Mme MARTIN Mélissa, Psychologue clinicienne à l`association SOS

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Mme MARTIN Mélissa,
Psychologue clinicienne à l’association SOS Violences en Privé.
La prise en charge des auteurs de violences intrafamiliales
Au sein de le Maison d’arrêt d’Amiens
Je vais commencer par vous présenter brièvement notre association, puis + en détails notre action au
sein de la Maison d’arrêt d’Amiens.
L’association « SOS Violences en Privé » a pour but principal de réfléchir et d’agir face aux
violences intrafamiliales. Ce double objectif s’effectue en direction des victimes, des auteurs et de
l’environnement social. Ses différentes missions sont remplies dans une démarche d’écoute, de
soutien, d’informations et dans le respect de l’anonymat des personnes.
Pour répondre à ses divers champs d’action, nous avons mis en place divers outils :
- Concernant l’environnement social, nous sommes présents auprès du public par des
actions de prévention et de sensibilisation ;
- Concernant les victimes, une antenne téléphonique anonyme et régionale est accessible
7j/7 de 9h à 22h ainsi que des suivis psychologiques individuels ou en groupe ;
- Enfin, concernant les auteurs, des suivis psychologiques individuels sont proposés ainsi
que des groupes de parole et des stages de 2 jours sur la thématique « alcool/violence ».
Nos interventions s’étendent sur toute la Somme avec des points d’encrage sur Amiens, Abbeville et
Péronne.
Il est à noter que les lieux de rencontre des victimes et des auteurs sont toujours bien distincts.
Voilà en ce qui concerne notre association, je vais maintenant vous présenter plus en détails notre
action au sein de la Maison d’arrêt d’Amiens, puis ma collègue vous fera l’exposé d’un cas clinique.
Depuis Février 2007, nous intervenons à la Maison d’arrêt où nous recevons en entretiens
individuels des détenus incarcérés pour violences intrafamiliales. Bien que les violences conjugales
soient majoritaires, nous avons également à traiter des violences de parents sur enfants et d’enfants
sur parents qui sont en constante augmentation. Il ne s’agit pas pour nous d’une évolution des
violences mais plutôt d’une évolution dans le sens d’une augmentation des dénonciations, et ce pour
tous les types de violences. Jusqu’à présent, nous ne recevons que les hommes, mais nous
tendrons dès janvier 2010 à nous élargir à la prise en charge des femmes incarcérées pour
violences intrafamilales.
Toute la population carcérale auteur de V.I. n’est pas suivie psychologiquement par notre
association car nous tenons à ce que les prises en charge émanent d’une démarche spontanée de la
part des détenus. Ainsi, ces derniers doivent nous faire parvenir une demande écrite de souhait
d’être suivi par une psychologue de l’association. Cette adhésion volontaire est un critère
obligatoire à la mise en place d’un suivi psychologique. Les demandes sont nombreuses et
multiples mais cependant partiellement perverties par le système carcéral qui récompense les
détenus s’inscrivant dans toute sorte d’activités (soins, travail, sport…). Ces récompenses sont
généralement des R.P.S. (remises de peine supplémentaires) et surtout en ce qui nous concerne
l’accès aux parloirs, à savoir que cet accès est débloqué par la direction lorsque le détenu débute un
suivi psychologique avec nous (politique amiénoise où les détenus incarcérés pour V.I. se voient
privés de parloirs tant qu’ils n’entament pas un suivi psychologique).
Malgré ce frein, nous ne ressentons pas de désinvestissement de la part des détenus, bien
au contraire. Le choc de l’incarcération faisant tomber les mécanismes de défenses et amplifiant les
souffrances, cette période propice permet d’intervenir à un moment « clé » de la vie du détenu et
permet souvent un travail thérapeutique + volontaire et + authentique.
En ce qui concerne le déroulement des suivis, la convention signée avec la M.A. stipulait la
mise en place de 3 séances en MA (pendant l’incarcération) et 3 séances à l’extérieur (MJD à la
sortie de prison) dans un but de continuité et d’accompagnement à la réinsertion sociale et
particulièrement familiale. Cette continuité entre la M.A. et l’extérieur permet également de créer du
lien entre le patient et nous, lien qui fait tant défaut chez cette population clinique du passage à l’acte.
Dans les faits, nous faisons preuve de davantage de souplesse, car nous devons nous adapter
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d’une part aux conditions carcérales (révocations du sursis, peines supplémentaires…) qui prolongent
les durées de l’incarcération ; d’autre part, à la demande et la nécessité de la prise en charge du
patient. Ainsi, il nous arrive de faire + de séances à la M.A. qu’à l’extérieur ou inversement + de
séances à l’extérieur qu’à l’intérieur. De +, les suivis peuvent dépasser les 6 séances « imposées »
et aboutir à des suivis en démarche spontanée.
Au 1er RDV avec les détenus, nous nous présentons, leurs expliquons le cadre et leurs
faisons signer une feuille d’engagement dans un suivi psychologique volontaire avec nous incluant
les 6 séances obligatoires dont les 3 à l’extérieur. Cette feuille d’engagement permet aux détenus de
matérialiser leur engagement. Ceci est symbolique puisque la majorité d’entre eux n’ont en réalité
aucunes obligations judiciaires de poursuivre le suivi. Cependant, certains ont une injonction de
soins auprès de notre association, dans ce cas le suivi peut alors débuter lors de l’incarcération et se
poursuivre à l’extérieur. De plus, lors de chaque entretien, nous leurs remettons une attestation de
présence justifiant de leur présence du jour et indiquant la date du prochain RDV (à la MA ou à
l’extérieur).
Notre objectif avec les patients est de faire en sorte qu’ils reconnaissent leurs actes,
qu’ils se responsabilisent vis-à-vis de ces derniers et qu’ils entament un travail de réflexion par
rapport à ces comportements dans le but de réduire le risque de récidive.
Cela commence par une réflexion autour de la communication. C’est d’autant + important
en détention que c’est le seul moyen de liaison (encore le lien !) entre eux et l’extérieur (leur
femme…) que ce soit par la communication écrite (« le courrier ») ou orale (appels téléphoniques ou
faces à faces aux parloirs). Bien souvent, l’isolement dû à l’incarcération leur fait prendre conscience
qu’ils communiquent + et/ou mieux pendant leur incarcération qu’à l’extérieur. Cette cassure avec
l’extérieur, avec l’autre, permet à l’auteur de se positionner avec + de recul sur sa situation et de
faire un travail de réflexion + objectif. De plus, comme il ne leurs reste que cela, ils font davantage
d’efforts pour maintenir ce lien qu’est la communication. Il est donc nécessaire pour nous de
travailler à rétablir chez eux une bonne qualité de communication car nous nous rendons compte que
bien souvent dans les V.I. la communication fait défaut et les « maux » viennent remplacer les
« mots ». Ainsi la communication apparaît comme le seul antidote non violent à la violence. Le
respect et le partage que la communication suggère pallient aux passages à l’acte.
Sans vouloir dresser de profil type de l’auteur de violences puisqu’il n’y a pas, les violences
touchant tous les sexes, tous les âges, toutes les religions, toutes les classes sociales…nous
constatons cependant quelques caractéristiques communes chez cette population. En effet, une
majorité d’entre eux présente des troubles cliniques tels que : des troubles anxio-dépressifs et/ou
de dépendance (alcoolisme et/ou toxicomanie). Nous constatons par ailleurs un nombre élevé
d’automutilations et de tentatives de suicide. De plus, la plupart d’entre eux ont des antécédents
judiciaires (très majoritairement en lien avec la violence).
Malgré les craintes que nous avions au départ, les détenus se sont révélés être une
population clinique sérieuse. Nous avions peur que l’absence d’obligation de soins soit un frein
(comme c’est souvent le cas à l’extérieur (une infime partie de démarche spontanée)) et que les
détenus une fois sortis ne respectent pas leurs rendez-vous à l’extérieur. En réalité, nous constatons
une population davantage investie et respectueuse des RDV. En effet, malgré l’absence
d’obligation, ces derniers respectent le contrat moral qu’ils ont passé avec nous, à savoir les 6 RDV
et souvent même poursuivent le suivi de manière volontaire et cela sur le long terme. De plus,
nous observons une population davantage dans la reconnaissance des faits et davantage motivée
dans un suivi thérapeutique ayant pour objectif la réduction du risque de récidive.
A ce jour, 95 patients ont été pris en charge au sein de la Maison d’arrêt d’Amiens. Seuls 10
d’entre eux n’ont pas respecté le suivi dans son intégralité (parfois faute de ne pouvoir se déplacer
ou parce qu’ils ont été transférés dans d’autres centre de détention…) et la moitié d’entre eux ont
poursuivi dans le cadre d’une démarche volontaire sur le long terme. Ce constat positif nous conforte
dans la pertinence de notre action et nous ouvre à réfléchir à une extension de notre intervention
mais également à d’autres outils au sein du milieu carcéral.
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