rapport de stage de formation pratique

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RAPPORT DE STAGE DE FORMATION PRATIQUE
Le diagnostic :
Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale.
/// Jérémy Crabos / ENSAL / Master 2 / 2011-2012 / Enseignant : Pascal Fosse ///
PROBLEMATIQUE
Thème : Le diagnostic architectural.
Le sujet de cette problématique de stage est inspiré d’une envie, consécutive à un manque
que j’ai ressenti au cours de la formation d’architecture à l’ENSAL. Il s’agit de traiter de l’étape
du diagnostic et de l’état de santé des bâtiments existants. Lors de nos projets d’école, nous
ne dépassons que très rarement l’étape du simple relevé, pourtant l’expertise de l’architecte
doit aller bien au delà.
Dans le cas plus précis de la reconversion d’un bâtiment ancien, il faut être capable de lire
comment il a été construit et en comprendre la structure pour pouvoir intervenir pertinemment.
Quelles sont les informations qu’un architecte doit relever lorsqu’il installe un nouveau programme dans un bâti existant ? Comment le diagnostic structurel influence t-il la conception
lorsqu’il s’agit de transformer l’usage d’une construction ?
///Rapport de Stage de Master / Le diagnostic : Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale.
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SOMMAIRE
// 1 - DÉROULEMENT DU STAGE ............................................................................ 4
// 2 - LE DIAGNOSTIC :
Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale .............. 6
// 2.1 - Le contexte architectural .............................................................................. 7
// 2.2 - Le jeu des acteurs et le rôle de l’architecte
dans l’établissement du diagnostic ............................................................. 7
// 2.3 - Constitution d’une analyse fondatrice de la conception complexe ......... 9
// 2.4 - L’observation par l’exemple, les pathologies du bâtiment à l’oeuvre .... 11
// 2.5 - Compréhension du bâtiment / système constructif ................................. 13
// 3 - CONCLUSION ................................................................................................. 15
///Rapport de Stage de Master / Le diagnostic : Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale.
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// 1 - DÉROULEMENT DU STAGE
J’ai effectué mon stage au sein de l’agence AEC (Archi Euro Conseil) à Lyon, sous la direction
de Didier Repellin, architecte en chef des monuments historique et de Sixte Dousseau, un de
ses collaborateurs et récent diplômé de l’ENSAL.
L’agence AEC est en réalité une société civile de moyens réunissant quatre architectes
associés et leurs collaborateurs. Les quatre associés sont Jean François Grange Chavanis,
Patrick Heraud, Vincent de Parisot et Didier Repellin,
Les principales activités de Didier Repellin sont la restauration de monuments historiques
et de bâtiments anciens, pour le compte de l’état, de collectivités locales ou de propriétaires
privés. Les sites d’intervention sont le plus souvent localisés dans le Rhône, le Vaucluse et
l’Italie, mais le bâtiment sur lequel j’ai travaillé est situé à Paris.
Il s’agit du ministère des affaires étrangères situé au 37 quai d’Orsay dans le 7ème
arrondissement, ce qui lui vaut le surnom de «Quai d’Orsay». L’hôtel fut construit au milieu
du 19ème siècle pour abriter le ministère, il a donc dès l’origine été conçu pour recevoir les
ambassadeurs des différents pays du monde. «Il faut le voir comme un showroom» me dit
Didier repellin dès notre première entrevue, le ministère des affaires étrangères est en effet
le centre névralgique de la diplomatie française et il se doit de donner une bonne image de
la nation. L’hôtel est composé d’une succession de salons richement décorés dans lesquels
sont organisés les réceptions, il abrite également le bureau et les appartements du ministre
des affaires étrangères qui était Alain Juppé lorsque j’ai commencé mon stage et qui est
aujourd’hui Laurent Fabius.
La situation politique du gouvernement français a été une source d’inquiétude pour Didier
Repellin, puisque tous les travaux sur le patrimoine construit du ministère devaient être
approuvés par le ministre. Toutefois l’agence avait déjà obtenu la restauration des façades
du bâtiment. Lorsque je suis arrivé dans le projet, les échafaudages de la première tranche
de travaux se terminaient. Les incertitudes concernait la deuxième partie des travaux : la
restauration des décors classés et des menuiseries des salons à l’intérieur du bâtiment.
Dans ce contexte, je fut immédiatement mis à contribution. Il fallait convaincre le ministre
d’accepter le projet de restauration dans son ensemble. Au soir de mon entrevue de recherche
de stage, Sixte me transmis les documents d’étude préalable déjà produits par l’agence. Un
historique du bâtiment mené par les historiens de l’art d’AEC, un inventaire encore non exhaustif
des dégradations observées dans les différents salons et des plans «bruts de géomètre»
expression qui prit tout son sens après quelques semaines de travail.
Le lendemain nous partions à Paris, une occasion pour moi d’établir un premier contact avec
les lieux. Le bâtiment était toujours en activité et devait le rester. Cette contrainte a défini mon
calendrier : un vendredi sur deux sur site, au cours desquels je devait réunir suffisamment
d’informations pour pouvoir travailler à l’agence pendant deux semaines. Ces rendez-vous du
vendredi correspondaient aux dates de suivi du chantier de restauration des façades, ce qui
me permettais d’assister aux réunions entre architectes et artisans. Le reste du temps je le
consacrait a établir un diagnostic de l’état intérieur du bâtiment. Accédant tour à tour dans les
salons non occupés, j’inventoriais toutes les dégradations que je pouvais observer, et relevais
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l’état des menuiseries, des plafonds moulurés, des tapisseries, des parquets, des lustres,
du mobilier, des plinthes etc. Quand c’ était possible, j’accédais à l’envers du décors, pour
constater l’état des charpentes qui maintenaient les faux plafonds en place.
La principale difficulté alors était de comprendre où regarder. La difficulté d’accès du bâtiment
m’imposait une grande rigueur dans la prise d’information, puisque certaines pièces comme
le bureau du ministre ne m’ont été montrées qu’une seule fois. Dans les premier temps, je me
sentais très loin du compte. De quelles informations avais-je besoin ? Quels sont les objectifs
à atteindre lorsque l’on réalise un diagnostic ?
Cette étape semblait naturelle pour tous les membres de l’agence et même si j’avais
connaissance du déroulement des choses, l’aspect concret de l’exercice fut difficile à
appréhender. On est effectivement bien loin des projets de papier que l’on réalise à l’école,
tous les éléments du bâtiment ont une matière qu’il faut savoir reconnaître et un nom précis.
Ainsi j’apprenais que toutes les décorations et ornements étaient répertoriés et avaient un
nom : Ove, dard, denticule, rai de coeur. Mon manque de vocabulaire était frappant. Tous
les éléments d’une charpente ne sont pas que des poutres et des poteaux. Les réunions de
chantiers se succédaient et chacune d’elles me renvoyait l’étendue de mon ignorance. Pour
chacun des termes qui m’était inconnu, je recherchais des informations dans la bibliothèque
de l’agence, histoire de combler au plus vite mes lacunes.
L’appareil photo fut un outil salvateur. Ne sachant trop quelles informations glaner, je m’efforçais
d’être le plus exhaustif possible. Même si il manquait toujours la photo avec le bon angle,
cette base d’information m’a permis de compléter assez efficacement mes observations. À
mesure que je reconstruisais les plans et coupes du diagnostic en agence, des questions
apparaissaient. En y répondant au fur et à mesure, j’appréhendais le rôle du diagnostic dans le
phasage d’un projet : Alors que je terminais un relevé d’une porte fenêtre Didier me demandait
combien de gonds elle comportait. Il précisait que le service sécurité souhaitait intégrer des
verres pare balles, composés de nombreuses couches de matière et surtout très lourds, il
craignait que la menuiserie ne supporte pas le poids du vitrage. Comment ne pas avoir pensé
à relever le nombre de gonds ? En recherchant dans ma base de données photographiques
j’apportais une réponse a cette question simple, mais j’ai retenu cette anecdote comme une
leçon : un architecte ne fait pas que des plans et des coupes, il doit comprendre la logique du
bâtiment et de ses éléments.
L’appui de Sixte fut un soutient indispensable : «Ne t’inquiète pas, on ne peut pas tout voir du
premier coup» me confiait-t-il. J’avais tout de même la désagréable impression d’être tout à
fait inutile et je réalisais qu’après 5 ans d’études je devais me former sur le tas.
Les semaines passant, je prenais confiance en moi et cernais de mieux en mieux les attentes
et les objectifs de cette première pratique. Au terme du stage, le diagnostic n’était pas tout
à fait terminé, et je regrettais de ne pas pouvoir observer l’avancement du projet jusqu’à
son terme : plus j’intégrais le déroulement des choses, plus les questions germaient. Didier
repellin me proposait alors un contrat en CDD de 3 mois pour poursuivre mon travail. Je
suis actuellement encore chez AEC et j’arrive au terme du diagnostic des décors classés de
l’hôtel du ministère des affaires étrangères, et je suis très heureux de pouvoir poursuivre cette
première expérience au sein d’une agence d’architecture.
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// 2 - LE DIAGNOSTIC :
Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale
Avant toute choses, il convient de s’attarder un peu sur la définition de la problématique
d’étude. En effet, elle est arrêtée avant le début du stage, et le déroulement de celui-ci
influence nécessairement le discours. En l’occurrence, le problématique de départ cadrait le
champ d’étude autour du diagnostic en vue de réaliser une opération de reconversion d’un
bâtiment ancien, problématique qui correspond à mes ambitions professionnelles, puisque je
souhaite vivement pouvoir travailler dans un futur proche dans la reconversion de bâtiments,
et donc dans la conception de projets contemporains dans un existant ancien. L’équipe de
Didier Repellin n’intervient que très rarement sur des projets dits de reconversion. En effet
la principale activité de l’agence est la restauration de bâtiments anciens, qui est le rôle des
architectes en chef des monuments historiques.
Sur le ministère des affaires étrangères, l’opération de diagnostic que j’ai effectué concerne
strictement une restauration de l’édifice. Si je souhaitais traiter la problématique telle quelle, de
la manière la plus efficace possible, peut être aurait il mieux valu trouver un stage ou j’aurai pu
m’essayer à un exercice de conception dans un milieu existant, à partir d’un diagnostic établi
au préalable. Néanmoins l’agence AEC est également en charge d’un rôle de conseil dans des
projets de rénovation. Comme par exemple sur le projet de l’hôtel-dieu à Lyon, en partenariat
avec l’agence AIA, ateliers de la rize. C’est donc AEC qui est en charge du diagnostic et
le projet de rénovation conçu par AIA est sans cesse discuté pour qu’il soit conforme. J’ai
pu établir un dialogue avec les architectes chargés du projet, ce qui me confère une vision
parcellaire de ces aller-retours entre les deux agences et donc une petite idée des enjeux
qui se trament derrière tout cela. Toutefois, il est peut être plus intéressant de considérer une
légère inflexion dans l’énoncé de la problématique initiale et de s’attarder sur l’intérêt même
du diagnostic architectural et de chercher à définir ce qu’il apporte au praticien dans un cadre
un peu plus général.
Lors de ma première entrevue avec Didier Repellin, après m’avoir alerté sur la rigueur dont
il fallait faire preuve pour intervenir sur des bâtiments classés, il ajoutait : «on ne fait pas de
projet, mais la méthode qu’on emploie te permettra d’en faire»; comme si l’expertise et la
bonne connaissance du bâtiment ancien était un atout qui rendait la conception naturelle ou
presque facile.
Lors d’une restauration, l’architecte doit effectivement se mettre dans la peau de celui qui a
construit le bâtiment. Il doit avoir une idée claire de la démarche de conception initiale mais
également de la mise en oeuvre des matériaux et des techniques de constructions employées,
puisque son rôle et de rétablir le bâtiment dans son aspect initial. La pratique de la restauration
implique donc pour l’architecte d’avoir une connaissance profonde du contexte d’existence du
bâtiment sur lequel il travaille.
En quoi cette connaissance profonde, cette expertise est-elle un atout pour le concepteur ?
Rend-elle l’exercice de conception plus facile comme le suggère Didier Repellin ? Es ce que
tout architecte, quelle que soit sa pratique, se doit d’établir des diagnostic aussi poussés que
ceux établis lors des chantiers de restauration ?
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Pour répondre a ces questions, nous chercherons a comprendre de manière large comment
un diagnostic est établi : quelles sont les ressources mises en oeuvres, quels sont les acteurs
qui entrent en jeu dans la constitution du diagnostic, quel est l’apport de chacun d’eux et
finalement le rôle de l’architecte dans tout cela. Nous chercherons ensuite à comprendre en
quoi l’analyse produite lors de ce diagnostic influence l’exercice du praticien, qu’il se place
dans un rôle de concepteur ou non. Nous verrons également que cette expertise menée sur
un bâtiment constitue une base qui fait référence et participe à la construction d’une forme de
culture constructive de l’architecte, inconsciente mais utile tout au long de sa carrière. Mais
avant cela, nous évoquerons le contexte architectural dans lequel nous évoluons aujourd’hui,
pour comprendre en quoi le diagnostic devient une étape obligatoire dans toute pratique
professionnelle.
// 2.1 - Le contexte architectural
Pour près de 50% de la population française, l’architecture correspond au patrimoine bâti ancien,
selon un sondage Ipsos effectué en juillet dernier sous l’impulsion du Moniteur. La patrimoine
bâti se place donc dans l’inconscient collectif devant les constructions contemporaines et les
grands travaux. Ce décalage est il en rapport direct avec les pratiques des architectes, ou
s’agit-t-il d’une image erronée du champ d’action de l’architecte ?
En Europe, l’intervention sur l’existant (réhabilitation, entretien, amélioration) est la première
activité du BTP, ce qui fait écho aux croyances populaires.
Si l’intervention des architectes sur le patrimoine est relativement limitée ou laissée à des
agences spécialisées, ont peut arguer qu’il est désormais difficile de faire fi de l’existant. Le
patrimoine bâti n’est pas nécessairement ancien ou même classé et protégé, mais il devient
difficile de créer un projet qui s’implante dans un espace vierge de toutes constructions. Le
travail sur l’existant est donc une réalité pour tout architecte, puisqu’il s’implante par définition
dans un lieu et dans un contexte qu’il doit étudier avant. L’attitude qui consiste à simplement
détruire ce qui nous dérange pour construire son bâtiment n’est plus valable aujourd’hui, on
cherche de plus en plus a créer du lien, de la cohérence dans les tissus urbains et d’une
certaine manière cette façon de procéder légitime le diagnostic comme un passage obligé dès
lors qu’il faut intervenir en connexion avec un existant.
// 2.2 - Le jeu des acteurs et le rôle de l’architecte
dans l’établissement du diagnostic
Le diagnostic est une analyse très complète de l’état du bâtiment, en conséquence elle
fait appel a une diversité d’acteurs qui fourniront chacun une étude et une production de
données a destination de l’architecte. Dans le cas de la restauration d’un bâtiment classé, et
plus précisément sur le ministère des affaires étrangères on peut recenser les professions
suivantes :
• Les documentalistes et historiens de l’art constituent un historique du bâtiment et recherchent
tous les documents pouvant transcrire de son usage et de la posture de l’architecte qui
l’a construit. Photos, gravures, archives, documents administratifs, tout élément qui peut
témoigner des évolutions du bâtiment, des éventuels travaux ou extensions qu’il a subi, ou
des observations et critiques formulées au cours du temps.
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• Les géomètres interviennent pour produire un relevé de la volumétrie du bâtiment. Ils
dessinent les plans et coupes que l’architecte aura demandé, sans aller au delà de l’enveloppe
: les questions structurelles ne font pas partie de leurs attributions, le relevé s’effectue à partir
d’instruments au laser, qui décrivent uniquement le volume apparent. À ce volume sont ajoutés
les différents réseaux : électricité, aérations, eau, gaz, etc.
• Les archéologues et sondeurs déterminent la nature des matériaux employés. Dans le cas
des décors classés du ministère, les sondages successifs ont permis de déterminer le matériau
utilisé pour chaque partie du décor ainsi que les couches successives de peintures utilisées
au cours du temps. Ces informations sont de vrais témoignages de l’aspect que le bâtiment
a revêtu auparavant, dans la plupart des salons, on a retrouvé quatre couches de peintures
différentes masquant les décors d’origine. Ainsi la peinture blanche des plafonds recouvrait
un ciel nuageux, le traitement des murs de l’escalier monumental cachait un faux marbre et
l’atrium peint en gris clair avait en réalité la couleur sombre d’un faux bois.
• Les photographes constituent une base de données d’images servant de références dans
l’étude des décors.
• Les ingénieurs fournissent un diagnostic structurel du bâtiment. Il s’agit d’isoler les causes
des mouvements et affaiblissement des structures. Sur le ministère, une fissure inquiétante
témoignait d’ un basculement de l’avant corps Est du bâtiment. Les mesures opérées devaient
isoler les causes de ce basculement et déterminer si ce mouvement progressait dans le temps
pour calibrer la nature d’une éventuelle intervention sur la structure.
• Les géologues apportent leur expertise sur la constitution des sols et donc sur la nature des
fondations du bâtiment. C’est en effet un problème de densité de terrain qui est à l’origine du
basculement du bâtiment évoqué plus haut.
• Les artisans comme les couvreurs, ou les charpentiers font également un rapport de l’état
des toitures, des menuiseries en vue d’une intervention future.
Toutes ces données constituent une base d’analyses de données objectives. Mais quel est le
rôle de l’architecte dans tout cela ? Il s’agit en effet de synthétiser et d’interpréter les données,
pour construire des documents utiles à la compréhension en profondeur du bâtiment. Dans
cette masse de données, il faut sélectionner celles qui sont les plus parlantes. Mon premier
travail fut de «nettoyer» les plans «bruts de géomètres» que j’évoquais dans le déroulement
du stage. Puisqu’effectivement y figurent cotations, informations relatives aux réseaux, textes,
échelles qui ne sont pas utiles lorsqu’il s’agit de faire un état des lieux des décors. De même
l’épaisseur des traits et le niveau de détail ne correspond pas forcément a ce que l’on attends de
ces documents. Il faut alors ré interpréter les plans pour les rendre conformes à leur utilisation
future, compléter les relevés avec les informations qu’il nous semble manquer, ajouter l’état
d’usage des différents éléments de décors pour chacun des salons concernés par l’étude.
L’architecte doit apporter une valeur ajoutée à ces documents, puisqu’il réuni et compile
toutes les informations des différents acteurs cités. Il se doit d’aller dans la compréhension du
bâtiment. Le relevé du géomètre est une donnée brute non interprétée, le plan d’architecte doit
aller au delà et prendre en compte la complexité du bâtiment.
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// 2.3 - Constitution d’une analyse fondatrice de la conception complexe
La complexité désigne le fait que les ramifications d’un problème sont nombreuses. L’acte
du projet d’architecture répond tout à fait à ce que l’on appelle la pensée complexe, puisque
la réponse architecturale prends en compte de nombreux paramètres simultanément. Le
diagnostic en est la parfaite illustration, puisque les champs d’études sont nombreux et
engagent beaucoup d’acteurs différents, comme nous l’avons vu précédemment. L’objectif
pour un concepteur lorsqu’il fait un diagnostic c’est de fonder un pronostic de l’évolution du
bâtiment et de proposer une ou plusieurs réponses qui tiennent compte de cette fameuse
complexité du contexte.
Le diagnostic est un corpus d’analyses objectives qui fait référence et qui permet à l’architecte
de bien saisir le contexte. Cette base de données constitue une étape de toute opération de
conception.
Dans «Le dessin d’architecte, simulation graphique et réduction d’incertitudes», Jean Charles
Lehabar donne une modélisation de l’acte de conception architecturale qu’il divise en trois
phases :
Le diagnostic architectural, la recherche de l’objet par la simulation graphique et l’établissement
du modèle de construction.
A propos du diagnostic, en plus de la complexité qu’il induit, il précise que cette étape doit
aboutir à la constitution d’une base graphique de référence, qui est constituée de relevés,
de premiers dessins et de notes. Cette base graphique est une synthèse du diagnostic sur
laquelle s’appuiera la prochaine étape : la recherche de l’objet par la simulation graphique.
Cette recherche consiste en une génération itérative de solutions, qui seront évaluées par le
concepteur et remises en cause dans une production successives de nouvelles solutions de
plus en plus pertinentes. D’ou l’idée de la «réduction d’incertitudes» évoquée dans le titre.
Il est intéressant de noter que le diagnostic fait pour l’auteur entièrement partie du processus
de conception architecturale, et ce, quelle que soit le site d’étude, bâtiment ancien ou non. En
fait, Jean charles Lehabar étend le diagnostic à l’étude du site de projet en général et considère
cette analyse comme indispensable à la génération future de solutions. La définition des
contraintes par l’analyse d’un lieu serait donc un terreau à la créativité. Avant de proposer des
«réponses» pertinentes il convient de bien cerner les «questions» qu’évoquent la configuration
d’un lieu dans tous ces plans d’existence, qu’ils soient physiques, géologiques, sociétaux ou
financiers.
On revient a ce que Didier Repellin me suggérait alors que je le rencontrai pour la première fois.
Les monuments historiques ont cela à nous apprendre, leur étude, et la méthode que l’on met
en oeuvre pour les restaurer nous apprends en premier lieu à lire l’architecture, à comprendre
les enjeux qu’impliquent chaque construction. Et de cette compréhension découle des solutions
forcément plus pertinentes puisqu’elles sont fondées dans une analyse critique précise du
contexte. Françoise Choay évoquait dans son «allégorie du patrimoine» le témoignage auquel
l’humanité s’attache en conservant ses monuments historiques : la compétence d’édifier. C’est
à dire un savoir faire, une forme d’art du bien construire, en rapport avec une implantation
dans un lieu, avec la mise en oeuvre harmonieuse d’un matériau. Ce patrimoine construit
ferait donc référence au sens premier du terme «monument», c’est à dire à l’évocation de la
mémoire, du souvenir. C’est peut être par égard pour cet héritage des savoirs-faire que les
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entreprises de restauration voire de réhabilitation des bâtiments anciens impliquent la mise en
place d’un diagnostic solide et de grande qualité.
Pour revenir à la modélisation de la conception architecturale par Jean charles Lehabar, il faut
également noter que les trois étapes décrites plus haut ne peuvent pas être si simplement
cloisonnées. Le processus incrémental et itératif de la conception implique un retour sur
expérience qui influerait d’une manière ou d’une autre sur une appréhension plus fine du
contexte et donc sur une redéfinition permanente de la base graphique de référence issue du
diagnostic.
Plus concrètement, l’acte de conception enrichit l’analyse que l’architecte fait d’un site, et cette
analyse ainsi complétée devient un nouveau socle de référence, futur support d’une solution
nouvelle. Ainsi même en pratique, il s’avère que conception et diagnostic soient mêlés.
Par exemple, alors que je m’employai à dessiner les menuiseries d’un des salons du ministère,
une requête de la maîtrise d’ouvrage me parvint : le service de sécurité en charge de la
protection du ministre souhaitait mettre en place des vitrages pare-balles. À l’origine le verre
prévu pour la restauration était un simple vitrage feuilleté d’épaisseur modeste, qui aurait pu
être facilement intégré dans la feuillure d’origine des menuiseries. Cette requête qui paraissait
irréalisable fut l’occasion de se pencher plus en détail sur les menuiseries. Ainsi une réunion
fut organisée avec un menuisier spécialisé dans les restaurations de bâtiments anciens. Les
cadres en bois des fenêtre du 19eme siècle étaient très fin. Les petits bois notamment ne
faisaient que quatre centimètres d’épaisseur ce qui semblait bien trop léger pour supporter le
poids de vitrages de sécurité. Nous avons toutefois pu constater que la plupart des assemblages
en tenons-mortaises étaient soutenu par des équerres en métal vissées à même le bois et
camouflées avec de la peinture. Tous les petits bois étaient soutenus de la même façon sur
toute leur longueur par des plats métalliques.
Ces renforts témoignent d’une restauration antérieure des menuiseries et d’une faiblesse
de la conception d’origine. Les lames de métal ont été mises en place pour compenser la
faible résistance des éléments en bois très fins. Sans la requête du service de sécurité nous
n’aurions pas vu la présence de ces renforts.
Finalement un compromis fut établi, la résistance des menuiseries devenait plus favorable
à la mise en place d’un verre plus lourd. Le vitrage pare balle était de toute façon trop épais
pour être intégré sans parclose. Après discussions c’est un vitrage anti effraction qui fut
choisi. Il devait permettre une résistance au chocs mécaniques tels que des jets de pierre, et
pouvait être intégré dans les menuiseries d’origine sans les dénaturer, moyennant un simple
approfondissement de la feuillure.
Cette imbrication des phases du projet m’a interpellé. Au delà de la capacité d’expertise lors du
diagnostic et de l’état des lieux, l’architecte est sans cesse sollicité au cours de la réalisation
des travaux pour faire face à des problèmes qui n’ont pas été envisagés au départ. Malgré
la minutie déployée lors de l’établissement du diagnostic, nombre de détails nous échappent.
Lorsque cela arrive, l’architecte doit pouvoir être réactif et compétent. Une fois sur place, il
doit pouvoir très vite cerner les contours du problème, en somme, effectuer un mini diagnostic
d’étape et proposer une solution ou envisager la meilleure parmi celles que l’artisan lui propose.
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// 2.4 - L’observation par l’exemple, les pathologies du bâtiment à l’oeuvre
Les pathologies du bâtiment correspondent aux problèmes qu’il rencontre et qui menacent son
intégrité ou sa bonne fonction. Ces problèmes peuvent être de tout ordre : défauts structurels,
perte de résistance, fuites d’étanchéité, fissurations, etc.
Comme dans la médecine, devant ces pathologies, il ne suffit pas de traiter les symptômes.
Il faut également comprendre ce qui les crée. S’il s’agit d’un défaut de conception, il faut
pouvoir trouver une solution qui compenserai cette erreur, sous peine de revoir les symptômes
apparaître inexorablement plus tard. Le diagnostic est également un terme médical et dans le
cas des définitions de ces pathologies il a exactement le même rôle que celui du médecin. Il s’agit
effectivement à partir des analyses et de la listes des symptômes, de déterminer les causes
de la dégradation du bâtiment. A fortiori dans le cadre d’une restauration ou d’un entretien
d’un bâtiment, dans lequel c’est la principale attente de la maîtrise d’ouvrage. Toutefois il est
important de noter que nombres de symptômes sont juste issu de l’usure normale du bâtiment,
qui est en général largement sous-estimée.
Une fois les causes isolées, il faut constituer un pronostic d’évolution de ces pathologies et
hiérarchiser les interventions futures. A l’issue de ce pronostic, l’architecte peut facilement
évaluer la pertinence des solutions qu’il propose, avant de remettre à neuf et de traiter les
symptômes.
Sur le ministère des affaires étrangères, la plupart des dégradations sont dues à l’état d’usage.
Les façades sont encrassées à cause de la pollution, les plinthes sont abîmées suite aux
passages réguliers des usagers, les décors et les enluminures ont terni avec le temps et la
poussière, les parquets s’affaiblissent et grincent sous le poids des personnes, la peinture
s’écaille et fissure superficiellement.
Mais d’autres dégradations peuvent être mieux maîtrisées : les différences d’hygrométrie et de
température sont à l’origine de la déformation de nombreuses pièces de bois constituant les
décors. En ce qui concerne les cadres des portes, le jeu des pièces de bois crée des décalages
visibles. Au niveau des plafonds, les moulures en plâtre sont maintenues par une charpente
secondaire qui constitue la structure des faux plafonds. Le jeu de dilatation / rétractation
provoque des fissurations sur les angles des moulures. Beaucoup de salons sont chauffés par
des convecteurs dissimulés dans les décors de bois, ce qui les rend inefficaces et provoque
des mouvements d’air indésirables. Dans ce cas de figure, reprendre les fissurations des
angles des plafonds ne réglera le problème que de manière très temporaire, si la question du
chauffage n’est pas réglée.
De même que l’encrassement des portes fenêtres est un témoignage des problèmes
d’étanchéité à l’air : en plus du nettoyage complet des menuiseries, il faut reprendre le système
de fermeture et le masticage des vitrages.
Le problème majeur observé sur le bâtiment est structurel. Il s’agit d’une fissuration très
importante sur toute la hauteur du bâti au niveau de la jonction de l’avant corps Est et du corps
principal.
L’expertise structurelle a permis de mesurer le déplacement de l’avant corps qui effectue un
basculement vers l’avant, générant la fissure. Pour régler efficacement le problème, la solution
envisagée était d’intégrer un tirant au travers du mur qui reprendrait cet effort de basculement.
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Le rapport mettait également en lumière la cause de ce basculement qui serait du à une
différence de densité au niveau du sol et donc des fondations. Le sol serait plus meuble au
niveau de l’avant corps, qui s’enfoncerai lentement, provoquant ce mouvement vers l’avant.
La première cause envisagée correspondait aux travaux entrepris dans les années 70 pour
installer un bunker sous les jardins du ministère. Les travaux de terrassement effectués alors
auraient provoqué des glissements de terrain sous l’hôtel du ministère, changeant la densité
des sols.
Un deuxième élément devait être pris en considération : Les descentes d’eau pluviales sont
sous-dimensionnées. Pour éviter d’avoir des infiltrations d’eau à l’intérieur du bâtiment,
on a placé des dégorgeoirs, notamment sur les angles correspondant à l’avant corps Est.
L’eau évacuée par les dégorgeoirs tombe directement au pied de l’avant corps, s’infiltrant
massivement dans le sol. Ce surplus d’eau stagne en surface à chaque grosse précipitation et
aurai modifié la densité du sol, le rendant plus meuble au niveau de l’avant corps.
Cet élément là en particulier m’a beaucoup marqué, j’étais loin de me douter qu’un simple
problème d’évacuation de l’eau pouvait provoquer de tels dégâts. C’est l’enchaînement
des causes et des effets qui est difficile à saisir, et si le diagnostic est bel et bien divisé en
sujets d’étude, c’est à nous architectes de faire le lien entre toutes les informations dont nous
disposons.
Ceci m’amène à évoquer le poids de l’exemple. Cette situation et beaucoup d’autres sont
finalement communes d’un bâtiment à l’autre. Elles constituent pour l’architecte un bagage,
une forme de culture constructive qui lui permet avec l’expérience de repérer immédiatement
la source des problèmes qu’il rencontre. Pour le praticien concepteur, avoir une culture
constructive de cet ordre lui permet d’anticiper les problèmes qu’il aura constaté en établissant
des diagnostics successifs de bâtiments ayant déjà été soumis à l’épreuve du temps et des
éléments. Effectuer un diagnostic est donc d’un certain point de vue un acte de conception
dans le sens ou il sera constitutif d’un savoir qui sera ré-utilisé dans d’autres projets.
Certains grands architectes comme Peter Zumthor ont eu une expérience certaine dans le
cadre de la protection du patrimoine. Il exerce en effet de 1968 à 1979 auprès des monuments
historiques du canton des grisons. Ces 10 années à établir des diagnostics et des projets de
restauration lui ont offert une multitude d’exemples de vieillissements et de pathologies en tous
genre, qu’il a constaté, isolé, analysé. Aujourd’hui il est reconnu pour son attachement au «bien
construire», et à la mise en oeuvre parfaite de matériaux en tous genres. Il aura finalement
intégré tout ce savoir constructif à une pratique plus contemporaine de l’architecture, et sa
culture constructive devient un vrai atout dans sa démarche, puisqu’il s’attachera dès lors aux
qualités tactiles et sensorielles des espaces et des matériaux.
Je crois personnellement beaucoup en la valeur de l’exemple et de l’expérimentation concrète.
Effectuer un diagnostic c’est aussi se confronter a cette réalité, à la nature matérielle des choses
et à leur évolution dans le temps. C’est une étape qui permet d’obtenir une compréhension
profonde des mécaniques et des phénomènes physiques qui agissent sur un bâtiment au
cours de son existence. En cela, c’est un exercice que j’estime comme étant très formateur,
et je ne peut que regretter que cet aspect du travail de l’architecte ne soit que très largement
survolé lors de notre formation universitaire. Le travail théorique me semble en effet insuffisant
pour fixer en nous ce genre d’informations, il est important de pouvoir constater de facto les
conséquences d’un acte de conception.
///Rapport de Stage de Master / Le diagnostic : Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale.
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// 2.5 - Compréhension du bâtiment / système constructif
Enfin tant que nous sommes dans la notion de culture architecturale, évoquons la question
du système constructif. Au delà des pathologies et du fonctionnement interne du bâtiment,
effectuer un diagnostic c’est également décortiquer entièrement la méthode de conception
d’un autre. À l’image des études de cas que nous produisions à l’école, il s’agit de comprendre
les démarches et postures d’un autre architecte et leur matérialisation en un objet construit.
C’est aussi une façon de prendre du recul par rapport à sa pratique et un moyen de fonder sa
propre démarche en relation avec l’existant.
Dans le cas particulier des réhabilitation, ce point là est exacerbé. La question de l’intégration
est primordiale et doit être soulevée dès les premiers instants du projet. Quelle posture adopter
? Devons nous conserver tout ou partie du bâtiment ? Que souhaitons nous transmettre lors
de notre intervention ? Quelles sont les différentes modalités d’insertion d’une construction
nouvelle dans un bâti existant ?
Citons plusieurs d’entre elles :
• Conserver : La conservation est la posture d’intervention la plus traditionnelle. Il s’agit de
mettre en valeur le bâtiment ancien en étant le plus discret possible lors de l’intervention. Il
doit pouvoir exister seul et remplir ce rôle de monument au sens premier du terme. Néanmoins
les avis divergent lorsqu’il s’agit de conservation, deux postures s’affrontent depuis le 19ème
siècle :
La restauration défendue par Eugène Viollet-le-Duc prône une réhabilitation du bâtiment
telle que son concepteur originel l’avait dessiné. Ainsi pour restaurer, il faut reconstruire les
parties du bâtiment abîmées, en utilisant les mêmes techniques et matériaux. Il faut détruire
les constructions parasites qui auraient altéré l’ensemble, voire terminer un bâtiment qui ne
l’a jamais été en interprétant le plan pour le compléter de manière conforme à sa conception.
La conservation Ruskinienne consiste quand à elle à garder un bâtiment tel quel, comme un
témoignage des épreuves du temps. Il définit un monument architectural comme un ensemble
organique qu’il faut soutenir (en le restaurant le moins possible) mais qu’il faut aussi laisser
mourir. Il s’oppose fermement a Viollet-le-Duc et ce débat entre restauration et conservation
est toujours aussi vif aujourd’hui.
• Opposer : L’opposition s’inscrit dans une logique de contraste claire avec le bâtiment existant.
Les parties neuves s’insèrent dans une logique totalement indépendante voire opposée au
socle ancien. Il s’agit d’assumer la confrontation entre deux systèmes de pensées, deux
traitements, deux matérialités. Cette posture est d’autant plus forte quelle laisse à l’usager la
lecture des deux systèmes constructifs et de leurs différences.
• Réinterpréter : La réinterprétation de l’existant consiste à détourner le système constructif du
bâtiment ancien pour proposer une écriture contemporaine qui lui corresponde. Par exemple
en réemployant un dessin de charpente mais en changeant les matériaux mis en oeuvre ou
en les réemployant d’une manière différente. Cette posture impose à l’architecte une lecture
très aiguisée de l’existant.
///Rapport de Stage de Master / Le diagnostic : Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale.
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Bien souvent il s’agit d’arbitrage entre toutes ces modalités d’insertion, la reconversion
des bâtiments anciens a cela d’agréable que l’espace est déjà suggéré. Dans un espace
apparemment contraint on peut toutefois trouver beaucoup de liberté et faire des choix forts
puisqu’ils s’appuierons sur un contexte établi très prégnant. Beaucoup de projets tirent leur
force et leur essence de la résolution d’une contrainte très embarrassante à première vue. Il
faut alors voir l’espace contraint comme une opportunité, la structure du bâtiment reconverti
devient un vecteur de créativité, en poursuivant une trame, en construisant une deuxième
structure au dessus, ou à l’intérieur, etc.
Dans tous les cas l’intervention architecturale est fondée sur une bonne compréhension de
l’espace et sur la nouvelle fonction à laquelle on le destine. «On est là pour leur rappeler de
garder une bonne vision d’ensemble», me confiait une collaboratrice de Didier Repellin lorsque
j’évoquais avec elle son travail de diagnostic sur l’hôtel-dieu de Lyon et sa collaboration avec
l’agence AIA en charge de la mise en oeuvre du projet de reconversion du site. «Ils se battent
tellement souvent avec les différentes normes que parfois ils en oublient le contexte global du
bâtiment, c’est notre rôle de le leur rappeler.»
Le diagnostic fait ici référence, il établi une doctrine d’intervention. En cours de conception
c’est un document qui rappelle au praticien le contexte d’existence du site sur lequel il travaille.
C’est un moyen de garder une cohérence certaine et de fonder toute intervention sur un socle
solide. C’est aussi au regard de ce diagnostic que le concepteur auto évaluera la pertinence
de ses propositions. C’est la fondation d’une ligne directrice.
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// 3 - CONCLUSION
Comment le diagnostic influence-t-il l’acte de conception ? Il est en réalité une transcription
d’un contexte très large du site d’intervention dans tous ses plans d’existence. Volumétrie,
état sanitaire, structure, résistance, performance thermique, historique, posture du ou des
architectes qui y sont intervenu avant, etc.
Fort d’une acquisition et d’une analyse d’une quantité de données, l’architecte doit intégrer un
contexte en les synthétisant et les interprétant dans l’optique d’une intervention à venir. Cette
interprétation nécessite de sa part d’entièrement comprendre et décortiquer le bâtiment ou
le site auquel il est confronté, pour pouvoir en faire émerger le «génie du lieu». Le corpus de
référence qu’il se constitue alors est une base qui lui permettra de faire émerger des solutions
et de les enrichir. Cette «base graphique de référence» comme l’appelle Jean Charles Lehabar,
est le terreau de la créativité de l’architecte qui évolue dans une discipline concrète, un art de
la construction et de l’assemblage qui devrait aboutir à la création de structures qui émeuvent.
Étant moi-même convaincu de l’importance du contexte dans la création architecturale, je
ne peut qu’assimiler le diagnostic à un passage obligé avant toute conception. La méthode
de diagnostic que j’ai pu entrevoir et expérimenter au sein de l’agence AEC m’a ouvert les
yeux sur l’importance de cette culture constructive que tout architecte devrait avoir. Alors que
le secteur d’activité le plus important du BTP est l’intervention sur un existant, il me semble
indispensable de doter les étudiants architectes de bases suffisantes pour pouvoir mener
à bien de telles expertises. Même si dans ce domaine, c’est probablement l’expérience qui
constituera la plus grande part de notre savoir, il me semble urgent de pouvoir être capable de
lire dans un bâtiment la compétence d’édifier dont il est le témoin.
///Rapport de Stage de Master / Le diagnostic : Une expertise nécessaire avant toute intervention architecturale.
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