Université Claude Bernard – Lyon 1 INSTITUT DE SCIENCE FINANCIERE ET D'ASSURANCES Mémoire présenté devant l’Institut de Science Financière et d’Assurances pour l’obtention du diplôme d’Actuaire de l’Université de Lyon le 30 Novembre 2011 Par : Thibault VAN EVERBROECK Titre: Valorisation de portefeuille sous une approche axiomatique du risque de liquidité. Confidentialité : NON OUI (Durée : 1 an 2 ans) Membre du jury de l’Institut des Actuaires Entreprise : M. Generali Investment France Jean-Michel EYRAUD Membres du jury I.S.F.A. Directeur de mémoire en entreprise : M. Jean Claude AUGROS M. Massimiliano SESSANTA M. Alexis BIENVENÜE M. Areski COUSIN Mme Diana DOROBANTU Mme Anne EYRAUD-LOISEL M. Nicolas LEBOISNE M. Stéphane LOISEL Autorisation de mise en ligne sur Mlle Esterina MASIELLO un site de diffusion de documents Mme Véronique MAUME-DESCHAMPS actuariels (après expiration de M. Frédéric PLANCHET l’éventuel délai de confidentialité) M. François QUITTARD-PINON Mme Béatrice REY-FOURNIER M. Pierre RIBEREAU M. Christian-Yann ROBERT M. Didier RULLIERE M. Pierre THEROND Secrétariat Mme Signature du responsable entreprise Signature du candidat Marie-Claude MOUCHON Bibliothèque : Mme Michèle SONNIER 50 Avenue Tony Garnier 69366 Lyon Cedex 07 Mots clés : Management des risques, liquidité, liquidité de bilan, liquidité de marché, crise financière, risque de liquidité, mesures de risque, mesures de risque cohérente, Value-at-Risk RESUME Ce mémoire s’intéresse au risque de liquidité et à sa gestion dans les stratégies d’investissement des entreprises financières. Notre travail a pour objectifs de définir la liquidité, le risque lié à cette notion et d’effectuer une revue des mesures possibles. Il s’agira ensuite de proposer une nouvelle approche de ce risque et d’intégrer cette approche dans les stratégies d’investissement d’une entreprise. La première partie consiste donc en une présentation générale du risque de liquidité. Il s’agit d’un risque financier à part entière qui peut apparaître sous deux aspects : une incapacité de faire face à ses engagements (funding liquidity risk) ou des difficultés pour vendre des actifs à des prix convenables et dans un laps de temps restreint (market liquidity risk). Nous nous focaliserons ici sur le point de vue des banques et compagnies d’investissements, plutôt que sur les problématiques des compagnies d’assurances. Une présentation plus détaillée du risque de liquidité de marché, sujet de cette étude, est alors effectuée. Des mesures de la liquidité de marché sont proposées, explicitées de manière détaillée, et appliquées à des données de marché récentes afin de justifier nos propos. La deuxième partie cherche à introduire le risque de liquidité dans la valorisation de portefeuille. Nous présentons d’abord une mesure du risque de liquidité, apparue récemment dans la littérature, qui consiste en un ajustement de la Value-at-Risk à la liquidité. Nous proposons alors une nouvelle approche du risque de liquidité qui nous apparaît plus adaptée : reposant sur une base axiomatique du risque, elle vise à introduire la notion de « politique de liquidité » afin d’adapter les stratégies d’investissement et de valorisation de portefeuille à la politique de l’entreprise concernant la liquidité. Nous nous attacherons à illustrer nos résultats par des exemples concrets. 3 4 Keywords : Liquidity, Funding Liquidity, Asset Liquidity, financial crisis, Liquidity Risk Management, risk measure, coherent risk measure, Value-at-Risk ABSTRACT This paper deals with the liquidity risk and its management by investors. It defines the liquidity risk and gives an overview of the possible measurements of it. Then it suggests a different approach of this risk given an axiomatic base, and it takes this approach into account to value the portfolio given the enterprise investment strategy. The first part generally describes the concept of liquidity. Liquidity represents a potential risk which can appears under two aspects : the company could have problem to face its commitments (funding liquidity risk) or an investor could face problems to liquidate a position at a good price and in a short period (market liquidity risk). We focus on investment companies side, rather than insurance companies problems. Therefore, a more detailed presentation of market liquidity risk is given, since our study is focused on this part of liquidity. Then, we make an overview of market liquidity measures existing in the literature, and we try to apply them on recent market data. The second part aims at integrating liquidity risk management in portfolio valuation. Therefore, we present a recent measure of liquidity risk based on the Value-at-Risk : the liquidity adjusted Value-at-Risk. After that we suggest a new approach of liquidity risk. Based on an axiomatic definition of liquidity risk, it introduces the “Liquidity Policy”, which allows to take in account the enterprise strategy concerning liquidity in the investment and the valuation of the portfolio. We illustrate our results with concrete applications. 5 6 REMERCIEMENTS Je tiens à remercier en premier lieu l’ensemble des personnes qui m’ont beaucoup appris pendant l’année que j’ai passée chez Generali Investment France et qui ont contribué à en faire une expérience très bénéfique pour moi. Cela m’a permis d’assimiler le fonctionnement d’une salle de marché et les interactions entre les équipes du département investissement d’une compagnie d’assurances parmi les leaders du marché. Je souhaite tout d’abord exprimer ma gratitude envers l’équipe du Risk Management : • M. Massimiliano SESSANTA (Head of Risk Management de Generali Investment France), mon tuteur, pour ses précieux conseils et la confiance qu’il m’a accordée, • M. Hatim CHKILIBA, pour son aide et sa disponibilité de tout instant, Je souhaite également exprimer ma considération envers M. Bruno SERVANT (Directeur General délégué de Generali Investment France), pour ses recommandations, sa sympathie et ses encouragements. Je suis aussi reconnaissant envers l’ensemble des personnes de Generali Investment qui m’ont aidé à compléter et achever cette étude. Enfin, je souhaite remercier l’ensemble du corps professoral de l’ISFA pour le savoir et les techniques qu’ils m’ont enseigné durant ces trois dernières années, ainsi que le corps administratif pour la disponibilité et l’amabilité dont ils ont toujours fait preuve. Je remercie particulièrement Diana DOROBANTU pour les précieux conseils qu’elle m’a prodigué tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je dois en grande partie à toutes ces personnes la réalisation de ce mémoire d’actuariat. 7 8 VALORISATION DE PORTEFEUILLE SOUS UNE APPROCHE AXIOMATIQUE DU RISQUE DE LIQUIDITE. PORTFOLIO VALUATION GIVEN AN AXIOMATIC APPROACH OF LIQUIDITY RISK. 9 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................. 13 PREMIERE PARTIE : LA LIQUIDITE ET SA MESURE ............................................................. 15 CHAPITRE I : LE CONCEPT DE LIQUIDITE .................................................................................. 17 1. Un panorama : quelques généralités ................................................................................................. 19 a) La notion de liquidité ................................................................................................................... 19 b) Le risque de liquidité de Bilan : Funding Liquidity ....................................................................... 19 c) Le risque de liquidité de marché : Asset Liquidity ....................................................................... 21 2. Les Enjeux de la liquidité .................................................................................................................... 22 a) Le risque de liquidité : un risque parmi d’autres ......................................................................... 22 b) Les crises de liquidité : un risque à part entière .......................................................................... 23 c) Les autorités de contrôle et le risque de liquidité : Bâle III et Solvabilité II ................................. 24 3. Focalisation sur la liquidité de marché (Market Liquidity Risk) ......................................................... 26 a) Une définition du risque de liquidité de marché ......................................................................... 26 b) Les facteurs de la liquidité de marché ......................................................................................... 26 c) Les dimensions de la liquidité de marché .................................................................................... 28 d) Le coût de la liquidité de marché................................................................................................. 29 CHAPITRE II : LA MESURE DE LA LIQUIDITE DE MARCHE .......................................................... 31 1. Les mesures intra journalières ........................................................................................................... 32 a) La fourchette (Etroitesse / Immédiateté) .................................................................................... 32 b) La profondeur aux meilleures limites .......................................................................................... 36 c) Le Lambda de Kyle (Profondeur) ................................................................................................. 36 d) Une extension du Lambda de Kyle............................................................................................... 40 e) Le coefficient de sensibilité de Gresse (1997) .............................................................................. 41 f) L’analyse des courbes d’offre et de demande ............................................................................. 41 g) Les mesures de l’activité .............................................................................................................. 42 2. Les mesures quotidiennes .................................................................................................................. 43 a) Les mesures intra journalières adaptées ..................................................................................... 43 b) Le MEC (Market Efficiency Coefficient)........................................................................................ 43 c) Les Ratios de Liquidité (Liquidity Ratios) ..................................................................................... 44 10 DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DU RISQUE DE LIQUIDITE ET LA VALORISATION DE PORTEFEUILLE................................................................................................................. 49 CHAPITRE III : UNE APPROCHE MODERNE DE LA GESTION DU RISQUE DE LIQUIDITE ................ 51 1. Un rappel : les mesures de risque ...................................................................................................... 52 a) Quelques propriétés des mesures de risque ............................................................................... 52 b) Les mesures de risque cohérentes ............................................................................................... 53 c) Focalisation sur la Value-at-Risk .................................................................................................. 54 2. Une approche de la mesure du risque de liquidité par la Value-at-Risk : le modèle Value-at-Risk ajusté au risque de liquidité ........................................................................................................................ 56 a) Les caractéristiques du risque de liquidité .................................................................................. 56 b) L’ajustement des modèles de Value-at-Risk ................................................................................ 58 CHAPITRE IV : UNE NOUVELLE APPROCHE : VALORISATION DE PORTEFEUILLE SELON LA « POLITIQUE DE LIQUIDITE » .................................................................................................. 63 1. Une remarque fondamentale ............................................................................................................ 64 a) Non unicité de la valeur d’un actif ............................................................................................... 64 b) Un portefeuille est un ensemble, pas une somme ...................................................................... 64 2. Introduction de la notion de « Politique de liquidité » ...................................................................... 65 3. Formalisation générale des concepts de base ................................................................................... 66 a) Les actifs ...................................................................................................................................... 66 b) Les portefeuilles ........................................................................................................................... 71 c) Quelques propriétés des fonctions L, U et C................................................................................ 74 4. La Politique de liquidité ..................................................................................................................... 82 5. La valorisation de portefeuille sous ce nouveau formalisme ............................................................. 85 CONCLUSION GENERALE ................................................................................................. 95 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 97 ANNEXES ...................................................................................................................... 101 Continuous Auctions and Insider Trading .................................................................................. 102 Théorie du conditionnement pour un couple de vecteurs gaussiens (Chapitre II) .................... 108 Snapshots Bloomberg des actifs constituant les portefeuilles utilisés afin d’illustrer notre formalisme (Chapitre IV) ............................................................................................................ 111 Procédure de détermination du portefeuille optimal atteignable à partir du portefeuille R et satisfaisant aux politiques de liquidité (Chapitre IV) ................................................................. 122 11 12 INTRODUCTION GENERALE La liquidité est une des caractéristiques fondamentales autant qu’omniprésentes des marchés financiers. Bien que ceci soit reconnu par l’ensemble des acteurs du monde financier, il s’agit d’un concept qui n’est modélisé par aucune formalisation mathématique validée par l’ensemble des intervenants. Le seul consensus consistant à définir la liquidité d’un titre comme « la facilité pour un investisseur à trouver rapidement une contrepartie pour un ordre de large taille quel que soit le sens de la transaction sans provoquer de variation importante du cours », ne suffit en aucun cas à rapprocher les nombreuses études portées sur le sujet (Black (1971) [8], Kyle (1985) [25], Le Saout (2000) [26], etc.). Bien que la liquidité soit un élément très difficilement quantifiable, les crises financières récentes - et particulièrement la crise des subprimes - qui peuvent être qualifiées de crises de liquidité, ont montré la nécessité d’une modélisation approfondie du risque de liquidité. Cette nécessité concerne aussi bien les investisseurs que les autorités financières. Dans ce contexte, ce mémoire s’intéresse donc au risque de liquidité, devenu un enjeu majeur des stratégies d’investissement et un élément à part entière dans les réformes mises en place par les régulateurs. Dans une première partie, nous présentons de manière générale la notion de liquidité et le contexte actuel qui l’a propulsée comme risque à part entière. Nous définissons les aspects qui la caractérisent et analysons en détail la liquidité de marché et ses dimensions, qui intéresse plus particulièrement le Risk Management d’une salle de marché d’une compagnie d’assurances. Il s’agit également de donner une vision globale des mesures qui existent concernant cette notion. La seconde partie consiste à mettre en relation la gestion du risque de liquidité et la valorisation de portefeuille. Pour cela, nous présenterons une mesure habituellement utilisée pour ce risque, avant de proposer une nouvelle approche de la gestion du risque de liquidité et de la valorisation de portefeuille, qui pourrait avoir une influence sur les stratégies d’investissement des gérants de portefeuille. La « politique de liquidité » permet en effet d’adapter les stratégies d’investissement et de valorisation de portefeuille à la politique de l’entreprise concernant la liquidité. 13 14 PREMIERE PARTIE : LA LIQUIDITE ET SA MESURE INTRODUCTION Le problème de la liquidité est revenu sur le devant de la scène depuis quelques mois suite aux récentes crises telles que la faillite de Amaranth Advisors en 2006 ou la crise des subprimes de 2007/2008, ayant entraîné notamment la faillite de Lehman Brothers en 2008. Ces crises peuvent être qualifiées de crises de liquidité. Cependant, il faut préciser que ce sujet fait l’objet de recherches depuis plusieurs décennies. Mais, si tout le monde évoque la notion de liquidité, il est toujours très difficile de la définir de manière précise et encore moins de la mesurer. L’objectif de cette première partie est donc de présenter de manière générale la notion de liquidité et les recherches déjà effectuées sur le risque lié à cette notion. Elle va s’articuler autour de deux chapitres. Le premier chapitre présente les déterminants de la liquidité, les enjeux autour du risque lié à cette notion, ainsi que les dispositions qui ont été mises en place par les autorités de contrôle afin de favoriser la liquidité des marchés financiers et d’améliorer la gestion et la prévention de ce risque. Il s’agit également ici d’analyser de manière plus approfondie la liquidité de marché, qui nous intéresse plus particulièrement. Le second chapitre met en relief différentes mesures de liquidité de marché. A travers ce chapitre, il est alors possible de constater la multiplication des mesures de liquidité proposées par les auteurs, liée aux nombreuses recherches sur le sujet. 15 16 CHAPITRE I : LE CONCEPT DE LIQUIDITE Dans ce premier chapitre, nous allons clarifier les notions importantes concernant la liquidité et définir clairement le périmètre dans lequel nous voulons travailler. En effet, la liquidité est un sujet très vaste, centre de nombreuses recherches depuis des décennies. Il convient donc, par souci d’efficacité et de pertinence, de se concentrer seulement sur certains aspects de ce risque et non pas de l’étudier dans sa globalité. Ainsi, il est important de donner une vision globale de ce que représente la liquidité pour les intervenants du monde financier et économique. Dans une seconde section, il s’agira de déterminer les enjeux et le contexte actuel autour du risque de liquidité, et de justifier ainsi la cohérence et la pertinence du travail que nous effectuons. Enfin, nous présenterons de manière plus précise la liquidité de marché, aspect sur lequel nous travaillerons par la suite. 17 18 1. Un panorama : quelques généralités a) La notion de liquidité Le terme de « liquidité » peut être utilisé sous différents aspects: • D’une vision générale, la liquidité peut être vue sous une perspective monétaire, faisant référence à l’économie mondiale. Elle est généralement mesurée par un agrégat monétaire plus ou moins large, ou par le rapport de cette valeur au PIB nominal. • Mais, la liquidité peut également désigner la liquidité d’une entreprise, ou capacité à rembourser ses dettes dans l’hypothèse de la poursuite de ses activités. • Enfin, le terme de liquidité peut représenter une caractéristique d’un actif, c’est-à-dire la capacité du détenteur de vendre une certaine quantité de cet actif. Le risque de liquidité peut donc représenter l’incertitude issue de la possibilité de réaliser très rapidement ou non des placements financiers. En effet, que ce soit dans le cas d’une nécessité de sortir de la trésorerie (rachat massif de titres, retraits massifs, …) ou celui d’absence de flux financier attendu (défaut de contrepartie, …), une société devra trouver un moyen de se financer rapidement afin de faire face à ses propres engagements, et être contrainte de liquider certaines positions dans des conditions qui seront moins avantageuses que prévues, et donc coûteuses. Il est possible de présenter le risque de liquidité sous deux aspects, selon ce que la liquidité peut désigner, même si ils sont étroitement liés. Nous allons donc aborder séparément par la suite le risque de liquidité de bilan (funding liquidity) – risque de retrait ou de non renouvellement des capitaux à court terme – et le risque de liquidité de marché (asset liquidity) – perturbation des marchés qui rend non liquides des actifs normalement liquides –, ce dernier aspect étant au centre de ce mémoire. b) Le risque de liquidité de Bilan : Funding Liquidity Le risque de liquidité de bilan est dû principalement au rôle joué par les banques de dépôts et autres banques commerciales : transformer des passifs exigibles à vue ou à court terme (dépôts) en actifs non liquides et à plus long terme (prêts). Il peut donc y avoir un déséquilibre entre les sommes prêtées et les sommes disponibles – ces dernières pouvant être insuffisantes – créant un manque de liquidités, susceptible d’entraîner une défaillance du système bancaire. Il ne s’agit évidemment pas de bannir cette transformation mais de pouvoir déterminer le coût que devra supporter une banque en cas de crise de liquidité, afin qu’elle puisse honorer ses engagements. Ceci appelle donc à mesurer le risque de liquidité et à bien le gérer. 19 Nous ne nous attarderons pas ici sur la mesure du risque de liquidité de bilan. Nous nous contentons simplement de noter que cela nécessite le calcul des écarts à un horizon donné entre les entrées de trésorerie (générées par les actifs) et les sorties (provoquées par les engagements). Les déficits pourront être comblés, soit par la vente d’actifs liquides, soit par des emprunts sur le marché interbancaire, ou encore par refinancement auprès de la Banque centrale. La gestion de ce risque consiste alors à s’assurer que ces opérations soient toujours réalisables à temps et à un coût raisonnable pour la banque. Afin d’illustrer cet aspect du risque de liquidité, voici deux exemples : • Banque d’Angleterre (1797) : Le 26 février 1797, la Banque d'Angleterre, à court de réserves, décide de suspendre les paiements en espèces devant l'afflux des demandes de conversion auxquelles les banques du pays sont confrontées. Des bruits d'invasion ont en effet conduit une foule de particuliers, fermiers et petits commerçants à réaliser leurs avoirs auprès des banques de province. La banqueroute de plusieurs d'entre elles renforcera le mouvement et il en résultera ce qui est considéré comme la première panique bancaire. • Northern Rock (2007) : La banque Northern Rock a été atteinte en septembre 2007 par une crise de liquidité de bilan suite à la crise des subprimes, une grande partie de ses fonds étant investie dans des crédits hypothécaires à risques, non disponibles rapidement. Les difficultés de la banque résultaient du fait que contrairement à la plupart des établissements de prêt hypothécaire qui se financent grâce aux dépôts de clients sur des comptes à vue ou des livrets épargne, Northern Rock se finançait directement sur le marché des capitaux à court terme. Quand celui-ci s’assécha, la firme se retrouva dans l’impossibilité de trouver de nouveaux fonds. Ses clients eurent vent de ses difficultés et se précipitèrent alors en masse pour retirer leurs avoirs qu’ils estimaient menacés. Ce phénomène de ruée bancaire a alors été stoppé par la Banque d’Angleterre, prêteur en dernier ressort sous la pression du gouvernement, suite à l’incapacité de Northern Rock d’obtenir des prêts auprès des autres établissements bancaires. Après avoir décrit succinctement la notion de liquidité de bilan, nous allons en faire de même à propos du risque de liquidité de marché. Nous analyserons dans les détails ce risque qui nous intéresse particulièrement, dans la suite de ce mémoire. 20 c) Le risque de liquidité de marché : Asset Liquidity Le risque de liquidité de marché réside dans le fait que le prix réel auquel est effectuée une transaction diffère du prix du marché. Cette différence fait généralement suite à l’impossibilité pour une compagnie de vendre des positions sur le marché (faible volume d’échange du titre considéré ou disfonctionnement global du marché), entraînant des coûts et des délais de mise en œuvre supplémentaires pour combler la difficulté d’absorption du marché. Nous entrerons plus en détail sur la liquidité de marché et le risque qu’elle représente dans le prochain point, mais nous allons tout de même présenter ici deux exemples qui reflètent bien nos propos. En effet, de nombreuses crises récentes ont été des crises de liquidité, et certaines d’entre elles sont caractéristiques du risque de liquidité de marché. • LTCM (1998) : Long Term Capital Management est un hedge fund créé en 1994, et dont la quasi-faillite fut provoquée en 1998 par une combinaison de crise de liquidité de bilan et de marché. Le fonds sera repris par un consortium de banques puis liquidé en 2000. Après quatre années de surperformance par rapport au marché, la crise asiatique de la fin 1997 a créé une forte volatilité et fait grimper le coût des emprunts. Cette crise se déporte alors sur la Russie, incapable d’honorer ses engagements. Les investisseurs se tournent donc vers des emprunts américains, qui sont les plus sûrs du marché, faisant grimper leurs cours, alors que LTCM avait vendu ses emprunts à découvert. Le marché manquant alors de liquidités, le fonds ne parvient plus à vendre certaines de ses positions, et perd plus de 3 milliards de dollars en quelques mois. La FED interviendra en faisant appel aux banques de Wall Street pour éviter la faillite du fonds. • Amaranth Advisors LLC (2006) : L’exemple de ce Hedge Fund est typique du risque de liquidité de marché. Spécialisé dans l’énergie et les matières premières, les profits générés par le fonds en 2005 et début 2006 sont très importants, et les capitaux alloués aux positions sur le gaz sont alors augmentés – anticipant une hausse du gaz – au détriment de la diversification. Gagnant au mois d’août dans un marché liquide, ce pari fera écrouler le fonds en septembre. Le prix du gaz naturel s’effondre et la liquidité devient inexistante : face aux retraits massifs de ses investisseurs et pour répondre aux appels de marge requis par ses prêteurs comme JP Morgan, Amaranth ne peut que matérialiser ses pertes et n’arrive même plus à vendre son portefeuille à d’autres fonds. On liquide. L’opération de survie a obligé les dirigeants à des cessions précipitées afin d’endiguer les pertes et l’ensemble des intérêts d’Amaranth dans l’énergie ont été cédés au rabais à un autre fonds spéculatif et à la banque JP Morgan Chase. Nous pourrions développer bien d’autres exemples, et remarquer que la liquidité a joué un rôle majeur dans beaucoup de crises financières dans l’histoire. 21 Nous avons donc présenté de manière générale la notion de liquidité et le risque qui peut en découler. Nous avons donné quelques exemples afin de l’illustrer et aider à la compréhension du lecteur. Nous allons maintenant effectuer une présentation du contexte financier dans lequel nous sommes aujourd’hui, ce qui nous permettra de comprendre les enjeux autour d’un tel risque et pourquoi il est si important pour tous les intervenants du marché de le prendre en compte et de savoir l’évaluer. 2. Les Enjeux de la liquidité a) Le risque de liquidité : un risque parmi d’autres Bien que la liquidité ait joué un rôle certain dans la majeure partie des crises financières que le monde ait connu, comme le montrent les exemples cités au I.1., et qu’elle ait été l’objet de nombreuses recherches depuis quelques décennies, le risque de liquidité a souvent été négligé par les intervenants des marchés financiers. Les difficultés résidant dans la définition de cette notion, et entraînant une multiplication des mesures, source de nombreux désaccords, ont contribué à « noyer » ce risque au milieu des autres plus facilement quantifiables. Ainsi, dans les années 80, le comité de Bâle a échoué à parvenir à un accord sur la gestion du risque de liquidité. Cet échec a eu pour conséquence une variation d’un pays à un autre des exigences en matière de liquidité (en France, le dernier règlement applicable, datant de 1988, soumet les banques à un coefficient de liquidité d’au moins 100% entre leurs actifs facilement mobilisables et leurs exigibilités à court terme, ainsi qu’au calcul de trois « ratios d’observation » rendant compte de leur situation prévisionnelle de liquidité à horizon trimestriel, semestriel et annuel). Les exigences ainsi définies, en termes de liquidité de bilan, prennent insuffisamment en compte les évolutions du secteur bancaire et des marchés, s’agissant notamment de l’impact croissant de la liquidité de marché. Les banques ont en effet cessé d’être de simples fournisseurs de liquidité, pour devenir tributaires à leur tour de la liquidité de marché, qui a une incidence majeure sur leurs bilans. Or la liquidité de marché a un impact direct sur la solvabilité, par le biais de la valorisation des actifs titrisés. Les effets de l’incertitude sur l’évolution des marchés sont accrus par les asymétries d’information existant entre émetteurs et acheteurs de titres : les intervenants renoncent à effectuer des transactions sur des actifs dont l’évolution est affectée d’une incertitude forte, ce qui assèche les marchés. De surcroît, avec la valorisation en valeur de marché, toute incertitude sur la valeur des actifs se transforme en incertitude sur la solvabilité des institutions financières. Il en résulte de fortes tensions au cœur même du système, à savoir sur les marchés interbancaires. Celles-ci ont pu être accrues par des effets de concurrence : certaines banques ont pu être réticentes à prêter de la liquidité à court terme, afin de rétablir leur propre influence sur le marché en affaiblissant leur concurrentes. La gestion du risque de liquidité tient une place très restreinte dans les premiers accords de Bâle. Cependant, qu’il soit localisé dans des banques ou des institutions non bancaires, il est la source principale du risque systémique. D’où une question fondamentale pour la communauté des régulateurs : Faut-il essayer de le réduire ? Si oui, comment ? 22 De manière étrange, avant la crise actuelle, ces questions n’ont pas été jugées d’une importance fondamentale par les différents régulateurs. En ce qui concerne notamment les régulateurs bancaires, toute leur énergie a été consacrée au cours des dernières années à améliorer les règles visant à limiter les crises de solvabilité (introduction de la nouvelle réglementation Bâle II) et rien de significatif n’a été fait en matière de réglementations du risque de liquidité. Ces réglementations qui se sont révélées totalement insuffisantes pour éviter la crise récente, restent déterminées au niveau national sans standards internationaux précis. b) Les crises de liquidité : un risque à part entière Suite à la crise financière récente, la notion de liquidité est passée de l’ombre à la lumière. Largement occultée hier, elle est aujourd’hui considérée comme un facteur central dans les vecteurs de récession de l’économie mondiale. Un constat de déficience de méthodes systématiques de traitement de la liquidité, et à la maîtrise technique des risques liés aux flux d’engagements s’est imposé de lui-même. La crise de liquidité de 2008 a donc remis au cœur de la stratégie bancaire la gestion de la liquidité, à la suite d’une crise systémique sans précédent, révélant de nombreuses lacunes dans l’analyse des risques liés aux activités financières. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est incontestablement d’un examen approfondi de ce que devraient être les principes de gestion de la liquidité bancaire. Il ne s’agit plus de considérer le risque de liquidité tel un risque « banal » au milieu des autres, mais bien de l’ériger en tant que risque à part entière. La liquidité est une notion qui concerne l’ensemble des acteurs présents sur les marchés financiers, aussi bien les investisseurs que les autorités boursières. En effet, la liquidité des actifs est devenue un élément prépondérant des stratégies d’investissement. Mais la liquidité ne représente pas un coût fixe qu’il suffit d’intégrer dans la gestion de son portefeuille. Un tel coût varie dans le temps, de jour en jour, et même de minute en minute. Cette variabilité démontre qu’il faut considérer la liquidité désormais comme un risque à part entière. Cette prise de conscience aurait déjà dû être plus manifeste après le Krach d’octobre 1987. Les places boursières doivent également apprécier le risque de liquidité comme un avantage concurrentiel : elles doivent offrir aux investisseurs et aux émetteurs une structure de marché optimale. En effet, la liquidité est synonyme d’activité, et constitue donc une source de chiffre d’affaires. Les comités de réglementation, aussi bien bancaires que d’assurances, doivent également désormais reconsidérer leur position vis-à-vis du risque de liquidité. Il faut définir un cadre de gestion du risque de liquidité plus solide, et cela passe par une recrudescence des efforts nationaux et internationaux. Certaines étapes sont essentielles pour une gestion plus saine et une maîtrise de ce risque : identification, mesures adéquates et indicateurs pertinents, analyse de différents scénarios probables et backtesting. Il faut redécouvrir le risque de liquidité et le management et les Risk Managers doivent se poser des questions dans ce nouveau contexte. Les comités de réglementation doivent les orienter. 23 La crise financière a donc eu pour conséquence la sévérisation de certaines réglementations concernant la gestion de ce risque de liquidité, et l’accélération de certains projets de réforme concernant la gestion des risques par les établissements bancaires et d’assurances. Nous allons évoquer ces réformes dans un dernier point. c) Les autorités de contrôle et le risque de liquidité : Bâle III et Solvabilité II i. Le Comité de Bâle Depuis la crise de liquidité récente, le Comité de Bâle s’attache à rédiger de nouvelles règles bancaires censées prévenir le secteur de toute crise telle que l’on a connue. Ainsi, le Comité de Bâle a bien l’intention de tirer les conséquences de la crise et de revoir ses lignes directrices datant de 2000 en matière de gestion du risque de liquidité. En septembre 2008, le Comité de Bâle a actualisé les principes de gestion et de contrôle du risque de liquidité (CBCB, 2008a) pour remédier aux faiblesses révélées par la crise. A l’avenir, il faudra peut-être mettre plus l’accent sur la détention suffisante d’actifs liquides de précaution. Par l’intermédiaire de publications et de textes applicables, la réglementation bancaire s’est en conséquence sévérisée sur la gestion de la liquidité, se traduisant notamment par le décret du 5 mai 2009, d’effet 30 juin 2010, relatif à l’identification, la mesure, la gestion et le contrôle du risque de liquidité. Elle introduit entre autres, un coefficient de liquidité et une approche avancée de la gestion de ce risque. Dans le cadre de la réforme du système bancaire, « Bâle III » propose la mise en place de deux ratios de liquidité : • Le « liquidity coverage ratio » (LCR), ratio court terme, qui exigerait des banques internationales de détenir un stock d’actifs sans risques facilement négociables, afin de résister pendant 30 jours à une crise, • Le « net stable funding ratio » (NSFR), ratio long terme, qui vise lui le même objectif mais sur un an. En clair, les établissements de crédit ne pourraient investir dans des actifs à long terme (immobilier entre autres) qu’avec des ressources à long terme. Idem quant aux actifs court terme. Cependant, sous la pression des banques, le Comité de Bâle est revenu sur le calendrier de mise en place, notamment concernant le NSFR. 24 ii. Solvabilité II Du côté des compagnies d’assurances, il est aussi clairement question de considérer le risque de liquidité comme un risque à part entière, au même titre que le risque de crédit et le risque de marché. La réforme Solvabilité II, inspirée de la réforme bancaire Bâle II, a été élaborée pour améliorer l’évaluation et le contrôle des risques et repose sur trois piliers : les exigences quantitatives (pilier I), les exigences qualitatives et les activités de contrôle (pilier II) et les exigences en matière d’informations prudentielles et de publication (pilier III). Elle met très clairement l’accent sur le contrôle et la gestion des risques, parmi lesquels apparaît distinctement des autres le risque de liquidité (Figure 2). Figure 2 : La classification des risques d’assurance dans le référentiel Solvabilité II. Le pilier I de la réforme défini les normes de calcul des provisions techniques et des fonds propres, à l’aide, entre autres, du calcul du SCR (Solvency Capital Requirement) qui est le niveau de fonds propres permettant de faire face aux risques, parmi lesquels, le risque de liquidité. Dans les spécifications techniques du QIS5, le risque de liquidité est notamment géré dans un module à part, avec l’introduction de la notion de prime d’illiquidité. 25 Après avoir présenté la liquidité de manière générale, et le contexte actuel, nous allons désormais développer de manière plus profonde sur la liquidité de marché, qui sera au centre de nos recherches dans le cadre de ce mémoire. 3. Focalisation sur la liquidité de marché (Market Liquidity Risk) a) Une définition du risque de liquidité de marché Le risque de liquidité sur les marchés d’actifs financiers correspond à la possible perte provenant des coûts de liquidation d’une position (influence de la transaction sur le marché, indisponiblité de contrepartie, …). Aucun marché, même ceux qui sont généralement très liquides la plupart du temps (grandes places boursières par exemple), ne peuvent garantir un niveau de liquidité constamment suffisant. En effet, occasionnellement, on peut assister à un assèchement de la liquidité. Le manque de liquidité peut se caractériser ainsi : • • • • • • • Importants coûts de transaction, Turnover peu élevé, Un faible nombre de transactions durant la séance, Un délai d’attente relativement long en raison de l’absence de contrepartie, Un écart de fourchette de prix élevé, Vendre rapidement à un prix désavantageux, Etc. Le risque de liquidité est donc un facteur important à prendre en compte dans la théorie financière. Les différents acteurs en ont bien conscience mais ce risque est très délicat à quantifier car la notion de liquidité demeure qualitative. b) Les facteurs de la liquidité de marché Il est possible de distinguer plusieurs types de risque de liquidité de marché. Nous allons présenter ici une décomposition du risque de liquidité proposée par Bangia, Diebold, Schuermann et Stroughair [5] : il s’agit de considérer, d’une part, un risque exogène et d’autre part un risque endogène de liquidité. i. Les déterminants exogènes de la liquidité (Exogenous Liquidity) Le risque exogène est le résultat des caractéristiques du marché. Il est commun à tous les intervenants du marché, sans que l’on puisse imputer à l’un d’entre eux une dégradation du niveau de la liquidité (bien qu’un assèchement de la liquidité puisse résulter d’une action jointe d’une majorité des participants). Le marché des valeurs mobilières liquides est caractérisé par de gros volumes de transactions, des fourchettes étroites et stables, et une 26 profondeur stable et élevée (cf I.2.c) Les dimensions de la liquidité de marché). Le coût de la liquidité peut être négligeable sur un tel marché. A l’inverse, les marchés des monnaies émergentes ou les marchés des « junk bonds » sont non liquides et caractérisés par une volatilité importante au niveau des fourchettes, de la profondeur et des volumes échangés. ii. Les déterminants endogènes de la liquidité (Endogenous Liquidity) Le risque endogène, par opposition au risque exogène, est le fait de positions spécifiques venant de chaque intervenant sur le marché. Il est variable pour chaque participant, et est principalement déterminé par la taille de la position : plus la taille est importante, plus l’illiquidité est grande, le coût de la liquidité augmentant a fortiori (Figure 1). Prix de l’Actif Point de liquidité endogène Ask/Demande Bid/Offre Profondeur Taille de la position Figure 1 : Effet de la taille de la position sur la valeur liquidative. Sur ce schéma, si la position est inférieure à la profondeur du marché, la transaction s’effectuera alors au prix du marché, et le coût d’exécution immédiate sera alors la moitié de la fourchette offre-demande. Une telle position possède uniquement un coût exogène de liquidité. Si la position est supérieure à la profondeur du marché, alors les prix évolueront en conséquence et le coût de la liquidité avec. Il s’agit du coût endogène de liquidité. Nous reviendrons sur l’allure des courbes d’offre et de demande dans la seconde partie de ce mémoire. 27 c) Les dimensions de la liquidité de marché De manière générale, et tel un consensus, un marché financier est considéré comme liquide si de grandes quantités de titres peuvent être négociées au moyen d’un nombre limité de transactions, sans incidence marquée sur les prix. Black [8] décrit la liquidité d’un marché de la manière suivante : “The market for a stock is liquid if the following conditions hold : (1) There are always bid and asked prices for the investor who wants to buy or sell small amounts of stock immediately. (2) The difference between the bid and asked prices (the spread) is always small. (3) An investor who is buying or selling a large amount of stock, in the absence of special information, can expect to do so over a long period of time at a price not very different, on average, from the current market price. (4) An investor can buy or sell a large block of stock immediately, but at a premium or discount that depends on the size of the block. The larger the block, the larger the premium or discount. In other words, a liquid market is a continuous market, in the sense that almost any amount of stock can be bought or sold immediately, and an efficient market, in the sense that small amounts of stock can always be bought and sold very near the current market price, and in the sense that large amounts can be bought or sold over long periods of time at prices that, on average, are very near the current market price.” D’après Gravelle [17], nous pouvons alors distinguer quatre dimensions dans la liquidité de marché : l’immédiateté, la profondeur, l’ampleur et la résilience. i. L’immédiateté (Immediacy) Il s’agit de la rapidité avec laquelle une opération d’une taille déterminée et à un coût déterminé peut être conclue. Elle est évidemment fonction décroissante de la taille des ordres considérés. Pour de petites quantités, elle peut être approximée par différents indicateurs : durée entre deux transactions consécutives, durée entre le moment des transactions et du dernier placement d’ordre qui les précède, etc. ii. La profondeur (Depth) Désigne le montant maximal possible d’une opération pour une fourchette de prix « offre-demande » donnée (par exemple aux meilleures limites). Par extension, elle désigne la capacité d’un marché à absorber des transactions de grande taille sans impact significatif sur les prix. Cette dimension est liée à la taille moyenne et au nombre total de transactions exécutées, dans la mesure où elle reflète le fait que les ordres de grande taille requièrent d’être fragmentés. 28 iii. L’étroitesse (Tightness) / L’ampleur (Width) Représentée par l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur, i.e. la fourchette « offre-demande » (bid-ask spread). Cet écart est lié au coût d’obtention de la liquidité. Plus cette fourchette est mince, plus le marché est susceptible d’offrir de la liquidité. iv. La résilience (Resiliency) La résilience correspond à la « capacité » des prix de revenir rapidement en situation d’équilibre après une transaction de taille importante. Elle indique donc la vitesse à laquelle des variations « transitoires » des prix dues aux inefficiences de marché (déséquilibres transitoires entre les ordres de vente ou d’achat, etc.) sont corrigées (par l’arrivée de nouveaux ordres). Contrairement aux trois autres, cette dimension peut seulement être déterminée sur une certaine période de temps. Il s’agit de la dimension temporelle du coût de la liquidité. Nous pouvons remarquer ici que deux notions reviennent avec insistance à l’évocation de ces quatre dimensions : la notion de prix et la notion de profondeur. On peut donc en extraire deux types de liquidité de marché : la liquidité propre à l’actif et la liquidité liée à la taille de la position. d) Le coût de la liquidité de marché La liquidité de marché peut être définie comme le coût de transaction d’un actif par rapport à sa « juste valeur » (fair value). La « juste valeur » est définie comme le milieu de la fourchette « offre-demande » (mid price). A partir des quatre dimensions citées précédemment, Stange et Kaserer [33] identifient une formule du coût de la liquidité Lt(q) prenant en compte trois composants exprimés en pourcentage de la « juste valeur » pour un ordre de taille q à l’instant t. Lt(q) = T(q) + PIt(q) + Dt(q), où T(q) représente les coûts directs de trading (commissions des brokers, taxes de transaction, …), PIt(q) est l’impact prix dû à la taille de la transaction comparé à la juste valeur (différence entre le prix réel de la transaction et la juste valeur de l’actif), et Dt(q) sont les coûts liés au temps mis pour effectuer la transaction si elle ne peut avoir lieu immédiatement (recherche de contrepartie, …). Les coûts de trading, ou coûts de transaction sont connus à l’avance. L’impact prix augmente lui avec la taille de la transaction. Les coûts de délai liés à la recherche de contrepartie sont souvent négligeables, mais les coûts de délai 29 liés au risque additionnel supporté par l’investisseur (les prix et donc l’impact prix peuvent varier durant le délai de la transaction) restent conséquents L’étroitesse correspond à la somme des coûts directs de trading (T) et de l’impact prix (PI). La profondeur est la quantité q échangeable pour un impact prix PI donné. L’immédiateté correspond au délai de la composante D. Dans le cas ou l’actif est coté en continu, l’impact prix est la principale composante du coût de la liquidité, alors que si l’actif subit des interruptions de cotation, les coûts de délai deviennent un problème additionnel. Nous avons donc présenté ici de manière détaillée la liquidité de marché, ses dimensions, et introduit les concepts qui nous permettront de la mesurer. Nous allons donc maintenant, dans un second chapitre, présenter les mesures que l’on peut trouver dans la littérature. Il ne s’agit pas d’effectuer une revue exhaustive, mais d’aborder les mesures qui nous paraissent les plus pertinentes. 30 CHAPITRE II : LA MESURE DE LA LIQUIDITE DE MARCHE Dans ce chapitre, nous allons effectuer une revue des différentes mesures de la liquidité de marché proposées dans la littérature. Les difficultés éprouvées par les protagonistes du monde financier pour quantifier cette notion et parvenir à un consensus ont entraîné une multiplication des mesures possibles. Nous allons donc essayer ici de présenter les mesures les plus pertinentes. Dans une première section, nous présentons les différentes mesures à caractère intra journalier (durant la séance), liées aux multiples dimensions de la liquidité de marché qui ont été évoquées dans le premier chapitre. Nous présenterons les mesures « traditionnelles » mais également quelques mesures apparues de manière plus récente. Dans la seconde section, nous allons développer des mesures plus complexes, qui visent à mesurer le concept de liquidité de manière quotidienne. 31 1. Les mesures intra journalières a) La fourchette (Etroitesse / Immédiateté) La fourchette de prix Offre/Demande (Bid/Ask Spread) correspond à l’écart entre le prix recherché par l’acheteur et le prix proposé par le vendeur. Demsetz [12] a été le premier à étudier cette fourchette de prix, la définissant comme la rémunération du teneur de marché. Elle a ensuite fait l’objet de nombreuses recherches pour devenir une des mesures les plus « classiques » de la liquidité. Cette mesure est liée à l’étroitesse du marché. L’écart entre l’offre et la demande est représentatif du niveau de liquidité de l’actif car s’il est trop grand, les échanges n’auront pas lieu, alors qu’une entente entre acheteurs et vendeurs sur un prix va entraîner une transaction pour un certain nombre de titres. C’est le principe de l’offre et de la demande. La fourchette de prix mesure en fait non pas la liquidité générale mais le coût d’immédiateté des échanges, c’est-à-dire les frais supportés par un donneur d’ordre à prix de marché qui veut être exécuté sans délai d’attente. On distingue généralement trois types d’indicateurs à cet égard [19] : i. La fourchette affichée (Quoted Spread) Sur un marché gouverné par les prix, la fourchette peut être mesurée à chaque instant à travers le bid le plus fort (meilleur prix acheteur), et le ask le plus faible (meilleur prix vendeur). La fourchette affichée (notée ft) est elle exprimée en pourcentage. Elle mesure le coût supporté par un investisseur qui achète puis revend instantanément une quantité de titres disponible aux meilleurs prix disponibles à l’achat et à la vente : Fourchette affichée = (meilleure limite à la vente – meilleure limite à l’achat). Milieu de fourchette Ainsi, au temps t, nous observons : ft = (PtDemande – PtOffre) / Mt , où ft est la fourchette affichée à l’instant t, PtDemande représente le meilleur prix vendeur au temps t, PtOffre représente le meilleur prix acheteur au temps t, Mt = (PtDemande + PtOffre) / 2, indique le milieu de la fourchette. 32 Nous avons analysé cette mesure de la liquidité sur les données de marché de l’indice Standard & Poor’s 500, qui représente 500 entreprises cotées sur la marché américain. Nous avons étudié cet indice sur la période du 01/03/2000 au 01/09/2010. Cette période est représentative des crises de liquidités car trois grandes crises de liquidités ont eu lieu sur cette période. Ainsi, selon le graphique ci-dessus, nous pouvons clairement identifier les trois grandes crises en question : nous observons un pic de la fourchette affichée sur la période de leur survenance. En effet, un écart trop important entre les prix de l’offre et les prix de la demande ne favorise pas les échanges, bien au contraire. Nous pouvons donc repérer : • La crise dûe à la crainte du bug de l’an 2000 : à l’approche du changement de millénaire, les investisseurs ont craint la survenance de nombreux problèmes informatiques. Ainsi, les invstisseurs ont préféré se retirer du marché pour voir comment cela allait se dérouler (« Wait and See »). Ainsi, les évolutions observées au premier semestre de l’an 2000 correspondent à une contraction de la liquidité accumulée auparavant, en prévision du changement de millénaire. Toutefois, l’absence de crise informatique majeure ont provoqué un rapide resserrement du spread dû au retour à la normale des investissements. 33 ii. • La crise des subprimes (fin 2008 - début 2009) : l’origine de cette crise est due aux prêts immobiliers aux Etats-Unis. Des banques ont accepté de financer des populations à risque, qui n’avaient parfois, ni revenus, ni emploi, ni actifs, pour que celles-ci puissent accéder à la propriété, en leur proposant des prêts à très long terme et à des taux bien au-delà de ceux du marché (« subprime »). Or, la hausse des taux et la baisse du marché immobilier ont provoqué la perte de valeur des poduits structurés crées avec ces créances, et il s’en est suivi une panique générale sur les marchés, avec une crise de confiance de la part des investisseurs quant à la solidité des contreparties. Combinée à la perte de valeur des titres mobiliers, cette crise de confiance a entraîné une très forte crise de liquidité. La réactivité des banques centrales et de la FED a limité la propagation des faillites en séries par injection d’énormément de liquidité. Cependant, les pertes liées aux subprimes se sont accrues au fil des mois, en raison de la prolongation de la crise de liquidité, que nous pouvons observer sur le graphique. • La crise grecque : elle a commencé fin 2009 et s’étalée sur l’année 2010. Résultant à la fois de la crise économique mondiale suite à la crise des subprimes et de facteurs propres au pays, cette crise a été aggravée par le manque de transparence du pays quant à la situation inquiétante de son endettement et de son déficit. Cette crise, qui menace également de s’étendre à d’autres pays européens en difficulté (Portugal, Espagne, Italie, Irelande (PIIGS)) a provoqué une fuite des investisseurs vis-à-vis de ces pays, et donc un assèchement de la liquidité concernant les obligations souveraines. Les divers plans européens de soutien à la Grèce ont eu leurs effets, mais la situation est demeurée très fragile et s’est depuis transformée en une véritable crise des dettes souveraines, qui secoue le monde depuis de nombreuses semaines. La fourchette effective (Effective Spread) Il arrive dans certains cas, notamment sur le NYSE (New-York Stock Exchange) qui est un marché gouverné par les ordres, que certaines transactions soient effectuées à l’intérieur de la fourchette : cela à conduit à introduire le concept de fourchette effective, car la fourchette cotée ne constitue plus une bonne mesure des coûts implicites subis par les opérateurs. 34 La fourchette effective dépend des prix proposés par les teneurs de marché. Elle mesure le coût supporté par un investisseur consommateur de liquidité, c’est-à-dire effectuant une transaction sans délai, touchant un prix affiché sur le marché. Elle s’exprime par la différence entre le prix de la transaction et le milieu de fourchette des meilleurs prix à l’achat et à la vente prévalant juste avant l’occurrence de la transaction : Fourchette effective = (Prix de transaction – Milieu de fourchette) . Milieu de fourchette Ainsi, au temps t, nous observons : fte = (Pt – Mt) / Mt , où fte est la fourchette effective à l’instant t, Pt représente le cours à l’instant t auquel est effectuée la transaction, Mt indique le milieu de la fourchette. Nous pouvons ici noter l’influence de l’organisation des marchés financiers sur la valeur de la fourchette mesurée. En effet, il est important de préciser que l’organisation des marchés financiers a un impact direct et déterminant sur la liquidité. Elle fait d’ailleurs l’objet de nombreuses recherches (Domowitz et Wang [14], Chang, Hsu et Huang [10], Gourieroux et Le Fol [16]), toute réforme concernant l’organisation des échanges ayant pour objectif d’améliorer la liquidité. iii. La fourchette réalisée (Realized Spread) Il existe un troisième type de fourchette qui peut être mesuré, et qui tient compte de la présence d’investisseurs informés. Elle représente la différence entre le prix d’une transaction et le prix fondamental de l’actif en l’absence d’asymétrie d’information : Fourchette réalisée = (Prix de transaction – Prix fondamental) . Milieu de fourchette En pratique, la valeur fondamentale des titres n’est pas directement observable. Elle est généralement estimée par le milieu de fourchette prévalant quelques temps après la transaction (après dissipation des éventuels impacts de la transaction considérée). La fourchette réalisée diminue en présence d’investisseurs informés. Une baisse de cette fourchette s’interprète alors comme une capacité plus grande du marché à offrir de la liquidité dans un environnement volatil. 35 Nous pouvons ajouter que la différence entre la fourchette réalisée et la fourchette effective représente le coût d’opportunité (ou de sélection adverse), c’est-à-dire les pertes dues au fait que les contreparties de la transaction tirent parti d’avantages informationnels dont elles ne supportent pas le coût. La liquidité étant une notion à plusieurs dimensions (cf I.2.c) la fourchette comme mesure de la liquidité trouve sa limite dans le fait qu’elle ne prend pas en compte le volume des transactions (profondeur). En effet, dans la recherche d’une bonne mesure de liquidité, il est péférable de prendre en considération les volumes associés aux cours, c’est-à-dire la profondeur du carnet d’ordres. Une alternative existe, consistant à pondérer la fourchette moyenne selon un nombre donné d’actions échangeables immédiatement sur le marché. Cependant il existe des indicateurs à part entière qui permettent d’appréhender la profondeur. b) La profondeur aux meilleures limites La profondeur affichée aux meilleures limites correspond à la somme des quantités associées au meilleur prix vendeur et au meilleur prix acheteur. Elle s’interprète donc bien comme une quantité de titres qu’il est possible d’échanger sans impact sur les prix côtés. Afin d’être comparable d’un titre à l’autre, la profondeur est exprimée en capitaux en multipliant les quantités par le prix médian. Cette mesure de la profondeur est la plus communément utilisée, cependant elle trouve aussi ses limites dans le fait qu’elle constitue une mesure statique des quantités instantanément disponibles. Elle ne prend pas en compte la fréquence de renouvellement de ces quantités. Nous allons donc maintenant aborder cet aspect de profondeur de manière plus précise, à travers son utilisation par Kyle [25]. c) Le Lambda de Kyle (Profondeur) En 1985, Albert S. Kyle modélise la stratégie de trading des opérateurs informés (cf Annexe 1, [25]). Selon lui, ces derniers ne présentent pas le profil de price taker, c’est-à-dire qu’ils ne subissent pas les prix du marché, mais ont parfaitement « conscience » des prix. Nous nous intéressons seulement ici à la première partie de cet article, où Kyle établit la relation fondamentale entre prix et volume, et introduit un coefficient d’ajustement aux quantités observées λ, à partir duquel on peut mesurer la profondeur du marché. Nous détaillons les hypothèses utilisées et développons les étapes de la modélisation en démontrant certains points importants. 36 Parmi les hypothèses de son modèle, Kyle distingue trois types de participants : les teneurs de marché (market makers), les investisseurs informés (insiders) et les investisseurs non informés (noise traders, liquidity traders). Chaque échange de titre s’effectue en deux étapes : • • Les investisseurs, l’investisseur informé (qui ont une connaissance précise et détaillée des quantités échangées dans le passé et ont donc accès à une information personnelle) et l’investisseur non informé (dont l’information constitue seulement en la quantité totale échangée), déterminent simultanément les quantités qu’ils vont échanger. Le teneur de marché fixe le prix et effectue les transactions qui satisfont les investisseurs. On se place sur un espace de probabilités (Ω, Ƒ ,P). Nous noterons ici les variables aléatoires en majuscules italiques. Les fonctions qui réalisent les variables aléatoires seront elles notées en caractères gras. On utilisera le symbole Φ pour les représenter. On considère donc un actif risqué dont la valeur finale (de liquidation) V suit une loi normale de moyenne P0 et d’écart-type ∑0. La quantité échangée par les investisseurs informés, X, est déterminée selon les prix et quantités échangées par lui-même dans le passé, et une observation personnelle concernant la valeur liquidative de l’actif risqué. Il ne connaît en revanche pas la quantité U échangée par l’investisseur non informé. On note donc X = ΦX (V). La quantité échangée par les investisseurs non informés, U, est déterminée indépendamment des quantités échangées par le passé par les investisseurs informés et indépendamment des quantités échangées par le passé par les investisseurs non informés. Leurs observations consistent en la quantité totale échangée par le passé (somme des quantités échangées par les informés et les non informés). U est distribuée normalement, de moyenne nulle, et d’écart-type σu2, et U et V sont indépendantes. Le teneur de marché fixe alors le prix P en fonction des volumes d’offre et de demande. Il ne distingue pas X et U car l’informé cherche toujours à dissimuler ses informations. Il fixe donc le prix en fonction de la somme totale échangée : P = ΦP (X + U). On peut noter que le teneur de marché fait face à la fois à la concurrence des autres teneurs de marché, mais aussi à la sélection adverse (à cause de l’asymétrie d’information). L’investisseur informé, supposé risque neutre, vise à maximiser son profit π, et détermine son investissement X en fonction de ce critère. Son profit est déterminé par π = (V - P)X et on note π = π (X, P). Il maximise E[πi |v] et on note Max E[πi |v], v étant l’information connue. Pi 37 Les principales hypothèses du modèle sont les suivantes : • U est distribuée normalement, de moyenne nulle, et d’écart-type σu2. V est distribuée normalement, de moyenne P0 et d’écart-type ∑0. U et V sont indépendantes. • La maximisation du profit est toujours réalisée à l’équilibre. Un équilibre est défini de la manière suivante : Définition : Un Equilibre est une paire (X,P) vérifiant : - Si X’ est une stratégie alternative à X : E[π(X, P)І V = v] > E[π(X', P)І V = v]. - (1) L’efficience du prix est également toujours réalisée : P = E[V І X + U]. • (2) L’hypothèse de normalité des variables permet de donner au modèle une structure linéaire : ΦP (z) = µ + λz. (3) ΦX (z) = α + βz. (4) Avec α, β, λ et µ appartenant à l’ensemble des réels . A partir de l’hypothèse de maximisation du profit : E[π(X, P)І V = v] = E[(V - P)X І V = v] = E[(V - ΦP (X + U))X І V = v] = E[(V - µ - λX - λU)X І V = v] = (v - µ - λx)x. d’après (3) Dont l’annulation de la dérivée donne : x = v / 2λ - µ / 2λ. Par identification avec (4), on obtient : α = - µ / 2λ et β = 1 / 2λ. D’après (2) et (4) on peut écrire : P = E[V І X + U] µ + λ(X + U) = E[V І α + βV + U]. 38 (5) L’application du théorème de projection nous permet d’effectuer une régression linéaire de l’espérance conditionnelle (cf Annexe 2) : E[V І α + βV + U] = E[V] + Cov(V , α + βV + U)( α + βV + U - E[α + βV + U]) Var (α + βV + U) = P0 + (β ∑0) [(X + U) - (α + β P0)] / (β2∑0 + σu2) = P0 + (β ∑0)(X + U) / (β2∑0 + σu2) - (β ∑0) (α + β P0) / (β2∑0 + σu2). Par identification des coefficients, on obtient ainsi : λ = (β ∑0) / (β2∑0 + σu2) et µ = P0 - λ (α + β P0). (6) A partir de (5) et (6) on obtient alors, pour les paramètres du modèle : λ = (∑0 / σu2)1/2 / 2 et β = (σu2 / ∑0)1/2. On obtient ensuite la fonction de prix du teneur de marché : P = ΦP (X + U) = P0 + λ(X + U) avec ΦX (V) = β (V - P0). Dans la modélisation de Kyle, λ représente donc un coefficient d’ajustement aux quantités observées. C’est ce coefficient qui délivre les informations. La quantité 1/λ exprime la profondeur du marché, c’est-à-dire la quantité de titres nécessaire pour provoquer une variation de cours d’une unité monétaire. On peut donc exprimer λ de la manière suivante : λ = P / Q. Si λ est grand, un faible volume échangé suffit pour provoquer une variation de prix importante et inversement, s’il est faible, le marché sera considéré comme très liquide (cf Figure 3). Kyle définit ainsi la notion de profondeur comme étant la quantité de titres nécessaire pour faire bouger le prix d’une unité : cette quantité correspond à 1/λ. Le paramètre λ représente donc la liquidité du titre. Si λ est proche (respectivement éloigné) de zéro alors le titre est considéré comme liquide (resp. illiquide). Ainsi, ce paramètre introduit par Kyle tient compte à la fois des coûts implicites d’échanges et de la profondeur du marché. 39 Figure 3 : Influence du volume et de la liquidité du marché sur le cours du titre. d) Une extension du Lambda de Kyle Suite aux travaux de Kyle, plusieurs recherches ont été effectuées sur l’estimation de ce paramètre. Handa [22] a notamment proposé une estimation empirique du Lambda de Kyle : PAsk = µ + λQAsk PBid = µ + λQBid Où QAsk et QBid représentent les volumes associés aux meilleures limites de cours vendeurs et acheteurs. D’après λ = P / Q on obtient alors : λ = (PAsk - PBid) / (QAsk + QBid) qui correspond au coût marginal d’une unité de titre, c’est-à-dire les variations du prix nécessaires à l’échange instantané d’un titre supplémentaire. Cependant, cette définition n’est pas parfaite dans le sens où le coefficient présenté ne tient pas compte de l’écart entre la meilleure limite et le cours moyen étudié. On pourrait alors imaginer un coefficient donné par λ = (∆P / P) / Q qui offre également la possibilité de comparer les titres entre eux selon leur liquidité. 40 e) Le coefficient de sensibilité de Gresse (1997) Gresse [18] propose un « coefficient de sensibilité » qui intègre les différentes dimensions de la liquidité : étroitesse, profondeur et immédiateté. Ce coefficient exprime l’écart de prix en valeur relative, associé à la profondeur du carnet d’ordre. On a : Sλ,t = ft / ((QAsk + QBid) / 2 ) , où ft désigne la fourchette affichée. Par ailleurs, la sensibilité effective s’écrit donc : Sλ,te = fte / Qt , où fte désigne la fourchette affichée, et Qt correspond aux volumes échangés. Ces différentes mesures sont les plus communément utilisées, et peuvent donc être considérées comme étant « traditionnelles ». Cependant, d’autres indicateurs sont apparus plus récemment. f) L’analyse des courbes d’offre et de demande La mesure de la liquidité à partir des courbes de l’offre et de la demande ne trouve pas beaucoup d’échos dans la recherche, en raison de la difficulté à se procurer et constituer des données suffisamment exhaustives. En effet, la construction des courbes d’offre et de demande de titres suppose soit la reconstitution du carnet d’ordre à partir de bases de données qui s’avèrent être rares, soit un enregistrement des feuilles de marché à partir d’un certain flux de données, soit un exercice de simulation d’un processus d’arrivée et de sorties d’ordres. Une fois ces courbes reconstituées, il est alors possible d’estimer la pente de ces courbes, qui constitue alors une mesure complémentaire de la fourchette et de sa profondeur associée. A partir d’une reconstitution du carnet d’ordre et des estimations des pentes des courbes d’offre et de demande de l’actif considéré, Auguy et al. [4] proposent une approche quantitative du degré de liquidité d’un marché, via un indicateur de résistance, qui permet d’évaluer les chocs de liquidité et de mesurer le temps de récupération pour que le carnet d’ordre retrouve un niveau de liquidité acceptable. 41 g) Les mesures de l’activité Enfin, nous pouvons noter qu’il existe d’autres indicateurs de la liquidité qui peuvent être construits à partir de la notion d’activité, qui en est une composante importante. L’activité peut être représentée par les volumes de titres échangés, le nombre ou la taille moyenne des transactions, ou encore le rapport entre le nombre de titres échangés et les volumes en circulations, ce rapport étant appelé turnover. Ainsi, Hamon et Jacquillat [20] définissent un indicateur de la liquidité lié au volume, le débit, qui correspond au rapport entre le volume horaire et les quantités en carnet aux meilleures limites. 42 Nous avons donc présenté ici les principales mesures de la liquidité « intraday ». Nous allons maintenant nous attarder sur les mesures quotidiennes de la liquidité. Les mesures citées précédemment peuvent être adaptées à une mesure quotidienne, mais nous nous concentrerons plus particulièrement sur le coefficient d’efficience des marchés et sur les ratios de liquidité. 2. Les mesures quotidiennes a) Les mesures intra journalières adaptées Tout d’abord, il est donc important de mentionner le fait qu’il est possible d’adapter les mesures « intraday » afin de mesurer la liquidité sur une base quotidienne. En effet, il suffit de faire une moyenne pondérée par la durée de validité des variables telles que la fourchette ou le lambda de Kyle. Pour les mesures de l’activité, il suffit même de faire la somme. Nous allons désormais nous intéresser aux variables de mesure purement quotidiennes. b) Le MEC (Market Efficiency Coefficient) Le coefficient d’efficience de marché (MEC) a été introduit pour la première fois par Hasbrouck et Schwartz (1986 [23], 1988 [24]). D’autres auteurs ont ensuite repris cet indicateur par la suite. Le MEC se calcule selon la formule suivante : MEC = Var (Rt) / (n*Var (Rt/n)) , où - Var (Rt) est la variance de rentabilités d’un titre sur de longues périodes, - Var (Rt/n) est la variance des rentabilités de ce même titre sur des sous-périodes plus courtes, et - n le nombre de sous périodes par lequel on a divisé la période longue. La raison de ce coefficient est que le cours d’un actif peu liquide subit des perturbations sur du court terme, s’écartant de son cours « réel » suite à l’empressement de quelques intervenants financiers. Ainsi, pour une estimation quotidienne, proposée par Hamon, Handa, Jacquillat et Schwartz [21], on considère le rapport de la variance de la rentabilité quotidienne sur la variance de la rentabilité horaire multipliée par le rapport des périodes considérées (ex. : 8 dans le cas d’une cotation boursière de 09h00 à 17h05) : MECq = Var (Rq) / (8*Var (Rh)). 43 Un coefficient d’efficience de marché supérieur à 1 reflète un bon niveau de liquidité (volatilité de court terme faible par rapport à sa volatilité de long terme). Un MEC inférieur à 1 signale en revanche une faible liquidité, les cours de l’actif oscillant autour du « cours fondamental ». Cela témoigne de la présence d’investisseurs soucieux d’une rapidité de transaction et moins d’obtention du prix désiré. Le principal atout de cette mesure est sa capacité de correction des effets de volatilité des prix des actifs dus au fonctionnement général du marché. Cependant, le calcul de ce coefficient possède des inconvénients potentiels. Un premier problème potentiel réside dans le choix de la sous-période, qui peut influencer le résultat final. Un autre problème peut être dû à un surplus de volatilité du cours à l’intérieur de la fourchette : il serait peut-être plus pertinent de retenir le milieu de la fourchette au lieu du cours côté. Nous abordons maintenant les mesures de liquidité fondées sur les relations entre niveau d’activité et variation des prix. c) Les Ratios de Liquidité (Liquidity Ratios) Le concept inhérent aux ratios de liquidité est la mise en avant du volume de titres nécessaire lors d’une séance pour aboutir à une variation de prix déterminé. On effectue donc le rapport entre les variations de prix et le niveau d’activité. Le Ratio de Liquidité le plus classique étant le rapport entre la variation de prix entre deux clôtures, et le volume de titres échangé durant la séance de cotation : Mt = (Pt - Pt-1) / Vt , où - Pt représente le cours de clôture lors de la séance t, et - Vt est le volume échangé au cours de la séance de cotation. La littérature propose d’autres ratios de liquidités analogues ou « dérivés » de celui-ci. Nous en présentons trois : • Ainsi, Dubofsky et Groth [15], puis Cooper, Groth et Avera [11] ont proposé un Ratio Conventionnel de Liquidité (RCL) qui mesure le « volume de monnaie » nécessaire pour faire varier le prix d’un actif de 1% : N N RCL = ∑ (Pt Vt) / ∑ Ln (Pt / Pt-1) , t=1 où t=1 - Pt représente le cours à la date t, - Vt est le volume échangé lors de la date t, et - N correspond au nombre d’évènements de cotation durant la période retenue. 44 • Marsh et Rock [30] proposent un autre ratio qui détermine la variation de prix pour un volume d’échange donné, rapporté à la valeur du marché. Ce ratio est appelé Ratio de Liquidité Pure (noté L) : L = (PMax - PMin / PMin ) / (V / S*P), où • - PMax (Resp. PMin) représente le cours le plus (Resp. le moins) élevé de l’actif sur une période analysée, - V est le volume total d’actif échangé durant les séances de cotations de la période considérée, - S est le nombre de parts en circulation de l’actif considéré, et - P est la moyenne des cours de clôture des séances de cotation de la période considérée. Enfin, Marsh et Rock [30] proposent également un ratio qui tient compte du nombre de transactions plutôt que de la taille des échanges: la Liquidité de Marché Pondérée (LMP). Elle se détermine par la formule : T LMP = (1/T) * ∑ |Ln (Pt / Pt-1)| , t=1 où - Pt représente le cours à la date t, et - T est le nombre de transactions réalisées au cours de la séance t. Nous devons noter que, quel que soit le ratio considéré, ces mesures ne font pas de distinction entre des variations de cours dues à un réel manque de liquidité ou bien à l’arrivée d’une information qui modifierait les attentes des divers intervenants du marché. Ce défaut est partagé par la plupart des indicateurs de la liquidité. 45 CONCLUSION Nous nous sommes donc attachés, dans une première partie, à présenter la notion de liquidité ainsi qu’à décrire l’avancement des recherches sur ce sujet. Pour cela, dans un premier chapitre, nous avons introduit le concept de la liquidité en effectuant une revue générale de ses dimensions, et en explicitant les facteurs ayant une influence sur cette grandeur. Nous avons notamment fait remarquer que le risque de liquidité du portefeuille peut se décomposer en deux types : le risque de liquidité propre au titre financier et le risque de liquidité lié à la taille de la position (plus la position est importante, plus le risque de liquidation du portefeuille est élevé). Nous pouvons résumer cela sous forme d’un petit schéma : LIQUIDITE Liquidité de Bilan Perspective Monétaire Liquidité de Marché Déterminants exogènes Immédiateté Déterminants endogènes Profondeur Etroitesse Résilience Dans un second chapitre, nous avons détaillé les mesures les plus pertinentes de la liquidité de marché, qui ont été proposées par la littérature, en distinguant les mesures en séance des mesures quotidiennes. Si cette première partie avait avant tout un but instructif, nous pouvons en tirer un enseignement important : s’il est très difficile de dire qu’une mesure de la liquidité est supérieure à une autre, chacune ayant des avantages et des inconvénients, cette partie a mis en relief toute la difficulté de quantifier cette notion. L’appréciation du niveau de la liquidité en séance peut aboutir à des résultats contradictoires. 46 Nous pouvons faire un petit tableau récapitulatif des mesures évoquées : Immédiateté Fourchettes X Mesures En Séance Mesures Quotidennes Etroitesse Résilience X Profondeur aux meilleures limites Lambda de Kyle Extension du Lambda de Kyle Coefficient de sensibilité de Gresse Analyse des courbes d’offre et de demande Mesures de l’activité Mesures en Séance adaptées Market Efficiency Coefficient Ratios de Liquidité Profondeur X X X X X X X X X X X X X X X Cf mesures en séances Etude des rentabilités X 47 48 DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DU RISQUE DE LIQUIDITE ET LA VALORISATION DE PORTEFEUILLE INTRODUCTION Au cours des dernières années, les stratégies d’investissement accordent une place non négligeable à la liquidité des actifs financiers. Cet intérêt est dû à la crainte des investisseurs de voir des variations excessives de cours lors de transactions mettant en jeu une quantité importante d’actifs de faible capitalisation boursière. Les gestionnaires de fonds préfèrent ainsi privilégier des actifs plus liquides, ce qui leur permet de réduire les coûts de transaction, de dynamiser leur portefeuille et d’éviter quelconque trouble de la performance de leur fonds en raison d’absence de contrepartie. Cet intérêt grandissant a pour conséquence la prise en compte du risque de liquidité comme risque à part entière dans le cadre de la gestion de portefeuille. Cette prise en compte a plusieurs impacts : - Mise en place de stratégies d’investissement intégrant le risque de liquidité sous la forme de programmes de placement des ordres, - L’analyse du portefeuille ne doit plus être élaborée seulement à partir du risque de marché basé sur la rentabilité des actifs mais également à partir du risque de liquidité. Nous nous intéressons donc dans cette seconde partie à l’évaluation du risque de liquidité et à son intégration dans la valorisation de portefeuille. Ainsi, dans un troisième chapitre, après avoir effectué un rappel sur les mesures de risque et réalisé un focus sur la Value-at-Risk, nous présentons une mesure récente et des plus couramment utilisées qui consiste en un ajustement de la Value-at-Risk au risque de liquidité. Dans un quatrième chapitre, nous proposons une nouvelle approche de la valorisation de portefeuille intégrant le risque de liquidité : il s’agit de définir un nouveau formalisme dans lequel le risque de liquidité est présent de manière axiomatique et d’introduire la « politique de liquidité » dans la gestion et la valorisation du portefeuille. L’objectif sera donc de formaliser mathématiquement toutes ces notions. Nous établirons alors une procédure de valorisation d’un portefeuille sujet à une politique de liquidité, dans une situation d’assèchement de la liquidité. Tout au long de notre formalisme, nous nous attacherons à illustrer nos propos avec des exemples concrets. 49 50 CHAPITRE III : UNE APPROCHE MODERNE DE LA GESTION DU RISQUE DE LIQUIDITE Bien que, comme nous l’avons vu dans la première partie, le risque de liquidité soit difficilement prévisible, principalement en raison des difficultés à quantifier la notion sousjacente à ce risque, il est primordial de mettre en œuvre des moyens de gérer ce risque de manière efficace et pertinente. Dans ce troisième chapitre, nous allons tout d’abord effectuer un petit rappel général sur les mesures de risques, tout en insistant sur la Value-at-Risk qui sera utilisée par la suite. Nous mettrons ensuite l’accent sur les caractéristiques du risque de liquidité et sur la gestion de ce risque dans une approche récente, qui est vite devenue une référence : les modèles de Value-at-Risk avec un ajustement par le risque de liquidité. 51 1. Un rappel : les mesures de risque a) Quelques propriétés des mesures de risque Dans un premier temps, nous allons donner ici les grandes lignes de la théorie des mesures de risque. Soit (Ω,P) l’espace mesurable pour Ω un ensemble fixé de scénarii possibles, et P un espace de probabilités. Notons L(Ω,P) l’espace des fonctions mesurables à valeurs réelles de (Ω,P). Nous sommes ici intéressés par la quantification de l’incertitude du flux financier d’un actif sur un horizon de temps fini. On note cette incertitude par une variable aléatoire X. Nous définissons ainsi la perte associée à une position par X0X où X0 représente la valeur initiale de la position, à l’instant t0. Dans le cas qui nous intéresse ici, une variable aléatoire X représente donc la valeur future d’un actif par rapport à sa valeur initiale. Plus généralement, en prenant en compte la variation de la valeur de l’argent dans le temps, il est plus juste d’interpréter X comme la valeur future actualisée de l’actif au temps T. Dans le cas où l’on considère une économie où il existe un taux sans risque, noté r, alors la variable de perte sera la différence entre X0er(T-t0) qui est la valeur future de l’investissement initial et la valeur de X. Nous désirons donc déterminer le risque de perte associé à un actif financier, ce qui induit la définition d’une manière de quantifier ce risque : la mesure de risque. Il est important de noter que la mesure d’un risque n’est pas unique : dans certaines situations, il sera plus convenable d’utiliser une mesure de risque plutôt qu’une autre. Cependant, toutes les mesures de risque partagent certaines propriétés, inhérentes à leur définition, que nous rappelons par la suite. Définition 1 : Une mesure de risque sur L(Ω,P) est une application ρ: L(Ω,P) 1. Invariance par translation : Pour tout L Є L(Ω,P) et c Є telle que : nous avons ρ(L+c) = ρ(L) - c. 2. Monotonicité : Si X < Y, alors ρ(Y) < ρ(X). Le critère d’invariance par translation est à mettre en relation avec le concept de l’assurance : la valeur c correspond à l’ajout de « cash » au portefeuille L. Le risque lié au nouveau portefeuille L + c est moindre que le risque lié au portefeuille L, et la différence est exactement la valeur c. Le critère de monotonicité est intuitif. En effet, si une variable aléatoire X représente la valeur future d’un actif par rapport à un investissement initial dans un actif sans risque, il apparaît naturel que si une variable a une valeur constamment inférieure à celle d’un autre investissement Y, alors ce dernier est nécessairement moins risqué. 52 Définition 2 : Convexité Une mesure de risque est convexe si : Pour tout λ Є [0,1] et (X,Y) Є L(Ω,P)2 nous avons ρ(λX + (1- λ)Y) < λ ρ(X) + (1- λ) ρ(Y). La notion de convexité est directement liée à la liquidité. En effet, dans de nombreuses situations, le risque ne grandit pas de manière linéaire lorsque la taille de la position augmente, car plus la position est de taille importante, plus il peut s’avérer compliqué de la liquider en entier. Cette remarque (déjà évoquée graphiquement dans notre premier chapitre) sera parfaitement illustrée dans la suite de nos travaux. Par ailleurs, il peut s’avérer pertinent de remarquer que la notion de mesure convexe se rapproche de celle de fonction d’utilité. Nous pouvons rappeler ici que la notion de convexité est apparue après les axiomes liés à la cohérence d’une mesure de risque. En effet, la notion de mesure de risque cohérente est une notion assez restrictive, et la notion de convexité permet de « l’alléger ». b) Les mesures de risque cohérentes Une mesure de risque dite « cohérente » satisfait bien évidemment les propriétés des mesures de risque en général (Invariance par translation et Monotonicité) mais aussi des propriétés plus restrictives. Définition 3 : Une mesure de risque cohérente sur L(Ω,P) est une application ρ: L(Ω,P) telle que : 1. Invariance par translation : Pour tout L Є L(Ω,P) et c Є nous avons ρ(L+c) = ρ(L) - c. 2. Monotonicité : Si X < Y, alors ρ(Y) < ρ(X). 3. Positivité homogène : Pour tout λ > 0 et X Є L(Ω,P) nous avons ρ(λX) = λ ρ(X). 4. Sous-additivité : Pour tout (X,Y) Є L(Ω,P)2 nous avons ρ(X + Y) < ρ(X) + ρ(Y). Nous pouvons donc remarquer qu’il est clair qu’une mesure cohérente est convexe, la réciproque étant fausse. Les principaux résultats de la théorie des mesures cohérentes peuvent être étendus de manière similaire aux mesures convexes. 53 c) Focalisation sur la Value-at-Risk i. Un bref historique de la Value-at-Risk Les mesures de risque ont beaucoup évolué depuis la théorie de diversification de portefeuille énoncée par Markowitz [28, 29], qui devait révolutionner la gestion de portefeuille, a la fin des années 1950. Sharpe [32] (MEDAF (Modèle d’Evaluation Des Actifs Financiers ou CAPM), années 1960) ou Ross [31] (Arbitrage Pricing Theory (APT), années 1970) ont proposé d’autres modèles, mais les méthodes utilisées pour détecter et gérer les risques de marché étaient adaptées seulement à des produits spécifiques et ne permettaient pas de distinguer les mesures de risque selon les différentes activités des salles de marché. Utilisée pour la première fois dans les années 1980 par la banque Bankers Trust sur les marchés américains, la notion de Value-at-Risk a réellement été popularisée par la banque JP Morgan dans les années 1990 par son système RiskMetricsTM (1994). La Value-at-Risk est très rapidement devenue une mesure de risque de référence sur les marchés financiers, imposée notamment par les accords de Bâle (1995) pour quantifier les risques de marché. En effet, l’accroissement de la volatilité des marchés financiers, le développement des produits dérivés, et surtout une série de faillites et de Krachs boursiers ont poussé les institutions financières à mettre en place un indicateur commun et synthétique des risques financiers. ii. Une présentation et définition de la Value-at-Risk Comme nous l’avons donc mentionné, il existe de nombreuses statistiques pour mesurer le risque (écart-type, duration, ou dans le cas d’options, les Delta, Gamma, Vega et Rho, …) mais celles-ci n’indiquent pas la probabilité d’occurrence de la perte. La Value-at-Risk enveloppe non seulement les différentes mesures de risque, mais incorpore une probabilité de perte. De façon générale, la Value-at-Risk est définie comme la perte maximale potentielle qui ne devrait être atteinte qu’avec une probabilité donnée sur un horizon temporel donné [27]. La Value-at-Risk synthétise donc en un simple nombre un seuil de perte qui ne peut être franchi qu’avec un niveau de probabilité fixé a priori sur un horizon de temps donné [7]. Cette définition très simple constitue l’un des principaux attraits de la Value-at-Risk : il est en effet très facile de communiquer sur cette mesure et donc de proposer une mesure homogène et générale de l’exposition au risque, pour tout type d’actif ou de composition de portefeuille. Ainsi, la Value-at-Risk n’est autre qu’un quantile de la distribution de perte et profit associée à la détention d’un actif ou d’un portefeuille d’actifs sur une période donnée. En pratique, l’horizon temporel retenu est une journée, un mois ou un an. Typiquement, la statistique résumant la perte que peut subir un portefeuille sur un horizon spécifié est la limite supérieure d’un intervalle de confiance. 54 iii. Les méthodes de calcul De manière analytique, on peut présenter la VaR de la manière suivante : On considère un actif dont la valeur à l’instant t est notée Vt. On définit la perte relative à cet actif sur l’intervalle de temps [0, t] par : Pertet = V0 - Vt. La VaR de cet actif pour la durée t et le niveau de probabilité q se traduit comme la perte maximale encourue sur cet actif durant l’intervalle [0, t] pour une probabilité 1-q : P [Pertet > VaR] = 1 – q ou P [Pertet < VaR] = q VaR(q) = F-1(q). Où F(.) désigne la fonction de répartition associée à la distribution de perte et profit de l’actif considéré. Graphiquement, la VaR peut être représentée par le graphique suivant : Figure 4 : Détermination graphique de la Value-at-Risk. Ainsi, la Value-at-Risk dépend de trois éléments : - La distribution des pertes et profits - Le niveau de confiance - La période de détention Il existe de nombreuses méthodes pour déterminer la distribution des pertes, à partir de laquelle sera calculée la Value-at-Risk, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients, les trois principales étant la méthode historique, la méthode Variance-Covariance et les simulations de Monte-Carlo. 55 2. Une approche de la mesure du risque de liquidité par la Value-atRisk : le modèle Value-at-Risk ajusté au risque de liquidité a) Les caractéristiques du risque de liquidité Le risque de liquidité correspond donc à la perte provenant des coûts de liquidation d’une position. Ce risque augmente lorsque les marchés ne sont pas liquides. A l’instar de ce qui a été dit dans le premier chapitre, et de la décomposition proposée par Bangia, Diebold, Schuermann et Stroughair [5] entre un risque exogène et un risque endogène de liquidité, nous allons effectuer ici une distinction entre deux types de risque de liquidité, proposée par Dowd [13]. Il existe un risque de liquidité « normal », qui est à rapprocher au risque de liquidité endogène, qui augmente au gré des échanges sur des marchés peu liquides. Le second type est un risque de liquidité lié aux crises boursières ou aux mouvements de « panique » du marché, qui perd alors son niveau courant de liquidité. L’investisseur qui veut solder ses positions subit alors une perte plus importante que si les circonstances étaient normales (coûts de transaction plus élevés, délai d’attente plus long en raison de l’absence de contrepartie, ou encore vente rapide mais à un prix désavantageux). Ce second type est à rapprocher au risque de liquidité exogène. Nous allons présenter brièvement ces deux types de risque de liquidité tout en introduisant une justification de l’analyse du risque de liquidité de marché par un ajustement du modèle de Value-at-Risk. i. Le risque « normal » de liquidité Il s’agit du risque de perte potentielle en raison de mouvements défavorables du marché, qui conduisent à liquider une position à un prix différent de celui qu’on aurait dû obtenir. En effet, il s’agit ici de marquer la distinction entre prix affiché et prix « réel » : en effet, le prix affiché peut très bien être affecté par un manque temporaire de liquidité. En effet, le prix dépend du type de transaction, de sa taille, mais également du temps que l’on souhaite mettre pour liquider cette position : toutes choses égales par ailleurs, si on souhaite réaliser la transaction rapidement, on n’obtient pas le même prix (le prix peut être grandement défavorable) que si on se laisse une possibilité d’étaler dans le temps la liquidation de sa position. Comme le montre la figure suivante, les coûts de liquidation sont bien plus importants en cas de désir d’effectuer la transaction sur une période courte. 56 Figure 5.1 : Influence de la période de détention sur les coûts de liquidation. En tenant compte de cette perspective de perte, il est important de modifier la conception de la Value-at-Risk afin d’intégrer ces coûts de liquidation. La figure suivante indique la relation entre Value-at-Risk et période de détention pour deux types de position : - Dans le cas d’une position liquide, il est possible d’effectuer la transaction rapidement tout en obtenant le prix de marché, sans coût de liquidité significatif : la Value-at-Risk n’est donc pas affectée par la période de détention. - Dans le cas d’une position non liquide, les coûts de liquidation sont inversement proportionnels au délai que s’accorde l’investisseur pour finaliser la transaction (cependant, il est plus probable que d’autres évènements viennent perturber les cours durant ce temps d’attente). Pour une position non liquide, la Value-at-Risk varie donc en fonction de la stratégie adoptée par l’investisseur : plus l’ordre d’échange est agressif, plus les coûts de liquidité sont élevés, et plus la Value-at-Risk est importante. Figure 5.2 : Influence de la période de détention sur les coûts de liquidation. 57 ii. Le risque de crise de liquidité Le risque de perte peut aussi apparaître ou être accru en cas de chute soudaine de liquidité sur le marché. Cela est souvent le cas en période de crise majeure. Un mouvement de « panique » règne sur le marché, et provoque un déséquilibre du carnet d’ordre du côté des acheteurs : tout les investisseurs souhaitent vendre en même temps, alors qu’une défiance vis-àvis des titres tend à réduire la demande. La fourchette de prix s’écarte alors inévitablement. Nous sommes ici dans une situation où les stratégies de placement n’ont plus lieu d’être : tout le monde veut liquider sa position. Ainsi, à la vue de ces éléments, la prise en compte du risque de liquidité nécessite une modélisation. Une méthode récente consiste à introduire des variables susceptibles de représenter une dégradation de la liquidité dans un modèle d’évaluation du risque. Se sont donc développés des modèles de Value-at-Risk (probablement la mesure de risque la plus utilisée aujourd’hui) ajustés par le risque de liquidité, dont nous allons présenter les grandes lignes. b) L’ajustement des modèles de Value-at-Risk Dans la première section de ce chapitre, nous avons rappelé que la Value-at-Risk est une estimation de la perte potentielle maximale pouvant affecter une position sur un horizon et à un niveau de confiance donnés. Plusieurs hypothèses dans son calcul ne sont que peu valables dans la situation d’un portefeuille devant être cédé sur un marché souffrant de manque de liquidité. En effet, il est supposé que les positions peuvent être liquidées dans un délai fixé et assez court, sans impact sur le marché, et que la fourchette des prix restera stable. Par ailleurs, on prend souvent comme prix de référence le milieu de fourchette. Ainsi, dans un marché non liquide, il serait plus judicieux de prendre en compte la valeur de liquidation réelle, en ordre. La Value-at-Risk usuelle ne prend donc pas en compte le risque auquel est exposé un portefeuille lors de sa liquidation. Le principe des ajustements de la Value-at-Risk que nous allons présenter ici, proposés par la Banque de France, consistent à recalculer la distribution des rendements d’un actif en utilisant sa valeur de liquidation plutôt que sa valeur de marché. La valeur réalisée lors de la revente d’actifs est généralement différente de leur prix de marché théorique. Les coûts de liquidité viennent affecter le prix. Si on possède les données historiques des cours acheteurs et vendeurs, on peut remédier à cela en estimant les coûts pouvant affecter la valeur par ajout de la moyenne observée de la demi-fourchette à la Value-at-Risk classique. Mais on ne prend pas en compte la variabilité de la demi-fourchette dans le temps. On propose alors de chercher à extraire des données historiques, des informations statistiques relatives aux prix acheteurs et vendeurs, notamment leur volatilité. 58 On sait que le calcul de la Value-at-Risk exploite une distribution de rendements calculée selon différentes méthodes (simulation historique, approche paramétrique, simulation de Monte Carlo). On pourrait donc appliquer les mêmes méthodes pour la distribution des fourchettes de prix, pour calculer la demifourchette la plus défavorable, à un horizon et à un seuil de confiance donnés. On obtient alors un coût de liquidité maximal, qu’on ajoute à la Valueat-Risk standard définie sur le même horizon et pour le même niveau de confiance. La méthode de calcul d’une Value-at-Risk ajustée du coût de liquidité exogène selon la méthode paramétrique, proposée par la Banque de France, est exposée dans l’encadré ci-dessous : Cette méthode nécessite toutefois des échantillons de données importants qui ne sont pas toujours accessibles. Par ailleurs, on surestime le risque de liquidité exogène en effectuant une simple addition entre le risque de cours (VaR) et le coût de liquidité. 59 Bangia et al. [6] ont également suggéré de décrire la liquidité au moyen de la fourchette de prix, et d’ajuster cette donnée afin de prendre en compte le risque de liquidité. Cette nouvelle métrique sera également simplement intégrée au calcul de la Value-at-Risk traditionnelle par une simple somme : VaRL-Adj = VaR + ½ × Mid (Ṥ + aσ) , Avec VaRL-Adj la Value-at-Risk ajustée (Liquidity Adjusted), VaR la Value-at-Risk conventionnelle, Mid le mid-price, Ṥ est la moyenne de la fourchette relative (i.e. divisée par le mid-price), σ est la volatilité de S, et a un facteur permettant d’atteindre une probabilité de couverture du changement de la fourchette relative du niveau de confiance souhaité (ici 99%). Figure 6 : Combinaison du risque de marché et du risque de liquidité. Cette mesure est facile à utiliser du moment où l’on possède les informations relatives au mid-price, et permet d’inclure les fourchettes dans le calcul de la Value-at-Risk, ce qui a pour effet de l’améliorer. Cependant, nous pouvons aussi trouver quelques points faibles à cet ajustement. Ainsi, le fait de considérer le mid-price nous pousse à utiliser des données fictives qui n’existent pas réellement sur les marchés financiers. Détail auquel nous attacherons une grande importance, comme nous le verrons dans le prochain chapitre. Par ailleurs, cette mesure considère les effets du risque de liquidité qu’à travers la fourchette des prix, ignorant l’impact d’un échange de taille importante sur le prix des actifs. Ainsi, à travers cette mesure, bien qu’elle permette de prendre en compte un risque qui est largement ignoré par les intervenants, on sous-estime donc beaucoup le risque de liquidité endogène. 60 Dans ce chapitre, nous avons effectué un rappel sur les mesures de risques qui nous a permis de poser les bases de notre cadre de travail. Nous avons présenté de manière un peu plus détaillée la Value-at-Risk qui est la mesure de risque la plus communément utilisée par les acteurs des marchés financiers. Cette mesure a été utilisée et ajustée de diverses manières afin d’intégrer le risque de liquidité dans l’évaluation du risque global. Cependant, bien que ces ajustements permettent en effet d’intégrer une dimension du risque de marché jusqu’ici largement ignorée, ils présentent des inconvénients non négligeables. Nous allons essayer de proposer dans un dernier chapitre, une nouvelle approche de la gestion du risque de liquidité et nous utiliserons cette approche dans le cadre de la valorisation de portefeuille. 61 62 CHAPITRE IV : UNE NOUVELLE APPROCHE : VALORISATION DE PORTEFEUILLE SELON LA « POLITIQUE DE LIQUIDITE » Bien que les gestionnaires de portefeuille comprennent le risque de liquidité parfaitement et sous tous ses aspects, et savent bien comment le gérer en toutes circonstances, il n’est pas moins vrai qu’il n’y a aucune approche quantitative satisfaisante de ce risque dans la théorie de portefeuille moderne. Non seulement, les notations usuelles utilisées pour appréhender les risques et profits dans la gestion de portefeuille ne sont pas assez riches pour seulement formuler les problèmes des gestionnaires face au risque de liquidité, mais de plus, les hypothèses de la théorie de portefeuille suggèrent implicitement une liquidité parfaite, ce qui rend inappropriés les résultats dans le cas général où le risque de liquidité n’est pas négligeable. Ainsi, aujourd’hui, le management du risque de liquidité demeure un exercice qualitatif, et les outils quantitatifs à disposition ne sont pas réellement appropriés à l’étude de ce risque. Dans ce quatrième chapitre, nous allons présenter une approche du risque de liquidité, apparue dans les travaux de Carlo Acerbi [1, 2, 3], qui consiste non pas à créer des mesures de liquidité et les intégrer dans la théorie existante, mais à étendre et redéfinir les concepts les plus évidents de la théorie de portefeuille au cas où le marché n’est pas parfaitement liquide. Les effets du risque de liquidité seront ainsi capturés par les mesures de risque traditionnelles, dans un panorama financier où ce risque trouvera une formalisation naturelle : la politique de liquidité. Nous intègrerons alors la politique d’investissement de l’entreprise concernant la liquidité dans la procédure de valorisation de portefeuille. Tout au long de ce chapitre, nous illustrerons nos propos avec des exemples concrets. Pour une question de confidentialité, les actifs et portefeuilles utilisés, ainsi que les résultats présentés ne correspondent pas réellement à des données issues de la compagnie. 63 1. Une remarque fondamentale a) Non unicité de la valeur d’un actif Nous avons plusieurs fois évoqué précédemment que les marchés proposent des prix variables pour un même actif, en fonction de la taille de la position et du type de la position (acheteur ou vendeur). Ce constat, d’autant plus vrai en présence de risque de liquidité, rend l’hypothèse souvent utilisée d’une valeur unique Ai d’un actif i seulement compatible avec l’hypothèse d’un marché parfaitement liquide. Ainsi, dans un marché où le risque de liquidité existe, il est important de revoir l’équation qui donne la valeur d’un portefeuille en fonction de la valeur des actifs le constituant. Le formalisme que nous allons présenter repose fondamentalement sur cette notion de non unicité des prix. Nous verrons par la suite que dans un marché non liquide, nous ne pouvons connaître ce qu’est réellement la valeur d’un portefeuille. b) Un portefeuille est un ensemble, pas une somme Cette première observation est importante pour montrer que la théorie de portefeuille n’est pas totalement adaptée à la description du risque de liquidité et nous donne une première piste à creuser. En effet, nous savons qu’un portefeuille P est un ensemble d’actifs (actions, obligations, …) Ai (i=1,..,n) échangés sur le marché, et chacun avec un poids wi : P = { A1,…,A1,A2,…,A2,…,An,…,An} . w1 w2 wn Par ailleurs, les travaux liés théorie de portefeuille utilisent quelquefois comme notation pour définir la valeur d’un portefeuille une somme : n V(P) = ∑ (wi * ai) , i=1 qui est une relation algébrique entre la valeur d’un portefeuille et la valeur des actifs (ai) le composant. Or, il n’est pas tout à fait correct, en présence de risque de liquidité, de considérer la valeur d’un portefeuille comme une combinaison linéaire des valeurs des actifs le composant (à travers, par exemple, l’équation précédente). En effet, la sommation pose problème en présence de risque de liquidité, car elle nécessite l’hypothèse selon laquelle il existe une unique valeur de l’actif i, contradictoire avec l’observation que nous avons faite précédemment. Elle sous entend également que les portefeuilles sont des éléments de l’espace vectoriel 64 défini par les actifs et que la valeur d’un portefeuille est une combinaison linéaire dans l’espace vectoriel défini. Ainsi, dans le cas général d’une situation non liquide, actifs et portefeuilles doivent être considérés comme des concepts distincts qui ne vivent pas dans le même espace vectoriel. Un actif est seulement caractérisé par une liste de cotations à travers l’offre et la demande (le carnet d’ordre), mais n’a pas de valeur définie. Un portefeuille, au contraire, n’est généralement pas échangé sur le marché et n’est donc pas sujet à cotation, mais on peut lui assigner une valeur. Pour formaliser cette notion de manière adéquate, il est important de considérer un portefeuille P et la valeur qu’on peut lui assigner V(P) comme deux notions distinctes avec des notations différentes. 2. Introduction de la notion de « Politique de liquidité » Une seconde observation est essentielle si on veut formaliser le risque de liquidité : la valeur que l’on assigne à un portefeuille donné ne dépend pas uniquement de ses actifs, mais elle est aussi fonction de ce que le gérant de ce portefeuille veut en faire ! Pour illustrer ce propos, nous allons simplement utiliser un exemple concret. Considérons un portefeuille P constitués d’actifs cotés sur un marché actuellement en cruel manque de liquidité, dont la valeur faciale est estimée à hauteur de 500 Millions d’euros. Considérons également deux intervenants du marché, une compagnie d’assurances (CA) et un fonds d’investissement (FI), ayant en leur possession un portefeuille, respectivement PCA et PFI, ayant exactement la même composition que ce portefeuille P. Pour diverses raisons (éthiques, stratégiques, …), FI a adopté une stratégie d’investissement Buy & Hold conservative (conservation du titre acheté sur une période relativement longue, sans tenir compte de la volatilité du titre à court terme) et s’est fixé des contraintes d’endettement. CA a elle subi de plein fouet de récents désastres naturels et des rumeurs ont commencé à circuler sur sa solvabilité. Ces rumeurs ont engendré une vague de rachats massifs des contrats d’assurance vie, et CA a un besoin urgent de liquidités.. Le portefeuille P, ou respectivement PCA et PFI, de même composition, ont-ils la même valeur selon le point de vue de CA ou de FI ? Alors que FI se permet d’attendre pour liquider ses positions sur le marché pour respecter sa stratégie, CA n’a pas le choix car elle doit rembourser ses clients. Ainsi, alors que FI peut attendre que le marché retrouve sa liquidité, CA va être obligée de faire face à ses engagements et son portefeuille porte un réel risque de liquidité. Ce risque va bien évidemment se répercuter sur la valeur du portefeuille. Alors que FI peut clairement proclamer que son portefeuille vaut 500 Millions €, CA devra elle, peut-être se résoudre à liquider son portefeuille à une valeur bien inférieure si elle ne rencontre pas de contrepartie suffisante. 65 Ainsi, nous observons que la valorisation d’un portefeuille n’est pas seulement fonction du portefeuille en question, mais également d’une notion souvent ignorée qui est « Qu’est-ce qu’on a besoin de faire avec ce portefeuille ? ». Cette notion sera appelée par la suite : ‘Politique de liquidité’. Nous allons désormais définir un nouveau cadre de travail pour décrire la théorie de portefeuille en présence du risque de liquidité, basé sur les observations que nous venons de mettre en avant. Il s’agit ici en quelque sorte d’une extension de la théorie au cas général où les marchés ne sont pas parfaitement liquides. 3. Formalisation générale des concepts de base a) Les actifs Un actif est un produit financier coté sur un marché à travers l’offre et la demande. Une unité d’actif correspond à un montant standard (ex : 100€). De manière générale, il existe simultanément plusieurs prix indiqués à l’offre t plusieurs prix indiqués à la demande, pour un même actif, avec des quantités maximales offertes ou demandées qui y sont liées. Ainsi, à l’instant t, l’information qui caractérise un actif n’est pas un simple prix (valeur) ou deux prix (valeur de l’offre et valeur de la demande) mais la liste complète des prix offerts et demandés ainsi que les quantités maximales échangeables associées aux différents prix. La seule hypothèse que nous maintenons est l’absence d’opportunité d’arbitrage, c’est-à-dire que tous les prix liés à la demande (achat) sont inférieurs au prix minimum lié à l’offre (vente). Considérons un exemple : cas de l’action Mr. Bricolage (faible capitalisation boursière, i.e. Small Cap) 66 Le carnet d’ordre peut être observé en haut à gauche, et nous voyons ici que les prix liés à l’offre et à la demande sont bien ordonnés. Il existe donc bel et bien une liste de prix, dont les quantités associées sont également affichées. Les limites affichées sont ici 3141 actifs à la vente (somme des ordres du coté de la demande) et 2609 à l’achat (somme des ordres du coté de l’offre). Le dernier prix auquel s’est effectué un échange est 12,56€, information que l’on peut retrouver sur le premier snapshot, lié à la description de l’actif. Nous pouvons sans difficulté émettre l’hypothèse selon laquelle un échange s’effectue aux meilleurs prix disponibles, jusqu’à ce que la taille soit atteinte. Ainsi, dans l’exemple de l’action Mr. Bricolage, si on veut acheter 1000 actions sur le marché, cela nous coûtera : 150×12,8 + 281×12,93 + 150×12,94 + 390×12,97 + 29×13 = 12 929,63 €. 67 L’information du marché relative à un actif à un instant donné peut être résumée par la Courbe Marginale de l’Offre et de la Demande (MSDC : Marginal Supply-Demand Curve). Pour construire cette courbe, on considère un réel s Є . Un échange de taille s, par convention, correspond à une vente de s unités d’actif si s ˃ 0 ou un achat de |s| unités d’actif si s < 0. La fonction MSDC : s → m(s) sera définie comme le dernier prix atteint (d’où le mot ‘marginal’) lors d’un échange de taille s et correspondra donc au prix de l’offre ou de la demande selon le signe de s. La construction de la courbe MSCD correspondant à l’exemple précédent est donnée ci-dessous (Table et Courbe) : Dans ce cas, il s’agit d’une fonction constante par morceaux. Cela est toujours le cas, par construction, lorsque les prix sont côtés pour un échange de taille finie. Pour des raisons de modélisation, nous pourrons également considérer des courbes MSDC strictement décroissantes, correspondant à des cotations continues pour des quantités infinitésimales. Nous pouvons construire ce type de courbe à partir des courbes MSDC constantes par morceaux. Nous pouvons également noter que ces courbes ne sont pas définies en s = 0. En effet, la notion de ‘prix moyen’ (mid-price) est exclue de notre formalisme. Les courbes MSDC sont construites seulement à partir de prix réellement exprimés par les acteurs du marché, alors que le mid-price n’existe réellement sur aucun marché. Nous faisons donc totalement abstraction de cette notion fictive. 68 Au-delà de la profondeur du marché, les courbes MSDC peuvent être prolongées en considérant des cas fictifs de ‘plus mauvaises’ cotations pour l’offre et la demande, qui sont généralement +∞ et -∞. Nous pouvons résumer ce raisonnement par la définition suivante : Définition 1 : Un Actif A est un objet échangé sur le marché sous forme d’unités standard. A un instant t, il est caractérisé par une Courbe Marginale de l’Offre et de la Demande (MSDC) définie comme une fonction m : \ {0} → [-∞, +∞] satisfaisant : m est décroissante, m est càd-làg pour s < 0 et làd-càg pour s > 0. Les limites m+ := m(0+) et m- := m(0-) seront appelées respectivement meilleure demande et meilleure offre et leur différence δm := m- - m+ ≥ 0 est appelée la fourchette. La première condition n’est pas une hypothèse restrictive. En effet, les courbes MSDC sont décroissantes par construction car nous avons choisi de trier les cotations par ordre décroissant, en plaçant les meilleures offres ainsi que les meilleures demandes près de l’origine s = 0. La seule hypothèse que nous avons émise est l’absence d’opportunité d’arbitrage. La seconde condition n’est pas très pertinente au sens strict, mais est nécessaire du fait de la construction des courbes à partir des cotations du marché. En effet, les quantités financières pertinentes sont seulement issues d’intégrales des courbes MSDC sur lesquelles cette condition n’a aucun effet. Un lecteur non averti qui considère cette définition comme trop mathématique peut simplement s’imaginer cette courbe comme n’importe quelle fonction décroissante définie pour tout s ≠ 0 et dont les valeurs peuvent être réelles ou infinies. Une courbe MSDC n’est en effet rien d’autre que la liste des cotations à l’instant t tracée de manière décroissante comme des segments horizontaux, et dont la longueur représente les quantités offertes pour chaque cotation. Considérant qu’un actif peut être complètement défini par sa courbe MSDC à l’instant t, la pertinence de la notion de valeur pour un actif s’attenue quelque peu. En effet, un actif a plusieurs prix, mais pas de valeur. Il est également important de noter que l’opération addition de deux actifs n’est pas définie. En effet, étant donnés deux actifs A1 et A2, nous pouvons être tentés de définir A1 + A2 comme un package contenant les actifs 1 et 2. Cependant, un tel package n’est généralement pas côté sur le marché et on ne peut donc en déduire une courbe MSDC. Un investisseur qui détient A1 et A2 et qui veut les échanger devra trouver séparément un acheteur pour A1 et un acheteur pour A2. L’ensemble de tous les actifs n’est donc pas un espace vectoriel car il n’est pas fermé pour les combinaisons linéaires. On comprend maintenant pourquoi la définition de la valeur d’un portefeuille par une somme de ses actifs dans la théorie de portefeuille est incorrecte en présence de risque de liquidité. Il ne peut être défini par une relation 69 entre les valeurs des actifs le composant car un actif n’a pas de valeur réellement définie. Il ne peut être défini comme une addition des actifs car la notion d’addition n’existe pas entre les actifs. Considérons maintenant l’exemple de l’Euro, qui est un actif particulier : Définition 2 : L’Euro est un actif particulier A0 qui représente la monnaie payée ou reçue lors de l’échange de n’importe quel actif. Il est caractérisé par une courbe MSDC constante et égale à 1 pour tout s Є \ {0} : mo(s) = 1. L’Euro (la monnaie) est le seul actif parfaitement ‘liquide’, par définition. Tout actif pour lequel existent différents prix pour des échanges de tailles différentes sera considéré comme ‘illiquide’. L’Euro correspond à l’argent comptant. A partir de ces deux définitions de base, nous pouvons maintenant définir un marché financier : Définition 3 : Un Marché est un ensemble fini d’actifs M = {A0, A1, …, AN} qui contient en particulier l’Euro, A0. La dynamique d’un actif du marché sera décrite par un processus dans le temps dont les valeurs appartiennent à l’espace des courbes MSDC. La série temporelle d’un actif sous les conditions de risque de liquidité ne sont plus un historique de nombres réels, mais un historique d’une fonction à valeurs réelles. La définition des actifs par les courbes MSDC est très commode pour exprimer le résultat financier d’un échange de taille s pour un actif donné : Définition 4 : La Recette (Proceeds) issue d’un échange de s actifs A est donnée par : s P(s) = ȓ m(x)dx , 0 et représente le nombre d’Euros reçus (ou payés, selon si s est négatif) pour la réalisation de l’échange. Par exemple, si on considère l’action Mr. Bricolage utilisée pour la description des MSDC : • La vente de 1000 actions génère un résultat de : 1000 P(s) = ȓ m(x)dx 0 = 25×12,6 + 119×12,56 + 100×12,55 + 500×12,5 + 165×12,3 + 91×12,26 = 12 459,8 €. 70 • Alors que l’achat de 1000 actions coûte : -1000 P(s) = ȓ m(x)dx = 12 929,63 €. 0 L’utilisation des courbes MSDC pour définir les actifs dans des conditions de marché non liquide n’est pas nouvelle. En effet, dès 2004, Cetin, Jarrow et Protter [9] ont introduit la notion de Courbe de l’Offre et de la Demande (SDC : Supply Demand Curve), non-marginales. La différence entre les courbes MSDC et les courbes SDC n’est qu’une question de convention. Dans notre cas, l’utilisation de courbes marginales nous permettra de manipuler plus aisément la notion de valorisation de portefeuille (cf IV.3.b)). La relation entre les courbes SDC, S(s), et les courbes MSDC, m(s), est la suivante : S(-s) = P(s) / s , où S(s) est le prix moyen unitaire atteint lors d’un échange de taille s, et la convention de signe pour s est opposée à la convention adoptée ici. Après avoir décrit de manière formelle les actifs en présence de risque de liquidité, nous allons effectuer le même type de formalisation à propos des portefeuilles. b) Les portefeuilles Nous avons vu qu’un portefeuille correspond à la détention de plusieurs actifs. Une notation adéquate pour un portefeuille peut ainsi être simplement un vecteur de réels décrivant le nombre de chaque actif du marché au sein du portefeuille en question. Ainsi, si on considère par exemple un marché M = {A0, A1, A2, A3} formé par les actifs A0 = Euro, A1 = Action Mr. Bricolage, A2 = Obligation du Trésor Français et A3 = Obligation du Trésor Portugais, alors, un portefeuille P contenant 1000 Euros, 100 Actions Mr. Bricolage, 20 Obligations du Trésor Français et 10 Obligations du Trésor Portugais sera noté P = (1000, 100 ,20, 10). Les opérations d’addition et de multiplication par un scalaire sont bien définies en ce qui concerne les portefeuilles. Soient P et Q deux portefeuilles, l’union de ces deux portefeuilles est également un portefeuille, de même que le portefeuille obtenu en multipliant toutes les positions du portefeuille P par un facteur α Є Ɍ, i.e. le vecteur αP. Autrement dit, étant donné un marché M = {A0, A1, …, AN}, l’espace P des portefeuilles et n+1 sont isomorphes et P hérite donc naturellement d’une structure d’espace vectoriel, et { A0, A1, …, AN} est une base de cet espace. 71 Nous pouvons maintenant définir un portefeuille de manière formelle : Définition 5 : Un Portefeuille est un vecteur P = (p0, p) = (p0, p1, …, pN) Є N+1, où p0 est la ‘liquidité du portefeuille’ et p := (p1, …, pN) Є N est la ‘position en actifs’. L’espace P ≈ N+1 est doté d’une structure d’espace vectoriel, pour les opérations addition et multiplication par un scalaire. Dans toute la suite, les portefeuilles seront notés en gras et en lettres majuscules (P, Q, …) ou ainsi (p0, p), (q0, q) où p0 et q0 sont les composantes parfaitement liquides et p et q sont les vecteurs des composants illiquides. Les portefeuilles contenant uniquement une composante liquide (a, 0) sera également noté a de sorte que les expressions du type p + a veulent bien signifier p + (a, 0). Il est également important de ne pas confondre un actif, A1, avec le portefeuille uniquement composé de cet actif (0, 1, 0, …, 0). Si on confond ces deux notions, on serait tenté de dire que les actifs vivent dans un espace vectoriel également, oubliant cette différence cruciale. Lorsque l’on effectue la somme de tels portefeuilles, on ne somme pas des actifs. Un portefeuille est un ensemble d’actifs alors qu’un actif est une liste de cotations de marché. La question est maintenant de savoir, étant donné un portefeuille P, quelle est sa valeur ? En effet, une fois que nous avons dit que l’équation dans la théorie de portefeuille décrivant la valeur d’un portefeuille comme la combinaison linéaire de ses actifs était incorrecte, il n’apparaît pas de réponse évidente à cette question. Pour y répondre, étendons également la notion de ‘Mark-to-Market’ (MtM) au cas général où le marché rencontre des problèmes de liquidité. La Mark-to-Market value correspond à la comptabilisation de la valeur d’un actif financier au prix de marché prévalant au moment de l’évaluation, par opposition à une valorisation au coût historique. Considérons un portefeuille P. Une première intuition est de déterminer la valeur du portefeuille comme étant la recette totale issue de la liquidation du portefeuille sur le marché. Cette recette se calcule à partir de la structure des prix des courbes MSDC des différents actifs du portefeuille : Définition 6 : La Liquidation d’un portefeuille P Є P, est le montant en Euros issu de la Recette de la vente de P, et est donnée par : N pi L(P) =∑ ( ȓ mi(x)dx). i=0 0 Nous pouvons remarquer cependant qu’interpréter L(P) comme la valeur du portefeuille P est un point de vue très prudent. En effet, L(P) est la somme que nous pouvons obtenir immédiatement si on liquide le portefeuille et il s’agit donc d’une politique d’évaluation à utiliser seulement dans le cas où, pour 72 quelque raison que ce soit, les positions détenues au sein du portefeuille doivent être clôturées de manière immédiate. Un second point de vue, par opposition au premier, serait de valoriser le portefeuille en tenant compte uniquement des meilleurs prix (meilleures demandes et meilleures offres selon la position détenue au sein du portefeuille). Cette pratique, qui est très répandue sur les différentes places de marché, est beaucoup moins prudentielle car ne tient en aucun cas compte de la profondeur des offres relative aux prix utilisés, sans aucun respect de la position à valoriser. Définition 7 : La plus haute (Uppermost) Mark-to-Market value d’un portefeuille P Є P, est définie par : N U(P) = ∑ (mi+ × (pi)+ - mi- × (pi)-) , i=0 avec (.)+ = max(., 0) et (.)- = -min(., 0) les fonctions partie positive et partie négative, à ne pas confondre avec mi+ et mi- qui sont les meilleures demande et offre de l’actif Ai. La fonction U peut être, à l’instar de la fonction L, une candidate pour la valorisation d’un portefeuille, mais elle apparaît clairement appropriée seulement aux cas où, pour quelque raison que ce soit, aucune portion du portefeuille ne sera liquidée. Si une portion du portefeuille doit nécessairement être liquidée, alors il apparaîtra que la valorisation selon la fonction U était bien trop optimiste. Une autre méthode, que nous n’utilisons pas ici, est une pratique encore plus répandue de valorisation au prix de marché. Il s’agit de la méthode qui consiste à valoriser chaque actif selon le mid-price. Cette méthode conduirait à une valorisation encore plus optimiste que la fonction U, et, pour les raisons invoquées un peu plus haut, nous considérons cette pratique comme totalement erronée. Les prix moyens n’existant pas sur le marché, il ne s’agirait pas ici de Mark-to-Market, mais de valorisation selon des données fictives, et nous nous contenterons d’oublier cette approche, la considérant comme un reliquat de formalisme passé et inapproprié à la modélisation du risque de liquidité. Nous avons donc présenté deux fonctions de valorisation de portefeuilles L et U, mais chacune candidate seulement sous des circonstances spécifiques et diamétralement opposées. Ainsi, L est une fonction de valorisation candidate pour une attitude extrêmement prudente, qui considère un impact maximal de la non liquidité d’un marché sur un portefeuille qui doit être liquidé de manière subite. U représente quant à elle une attitude extrêmement permissive qui néglige tout à fait les impacts de la liquidation. Afin de construire une fonction de valorisation, qui serait appropriée au cas général, dans des circonstances moins extrêmes, il s’agit tout d’abord de définir de manière mathématique les circonstances elles-mêmes, ou plus simplement, les contraintes possibles sous lesquelles un portefeuille est géré. 73 Cela nous conduira tout droit a la notion de Politique de liquidité, qui est l’élément manquant dans la théorie de portefeuille et essentiel afin de valoriser un portefeuille en présence de risque de liquidité. Avant cela, nous allons donner quelques propriétés des deux fonctions que nous avons définies ci-dessus, et introduire la notion de Coût de Liquidation. La différence C = U – L défini une fonction positive C(P) ≥ 0 qui peut être interprétée comme le coût de liquidation du portefeuille P, car elle correspond à la mesure de la différence engendrée par une liquidation subite comparée à une valorisation optimiste par la fonction U : Définition 8 : Le Coût de Liquidation d’un portefeuille P Є P, est défini par une fonction positive : C(P) = U(P) - L(P) ≥ 0. Preuve : Il est élémentaire de vérifier que, pour tout P Є P, U(P) ≥ L(P), car à la vente, m(x) ≤ m-, et à l’achat, m(x) ≥ m+, pour tout actif Ai du marché. □ Nous allons maintenant aborder quelques propriétés des fonctions L, U et C, qui nous servirons à la formalisation mathématique de la Politique de liquidité. c) Quelques propriétés des fonctions L, U et C Considérons tout d’abord la fonction L. Cette fonction occupe une place fondamentale dans notre formalisation. En effet, cette fonction n’est pas seulement utilisée lors d’une liquidation subite, mais à chaque échange effectué. Considérons la détention d’un portefeuille P. Si à l’instant t, nous vendons un portefeuille R, alors il est trivial que nous recevions un montant L(R) en Euros. Alors, notre portefeuille devient : Pt+ǫ = Pt – R + L(R). En posant Q = -R, alors, si au lieu de vendre un portefeuille R à l’instant t, on achète un portefeuille Q, alors on paye –L(-Q) Euros : Pt+ǫ = Pt – (-Q) + L(-Q) = Pt + Q – (-L(-Q)). Ces deux cas triviaux ne diffèrent uniquement que par le choix du signe du portefeuille échangé, car vendre un portefeuille –Q est clairement la même chose qu’acheter un portefeuille Q. Ces deux relations permettent d’établir une relation entre un portefeuille Pt et tous les portefeuilles Pt+ǫ qui peuvent être obtenus à partir de Pt en échangeant à la vente (R) ou à l’achat (Q) sur le marché : 74 Définition 9 : Un portefeuille Q est dit Atteignable à partir de P s’il existe un portefeuille R Є P, tel que : Q = P – R + L(R). On note dans ce cas Q Є Att(P). Evoquons désormais les propriétés mathématiques des fonctions L, U et C, qui sont valables généralement sans hypothèses contraignantes de marché : Proposition 1 : Soient P, Q Є P, α Є [0, 1] et λ ≥ 1 : • La fonction L : P → est concave, et positivement sous-homogène L(αP + (1- α)Q) ≥ αL(P) + (1- α)L(Q), L(λP) ≤ λL(P). • La fonction U : P → est concave, et positivement homogène U(αP + (1- α)Q) ≥ αU(P) + (1- α)U(Q), U(λP) = λU(P). • La fonction C : P → + est convexe, et positivement super-homogène C(αP + (1- α)Q) ≤ αC(P) + (1- α)C(Q), C(λP) ≥ λC(P). Preuve : Les fonctions L, U et C sont continues. D’après les Définitions 6, 7 et 8, on peut décomposer les fonctions L, U et C de la manière suivante : xi F(P) = ∑ fi(xi), avec fi(xi)= ȓ gi(x)dx, N i=0 0 pour certaines fonctions gi : → , précisément : giL(x) = mi(x), giU(x) = mi+ θ(x) + mi- θ(-x) avec θ la fonction de Heaviside, et giC = giU - giL, Ces fonctions gi sont décroissantes dans les cas L et U, et croissantes dans le cas C, par construction. 75 On peut alors en déduire que les fonctions L et U sont concaves et C est convexe, car une fonction décomposable est concave (respectivement convexe) si et seulement si chacun de ses composants est concave (respectivement convexe). Pour montrer les propriétés d’homogénéité positive de ces fonctions, considérons le Lemme suivant : Lemme : Soit f : Alors : N+1 → , une fonction convexe avec f(0) = 0 et λ ≥ 1. f(λx) ≥ λf(x). Preuve : Soit µ = 1/λ Є [0,1]. Alors : λ f(x) = λ f(µλx + (1- µ)0) ≤ λµ f(λx) = f(λx). □ Ainsi, après multiplication par un scalaire P → λP, les résultats concernant les fonctions L et C découlent du lemme précédent, alors que le résultat concernant la fonction U est élémentaire d’après la Définition 7. □ Les propriétés énoncées ci-dessus apparaissent naturelles. En effet, lorsque l’on dilate un portefeuille P → λP (λ ≥ 1), alors U(λP) s’accroît proportionnellement, car on multiplie simplement les meilleurs prix par le coefficient de dilatation. La liquidation L(λP) croît mais de manière moins forte car les prix diminuent au fil du carnet. Et donc, les coûts de liquidation C(λP) croissent de manière plus forte. Si on effectue une combinaison convexe des portefeuilles P et Q, comme suit (αP + (1- α)Q) on note également facilement que les fonctions L et U sont concaves, alors que C est convexe. Chacune de ces trois propriétés démontre les bénéfices de la diversification de portefeuille d’un point de vue de la liquidité : la valeur (L et U) du portefeuille diversifié est plus grande que la somme des valeurs des portefeuilles séparés, et inversement, les coûts de liquidation du portefeuille diversifié sont plus faibles que la somme des coûts de liquidation des deux portefeuilles séparés. C’est ce qu’on appelle communément l’effet de granularité. Le fait de ‘mixer’ deux portefeuilles réduit la granularité des positions larges et cela a un effet positif dans des conditions de marché illiquide. Nous verrons que le formalisme que nous construisons prend très bien en compte cette notion. 76 Illustrons simplement les points importants de cette première proposition avec des exemples concrets. Nous utiliserons pour cela les définitions évoquées depuis le début de ce chapitre. Considérons un Marché M (Définition 3) contenant les actifs suivants : Considérons les portefeuilles suivants : Ainsi (Définition 5) : P1 = (0, 0, 510.000, 0, 0, 0, 1.000.000, 0, 10.000, 2.250.000, 750.000, 30.000, 0, 3.750.000, 1.500.000, 200.000, 0, 0, 0, 0, 0), P2 = 2 x P1, P3 = 3 x P1, P4 = 4 x P1, et P5 = 5 x P1. 77 A partir de la reconstitution des carnets d’ordres par prix décroissants (vous trouverez les snapshots Bloomberg de l’ensemble des actifs considérés en Annexe 3), ainsi que la construction des courbes MSDC (Définition 1), il est alors aisément possible de calculer les valeurs liées à une valorisation selon les fonctions U (Définition 7) et L (Définition 6), ainsi que les coûts de liquidation (Définition 8) : Nous pouvons alors, à partir des ces exemples, illustrer certaines propriétés des fonctions U, L et C énoncées précédemment. Ainsi, on remarque aisément que : U(P2) = 2 x U(P1), U(P3) = 3 x U(P1), U(P4) = 4 x U(P1), et U(P5) = 5 x U(P1). De même : L(P2) ≤ 2 x L(P1), L(P3) ≤ 3 x L(P1), L(P4) ≤ 4 x L(P1), et L(P5) ≤ 5 x L(P1). 78 Enfin, les coûts de liquidation croissent donc plus fortement que linéairement : Pour illustrer les propriétés de concavité des fonctions de valorisation et de convexité du coût de la liquidité, considérons également les portefeuilles suivants : 79 On procède alors aux mêmes calculs que précédemment (U, L et C) : On effectue alors une combinaison linéaire convexe des portefeuilles P5 et Q10, en prenant pour paramètre α = 0.8 et on compare alors les valeurs suivantes : L(0.8 x P5 + 0.2 x Q10) et 0.8 x L(P5) + 0.2 x L(Q10), U(0.8 x P5 + 0.2 x Q10) et 0.8 x U(P5) + 0.2 x U(Q10), et C(0.8 x P5 + 0.2 x Q10) et 0.8 x C(P5) + 0.2 x C(Q10). On obtient les résultats suivants : Ainsi, la combinaison des portefeuilles que nous avons effectuée est un exemple simple qui permet d’illustrer la concavité de U et L, ainsi que la convexité de C. 80 Nous énonçons maintenant un autre résultat important, avant d’aborder la notion de Politique de liquidité : Lemme 1 : Soit Q Є Att(P) alors U(Q) ≤ U(P). Preuve : D’après la définition d’un portefeuille atteignable (Définition 9), on a : Q = P – R + L(R). Donc, U(Q) = U(P – R + L(R)) = U(P - R) + L(R) d’après les propriétés de U (Proposition 1). On note FP(R) : = U(P - R) + L(R). FP(R) est concave en R. Montrons maintenant que cette fonction atteint un maximum en R = 0. Pour cela, calculons les dérivées à gauche et à droite par rapport à ri : i i + - FP(R) = FP(R) = - mi(0+) + mi(ri+) si ri < pi - mi(0-) + mi(ri+) si ri ≥ pi - mi(0+) + mi(ri-) si ri ≤ pi - mi(0-) + mi(ri-) si ri > pi qui sont respectivement négative et positive en r=0. □ Ce lemme signifie qu’il n’est pas possible d’accroître la valeur U d’un portefeuille simplement en échangeant sur le marché une part de ce portefeuille. En effet, pour chaque obtention d’un nouveau portefeuille Q Є Att(P), on impacte nécessairement le marché en réduisant la valeur finale U. Ce lemme nous rappelle donc qu’il est préférable d’échanger des quantités plus faibles lorsque le marché souffre d’absence de liquidité. Ce fait sera parfaitement illustré dans la dernière section de ce chapitre, concernant la valorisation de portefeuille. Formalisons maintenant mathématiquement cette notion dont nous vous parlons depuis le début, et que nous présentons comme essentielle dans notre cadre de travail : ‘La Politique de liquidité’. 81 4. La Politique de liquidité Nous avons abordé plusieurs fois le fait qu’un portefeuille n’a pas la même valeur selon ce que son manager veut en faire, ou selon les contraintes qu’on lui impose. Nous avons également vu que les fonctions L et U pouvaient être des candidates adéquates sous des circonstances précises. Une valorisation d’un portefeuille doit être appropriée à différents niveaux de profondeur du marché selon les contraintes imposées par la liquidité. Afin de donner un sens mathématique à ces contraintes, nous allons maintenant introduire la notion de Politique de liquidité. Nous définissons une Politique de liquidité comme un sous ensemble L Ϲ P de l’espace des portefeuilles P. Si un portefeuille P Є L, alors on dit que P vérifie la Politique de liquidité L ou encore que P est L-liquide. Cependant, tous les sous-ensembles de P ne sont pas des politiques de liquidité. Pour qu’un sous-ensemble soit une Politique de liquidité, certaines hypothèses doivent être vérifiées : Proposition 2 : Soient P Є P un portefeuille et L Ϲ P une politique de liquidité : • Si P satisfait la politique de liquidité L, alors si on ajoute des liquidités (Euros) à P, il vérifiera encore L. • Si P satisfait la politique de liquidité L, alors si on réduit toutes ses positions illiquides par un facteur commun, il vérifiera encore L. • Tout portefeuille obtenu par ‘association’ de deux portefeuilles qui satisfont L, vérifie L également. Ces propriétés sont induites par la définition de la politique de liquidité. En effet, il est nécessaire d’avoir un montant minimum de liquidités au sein de son portefeuille afin de contrebalancer la taille des positions non liquides. Cependant, cette limite ne sera jamais atteinte en ajoutant seulement des liquidités au portefeuille ou en réduisant la taille des actifs illiquides de manière proportionnelle. La troisième propriété est une simple hypothèse de convexité sur L. Tout portefeuille appartenant au ‘segment’ entre deux portefeuilles L-liquides l’est également. 82 Formellement, on obtient donc : Définition 10 : Une Politique de liquidité L Ϲ P est un sous ensemble fermé et convexe de l’espace des portefeuilles P satisfaisant : i. Si P Є L, et a ≥ 0, alors P + a Є L, ii. Si P = (p0, p) Є L, alors (p0, 0) Є L. Notons également qu’étant donnée la convexité de L, on pourrait remplacer le ii. par : ii.bis. Si P = (p0, p) Є L, alors tout (p0, µp) Є L pour tout µ Є [0,1]. Nous allons maintenant aborder quelques propriétés de comparaison entre différentes politiques de liquidité : Proposition 3: Soient (L1, L2) Є P2, deux politiques de liquidité : L1 est plus restrictive que L2 si L1 Ϲ L2. Suite à cette proposition, il est facile de remarquer que la Politique de liquidité la moins restrictive est la Politique de liquidité associée à l’opérateur U : LU = P. A contrario, une autre Politique de liquidité particulière est définie par la politique liée à l’opérateur L : LL = {P = (p0, p) Є P | p = 0}, qui est la Politique de liquidité orientée ‘Euro’. Nous reviendrons sur cette remarque et nous en apporterons une preuve par la suite. Il est également remarquable ici qu’il n’est pas possible d’imaginer une Politique de liquidité qui soit la plus restrictive possible. En effet, pour toute Politique de liquidité L, il est possible de définir une Politique de liquidité qui soit plus restrictive que L, à savoir : La = {P + a | P Є L, a ˃ 0}, et on a bien La Ϲ L. 83 On peut imaginer de nombreux exemples de politiques de liquidité dans la pratique du management financier. Exemple : Imaginons un fonds mutuel investi en exclusivité sur des actifs risqués pour une valeur V (ex. : 1 Mds €). Supposons que la brochure du fonds indique que l’on doive être prêt à liquider un certain pourcentage x (ex. : 20%) d’actifs risqués immédiatement en cas de demande d’un certain nombre d’investisseurs pour récupérer leur investissement. Dans ce cas, la Politique de liquidité est très facile à définir. Il s’agit de tous les portefeuilles contenant au moins un montant c = V × x % (ex. : 0,2 Mds €) de liquidité : Lc = {P = (p0, p) Є P | p0 ≥ c}. Notons ici que le fonds ne doit pas satisfaire la Politique de liquidité à tout instant. Il serait absurde de conserver 20% des actifs en Euros. Le fonds doit seulement être préparé à satisfaire la Politique de liquidité en cas de demande, dans le sens où sa NAV doit rendre possible une telle liquidation. Les politiques de liquidité de cette forme sont dites de type Cash, avec un montant minimal c Є requis. Exemple : On peut également considérer les capitaux minimum requis des banques, demandés par les organes régulateurs sont des politiques de liquidité. Supposons que le portefeuille P d’une banque soit constitué du portefeuille PA de l’actif et du portefeuille PP du passif. Le ‘capital’ de la banque est essentiellement la valeur de liquidation de -PP , L(-PP). La condition requise est que le capital soit au moins aussi grand qu’une mesure du risque des actifs de la banque, ρ(PA). Si ρ est une mesure convexe, alors cette condition représente une Politique de liquidité : LCR = {P = PA + PP Є P | L(-PP) ≥ ρ(PA)}. Dans certains cas, la Politique de liquidité se doit d’être respectée à tout instant, alors que dans d’autres cas moins contraignants, il se peut qu’il s’agisse d’un portefeuille qui doit être préparé à respecter une certaine Politique de liquidité. Dans ce dernier cas, on parlera de d’un portefeuille sujet à satisfaire L. Cette nuance sera développée à travers la notion de ‘Valeur de portefeuille’. Les conditions sur les capitaux requis pour faire face à des évènements remarquables tels que les Ratios (de Solvabilité ou de Liquidité) imposés par lés régulateurs peuvent donc être vus comme des politiques de liquidité : ratios McDonough et Cooke, ratio « Tier 1 », LCR, NSFR, … 84 5. La valorisation de portefeuille sous ce nouveau formalisme Nous allons nous intéresser maintenant à la raison essentielle de ce nouveau formalisme et à la question cruciale suivante : Quelle est la valeur d’un portefeuille P sujet à une Politique de liquidité L, dans un marché non liquide ? Afin de répondre à cette question, Acerbi [2] défini une procédure d’évaluation au marché (MtM) qui explore la liquidité du marché jusqu’à la profondeur imposée par la Politique de liquidité. Ainsi, la valorisation du portefeuille tiendra compte de l’effet potentiel de liquidations futures afin de satisfaire à la Politique de liquidité, en cas de nécessité. Cette procédure peut se définir comme suit : Soit un portefeuille P Є P, sujet à satisfaire une Politique de liquidité L Ϲ P : • Si P satisfait en lui-même à la Politique de liquidité L (P Є L), alors il peut être valorisé sans précaution supplémentaire. On pourra alors le valoriser par la fonction la moins restrictive, à savoir lui attribuer sa valeur U(P). • Si, par contre, P ne satisfait pas les restrictions imposées par la Politique de liquidité L (P Є L), alors nous allons considérer tous les portefeuilles atteignables à partir de P et satisfaisant la politique de liquidité L (Q Є Att(P) ∩ L). S’il est demandé au manager de portefeuille d’être en adéquation avec la Politique de liquidité, alors il pourra convertir P en n’importe quel portefeuille Q. Nous interprèterons alors la valeur de P comme la valeur maximale de U(Q), pour les Q Є Att(P) ∩ L. Le portefeuille optimal Q* pour lequel U(Q*) atteint son maximum sera interprété le portefeuille le plus adéquat pour satisfaire à la Politique de liquidité. • Enfin, si P ne satisfait pas les restrictions imposées par la Politique de liquidité L, et qu’il n’existe aucun portefeuille atteignable à partir de P et satisfaisant la Politique de liquidité L (i.e. Att(P) ∩ L = Ø) alors il n’est pas possible de satisfaire aux exigences de la politique de liquidité sans injecter de l’argent frais provenant d’une autre source. Le portefeuille n’est donc pas adapté à L et nous lui attribuerons une valeur -∞ dans notre formalisme. 85 Nous pouvons alors caractériser la valeur d’un portefeuille de la manière suivante : Définition 11 : La Valeur VL(P) d’un portefeuille P Є P, sujet à une Politique de liquidité L Ϲ P est une fonction VL : P → U {-∞} définie par : VL(P) = sup {U(Q) | Q Є Att(P) ∩ L}. Cette définition récapitule les trois cas de la procédure définie précédemment. D’après le Lemme 1, VL(P) = U(P) si P Є L. De plus, par convention de la fonction sup, VL (P) = -∞ lorsque Att(P) ∩ L = Ø. Illustrons ces derniers résultats et appliquons cette procédure avec un nouvel exemple. On considère toujours le Marché M évoqué précédemment (vous pouvez retrouver l’ensemble des actifs de ce marché en Annexe 3), mais nous allons tenter de valoriser le portefeuille R suivant : Avec ce portefeuille, nous allons chercher à satisfaire différentes politiques de liquidité de type Cash. Nous avons calculé les valeurs de ce portefeuille selon les fonctions U et L, ainsi que le coût d’une liquidation totale de ce portefeuille sur le marché : 86 Nous allons maintenant soumettre ce portefeuille aux politiques de liquidité suivantes : - L400.000 L800.000 L1.200.000 L1.600.000 L2.000.000 = {P = (p0, p) Є P | p0 ≥ 400.000} = {P = (p0, p) Є P | p0 ≥ 800.000} = {P = (p0, p) Є P | p0 ≥ 1.200.000} = {P = (p0, p) Є P | p0 ≥ 1.600.000} = {P = (p0, p) Є P | p0 ≥ 2.000.000} D’après la procédure établie, le portefeuille R ne satisfaisant pas à ces politiques de liquidité, il s’agit de procéder à la recherche de tous les portefeuilles atteignables à partir de R, et satisfaisant à ces politiques de liquidité. Nous interpréterons alors la valeur de R comme la valeur maximale de U(R_i) pour R_i Є Att(R) ∩ Li. En l’absence de portefeuille pouvant répondre à ces exigences, nous attribuerons la valeur -∞ . Afin de trouver le portefeuille optimal R_i*, pour lequel U atteint son maximum pour chaque politique de liquidité Li, nous avons mis en place une procédure de calcul, dont les détails sont présentés en Annexe 4. Voici les résultats obtenus : 87 Nous avons également calculé les valeurs de U et L, ainsi que C pour chaque portefeuille optimal. Nous pouvons noter que dans les cas évoqués ci-dessus, il existe toujours un portefeuille optimal. Ainsi, d’après la Définition 11, nous obtenons les valeurs suivantes : - VL400.000(R) = 2.429.113.060 euros VL800.000(R) = 2.428.964.826 euros VL1.200.000(R) = 2.428.589.686 euros VL1.600.000(R) = 2.427.896.266 euros VL2.000.000(R) = 2.426.856.039 euros La composition des portefeuilles optimaux est visible sur le graphique suivant : 88 Ces résultats permettent d’illustrer de nombreux points importants de notre formalisme. Tout d’abord, le Lemme 1 est parfaitement illustré ici : en effet, les portefeuilles R_i sont tous atteignables à partir de R, et de plus, ils sont respectivement atteignables à partir de celui qui le précède. Ainsi, on observe une décroissance de la fonction U : U(R) ≥ U(R_1*) ≥ U(R_2*) ≥ U(R_3*) ≥ U(R_4*) ≥ U(R_5*) Par ailleurs, nous pouvons noter que lorsque l’on soumet un portefeuille à des politiques de plus en plus restrictives, la valeur selon la fonction U décroît tandis que celle de la fonction L reste constante. Cela semble cohérent, étant donné que la valorisation L est la plus prudente, et ne variera donc pas lorsque l’on est amené à liquider une partie du portefeuille pour satisfaire à certaines contraintes, tandis qu’une valorisation optimiste verra inéluctablement son résultat décroître sous contraintes. Une propriété importante découle de la définition de la Valeur d’un portefeuille sujet à une politique de liquidité (Définition 11) : Proposition 4 : Soient (L1, L2) Ϲ P2, deux politiques de liquidité : • Si L1 est plus restrictive que L2 (i.e. si L1 Ϲ L2) alors VL1(P) ≤ VL2(P) pour tout P Є P. • Pour toute Politique de liquidité L Ϲ P et pour tout portefeuille P Є P, L(P) ≤ VL(P) ≤ U(P). Preuve : Le premier point découle de la Définition 11 et de la Proposition 3. Concernant le second point : - L(P) ≤ VL(P) car Définition 11 et C(P) ≤ C(R) pour tout R Ϲ P. - VL(P) ≤ U(P) car Définition 11 et L Ϲ LU pour tout L (premier point appliqué à L et LU). □ En effet, plus la Politique de liquidité à laquelle est soumis un portefeuille est contraignante, plus sa valorisation sera prudente, comme on pouvait s’y attendre. Mis à part le cas où Att(P) ∩ L = Ø, il existe toujours un portefeuille Q* tel que le sup est atteint, Q* n’étant pas nécessairement unique. Le portefeuille Q* représente est celui qui est le plus adéquat pour satisfaire la Politique de liquidité. 89 Si on construit une fonction de valorisation dans le but de prendre en compte les effets de possibles liquidations, nous nous attendons à ce que si le manager du portefeuille est réellement forcé de convertir son portefeuille en un portefeuille adéquat, la valeur du portefeuille ne chute pas de manière exceptionnelle. Vérifions maintenant cette contrainte : Proposition 5 : Soit Q* Є Att(P) ∩ L, une solution de VL(P) = sup {U(Q) | Q Є Att(P) ∩ L}. On a U(Q*) = VL(P). On obtient donc également : VL(Q*) = VL(P). Preuve : Procédons par démonstration d’inégalités dans les deux sens : - VL(Q*) ≥ VL(P) vient de la Définition 11 et du fait que Q* Є Att(Q*) ∩ L - VL(Q*) ≤ VL(P) vient du fait que pour tout Q Є Att(P), U (Q) ≤ U (P) (Lemme 1). □ Comme nous l’avons déjà évoqué dans le point précédent, il est intéressant de remarquer que les opérateurs L et U ne sont en fait rien d’autres que des cas particuliers de la fonction valorisation VL. L’opérateur U est donc la fonction de valorisation associée à la politique de liquidité la moins restrictive LU = P. N’importe quel portefeuille P vérifie cette Politique de liquidité, et donc, par définition : VLU(P) = U(P). D’après la Proposition 4, U(P) est la valeur la plus optimiste que l’on peut donner à un portefeuille, d’où le nom de Uppermost MtM. L’opérateur L est la fonction de valorisation associée à la Politique de liquidité qui impose une liquidation du portefeuille entier, LL. On remarque alors que l’ensemble Att(P) ∩ LL contient uniquement le portefeuille Q = L(P), constitué uniquement de cash. Ainsi, il en découle que VLL(P) = L(P). Ainsi, s’il reste vrai que, dans des cas pratiques, et des situations particulières, la valorisation d’un portefeuille reste une tâche facilement réalisable, il est important de vérifier que tout comme dans la théorie de portefeuille ordinaire (où il s’agit d’effectuer une simple somme), la valorisation d’un portefeuille dans un cas général (et le problème d’optimalité soulevé par la Définition 11) ne présente pas d’obstacle et de calculs insurmontables dans notre nouveau formalisme. Pour vérifier que ce formalisme et la fonction de valorisation proposée constitue une réelle solution dans un cas général, et ne reste pas comme une théorie inutilisable, énonçons une propriété essentielle : 90 Proposition 6 : Le problème d’optimisation posé par la Définition 11 équivaut à écrire : VL(P) = sup {U(P - R) + L(R)| R Є P, (P - R + L(R)) Є L}. Ce problème est de type convexe car la fonction R → U(P - R) + L(R) est concave, et le domaine {R Є P, (P - R + L(R)) Є L} convexe. Preuve : L’équivalence provient du changement de variable R = P – Q. Nous avons montré dans la preuve du Lemme 1 que la fonction FP(R) : = U(P - R) + L(R) est concave en R. C(R) est une fonction convexe (Proposition 1) et l’ensemble défini par {R Є P, (P - R + L(R)) Є L} Ϲ P est compact et convexe grâce à la concavité de la fonction L et aux propriétés définissant la politique de liquidité. □ Il s’agit ici d’un résultat essentiel, particulièrement dans le cas de portefeuilles larges, où la dimension est grande. En effet, dans de tels cas, la résolution d’un problème d’optimisation non-convexe peut s’avérer laborieuse, alors que dans le cas convexe les calculs sont plus facilement réalisables et le problème plus rapidement solvable. On notera cependant que généralement la solution d’un tel problème d’optimisation n’aboutit pas en elle-même à une solution analytique, mais s’avère d’une grande importance pour des implémentations informatiques. La résolution numérique par des techniques d’optimisation se fait seulement dans certains cas concrets, et seuls certains exemples peuvent être illustrés analytiquement. Enonçons un théorème qui viendra concrétiser cette formalisation du risque de liquidité : Théorème : Soit L Ϲ P, une politique de liquidité. Alors VL : P → U {-∞} : 1. est Concave, i.e. pour tout P, Q Є P et pour tout α Є [0, 1] : VL(αP + (1- α)Q) ≥ αVL(P) + (1- α)VL(Q). 2. est Super-variante par translation, i.e. pour tout P Є P et pour a ≥ 0 : VL(P + a) ≥ VL(P) + a. Preuve : 1. On pose Hα = αP + (1- α)Q). Soient RP et RQ des solutions au problème d’optimisation posé par la Proposition 6 pour VL(P) et VL(Q). On défini alors Rα = αRP + (1- α)RQ), et d’après la Proposition 1, Rα Є {R Є P, (Hα - R + L(R)) Є L}. 91 D’après la Proposition 6, et en utilisant les propriétés de concavité des fonctions U et L (Proposition 1) on a alors : VL(Hα) ≥ U(Hα - Rα) + L(Rα) ≥ U(Hα - Rα) + L(Rα) ≥ α(U(Hα - RP) + L(RP)) + (1- α)( U(Hα - RQ) + L(RQ)) = αVL(P) + (1- α)VL(Q). 2. En appliquant la Proposition 6 à P + a, et en sachant que U(P + a - R) = U(P - R) + a (d’après les propriétés de U (Proposition 1)), on a : {R Є P, (P - R + L(R)) Є L} Ϲ {R Є P, (P + a - R + L(R)) Є L}, par définition de la politique de liquidité (Définition 10). □ Ce théorème nous donne des propriétés essentielles du risque de liquidité. La première est la concavité de la fonction de valorisation en présence de risque de liquidité. Cela signifie simplement que le portefeuille constitué par le mélange deux portefeuilles a plus de valeur que l’association des valeurs des deux portefeuilles séparés. Cela n’est rien d’autre que la granularité d’un portefeuille, car la concentration sur un actif à un coût élevé sur un marché non liquide. On doit noter que cela est différent de la diversification du portefeuille pour obtenir une réduction des risques, la réduction de la granularité n’ayant pas grand chose à voir avec la corrélation des actifs, et s’interprète sur la valeur des portefeuilles et non sur son risque. Ainsi, en d’autres mots, nous pouvons désormais distinguer deux types d’effets dus à la diversification du portefeuille : - Un effet sur le risque de marché, lié à l’impact de la diversification sur les mesures de risque et la décorrélation des actifs du portefeuille. Cet effet est connu depuis longtemps et formalisé à de nombreuses reprises. - Un effet lié au risque de liquidité, lié au bénéfice produit sur la valeur du portefeuille, qui trouve ici une formalisation concrète. 92 La seconde propriété, liée à la super-variance par translation, est également un adage bien connu par les intervenants des marchés : elle explique pourquoi un simple Euro vaut parfois bien plus qu’il n’y parait. En effet, ajouter des liquidités à un portefeuille n’a pas seulement pour effet d’augmenter sa valeur nominale, mais accroît également les propriétés du portefeuille d’un point de vue de la liquidité. Ainsi, en ces temps de crise de la liquidité, un simple euro (ou quelques euros) peut faire une grande différence et éviter d’avoir à liquider les actifs non liquides sur le marché. Même si ces deux propriétés sont connues (voir triviales) par tout initié possédant une connaissance ne serait-ce que minime du risque de liquidité, elles représentent de manière très pertinente le principal problème lié au risque de liquidité : certaines choses connues de tous n’ont jamais été exprimées quantitativement de manière convaincante, et sont restées dans le domaine du qualitatif, sans aucune notation appropriée. Ainsi, le risque de liquidité est longtemps resté une exception parmi les autres risques, car certaines hypothèses de la théorie de portefeuille ordinaire cessent d’être valides face à ce risque. Les travaux de Carlo Acerbi, dont nous avons présenté ici les grandes lignes, nous conduisent donc à un nouveau formalisme qui a pour objectif de remédier à ce problème. Par ailleurs, le fait d’énoncer et de démontrer certaines banalités parmi les résultats de ce formalisme est plutôt rassurant lorsqu’il s’agit de valider cette nouvelle approche. 93 CONCLUSION Dans cette seconde partie, nous avons donc défini un nouveau cadre pour la théorie de portefeuille en revisitant certaines hypothèses de base afin de les adapter aux marchés financiers non liquides, et nous avons en particulier présenté une nouvelle approche pour la valorisation d’un portefeuille. Ainsi, dans un premier temps, nous avons clairement effectué la distinction entre un portefeuille et sa valeur. Ainsi, un portefeuille n’est plus confondu avec la somme des actifs qui le composent. La fonction de valorisation n’est pas simplement une combinaison linéaire de la valeur des actifs, mais est en général non-linéaire. C’est en particulier cette non linéarité, plus précisément sa concavité, qui caractérise le risque de liquidité. Tout formalisme qui n’intègre pas cette concavité omet l’aspect le plus fondamental de la théorie de portefeuille sur des marchés illiquides, l’effet de granularité. La définition d’un portefeuille dans la théorie classique peut cependant être considérée comme un cas limite, lorsque le risque de liquidité tend vers la nullité, ou quand les courbes marginales de l’offre et de la demande (MSDC) sont constantes sur . Dans un second temps, nous avons introduit la notion de Politique de liquidité, sans lequel la valeur d’un portefeuille ne peut être définie. En effet, comme bien d’autres choses, un portefeuille n’a pas la même valeur selon la personne (ou entité) qui le possède (ou le gère). La valeur d’un portefeuille intègre dans ce nouveau formalisme un aspect subjectif de son utilité sous contraintes spécifiques. La Politique de liquidité à laquelle est sujet un portefeuille est également un aspect fondamental du risque de liquidité. Notons simplement que ce formalisme s’appuie simplement sur la valeur d’un portefeuille sous contraintes liées au risque de liquidité, mais ne propose pas de mesure de risque. Il existe des travaux à ce sujet, notamment les travaux sur la Value-at-Risk ajustée au risque de liquidité, mais une fois les effets du risque de liquidité intégrés à la valeur du portefeuille, comme cela est fait dans le formalisme proposé, il n’est pas nécessaire d’introduire une mesure de risque spécifique à ce risque. 94 CONCLUSION GENERALE Ce mémoire avait donc plusieurs objectifs : définir de manière précise le concept de liquidité, présenter les mesures du risque de liquidité de marché existant dans la littérature, et proposer une nouvelle approche de ce risque, qui prendrait en compte la stratégie d’investissement de l’entreprise. Nous avons donc commencé par définir de manière générale le concept de liquidité. La liquidité présente deux aspects : la possibilité de respecter ses engagements en se refinançant sur le marché en cas de difficultés (funding liquidity risk) ou en liquidant certaines positions financières à des prix et dans des délais raisonnables (market liquidity risk). C’est le risque de liquidité de marché, et la prise en compte des difficultés de liquidation de certaines positions dans les stratégies d’investissement et la valorisation des portefeuilles qui nous intéresse. Nous avons donc détaillé précisément tous les aspects du risque de liquidité et les mesures de la liquidité qui ont été étudiées dans la littérature. Les mesures présentées ont été appliquées à des données récentes de marché, afin de justifier nos propos. La mesure la plus récemment apparue dans la littérature consiste en un ajustement de la Value-at-Risk au risque de liquidité, et à l’introduction d’une prime de liquidité. Nous avons donc rappelé les grands principes de la théorie des mesures avant de détailler les aboutissants de cette approche et de l’appliquer sur des données récentes. Par la suite, nous avons revisité les définitions de base de la théorie de portefeuille afin de les élargir aux situations de marchés en manque de liquidité, et nous avons proposé une approche différente du risque de liquidité. Sur une base axiomatique de ce risque, qui nous apparaît plus adaptée au risque de liquidité, nous avons introduit le concept de « Politique de liquidité ». Cette notion permet de prendre en compte la politique d’investissement de la compagnie dans la valorisation de ses portefeuilles. Cette prise en compte est bien visible dans les exemples qui nous ont permis d’illustrer nos propos. S’il s’agit ici d’adapter un cadre de travail, cela peut déboucher sur des applications bien concrètes. Il serait intéressant pour la suite de développer cette approche de manière plus pointue, notamment en appliquant ce formalisme à des courbes MSDC d’équations diverses. Dans le contexte actuel, ou de nombreuses banques rassemblant des actifs risqués et non liquides sont créées (« Bad Bank »), il serait également intéressant d’étudier la limite entre un refinancement sur les marchés à des coûts plus élevés ou bien une liquidation de certains de ces actifs, dans un objectif de répondre aux standards internationaux qui leur sont imposés. Enfin, on pourrait éventuellement imaginer adapter cette modélisation à d’autres risques qui sont encore sous-estimés, comme l’a été pendant de longues années le risque de liquidité. 95 96 BIBLIOGRAPHIE [1] C. Acerbi et G. Scandolo (2007), Liquidity Risk Theory and Coherent Measures of Risk, November 27, 2007. [2] C. Acerbi (2008), Portfolio theroy in Illiquid Markets, December 12, 2008. [3] C. 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Kyle, Econometrica, Vol. 53, N°6, November 1985, p 1315-1320 (Chapitre II) Théorie du conditionnement pour un couple de vecteurs gaussiens, par Arnaud Guyader, Université de Rennes 2, Année 2007-2008 (Chapitre II) Snapshots Bloomberg des actifs constituant les portefeuilles utilisés afin d’illustrer notre formalisme (Chapitre IV) Procédure de détermination du portefeuille optimal atteignable à partir du portefeuille R et satisfaisant aux politiques de liquidité (Chapitre IV) 101 Annexe 1 Continuous Auctions and Insider Trading, Albert S. Kyle, Econometrica, Vol. 53, N°6, November 1985, p 1315-1320. (Chapitre II) 102 103 104 105 106 107 Annexe 2 Théorie du conditionnement pour un couple de vecteurs gaussiens (Chapitre II) 108 109 110 Annexe 3 Snapshots Bloomberg des actifs constituant les portefeuilles utilisés afin d’illustrer notre formalisme (Chapitre IV) Le Marché M considéré contient les actifs suivants : Les snapshots Bloomberg des cotations de ces actifs sont affichés ci-dessous : 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 Annexe 4 Procédure de détermination du portefeuille optimal atteignable à partir du portefeuille R et satisfaisant aux politiques de liquidité (Chapitre IV) Dans le dernier chapitre, lorsque nous avons soumis le portefeuille R aux différentes politiques de liquidité de type Cash envisagées, et que nous avons voulu le valoriser selon la procédure décrite, l’enjeu était d’étudier l’ensemble des portefeuilles atteignables à partir de R, puis de déterminer celui pour lequel la fonction U atteint sa borne supérieure. Pour ce faire, nous avons imaginé une procédure qui permet de déterminer directement la manière de liquider le portefeuille de façon optimale. Les étapes de cette procédure sont détaillées ci-dessous. Soit R le portefeuille en question : A partir de la reconstitution des carnets d’ordres, ordonnés de manière décroissante, des actifs composants le portefeuille étudié (snapshots en Annexe 3), nous avons calculé les valeurs de U, L ainsi que les coûts d’une éventuelle liquidation totale sur le Marché. Nous avons calculé ces valeurs étapes par étape de la liquidation de chaque actif. 122 Nous avons alors calculé des coefficients afin de déterminer quelles étaient les positions les plus coûteuses à liquider : Et à partir de ces coefficients, on a pu déterminer les étapes, de la moins coûteuse à la plus coûteuse, d’une liquidation totale du portefeuille : Ainsi, l’optimisation du portefeuille est effectuée en liquidant prioritairement les positions les plus liquides, et donc les moins coûteuses. On obtient le portefeuille optimal en liquidant les positions une à une, de la moins coûteuse à la plus coûteuse, jusqu’à satisfaction de la politique de liquidité en question. 123