Connaître l’œuvre d’art Description Décrire l’œuvre avec le vocabulaire précis et adapté à une œuvre d’art Titre Indiquer et expliquer le titre de l’œuvre René Magritte, La Trahison des images, 1929. Huile sur toile, 59 x 65 cm Genre : Nature morte ? Vanité ? Mise en abyme ? « La Trahison des images » (1929) représente une pipe marron, en bois, sur un fond beige, une représentation fidèle de la réalité, réaliste, figurative. L'inscription « Ceci n'est pas une pipe », en écriture manuscrite cursive, pose en revanche une énigme… • Le tableau représente un objet banal de la vie quotidienne. À première vue, l'intention la plus évidente de Magritte est de montrer que, même peint de manière réaliste, un tableau qui représente une pipe nʼest pas une pipe, mais seulement lʼimage dʼune pipe, sa représentation. Le titre semble assez clair : ce que lʼon voit, ou que lʼon croit voir, nʼest pas toujours la réalité. Lʼimage de lʼobjet nʼest pas lʼobjet lui-même. Les images nous trahissent, comme les mots nous mentent. • Il faut donc se méfier des images… De même pour les titres, dʼautant que Magritte avait lʼhabitude dʼinviter ses amis pour leur demander de donner des titres à ses tableaux, titres qui nʼavaient le plus souvent aucun rapport avec le tableau lui-même. Auteur Donner des informations sur l’auteur, son contexte historique et artistique • René Magritte (1898-1967) rejoint le mouvement surréaliste belge en 1926. • Le mouvement surréaliste apparaît durant la période de lʼEntre-deux-Guerres (19181939), après le traumatisme de la Première Guerre Mondiale. Il fait suite au mouvement Dada, né à Zurich, en Suisse, pendant la guerre (1916-1921). • Cʼest le poète Guillaume Apollinaire qui a commencé à employer le terme « surréaliste ». En 1924 est publié le Manifeste du surréalisme, qui définit ses principes : libération du contrôle de la raison, dimension onirique du rêve, de lʼinconscient (influence de la psychanalyse de Sigmund Freud), subversion des valeurs « bourgeoises ». Les écrivains surréalistes inventent le « cadavre exquis », lʼécriture automatique. Dans le domaine graphique, ils pratiquent lʼart du collage, des « papiers collés », quʼavaient initié les cubistes… Contexte artistique Dater l’œuvre et la replacer dans les courants esthétiques de son époque • Les surréalistes reconnaissent comme précurseurs le peintre Giuseppe Arcimboldo (1526-1593), les poètes symbolistes Gérard de Nerval (1808-1855 « lʼépanchement du songe dans la vie réelle»), Lautréamont (1846-1870 : « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection dʼune machine à coudre et dʼun parapluie »), Arthur Rimbaud, ou encore Alfred Jarry, créateur vers 1897 de la Pataphysique, « science des solutions imaginaires ». • Le mouvement Dada ou « dadaïsme » (1916-1921) prônait lʼincongru, lʼhétéroclite. Provocateurs, irrévérencieux, extravagants, rejetant la Raison et la logique, les dadaïstes avaient pour but d'amener le spectateur à réfléchir sur les fondements de la société. « Le plus acceptable des systèmes est celui de nʼen avoir par principe aucun. (Tristan Tzara, Manifeste Dada, 1918) • À une époque où, après lʼimpressionnisme et le cubisme, la peinture se dirige de plus en plus vers l'abstraction, Magritte choisit au contraire de provoquer la curiosité et la réflexion avec un tableau dʼapparence réaliste, mais dont la signification est paradoxale : une image parfaitement figurative, mais contradictoire avec la légende. Magritte nous confronte à un paradoxe, une contradiction logique, voire à une aporie, une impossibilité logique. Contexte historique Établir un lien entre le sens de l’œuvre et le contexte historique et artistique • Dans cette période de lʼentre-deux-guerres, de la montée des totalitarismes après le ère traumatisme de la 1 Guerre Mondiale, les artistes et écrivains surréalistes se partagent entre deux tendances : dʼune part une préoccupation purement artistique, dʼautre part un engagement politique qui sʼincarne entre 1924 et 1929 dans la revue La Révolution surréaliste et à partir de 1932 dans lʼAssociation des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR). • Contrairement à André Breton, Paul Éluard ou Louis Aragon, Magritte semble donner davantage d'importance à une remise en cause de l'Art lui-même qu'à un engagement politique. En 1932, il adhère cependant au Parti communiste belge. Beaucoup de surréalistes adhérent ainsi au parti communiste, dont ils partagent la volonté de rupture avec l'ordre bourgeois. Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 1 • Magritte partage avec les autres surréalistes lʼesprit de provocation. Lʼœuvre crée un effet de surprise, elle décontenance le spectateur. La façon dont la pipe est représentée, les tons utilisés, évoquent un intérieur bourgeois ou « petit-bourgeois », la banalité rassurante dʼun objet quotidien, quand lʼinscription au contraire nous invite à remettre en cause ce qui semble évident au premier abord. • Ce tableau peint d'une manière extrêmement précise, très réaliste, est néanmoins Portée historique Identifier l’école de l’œuvre, l’apport de son auteur et la portée historique de l’œuvre « surréaliste ». Il suscite chez le spectateur - confronté à lʼabsurde, au saugrenu ou à lʼirrationnel -, une réflexion, une mise à distance, voire un sentiment dʼ« inquiétante étrangeté » dans lʼenvironnement familier (all. Unheimlich < !"#$%#&!'(!"#$%&'#()*+),#(-.( /01#23(-#(!&(/&,)!!#3(-.($#'2#+), selon lʼexpression utilisée par Sigmund Freud : un malaise derrière les apparences du quotidien. Le propos de Magritte est de remettre en question les évidences, lʼécart entre le signifiant et le signifié. Il introduit un doute sur la réalité comme sur la représentation de la réalité. Il interroge les rapports entre lʼobjet de la vie quotidienne, son identification, sa représentation, et nous invite à réfléchir sur la polysémie des mots et des images. La Trahison des images est un tableau dont le sujet est paradoxal, tout comme la façon dont il est traité : cette pipe est-elle réellement une pipe ? Accrochée au mur, elle apparaît plutôt comme une invitation à réfléchir à ce que nous croyons savoir dʼune pipe, et de là, à notre rapport au monde, à une réalité entourée des énigmatiques mystères de lʼinconscient… Une vision poétique de la réalité quotidienne, où lʼirrationnel se cache derrière le rationnel. • Le succès de lʼœuvre de Magritte tient sans doute aux multiples paradoxes quʼelle renferme : œuvre surréaliste, mais de facture figurative, réaliste ; aux significations mystérieuses, mais aux images familières, et qui invitent à porter un autre regard sur notre environnement quotidien et de simples objets, une pipe, un peigne, une ème savonnette… Nature morte ? Clin dʼœil aux Vanités du XVII siècle ? Trompe-lʼœil sémantique ? La trahison des images est une véritable mise en abyme dʼinterrogations multiples, une œuvre polysémique qui suscite une réflexion sur lʼArt lui-même. • Dès 1927, Magritte collabore à la publicité et dessine des affiches publicitaires, pour des chocolats, des vêtements de luxe ou des compagnies aériennes. Une activité alimentaire quʼil n'exerce pas par vocation et qui a continué sporadiquement jusquʼen 1965. Mais, progressivement depuis les années 1960, Magritte est devenu à son tour une icône de la société de consommation et de communication. À partir des années 80, ses tableaux ont directement inspiré certaines publicités. La « pub » a puisé dans lʼunivers pictural de Magritte et, plus largement, dans les collages ou les « cadavres exquis » des surréalistes. Magritte et la publicité Ainsi, Magritte a durablement imprimé dans notre paysage mental une distanciation ironique et onirique, une vision déformée de la réalité, une remise en cause de ce que nous croyons voir, qui sʼinscrit bien dans lʼesprit de subversion des valeurs bourgeoises prôné par les surréalistes. Les images de Magritte sont partout, à commencer par le langage publicitaire, qui repose dʼailleurs souvent lui-même sur un « écart », un décalage entre le contenu du message et la signification du message lui-même. Ou, comme lʼaurait dit le linguiste Ferdinand de Saussure vers 1890, entre le signifiant et le signifié. La « révolution surréaliste », presque un siècle plus tard, aurait donc finalement réussi son « pied de nez » à la société, et elle serait devenue en quelque sorte aussi naturelle à lʼhomme de la fin du XXème siècle que la bicyclette ou le téléphone, inspirant à toute la société, à travers la publicité, le regard distancié, voire la dimension onirique quʼaffectaient les surréalistes. Tout un chacun se retrouve investi du droit dʼêtre surréaliste, les images de Magritte font désormais partie de notre paysage, où lʼon ne sʼétonne plus de la rencontre dʼune machine à coudre et dʼun parapluie. Un monde où tout devient possible, puisque « Sony lʼa fait ». Ainsi, la portée de son œuvre sʼinscrite elle profondément dans lʼimaginaire de la seconde moitié du xx siècle. Sources : https://fr.wikipedia.org http://www.vivelapub.fr/influence-de-magritte-sur-la-publicite-en-35-exemples/ Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 2 La publicité et Magritte René Magritte, peinture commandée par la compagnie aérienne Sabena (1965) Publicité pour une marque d’automobiles Dessin de René Magritte pour une marque de chocolat (1931) Publicité pour des bâtonnets de crème glacée Publicités années 80 Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 3 Mêler du texte à lʼimage nʼest pas habituel en peinture. Les mots et les images « Les titres des tableaux ne sont pas des explications et les tableaux ne sont pas des illustrations des titres. » René Magritte Dans Les Mots et les images (in La Révolution surréaliste, n°12, Décembre 1929), Magritte explore les rapports entre les mots et les images. Le tableau « La Trahison des images » (1929) prend ici tout son sens : avec Magritte, il ne faut pas nécessairement chercher un rapport logique évident entre l’image et sa signification. Au contraire, ce sont les rencontres fortuites, les contiguïtés, les incongruités, qui constituent le ressort même de la démarche surréaliste. Dans cet article, Magritte semble faire référence au linguiste Ferdinand de Saussure, fondateur de la linguistique moderne et des bases de la sémiologie (étude des signes). Ferdinand de Saussure avait établi la relation «arbitraire» entre le « signifié » (le concept, l’idée) et le « signifiant » (le mot). Mais, sʼil reprend lʼidée de Saussure, Magritte ne peut sʼempêcher de la détourner… Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, 1916. Les Mots et les images, René Magritte, 1929. in La Révolution surréaliste, n°12, Décembre 1929 Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 4 Exprimez votre opinion personnelle, expliquez en quoi cette œuvre vous fait réfléchir, vous touche (ou non), pourquoi on peut dire qu’il s’agit d’une « œuvre d’art », justifiez vos choix en montrant vos acquis en Histoire des Arts… Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 5 Dʼautres tableaux de Magritte permettent dʼexpliquer la trahison des images : La clef des songes (1930) Tentative de lʼimpossible (1928), Lʼapparition (1928), La Trahison des images (1929), La clef des songes (1930), La condition humaine (1935), La reproduction interdite (1937), La clairvoyance (1938), La durée poignardée (1938), Les valeurs personnelles (1952) La Trahison des images (1929) Tentative de lʼimpossible (1928) Lʼapparition (1928) La condition humaine (1935) Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 6 La clairvoyance (1938) La reproduction interdite (1937) Les valeurs personnelles (1952) La durée poignardée (1938) Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 7 La clef des songes (1930) Collège Jules Vallès Vitry-sur-Seine Histoire des arts René Magritte La Trahison des images – JJPaul 2016 page 8