Introduction générale

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Introduction générale
Touchant près de 600 nouvelles personnes chaque année en France, la leucémie
myéloïde chronique est une maladie affectant les cellules du sang et de la moelle osseuse
(située au cœur de tous nos os). La moelle osseuse produit l’ensemble des cellules du sang qui
constituent la lignée myéloïde (lexique). Toutes ces cellules proviennent de cellules mères,
appelées cellules souches hématopoïétiques. Dans la leucémie myéloïde chronique (LMC),
toutes les cellules sanguines sont malades. Le terme « chronique » renvoie à la lente évolution
de la maladie.
Aujourd’hui, il est admis que la LMC apparaît à cause de la formation d’un
chromosome (lexique) 22 anormal « Philadelphie » ou Ph, appelé ainsi car découvert dans la
ville de Philadelphie dans les années 60. Ce chromosome entraîne le collage anormal de deux
gènes (lexique).
La mise en évidence de ce chromosome Ph dans les cellules de la moelle osseuse
permet un diagnostic de certitude.
L’évolution de la LMC peut être divisée en 3 phases cliniques distinctes en l’absence de
traitement :
1- Une phase initiale chronique qui correspond le plus souvent à la phase de
diagnostic et caractérisée par un excès de globules blancs (lexique) dans le sang et une
augmentation de la taille de la rate.
2- Une phase accélérée, transition entre la phase chronique et la phase aiguë.
3- La phase de transformation blastique ou de leucémie aiguë (lexique).
Le premier examen que l’on réalise est un hémogramme et/ou un myélogramme.
Des études plus approfondies sont réalisées pour retrouver la présence du chromosome
Philadelphie dans les cellules malades (cytogénétique (lexique) et biologie moléculaire
(lexique)).
La leucémie myéloïde chronique est une maladie sans prédisposition génétique connue
Il existe des facteurs favorisant son apparition, tels que les radiations ou une exposition
prolongée au benzène, mais en général, on ne connaît pas la cause de l’apparition du
chromosome Ph responsable de la maladie.
Historique de la LMC
La LMC a longtemps été une maladie incurable, jusque dans les années 80. C’est la
première leucémie à être décrite en tant que telle. Elle fut caractérisée en 1845 chez deux
patients présentant une rate énorme et un sang épais et d’aspect laiteux (dû à un excès de
leucocytes (lexique)), sans qu’on sache expliquer pourquoi.
Vers 1960, de nouvelles techniques se développent et les chercheurs peuvent alors
observer des cellules en division, seul moment où les chromosomes sont visibles dans les
noyaux des cellules. Grâce à ces avancées, Peter Nowell et David Hungerford mettent en
évidence chez les patients présentant les symptômes précédents, un chromosome 22
anormalement court, qu’ils nomment chromosome Philadelphie, du nom de la ville où ils le
découvrirent. Ce chromosome Ph (ou Ph1) fut la première anomalie chromosomique identifiée
dans un cancer.
Ce chromosome est étudié en particulier par Rowley qui montre, en 1973, l’existence
d’un échange de fragments entre les chromosomes 9 et 22 : c’est la translocation t(9;22)
(lexique).
Puis, les connaissances en biologie moléculaire (lexique) évoluant, on montre dans les
années 80 que le chromosome Ph porte un gène anormal, formé de deux morceaux de gènes :
1 fragment du gène BCR sur le chromosome 22, accolé à 1 fragment du gène ABL issu du
chromosome 9. La protéine fabriquée grâce à ce gène BCR-ABL est mutante (lexique) et son
action est responsable des symptômes connus de la maladie.
Différents traitements se développent alors, au fur et à mesure des années : certains
utilisent des molécules chimiques capables de limiter la multiplication des cellules malades
comme l’hydroxyurée (Hydréa), d’autres font appel à une molécule naturelle comme
l’interféron, d’autres encore sont plus radicaux comme la greffe de moelle osseuse qui
remplace les cellules malades par des cellules saines d’un donneur.
Grâce aux connaissances acquises sur le rôle de la protéine BCR-ABL, les années
2000 voient apparaître un traitement révolutionnaire, le Glivec (imatinib mésylate, STI-571)
qui bloque directement la protéine mutante dans les cellules malades et l’empêche d’exercer
son action.
Actuellement, les recherches sur le Glivec continuent pour mieux connaître ses effets à
long terme. Des résistances au traitement apparaissent chez certains patients et déjà, la
seconde génération de traitements bloquants (ou inhibiteurs) est à l’essai.
Diagnostic
Quelques chiffres d’épidémiologie…
On estime qu’il y a 500 à 600 nouveaux cas par an de leucémie myéloïde chronique
(LMC) en France et la fréquence de la maladie est de 1 à 2 cas pour 100 000 habitants.
La LMC peut se déclarer à tout âge, mais le risque d’être atteint augmente avec les
années. L’âge moyen d’apparition de la maladie est d’environ 50 ans, et on note une légère
prédominance masculine : 1,4 à 1,5 homme pour 1 femme. On n’a pas découvert de
prédisposition génétique pour la LMC.
2,5% des personnes atteintes de LMC ont moins de 10 ans.
15 à 30% des patients ont plus de 60 ans.
Une exposition chronique au benzène ou à des radiations ionisantes peut engendrer
une LMC dite secondaire (5% des cas de LMC).
Symptômes cliniques
La LMC est de plus en plus souvent diagnostiquée par hasard à l’occasion d’une prise
de sang : le taux de globules blancs (leucocytes) est anormalement élevé.
Cependant, le diagnostic peut aussi être réalisé lors d’une consultation pour fatigue
générale, amaigrissement, voire douleurs.
Certaines personnes peuvent être dépistées lors d’un scanner ou d’une échographie, où
l’on détecte une rate de taille augmentée (splénomégalie) caractéristique de la LMC.
La leucémie myéloïde chronique évolue généralement en 3 phases cliniques
successives : une phase chronique pendant laquelle le diagnostic est le plus souvent réalisé,
une phase accélérée et une phase aiguë. Un patient peut cependant être diagnostiqué à
n’importe laquelle de ces 3 phases, et son traitement en dépendra. Toutefois, la très grande
majorité des patients est en phase chronique au moment du diagnostic et l’évolution vers les
phases accélérée ou aiguë est bloquée par le traitement.
1- Phase chronique
9 patients sur 10 sont diagnostiqués dans cette phase. Les signes initiaux sont peu
spécifiques :
Amaigrissement, perte de poids
Fatigue générale
Sueurs nocturnes
Parfois, pesanteur du flanc gauche due à la splénomégalie
Lors de la phase chronique, le taux de globules blancs dans le sang devient très élevé
(de 5 000 à 10 000 par mm3, on passe à plus de 50 000 ). Cette augmentation des leucocytes
s’appelle une hyperleucocytose, caractéristique de la LMC.
2- Phase accélérée
C’est une phase de transition entre les phases chronique et aiguë. La maladie s’accélère et les
symptômes deviennent plus évidents :):
Altération de l’état général (asthénie)
Fièvre
Amaigrissement accentué
Sueurs accentuées
Douleurs osseuses
Accentuation de la splénomégalie
La qualité des nouvelles cellules sanguines produites est altérée: les globules rouges
diminuent ainsi que le taux d’hémoglobine (anémie); le nombre de plaquettes diminue aussi.
Le traitement de la phase chronique permet de contrôler le risque de passage en phase
accélérée.
3- Phase aiguë
Aussi appelée phase de transformation blastique, elle survient en l’absence de
traitement. Heureusement, les traitements actuels permettent de stabiliser la phase chronique
de la maladie et évitent le passage en phase aigue.
Techniques d’étude
En dehors de l’hémogramme aujourd’hui automatisé, il existe d’autres techniques
d’étude de la leucémie myéloïde chronique : la cytogénétique et la biologie moléculaire.
Elles permettent d’étudier les chromosomes et l’ADN, au cœur des cellules.
Au centre du noyau de chaque cellule de l’organisme sont localisés les chromosomes,
constitués d’ADN, c’est notre patrimoine génétique. Grâce à lui, certains ont les yeux bleus,
d’autres les yeux marron, certains ressemblent à leur mère, d’autres à leur père… Tout l’ADN
est réparti sur 23 paires de chromosomes chez l’Homme (on possède chaque chromosome en
2 exemplaires: un transmis par notre père + un transmis par notre mère), ce qui fait 46
chromosomes par cellule.
On peut classer ces chromosomes en 23 paires et par taille décroissante : ainsi la paire
de chromosomes 1 contient le chromosome 1 du père et celui de la mère, et le chromosome 1
est le plus grand de tous les chromosomes. De même, la paire 22 est la plus petite. La paire 23
est particulière, ce sont les chromosomes qui déterminent le sexe : 2 chromosomes X pour une
fille, un X et un Y pour un garçon.
Sur un chromosome se succèdent des séquences d’ADN, les gènes. Si on va plus loin,
chaque gène est un patron de fabrication pour une protéine. Si on change, même très peu, la
séquence d’ADN d’un gène, la protéine produite sera différente de celle normalement
produite.
Définition de la translocation
Dans les cellules des personnes atteintes de LMC, un grand morceau du chromosome
22 se casse, un petit morceau du chromosome 9 se casse et les deux morceaux s’échangent et
se recollent : le petit morceau du 9 se colle sur le 22 cassé, et inversement, le grand fragment
du 22 va s’associer au 9 cassé. Cet échange de fragments de chromosomes s’appelle une
translocation, ici entre les chromosomes 9 et 22. Ce chromosome 22 qui contient un morceau
du 9 est aussi appelé chromosome Philadelphie.
Au niveau de l’ADN, le gène Abelson (ABL) est cassé en deux sur le chromosome 9,
ainsi que le gène BCR sur le chromosome 22. Quand les morceaux de chromosomes
s’échangent, le fragment cassé du gène BCR va se coller au morceau restant du gène ABL sur
le chromosome 9, et de même, le morceau cassé du gène ABL va se coller au fragment restant
du gène BCR sur le chromosome 22. On obtient donc sur le chromosome 22 un gène
anormal BCR-ABL formé du début du gène BCR et de la fin du gène ABL, et sur le
chromosome 9 un gène anormal ABL-BCR, composé du début du gène ABL et de la fin du
gène BCR.
Le gène muté BCR-ABL peut être détecté, ainsi que la protéine dont il permet la
fabrication.
Cytogénétique
C’est la science qui étudie les chromosomes dans leur intégrité. Pour ce faire, une
carte de chaque chromosome a été établie, indiquant l’emplacement précis de chaque gène.
On peut ainsi observer tout remaniement entre les chromosomes, comme la translocation entre
les chromosomes 9 et 22 dans le cas de la LMC.
Techniquement, on prélève des cellules de la moelle osseuse par ponction médullaire
(au niveau du sternum le plus souvent, sous anesthésie locale), et on traite ces cellules afin de
visualiser les chromosomes au microscope.
En cytogénétique conventionnelle, on fait le caryotype du patient, c’est-à-dire que
l’on étale et on classe tous les chromosomes d’une de ses cellules pour les étudier.
Sur le caryotype, les biologistes cherchent à observer la translocation t(9 ;22) : un des
deux chromosomes 9 est trop long, tandis qu’un des deux chromosomes 22 est trop court (le
chromosome Philadelphie (Ph)).
La translocation est toujours au même endroit, coupant les gènes BCR et ABL et les
fusionnant. La mise en évidence d’une telle translocation permet un diagnostic de certitude.
Quand la maladie passe en phase accélérée, d’autres anomalies chromosomiques
peuvent apparaître : trisomie 8, (3 chromosomes 8 au lieu de 2), duplication du
chromosome Ph, c’est-à-dire 3 chromosomes 22 dont 1 normal et 2 Ph sur le caryotype d’une
cellule.
Ainsi, l’établissement de caryotypes (alignement des 23 paires de chromosomes +
chromosomes supplémentaires s’ils existent dans une cellule) permet d’évaluer l’avancement
de la maladie : l’apparition de mutations autres que le chromosome Ph signe une évolution.
La cytogénétique moléculaire (technique FISH) consiste en un marquage du gène
anormal BCR-ABL.
Comme précédemment, on récupère des cellules de moelle osseuse mais on y intègre
des marqueurs fluorescents (1 rouge et 1 vert) qui vont se fixer spécifiquement sur les gènes
ABL et BCR respectivement. On regarde ensuite chaque cellule au microscope : si les deux
marqueurs sont au même endroit (superposés), les deux gènes sont collés, donc il y a eu
translocation, donc la cellule est leucémique. Par contre si les marqueurs sont bien distincts
(un sur les chromosomes 9 et l’autre sur les chromosomes 22) alors la cellule est saine car
absence de gène BCR-ABL.
Biologie moléculaire
Cette technique consiste à extraire l’ADN puis isoler le gène anormal BCR-ABL dans
des cellules de la moelle osseuse ou du sang, grâce à des marqueurs très spécifiques de ce
gène. Si une cellule présente un tel gène, elle est leucémique. Une cellule saine n’a pas de
gène BCR-ABL. Grâce au test de biologie moléculaire qui s’effectue dans le sang, on peut
estimer la quantité de cellules malades restantes dans l’organisme. Quand cette quantité
devient très faible, on parle alors de maladie résiduelle, ce qui correspond au contrôle de
l’évolution de la LMC
Fréquence des examens
Le myélogramme pour étude cytogénétique est en général effectué après 6 mois et 12 mois de
traitement. Si le chromosome Philadelphie a disparu, le contrôle est alors effectué une fois par
an.
La prise de sang pour la biologie moléculaire est réalisée tous les 3 à 6 mois pendant toute la
durée du traitement.
Les Traitements
Tous les traitements visent à éviter l’évolution de la maladie vers la phase de
transformation (ou phase aigue). Certains peuvent guérir comme l’allogreffe, d’autres
bloquent l’évolution de la maladie comme le Glivec. Après la présentation non exhaustive de
quelques traitements, la démarche thérapeutique sera expliquée, à titre indicatif.
L’allogreffe
Il s’agit d’une greffe de cellules souches issues de la moelle osseuse à partir d’un
donneur (contrairement à l’autogreffe, où l’on récupère des cellules hématopoïétiques saines
du patient).
Quand on veut réaliser une allogreffe, on commence par rechercher un donneur
compatible pour les groupes des globules blancs (aussi appelés groupes HLA ; ils sont
différents des groupes des globules rouges appelés groupes sanguins). Les cellules de moelle
osseuse du donneur sont collectées par ponction au niveau du bassin (sous anesthésie) ou dans
le sang du donneur après traitement par une molécule de stimulation des globules blancs (ou
G-CSF), à l’aide d’un appareil proche de celui utilisé pour les dons de plaquettes.
Le patient reçoit alors un traitement de préparation à la greffe appelé
conditionnement, qui permet à la greffe de ne pas être rejetée par le receveur, et qui réduit
également la quantité de cellules malades du receveur. Le conditionnement est à base de
chimiothérapie et peut également comporter de la radiothérapie. Le patient est hospitalisé
dans une unité spécialisée (environnement stérile) pour la greffe de moelle osseuse avant le
début du conditionnement.
La greffe des cellules de moelle osseuse (aussi appelées cellules souches
hématopoïétiques) se fait par une simple transfusion.
Le patient reste alors sous surveillance étroite jusqu’à ce que la moelle osseuse ainsi
greffée produise les cellules du sang, et également pour guetter les signes de la réaction de la
greffe contre le receveur (appelée GVH).
Cette réaction est bénéfique car elle aide à l’élimination des cellules malades mais il
ne faut pas qu’elle soit délétère pour les cellules saines de l’organisme. C’est pourquoi il faut
suivre un traitement préventif, et curatif le cas échéant.
L’allogreffe est proposée si les critères suivants sont remplis :
patient jeune
existence d’un donneur compatible dans la fratrie (ensemble des frères et
sœurs) ou dans les fichiers de donneurs
dans la première année du diagnostic ou si le traitement médical n’est pas
suffisamment efficace
Le taux de guérison à long terme est élevé : 60 à 70%, malgré des risques de
complications ou infections. Comme pour tout traitement agressif, il y a un risque vital lié à la
greffe.
Deux types d’allogreffe sont possibles :
l’allogreffe avec un donneur de la même famille : greffe géno-identique
.
l’allogreffe avec donneur d’un fichier : greffe phéno-identique
Le donneur est, dans ce cas, non apparenté au patient.
Les chimiothérapies orales
Ces traitements utilisent des substances chimiques prises par voie orale. Il s’agit de
l’hydroxyurée (Hydréa), plus rarement du Busulfan, Ils agissent en tuant les cellules
leucémiques. Ils sont en général bien tolérés et utilisés chez des patients avant de débuter un
traitement par Glivec. Il s’agit donc de traitements transitoires, avant de débuter les
thérapeutiques agissant sur la cause de la maladie.
Le Glivec
Depuis quelques années, une nouvelle molécule est disponible qui a complètement
changé le devenir des patients atteints de LMC. Il s’agit du Glivec (ou imatinib, initialement
appelé STI571) qui agit de façon ciblée au cœur de la cellule malade.
Ce traitement est maintenant proposé à l’ensemble des patients atteints de LMC en dehors des
cas ou la greffe allogénique est indiquée.
Voir le chapitre Glivec.
L’interféron alpha (IFNα)
Ce traitement n’est actuellement plus utilisé comme traitement unique de la LMC.
Dans le cadre d’études cliniques, il peut être associé au Glivec pour en augmenter l’efficacité.
L’administration de l’interféron se fait par voie sous cutanée et il existe des formulations
ayant un effet retard, qui permettent une seule injection par semaine.
De nombreux effets secondaires sont liés au traitement par l’interféron, qui
nécessitent parfois une interruption du traitement :
impression d’état grippal pendant les premières injections
asthénie (affaiblissement général de l’organisme)
perte de poids
troubles digestifs
parfois, état dépressif…
Ces effets secondaires sont beaucoup moins fréquents avec les interférons à forme retard et
dépendent de la dose d’interféron utilisée. Associé au Glivec, l’interféron est administré à des
doses très faibles. .
On ne sait pas très bien comment fonctionne l’interféron dans notre corps, on sait
cependant qu’il ralentit la croissance anormale des cellules, la prolifération excessive des
leucocytes.
Choix du traitement
Pour un patient en phase chronique il faut choisir entre un traitement à base de Glivec
ou une greffe de moelle osseuse.
Pour se faire, un typage des groupes de compatibilité du patient et de ses frères et
sœurs est souvent effectué au moment du diagnostic de la LMC. S‘il existe un donneur
compatible, la question de réaliser la greffe de moelle osseuse se pose et le choix dépend de
l’age du patient, de la présentation de la maladie, du type de donneur. Le choix du patient est
également très important avant de prendre une décision de greffe de moelle osseuse.
Dans tous les autres cas, un traitement à base de Glivec est débuté. Il est aussi proposé
au patient de participer à des protocoles de recherche clinique qui peuvent évaluer plusieurs
modalités de prescription du Glivec, en terme de dose ou d’association à d’autres
médicaments comme l’interféron par exemple. Là aussi, l’avis du patient est très important.
Un patient en phase accélérée sera plutôt traité avec de fortes doses de Glivec, s’il n’a
pas de donneur de moelle osseuse.
Un patient en phase aiguë, quant à lui, combinera le Glivec et la chimiothérapie.
Ces informations sont données à titre indicatif, et sont personnalisées par le médecin.
Dès lors qu’un traitement est débuté, il est nécessaire d’en évaluer l’efficacité. Les
médecins utilisent alors des critères de réponse au traitement :
1- La normalisation des taux des cellules sanguines à la prise de sang
(numération formule sanguine) qui correspond à la réponse (ou rémission)
hématologique.
2 - La disparition dans la moelle osseuse des cellules porteuses du chromosome
Philadelphie, détecté par l’examen des chromosomes (caryotype). Cette étape
correspond à la rémission cytogénétique.
Enfin, quand aucune anomalie n’est détectée dans la moelle osseuse, on recherche la
présence du gène anormal BCR-ABL dans les cellules du sang, ce qui permet d’estimer la
quantité de maladie résiduelle (ou restante) : c’est la réponse moléculaire. Le résultat est en
règle générale faiblement positif, ce qui indique que la LMC est dormante et n’évolue plus.
Le Glivec (Imatinib mésylate, STI 571)
Molécule découverte à la fin des années 1990, le Glivec révolutionne aujourd’hui la
vie des patients atteints de leucémie myéloïde chronique et permet un contrôle durable de la
maladie. L’efficacité de la molécule est telle que l’on peut estimer que, pour la majorité des
patients, la maladie n’évoluera jamais vers la phase de transformation. La recherche continue
de faire des progrès puisque d’ores et déjà, les médicaments successeurs du Glivec sont en
cours d’évaluation.
La cause première de la LMC est la formation d’une protéine anormale dans les
cellules de la moelle osseuse. L’activité de cette protéine mutée est à l’origine de la
multiplication anormale des leucocytes (globules blancs) et de différents symptômes connus
de la maladie. L’innovation réalisée par le Glivec est d’agir directement sur la protéine
responsable de la LMC, au cœur des cellules malades. Il permet ainsi de prévenir l’évolution
de la maladie en bloquant l’activité de cette protéine. De cette manière, on s’attend à une plus
grande efficacité contre la maladie, avec moins d’effets secondaires car on n’attaque plus les
cellules saines, comme c’est le cas dans les autres traitements.
Le traitement en pratique
Le traitement par Glivec est peu contraignant, car pris oralement tous les jours. En
général, la dose est de 400mg / jour. Des associations avec d’autres médicaments comme
l’aracytine ou l’interféron sont à l’étude et les premiers résultats semblent positifs.
Les principaux effets secondaires du Glivec sont :
De la fatigue
des troubles digestifs (accélération du transit avec des diarrhées, nausée lors de la
prise du traitement)
des douleurs musculaires et articulaires (essentiellement des crampes)
une prise de poids avec présence d’oedèmes (gonflement des paupières par exemple)
Malgré tout, ces effets indésirables sont peu intenses et ne sont pas un obstacle à la
poursuite du traitement, ni, dans la majorité des cas, à une vie sociale et professionnelle
normale. De plus, ces effets peuvent être corrigés par des traitements spécifiques (diurétiques
ou crèmes locales pour les oedèmes, décontracturants musculaires, anti-diarrhéiques). Ces
effets secondaires peuvent diminuer voire disparaître après quelques mois de traitement.
Le traitement est maintenant disponible sous forme de cachets à 100 mg et à 400 mg. Le
traitement doit être pris à heure fixe au moment du repas. Il ne faut pas boire de jus de fruit
ou de sodas en même temps. Certains médicaments sont déconseillés avec le Glivec, tout
particulièrement le paracétamol qui est présent dans de nombreux médicaments contre la
fièvre ou la douleur (doliprane, daffalgan, diantalvic, efféralgan, etc…). Des médicaments
comme l’Advil peuvent être pris en remplacement du paracétamol
Le traitement par Glivec est potentiellement dangereux pour le fœtus pendant la
grossesse. C’est pourquoi il faut prendre des mesures contraceptives efficaces pour les jeunes
femmes traitées par Glivec. Il n’y a pas de risque connu si un homme traité est le père d’un
enfant à naître.
Quelques chiffres
98% des patients traités en phase chronique obtiennent la rémission hématologique
complète sous Glivec. De même, plus de 85% des patients sont en rémission cytogénétique
majeure et 63% en rémission cytogénétique complète,
La découverte du Glivec étant récente, la question de l’efficacité du Glivec à long
terme est encore en suspend. Les estimations actuelles montrent que la maladie avec ce
traitement est contrôlée pour une période de temps d’au moins 10 ans. De la même façon, il
n’est actuellement possible de dire si le Glivec pourra être arrêté chez les patients répondeurs :
il est recommandé pour l’instant de poursuivre le médicament, même en cas de très bonne
réponse.
Certains patients présentent une résistance au traitement: cela représente environ 4%
des patients par an. Les recherches se penchent actuellement sur ces problèmes de résistances,
pour comprendre leurs mécanismes et trouver les moyens d’y remédier par, notamment,
l’association de plusieurs médicaments. Le plus souvent, une mutation du gène BCR-ABL
entraîne la résistance. De nouveaux médicaments encore plus actifs que le Glivec sont déjà à
l’étude pour ces patients.
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