDEL
• Nathalie DRILLAUD
• Tony DOS SANTOS
• Christel CONTARD épouse GAURON
• Fabienne KANDEL
• Stéphanie MOUTARDE épouse LEFEVRE
• Alexis PEYRONNET
• Rachel ROBIN COLMEZ
• Valérie THOMAS épouse POIVET
69
70
ATTRIBUTION DU PRIX AIRR / SOINS 2009
A VALOIR CHEZ L’EDITEUR « MASSON ELSEVIER »
« La place de l’âge dans la construction identitaire
du sujet en MPR »
Service de Médecine Physique et de Réadaptation
Centre Hospitalier, 19100 Brive
Groupe de travail et présentation du thème le jour du congrès (noms soulignés) : Elisabeth
BLEUZET (IDE), Agnès BOUZON (IDE), Denis CHENIER (cadre de santé), Jacqueline
CUEILLE (Aide Soignante), Annick LARNAUDIE (IDE), Jean Michel WIROTIUS (MPR).
71
PROCES-VERVAL
DE L’ASSEMBLEE GENERALE
EXTRAORDINAIRE DU 24 SEPTEMBRE 2009
Les membres de l’Association des Infirmières et Infirmiers de Rééducation et Réadaptation, dont le
siège social est établi au CRF E. Bretegnier, 14 rue Dr Gaulier à 70400 Héricourt, se sont réunis en
assemblée générale extraordinaire le 24 septembre 2009 dans la salle « Bruxelles » du Foyer
International d’Accueil de Paris « Jean Monnet », 14 rue Cabanis à Paris XIVème.
Il a été établi une feuille d’émargement des membres présents et représentés.
Présents : C. DUMANOIR, C. HERNIOTTE, S. JOURDAIN, A. LAUTISSIER,
C. LEBAILLY, S. LEFEVRE, C. MANISE (rapporteur), Cl. MATTER, N. POULAIN,
V. POIVET, I. ROBINE et L. VINCENT.
Représentés : néant.
La séance est ouverte à 12 heures, sous la présidence de Cl. Matter, présidente.
Cl. MATTER explique aux membres de l’assemblée générale que l’AIRR bénéficie actuellement,
pour nos journées d’étude, du numéro de formation de l’association Arc-en-ciel, sise 14 rue du Dr
Gaulier à 70400 Héricourt, celle-ci étant en lien avec le CRF E. Bretegnier.
A. Lautissier, trésorière, prenant prochainement sa retraite du CRF E. Bretegnier, M. Blouet,
directeur général du CMPR de Bagnoles-de-l’Orne, a proposé de nous offrir l’accès au numéro de
formation de l’association Pierre Noal, sise 17 avenue du Dr Jacques Aimez à 61140 Bagnoles-del’Orne
Ceci entraînera un changement de siège au CRF de Bagnoles-de-l’Orne.
La succession du poste de trésorière sera assurée par I. Robine. De ce fait, un transfert de la
comptabilité vers un bureau d’experts de La Ferté Macé s’impose.
Ces trois dispositions seront d’application à compter du 1er janvier 2010.
Le débat s’ouvre entre les participants.
Plus personne ne souhaitant prendre la parole, Cl. MATTER met au vote les différents points à
l’ordre du jour :
• Première résolution : l’assemblée approuve le changement de siège de l’association. Cette
résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents.
• Deuxième résolution : l’assemblée générale approuve le changement de numéro de
formation. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents.
• Troisième résolution : l’assemblée générale approuve le changement de bureau d’expertise
comptable. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents.
La séance est clôturée à 12 heures15.
72
PROCES-VERVAL
DE L’ASSEMBLEE GENERALE
DU 24 SEPTEMBRE 2009
Les membres de l’Association des Infirmières et Infirmiers de Rééducation et Réadaptation, dont le
siège social est établi au CRF E. Bretegnier, 14 rue Dr Gaulier à 70400 Héricourt, se sont réunis en
assemblée générale ordinaire le 24 septembre 2009 dans la salle « Bruxelles » du Foyer
International d’Accueil de Paris Jean Monnet, 14 rue Cabanis à Paris XIVème.
Il a été établi une feuille d’émargement des membres présents et représentés.
Présents : C. DUMANOIR, S. JOURDAIN, C. HERNIOTTE, A. LAUTISSIER, C. LEBAILLY,
S.
LEFEVRE,
C.
MANISE
(rapporteur),
Cl.
MATTER,
N.
POULAIN,
V. POIVET, I. ROBINE et L. VINCENT.
Représentés : néant.
La séance est ouverte à 12 heures 15, sous la présidence de Cl. Matter, présidente.
1. Rapport moral
- Les 26èmes journées d’études 2008 se sont déroulées à Bagnoles-de-l’Orne sur le thème de
l’éducation thérapeutique. Ces deux journées ont rassemblé plus de 450 participants. Le
questionnaire de satisfaction nous renseigne que 82% des congressistes ne sont pas membres
de l’AIRR et que 60% participaient pour la 1ère fois à des journées d’étude de notre
association.
96% des participants ont déclaré que ces journées avaient répondu à leurs attentes. 88%
d’entre eux ont eu l’occasion de faire des rencontres professionnelles au cours des journées.
Pour 97% d’entre eux, les journées ont enrichi leurs connaissances.
Le bilan financier des journées de Bagnoles-de-l’Orne a été positif.
- L’AIRR a organisé une séance parallèle sur le même thème lors du 4ème congrès du
SIDIIEF (Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone)
qui s’est déroulé du 7 au 11 juin 2009 à Marrakech (Maroc). Cette participation est garante
d’une ouverture à la dimension mondiale et valorise notre spécificité dans un partenariat
international.
- Le nombre d’adhérents s’élève à ce jour à 106 personnes, dont 22 renouvellements.
- Le nombre d’inscrits à la présente journée de Paris sur le thème du vieillissement et du
handicap s’élève à 200 personnes (nombre limité par la capacité de la salle).
- Le conseil d’administration de l’association est actuellement composé de 8
administrateurs et s’est réuni 3 fois au cours de cette année : les 21 et 22 novembre 2008, les
27 et 28 février, ainsi que les 26 et 27 juin 2009, chaque fois à Paris.
Le conseil se compose aujourd’hui de Cl. MATTER, présidente et de V. POIVET, viceprésidente, d’A. LAUTISSIER, trésorière et d’I. ROBINE, trésorière adjointe et chargée des
73
Journées d’Etude, de C. MANISE, secrétaire-webmestre et de C. HERNIOTTE, secrétaire
adjointe, de M. CHRIST, responsable des publications, ainsi que de S. JOURDAIN,
trésorière adjointe et responsable du congrès de Berck-sur-Mer.
- Nos contacts extérieurs consistent essentiellement en un partenariat de plus en plus important
avec le SIDIIEF.
- Notre promotion externe repose sur 2 moyens : notre journal Alter Ego, dont une revue
« Spécial Journées d’Etude » et 3 numéros intermédiaires.
L’autre vecteur est notre site internet www.airr.info. Celui-ci a drainé 35.341 visites sur
l’année civile 2008 et enregistre déjà 24.000 visites à fin août 2009. La documentation
scientifique qui s’accumule au fil des années sur les soins infirmiers spécifiques de rééducationréadaptation représente manifestement un attrait essentiel pour les visiteurs.
Jan
2008
Fév
2008
Mar
2008
Avr
2008
Mai
2008
Juin
2008
Juil
2008
Aoû
2008
Sep
2008
Oct
2008
Nov
2008
Déc
2008
2.
Mois
Visiteurs différents
Visites
Pages
Hits
Jan 2008
2977
3422
9526
30191
Bande passante
1.07 Go
Fév 2008
3045
3550
10517
32626
1.07 Go
Mar 2008
3346
3889
11303
30032
1.23 Go
Avr 2008
3235
3724
11374
30402
1.56 Go
Mai 2008
2943
3320
9665
28343
1.76 Go
Juin 2008
2969
3419
9238
27949
1.68 Go
Juil 2008
0
0
0
0
0
Aoû 2008
1605
2038
6199
20563
903.88 Mo
Sep 2008
2420
2826
8321
35455
1.29 Go
Oct 2008
2659
3102
9002
33668
1.81 Go
Nov 2008
2890
3306
8928
29162
1.46 Go
Déc 2008
2455
2745
7865
23142
1.45 Go
Total
30544
35341
101938
321533
15.25 o
- DUSIRR : pour rappel, le diplôme universitaire en soins infirmiers de rééducation et
réadaptation est organisé par une tripartite constituée du SERFA (Université de Haute
Alsace), de l’AIRR et d’ALISTER (Association pour l’Information Scientifique et
Technique en Rééducation). L’année 2008 a compté 10 étudiant(e)s motivé(e)s et
intéressé(e)s. Il n’y a pas de promotion 2009.
2. Rapport financier
L’exercice clos au 30/06/2009 fait état d’un bénéfice s’élevant à 4 479.66 €.
Il est à noter que les produits d’exploitation sont en augmentation par rapport au bilan clos
au 30/06/2008, le pourcentage de variation constatée par rapport à l’année dernière est de
23.38 %.
Le chiffre d’affaire net est en progression de plus de 35 %, due essentiellement à
l’augmentation des inscriptions au congrès (70 560 € pour le congrès 2008 contre 50 715 €
pour le congrès 2007).
Parallèlement, les subventions reçues par l’association sont en en forte baisse, l’association
ayant perçu moins de subventions au titre de l’organisation du congrès de Bagnoles de
l’Orne que pour le congrès de Sochaux.
Les charges d’exploitation s’élèvent à 85 289 € contre 92 182 € pour l’exercice 2008 soit
une légère diminution de 7.48 % sur l’exercice.
74
Le centre « Administration » est toujours en déficit cette année, ce déficit passant de 10 324
€ en 2008 à 20 340 € en 2009.
Cette variation s’explique en partie par la forte augmentation du poste « Frais de
déplacements » essentiellement due par la participation au congrès du SIDIIEF organisé à
Marrakech.
Le centre « Congrès » dégage un bénéfice de 24 820 € alors que l’organisation des journées
d’étude pour l’année 2007 avait occasionné une perte de 8 692 € pour l’association.
Cela s’explique par une augmentation du poste « Inscription congrès » grâce à la hausse du
prix d’inscription à la participation des journées d’étude du congrès de Bagnoles de l’Orne.
Perspectives :
Pour conclure, la situation financière reste correcte avec 50 465 € de disponibilités tout
compte bancaire confondu au 30 Juin 2009.
La réflexion stratégique menée sur l’organisation du congrès 2008, notamment au niveau
des prix d’inscription, a permis de dégager, pour la première fois depuis quelques exercices,
un excédent suffisant pour couvrir l’intégralité des charges administratives que doit
supporter l’association tout au long de l’année.
Cet excédent dégagé n’a pas de conséquence directe sur l’évolution de la trésorerie
(légèrement en baisse par rapport à l’année 2008) mais a un impact substantiel au niveau de
la santé financière de l’association puisque les dettes de l’association ne s’élèvent plus qu’à
4 009 € au 30/06/2009 contre 18 095 € au 30/06/2008.
Il paraît donc nécessaire de continuer sur cette voie, seule à même de garantir la santé
financière de l’association et d’assurer sa pérennité dans le temps.
3. Renouvellement des dirigeants
Deux membres du conseil d’administration sont sortants : M. CHRIST, entrée au conseil en
2004 et C. HERNIOTTE, entrée en 2006.
Cl. MATTER profite de l’occasion pour faire appel à candidature pour 2 postes qui se
retrouvent ainsi vacants.
4. Objectifs 2009-2010
-
Le 1er objectif est l’organisation des prochaines journées d’étude de notre association
qui porteront sur le thème de la sexualité et du handicap les 23 et 24 septembre à Bercksur-Mer ;
-
Le 2ème consiste en la poursuite de notre partenariat avec le SIDIIEF ;
-
Passé ce cap 2008-2009, le 3ème sera de poursuivre notre mission de promotion,
d’information et de formation avec une équipe en cours de renouvellement ;
-
Le 4ème et nouvel objectif sera d’ouvrir notre association à la dimension médico-sociale.
Le débat s’ouvre entre les participants.
Plus personne ne souhaitant prendre la parole, Cl. MATTER met au vote les différents points à
l’ordre du jour :
• Première résolution : l’assemblée approuve le rapport moral de la présidente. Cette
résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents.
• Deuxième résolution : l’assemblée générale approuve le rapport financier de la trésorière.
Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents.
75
•
•
Troisième résolution : l’assemblée générale approuve les comptes et bilans et donne le
quitus aux administrateurs. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents.
Quatrième résolution : l’assemblée générale approuve la nouvelle composition du conseil
d’administration. Cette résolution est adoptée à l’unanimité des membres présents.
L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 13 heures.
De l’assemblée, il a été dressé le présent procès-verbal signé par la présidente et le secrétaire.
Charles MANISE
Secrétaire
Claire MATTER
Présidente
76
Bulletin d’adhésion individuel
Adhérent ‰Mlle
‰ Mme
‰M.
Nom : …………………………………………………………..
Prénom : ……………………….…………..…………………..
Fonction : ……..…………………………….………………….
Adresse à laquelle Rue : …………………………………………….………………
vous
souhaitez recevoir la
correspondance ……………………………………………………………………
Code postal : ………………..
Ville : …………………………….………………………………
Courriel : Personnel……………………………………………
Professionnel……………………………………….
Date
Signature
Votre adhésion est
valable pour l’année
du1er/07 au 30/06 de
l’année suivante
(année comptable).
Ci-joint, Un chèque bancaire de 30€ à l’ordre de l’AIRR
A retourner
accompagné du
règlement à
Marie Christine TROCHUT
Secrétariat AIRR
18, avenue des Cormorans
50610 JULLOUVILLE
Cette adhésion vous offre :
• Un tarif préférentiel aux Journées d’Etude AIRR
• L’envoi de 3 revues Alter Ego par an
77
78
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