yvonne princesse de bourgogne

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YVONNE
PRINCESSE
DE
BOURGOGNE
DE WITOLD GOMBROWICZ MISE EN SCENE ANNE BARBOT DOSSIER PÉDAGOGIQUE «Ainsi nous enfilons modestement le costume sous lequel on nous connaît. Et, vêtus de la sorte, nous nous rendons en société, c’est à dire parmi les déguisés. Nous aussi nous faisons comme tous les masques avisés (…).» Nietzsche, Le Gai savoir YVONNE,
PRINCESSE DE BOURGOGNE
DE WITOLD GOMBROWICZ MISE EN SCÈNE ANNE BARBOT DOSSIER PÉDAGOGIQUE Réalisé en partenariat avec le théâtre Romain Rolland de Villejuif TABLE DES MATIÈRES YVONNE, PRINCESSE DE BOURGOGNE -­‐ LA PIECE RESUME -­‐ DISTRIBUTION NOTE D'INTENTION NOTE DE MISE EN SCENE SCENOGRAPHIE, COSTUMES, LUMIERE, MUSIQUE NOTRE MASQUE LA RECHERCHE DANS YVONNE, PRINCESSE DE BOURGOGNE PROCESSUS DE TRAVAIL POUR L’ACTEUR PROCESSUS DE FABRICATION D'UN MASQUE 3 4 5 6 7 11 12 THEMES ET PISTES PEDAGOGIQUES SOCIETE -­‐ INDIVIDU -­‐ DIFFERENCE LES STYLES LITTERAIRES DE LA PIECE 14 18 ANNEXES MASQUE ET THEATRE -­‐ REPERES TRAGEDIE GRECQUE THEATRE MASQUE BALINAIS THEATRE NO LA COMMEDIA DELL'ARTE MASQUES CONTEMPORAINS EUROPEENS MASQUE NOBLE -­‐ NEUTRE -­‐ LARVAIRE MASQUE ET RITUELS 20 21 22 23 26 28 30 MASQUE & MASQUE SOCIAL / REPRESENTATIONS 31 TEXTES -­‐ REFERENCES LE TRAGIQUE – GUIDE DES IDEES LITTERAIRES – HENRI BENAC LE COMIQUE – GUIDE DES IDEES LITTERAIRES – HENRI BENAC LE BURLESQUE – GUIDE DES IDEES LITTERAIRES – HENRI BENAC 35 41 44 WITOLD GOMBROWICZ 46 BIBLIOGRAPHIE ET REFERENCES 46 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 DISTRIBUTION RÉSUMÉ AUTEUR Witold Gombrowicz Quand ils rencontrent l’apathique et repoussante Yvonne, les amis du Prince Philippe pensent se distraire à bon compte de leur désœuvrement. Mais, face à tant d’imperfections, le Prince ressent autant de fascination que de dégoût ; ce sentiment mêlé le pique dans sa dignité : il décide de surmonter sa répulsion et annonce ses fiançailles avec la jeune fille. Le Roi et la Reine, par crainte du scandale, ne peuvent que s’incliner devant cette absurdité.
MISE EN SCÈNE Anne Barbot COLLABORATION ARTISTIQUE Alexandre Delawarde AVEC Aurélie Babled Cédric Colas Daniel Collados Benoît Dallongeville Alexandre Delawarde Audrey Lamarque David Lejard-­‐Ruffet Fanny Santer Benoît Seguin Marie-­‐Céline Tuvache « Introduite à la Cour royale comme fiancée du prince, Yvonne y devient un facteur de décomposition. La présence muette, apeurée, de ses multiples carences, révèle à chacun ses propres failles, ses propres vices, ses propres saletés… La Cour n’est pas longue à se transformer en une couveuse de monstres. Et chacun de ces monstres rêve d’assassiner l’insupportable Yvonne. La Cour mobilise enfin ses pompes et ses œuvres, sa supériorité et ses splendeurs, et, de toute sa hauteur, la tue. » MASQUES Yngvild Aspeli SCÉNOGRAPHIE Charlotte M aurel MUSIQUE Vincent Artaud LUMIÈRES Fabrice Bihet Witold Gombrowicz, CHORÉGRAPHIE Jean-­‐Marc Hoolbecq COSTUMES Bruno Marchini de l’Atelier de Costumes du Studio-­‐ Théâtre d’Asnières PRODUCTION DÉLÉGUÉE Théâtre Romain Rolland de Villejuif Extrait de Testament, Entretiens avec Dominique de Roux, Folio, Gallimard, CO-­‐PRODUCTION La Grande Dimière Théâtre de Fresnes Cie Narcisse Théâtre ECAM -­‐ L e K remlin-­‐Bicêtre SOUTIENS DRAC Île-­‐de-­‐France Mairie de Villejuif Jeune Théâtre National Théâtre 13 -­‐ P aris Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 3 NOTE D’INTENTION YVONNE est le corps étranger introduit de force à la Cour de Bourgogne par le Prince. Son intégration forcée se révèlera un échec. La situation d’Yvonne me touche intimement car elle me rappelle le goût amer de l’incompréhension et de l’infantilisation vécue lors d’une longue période de travail au Japon. Je voulais comprendre mais je n’avais pas les clés. Je voulais respecter l’autre, mais je ne connaissais pas les codes, je voulais m’intégrer sans abandonner aucune partie de moi-­‐même. J’ai offensé et blessé sans en avoir la moindre idée et je me suis sentie privée de toute liberté. Yvonne offense, choque, humilie inconsciemment en ne respectant pas les codes de la société de Bourgogne. Elle aurait du s’incliner devant le Roi et la Reine, mais elle regarde les êtres tels qu’ils sont et non tels qu’ils croient être. Dès lors que reste-­‐il du pouvoir ? Des habitudes de vie, des certitudes, des façons de penser et de se représenter le monde, de concevoir ce qui est vrai et ce qui est faux, de distinguer le bien du mal, ou le beau du laid…? Ainsi, Yvonne devient le cancer de la société. La force de son mutisme va ébranler le fondement de l’identité de chacun dans cette cour. C’est déstabilisant quand plus rien ne nous structure et ne nous définit dans une société. À quoi nous raccrocher? Qui sommes-­‐nous réellement? Que reste-­‐t-­‐il sous notre carapace? Allons-­‐nous chercher ce qu’il y a de plus profond en nous, tout ce qui a été réprimé, refoulé par la société? Gombrowicz pousse la perte d’identité et la dislocation du groupe à l’extrême. Ces processus de bouleversement du groupe par un corps étranger m’intéressent et me questionnent : pouvons-­‐nous faire table rase d’une société, de notre culture, de notre éducation,…? Cette pièce est une double tragédie : une tragédie pour Yvonne qui subit la violence des autres et une tragédie pour chaque protagoniste qui se retrouve face à lui-­‐même avec ses propres failles, ses peurs, ses angoisses... Mettre en scène la question de la différence m’amène nécessairement à traiter les réactions face à cette différence : l’exclusion, l’assimilation, l’intégration forcée, la désintégration, l’élimination… avec le cortège qui l’accompagne: la perte de repères et la recherche de soi. Tout nous conduit à poser la question de l’identité comme centrale. Anne Barbot
4 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 NOTE DE MISE EN SCÈNE Très vite le jeu masqué s’est imposé à moi pour mettre en scène la différence : la Cour de Bourgogne masquée confrontée à une Yvonne, non masquée. Cela permet de ne pas traiter une différence en particulier mais toutes les différences. La différence s’exprimera par l’opposition entre forme et informe, entre masque et non masque, thèmes chers à Gombrowicz. La différence que j’ai choisie n’est ni physique, ni sociale, ni ethnique, ni religieuse, elle est artistique. La « différence » d’Yvonne sera donc la plus indéfinissable possible, la rendant d’autant plus menaçante pour la Cour et angoissante pour nous. Yvonne doit pouvoir être le « révélateur » de chacun. Le corps de l’acteur aura une place essentielle dans mon travail : Le masque en « T» sera un prolongement du visage de l’acteur et non la représentation d’un archétype comme en commedia dell’arte. Il en va de même pour le jeu: je partirai de l’acteur et non d’une idée de personnage qui nécessiterait une grande composition. Évidemment, il faudra pousser le jeu vers l’extrême pour atteindre la dimension du masque: un jeu essentialisé, sans temps psychologique, une énergie canalisée, interne, sensible, sans acrobatie-­‐ni lazzi, des corps dessinés, des voix proches de leur tessiture. En face, Yvonne, jouera dans un état général de passivité et de mollesse avec la dynamique d’un corps sans carapace. Je vais traiter visuellement le dressage d’Yvonne et la violence qui en découle : moments d’humiliation et d’infantilisation où, manipulée comme une poupée chiffon, elle apprendra à faire la révérence, à sourire, à manger correctement au point de se faire gaver comme une oie. La rencontre entre ces deux styles, masque et non masque sera explosive: le jeu masqué va disparaître pour laisser place à un jeu anarchique, tous les artifices théâtraux seront mis à nu. L’informe corrompt la forme. Yvonne, par sa présence muette et ses multiples carences devient «un facteur de décomposition » au sein de la cour royale, donnant lieu : à la dislocation du corps social et à la disparition de ses repères, à la dislocation des corps dont la consistance deviendra celle d’Yvonne, à la tombée des masques, à la déconstruction et la vulgarisation de la langue, à la détérioration des costumes, à la déstructuration de la musique de la cour contaminée par celle d’Yvonne, à la dégradation de la scénographie, des lumières. Créant le chaos au plateau. Le chœur, démantelé dès le premier acte laissera place à des individualités et se reformera au dernier acte pour conduire Yvonne à l’autel du sacrifice, tel un héros tragique: Yvonne surélevée, une longue nappe blanche nouée autour du cou servant aussi d’autel, assistera à son dernier repas: la Cour en contrebas, une arête de perche (le poisson) intégrée au costume comme emblème de la Bourgogne, se rassemblera et l’agencement involontaire du chœur laissera apparaître le squelette de la perche, l’arme du crime. Ils seront individuellement porteurs de l’arme mais le crime sera ici un acte collectif. Comme une sorte de fatalité, le cours de la vie reprendra malgré les traces visibles et invisibles, intérieures, dissimulées. Comme si chaque génération avait besoin d’un sacrifice pour refonder l’ordre social. 5 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 LA SCÉNOGRAPHIE, LES COSTUMES, LA LUMIÈRE ET LA MUSIQUE Une scénographie épurée : simple mur ouvert en transparence sur le lointain (lieu d e l’espionnage, d u fantasme, d e la p erdition), u n s ol b rumeux d issimulant les p ieds d es c omédiens : personnages flottants, suspendus e ntre le rêve e t la réalité. U n e space trouble c réant u ne p erception étrange d es d istances, d e la p rofondeur a ccentuant a insi l’onirisme. Q uelques é léments signifiants pour indiquer l ’espace (un lustre p our u ne s alle d u p alais, u ne n appe b lanche p our la s alle d e réception…) En lumière, le c lair-­‐obscur p our stratifier l’espace e t c omposer d ans la p rofondeur. L es personnages é mergeront d e l’ombre e t le contraste e ntre z ones é clairées e t z ones d’ombres concentreront l’attention s ur le s ujet. Des c ostumes b aroques-­‐gothiques p resque é lisabéthains e ntre le c lassique e t le c ontemporain pour la C our e t u n c ostume sans forme, sans é poque p our Y vonne. Un u nivers m usical c lassique p achydermique, fanfaronesque (la C our) p roche d e C hostakovitch, et c ontemporain, répétitif, v oire a nxiogène (Yvonne), toujours d ans c e s ouci d ’opposition e ntre la forme(classique) e t l’informe (contemporain). 6 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 NOTRE MASQUE Essayage masque en T et maquillage pour la reine. LA RECHERCHE DANS YVONNE, PRINCESSE DE BOURGOGNE J’ai tout d’abord commencé à travailler avec le jeu masqué de manière très classique en suivant les bases de mon apprentissage : la Commedia dell’arte. Je respectais certains codes comme le retour public* pour donner à voir l’émotion au spectateur. Le rapport au public, pour l’acteur masqué, est essentiellement frontal. Le public est un 3e partenaire de jeu. Mais dans Yvonne, princesse de Bourgogne, la parole et la pensée prennent parfois le relais de l’émotion. Comme le texte est porteur de cette émotion, le retour public devient moins nécessaire. Aussi, nous allons choisir les moments adressés au public : le Prince réfléchira en direct avec le public. Nous chercherons à établir un chemin commun de pensée. Mais, plus nous manipulions la matière textuelle plus je me rendais compte que le style de la Commedia dell’arte résistait. Et conséquemment, la création des masques d’Yvonne, princesse de Bourgogne s’éloigne de plus en plus des archétypes. Les personnages de la Commedia sont typés (par exemple : Pantalon représente tous les vieillards avares, crédules, libertins) alors que nos personnages, comme le Prince, sont peu soumis aux archétypes. * Retour Public : Le comédien après chaque action ou réaction, se retourne vers le public dans le but de lui donner à voir l’émotion que le personnage ressent. Le type de masque que nous cherchons se rapproche plus du visage humain. Nous observons les visages dans la rue et nous essayons de les reproduire en les Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 7 exagérant. Nous travaillons aussi avec le visage du comédien en essayant d’exagérer certains traits. J’ai apporté à la factrice de masque des photos de visages, des gravures ou des peintures comme source d’inspiration -­‐ qu’elle juxtapose à la photo du comédien qu’elle garde toujours en référence, pour ne pas trop s’éloigner de lui. Moule du masque du maréchal (dignitaire) Moule du masque et masque brut de la Reine et images d’inspiration Les Caricatures de Daumier au côté de la photo de la comédienne et d’images de Piero della Francesca – Offices Florence – Portraits de Batista Sforza et Federico Di Montefeltro-­‐1472 Comme le masque se rapproche de l’humain, et de l’acteur, le jeu lui aussi se rapproche de l’acteur et donc d’une certaine réalité. Toujours dans un souci de réalisme, j’ai choisi des comédiens ayant l’âge des rôles (une approche légèrement différente du masque de la Commedia qui permet à presque tous les acteurs de jouer tous les rôles). Dans ma recherche, les voix ne s’éloignent pas de la tessiture du comédien, les corps ne changent pas fondamentalement. Il n’y a ni lazzi*, ni acrobatie. Je cherche à m'écarter de la tradition afin de trouver notre réalité. Une forme masquée qui nous parlerait aujourd’hui. Nous sommes bien entendu imprégnés de tradition. Je ne peux évidemment pas oublier mon expérience professionnelle au Japon. La pratique de la danse traditionnelle du théâtre Nô, m’a inconsciemment inspiré, dans l’économie de mouvement, l’esthétique, le masque blanc, la sensation de corps qui flotte… Mais mon but est de chercher ce qu’il y a de plus juste aujourd’hui avec nos corps, nos préoccupations, nos envies. * Lazzi : « de l’italien lazzi, plaisanteries, jeux de scène bouffons. Terme de la Commedia dell’Arte. Élément mimique ou improvisé par l’acteur servant à caractériser comiquement le personnage (à l’origine Arlequin)... » Dictionnaire du Théâtre – Francis Pavis – Ed. Sociales
8 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 Ainsi, j’ai choisi différents types de masque : -­‐
Le masque en « T » (front et nez) Il apporte une légère transformation du visage du comédien et induit un jeu plus naturaliste, moins dans la composition -­‐
Le demi masque -­‐
Le demi masque incluant les bajoues ; -­‐
Le masque plein, tout le visage. Gombrowicz a donné un caractère plus grotesque à certains personnages (dignitaires, dames de cour, tantes). Les masques créés pour ces personnages se rapprochent donc plus des masques de la Commedia pour lesquels l’âge du comédien n’a que peu d’importance : un jeune peut jouer un vieux, un maigre un obèse… Quelque soit le masque, l’investissement du corps est très important : Jeu sans psychologie, tenue du corps, épure et économie de mouvement, points fixes*. Plus le masque couvre le visage, plus le visage est transformé et plus l’investissement du corps doit être grand. Sans pour autant tomber dans la caricature. * Points fixes : Moment de fixité du comédien masqué. Si la tête de l’acteur et son corps sont toujours en mouvement, le spectateur ne pourra jamais saisir le personnage, le point fixe c’est comme un animal à l’arrêt, c’est à ce moment précis que nous avons une fenêtre ouverte sur son âme, son humanité. 9 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 Avec un masque, Les émotions traversent le corps de l’acteur. Rien ne peut être joué sur le visage, donc tout passe par le corps. C’est en cela que nous rejoignons le travail de la Commedia. Le masque dans la mise en scène d’Yvonne, princesse de Bourgogne apporte une force esthétique et poétique. Il permet de faire jaillir l’émotion par le corps, d’enrichir le jeu à l’extrême sans s’enfermer dans le sacré. Dans Yvonne, princesse de Bourgogne, j’aimerai justement tenter un « sacrilège ». Faire fi du rituel de jeu qui veut que jamais un comédien ne touche le visage de son partenaire s’il est masqué. Dans le 3ème acte, j’aimerai que le masque soit arraché en direct du visage de certains comédiens. Le personnage perdrait une part de lui-­‐même, la part qu’il s’était construite pour exister en société. L’homme mis à nu, sans masque, sans forme. 10 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 PROCESSUS DE TRAVAIL POUR L’ACTEUR >> Un travail d’appropriation du masque >>> puis d’appropriation du texte par le masque -­‐ Exercices techniques : le point fixe, l’ancrage dans le sol, la dissociation du mouvement… Des exercices qui visent à une meilleure connaissance des mécanismes de l'organisme humain. -­‐ travail sur les animaux, rythme, respiration, démarche… et petit à petit humaniser l’animal. -­‐ travail sur les matières : élastique, éponge… -­‐ travail sur le corps (le costume a une part importante dans le processus, il permet au comédien d’affiner sa recherche sur le corps, de le dessiner) -­‐ travail d’improvisations : les émotions (colère, jalousie, joie…), les sensations (froid, faim…). Le but de ces improvisations étant de confronter le personnage à différentes situations. -­‐ travail sur la voix, le positionnement du masque sur le visage, la contrainte qu’il apporte au niveau de la bouche peut entrainer un changement de voix et de prononciation, aussi, le corps que l’on a choisi va nécessairement donner une direction à la voix. -­‐ travail d’improvisations autour des thèmes de la pièce. L'œuvre libérée de tout carcan littéraire, est d'abord soumise à l'improvisation des comédiens pour mieux explorer ses potentialités théâtrales. Après ces différentes étapes de travail, il est plus facile pour le comédien d’aborder le texte de la pièce. 11 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 PROCESSUS DE FABRICATION D’UN MASQUE >> Une démonstration réalisée par Yngvild Aspeli, factrice de masques sur Yvonne, princesse de Bourgogne 1 > Un négatif du visage du comédien est réalisé avec des bandes de plâtres 2 > Le négatif est rempli de plâtre, pour obtenir une fois démoulé un positif du visage du comédien 3 > A partir du positif, la factrice de masque sculpte un visage avec de la pâte à modeler. 4 > Elle réalise ensuite un négatif de la sculpture avec des bandes de plâtres. 5 > Puis remplie le négatif de la sculpture avec de la matière : papier de soie, papier kraft et colle à bois. 6 > Elle procède ensuite au démoulage du masque 7 > Et finit par ombrer le masque avec de la peinture 12 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 THÈMES, SUGGESTIONS ET PISTES PÉDAGOGIQUES À EXPLORER EN CLASSE SOCIÉTÉ – INDIVIDU -­‐ DIFFÉRENCE > LE CORPS SOCIAL > L’INDIVIDU FACE A LA SOCIÉTÉ OU LE MASQUE SOCIAL > LE TRAITEMENT DE LA DIFFÉRENCE LES STYLES LITTÉRAIRES DE LA PIÈCE > TRAGIQUE > COMIQUE > BURLESQUE Les pages qui suivent vous proposent des pistes de réflexion, de discussions et
d’exercices à faire en classe avec les élèves, en préparation ou restitution de
représentation.
13 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 SOCIÉTÉ -­‐ INDIVIDU -­‐ DIFFÉRENCE LE CORPS SOCIAL > Réfléchir sur ce qui définit une société ? Définition de la Culture au sens large… et donc d’une norme. Opposition du normal et de l’anormal. Conception de la monstruosité sociale : « contraire au sens commun, aux lois communes » ? … comme l’anormal extrême. > Repérer les codes… les coutumes… les lois… la culture Comparaison des codes de comportement : politesse, niveau de langue, code vestimentaire…à travers les époques, les pays, les classes sociales… > Mettre en regard le concept de « l’autre » à celui de « l’anormal » par rapport à une société. / Par exemple « l’étranger » À LIRE : . L’Étranger de Camus EXERCICE DE THÉÂTRE Travail de chœur Création du chœur, mouvement collectif, prise de parole collective… DANS LA PIÈCE AVANT : d’après lecture du texte ou APRES la représentation (remémoration) > Décrire les codes qui régissent la Cour de Bourgogne 14 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 SOCIÉTÉ -­‐ INDIVIDU -­‐ DIFFÉRENCE L’INDIVIDU Comment se définit l’individu ? Ne sommes-­‐nous qu’un être social ? Existe-­‐t-­‐il un être authentique ? « Celui qui me suivrait pas à pas et qui m’épierait dans tous mes contacts avec les gens pourrait se rendre compte à quel point j’étais caméléon. Selon le lieu, les individus, les circonstances, j’étais sage, sot, primitif, raffiné, taciturne, causeur, inférieur, plat ou profond, j’étais agile, lourd, important, nul, honteux, sans vergogne, audacieux ou timide, cynique ou noble, que n’étais-­‐je pas ! J’étais tout. » « Le hic fatal : Si je suis toujours artificiel, toujours défini par les autres hommes et par la culture, comme par mes propres nécessités formelles, où donc chercher mon moi. Qui suis-­‐je vraiment ? et jusqu’à quel point suis-­‐je, tout court ? » Gombrowicz EXERCICE DE THÉÂTRE Improvisation préparée -­‐ Demandez à une partie des élèves d’inventer, en secret, des codes de salutation, de savoir vivre… (en gestuel et en parole) caractéristiques d’un groupe d’individus (par exemple une famille) -­‐ Proposez au groupe de jouer une scène d’improvisation (selon un cadre défini. Par exemple : un dîner…) en compagnie d’un individu extérieur -­‐ ou d’un autre groupe (une autre famille, dite « normale » invitée au dîner) -­‐ qui va découvrir les codes au cour du jeu. Ex : en secret, un groupe décide de ne jamais avoir de contact physique, ou bien de se saluer en se mordant l’oreille, de manger les bras dans le dos, la bouche à même l’assiette… Comment va réagir l’autre groupe face à une telle différence ? DANS LA PIÈCE Quels personnages vous paraissent authentiques et dans quelle mesure le sont-­‐ils ? 15 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 SOCIÉTÉ -­‐ INDIVIDU -­‐ DIFFÉRENCE L’INDIVIDU FACE À LA SOCIÉTÉ : LE MASQUE SOCIAL Ne jouons-­‐nous pas toujours un rôle, ne portons-­‐nous pas toujours un masque même quand nous affirmons notre révolte, notre désaccord avec une société ou notre incapacité à nous adapter ? Ne devons-­‐nous pas être des caméléons pour exister en société ? « Je n’étais pas seul à être caméléon, tout le monde l’était, c’était la nouvelle condition humaine. » Gombrowicz ÉTUDE ET RECHERCHE DE DOCUMENTS Masque et société : illustrations > Commenter les documents figurants des pages 30 à 33 (en annexe) > Trouver vous-­‐même des exemples d’illustration de cette thématique dans l’histoire et dans l’art : textes, œuvres ou images qui abordent la thématique du masque social, de l’identification ou de la démarcation de l’individu par rapport au masque social EXERCICE DE THÉÂTRE Improvisation Un enfant face à ses parents, à ses professeurs, à une administration, à un médecin – fils/fille, élève, citoyen, patient… Improvisation Un élève choisi une fonction (médecin, professeur, mécanicien, policier…) et la met en œuvre : le médecin diagnostique, le mécanicien répare… Pousser le jeu afin de faire déborder ce comportement jusqu’à ce qu’il devienne compulsif dans d’autres situations que celle du travail : le médecin ausculte sa famille, le policier veut faire la loi chez ses amis… DANS LA PIÈCE Quels personnages montrent leur vrai visage ? Dans quelles situations les personnages de la pièce perdent-­‐ils leur masque social ? 16 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 SOCIÉTÉ -­‐ INDIVIDU -­‐ DIFFÉRENCE TRAITEMENT DE LA DIFFÉRENCE Que faire de l’individu différent ? . nier sa différence . le mettre à l’écart : apartheid (existence sociale séparée) . l’exclure (le sortir de la société) . l’assimiler : effacer sa différence en le « normalisant » ; il se conforme aux codes de la société qui l’accueille . l’intégrer : tolérer l’existence de différences de comportements et vivre ensemble . la détruire : détruire la source de la différence EXERCICE DE THÉÂTRE Le chœur face à l’individu Placer un individu face à un chœur (cf. LE CORPS SOCIAL). Explorer les différentes approches ci-­‐dessus. DANS LA PIÈCE Pour vous, Yvonne est-­‐elle différente ? Comment définiriez-­‐vous la différence qu’elle incarne ? A LIRE : . Le personnage d’Antigone ; Sophocle, Anouilh . Les Bâtisseurs d'Empire ou le Schmürtz (1957) de Boris Vian Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 17 LES STYLES LITTÉRAIRES DE LA PIÈCE Gombrowicz mélange les styles littéraires dans son théâtre et se différencie entre autres par ce choix du classicisme littéraire polonais et de ses règles. La recherche fondamentale se cristallise sur une question qui traverse toute son œuvre, les « frictions entre la forme et l’informe ». Cette question n’est pas qu’intellectuelle pour Gombrowicz, il la ressent dans sa chair : « Je ne sais pas qui je suis, mais je souffre quand on me déforme. Ainsi donc, je sais au moins ce que je ne suis pas. » DANS LA PIÈCE TRAGIQUE – COMIQUE – BURLESQUE se côtoient et parfois se mêlent. Après avoir vu avec les élèves ce qui caractérise et définit chaque style (Cf. RÉFÉRENCES en annexe : TEXTES : Le tragique -­‐ Le comique -­‐ Le burlesque) > Rechercher dans la pièce les scènes illustrant ces différents styles et compléter le tableau TRAGIQUE COMIQUE BURLESQUE ACTE I, p23 Le ROI : Quoi ? quoi ? il se marie (…) Je vais lui jeter l’anathème (…) La REINE : Ignace cela va faire un scandale ! ACTE III, p50 Le ROI : Elle a peur (…) Elle va finir par nous user toutes les fenêtres… ACTE IV, p67 Début de l’acte avec le Roi et les Dignitaires > Rechercher dans la pièce les scènes où ces différents styles s’entremêlent 18 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 ANNEXES 19 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET THÉÂTRE -­‐ REPÈRES >> TRAGÉDIE GRECQUE Les règles de la tragédie grecque (originaire de la Grèce antique caractéristique de l’Athènes du Ve siècle av. JC ) nécessitent l'usage d'accessoires comme le masque. Un masque de chiffon et de plâtre, parfois d'écorce ou de bois, qui couvre le visage et une grande partie de la tête, et comporte des cheveux. Il ménage des ouvertures pour les yeux et la bouche. Le masque est, encore plus que le costume, un procédé de caractérisation du personnage. Il permet d’identifier d’entrée de jeu le héros. Ou encore de donner une meilleures perception des émotions exprimées aux spectateurs dans des gradins parfois très éloignés de la scène. Le masque porte les traits de la douleur pour la tragédie ou du rire pour la comédie. Le jeu masqué permet aux acteurs l’interprétation de plusieurs rôles. Le comédien de tragédie grecque entre en scène en portant un masque muni d’un résonateur métallique pour amplifier la voix. Plus tard, dans le théâtre romain, seuls les acteurs de comédie portent le masque. (personnages types tels : MACCUS, le goinfre stupide -­‐ BUCCI (la bouche), gourmand et rusé -­‐ PAPPUS, vieillard avare et libidineux (qui annonce Pantalon)-­‐ DOSSENUS, le bossu parasite (ancêtre de Polichinelle) – etc.) 20 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET THÉÂTRE -­‐ REPÈRES >> THÉÂTRE MASQUÉ BALINAIS masque de ministre ou Pattigh Le Topeng (masque en bahasa indonésia) est un théâtre traditionnel à la fois masqué, chanté et dansé –toujours improvisé il est joué uniquement par des hommes qui prennent différents caractères. Les masques, en bois sculpté et peints avec des pigments naturels, sont de deux types : -­‐ Les masques pleins avec simplement des fentes sous les yeux et au niveau de la bouche sont destinés aux rôles muets (Le DALEM caractère du roi – Le KERA, caractère du ministre violent et dur – Le TUA, vieux dignitaire de la cour…). -­‐ Les demi-­‐masques, avec des ouvertures pour les yeux et, pour certains, sont destinés aux rôles parlants (les valets, qui font office de narrateurs – les caractères du peuple, masques bouffons) 21 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET THÉÂTRE -­‐ REPÈRES >> THÉÂTRE NÔ Le théâtre Nô, dont les premières représentations furent données à la cour et dans les temples dès le XVe siècle, est un théâtre noble et sacré. Le Nô, consacré “art de cérémonie”, se joue masqué, comme les différentes formes de théâtre religieux dont il émane, et suggèrent la présence des dieux et des démons. Les masques représentent des visages humains : femmes, princes, guerriers, hommes ivres, déesses, démons, etc. Aujourd’hui 5 familles sont détentrices du Nô, qu’elles jouent 2 à 3 fois par an. En général, il n’y a pas plus de trois acteurs (toujours masculins) sur une scène de dimension réduite où tout est géométrique et quadrillé. Deux personnages sont masqués : Le SHITÉ, qui incarne les héros, démons, femmes et guerriers et le KYÔGEN, bouffon masqué, qui est chargé des intermèdes. Seul le WAKI, n’est pas masqué. Il interprète un bonze ou un pêcheur qui fait le contrepoint du shité. Femme Ce théâtre de nobles et de samouraïs évolue selon un rite immuable (pantomimes dansées et chroniques versifiées récitées) et extrêmement codé. Trois pins sont disposés sur scène. Si l’acteur s’arrête au premier pin, il est un Dieu, s’il s’arrête au deuxième pin, il est un demi-­‐dieu, s’il s’arrête au troisième, il est un humain. Le masque de Nô (en japonais omote, “visage”), en bois, est sacré, considéré comme une œuvre d’art signée par un maître sculpteur. Plus petits en taille que le visage de l’acteur, les masques réduisent considérablement le champ de vision de l’acteur. Aussi, l’acteur joue les yeux fermé sous son masque. Il utilise alors les piliers de la scène pour se situer et connait les moindres détails de son parcours. Le Nô est un théâtre de suggestions, d’économie du geste, sans tension dramatique. Adolescent Esprit vengeur féminin Démon Vieillard 22 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET THÉÂTRE -­‐ REPÈRES >> COMMEDIA DELL’ARTE Arlequin, serviteur de deux maîtres de Carlo Goldoni mise en scène Giorgio Strehler « Dans ce territoire sont en jeu les grandes tricheries de la nature humaine: faire croire, leurrer, profiter de tout, les désirs sont urgents, les personnages en état de "survie". Dans la commedia dell’arte tout le monde est naïf et malin; la faim, l'amour, l'argent animent les personnages. Le thème de base, c'est tendre un piège, pour n'importe quelle raison : pour avoir la fille, l'argent, la nourriture. Très vite, les personnages emportés par leur bêtise se trouvent pris dans leurs propres intrigues. Ce phénomène, poussé à l'extrême, caractérise la comédie humaine et met en évidence le fond tragique qu'elle recouvre. » Jacques Lecoq – Le Corps Poétique C’est un théâtre d’acteurs. Il y a des caractères mais pas de modèle. Il y a autant d’Arlequin que d’acteurs à le jouer. Chaque comédien transmet son savoir oralement ainsi que la fabrication des masques. 23 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 Personnages et masques de la commedia dell’arte Le masque d'Arlequin est noir et évoque facilement le visage d'un africain... ou un charbonnier de Bergame (ville d'origine d'Arlequin) au visage couvert de suie. Son masque se compose d'un demi masque et d'une mentonnière noire. Les sourcils et la barbe sont composés de longs poils noirs hérissés. Le front et les sourcils sont très nettement arqués, renforçant les joues creusées du pauvre zanni, toujours affamé. Les yeux, deux ronds minuscules, évoquent la ruse ou la gourmandise. L'étroitesse de ces trous et le champs de vision restreint explique la démarche sautillante, par rapides petits pas, du personnage (les acteurs, devaient pouvoir surveiller leurs pieds et éviter les obstacles). Le masque comporte une bosse rouge du côté droit du front qui peut-­‐être une trace de coup, une verrue ou une ébauche de corne diabolique... Le masque de Brighella est assurément plus bestial et plus rusé que celui d'Arlequin. Brun basané, les traits semblent aplatis : des joues et des orbites étirés vers l'extérieur, un nez aux narines larges, semblable au museau d'un singe... En ce qui concerne la couleur brune foncée, Goldoni dira qu'elle évoque la peau brûlée des habitants de ces hautes-­‐montagnes. Le masque noir de Polichinelle évoque la laideur sans aller jusqu'à la monstruosité. Des joues tombantes, souvent couvertes de verrues, des collines de rides sur le front, un nez aquilin, souligné parfois d'une moustache. Comme Arlequin, il arbore non pas une mais plusieurs verrues sur le front... petites cornes qui en font l’héritier du diable ? Ce qui fait la force du masque brun de Pantalon est sans aucun doute son nez aquilin et proéminent, tel le bec d'un rapace. Il porte, en outre, de longues et fines moustaches grises, ainsi qu'une barbe blanche allongée en pointe au menton. Ce qui produit d'ailleurs un effet comique lorsqu'il parle. Le Docteur porte un demi-­‐masque qui ne lui cache que le front et le nez. Les joues sont souvent peintes de couleur bordeaux... révélant l'un des vices cachés d'un Docteur biberonneur. Le masque du Capitaine Matamore est anciennement de couleur chair, puis rouge, affiche une hardiesse qui n'a d'égale que sa lâcheté ! Il arbore avec fierté un long nez retroussé ainsi que d’effroyables moustaches hérissées et des sourcils relevés. (Pierre-­‐Louis Duchartre, La Comédie italienne (1924)). La Commedia dell’arte d’Arlequin à Molière « La Commedia Dell’arte lèguent son héritage à une comédie humaine contemporaine masquée vivante, à renouveler chaque jour. Les grands masques humains ne connaissent ni le temps ni les frontières. Leurs morphologies reconnaissables, leurs mouvements caractéristiques, leurs fonctions Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 24 sociales et leurs traits psychologiques ne trompent pas sur leur tempérament. L’homme n’a guère changé depuis l’apparition de ses masques humanoïdes. » (Masques en cuir d’Arlequin fabriqués par Amleto Sartori 25 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET THÉÂTRE -­‐ REPÈRES >> MASQUES CONTEMPORAINS EUROPÉENS LE MASQUE-­‐CAGOULES Homme pour homme de Bertold Brecht de Benno Besson, 1988 Le Cercle de craie caucasien de Brecht mise en scène Benno Besson Masque-­‐cagoule en tissu de Werner Strub pour L’Oiseau vert de C. Gozzi 26 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 Maitre Puntila et son valet Matti de Brecht mise en scène Omar Porras 27 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET THÉÂTRE – REPÈRES >> LE MASQUE NOBLE / NEUTRE / LARVAIRE Le masque NOBLE. : L’école de l’être humain au théâtre du Vieux-­‐Colombier « Jacques Copeau inversera la conception occidentale du masque comme faux-­‐visage, induisant duplicité et illusion mensongère, pour lui redonner sa « noblesse » Il fait revenir à la scène le masque comme expérience de vérité. (…) Pour Copeau le masque dégage l’acteur de ses mensonges, le libère de ses masques sociaux et l’engage dans un jeu sincère et vrai. Plus qu’une technique, il y voit une recherche esthétique alliée à une éthique »* Masque noble féminin réalisé par Marie-­‐Hélène et Jean Dasté, proche de celui qui était porté à l’école du Vieux-­‐Colombier (1921-­‐1924) L’essentialisation et la quête du NEUTRE selon Jacques Lecoq « Lecoq renonce au qualificatif de « noble » dont se servait Copeau ; peut-­‐être gardait-­‐il trop la marque de l’ancien régime où l’on qualifiait ainsi les masques utilisés pour les danses à la cour. « Neutre » est le qualificatif retenu par Lecoq, comme un point d’équilibre entre toute chose, comme un dépassement aussi – ou un refus -­‐ de la polarité sexuelle. Une façon de se dégager de l’incarnation pour tenter d’accéder au profond des choses, aux lois du mouvement. Masque neutre d’Amleto Sartori Très vite le masque « neutre s’avère une quête impossible. On ne peut que tendre vers le « neutre ». Amleto Sartori parle alors de « MASQUE PUR ». Strehler qui suit avec passion cette recherche préfère parler de « MASQUE DEFINITIF ». Le vide qui est recherché dans les traits de ce visage doit arriver à faire vibrer la présence de l’homme, l’essentialiser en somme. »* Le masque LARVAIRE 28 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 Il s’agit de forme simplifier de la figure humaine : ronde, pointue, crochue, où le nez a souvent une grande importance et dirige la face. Ces masques sont en quelque sorte inachevés et utilisés pour que le comédien parte de la dynamique spécifique au masque et l’étende au corps. Il entre ainsi « dans la forme » et développe un jeu simple mais large, aux mouvements élémentaires. * * Les Utopies du masque, Guy Freixe, ; Grand format – Ed Les voies de l’acteur ; p 119, 181, 186 29 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 LE MASQUE – REPÈRES >> LES RITUELS DU MASQUE Parmi les rituels les plus répandus : En répétition, la tradition veut que l’on tourne le dos au public ou que l’on baisse la tête pour enfiler le masque. En représentation, le comédien se prépare en coulisse. Il retire son masque à la fin de la représentation pour les saluts, toujours dos au public. Ce genre de rituel permet au comédien de rentrer dans un nouveau corps ou d’en sortir, ce n’est pas un acte anodin, on respecte l’histoire du masque : ses rides, ses expressions… Si le comédien porte le masque et s’adresse au metteur en scène, il doit absolument parler avec la voix et le corps de son personnage, sinon, il retire son masque. L’acte de porter un masque n’a plus de sens si le corps et la voix ne sont pas masqués. Ne jamais mettre les doigts dans les yeux du masque. En jeu, ne jamais toucher le visage de son partenaire s’il est masqué. On garde toujours une distance (caresse, baiser, coups). 30 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET MASQUE SOCIAL REPRÉSENTATIONS Autoportrait aux masques, James Ensor -­‐ 1899 L’Intrigue, James Ensor -­‐ 1890 31 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET MASQUE SOCIAL REPRÉSENTATIONS Portrait de Gertrude Stein, Pablo Picasso, 1905-­‐1906
Visage-­‐masque de Josep Fontdevila, Pablo Picasso, 1906
32 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET MASQUE SOCIAL REPRÉSENTATIONS 33 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 MASQUE ET MASQUE SOCIAL REPRÉSENTATIONS «Entre les énigmes proposées à chacun de nous par une courte vie, celle qui tient à la présence des masques est peut-­‐être la plus chargée de troubles et de sens. Rien n’est humain dans l’univers inintel-­‐ ligible en dehors des visages nus qui sont les seules fenêtres ouvertes dans un chaos d’apparences étrangères ou hostiles. L’homme ne sort de la solitude insup-­‐ portable qu’au moment où le visage d’un de ses semblables émerge du vide de tout le reste. Mais le masque le rend à une solitude plus redoutable: car sa présence signifie que cela même qui d’habitude rassure s’est tout à coup chargé d’une obscure volonté de terreur quand ce qui est humain est masqué, il n’y a plus rien de présent que l’animalité et la mort.» Georges Bataille, Œuvres, Tome II -­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐-­‐ "Il est souvent dangereux de se mettre complètement à nu devant autrui, chacun a besoin de conserver un jardin secret qui soit à l'abri des demandes, des jugements et des pressions sociales. Le masque nous aide à préserver la part la plus intime de nous-­‐mêmes tout en établissant des relations avec les autres de manière à pouvoir vivre en société. Il s'agit en quelque sorte d'un intermédiaire entre l'extérieur et notre intérieur le plus confidentiel. Mais de graves problèmes surgissent si l'on ne se rend pas compte que ce masque existe, le risque est alors très grand de ne plus faire la différence entre notre rôle social et notre véritable personnalité. C'est ce qui arrive à la plupart des gens, ils s'identifient totalement avec leur masque, oubliant que celui-­‐ci n'est qu'un outil qui devrait être à leur service. Les individus prisonniers de ce tyran intérieur ne sont plus que des coquilles vides, leur unique souci est de se conformer à l'image qu'ils donnent d'eux-­‐mêmes. Sans qu'ils s'en aperçoivent, leur personnalité profonde est dévorée par le masque et ils deviennent incapables de prendre librement leurs décisions. Toutes leurs actions répondent au même objectif : garder intact le portrait qu'ils offrent aux autres, ne pas remettre en question la vision qu'ils ont d'eux-­‐mêmes" Daniel Cordonier, Le Pouvoir du Miroir, Chapitre III – Les tyrans intérieurs (extrait)
34 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 TEXTE Guide des idées littéraires – Henri Bénac 35 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 36 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 37 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 38 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 39 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 40 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 TEXTE
Guide des idées littéraires – Henri Bénac
41 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 42 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 43 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 TEXTE Guide des idées littéraires – Henri Bénac Burlesque
44 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 45 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 WITOLD GOMBROWICZ 4 août 1904, (Małoszyce/Pologne) -­‐ 24 juillet 1969, (Vence/France) W . Gombrowicz est un écrivain polonais. Il est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands auteurs du XXe siècle et a influencé de nombreux écrivains, tels que Milan Kundera. Issu d’une famille de la noblesse terrienne de la région de Varsovie, il étudie le droit à l’Université de Varsovie, puis la philosophie et l’économie à l’Institut des hautes études internationales de Paris. L a publication des Mémoires du temps de l’Immaturité en 1933, en 1935 une première pièce, Yvonne princesse de Bourgogne et Ferdydurke en 1937 l’impose comme l’enfant terrible de la littérature moderne polonaise. Il se lie avec les écrivains d’avant-­‐garde Bruno Schulz et Stanislas W itkiewicz. Arrivé en Argentine pour un court séjour en1939, l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie le dissuade de rentrer en Europe. Il finit par rester vingt-­‐cinq ans en Argentine, dans la ville de Tandil, province de Buenos Aires. Sa vie au milieu du peuple argentin ainsi que de l’intelligentsia de l’émigration polonaise est r acontée dans son Journal argentin, publié à P aris dans la revue polonaise Kultura ; on en trouve également des échos romancés dans son Trans-­‐
Atlantique. L’œuvre de Gombrowicz, interdite en Pologne par les nazis puis par les communistes, tomba dans un relatif oubli jusqu’en 1957 où la censure fut levée provisoirement. Gombrowicz revient en Europe en 1963, à Berlin d’abord grâce à une bourse de la fonda-­‐ tion Ford. Son œuvre connaît alors un succès croissant en France et en Allemagne. En mai 1964, il s’installe en France à Royaumont, près de Paris. En septembre 1964, il déménage définitivement à Vence (près de Nice), petite ville où résident de nombreux artistes et écrivains. En 1967, Cosmos reçoit le Prix International de Littérature. Il décède à Vence en 1969 d’insuffisance respiratoire, à la suite d’une longue maladie. Les œuvres de Gombrowicz sont caractérisées par une analyse psychologique profonde, un certain sens du paradoxe, un ton absurde et anti-­‐nationaliste. Ferdydurke, présente de nombreux thèmes explorés dans ses écrits précédents : le problème de l’immaturité et de la jeunesse, le masque que revêt l’homme f ace à autrui et un examen critique du rôle des classes dans la société polonaise et la c ulture, spécialement parmi les nobles, représentatifs de l’église c atholique. Bibliographie et références : • Testament entretiens avec Dominique Roux, Witold Gombrowicz, Folio Essais, Gallimard, 1996. • Moi et mon double, Witold Gombrowicz , Quarto, Gallimard, 1996. • Les Utopies du masque, Guy Freixe, ; Grand format –Les voies de l’acteur , Ed L’Entretemps, 2010. • Commedia dell’arte – Michèle Clavilier et Danielle Duchefdelaville – Ed. Theatrum mundi – Etude • Le Masque, Dossier Pédagogique, Musée du Président Chirac. • Masques du monde, Revelard Michel et Kostadinova Guergana, collection Les beaux livres du patrimoine, La Renaissance du livre, 2000 Dictionnaire du Théâtre – Francis Pavis – Ed. Sociales, 1980. • Les fables peintes du corps abîmé – Les images de l’infirmité du XVIe au XXe siècle , Henri-­‐Jacques Stiker, Les Éditions du Cerf. • Phénoménologie des corps monstrueux, Pierre Ancet, Puf, 2006. http://www.ddec.nc/blaise-­‐pascal/theatre/masques_antiques.htm http://www.baliauthentique.com/Bali_de_a_a_z_le_topeng_theatre_masque_et_danse.htm http://paularbear.free.fr/commedia-­‐dell-­‐arte/heritage/masques.html 46 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 YVONNE, PRINCESSE DE BOURGOGNE! !
DE WITOLD GOMBROWICZ MISE EN SCÈNE ANNE BARBOT 7 MARS 2013 : THEATRE EDWIGE FEUILLERE -­‐ VESOUL 16 MARS 2013 : SALLE CASSEL -­‐ GRAU DU ROI 19 MARS 2013 : TAP -­‐ POITIERS 23 MARS 2013 : GRAND THEATRE -­‐ CALAIS 27 MARS 2013 : THEATRE D'ORLEANS 9 AVRIL 2013 : ESPACE 93 -­‐ CLICHY SOUS BOIS 47 Yvonne, Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz – mise en scène Anne Barbot DOSSIER PÉDAGOGIQUE – SAISON 2011-­‐12-­‐13 
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