Histoire de l'humanité Découvrez à travers 12000 pages l'histoire de l'humanité depuis ses origines jusqu'au m o n d e actuel D Coopération intellectuelle internationale de près de 4 5 0 spécialistes de plusieurs disciplines D Édition entièrement rénovée et mise à jour de l'Histoire de l'humanité en 7 volumes. de n o m b r e u x pays. Volume I : De la préhistoire aux débuts de la civilisation Directeur du volume : S. J. de Laet 1658 p., 12.5 x 19 c m , 102 figures, 29 cartes, 169 planches ISBN 92-3-202810-7 25,61 € EDICEF/Éditions UNESCO D U n e approche interdisciplinaire de la préhistoire et la prise en compte de nouvelles méthodes de recherche, notamment dans les domaines de l'archéologie, de la paléontologie et d'autres sciences. • U n e révolution historique : la domestication des plantes et des animaux, la création de nouvelles cultures et les influences des unes sur les autres. Ö U n e histoire de l'adaptation de l ' h o m m e aux transformations et aux différents environnements d'Afrique, d'Europe, d'Asie, d'Australie et d'Amérique. Volume II : 3000 à 700 av. J . - C . Directeurs du volume : Ahmad Hasan Dani et Jean-Pierre Mohen H 0 6 p., 12,5x19 c m ISBN 92-3-202811-5 25,61 € EDICEF/Éditions UNESCO D U n e meilleure connaissance de l'évolution de l'humanité à travers une période de deux millénaires dont les sources sont parfois difficilement disponibles. D U n rappel des événements majeurs de l'histoire de l'humanité : l'avènement de l'écriture, la naissance de grands États, fondés sur des systèmes politiques, économiques et sociaux élaborés et solides et les innovations technologiques de l'époque. IH ^(^S^msMi^ü^M^fiM ii-tíllfl llli^litïiîliïfîlilBBllHi! fteSTOÈÉí museun INTERNATIONAL MAI 2003 ¿COUPRTURE ¡lip" ¡¡¡Fi •lla'íffiftïejfîDÏÏggésï: j n e viï|„ jjljl SiiilfelïfiSBliiiSI LE NOUVEL ERMITAGE ET LA PRÉSENTATION DES CULTURES Igastg | a y | g ü ' e | | l | J ü S i e ; l | j j Í ¡ y | p [ |[lá|j¡IpîïliBljîjîïJInfïlfelil capitalle¡3iy;Ei¡|!rgÍ¡|5píl|¡¡¡¡l B)õffNfMAfiaí||fcõnpe!pâR Íarcti"^ Q g ; ^ n g | W j | | | t | S | | | | | §Bri títfp nQjJ ü f í ñ s I S s O . J fi&i EDITORIAL m ^mmm INTRODUCTION LErmitage à travers les siècles Mikhail Piotrovsky, directeur du musée d'État de l'Ermitage | 9 ffita Sil •.¿A -l^wlfcíW 12 LE LEGS DU PASSE ET LES NOUVELLES MISSIONS LErmitage. « vaste et varié... » George Vilinbakhov | 12 "îiilllîïi 5BR(B;0|BCliïiî'f!Í1* R'Iilil'Ç'i'lAÎ^'ïliR LErmitage et le c h a n g e m e n t institutionnel .- íREDACTRICíENSIEBí un saut d a n s le xxie siècle Stuart Gibson | 20 ^:|||||S¡gNHlÍEÍll^ÍW"! 3"îlB'sfi|PgRïzàHl|>;^ illa I ~ lêilSaillÏQlîalilliil LErmitage et les technologies : de nouvelles perspectives Aleksei Bogdanov | 27 REDACTEUREl Le G r a n d Ermitage : u n avenir brillant Maria Haltunen | 33 J5|ii^igBJ3r|^|sll||tlil;|Jillll| 11!'||MffEttHÏÎSîp^f:|p|;/ Transformer des bâtiments historiques en m u s é e s viables ^¡NíèBolaèptãníe^Price^irecleyrglrié^l,! Jj|||gW3;|Í|)£P||p¡|S| 1 I B A S jHiifpf{an||SiQÙË le choix d ' u n e politique de conservation Valerii Lukin | 39 / JiilSs-HisßiiäftsB * ^ '||P)ûèln-Pierre M o h ë ^ . V R A | Ï E ; ; 'Màps;Bff^mahíSecrétólre.Glnéral|ii !0¡¡pMJ|I|g|||¡¡ mIKIÏIH! lB|lfp|Si:|g|dé3|?|gqMgp V !|fp:rri¡slav SqlarRÉpuBÙQuÇpE ,CROA|Eaplfe 1 numéro A numéros Abonnements : Institutionnel 19.82 € 73.18 € Jean D E L A N N O Y Individuel 19.82€ 42.69 € Service abonnements 202. avenue du Roi Pays en développement : ¡§^PßStngSmj&SiMgfgfS^ß!sf •©"UHESGÖ 2003t lllgj^ll^IBllII ' • ä R e v u e trimestrielle publiée par£Organ¡MÍ¡pnjg|||f¡¡. ||pes Ha^^r^^6im^acaiQ^0s^ßxiiESih ! | i | Í p l t ^ ! M u s e ^ 1 n í e r n a t í o n a p s t unetribune1§Írí: • jlintematíofiale (fihförmatmn et d¿:réflexj5¡lsur,Jlïllij • ~çanglais¥l1bxfort;.la version arabjíau.Ca¡^¡?P¡||p§ B-1190 Bruxelles. Belgique 1 numéro 4 numéros Institutionnel 19,82 € 54.88 € Individuel 19.82 € 27.44 € A U - D E L À D E S FRONTIÈRES D'un m u s é e à l'autre : l'évolution du Guggenheim Lisa Dennison | 48 Le musée d'État de l'Ermitage et le Kunsthistorisches M u s e u m : la coopération entre deux grandes institutions Franz Pichorner | 56 Le Louvre : un musée national dans un palais royal Geneviève Bresc-Bautier | 61 LERMITAGE ET LES É C H A N G E S CULTURELS LErmitage et ses liens avec les régions russes Vladimir Matveev | 68 Le merchandising et le marketing international à l'Ermitage Anatoly Soldatenko | 75 LErmitage dans le contexte de la ville Mikhail Piotrovsky | 79 À LIRE I Mx^mmmmst U N E revue scientifique se plie rarement aux exercices de commémoration, si ce n'est pour reconnaître le caractère exceptionnel d u sujet c o m m é m o r é . Tel est bien le cas pour ce numéro spécial de Museum International, consacré au musée d'État de l'Ermitage, à l'occasion de la célébration du 300 e anniversaire de la fondation de la ville de Saint-Pétersbourg. Baptisée en juin 1703 et aménagée par les meilleurs architectes et urbanistes, la ville de Saint-Pétersbourg marque l'aboutissement d u rêve de Pierre le Grand (1672-1725), à savoir « monter en bateau sur les rives de la Moskova et descendre aux bords de la Neva sans avoir mis pied à terre1 ». Palais devenu musée afin d'abriter les témoignages artistiques des cultures, l'Ermitage incarne, dans la m ê m e mesure que la ville, l'idéal universaliste des plus prestigieuses institutions museales construites au fil des siècles depuis le xvm e . EErmitage, c o m m e la plupart des musées d'importance comparable, est le résultat de plusieurs histoires. D e l'histoire politique tout d'abord, de l'Empire russe, de l'Union soviétique puis de la Fédération de Russie, une histoire qui donne aujourd'hui aux collections du musée leur statut national ; de l'histoire de l'art et des sciences ensuite, dont la naissance et l'épanouissement au xixe siècle ont permis de compléter les transferts des grandes collections impériales et aristocratiques par une politique d'achat d'œuvres dans toute l'Europe et de fouilles archéologiques dans de nombreuses régions de l'Eurasie ; de l'histoire de la ville de Saint-Pétersbourg/Leningrad enfin, dont les baptêmes successifs scandent les étapes d'extension et d'aménagement de l'espace urbain bien au-delà d u centre historique où se loge le musée. Aujourd'hui, ces histoires s'entrecroisent dans u n projet de développement d u musée et de son cadre historique urbain. Ce projet s'amorce à l'heure où des questions importantes sont posées sur le sens de la présentation muséographique des cultures, sur les modes de financement des opérations de restauration, sur les équilibres entre les voies traditionnelles de diffusion des connaissances et l'utilisation des technologies de la communication et, enfin, sur les stratégies de partenariat des institutions museales. Dans ce contexte de réflexion sur les pratiques de conservation du patrimoine, et au-delà de la célébration des témoignages exceptionnels d'architecture et d'art que sont la ville de Saint-Pétersbourg et le musée de l'Ermitage, les contributions des auteurs de ce numéro nXISeiJTl ISSN 0304-3002, n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I Editorial special de Museum International permettent de mettre en relief deux tendances actuelles. La première concerne les politiques muséographiques des musées des beaux-arts à l'heure de la reconnaissance de la diversité culturelle ; la seconde concerne le rôle du musée dans u n centre historique urbain. Les grands musées des beaux-arts ont, dans les dernières décennies, profondément renouvelé leurs politiques muséographiques et se sont ouverts à des problématiques dépassant le c h a m p de l'histoire de l'art et de l'archéologie stricto sensu. Cette orientation est soutenue par la nature encyclopédique des collections impériales et aristocratiques, à l'origine des musées nationaux des beaux-arts, qui encourage le traitement muséographique selon des critères de dialogue des cultures, en résonance avec les sociétés multiculturelles contemporaines. Nul ne doute plus aujourd'hui que le sens qui ressort de la lecture des œuvres dans u n musée est étroitement lié aux missions qu'il se donne et aux conditions sociales, économiques et politiques dans lesquelles il les m è n e à bien. Dans la mise en œuvre de ces missions, la notion de service au public a prévalu au réaménagement des espaces muséographiques pour des institutions de premier plan telles que le Louvre. Dans cet esprit, la multiplication des services des musées, parfois perçue c o m m e une commercialisation de la culture, est en premier lieu destinée à satisfaire les attentes de tous les publics. La notion d'échange à différentes échelles, régionale et internationale, est également u n élément de renouvellement des programmes muséographiques des musées des beaux-arts et de leurs modalités de mise en œuvre. Laccord conclu entre le musée de l'Ermitage, le Kunsthistorisches M u s e u m de Vienne et le musée Guggenheim marque une étape dans l'engagement des institutions à confronter leurs méthodes d'interprétation et à s'ouvrir à des thématiques transculturelles et transnationales. Seule la collaboration interinstitutionnelle peut en effet répondre à l'exigence de qualité des publics des grands musées nationaux, et permettre, dans le m ê m e temps, de multiplier les possibilités de présentation à partir de collections certes représentatives mais forcément limitées. Trois musées exposent dans ce numéro l'histoire de leur constitution et leurs orientations pour l'avenir, et présentent leurs spécificités. Deux d'entre eux sont engagés dans u n partenariat avec l'Ermitage et développent les points c o m m u n s qui les relient à ce musée. O n constate que trois des plus importants musées des beaux-arts d u m o n d e (British M u s e u m - Metropolitan M u s e u m - musée d u Louvre) ont fait récemment l'objet de profonds réaménagements architecturaux et muséographiques. Le projet de réaménagement et d'extension du musée de l'Ermitage présente de nouveaux défis et de nouvelles possibilités à explorer pour ce type d'institution. D u reste, l'excellence et le caractère novateur des initiatives du musée ont été confirmés par l'attribution du Web'Art de Bronze décerné au site nXEeUT^ , S S N 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) | 5 I Editorial Internet d u musée (www.hermitagemuseum.org) lors de l'édition 2002 d u Festival audiovisuel international musées et patrimoine organisé par A V I C O M 2 . Cette distinction contribuera sans nul doute à promouvoir le rôle moteur que l'Ermitage est amené à jouer aux niveaux régional et international, en complément de son rayonnement académique international. La seconde tendance actuelle concerne le musée situé au centre d'un espace historique urbain qui est devenu une composante essentielle des programmes de planification urbaine dans tous leurs aspects : architectural, social, économique et culturel. Lieu de découverte du patrimoine, le musée situé dans u n centre historique est luim ê m e patrimoine. C'est le plus souvent u n édifice d'origine palatial. La compréhension des interactions entre le musée, son environnement immédiat et les autres espaces urbains3 est à l'origine des politiques d'expansion des musées et de restauration et de revitalisation des centres historiques. Dans le cas de l'Ermitage et de Saint-Pétersbourg, ce programme est appuyé par diverses organisations internationales. Le centre historique de Saint-Pétersbourg fait l'objet depuis 1997 d'un projet de réhabilitation qui bénéficie du soutien financier et technique de la Banque mondiale. Son objectif est de sauvegarder et de restaurer les bâtiments historiques dégradés, mais également de générer des ressources grâce au développement du tourisme et du commerce, en appliquant u n cadre législatif et financier propre aux pays en transition économique 4 . L U N E S C O , quant à elle, poursuit avec la Fédération de Russie5 une très ancienne collaboration par le biais de deux programmes, l'un concernant le théâtre d u Bolchoï à Moscou, le second concernant le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. L U N E S C O dirige la mission d'expertise des bâtiments historiques d u théâtre du Bolchoï, mission préliminaire à la modernisation de l'institution. Pour le musée de l'Ermitage, l'action de l ' U N E S C O s'inscrit dans la stratégie établie par les responsables du musée visant, d'une part, à mettre en place u n plan d'échange d'expertise et d'expérience entre les institutions de m ê m e nature au niveau international et, d'autre part, à transformer le musée en centre de ressources régionales pour le développement des infrastructures et des services des musées en Europe orientale. U n premier projet se consacrera aux stratégies de développement des marchés culturels pour les produits et services des musées 6 . Plus précisément, la collaboration dans le cadre d u projet Ermitage de l ' U N E S C O comporte des volets de conseil, de soutien à la formation et de coordination de la coopération internationale. La place accordée à l ' U N E S C O par les autorités russes dans les projets relatifs au patrimoine culturel de Saint-Pétersbourg est exemplaire à bien des égards. C'est à la fois une reconnaissance de l'expertise acquise dans ce domaine et une opportunité : celle 6 nXEeiíTl ISSN 0304-3002, n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I Editorial d'accompagner et d'orienter la transformation d'un des plus importants musées des beaux-arts d'État par la maîtrise des problématiques débattues au niveau international et des choix faits en vue d u développement culturel durable. D e mémoire d'auteur, c'est la première fois que l ' U N E S C O est étroitement associée à la restructuration d'une institution muséale aussi prestigieuse. Museum International souhaite exprimer sa reconnaissance au professeur Piotrovski, directeur du musée d'État de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, qui s'est personnellement engagé dans la préparation de ce numéro spécial. Notre gratitude se porte également vers Stuart Gibson, consultant d u projet Ermitage de l ' U N E S C O , qui n'a ménagé aucun effort pour en assurer la réussite. N o u s espérons que ce numéro, publié à l'occasion d'une célébration mondiale, servira de jalon dans l'appréciation, la connaissance et le futur du musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Isabelle Vinson I NOTES 1. Cité par V. Klioutcheski dans ['Encyclopaedia Universalis. 1985. article «Pierre Ier le Grand». 2. AVICOM est le comité pour l'audiovisuel et les nouvelles technologies du Conseil international des m u s é e s . On peut à cet égard consulter la page W e b : http://icom.museum/internationals.html#avicom 3. Voir l'article de Blair A . Ruble. «Saint Petersburg's pasts compete for its future», dans: Ismail Serageldin. Ephim Shluger et Joan Martin-Brown. Historic cities and sacred sites - Cultural roots for urban futures. La Banque mondiale. 2001. 4. Voir http://www.worldbank.org.ru/eng/projects 5. Le m u s é e de l'Ermitage ainsi que l'ensemble historique de Saint-Pétersbourg ont fait l'objet d'articles publiés dans la revue Museum International dès sa création. Ces articles sont disponibles sur le site de Museum International (archives). Voir http://www.unesco.org/culture/museum 6. Les partenaires potentiels du projet sont le Musée national de Hongrie, à Budapest, le Musée des arts et métiers de Zagreb, en Croatie, le Musée national d'art de Bucarest, en Roumanie, le Musée national de Slovénie, à Ljubljana, le Musée national slovaque, à Bratislava, et le M u s é e national de Varsovie, en Pologne. irjjJJEUT) ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. nD 1, 2003) | 7 INTRODUCTION © UNESCO/Winnie Denker/Patrimoine 2001 1 - Le palais d'Hiver était la résidence des tsars russes durant l'hiver. Il fut construit entre 1754 et 1762 dans le style baroque russe par Francesco Bartolomeo Rastrelli. À l'exception des façades, il fut entièrement détruit dans un immense incendie, en 1837, et fut reconstruit par Vassili Stassov et Alexandre Brullov. 8 museum •'!•«,. S3 - " >.:¡K3> © U ' Î Ë S L ; ; 2SCB I LErmitage à travers les siècles Par Mikhail Piotrovshy, directeur du musée d'État de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg Le musée d'État de l'Ermitage est l'un des musées les plus conservateurs qui soient ; il a, en effet, merveilleusement préservé l'esprit et le symbolisme des xvm e et xixe siècles russes. E n cela, il fait figure de mémorial pour cette période d u passé. EEmpire russe a vu se dérouler une partie de son histoire entre les murs m ê m e s d u palais d'Hiver, et c'est également en ces lieux qu'il a connu sa fin. C'est là que le tsar Pierre 1er mourut ; c'est là que se trouvent le bureau dans lequel Alexandre II, mortellement blessé, rendit son dernier soupir, les salons où recevait Catherine la Grande, la salle d u Trône où fut proclamée la première D o u m a russe (le Parlement), la salle où le gouvernement provisoire capitula et la galerie 1812 qui fut créée afin de célébrer la victoire des Russes sur Napoléon. Mais le caractère exceptionnel de l'Ermitage est peut-être d û davantage encore à ses splendides collections, qui reflètent la pluralité des peuples et des cultures et qui s'accordent parfaitement à l'architecture et aux somptueux intérieurs de l'édifice. Le musée détient des collections d'oeuvres exceptionnelles de Rembrandt, Léonard de Vinci, Matisse, Rubens, des pièces d'orfèvrerie scythes et grecques, des fresques bouddhiques, des objets islamiques et orientaux, ainsi que des antiquités grecques et romaines. LErmitage symbolise également l'attitude de la Russie envers l'art et la culture, son esprit d'ouverture et son excellence dans le domaine culturel. Pour les Russes, l'Ermitage représente bien plus qu'un simple musée, ce qui s'est vérifié de façon particulièrement poignante lors du siège de Leningrad durant la seconde guerre mondiale, lorsque le musée devint u n symbole de la victoire de la culture. Pendant la période soviétique, l'Ermitage parvint à préserver ses traditions et sa passion pour l'histoire et la recherche, en dépit de la volonté de l'État d'imposer son idéologie. C'est ainsi qu'à la fin d u XX e siècle l'Ermitage était encore une source d'information prodigieuse pour l'interprétation historique du passé russe. Le musée a toujours influencé le goût des artistes et d u public. Ce fut particulièrement le cas au xxe siècle. C'est en ces lieux que dans les années 1960 les œuvres de peintres majeurs c o m m e Gauguin, Picasso et Matisse furent présentées à la jeunesse russe et que put se créer u n lien ténu avec la culture mondiale contemporaine, générant une source de lumière pour le pays durant les années les plus sombres du régime soviétique. D e nos jours encore, l'Ermitage poursuit la tradition initiée par Catherine la Grande en formant les artistes et le public à l'art contemporain à travers des expositions d'œuvres d'Andy Warhol, de Louise Bourgeois ou de George Segal. LErmitage a museim ISSN 1350-0775. NO. 217 (voi. 55. NO. 1.2003) ¡ 9 toujours été emblématique du goût du peuple russe pour la diversité culturelle et les liens avec d'autres cultures. EErmitage a prouvé, à maintes reprises, sa capacité à surmonter les situations les plus difficiles. Il a survécu à l'incendie de 1837 qui a ravagé les bâtiments ainsi qu'à deux guerres mondiales et à une guerre civile. Avec la chute de l'Union soviétique, le musée affrontait de nouveaux défis, le plus important d'entre eux étant la nécessité de se restructurer afin de mieux répondre aux changements politiques et économiques qui survenaient alors dans la Russie des années 1990. Fort heureusement, la communauté internationale lui a apporté son soutien. Eune des premières organisations à s'impliquer a été l ' U N E S C O . Dans le cadre de son projet Ermitage, l'Organisation a offert son expérience et son expertise et a aidé le musée à poser les bases du futur. Tirant parti de son statut international, l ' U N E S C O a mis en place u n Conseil consultatif international qui, ces huit dernières années, a amené l'Ermitage à adopter des mesures conformes aux critères internationaux les plus élevés. Ayant conscience qu'il était crucial de développer une politique fiscale solide, l'Organisation a joué u n rôle prépondérant dans la restructuration des procédures financières et budgétaires du musée. Très vite, il fut évident que, pour surmonter la tourmente économique du début des années 1990, le musée serait contraint de compléter le financement gouvernemental. C'était pour l'institution une démarche absolument nouvelle. E U N E S C O a collaboré étroitement avec le musée et a introduit des stratégies de collecte de fonds qui ont abouti à la création d'un département du développement et d'un réseau international d'organisations bienfaitrices. E U N E S C O a coordonné des séminaires, des ateliers et des programmes d'échange au cours desquels le personnel de l'Ermitage a p u être formé aux nouvelles méthodes de marketing, de merchandising, de gestion, de conservation et de préservation des collections. EOrganisation a encouragé le musée à engager de nouveaux partenaires internationaux et à développer les nouvelles technologies. E n conséquence, l'Ermitage possède aujourd'hui l'un des sites W e b de musée les plus remarquables au m o n d e et, poursuivant l'une des tâches engagées conjointement avec l ' U N E S C O , il a entrepris de numériser ses collections. E U N E S C O a encouragé le musée à concevoir une stratégie de développement global, dont la première illustration a été le projet Grand Ermitage, u n projet ambitieux qui vise à agrandir le bâtiment de l'ancien État-major général et la place d u Palais et, ainsi, à transformer l'Ermitage en u n véritable musée du xxie siècle. A u cours des dix dernières années, l'Ermitage a travaillé avec de nombreux partenaires ; aucun, cependant, n'a eu u n impact aussi capital sur le musée que l'UNESCO. Tout en continuant à explorer de nouvelles pistes pour la poursuite de son développement, l'Ermitage reconnaît à présent qu'il est de sa responsabilité de partager la s o m m e d'expérience acquise au cours de la dernière décennie avec les autres musées de Russie ITIUSeUT) ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I L E r m i t a g e à travers les siècles Mikhail Piotrovsky et des anciennes républiques soviétiques. Bénéficiant toujours d u soutien et de l'assistance de l ' U N E S C O , le musée étend actuellement son département éducatif pour y inclure des programmes novateurs centrés sur les politiques et les techniques de gestion spécialement adaptés pour les musées de l'ex-Union soviétique. KErmitage a conscience également qu'il constitue u n musée de la culture mondiale ; en tant que tel, il doit pouvoir garantir l'accès de ses collections au grand public, aux spécialistes et aux chercheurs. C'est pourquoi le musée continue à accroître sa surface d'exposition, en particulier au sein de l'État-major général dans le cadre d u projet d u Grand Ermitage. En outre, le musée a entrepris de réorganiser la gestion des dépôts. Les nouvelles possibilités de stockage en libre accès permettront aux spécialistes et aux chercheurs d'accéder aux collections qui ne sont pas exposées. Le musée a instauré une nouvelle mesure qui implique que certains éléments des expositions permanentes soient remplacés périodiquement par des pièces des réserves. D e plus, l'Ermitage continue de contribuer à des expositions à l'étranger par le biais de sa collaboration avec des musées dans le m o n d e entier. Enfin, c o m m e il a été signalé, le site W e b d u musée, conçu avec la participation d'IBM, offre aux « visiteurs » d u m o n d e entier u n accès aux collections, aux expositions, aux travaux de recherche et aux publications de l'Ermitage. A u cours de la dernière décennie, l'Ermitage a réussi à créer quelque chose d'entièrement nouveau tout en restant totalement fidèle à ses traditions. C'est l'histoire russe vue à travers la culture mondiale. Le musée s'est toujours projeté, et continue de se projeter, vers les autres cultures dans son désir de sonder sa propre identité. A u mois de mai de cette année, l'Ermitage ainsi que toute la ville de Saint-Pétersbourg ont célébré le 300 e anniversaire de la fondation de notre ville unique. À l'occasion de cette commémoration, il est important de reconnaître le rôle clé qu'a joué l ' U N E S C O dans la préservation, la protection et la transformation de l'Ermitage et, par voie de conséquence, des institutions culturelles de la Russie tout entière. C'est avec grand plaisir que nous envisageons la poursuite de la collaboration avec l ' U N E S C O , dans ce désir qui est le nôtre d'embrasser la diversité culturelle afin d'enrichir sans cesse notre propre identité. museim ISSN 1350-0775. NO. 217 tvoi. 55. NO. 1.2003) ¡ 11 LErmitage, «vaste et varié... » Par George Vilinbakhov George Vilinbakhov a soutenu son doctorat d'histoire à l'Université d'État de Leningrad. Ancien responsable du département d'histoire russe au musée d'État de l'Ermitage, il en est à présent le directeur adjoint. Il est aussi le président de la Fédération nationale d'Héraldique pour la Fédération de Russie. Il est en outre membre du comité exécutif de l'Association internationale des musées d'armes et d'histoire militaire, et de l'Académie internationale d'héraldique. A u cours d u règne de Pierre le Grand, la Russie connut de nombreuses réformes qui eurent des répercussions sociales importantes et durables. U n nouvel alphabet et u n nouveau calendrier furent adoptés ; la tenue vestimentaire dans l'armée et dans la cour fut modifiée pour se conformer au style occidental ; o n obligea les h o m m e s à se couper la barbe ; la capitale fut transférée de Moscou à Saint-Pétersbourg ; et les « visites royales » à l'étranger (les ambassades, une nouveauté à l'époque) acquirent une importance symbolique accrue. Les palais, alors en vogue en Europe occidentale, étaient presque inconnus en Russie. Toutefois, étant donné la fascination de Pierre le Grand pour l'Occident, ce nouveau type d'édifice public ne tarda pas à faire son apparition dans Saint-Pétersbourg. D u temps de Pierre Ier, le palais impérial comprenait des appartements privés pour le tsar et sa famille, de grandes salles d'apparat pour les réceptions officielles et les cérémonies diplomatiques, ainsi que des galeries pour les peintures et les objets d'art. Histoire de l'Ermitage En 1741, Elisabeth, fille de Pierre le Grand, devint impératrice à la suite d'une révolution de palais. Peu après son accession au trône, elle fit construire u n grand palais à Saint-Pétersbourg, au bord de la Neva. nXBeUTl ISSN 03CW-3a02, r¡° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 i L E r m i t a g e . «vaste et varié...» George Vilinbakhov Elle estimait, en effet, qu'un palais impérial ferveur peintures, dessins, sculptures, camées, rehausserait et refléterait le prestige de son pays, tant antiquités et livres, et les expédiaient à Saint- en Russie qu'à l'étranger. Son nouveau palais d'Hiver Pétersbourg. Afin d'accueillir ces nouvelles fut conçu par l'architecte italien Rastrelli. Il fut achevé acquisitions, deux galeries supplémentaires furent en 1762, peu après la mort d'Elisabeth. Son neveu, construites à côté du jardin suspendu. Bientôt, l'empereur Pierre III, lui succéda sur le trône ; il ne l'Ermitage ne fut plus capable d'abriter les collections régna pas longtemps cependant : en 1764, son épouse, toujours plus nombreuses, et de nouveaux bâtiments Catherine, organisa u n coup d'État au cours duquel furent érigés près du palais d'Hiver au bord de la Pierre III fut assassiné. Catherine II, désormais Neva. E n 1787, l'architecte Veiten supervisa la impératrice, voulut immédiatement occuper le tout construction d'un édifice classique monumental qui, nouveau palais, alors que la construction et les dès le xixe siècle, fut connu sous le n o m de Vieil intérieurs n'étaient pas achevés. Les appartements de Ermitage. À peu près à la m ê m e époque, l'architecte l'impératrice étaient situés au sud-ouest d u palais. U n Quarenghi bâtit u n théâtre à l'emplacement d u palais escalier menait de ses chambres privées aux entresols, d'Hiver de Pierre le Grand. U n e passerelle voûtée qui où se trouvait u n ensemble de petites pièces privées surplombait le canal d'Hiver le reliait au Vieil Ermitage d é n o m m é e s les « salons chinois ». Catherine appelait de Veiten. Les invités entraient par le Vieil Ermitage cet endroit du palais son « ermitage », utilisant ce m o t depuis le quai qui longe le canal et se rendaient français qui désigne l'habitation d'un ermite ou u n lieu ensuite au second pour admirer les collections e paisible. A u xvm siècle, la m o d e voulait que l'on impériales. aménage dans l'enceinte d'un palais de petits bâtiments où l'on pouvait recevoir en privé ses amis proches. E n Catherine la Grande donnait également le 1762, l'architecte français Vallin de la Mothe fut n o m d'« ermitages » aux réceptions qu'elle organisait commissionné par Catherine en vue de la construction pour la cour et la noblesse. Soixante à quatre-vingts d'une petite structure le long de la façade est du palais personnes pouvaient être conviées à ces « petits d'Hiver. Eédifice devait comporter deux pavillons, ermitages ». Le plus souvent, le programme de la soirée reliés par u n jardin suspendu. Catherine II appela ce incluait des représentations, dans le théâtre de bâtiment l'Ermitage (de nos jours, il s'agit du Petit l'Ermitage, de pièces écrites par une personne de Ermitage). l'entourage de l'impératrice ou par l'impératrice ellem ê m e . Selon les propres termes de Florian Gilles Ehistoire de l'Ermitage en tant que musée remonte à l'année 1764, date à laquelle une collection (1801-1864, chef de la première section de l'Ermitage impérial) « l'impératrice prenait place dans le de tableaux hollandais et flamands fut acquise à Berlin deuxième gradin d u théâtre, tandis qu'une poignée de auprès d u marchand Gotzkowski. Les tableaux vinrent privilégiés s'asseyaient devant elle sur le premier décorer de façon somptueuse les m u r s de l'Ermitage ; gradin ». À l'issue d u spectacle, les invités dînaient quatre-vingt-douze d'entre eux ornaient la seule salle à « dans la galerie en arche » de la passerelle au-dessus manger. A u fur et à mesure que les contacts entre la du canal d'Hiver, qui constituait le foyer d u théâtre. Ils Russie et l'Europe occidentale se développaient, les dansaient ensuite dans la grande salle du Pavillon de agents et les diplomates de Catherine amassaient avec l'Ermitage puis allaient se promener dans le Vieil nxEeim ISSN 1350-0775, NO. 217 <voi. 55. NO. 1.2003) | 13 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS Ermitage de Veiten pour y admirer les peintures que détenait l'Ermitage. Avant la guerre de 1812, il exposées. « O n restait assez souvent en ces lieux à s'était rendu fréquemment en France afin d'acheter regarder les peintures ; une table de billard s'y trouvait des tableaux pour les collections impériales. Durant la aussi, et des amateurs y jouaient - souvent des guerre, il supervisa sans doute l'évacuation des femmes. » Catherine organisait également des soirées collections du musée tandis que les armées de appelées « grands ermitages ». Il pouvait y avoir jusqu'à Napoléon envahissaient la Russie. En 1814, à la suite deux cents invités, parmi lesquels le tsarévitch Pavel de la victoire d'Alexandre Ier sur Napoléon, la Petrovitch (le futur Paul Ier), les grandes-duchesses, les collection du château de Malmaison, qu'Alexandre Ier chambellans, les cadets et les officiers de la garde. Pour avait acquise auprès de l'épouse de Napoléon, la fête du 1er janvier, trente mille invitations étaient Joséphine, et de la duchesse de Saint-Leu, fut ajoutée envoyées. Si la plupart des réceptions à l'Ermitage aux collections existantes. U n autre achat important concernaient uniquement la cour, les célébrations du d'Alexandre Ier fut la collection du banquier Coesvelt, er 1 janvier étaient également destinées aux acquise à Amsterdam. fonctionnaires et aux militaires de haut grade. Il n'était pas rare que des dîners pour six cents personnes aient Lempereur Nicolas Ier inaugura l'étape lieu dans le théâtre de l'Ermitage. U n plancher artificiel suivante dans l'évolution du musée de l'Ermitage. temporaire reliant la scène au reste du théâtre était Fidèle à la tradition de sa grand-mère, l'impératrice installé en ces occasions, afin de pouvoir accueillir un Catherine II, il renouvela les acquisitions sur une aussi grand nombre de convives. grande échelle. E n 1850, il acquit des peintures provenant du palais Barbarigo à Venise et la La constitution des collections collection de Guillaume II, roi des Pays-Bas. À cette époque, la galerie de l'Ermitage se trouvait sous la Lorsqu'il accéda au trône en 1796, l'empereur Paul Ier direction de E Bruni qui, de fait, supervisa ces achats. n o m m a le prince N . Ioussoupov, qui l'avait En 1852, u n certain n o m b r e de peintures espagnoles accompagné lors de ses voyages en Europe en 1782, à de la collection du maréchal Soult furent achetées à la tête de l'Ermitage et du théâtre. Le prince Paris. Alors que les collections s'accumulaient, la Ioussoupov était un aristocrate extrêmement raffiné et maison impériale entreprit de permuter des pièces cultivé, issu d'une des familles russes les plus d'art entre le palais d'Hiver et les résidences fortunées et les plus prestigieuses. C'était également impériales de Peterhof et du palais de Catherine à u n collectionneur passionné qui possédait une galerie, Tsarskoïe Selo. Le tsar Nicolas Ier était lui-même un une bibliothèque et un théâtre privés. E n artiste amateur qui dessinait principalement des 1797, E Labenski, fin connaisseur en art et musicien soldats, des m a n œ u v r e s et des scènes de batailles. Il amateur, fut n o m m é directeur des collections de accordait u n intérêt tout particulier aux collections l'Ermitage. Il occupa ce poste pendant cinquante-deux du musée, intérêt qui reflétait ses vues politiques, ans. Labenski était lui-même un artiste qui travaillait sociales et artistiques, et qui eut souvent des pour l'architecte Brenna au palais de Gatchina, à conséquences malheureuses. Il chercha à se défaire l'extérieur de Saint-Pétersbourg. E n 1838, Labenski de la statue de Voltaire par H o u d o n , ordonnant publia un catalogue en français de toutes les peintures qu'« on élimine ce vieux singe ». Par chance, la statue u nTJSejJT) issN 0304-3002, n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 [ Œ r m i t a g e , «vaste et varié... » George Vilinbakhov fut seulement entreposée dans une réserve et est Le tout nouveau musée contenait actuellement de nouveau exposée à l'Ermitage. Il essentiellement des antiquités, des pièces d'art donna l'ordre de « détruire et brûler les portraits, les d'Europe occidentale et un ensemble d'oeuvres russes peintures et les objets polonais » qui avaient été que l'on avait c o m m e n c é à assembler en 1801. Située achetés à Varsovie en 1832 et 1834 ; trente-sept dans une galerie au second étage du Nouvel Ermitage, caisses d'objets au total furent perdues... E n la collection russe comprenait des œuvres signées par 1854, l'empereur céda aux enchères 1 200 peintures des A . Losenko, 0 . Kiprenski, A . Ivanov, A . Yegorov, collections impériales, arguant qu'« elles ne valaient V Shebuyev, K . Brullov, E Bruni, parmi bien d'autres. rien ». Malheureusement, plusieurs véritables chefsd'œuvre en faisaient partie. Certains d'entre eux En 1861, le département des antiquités fut purent, par la suite, être rachetés par la famille considérablement enrichi par l'achat d'une partie impériale, mais à u n prix bien plus élevé que celui importante de la collection du marquis de C a m p a n a , d'origine. Lors d'un voyage à Munich, Nicolas Ier prit qui comprenait des statues de Jupiter et d'Athéna, des connaissance d u travail de l'architecte allemand Leo sarcophages et des bas-reliefs. À la m ê m e époque, von Klenze, qui venait de terminer la Glyptothèque l'Ermitage c o m m e n ç a à recevoir régulièrement des et l'Ancienne Pinacothèque à M u n i c h pour Louis Ier objets remarquables de la toreutique ancienne, de Bavière. Nicolas engagea Klenze pour exécuter u n découverts lors de fouilles près de la mer Noire. La musée spécial, qui fut achevé en 1851. Situé derrière Commission archéologique impériale, fondée en 1859, le Vieil Ermitage, le bâtiment fut n o m m é le Nouvel remettait à l'Ermitage ses trouvailles spectaculaires des Ermitage ou « le musée ». U n e partie des collections cultures scythes, sarmatiennes et d'autres cultures qui se trouvaient déjà dans l'Ermitage et les nouvelles anciennes. Afin de compléter ces pièces, la célèbre acquisitions prirent place dans ce nouveau bâtiment. collection sibérienne de Pierre le Grand fut transférée à l'Ermitage depuis la Kunstkamera, le tout premier Lacees aux collections musée russe, fondé par Pierre Ier, situé sur la rive opposée de la Neva. Avant la construction du Nouvel Ermitage, l'accès aux collections impériales était très restreint, réservé D'autres collections se constituèrent ainsi au fil généralement aux membres de la cour et à une poignée des ans. Le département oriental de l'Ermitage fut d'invités. Le 5 février 1852, le Nouvel Ermitage fut formé petit à petit grâce aux découvertes des fouilles proclamé musée public. O n pouvait solliciter un droit qui avaient lieu dans tout l'Empire russe et grâce à de visite auprès de la chancellerie. Lorsqu'on se quelques acquisitions personnelles qui vinrent combler présentait à l'entrée, il fallait consigner son n o m dans des vides dans la collection. D e surcroît, le musée un livre des visiteurs et, au m o m e n t de sortir, on devait acquit plusieurs objets égyptiens exceptionnels qui rendre son ticket d'entrée. Les visites du musée étaient furent découverts lors d'expéditions menées par étroitement surveillées. La réglementation était stipulée V G . Bock, l'un des membres de l'Ermitage. E n très précisément dans Les instructions sur les collections de l'Ermitage se diversifièrent encore l'administration de l'Ermitage impérial (1851) et Les davantage lorsque la collection d'armes de Tsarskoïe règlements (1853). Selo fut transférée dans le musée, en m ê m e temps que 1885, museun ISSN 1350-0775. NO. 217 (Vol. 55. NO. 1.2003) | 15 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS la collection d'A. Basilewski. À la suite de ces ajouts, entièrement différent, u n m o n d e qui allait avoir une l'Ermitage put se vanter à juste titre de détenir une influence prépondérante sur le musée et sa structure. À remarquable collection d'art byzantin, d'art m u s u l m a n la suite de la révolution de 1917, le musée fut et d'art médiéval européen. Afin de souligner entièrement réorganisé. E n 1918, le responsable de la l'importance de ces collections, un nouveau galerie du Trésor, S. Troinitski, en devint le directeur. département fut créé : le département du M o y e n Âge C'était u n expert reconnu dans les domaines des arts et de la Renaissance. appliqués et de l'héraldique. La réorganisation du musée toucha le personnel ainsi que la structure et la A u fur et à mesure que les collections du politique d'exposition. À l'automne 1919, le musée fut musée s'étendaient, l'Ermitage, très naturellement, réaménagé en quatre départements : les antiquités, les renforça ses liens avec les institutions scientifiques arts appliqués, la peinture et la numismatique. Durant russes, et notamment avec l'Académie impériale des les années qui suivirent immédiatement la révolution, sciences. Des travaux c o m m u n s de recherche les collections du musée s'étendirent quantitativement archéologiques et scientifiques , centrés initialement et qualitivement. D'anciennes collections privées, ainsi sur l'art oriental, les antiquités et la numismatique, se que des pièces de la Société d'encouragement des arts, développèrent. Des chercheurs tels que l'académicien du musée de l'Académie des beaux-arts et du musée de G . Keler (membre de l'Académie des sciences de Saint- l'Institut des arts industriels du baron Stieglitz furent Pétersbourg), E Grefe, L. Stephani, M . Brosset, F. Krug, transférées à l'Ermitage. Par la suite, des vides furent A . Kunik, Ja. Smirnov, pour n'en citer que quelques- comblés dans les collections, d'autres collections furent uns, contribuèrent grandement au développement du ajoutées et de nouveaux départements tels que le savoir et de la recherche scientifique en Russie et à département oriental (1920), le département des l'étranger. cultures primitives (1931) et le département de la culture russe (1941) furent créés pour abriter les Grâce aux efforts de S. Gedeonov, le premier possessions toujours plus importantes et diversifiées directeur officiel du musée, l'Ermitage ouvrit ses portes du musée. C e faisant, il continuait à accueillir des au public en 1866. Gedeonov était aussi responsable objets provenant des missions archéologiques, des de l'acquisition, à R o m e , en 1861, de la collection de dons et des achats faits à travers la commission d'achat sculptures antiques du marquis de C a m p a n a . C'était de l'Ermitage. u n chercheur très respecté et u n expert en histoire russe. E n 1863, il fut élu m e m b r e émérite de Parmi les acquisitions remarquables datant de l'Académie de sciences de Saint-Pétersbourg. cette époque figurent, entre autres, des objets précieux découverts lors de fouilles dans les tumulus de Dès l'origine, l'évolution des collections de Pazyrik, dans l'Altaï, le buste en bronze du Prince l'Ermitage a été dictée par les acquisitions impériales et Menchikov par Rastrelli, le Portrait d Antonia Zarate les fouilles menées à travers l'Empire russe. par Goya et des oeuvres de Matisse dont la secrétaire et Parallèlement, la structure du musée était imposée par assistante, L. Delectorskaya, fit don à l'Ermitage. Les la taille et les types de collections. À l'aube du collections du musée, cependant, subirent également XX e siècle, le musée se trouva confronté à un m o n d e des pertes. Certaines des possessions furent transférées 16 ITÏJ9SUT1 ISSN 0304-3002, n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 LErmitage. «vaste et varié... » George Vilinbakhov dans d'autres musées de l'Union soviétique ; plus Falconet, d'Houdon, de Canova, de Rodin, et de bien tragique fut la vente, entre 1928 et 1932, par le d'autres artistes de renom. Le musée est également gouvernement soviétique, de certaines des pièces les célèbre pour sa collection de gravures et d'art plus importantes du musée, parmi lesquelles des graphique. De m ê m e , sa section d'arts appliqués est tableaux de maître qui furent achetés par l'Américain l'une des plus importantes au m o n d e . Les collections Andrew Mellon et qui, plus tard, devinrent le noyau de ayant trait à la numismatique et à l'héraldique, ainsi la National Gallery, à Washington, D . C . qu'aux armes et aux armures, qu'elles proviennent d'Europe occidentale, d'Orient ou de Russie, sont Il ne fut pas aisé de transformer u n musée de collections impériales, accessible seulement à une connues dans le m o n d e entier tant par les spécialistes que par le grand public. poignée de privilégiés, en u n musée public qui compte parmi les plus grands du m o n d e . Aujourd'hui, le musée d'État de l'Ermitage est u n des musées les plus Un programme de recherche fondé sur la diversité éclectiques qui soient, avec plus de trois millions de pièces. C'est u n complexe immense constitué par cinq Les missions archéologiques que l'Ermitage organisa au bâtiments de musée, ainsi que par le palais de xxe siècle furent très fructueuses. Les fouilles du Menchikov, l'État-major général et u n système unique tumulus de Karmir-Blour près d'Erevan ont eu une de réserves en libre accès. Ses collections couvrent une importance cruciale pour l'étude de l'histoire et de la grande variété de domaines culturels : l'archéologie, culture de l'ancien Ourartou. Des fouilles près de l'art oriental, l'Antiquité classique, l'art de l'Europe Samarkand révélèrent des peintures murales et une occidentale, l'art russe, la numismatique et les armures. sculpture en lœss datant de la Pendjikent médiévale. Ces collections représentent de nombreuses cultures. Les fouilles entreprises au site de Davmont apportèrent Des chefs-d'œuvre de l'art scythe évoquent les de riches renseignements sur l'histoire médiévale de prémices de la civilisation russe. La collection orientale Pskov. LErmitage continue à mener des missions du musée est l'une des plus importantes au m o n d e ; archéologiques annuelles dans la Sarmatie slave, dans elle représente la culture et l'art du Proche, du M o y e n le Saïan et l'Altaï, dans la Russie du Nord-Ouest, à et de l'Extrême-Orient. Le berceau de la civilisation Kelermes, dans la région de Touva, en Asie centrale, à européenne est représenté, quant à lui, à travers des Ouglitch, à Berezan, à Nimphey, dans le sud de Taman, œuvres de la Grèce et de la R o m e anciennes qui furent à Pendjikent, en Crimée du Sud, à Boukhara et à découvertes dans les cités grecques au nord de la mer Mirmekey. Noire. Les collections de l'art d'Europe occidentale s'étendent d u x m e au xxe siècle et comportent des La bibliothèque centrale, les bibliothèques de œuvres signées par Léonard de Vinci, Raphaël, Titien, département et les archives du musée constituent des le Greco, Velasquez, Goya, Rubens, Van Dyck, ressources précieuses pour les recherches menées au Rembrandt, des tableaux impressionnistes et post- sein du musée. Le service editorial d u musée publie impressionnistes, ainsi que des œuvres de Kandinsky régulièrement des monographies, des ouvrages de et de Malevitch. La sculpture européenne est recherche scientifique, des catalogues, des périodiques représentée à travers des œuvres de Michel-Ange, de et des lettres d'information. Le musée a toujours ITlUSeUTl ISSN 1350-0775, No. 217 (Vol. 55, No. 1,2003) | 1 7 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS considéré ses bibliothèques et ses publications c o m m e EErmitage est une institution phare dans le domaine une composante essentielle de ses activités des sciences et de la recherche, n o n seulement en scientifiques. Russie mais aussi dans le m o n d e entier. Les savants, les chercheurs et les spécialistes d u musée participent e Dès le xix siècle, la variété et la richesse des souvent à des conférences internationales. EErmitage collections d u musée ont déterminé son approche à organise également de nombreux séminaires, l'égard d u savoir et de la recherche scientifique. notamment des séminaires sur l'héraldique, S'appuyant sur ses collections provenant d'Europe l'archéologie et l'architecture, ou encore la joaillerie. occidentale, de Russie, du Moyen-Orient, de la Chine, Les résultats des recherches sont régulièrement publiés du Japon et de la péninsule arabique, le musée a par le musée et paraissent également dans d'autres toujours encouragé la recherche multiculturelle. C'est publications. Les savants et les spécialistes d u musée pourquoi l'Ermitage occupe depuis toujours une place s'impliquent activement dans l'organisation unique au sein des musées et de la c o m m u n a u t é d'expositions permanentes et temporaires, la scientifique. Ses collections éclectiques offrent aux composition de livrets de visite et de catalogues. chercheurs l'occasion de comparer différentes cultures selon des perspectives variées, géographiques ou EErmitage constitue u n microcosme de la chronologiques. Il n'est donc guère surprenant que les diversité culturelle. C'est u n ensemble unique qui mêle directeurs de l'Ermitage aient été, traditionnellement, l'architecture, les intérieurs de palais, des chefs- des chercheurs et des savants, notamment I. Orbeli, d'œuvre de l'art européen, asiatique, arabe, romain et M . Artamonov, B . Piotrovski et l'actuel directeur et grec, l'archéologie, les arts décoratifs et les icônes m e m b r e de l'Académie des sciences, M . Piotrovsky. byzantines et russes - chacune de ces cultures éclairant l'autre. Les travaux de recherche du musée n'ont cessé de faire de l'étude scientifique le lien qui relie entre Ainsi, en ce début de xxie siècle, le musée elles les cultures de régions o u de périodes historiques d'État de l'Ermitage demeure toujours aussi « vaste différentes, illustrées par des formes artistiques variées. et varié... ». 18 nTuseirn L ISSN 0304-3002. n° 217 <voi. 55. n° 1.2003) © UNESCO 2003 I LErmitage, «vaste et varié...» George Vilinbakhov 2 - La collection de sculptures européennes des xvm e et xixe siècles du m u s é e de l'Ermitage est célèbre dans le m o n d e entier. Située à l'intérieur et autour de la galerie d'Histoire de la peinture antique, elle comporte notamment des œuvres de Canova, de Thorvaldsen et de Falconet. musam ISSN 1350-0775. No. 217 (VOL.55.NO. 1,2003) i 19 LErmitage et le changement institutionnel : un saut dans le xxie siècle Par Stuart Gibson Stuart Gibson est consultant international, spécialisé dans le secteur de la culture pour l'ex-Union soviétique. Il a conseillé de nombreuses organisations culturelles et de nombreux gouvernements. En collaboration avec ¡'UNESCO, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, il a également coordonné plusieurs conférences intergouvemementales centrées sur le financement du secteur culturel dans l'ex-Union soviétique. Depuis 1995, il est le coordinateur du projet Ermitage de ¡'UNESCO au musée d'État de l'Ermitage. Stuart Gibson est également vice-président du conseil d'administration des Amis américains du musée de l'Ermitage. Le musée d'État de l'Ermitage est l'un des plus grands musées du m o n d e , avec une collection de plus de trois millions de pièces et u n effectif de plus de deux mille personnes. Lors de la chute finale de l'Union soviétique au début des années 1990, le musée a été confronté à une situation entièrement nouvelle. Après avoir été assuré largement pendant l'ère soviétique, le financement par l'État fut considérablement réduit. E n conséquence, le musée dut faire face à u n ensemble de problèmes imprévus. Le climat politique et économique en Russie était très instable, ce qui ne fut pas sans répercussions sur l'Ermitage, sur la perception de son rôle et sur son avenir. LErmitage était, et demeure, l'un des musées les plus reconnus dans l'exUnion soviétique et dans le m o n d e . Il peut avec raison être fier de ses réalisations passées, et c'est dans le respect de ses traditions qu'il a entrepris prudemment u n lent travail de réorganisation afin de relever les nouveaux défis. Une nouvelle gestion A u c u n modèle de gestion ou d'organisation existant ne correspondait à la situation de l'Ermitage et à mUSeUTl ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I LErmitage et le c h a n g e m e n t institutionnel Stuart Gibson l'environnement politique et économique dans lequel il musée invoqua la nécessité d'accroître les effectifs dans tentait d'évoluer. Par ailleurs, étant donné que la des secteurs tels que la finance, les services juridiques situation politique et économique ne cessait de et les technologies de l'information. Il lui faudrait donc fluctuer, il était très difficile pour le musée de en définitive engager de nouvelles personnes et trouver développer une quelconque stratégie à m o y e n ou à le financement supplémentaire pour les payer. long terme. D e plus, il existait une méfiance à l'égard des politiques ou des stratégies et, à u n moindre degré, Jusqu'au début des années 1990, l'Ermitage, des séminaires ayant trait à l'optimisation d u c o m m e beaucoup d'institutions culturelles de l'ex- rendement, qui étaient considérés c o m m e bien trop Union soviétique, était dirigé presque exclusivement théoriques. Le musée cherchait des résultats par des chercheurs. Dans le système soviétique, les immédiats, et le fossé entre la théorisation et la compétences en gestion telles qu'on les conçoit pratique paraissait souvent très difficile à combler. aujourd'hui étaient jugées superflues. C o m m e de nombreuses organisations issues d u régime soviétique, Veillant par-dessus tout à ce que soient l'Ermitage se sentit menacé par certaines notions de préservés les collections d u musée, les bâtiments gestion occidentales, notamment le partage des historiques qui les abritaient et l'emploi de son responsabilités au sein de l'organisation, la prise de personnel, le musée c o m m e n ç a à appliquer risque, la prise de décision au niveau local et la ponctuellement de nouvelles mesures et procédures. formalisation de la communication dans l'organisation. Certaines d'entre elles qui s'inspiraient d'autres Néanmoins, la direction d u musée prit conscience que institutions étaient modifiées de manière à s'adapter à certains de ces outils de gestion seraient indispensables la situation précise de l'Ermitage. Initialement, la pour la réussite des changements organisationnels plupart des changements découlaient d'une volonté de qu'elle allait mettre en place. Elle avait également restructurer le musée selon les critères de musées conscience qu'il allait être difficile de les introduire à occidentaux reconnus. Toutefois, si ces idées, pour tous les niveaux de gestion car cela signifiait u n beaucoup, étaient intéressantes, elles ne coïncidaient changement total dans la culture m ê m e d u musée. pas toujours avec le cadre culturel et économique et les traditions de l'Ermitage. Par exemple, sous le régime soviétique, le musée avait tendance à être en sureffectif, Le rétablissement des liens avec la c o m m u n a u t é internationale des m u s é e s et le nombre de conservateurs y était bien plus élevé que dans des musées comparables en Europe. Certains Lentretien d u musée était le sujet de préoccupation conseillers étrangers recommandèrent de réduire le majeur de l'Ermitage ; cependant, sa direction était tout personnel afin de diminuer les frais. La direction d u à fait disposée à tirer parti de la nouvelle ouverture musée refusa en invoquant ses obligations morales politique pour rétablir les liens avec la c o m m u n a u t é envers le personnel : on ne pouvait songer à licencier internationale des musées. Les premiers contacts se des employés en pleine récession économique, en firent sous la forme d'échanges d'expertise et de particulier dans ce contexte de mutation radicale de développement des ressouces, notamment dans le l'ordre économique et social. Le personnel du musée se domaine de la gestion dse expositions, de la réduirait de lui-même dans le temps. Parallèlement, le conservation et de la préservation. LErmitage s'est museim ISSN 1350-0775, NO. 217 <voi. 55. NO. 1.2003) | 21 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS forgé en effet depuis le xixe siècle une réputation nouveaux donateurs - deux missions qui paraissaient internationale pour ses compétences en matière de insurmontables. Pour commencer, le musée créa u n conservation, de préservation, d'éducation et de département du développement dont la fonction était recherche. Avec l'ouverture de la Russie dans les très vaste : obtenir des moyens financiers de diverses années 1990, le musée s'engagea dans u n ambitieux sources nationales et internationales. E n raison du programme d'échanges de connaissances et caractère général de son mandat, ce service devint le d'expositions dans l'intention de rendre les collections siège de la plupart des activités jugées désormais et le personnel du musée plus accessibles à la nécessaires mais qu'on ne savait où placer. O n lui communauté internationale. Ces domaines confia souvent des tâches qui n'étaient pas directement requéraient, il est vrai, très peu de changements d'un liées à la collecte de fonds. Peu à peu, ces fonctions point de vue organisationnel, mais le musée développa annexes furent transférées dans d'autres départements, tout de m ê m e ces secteurs afin de répondre aux au fur et à mesure que ceux-ci étaient restructurés, et demandes croissantes faites à leur sujet. le département du développement se recentra sur sa tâche principale. O n put toutefois tirer une leçon de Les défis d'une nouvelle organisation cette expérience : afin de fonctionner de manière efficace, les différents départements ne pouvaient pas Très tôt, il apparut que les vrais défis liés à être considérés isolément ; une coopération à tous les l'organisation résidaient ailleurs. Pour que le musée niveaux était nécessaire. Par exemple, les propositions soit en mesure d'exploiter au m a x i m u m ses collections, précises de collecte de fonds, les estimations de prix de il était impératif qu'il apprenne à mieux gérer des revient, les stratégies d'exécution et les rapports de ressources réduites et qu'il cherche des sources de gestion ne dépendaient pas du département du revenu complémentaires. Pour cela, 'il lui fallait développement seul ; ils requéraient la coopération des acquérir de nouvelles compétences et une attitude départements bénéficiaires des financements. Ainsi, le différente à l'égard de la notion de rendement. Le service d u développement devait faire connaître sa musée identifia quatre domaines principaux à mission auprès des autres départements pour que ses développer : la collecte de fonds, le marketing et le fonctions exactes soient comprises de tous. Des merchandising, la gestion financière, et les groupes de travail entre les départements et des technologies de l'information. Il était évident qu'aucun séminaires furent organisés pour définir des de ces domaines ne devait être considéré de manière procédures et améliorer la circulation de l'information isolée ; au contraire, ils agiraient c o m m e des éléments à travers le musée. Par la suite, d'autres regroupements interdépendants dans une ensemble plus performant. entre les départements furent constitués afin d'aborder de nouvelles questions d'organisation. La collecte de fonds représentait au début u n concept quelque peu exotique pour le musée, une sorte de panacée censée remédier à tous ses m a u x La question du financement et le projet du Grand Ermitage financiers. Ainsi, le musée fut confronté initialement à deux défis majeurs : introduire la collecte de fonds Étant donné la fragilité de l'économie russe au tout parmi les pratiques du musée, et faire appel à de début des années 1990, il s'avéra difficile de trouver de 22 nXKirn ISSN O3O4-3OO2, n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 LErmitage et le c h a n g e m e n t institutionnel Stuart Gibson nouveaux donateurs. Les difficultés d'adaptation du Grand Ermitage. C'est ainsi que la politique de touchaient tant l'Ermitage que les éventuels mécènes. recours à l'appel d'offres fut introduite petit à petit E n effet, la notion de philanthropie faisait tout juste dans le musée. son apparition en Russie et la plupart des entreprises russes ne souhaitaient pas, ou ne pouvaient pas encore, Afin de solliciter des aides supplémentaires et apporter une aide financière au musée. Par de tirer parti de la bienveillance générale à son égard, conséquent, l'Ermitage se tourna vers les entreprises l'Ermitage constitua u n réseau d'Amis du musée à étrangères implantées en Russie. Celles-ci travers le m o n d e . D ' u n point de vue historique, l'appui reconnaissaient en général l'importance d'un certain le plus solide d'un musée est le plus souvent sa devoir citoyen dans le pays, et les avantages qu'il y population locale ; cependant, la plupart des individus avait à s'associer avec une institution aussi prestigieuse et des entreprises russes n'étaient pas en mesure que l'Ermitage. Toutefois, il fut vite évident qu'il ne d'apporter u n soutien financier conséquent à suffisait pas de solliciter des aides pour les obtenir. Les l'Ermitage. Le musée inversa donc cette tendance et éventuels donateurs exigeaient des propositions entreprit de constituer des sociétés d'Amis à travers le détaillées, des estimations de prix de revient, des m o n d e . Aujourd'hui, on en trouve en Europe, aux reconnaissances de dons, puis des rapports, choses États-Unis d'Amérique et au Japon. Dans u n effort qu'il n'était pas aisé de fournir. LErmitage possédait pour rationaliser et mieux coordonner ces initiatives une politique budgétaire héritée du système soviétique. internationales, le musée a tenu récemment à La plupart du temps, les coûts réels n'étaient pas pris l'Ermitage la première conférence internationale des en compte. À ce problème venait s'ajouter le fait que Amis du musée. Il a également créé u n cercle l'instance du gouvernement responsable des bâtiments international d'Amis du musée à l'Ermitage afin historiques - l'Ermitage étant l'un des bâtiments d'obtenir des aides ponctuelles des visiteurs russes et historiques les plus importants de Saint-Pétersbourg - étrangers. Le but le plus évident de ces associations est, exigeait que le calcul du coût de revient des projets de bien entendu, de générer des revenus, mais tout aussi restauration se conforme à la politique soviétique en importante est la volonté de faire connaître le musée et place. Ainsi, l'Ermitage instaura une double procédure ses collections à travers le m o n d e . Le personnel du dans ce domaine, l'une qui se pliait aux exigences d u musée a compris que la recherche de financements gouvernement et l'autre à celles des donateurs. Le allait de pair avec u n travail de sensibilisation de la musée connut u n dilemme similaire pour les grands c o m m u n a u t é internationale aux besoins du musée et projets de restauration, lorsque le donateur exigea une au caractère unique de ses collections. soumission à u n appel d'offres. Il s'agissait là d'une approche résolument nouvelle pour le musée. Dans son souci de consolider la présence du Limportance de cette procédure fut cependant vite musée sur la scène internationale, l'Ermitage a admise, en particulier pour le grand projet de également renforcé son service de presse. Le personnel restauration et de reconstruction centré autour de inclut à présent des anglophones ; la procédure des l'État-major général (projet du Grand Ermitage). Le conférences de presse, les publications en langue musée constitua donc u n conseil international pour étrangère et les visites de chaînes de télévision ont été superviser l'émission d'un appel d'offres pour le projet développées ; les employés du musée occupant des nxœcrn L ISSN 1350-0775. NO. 217 <voi. 55. NO. 1.2003) | 23 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS postes clés ont été encouragés à rencontrer la presse publier u n rapport annuel en russe et en anglais. internationale et la presse russe ; et la présence du EErmitage l'élabora selon ses besoins propres et ses musée lors d'événements médiatiques à l'étranger traditions. Tout en détaillant les activités et la situation s'est accrue. financière d u musée, le rapport réserve aussi une place importante aux travaux des chercheurs, aux différentes La conformité du musée aux critères internationaux Dès le début des années 1990, l'Ermitage prit réalisations d u personnel et aux expéditions menées par le musée au cours de l'année. La plupart des grands musées du m o n d e sont conscience que la gestion des finances d u musée régis par un conseil de surveillance, sorte de conseil représentait u n défi majeur. Le musée, c o m m e toutes d'administration, auprès duquel la direction du musée les institutions financées par le gouvernement en doit rendre compte de ses activités. U n e telle procédure Russie, s'appuyait alors sur une structure financière légale n'existe pas dans la Fédération de Russie, et héritée d u régime soviétique. Les autorités l'Ermitage dépend, en réalité, des autorités fédérales. D u gouvernementales, d u reste, requièrent toujours du fait des changements radicaux qui étaient alors en cours musée une comptabilité fidèle à des pratiques à l'Ermitage et de son retour sur la scène internationale, spécifiques russes. M ê m e si la procédure en est très la direction du musée considéra opportun de constituer détaillée, les donateurs étrangers, eux, exigeaient u n Conseil consultatif international, ce qu'il fit sous désormais une transparence relevant des normes G A A P l'égide de l ' U N E S C O , en faisant appel à des directeurs (normes comptables américaines) et des normes qui de musée et à des spécialistes de renommée mondiale. commençaient à entrer en vigueur alors dans l'Union M ê m e si cette commission n'a aucun statut légal dans la européenne. Afin de redresser cette situation, Fédération de Russie, depuis huit ans elle joue u n rôle l'Ermitage, avec l'assistance de l ' U N E S C O et de la consultatif auprès de la direction d u musée, avalise les firme internationale K P M G (un groupe mondial de politiques et les stratégies de développement et, par là compagnies de services professionnels fournissant des m ê m e , donne officieusement une crédibilité conseils en finance, des certifications, des services internationale au musée. E n outre, elle offre à la fiscaux et légaux), prit une décision audacieuse et direction et au personnel du musée l'assurance que les engagea u n remaniement radical des opérations opérations d u musée sont conformes aux critères financières du musée. Des logiciels sur mesure destinés internationaux les plus exigeants. à la comptabilité russe et à celle des normes G A A P ainsi qu'aux prévisions budgétaires de chaque O n s'aperçut très tôt que le musée détenait des département furent mis en place. Le musée fut qualités naturelles dont il pouvait tirer grandement également équipé d'un système informatisé de avantage. Ainsi, n'allait-il pas seulement s'améliorer, comptage des tickets, ce qui garantissait une mais faire u n saut qualitatif. Lune des conséquences de comptabilité précise pour les revenus générés par les cette réflexion fut le développement des technologies visites. Afin d'accroître encore davantage la de l'information. EErmitage fut l'un des premiers transparence et la responsabilité financière, le musée musées à reconnaître que les technologies de fut m ê m e la première institution culturelle en Russie à l'information pouvaient être u n m o y e n très efficace 24 ITjUBGUT^ 1SSN 0304.3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 UErmitage et le c h a n g e m e n t institutionnel Stuart Gibson d'améliorer son fonctionnement et d'ouvrir ses mémoire les difficultés qu'il a rencontrées au fur et à collections au m o n d e . Avec l'assistance d ' I B M , il a mesure que les problèmes se présentaient. Le musée a élaboré l'un des sites W e b de musée les plus souvent été pressé par la communauté internationale sophistiqués au m o n d e . Son personnel compte les d'introduire des changements qu'il préférait employés parmi les mieux initiés à l'informatique dans entreprendre progressivement, ou m ê m e reporter. la c o m m u n a u t é des musées. Les effets de cette Ladministration de l'Ermitage commençait tout juste à politique se font sentir bien au-delà de l'Ermitage. Ses saisir_la notion de risque. Le musée était disposé à collections sont accessibles à présent dans le m o n d e écouter les conseils qu'on lui donnait, mais se réservait entier et le musée a entrepris la numérisation de ses u n droit exclusif au m o m e n t de prendre des décisions collections. Le logiciel qu'il élabore en collaboration concernant la gestion et l'organisation : il était bien avec le Ministère de la culture deviendra u n modèle conscient que lui seul en assumerait la responsabilité pour tous les musées russes. Dans le cadre de son en dernier ressort. U n e curieuse situation de programme de merchandising international, le musée a compromis s'instaura en certaines occasions, avec, créé une boutique en ligne qui propose des produits d'une part, les consultants internationaux qui uniques, rapprochant ainsi davantage les activités de cherchaient à accélérer des changements qu'ils commerce d u musée d u public international. jugeaient nécessaires et, d'autre part, l'Ermitage qui freinait, tout en s'efforçant d'assimiler de nouveaux Lun des changements les plus profonds qui concepts et de nouveaux modes de pensée. La soient intervenus ces dernières années à l'Ermitage est direction de l'Ermitage a prouvé sa très forte l'attitude de la direction qui encourage vivement son détermination en résistant aux changements jusqu'à ce personnel à être créatif. Tout ce qui a été accompli par le qu'elle en ait saisi toutes les implications ainsi que les biais des technologies de l'information aurait sans doute contraintes inhérentes au résultat attendu. été impensable sans ces encouragements. Le département éducatif du musée a pris l'initiative de U n e organisation ne se dissocie pas d u développer des programmes spécifiques pour les contexte culturel dans lequel elle évolue. Les modèles enfants, les parents, les professeurs et les écoles. Le organisationnels demeurent des notions abstraites tant musée s'attache aussi à améliorer le rendement des qu'ils ne sont pas introduits dans une situation réelle. autres musées en Russie et dans l'ex-Union soviétique. S'il est exagéré de dire que l'Ermitage comprit cela dès La plupart de ces programmes ont été inventés par le le début, o n peut toutefois affirmer qu'il le saisit de personnel de l'Ermitage lui-même. Le musée s'est rendu manière intuitive. 11 savait qu'il devait évoluer au sein compte très tôt que pour conserver un personnel d'une organisation qui répondait à ses besoins, et en inventif et motivé, il devait lui permettre de relever des ses propres termes culturels. Il fallut beaucoup de défis et le laisser libre d'élaborer des projets. Cette créativité, de patience, de détermination, et le courage politique visionnaire c o m m e n c e à porter ses fruits. de faire des erreurs. Fort heureusement, la direction d u musée possédait toutes ces qualités... Si les succès d u A posteriori, il serait facile de ne considérer passé donnent la moindre indication d u potentiel d u que les succès du musée, qui sont certes très musée, le musée d'État de l'Ermitage a u n brillant nombreux. Mais il est également instructif de garder en avenir devant lui. museum ISSN 1350-0775. NO. 217 (Vot. 55. NO. 1.2003) | 25 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS Winnie Denker / Patrimoine 2001 / Fondation La Caixa 3 - Cent restaurateurs travaillent dans dix ateliers spécialisés à l'Ermitage. Le plus ancien fut fondé en 1743 pour la restauration des peintures à l'huile. > U N E S C O /Anne Lemaistre 4 - Le café Internet de l'Ermitage a été créé il y a deux ans afin de développer les ressources des nouvelles technologies. 26 HTLKíLrn^ ISSN O3O4-3OO2, n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 LErmitage et les technologies : de nouvelles perspectives Par Aleksei Bogdanov Aleksei Bogdanov est directeur adjoint chargé de la maintenance et ingénieur en chef dans le service de maintenance du musée de l'Ermitage. Il est responsable de l'élaboration et de la mise en œuvre de tous les programmes liés aux nouvelles technologies. Il est également le président du comité russe du Comité international de l'ICOM sur la sécurité. LErmitage a toujours été l'un des musées les plus à la pointe du progrès dans le m o n d e . C'est dans le palais d'Hiver, alors résidence impériale, à présent musée de l'Ermitage, que de nombreuses innovations techniques firent leur première apparition en Russie, notamment le télégraphe, l'électricité, u n ascenseur mécanique, u n régulateur de température, u n système téléphonique et u n chauffage à air puisé. Aujourd'hui, paradoxalement, cette tradition fait peser une certaine responsabilité sur le département des services techniques de l'Ermitage. Le musée prépare actuellement une exposition spéciale qui se tiendra dans les combles d u palais d'Hiver, centrée sur l'histoire des technologies introduites dans le palais d'Hiver au cours d u siècle passé. Le musée continue aussi de moderniser ses services techniques en utilisant des équipements novateurs et des technologies modernes, notamment celles de l'information. Des moyens adaptés en vue du développement technologique Laccessibilité et la diffusion des collections reste une des priorités d u musée ; u n principe renforcé ici par le fait que les collections de l'Ermitage reflètent la diversité des cultures et que, depuis la fin d u régime soviétique, les chercheurs et les passionnés d u m o n d e entier peuvent le visiter beaucoup plus facilement. rnjEsurn ISSN 0304-3002, n° 217 ivoi. 55. n° 1,2003) 1 27 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS Grâce aux technologies contemporaines de chercheurs et tous les passionnés du m o n d e entier l'information, l'Ermitage sera bientôt en mesure de pouvaient alors accéder virtuellement aux trésors de garantir un accès universel à toutes ses collections. l'Ermitage. Lune des technologies les plus répandues actuellement est l'Internet, qui permet au musée de présenter ses Le site W e b de l'Ermitage collections au public sous la forme numérique. LErmitage a consacré plus de sept ans au Le site de l'Ermitage (www.heritagemuseum.org) est développement d'un site W e b extrêmement divisé en deux grandes sections. La première perfectionné et est constamment en train de l'améliorer correspond au site de base composé de pages qui par de nouveaux équipements et logiciels. La décrivent les collections et leur histoire. La seconde est compagnie I B M , l'une des compagnies de technologie une bibliothèque numérique, c'est-à-dire une base de informatique les plus importantes et les plus reconnues données intégrée, constituée de pages dynamiques qui, au m o n d e , est l'un des partenaires principaux de à la d e m a n d e de l'utilisateur, présentent des pièces l'Ermitage dans ce domaine. Cette étroite collaboration particulières du musée. Les deux sections sont reliées a été très bénéfique à l'Ermitage et, par là m ê m e , à tous par une seule page de présentation qui rend la les utilisateurs - très nombreux - du site W e b . Le navigation à travers le site relativement simple. partenariat avec I B M a notamment permis à l'Ermitage d'être en contact avec certains des meilleurs techniciens, consultants en informatique, analystes et Avec le développement du site W e b , de nouvelles possibilités ont émergé pour le musée. Les spécialistes en conception de systèmes informatiques collections de l'Ermitage comportent presque trois ou en technologies avancées disponibles actuellement. millions de pièces ; cependant, à peine plus de cinq La collaboration a également eu d'autres retombées mille d'entre elles sont disponibles actuellement dans positives. Le musée a travaillé avec une équipe la bibliothèque numérique d u site. La numérisation internationale très créative qui a introduit de nouvelles des collections se poursuit donc : pour commencer, le manières de penser. Ceci a donné naissance à une musée donne la priorité aux objets les plus importants génération nouvelle d'adeptes de la technologie dans le et les plus intéressants. Toutes les images de la musée : les effets s'en font sentir bien au-delà de la bibliothèque numérique sont produites à partir de création du site W e b . diapositives de qualité professionnelle, à l'aide d'un scanner très sophistiqué conçu expressément par I B M À la suite de discussions entre I B M et la pour la publication électronique. Les technologies direction du musée, en 1996 la compagnie a proposé d'IBM permettent au musée d'offrir aux visiteurs du d'octroyer une subvention de 2 millions de dollars à site des images d'une extrême précision, que ce soit l'Ermitage en vue de l'élaboration et de l'exécution pour des plans d'ensemble des objets ou pour des immédiates de quatre projets : u n studio pour la zooms sur certaines parties. LErmitage est conscient production d'images, u n système d'information du que les images de ses collections représentent u n atout musée, u n centre d'études des technologies de majeur pour le musée et reste par conséquent très l'information, et u n site W e b . Deux ans et demi plus attentif aux questions de protection des droits d'auteur tard, ces projets s'étaient concrétisés et tous les ou d'usage légal. A u cours de la numérisation, des 28 nXBÖJTI | S S N 0304-3002. n° 217 (vol. 55, n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I LErmitage et les technologies Aleksei Bogdanov marquages invisibles sont insérés dans les images, afin le site W e b . Eélaboration et la mise au point de la de déterminer l'origine des images qui seraient copiées boutique en ligne n'ont représenté qu'une toute petite à partir du site W e b de l'Ermitage. partie de leur travail c o m m u n . Lorganisation des activités auxiliaires, notamment le stockage des LErmitage, en plus d'être une immense réserve marchandises et la livraison des c o m m a n d e s , s'est d'œuvres d'art, est également un grand complexe de avérée infiniment plus compliquée. Eexpérience six bâtiments qui, il y a quatre-vingt-cinq ans, était d'autres musées de premier plan, tels que le Louvre, le encore la résidence impériale des tsars de Russie. Metropolitan M u s e u m ou le musée Guggenheim, a été Laménagement des pièces et l'architecture rivalisent à d'une aide inestimable lorsque l'Ermitage a c o m m e n c é bien des égards avec les chefs-d'œuvre exposés. Le site à développer ses activités de commerce électronique. W e b d u musée comporte une série de « visites Des études préliminaires indiquaient que la demande virtuelles » consacrées à l'histoire de la résidence la plus forte pour ce type d'achat provenait des États- impériale et à son architecture. Les visiteurs du site Unis d'Amérique. Il allait être difficile de livrer les peuvent visionner les grandes salles, se familiariser c o m m a n d e s depuis la Russie, étant donné que les avec le décor, et apprendre l'histoire d u palais et de ses consommateurs américains comptent sur u n service anciens occupants. rapide ; or, l'expédition et les douanes poaient problème en Russie. Il a donc été décidé que toutes les Chaque année, le musée ajoute au site de c o m m a n d e s seraient traitées depuis les États-Unis, par nouvelles « expositions virtuelles »conçues à partir de le biais d'un fournisseur implanté en Californie. Afin ses collections , y compris celles qui ne figurent pas que la boutique en ligne soit viable d'un point de vue parmi les expositions permanentes. Ces trois dernières commercial, il était évident que sa présentation années, le musée a élaboré des images d'objets en visuelledevait être attrayante et qu'elle devait ayant recours à la photographie panoramique et comporter une vaste g a m m e de produits de qualité. Le tridimensionnelle et créé des modèles en 3 D de personnel d u musée, en collaboration avec I B M , a certains éléments des collections au m o y e n de élaboré u n site très attractif et d'utilisation facile et, en mécanismes exceptionnels. La plupart de ces images collaboration avec la Commission internationale pour sont intégrées ensuite dans les expositions virtuelles le merchandising de l'Ermitage, a conçu une ligne de du site. produits de qualité. La boutique a ouvert l'an dernier et, petit à petit, elle se fait connaître c o m m e u n m o y e n La longue collaboration de l'Ermitage avec I B M et la formation spécialisée que le personnel du de faire parvenir un peu partout dans le m o n d e u n aperçu de l'Ermitage. musée a reçue à cette occasion ont jeté les bases d'un partenariat continu dès lors que les premiers objectifs des projets ont été atteints. Après l'inauguration en La mission d'information et d'éducation de l'Ermitage 1999 de la version remaniée d u site W e b de l'Ermitage, le musée et I B M se sont associés à nouveau pour U n e des caractéristiques essentielles du site W e b est sa développer les activités commerciales électroniques d u fonction informative, que ce soit au travers des images musée, parmi lesquelles l'ouverture d'une boutique sur ou des textes. U n e grande attention est portée à la museum ISSN 1350-0775. NO. 217 tvoi. 55. NO. 1.2003) \ 29 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS qualité de l'information dans tous les domaines. A u élabore à l'intention des enfants, et plus m o m e n t de concevoir le site, l'Ermitage a choisi de particulièrement de ceux qui ont des difficultés viser u n large public, en se concentrant d'apprentissage, et des professeurs. Parmi les activités particulièrement sur les personnes qui ne faisaient pas principales d u centre figurent l'aide à l'apprentissage partie de la catégorie des chercheurs, sans pour autant par ordinateur et l'introduction de concepts que ces derniers soient exclus. Chaque année le musée d'appréciation de l'art et d'histoire de l'art pour les réactualise le site, de nouveaux contenus sont ajoutés enfants. Le musée organise aussi chaque année une et les documents existants sont mis à jour. O n procède exposition d'oeuvres d'art générées par ordinateur, tout d'abord à l'analyse des données statistiques, en créées par les élèves d u centre éducatif. particulier celles concernant le nombre de visites pour chaque section d u site. Les courriers électroniques Convaincu et stimulé par l'idée d'interaction envoyés par les visiteurs d u site sont également informatique, le musée a ouvert l'année dernière u n contrôlés. E n moyenne, six à sept mille visiteurs café Internet dans la galerie Rastrelli du palais d'Hiver. consultent le site chaque jour. Les sections les plus Tout en se restaurant d'un sandwich et d'un expresso, populaires sont les collections majeures, la les visiteurs ont la possibilité d'accéder au site W e b du bibliothèque numérique et les sections consacrées aux musée, d'envoyer des courriers électroniques visites virtuelles ou aux expositions qui utilisent accompagnés d'images extraites des collections d u l'imagerie tridimensionnelle. Les sections centrées sur musée et des photos d ' e u x - m ê m e s , et d'accéder aux l'histoire de l'Ermitage et sur l'éducation sont sites d'autres musées à travers le m o n d e . Le café également très appréciées. Internet s'est avéré être une halte de repos high-tech très appréciée. LErmitage a également installé des Toutes les informations se rapportant au kiosques avec des ordinateurs dans l'entrée d u musée musée et à ses collections sont revues par les pour permettre la consultation d u site. Ainsi, les conservateurs d u musée. C o m m e ils savent identifier visiteurs peuvent chercher des informations précises les objets les plus intéressants au sein des collections avant m ê m e d'entamer leur visite. Ils peuvent aussi dont ils ont la charge, ils travaillent en étroite élaborer des itinéraires personnalisés selon des critères collaboration avec le département des technologies de prédéterminés. l'information dans toutes les phases de développement du site. D e son côté, ce département est toujours en quête de nouvelles façons de présenter les collections Les nouvelles technologies au service de la recherche sur le site. La conservation des collections d u musée a toujours été La plupart des images panoramiques et des d'une importance capitale pour l'Ermitage. Avec modèles créés ou adaptés pour le site W e b sont utilisés l'introduction des nouvelles technologies, cette priorité ensuite par le centre éducatif du musée. E n place est encore plus évidente. Linventaire des collections est depuis plus de quatre-vingts ans, le centre éducatif de en train de s'informatiser. Il s'agit d'une tâche colossale l'Ermitage s'appuie de plus en plus sur la technologie pour tout musée ; mais, dans le cas de l'Ermitage, étant informatique pour les programmes spécialisés qu'il donné l'ampleur des collections, c'est une véritable 30 rïTJBGUYl ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I LErmitage et les technologies Aleksei Bogdanov gageure. Le département des inventaires du musée a musée continue à publier ces travaux. Toutefois, il peut installé une série d'ordinateurs et forme actuellement le à présent compter sur les technologies de l'information personnel sur la façon d'entrer les données, pour accroître le lectorat potentiel des publications afin ^enregistrement des pièces de musée en Russie étant d'en réduire le coût. U n e seule édition papier paraîtra contrôlé par le Ministère de la culture, u n logiciel désormais pour chaque publication ; u n e « édition spécialement adapté a d û être élaboré afin de garantir virtuelle » sera diffusée sur le site W e b d u musée et les que la procédure et les données recueillies auteurs seront chargés d'actualiser régulièrement ces correspondent aux directives du gouvernement, alors versions en intégrant de nouveaux matériaux, des en cours de révision. Ayant procédé à une analyse corrections ou des références. Les chercheurs qui le comparative des modèles d'inventaires informatisés souhaitent pourront avoir accès à l'édition virtuelle la dans les autres pays, et tout en collaborant étroitement plus récente et le musée, ainsi, évitera les coûts induits avec des organismes d u gouvernement, l'Ermitage a par la production de plusieurs éditions papier. Il est établi u n ensemble complet de paramètres probable aussi que la diffusion des travaux sur le site d'enregistrement. Le logiciel conçu à cet effet est produira une demande accrue de la première édition programmé de sorte à protéger l'intégrité des données ; papier. ainsi, les chercheurs extérieurs pourront avoir accès aux données, mais ils ne seront pas autorisés à les modifier LErmitage a toujours considéré la technologie de quelque manière que ce soit, ce droit étant c o m m e u n outil indispensable et il l'exploite très exclusivement réservé aux conservateurs d u musée. Par activement. A u début des années 1990, lorsque le la suite, l'Ermitage a engagé u n programmeur afin qu'il musée s'est rendu compte qu'il devait moderniser ses incorpore les nouveaux paramètres dans u n programme systèmes d'information, la tentation initiale a été d'enregistrement existant et qu'il élabore sur cette base d'introduire de nouveaux équipements et des un programme de logiciel en russe. Le programme sera technologies de façon graduelle, u n département après mis à la disposition de tous les musées russes, l'autre. Cependant, l'on a vite compris qu'il s'agissait garantissant par là une procédure d'enregistrement d'une occasion exceptionnelle pour introduire les informatisée uniforme dans toute la Russie. technologies les plus avancées dans l'ensemble d u musée. U n e nouvelle manière de penser et de LErmitage est connu, depuis très longtemps, nouvelles ressources étaient requises. Avec l'assistance pour ses nombreuses publications de travaux de de ses partenaires, le musée a su transformer les recherche. La plupart d'entre elles ont u n public technologies de l'information en une nouvelle restreint de chercheurs et de spécialistes et elles ont dimension tout à fait stimulante de son travail et de sa par conséquent u n tirage extrêmement limité. Avec la mission. Ainsi ont été générés de nouvelles possibilités fin de l'Union soviétique, le coût de production de ces et de réels bienfaits pour le musée de l'Ermitage et publications s'est considérablement accru. Ayant pour toute la c o m m u n a u t é muséale russe. conscience, toutefois, que la diffusion de la connaissance fait partie intégrante de son mandat, le museum ISSN 1350-0775, NO. 217 (Voi. 55. NO. 1.2003) | 31 LE LEGS DU PASSE ET LES NOUVELLES MISSIONS •;© U N E S C O / Winnie Denker/ Patrimoine 2001 5 - La place du Palais fut conçue par l'architecte italien Carlo Rossi (1775-1849), l'un des architectes qui a le plus contribué à l'urbanisme du xixe siècle. La colonne située au centre de la place fut érigée en 1829. 32 nXœUTI ISSN 0304-3002; n° 217 (vol 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 Le Grand Ermitage : un avenir brillant Par María Haltunen Maria Haltunen est l'assistante spéciale du directeur de l'Ermitage ; elle est également membre de la Commission internationale pour le merchandising de l'Ermitage ainsi que du comité de gestion du Grand Ermitage. Lorsque l'architecte français Le Blond conçut la nouvelle capitale de l'empire russe, Saint-Pétersbourg, il lui parut naturel que la ville rayonne depuis le point central de la place d u Palais. Le Blond ne pouvait anticiper l'apparence que prendrait la place au fil des ans, mais il ne doutait pas qu'elle serait parfaite. Et parfaite elle l'est, flanquée d'un côté par le majestueux palais d'Hiver baroque, la plus grande œuvre de Rastrelli en Europe, et de l'autre côté par u n chefd'œuvre d u néoclassicisme tardif, l'imposant Étatmajor général de Carlo Rossi. M ê m e si ces deux bâtiments relèvent de styles très différents, ils ne sont nullement discordants ; au contraire, l'impression d'ensemble est harmonieuse. Les divisions élégantes et régulières de la façade du palais d'Hiver, créées par des proportions soigneusement mesurées, par les pilastres, les colonnes et les surfaces planes, sont mises en valeur par la forme semi-circulaire très prononcée de la façade de l'État-major général de l'autre côté de la place. Les nombreuses statues situées sur le toit d u palais d'Hiver ont une certaine affinité avec l'arc central de l'Étatmajor général et le char de la gloire qui le surmonte. Entre les deux bâtiments, c o m m e figée au centre de la place, se dresse la colonne Alexandre, couronnée de son ange qui bénit la place d u Palais et, au-delà, la ville entière de Saint-Pétersbourg. mLEËUTI ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) I 33 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS Le centre de la ville se présente ainsi : d'un 1993, les autorités fédérales ont attribué l'aile est de côté, une résidence impériale et, de l'autre, u n l'ancien État-major général à l'Ermitage, ce qui a été le bâtiment qui abrita autrefois les Ministères des affaires point de départ d u projet. Avec cette nouvelle étrangères, des finances et de la guerre. Ils furent acquisition, l'Ermitage allait être confronté à une tâche témoins l'un c o m m e l'autre de certains des événements peu ordinaire et très complexe. LÉtat-major général les plus importants des trois derniers siècles. Des possède sa propre cohérence historique. Il fut conçu décisions de la plus grande importance historique par le célèbre architecte italien Carlo Rossi pour furent prises en ces lieux ; d'illustres personnages, dont accueillir une partie de l'administration russe d u l'esprit est encore présent, empruntèrent les corridors xixe siècle ; il ne s'agissait en aucun cas d'un musée. D e de ces deux chefs-d'œuvre de l'architecture. Sans nombreuses cours furent créées afin d'assurer passé, il n'y aurait pas de présent, et le présent dicte à d'importantes sources de lumière pour les bureaux, et son tour le futur. Compte tenu de son origine, il n'est des passages couverts et des arches reliaient les cours pas surprenant que l'Ermitage soit devenu l'un des entre elles. Par chance, l'agencement général, constitué musées les plus importants d u m o n d e . LÉtat-major d'une suite de pièces et de couloirs, se prêtait bien à la général a, pour sa part, inspiré u n plan très novateur constitution d'un musée. La structure d'ensemble en vue de la création d'un musée du nouveau facilite la circulation des visiteurs et l'accès aux millénaire, dans le cadre d'un projet connu sous le diverses salles qui se situent sur u n seul axe. O n peut n o m de « Grand Ermitage ». le vérifier dans les salles fraîchement restaurées qui abritent l'exposition d'art permanente sur la période de La rénovation et la restauration du musée : le projet du Grand Ermitage Le projet d u Grand Ermitage découle des programmes l'Empire et dans la suite de pièces restaurées qui sont réservées actuellement aux expositions temporaires. LÉtat-major général comporte cinq étages et de restauration et de reconstruction à long terme des cinq cours intérieures, totalisant une surface d'environ bâtiments historiques d u m u s é e , et de la place 3 8 200 mètres carrés. Jusqu'à une date récente, qu'occupe l'Ermitage dans le développement urbain plusieurs organisations, en plus de l'Ermitage, du centre historique de Saint-Pétersbourg. Ses occupaient les lieux, chacune ayant au fil des ans principaux objectifs sont d'améliorer l'accès aux adapté le bâtiment à ses besoins spécifiques. E n collections d u musée, de créer les conditions conséquence, la qualité des installations électriques et nécessaires à leur parfaite conservation et de de la plomberie variait considérablement à travers le développer les services à l'intention des visiteurs afin bâtiment. U n e grande partie de la toiture en métal que ceux-ci puissent tirer le plus grand profit de leur (7 025 mètres carrés) dut être remplacée. Soixante- expérience dans le musée et dans la ville. Le Grand deux salles au quatrième étage furent jugées trop Ermitage est une entreprise complexe qui se réalisera dangereuses pour être occupées. La plupart des en plusieurs étapes. poutres des combles demandaient à être remplacées. E n bref, presque tout le bâtiment se trouvait dans u n Parti d'une simple idée, le projet d u Grand Ermitage s'est rapidement transformé en réalité. E n 34 état de vétusté très avancé et u n travail considérable fut nécessaire afin qu'il soit mis aux normes. ITIUSeUTl ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55, n° t. 2003) © UNESCO 2003 | Le Grand Ermitage Maria Haltunen Les nombreux sous-locataires, parmi lesquels La réhabilitation de l'État-major général une imprimerie et une clinique médicale, n'avaient absolument pas les moyens financiers de redonner au E n 1998, l'Ermitage publia u n appel d'offres, ouvrant bâtiment son apparence d'origine. D u reste, l'État- la compétition et sollicitant des propositions créatives major général avait été classé m o n u m e n t historique et, pour la réhabilitation de l'État-major général. Le fort heureusement, les sous-locataires ne furent pas département d'architecture du musée et des autorisés à effectuer des transformations radicales. spécialistes extérieurs élaborèrent u n dossier qui Ainsi, des cloisons temporaires furent érigées afin de détaillait les objectifs et tous les paramètres nécessaires compartimenter l'espace, et l'élégant parquet fut pour la rénovation de l'édifice. Lobjectif principal était recouvert presque partout par du linoléum afin d'être de créer, pour la première fois à Saint-Pétersbourg, u n préservé. Tandis que les derniers locataires évacuent complexe polyvalent harmonieux composé de salles petit à petit le bâtiment, le travail de restauration d'exposition et d'espaces destinés aux activités s'effectue, étape par étape. Les locataires ne quittent les éducatives, culturelles, commerciales et récréatives. lieux que lorsque les pièces qu'ils occupent doivent LErmitage toutefois souhaitait donner la priorité aux être restaurées. Lexpérience a montré, en effet, qu'à activités en rapport avec le musée et n'envisageait des partir du m o m e n t où les pièces sont inoccupées, les activités commerciales que si elles cadraient avec la dégâts matériels sont plus importants encore. mission éducative d u musée. Idéalement, l'aile est de l'État-major général regrouperait des espaces culturels, Avant que l'Ermitage n'entreprenne la des salles d'exposition, des ateliers - dont certains restauration, le bâtiment a été étudié en détail, pièce pourraient être ouverts au public - , des salles de par pièce, et chaque élément a été vérifié, que ce soit conférences et des cinémas. À la suite des résultats de les m u r s ou les sols, les voûtes ou les poutres. l'appel d'offres, l'Ermitage continua à construire son LErmitage prit conscience très tôt que le musée ne projet. Le musée travaille actuellement en partenariat possédait pas l'expertise nécessaire afin d'élaborer et de avec les autorités de la ville, la Banque mondiale et des réaliser une stratégie de restauration pour l'ensemble consultants internationaux afin de finaliser u n plan du bâtiment. Des spécialistes extérieurs furent donc concret pour la restauration, l'usage et la maintenance engagés afin de travailler avec le personnel du musée. du bâtiment. C e plan devrait être achevé à la fin de Plusieurs idées intéressantes furent proposées, mais l'année 2003 et le musée s'engagera alors dans une elles furent souvent rejetées pour des raisons de campagne de recherche de financement. cohérence architecturale ou de sécurité. Par exemple, on rejeta l'idée d'un passage souterrain reliant l'État- Entre-temps, le musée a entrepris certains major général au palais d'Hiver sous la place d u Palais. travaux de restauration conciliables avec le projet La proximité d u canal Moïka et la présence de la d'ensemble. Aujourd'hui, toute la façade de l'État- colonne Alexandre de 700 tonnes au centre de la place major général a retrouvé sa splendeur d'origine. La faisaient encourir trop de risques. restauration de l'arc, qui relie les ailes est et ouest, et la sculpture du char de la gloire qui le surmonte sont également presque achevés. Cette dernière entreprise a été financée par la société russe Interros, dirigée par mUSeUT] ISSN 1350-0775, No. 217 (Vol. 55. No. 1.2003) | 3 5 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS Vladimir Potanin, qui est également le président de la Palais. La collection des arts décoratifs figure parmi les Fondation Ermitage-Guggenheim, qui fut fondée en collections les moins visitées, car elle attire 2002 pour parrainer la restauration et la réhabilitation principalement les spécialistes. E n revanche, les de l'État-major général. remarquables collections de tableaux impressionnistes et d'art moderne sont parmi les plus appréciées de Les salons officiels et les appartements privés l'Ermitage. Si o n les transférait dans l'État-major du Ministre des affaires étrangères Knesselrode, avec général, les visiteurs seraient amenés à s'y rendre et à leurs proportions néoclassiques strictes et leurs profiter par la m ê m e occasion des autres collections et peintures murales, ont été soigneusement restaurés et des autres activités. E n outre, les espaces rénovés de abritent désormais une exposition permanente, « Sous l'État-major général seraient plus appropriés pour les le signe de l'aigle. Lart de l'Empire ». Cette exposition collections que les salles actuelles d u palais d'Hiver. Il s'accorde parfaitement avec les lieux et reflète l'histoire fut donc décidé que les collections de tableaux européenne qui s'y est déroulée. D e plus, les pièces impressionnistes et d'art moderne seraient transférées adjacentes plus modestes abritent à présent une progressivement, au fur et à mesure de la restauration exposition permanente de gravures et de dessins issus de l'édifice. du département de la culture russe. Lune des premières expositions d'art moderne De nouvelles salles d'exposition qui fut installée dans l'État-major général provenait des archives d u musée. U n e série de panneaux superbes de Le projet initial d u musée, datant du milieu des Pierre Bonnard et de Maurice Denis avait été années 1980, prévoyait d'installer u n musée d'arts entreposée pendant des décennies dans le musée. Avec appliqués dans l'État-major général. LErmitage détient la restauration d'une suite de pièces lumineuses au l'une des plus importantes collections d'arts appliqués plafond très haut donnant sur la place d u Palais, o n qui existent au m o n d e , mais très peu de pièces put enfin les rendre accessibles au public. D'autres peuvent être exposées de façon permanente. A u fur et salles restaurées sont également prêtes désormais pour à mesure que le Grand Ermitage s'élaborait dans le accueillir des expositions. Durant l'été 2002, une courant des années 1990, la direction d u musée et son rétrospective de l'œuvre de Claude Monnet, élaborée à personnel, en accord avec le Conseil consultatif partir des collections de l'Ermitage ainsi que des prêts international de l'Ermitage, ont intégré les différents de douze autres musées dans le m o n d e , fut organisée projets concernant l'État-major général dans le projet dans le bâtiment. Pendant toute la durée de général du Grand Ermitage qui requérait, entre autres, l'exposition, la file d'attente devant les guichets s'étirait l'aménagement de nouvelles surfaces d'exposition. jusqu'au milieu de la place d u Palais. Ce succès LErmitage est déjà u n très vaste musée. Étant donné apparut c o m m e une justification de la décision du l'étendue des surfaces d'exposition présentes dans le musée de transférer les collections impressionnistes et palais d'Hiver et dans les bâtiments adjacents, il fut modernes dans l'État-major général. Par la suite, une décidé d'installer des expositions permanentes (et exposition temporaire de George Segal dans les salles temporaires) dans l'État-major général qui attireraient Guggenheim, qui furent créées dans le cadre de les visiteurs d u musée de l'autre côté de la place d u l'accord de coopération entre l'Ermitage et le musée 36 mUSeUT) ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I Le Grand Ermitage Maria Haltunen Guggenheim, démontra que le style néoclassique strict sur la place d u Palais. Le Grand Ermitage répond à une des intérieurs de l'État-major général, loin de choquer, vision holistique destinée à rajeunir le cœur m ê m e d u s'accordait au contraire très bien avec l'art moderne. Le centre historique de Saint-Pétersbourg et à propulser musée continue à utiliser l'État-major général pour son l'Ermitage dans le xxie siècle. tout récent département de l'art du xxc siècle ainsi que pour des expositions temporaires d'art contemporain. Les services a u public Le c o m p l e x e d u palais d'Hiver La restauration d u palais d'Hiver est également en cours de réalisation depuis quelque temps. La Grâce aux travaux de restauration de l'État-major galerie 1812 dédiée à la victoire russe sur Napoléon en général, l'Ermitage a eu la possibilité de changer est u n exemple. Cette galerie fut délibérément placée l'emplacement de son amphithéâtre. Les programmes au centre des salons officiels dans le palais. Son de conférence sur l'histoire de l'art et sur les emplacement a une profonde signification, située expositions temporaires d u musée ont toujours c o m m e elle est entre la salle des Armoiries et la salle remporté une forte adhésion auprès d u public. Le du Trône. Toute personne se rendant à la salle d u nouvel amphithéâtre dans l'État-major général a Trône pour une audience avec l'empereur devait passer permis au musée d'élargir son club d'étudiants et, de par ce mémorial de l'histoire militaire russe. Les murs ce fait, au département éducatif de se développer à son et les lucarnes ont été restaurés ainsi que plus de trois tour et d'offrir des programmes pour u n public bien cents peintures qui décorent les murs de la galeriere et plus varié, composé à la fois d'adultes et d'enfants. qui présentent les officiers ayant participé aux C'est u n point particulièrement important de nos campagnes contre Napoléon. La salle du Trône (la jours, dans la mesure où le musée propose de grande salle Saint-Georges) est le cœur d u palais nouvelles expositions temporaires très stimulantes ; d'Hiver. La restauration d u trône, d u dais et de la elles nécessitent souvent d'être replacées dans u n tenture située derrière le trône est achevée et la salle contexte historique et intellectuel afin d'être appréciées accueille à nouveau de nombreuses cérémonies qui à leur juste valeur. c o m m é m o r e n t le passé et le présent russes. Le Grand Ermitage comprend n o n seulement la restauration de l'État-major général mais aussi, plus Jusqu'à ce jour, l'élément le plus ambitieux d u Grand Ermitage est peut-être l'aménagement de la largement, la création d'un vaste complexe muséal tout nouvelle entrée d u complexe d u palais d'Hiver. autour de la place d u Palais, qui comprendra à la fois Actuellement, les visiteurs pénètrent dans le musée par des salles d'exposition et des services pour les visiteurs. l'entrée située sur la rive de la Neva. Elle se trouve sur Parmi les plus grandes transformations, o n compte la une rue très passante qui réserve très peu de place aux restauration des salons officiels et des galeries dans piétons. La nette augmentation d u nombre de visiteurs l'Ermitage, le transfert des laboratoires de restauration et l'encombrement qui en résulte créent des problèmes et de conservation au nouveau centre de dépôt en libre de circulation et de sécurité. LErmitage a donc décidé accès et, u n projet tout aussi ambitieux, la création de transférer l'entrée d u côté de la place d u Palais, qui d'une nouvelle entrée dans la cour du palais d'Hiver est une vaste zone piétonne et u n point de rencontre nxseun ISSN 1350-0775, NO. 217 <voi. 55. NO. 1,2003) | 37 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS logique pour les visiteurs. Ils pénétreront dans Laménagement du nouveau centre de dépôt du musée l'Ermitage par le grand portail du palais d'Hiver, puis à la périphérie de Saint-Pétersbourg est également d'un traverseront la Grande Cour pour atteindre à l'autre intérêt majeur. U n e partie d u centre a déjà ouvert et le bout le vestibule d u palais d'Hiver. Le musée a achevé musée a c o m m e n c é à transférer des objets qui, jusqu'à la restauration des murs de la cour, a installé u n présent, étaient conservés à l'Ermitage. Le musée finira nouveau système d'écoulement des eaux et finalise par y transférer aussi certains de ses laboratoires de actuellement la restauration du portail et la conservation et de préservation. Actuellement six pour réinstallation des aigles impériaux au-dessus. Il a cent seulement des possessions du musée sont exposés également élaboré u n projet pour la restauration des de façon permanente. A u fur et à mesure que les objets jardins et de la fontaine dans la cour. Pour la première et les laboratoires seront transférés dans ce nouveau fois depuis 1917, la Grande Cour a été temporairement centre, le musée rénovera l'espace libéré à l'Ermitage ouverte au public en juin 2001, lorsque l'Ermitage a pour les expositions. organisé une série de concerts de musique classique. La cour et la nouvelle entrée ouvriront officiellement Dans le cadre du Grand Ermitage, de en 2003 lors de la célébration du 300 e anniversaire de nombreuses réalisations ont déjà été accomplies en peu la fondation de Saint-Pétersbourg. de temps. D e nouvelles salles d'exposition ont été ouvertes, les expositions permanentes se sont Le M u s é e de la garde et la bibliothèque d'art étendues, des études planifiant l'avenir d u musée ont été entreprises, et certains des bâtiments les plus Les desseins à long terme du Grand Ermitage prévoient importants de Saint-Pétersbourg ont été restaurés. Plus également u n Musée de la garde et une bibliothèque important encore, le Grand Ermitage démontre sans d'art. Le quartier général de la garde est situé sur le cesse que l'Ermitage est une institution moderne, côté est de la place du Palais, entre l'Ermitage et l'État- capable de s'adapter à u n m o n d e changeant tout en major général, et son histoire est étroitement liée à ces restant toujours fidèle aux principes éducatifs et à deux bâtiments. La bibliothèque d'art sera constituée à l'héritage historique qui le définissent. Le Grand partir de la bibliothèque de recherche de l'Ermitage. Il Ermitage a prouvé également au musée que les s'agit de l'une des meilleures bibliothèques d'Europe, obstacles ne sont en définitive que de simples prétextes mais elle est actuellement fermée au grand public. pour le développement créatif du musée. Conformément à la mission éducative de l'Ermitage, une bibliothèque d'art publique rendrait les collections du musée encore plus accessibles au grand public. 38 rnu^uni ISSN 0304-3002. n° 217 ivoi, 55. n° 1.2003) © UNESCO 2003 Transformer des bâtiments historiques en m u s é e s viables le choix d'une politique de conservation Par Valerii Lukin Valerii Lukin est l'architecte en chef du musée d'État de l'Ermitage. Saint-Pétersbourg n'est certainement pas la première ville à se trouver confrontée aux innombrables défis liés à la rénovation de ses bâtiments historiques. Mais sa situation est bel et bien unique si l'on considère le n o m b r e de bâtiments qui ont besoin d'être restaurés aujourd'hui, la variété des nouvelles fonctions prévues pour ces bâtiments, et la multiplicité des styles architecturaux représentés dans le centre historique de la ville. E n outre, les mesures politiques qui ont été appliquées immédiatement après la révolution de 1917 ont eu des conséquences décisives et durables sur la réutilisation de nombreux édifices de la ville ; de fait, le débat public concernant la rénovation et la réutilisation des bâtiments historiques ne s'est sérieusement développé qu'au cours des dix dernières années, depuis la fin de l'Union soviétique. La décision que prit Lénine de transférer la capitale de Russie de Petrograd (Saint-Pétersbourg) à M o s c o u après la révolution de 1917 sauva paradoxalement l'architecture exceptionnelle de la ville. Lénine considérait la ville c o m m e u n foyer d'agitation intellectuelle (il était lui-même de SaintPétersbourg) et préférait que la ville demeure quelque peu isolée dans le coin nord-ouest de l'empire. Staline n o n plus n'aimait pas cette ville et se méfiait également de son activité intellectuelle. Lère stalinienne vit à M o s c o u la destruction de nombreux édifices des mUSSUTl ¡SSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) I 39 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS xvm e et xixe siècles qui furent remplacés par des d'acquérir, mais il ne fut pas conçu précisément versions néoclassiques staliniennes monumentales ; u n c o m m e un musée public. Le palais d'Hiver, le c œ u r du destin qui fut heureusement épargné au centre musée actuel de l'Ermitage, fut toujours considéré historique de Saint-Pétersbourg. À la chute de c o m m e un palais, et les grandes salles d'apparat Ï'« Empire » soviétique, l'architecture de Saint- n'étaient pas destinées initialement à servir de galeries Pétersbourg se révéla presque intacte, bien que dans publiques. Après la révolution de 1917, le palais un état très délabré. d'Hiver et les bâtiments adjacents constituèrent le musée de l'Ermitage, mais c'est progressivement que le Avec la fin de l'Empire russe en 1917 et palais d'Hiver se transforma en musée. Les nouvelles l'avènement de l'État soviétique, la plupart des palais collections très étendues que recevait alors le m u s é e privés de Saint-Pétersbourg furent convertis en requéraient une large surface d'exposition ; la plupart musées. À l'origine, on attribua à l'Ermitage le palais des grandes salles du palais convenaient parfaitement Stroganov et l'Institut des arts industriels de Stieglitz, pour cet usage, et souvent l'architecture des lieux vint qui comportaient tous deux d'importantes collections. compléter les collections qui y étaient exposées. Cependant, dans les années qui suivirent, la Malheureusement, le musée avait également besoin bureaucratie soviétique en pleine expansion exigea de d'espace pour entreposer les objets et créer des plus en plus d'espace pour ses bureaux. Les autorités bureaux à l'intention des employés. Certaines salles soviétiques réattribuèrent certains de ces tout furent donc réservées aux collections et d'autres nouveaux musées. Le palais Stroganov accueillit donc attribuées aux bureaux et aux laboratoires. Le musée divers bureaux de l'administration, et ses collections s'est toujours trouvé dans l'obligation d'effectuer u n furent divisées entre le musée de l'Ermitage et le Musée choix entre ces deux besoins souvent opposés. La russe. Le m ê m e sort fut réservé à de nombreux autres stratégie du musée à long terme est de transférer palais, c o m m e au palais Ioussoupov, qui fut cédé au progressivement la section des dépôts et les syndicat des professeurs soviétiques ; ses collections laboratoires dans le nouveau centre de stockage situé furent réparties entre diverses institutions à travers aux abords du centre-ville. La surface d'exposition s'en l'Union soviétique. trouvera ainsi nettement accrue. Lhistoire du musée de l'Ermitage tel qu'on le La recherche d'un éclairage approprié e connaît actuellement remonte au xvm siècle. Uensemble des cinq bâtiments situés sur la rive de la LErmitage a toujours adopté une attitude conservatrice Neva et l'État-major général, de l'autre côté de la place vis-à-vis de la restauration des intérieurs historiques du du Palais, qui constituent aujourd'hui le musée, furent musée. Ce travail de restauration implique que l'on conçus à l'origine pour de tout autres fonctions, la porte la plus grande attention aux collections exposées, seule exception étant le Nouvel Ermitage qui fut tout en ayant le souci de préserver l'intégrité de e construit au milieu du XIX siècle afin d'abriter les l'architecture intérieure et l'usage d'origine des galeries. collections impériales. Le Petit Ermitage, quant à lui, Lappréciation de cet ensemble d e m a n d e un éclairage fut construit par Catherine la Grande en 1764 afin bien conçu tant pour les collections que pour les d'accueillir une partie des collections qu'elle venait intérieurs. À une telle latitude, les mois d'hiver offrent 40 iriuseurri ISSN 0304-3002. n° 217 ivoi. 55, n° 1.2003) © UNESCO 2003 j Transformer des bâtiments historiques Valerii Lukin très peu de lumière naturelle et, durant les mois d'été, système gênant compte tenu d u décor du plafond ; de l'intense lumière d u soleil est saturée de rayons fait, d'un point de vue esthétique, l'on ne pouvait ultraviolets qui sont néfastes pour les collections. N e envisager de placer l'éclairage sous le plafond. E n souhaitant pas éliminer entièrement la lumière conséquence, le musée adopta une nouvelle approche naturelle, étant d o n n é qu'elle apporte une touche qui nécessitait de changer la disposition de toute la supplémentaire au spectacle des collections, le musée a collection, mais qui respectait les intérieurs historiques installé ces dernières années u n film protecteur sur les tout en permettant aux visiteurs d'apprécier à leur fenêtres, qui permet d'arrêter les ultraviolets, et u n juste valeur les collections et l'architecture. système d'éclairage qui se met automatiquement en marche dès que cela est nécessaire. Les n o u v e a u x projets de circulation à l'intérieur du m u s é e Avec l'aide de nombreuses sociétés d'Amis de l'Ermitage ainsi que de l ' U N E S C O , le musée a mis en A u tout début des années 1990, le musée décida de place u n nouvel éclairage dans la plupart des galeries transférer l'entrée principale, qui se situait alors sur la du Nouvel Ermitage et du Vieil Ermitage. Il est rive très encombrée de la Neva, dans l'aile sud du intéressant de remarquer qu'en ce début de XXIe siècle, palais d'Hiver, sur la place d u Palais. LErmitage se les visiteurs ont été habitués à u n éclairage artificiel trouva alors confronté à plusieurs défis majeurs. intense et à des couleurs vives. O n peut donc être tenté Lintégrité architecturale du palais d'Hiver devait être d'inonder les galeries de lumière afin de les rendre plus préservée, maist certaines modifications étaient attrayantes. Lapproche conservatrice de l'Ermitage lui indispensables si l'on voulait pouvoir accueillir les fit au contraire rejeter le recours à des spots puissants deux millions de visiteurs qui emprunteraient la cour en faveur d'un éclairage plus diffus disposé sur toutes chaque année. LErmitage maintint don approche les cloisons, sans pour autant que soit sacrifié le degré conservatrice et n'accepta d'envisager des de luminosité requis pour les collections. Il est dans la transformations de la structure existante qu'en cas tradition du m u s é e d'exposer souvent dans une d'absolue nécessité : toute transformation projetée même galerie des tableaux, des tapisseries, des poteries et des devait respecter l'intégrité historique de l'édifice et de étoffes. U n éclairage relativement uniforme garantit la cour. L u n des premiers éléments à être restauré fut le qu'aucun objet ne soit exposé à une lumière excessive vestibule du palais d'Hiver. Dès le début, il fut décidé et préserve l'atmosphère des intérieurs historiques. que la restauration serait fidèle au plan d'origine. Les sols, les m u r s , les plafonds et le lustre furent restaurés Lors de la restauration de la salle Rembrandt, ou recréés. Le musée mit à profit cette entreprise de u n nouvel éclairage au plafond fut installé et les restauration pour moderniser l'installation électrique et fenêtres subirent u n traitement particulier. Les pour mettre en place un système très sophistiqué de plafonds assez élevés exigeaient un système d'éclairage sécurité, notamment contre les incendies, ainsi qu'un spécial, à la fois discret et puissant. Ailleurs, c o m m e nouveau système d'éclairage destiné à mettre en valeur dans les salles Rubens et Snyders, le projet initial du le décor du plafond. Les visiteurs devaient entrer par m u s é e qui prévoyait un éclairage sur mesure au-dessus deux larges portes en bois de chaque côté du vestibule. du plafond dut être abandonné, car l'on jugea le Cette option présentait, néanmoins, des problèmes de museim ISSN 1350-0775. NO. 217 ivoi. 55. NO. 1.2003» | 41 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS sécurité et devenait peu pratique l'hiver, lorsque les présentait l'avantage d'ouvrir l'espace de la cour et portes doivent rester fermées afin de conserver la d'offrir une vue spectaculaire sur le palais d'Hiver, chaleur d u palais. Des portes à tambour avec une l'architecture baroque de Rastrelli venant se refléter insufflation d'air chaud paraissaient la solution la plus dans les bassins. Ces bassins pouvaient également être pratique, mais elle remettait en cause l'intégrité de vidés afin d'accueillir des sièges lors de concerts ou l'architecture d u bâtiment. La solution finalement d'autres événements qui auraient lieu dans la cour. retenue par le musée consista à introduire une Mais l'Ermitage s'opposa à ce qu'il considérait c o m m e structure vitrée à l'intérieur de laquelle les portes à une complète transformation par rapport à l'usage et tambour se trouvaient immédiatement derrière les au dessin d'origine. Léquipe de consultants portes en bois. Celles-ci sont ouvertes chaque jour et considérait, quant à elle, que le jardin d u XIXe était les visiteurs entrent directement par les portes à étranger au plan d'origine de Rastrelli et que la tambour. Ainsi il n'y a pas de déperdition de chaleur et nouvelle proposition comportait des éléments (le l'intégrité historique de l'édifice est préservée. pavage de la cour, les tilleuls, les réverbères) qui s'inspiraient d u palais d'Hiver et d'autres sites La restauration de la cour d u palais d'Hiver présentait un défi plus important encore. La cour fut e conçue par Rastrelli au milieu d u xvm siècle ; elle fut e historiques de Saint-Pétersbourg. D e plus, étant donné que l'état du jardin ne reproduisait pas le plan d'origine, o n pouvait argumenter que cela constituait modifiée vers la fin du xix siècle et, selon la m o d e en un précédent autorisant une nouvelle approche, cours, une fontaine et un jardin victoriens furent alors justifiée en outre par la future fonction de la cour. ajoutés. Le jardin est demeuré en l'état depuis, bien Enfin, la restauration de la cour offrait une occasion qu'il soit tombé en désuétude car la cour servait exceptionnelle de création qui ne se présenterait jusqu'à une date récente de lieu de dépôt. La première certainement pas avant plusieurs années. idée, quand il fut question de réaménager la cour, fut de restaurer le jardin et la fontaine pour leur redonner LErmitage est une institution conservatrice par leur aspect du xixe siècle. Toutefois, étant donné que la traditionqui, à l'égard de ses collections et de ses cour allait avoir une fonction radicalement différente, bâtiments historiques, met principalement l'accent sur le musée saisit l'occasion de créer un nouvel espace, la restauration et la préservation plutôt que sur la plus approprié à sa future fonction. U n e équipe de reconstruction et la rénovation. Le projet de plan d'eau consultants extérieurs encouragea l'Ermitage à adopter présentait des avantages mais le musée s'aperçut que une approche entièrement novatrice. À la suite d'une l'opinion d u public devait également jouer u n rôle étude, deux propositions furent soumises à l'Ermitage. essentiel dans le processus de décision. Le musée n'est La première envisageait la restauration du jardin et de que le dépositaire de l'Ermitage, qui appartient avant la fontaine accompagnée de quelques modifications tout au peuple russe. Le musée eut des doutes sur mineures dans la structure d'ensemble. La seconde l'adhésion d u public à u n tel projet et opta donc pour proposition préconisait de créer un miroir d'eau qui le plan d'origine et la restauration du jardin et de la longerait la cour, de repositionner la fontaine en face fontaine d u xixe siècle. Toute cette démarche, du vestibule, de planter des tilleuls, et d'installer des cependant, ne fut pas inutile. Le musée eut ainsi la réverbères tout le long du plan d'eau. Cette solution possibilité de prendre conscience de la résistance 42 nTUBSJjnrii ISSN O304-3OO2, n° 217 (vol. 55. n° 1, 2003) © UNESCO 2003 Transformer des bâtiments historiques Valerii Lukin « naturelle » de l'Ermitage au changement et de la xixe afin d'accueillir divers services impériaux, le difficile dialectique entre le maintien absolu de bâtiment fut édifié sur le site de plusieurs bâtiments l'intégrité historique et la force ou la nécessité de antérieurs. D e longues suites de pièces en constituent renouvellement. l'intérieur. La plupart d'entre elles comportent des fenêtres qui offrent une vue magnifique sur la place d u La recherche d'une stratégie pour l'agrandissement du m u s é e Palais et le canal de la Moïka. Le bâtiment possède également cinq vastes cours intérieures ouvertes. Rossi La reconstruction de l'aile est d u bâtiment de l'ancien l'État-major général est u n projet ambitieux qui 6 - Appelé également l'escalier des implique la conversion d'un édifice historique en u n Ambassadeurs, l'escalier du Jourdain dans le nouveau complexe polyvalent. E n effet, le bâtiment va palais d'Hiver fut construit par l'architecte abriter des salles d'exposition, des boutiques, des Francesco Bartolomeo Rastrelli ; il fut restaurants, u n centre éducatif, des salles de conférence entièrement détruit lors de l'incendie de 1837 et et des cinémas. Conçu par Carlo Rossi au début du reconstruit parVassili Stassov. pipp» 1 »' © Winnie Denker/ Patrimoine 2001 / Fondation La Caixa mLfôim ISSN 1350-0775. No. 217 (Vol. 55. N o . 1.2003) | 4 3 LE LEGS DU PASSÉ ET LES NOUVELLES MISSIONS est considéré c o m m e l'un des plus grands architectes existants. Bien que souscrivant au raisonnement à néoclassiques de Saint-Pétersbourg et ses édifices l'origine de cette proposition, le musée la trouva tout interdisent toute restructuration radicale. de m ê m e inopportune et finalement inappropriée en raison d u caractère inviolable de l'édifice. LErmitage Le musée a passé de nombreuses années à travaille à présent en étroite collaboration avec la explorer différentes options en vue de la restauration et société russe Studio 4 4 , le musée Guggenheim, le de la rénovation de l'État-major général. Il a demandé Studio O M A de R e m Koolhaas et l ' U N E S C O afin conseil auprès de nombreux architectes, promoteurs d'élaborer une stratégie acceptable concernant ce immobiliers, consultants internationaux, ainsi bâtiment. Studio 4 4 a proposé u n certain nombre de qu'auprès de l ' U N E S C O . Il a invité les promoteurs à solutions qui prennent en compte à la fois l'aspect émettre des propositions pour la restauration, historique de l'État-major général et les usages futurs l'utilisation et la maintenance d u bâtiment. Sa d u bâtiment, notamment l'aménagement de plusieurs rénovation, en effet, n'est pas sans présenter des cours de dimensions variées agrémentées de jardins difficultés. La plupart des pièces sont petites et ne se qui rappelleraient les jardins suspendus d u Petit prêtent pas à la transformation en salles d'exposition ; Ermitage. cependant, étant donné la signification historique de l'édifice, elles ne peuvent pas n o n plus être Les expériences récentes de l'Ermitage entièrement modifiées. E n outre, les vastes cours concernant la transformation des bâtiments historiques intérieures, qui, elles, offrent une plus grande surface l'ont conforté dans son opinion qu'il n'existe pas de d'exposition et d'espace public, interdisent également solution universelle. Le musée doit se montrer toute transformation radicale. Le musée fut confronté à soucieux de préserver l'héritage historique des u n dilemme : la rénovation d u bâtiment devait-elle bâtiments qu'il occupe, mais il ne doit pas pour autant suivre une logique utilitaire et esthétique dictée par ses être paralysé face à des idées nouvelles. Larchitecture nouvelles fonctions, ou devait-elle parachever historique entretient u n dialogue avec l'histoire, et l'évolution historique de l'édifice en se basant sur l'histoire se trouve dévalorisée lorsqu'on lui oppose l'architecture et l'agencement d'origine ? Pour certains, systématiquement tout ce qui est nouveau et l'on pouvait introduire u n élément créatif et innovant expérimental. LErmitage conçoit le travail de sans porter atteinte à la dimension historique d u restauration à la fois c o m m e une responsabilité et bâtiment ; le musée n'avait rien à gagner à cultiver une c o m m e une opportunité : la responsabilité de sentimentalité conservatrice. Lune des premières préserver l'intégrité et l'héritage historique des propositions qui fut faite consistait à introduire dans bâtiments dont il a la charge et l'opportunité de les cours intérieures une nouvelle structure qui serait remettre en question le passé par des idées tournées reliée à la structure existante. Les façades d'époque ne résolument vers l'avenir. seraient pas altérées et la nouvelle structure serait « cachée ». Le musée aurait toute liberté pour concevoir une structure qui réponde aux nouvelles fonctions d u bâtiment sans subir les contraintes qui sont inévitables lors de la transformation de lieux 44 ITUEUTI ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1, 2003) © UNESCO 2003 Transformer des bâtiments historiques Valerü Lukin ,::-::,,:.,;,.. © U N E S C O / Anne Lemaistre 7 - Saint-Pétersbourg : la Neva et l'édifice de l'Amirauté. rilyKLm ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1.2003) | 4 5 —E ?P W PLAN DU MUSEE DE L'ERMITAGE DANS LE CENTRE HISTORIQUE DE SAINT-PÉTERSBOURG rruseuTi ISSN 0304-3002, n° 217 <voi. 55, n° 1.2003) i 4 7 D'un musée à l'autre : l'évolution du Guggenheim Par Lisa Dennison Lisa Dennison est directrice adjointe et conservatrice en chef au musée Guggenheim de New York. Tout au long de ses soixante-six ans d'existence, la Fondation Solomon R. Guggenheim, basée à N e w York, a exploré différentes voies afin d'accomplir sa mission de coopération culturelle internationale : au m o y e n d'expositions itinérantes envoyées en Europe, en Asie et en Australie ; au m o y e n de prêts d'expositions majeures qui ont apporté à N e w York des trésors artistiques d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud ; et par la création de nouveaux musées Guggenheim dans d'autres pays. C'est cette dernière caractéristique qui distingue réellement la Fondation Guggenheim de toutes les autres institutions artistiques. Avec des musées en Italie, en Allemagne et en Espagne, en plus de ceux qui se trouvent aux États-Unis d'Amérique, le Guggenheim a fait de la coopération internationale sa plus grande priorité. U n e stratégie de visibilité internationale accrue E n juin 2000, le Guggenheim s'est associé avec le musée d'État de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, illustrant une fois de plus la notion de musée sans frontières. Par le biais d'un accord de collaboration à long terme signé par T h o m a s Krent, le directeur du Guggenheim, Mikhail Piotrovski, le directeur de l'Ermitage, et Mikhail Shwydkoi, le Ministre de la culture de la Fédération russe, les deux institutions ont accepté d'oeuvrer ensemble à la réalisation des objectifs suivants : a) développer les relations culturelles internationales ; b) rendre les collections des deux musées accessibles à u n public plus vaste ; rïTUSeUTI ISSN 0304-3002, n° 217 (vol. 55. n° 1, 2003) © UNESCO 2003 ! D'un m u s é e à l'autre : l'évolution du Guggenheim Lisa Dennison c) encourager le partage des collections afin de place d'une étude de faisabilité à propos d u projet de compléter les possessions de chaque institution ; et rénovation de l'État-major général. d) organiser des activités c o m m u n e s d'expositions, de publication d'ouvrages, d'éducation et de vente. E n janvier 2001, l'Ermitage et le Guggenheim accueillirent une autre institution majeure au sein de U n des fondements de cette collaboration est leur partenariat : le Kunsthistorisches M u s e u m de la volonté de favoriser l'expansion des musées et de Vienne. Cette alliance tripartite conserve les objectifs créer l'occasion d'un développement culturel dans stratégiques établis entre le Guggenheim et l'Ermitage. d'autres lieux à travers le m o n d e . Le premier projet à Les trois institutions ont depuis organisé ensemble se matérialiser fut, en octobre 2001, l'ouverture d u plusieurs expositions, la plus récente étant « Lart à musée Guggenheim-Ermitage à Las Vegas (Nevada). travers les siècles : les chefs-d'œuvre de la peinture, de C o n ç u par l'architecte lauréat d u prix Pritzker R e m Titien à Picasso », présentéeau début de l'année 2003 Koolhaas, le « coffret à bijoux », c o m m e o n le au musée Guggenheim-Ermitage de Las Vegas. s u r n o m m e , est une galerie intime destinée Lexposition est exeptionnelle : elle retrace six siècles de principalement à l'exposition d'oeuvres provenant des peinture, depuis l'art de la Renaissance d u xve siècle collections de l'Ermitage et d u Guggenheim. Son jusqu'à l'art d u XX e siècle, et est constituée à partir des exposition inaugurale, « Chefs-d'œuvre et grands collections permanentes des trois grandes institutions collectionneurs : la peinture impressionniste et le que sont le Guggenheim, l'Ermitage et le début de la peinture moderne, dans les collections d u Kunsthistorisches. Au-delà d u sujet traité, l'exposition musée de l'Ermitage et d u Guggenheim », mettait en illustre u n niveau de coopération internationale évidence le lien qui unit certaines œuvres aux nouveau entre des institutions culturelles. La réunion collectionneurs dont l'expertise fut essentielle pour la des ressources de ces trois musées représentent peut- formation des deux institutions. être la plus grande concentration d'objets culturels au m o n d e ; les initiatives qui visent au partage des Le Guggenheim s'est également associé à collections sont donc à m ê m e de générer u n éventail l'Ermitage pour la réhabilitation de l'aile est de l'ancien complet d'expositions et de travaux de recherche allant État-major général, une structure de près de des temps préhistoriques jusqu'à la période 4 0 000 mètres carrés située près d u Palais d'hiver, à contemporaine. Saint-Pétersbourg, qui fut construite au début d u xixe siècle d'après les plans conçus par l'architecte LErmitage et le Kunsthistorisches M u s e u m ont italien Carlo Rossi. Afin de faciliter l'entreprise mais une réelle capacité encyclopédique. Pour le aussi d'encourager et de soutenir d'autres projets Guggenheim, en revanche, l'accès à des collections c o m m u n s de l'Ermitage et du Guggenheim dans les d'une telle ampleur reflète une évolution considérable, domaines de l'art, de l'architecture, d u design et de une évolution qui se concentre sur six décennies. l'éducation, la Fondation Ermitage-Guggenheim fut Lorsque, en 1959, le musée Solomon R. Guggenheim créée en 2002. Lune des premières initiatives de la inaugura son célèbre bâtiment construit par Frank nouvelle fondation, qui est basée aux États-Unis Lloyd Wright, la fondation elle-même avait déjà vingt d'Amérique, fut d'apporter son soutien à la mise en ans et cela faisait environ trente ans que la collection se mUSeUTl ISSN 1350-0775. No. 217 (Vol. 55. No. 1.2003)| 49 AU-DELÀ DES FRONTIÈRES constituait peu à peu. Contrairement à d'autres musées non-objectivité, appréhendée c o m m e une pure qui furent fondés à N e w York à peu près à la m ê m e invention artistique, Rebay se consacra à la dernière époque - le musée Whitney d'art américain, défini par qu'elle pensait pénétrée d'un souffle mystique. Le son caractère national, et le Musée d'art moderne, terme « non objectif» est la traduction de Rebay du remarquable pour son approche encyclopédique de mot allemand gegenstandlos, qui, littéralement, signifie l'histoire de la culture moderniste - , le Guggenheim, « sans objet ». Employé dans les écrits théoriques de lui, s'est dédié à une approche esthétique très Kandinsky, le terme en vint à signifier pour Rebay une spécifique : la non-objectivité dans l'art. Mise en œuvre union des principes esthétiques et spirituels les plus par le premier directeur du musée, Hella Rebay, élevés. «Jamais auparavant dans l'histoire », écrivit illustrée par les peintures de Wassily Kandinsky et Rebay, des années après avoir formulé pour la première appuyée par Solomon R. Guggenheim, cette approche fois sa mission artistique, « n'avait été accomplie une partagée d'abstraction picturale pure permit de avancée aussi considérable depuis le m o n d e rassembler un ensemble extraordinaire, quoique matérialiste jusqu'à la sphère spirituelle que celle qui circonscrit, d'œuvres d'art. se produisit de l'objectivité à la non-objectivité en peinture. Il est dans notre destinée d'être créatif et de La naissance du musée Guggenheim tendre à la spiritualité ; l'humanité en viendra donc à développer et apprécier une plus grande faculté Le fondateur du musée qui porte son n o m , Solomon d'intuition au m o y e n des grandes créations artistiques R. Guggenheim, était issu d'une grande famille que sont les brillants chefs-d'œuvre de la non- d'origine suisse qui avait fait fortune aux États-Unis objectivité. » d'Amérique dans l'exploitation minière au cours du xixe siècle. C o m m e la plupart des membres de l'élite Impressionné par l'engagement passionné de cultivée et prospère, Guggenheim et sa femme, Irene Rebay et séduit par l'idée d'être l'un des premiers à se Rothschild, furent élevés dans une tradition de lancer dans u n domaine de collection encore philanthropie et d'amour de l'art, et ils devinrent de relativement nouveau, Guggenheim c o m m e n ç a en fervents mécènes, constituant peu à peu une collection 1929 à acheter systématiquement des œuvres signées personnelle de tableaux de maîtres. Le sens du par des artistes non objectifs. Parmi ses premières mécénat de Guggenheim changea radicalement en acquisitions, on compte des œuvres de Robert 1927, lorsqu'il rencontra la jeune baronne allemande Delaunay de Wassily Kandinsky, de Fernand Léger et Hilla Rebay von Ehrenwiesen qui lui fit connaître les de Lászlo Moholy-Nagy. Le peintre d'origine russe tendances expérimentales de la peinture Kandinsky est associé à la. première expression de la contemporaine en Europe. peinture non mimétique pure, et ce fut son œuvre qui, par la suite, détermina la nature de la collection. Hilla Rebay considérait l'idée de non- Ses toiles extrêmement colorées aux formes objectivité dans l'art à la fois en tant que style et en dynamiques convergentes et contrastées démontrent tant que philosophie esthétique. Distinguant entre sa philosophie de l'abstraction, telle qu'elle est l'abstraction, conçue c o m m e une dérivation esthétique énoncée dans ses écrits théoriques les plus connus : de formes trouvées dans le m o n d e empirique, et la Du spirituel dans l'art [Über das Geistige in der Kunst, 50 nnUSeUTI | S S N 0304-3OO2. n° 217 (vol. 55, ri° 1. 2003) © UNESCO 2003 | Lévolution du G u g g e n h e i m Lisa Dennison 1911] et Point et ligne par rapport à la surface [Punkt E n 1943, afin de répondre aux besoins du und Linie zu Fläche, 1926]. Comparant les couleurs à musée qui était en pleine croissance, Rebay entama des des sonorités musicales et les formes à des états démarches en vue de la construction d'une structure émotionnels précis, il inventa u n vocabulaire formel permanente qui abriterait la collection Guggenheim et rendant compte de ce qu'il appelait la « nécessité les activités de la fondation. Elle choisit le célèbre intérieure » de l'artiste. architecte américain Frank Lloyd Wright, dont les idées sur l'architecture organique rejoignaient ses Bientôt, les murs de la suite de Guggenheim à théories à propos de la non-objectivité qu'elle l'hôtel Plaza furent entièrement recouverts par la présentait c o m m e u n art régénérateur chargé nouvelle collection. Inévitablement, il envisagea la d'implications morales et utopiques devenant possibilité d'exposer publiquement les œuvres et en l'expression directe de l'âme du créateur. Le plan initial 1937, établit la Fondation Solomon R. Guggenheim de Wright pour le nouveau musée fut révélé à la presse pour « la promotion, l'encouragement, l'éducation en 1946, mais la construction ne s'acheva que treize artistique et l'édification du public ». U n e fois la ans plus tard en raison d'un certain nombre fondation créée, Guggenheim commença à prévoir la d'obstacles, parmi lesquels l'inflation de l'après-guerre, construction d'un musée destiné à abriter la collection d'importantes modifications au plan d'origine, des qui ne cessait de s'enrichir. Saisissant l'opportunité, transformations sur le site lui-même et, en 1949, la Rebay c o m m e n ç a à réfléchir à la meilleure façon de mort de Guggenheim. E n 1952, le n o m de l'institution réaliser leur rêve. Sa correspondance des années 1930 devint officiellement « Solomon R. Guggenheim » en est remplie de propositions pour la construction d'un h o m m a g e à son fondateur. « temple-musée » de l'art non objectif. Lenrichissement de la collection E n 1939, Guggenheim loua u n ancien magasin d'automobiles situé à Manhattan sur la e La modification d u n o m du musée, de Musée de la 54 Rue Est, que Rebay transforma, avec l'assistance de peinture non objective, associé à u n domaine artistique l'architecte William Muschenheim, en u n hall très restreint, à musée Solomon R. Guggenheim, n o m d'exposition temporaire qui prit le n o m de Musée de la commémoratif mais plus neutre, reflète une certaine peinture non objective. Seuls les exemples les plus évolution institutionnelle qui coïncida plus ou moins purs de l'art non objectif furent exposés dans le avec la mort de son bienfaiteur. E n 1948, le musée nouveau musée ; des œuvres abstraites ou figuratives acheta toutes les possessions de Karl Nierendorf, u n signées par des artistes considérés c o m m e des marchand de tableaux new-yorkais qui s'était spécialisé précurseurs, tels que Marc Chagall - qui avait rejoint dans la peinture allemande. Cette acquisition enrichit alors la collection - , demeurèrent dans la suite de la collection d'environ 730 pièces, parmi lesquelles Guggenheim au Plaza. Le musée remporta u n énorme on compte 18 Wassily Kandinsky 110 Paul Klee, succès et Rebay, endossant le rôle de premier directeur 6 Marc Chagall, et 24 Lyonel Feininger. Les du musée, accueillit et encouragea de nombreux possessions de Nierendorf vinrent élargir le domaine jeunes peintres américains abstraits, dont elle exposa de spécialisation du musée et furent déterminants pour les œuvres par la suite. son avenir, notamment en raison de la présence de museim ISSN 1350-0775. NO. 217 <voi. 55. NO. 1.2003) | 51 AU-DELÀ DES FRONTIÈRES plusieurs œuvres expressionnistes et surréalistes admirer l'œuvre architecturale et l'impressionnante majeures. exposition inaugurale constituée par les œuvres les plus marquantes de la collection. A u fil d u temps, les artistes et les conservateurs ont trouvé dans la création de A u cours des années 1950, le musée fut vivement critiqué en raison de la nature trop Wright un lieu d'exposition extrêmement stimulant. circonscrite de son contenu. M ê m e si Rebay, très C o m m e le souhaitait l'architecte, la structure d u musée réceptive, avait toujours encouragé les jeunes artistes, fermé sur lui-même, composée de pures lignes son critère de non-objectivité était considéré c o m m e incurvées, a offert de nouvelles possibilités pour trop personnel et trop restrictif. Conscient que la les installations, les expositions et la contemplation politique d u musée ne pourrait réellement changer tant de l'art. que Rebay resterait à sa tète, le conseil d'administration demanda sa démission, qu'il obtint en mars 1952. Sept Peu après l'ouverture du musée, Sweeney mois plus tard, James Johnson Sweeney acceptait le donna sa démission. En 1961, T h o m a s M . Messer lui poste vacant. Ancien directeur du département de succéda et, plus encore que Sweeney, il s'efforça de peinture et de sculpture au Musée d'art moderne, moderniser et de professionnaliser le personnel du Sweeney aborda sa nouvelle fonction de directeur et de musée ainsi que sa structure administrative. A u cours conservateur avec une sensibilité plus large que celle de des vingt-sept ans où il resta en fonction, Messer lança Rebay, et il compléta la collection par des œuvres un programme ambitieux de publications, centré non représentatives de tous les développements de l'art seulement sur les expositions temporaires mais aussi sur moderne, sans se limiter au courant non objectif. la collection qui continuait à s'enrichir et qui nécessitait Souhaitant combler de sérieux vides au sein de la un sérieux travail de catalogage ainsi que l'élaboration collection - c o m m e l'absence presque totale de de projets de recherche approfondis. Sous Messer, sculptures dont se détournait Rebay en raison de leur l'équipe de conservateurs et de techniciens se renforça corporalité - , il se lança dans un programme afin de répondre à l'augmentation des activités liées aux d'acquisition intensif. A u m o m e n t de la démission de expositions et à la publication. Les nouvelles Sweeney en 1960, on pouvait compter 11 Constantin acquisitions restèrent dans la veine définie par Brancusi, 3 Alexandre Archipenko, 7 Alexander Calder, Sweeney : des œuvres de Constantin Brancusi, des bronzes de M a x Ernst et d'Alberto Giacometti, ainsi d'Alexander Calder, d'Alberto Giacometti, de Paul Klee, que d'autres œuvres majeures telles que Ehomme de Frantisek Kupka, de Fernand Léger, de Joan Miró et aux bras croisés de Paul Cézanne et des peintures d'Egon Schiele rejoignirent la collection pour illustrer fondamentales de l'expressionnisme abstrait de Willem toutes les facettes de l'art moderne. Pour l'art De Kooning, Franz Kline et Jackson Pollock. E n plus de contemporain, Messer fitl'acquisition de plusieurs ces achats, le musée avait reçu un legs provenant de peintures de l'un de ses artistes favoris, Jean Dubuffet, Katherine S. Dreier qui, aux côtés de Marcel D u c h a m p , ainsi que d'œuvres de Francis Bacon, d'Anselm Kiefer, avait fondé la Société Anonyme. de Robert Rauschenberg et de David Smith. Fervent adepte de l'avant-garde internationale, Messer acquit Lorsque le bâtiment de Wright ouvrit le 21 octobre 1959, de longues files se pressèrent pour 52 également des œuvres signées par des artistes d'Amérique latine et d'Europe de l'Est. nnuBSurri^ ISSN 0304-3002. n° 217 (VDI. 55. n° 1.2003) © UNESCO 2003 Lévolution du G u g g e n h e i m Lisa Dennison La collection se trouva considérablement sa collection d'art et le palais qui l'abrite à l'institution enrichie en 1963, lorsque la fondation reçut en prêt de N e w York. La collection présentée dans le Palazzo une partie de la collection très prisée de Justin Venier dei Leoni sur le Grand Canal est devenue l'une K . Thannhauser, composée de chefs-d'œuvre de des attractions culturelles les plus admirées et les plus l'impressionnisme, du post-impressionnisme et du visitées de Venise. La sensibilité de Peggy Guggenheim modernisme français. Ces peintures et sculptures firent à l'égard de courants artistiques négligés par son oncle officiellement partie de la collection du musée en Solomon, notamment le surréalisme et le début de la 1978, deux ans après la mort de Thannhauser. Le legs peinture gestuelle américaine de l'après-guerre, généra couvrait toute la période artistique précédant une collection de plus de trois cents œuvres qui offrent immédiatement celle qui était représentée initialement une diversité de genres absents, pour la plupart, des dans les possessions de Guggenheim, mais complétait collections du musée de N e w York. Considérées aussi la collection d'origine par des œuvres de Pablo conjointement, et bien qu'à cheval sur deux Picasso et d'artistes de l'École de Paris. Montagnes à continents, ces deux collections forment une seule Saint-Rémy de Vincent Van G o g h et La repasseuse de entité qui retrace l'histoire complexe et riche de l'art du Picasso comptent parmi les chefs d'œuvre qui xxe siècle. Leur union a donné l'impulsion à figuraient dans la donation de Thannhauser. E n 1981, l'orientation internationale de l'institution. Hilde Thannhauser, la veuve de Justin Thannhauser, augmenta la donation de trois peintures supplémentaires signées par Georges Braque, Picasso et U n e stratégie d'expansion : les orientations récentes Van Gogh. À la mort de Hilde, en 1991, le musée reçut u n legs de dix œuvres majeures de Paul Cézanne, Paul Sous la direction de T h o m a s Krens, en poste depuis Klee, Edouard Manet, Julius Pascin, Pablo Picasso et, 1988, le Guggenheim a élargi l'étendue de ses pour la première fois dans ce musée, un tableau de opérations et a poursuivi u n programme d'acquisitions Claude Monet. À la suite de l'acquisition en 1963 des intensif, cherchant en particulier à accroître sa tableaux et sculptures de Thannhauser, on jugea collection de photographies et d'art contemporain. E n nécessaire d'accroître la surface d'exposition du musée 1992, l'édifice de Frank Lloyd Wright a été restauré et afin de les présenter de manière adéquate. Laile Justin augmenté d'une tour, ce qui a notablement agrandi la K . Thannhauser fut donc créée au second étage du surface d'exposition tout en permettant d'apprécier Monitor Building en 1965 (le Monitor fut rebaptisé visuellement l'immense rotonde de Wright et les Thannhauser en 1989). galeries Thannhauser. À la m ê m e époque, le musée Guggenheim S o H o ouvrait ses portes dans le centre de À la liste de collectionneurs visionnaires qui Manhattan, avec une surface d'environ 3 000 mètres ont aidé à constituer la collection du musée doit être carrés pour l'exposition d'œuvres d'art multimédia rajouté le n o m de Peggy Guggenheim. Tout en étant u n contemporaines. élément autonome, séparé géographiquement, la Collection Peggy Guggenheim à Venise fait partie E n 1997, l'institution a renforcé sa présence intégrante de la Fondation Solomon R. Guggenheim internationale avec l'ouverture du musée Guggenheim depuis 1976, date à laquelle Peggy Guggenheim légua de Bilbao et du Deutsche Guggenheim Berlin. museum ISSN 1350-0775. NO. 217 <voi. 55. NO. 1.2003) | 53 AU-DELÀ DES FRONTIÈRES Construit par le Gouvernement basque et géré par le portes à Las Vegas : le Guggenheim de Las Vegas, u n Guggenheim, le musée Guggenheim Bilbao s'intègre vaste lieu destiné à des expositions spéciales, tant dans dans un vaste projet visant à faire de Bilbao u n grand le domaine de l'art contemporain que de l'architecture centre métropolitain. Lédifice, conçu par Frank et d u design, et le musée Guggenheim-Ermitage. Tout O . Gehry, a été qualifié dans le m o n d e entier de chef- c o m m e le musée Guggenheim Bilbao, les nouveaux d'œuvre architectural. Le musée a considérablement musées de Las Vegas renouvellent l'alliance entre le augmenté la capacité du Guggenheim à réaliser ses grand art et l'architecture spectaculaire qui se objectifs fondamentaux concernant la collection et la manifesta lorsque Frank Lloyd Wright collabora avec présentation de l'art de notre temps. Grâce à des Hilla Rebay et Solomon Guggenheim. Les acquisitions d'œuvres d'Eduardo Chillida, de Willem collaborations du Guggenheim avec Frank O . Gehry à D e Kooning, de Jenny Holzer, d'Anselm Kiefer, de Bilbao et R e m Koolhaas à Las Vegas ont recréé la m ê m e Robert Rauschenberg, de Mark Rothko, de Richard synergie et ont produit, à nouveau, une architecture Serra et d'Antonio Tapies, entre autres, la collecte qui offre au m o n d e des lieux d'exception pour la récente d u musée Guggenheim Bilbao vient compléter contemplation de l'art de notre temps. et enrichir les possessions d u Guggenheim. La proportion généreuse des galeries conçues par Gehry, Grâce à cette nouvelle constellation de lieux qui défient toutes les galeries conventionnelles, dédiés à l'art - chacun d'entre eux émettant son propre s'accorde parfaitement à la présentation d'œuvres d'art rayonnement - , le Guggenheim touche désormais u n de la seconde moitié du xxe siècle. E n outre, certaines public mondial tout en poursuivant une recherche de galeries étant dédiées entièrement aux œuvres d'artistes qualité éducative, artistique et architecturale. Pris dans basques ou espagnols contemporains, le musée leur globalité, ces différents lieux permettent à la Guggenheim de Bilbao permet à la fondation fondation d'accomplir sa mission, à savoir Guggenheim d'entretenir une relation particulière avec collectionner et présenter des œuvres d'art de la plus l'art de cette région. haute qualité à la plus vaste audience possible. Lengagement du Guggenheim dans ces projets Le Deutsche Guggenheim Berlin, né d'un internationaux reflète son histoire, ses traditions, partenariat entre le Guggenheim et la Deutsche Bank, l'étendue de ses collections et son attachement à est un lieu d'exposition intime situé sur l'illustre l'excellence culturelle. avenue de Berlin Unter den Linden. Le programme d'expositions de cet espace Guggenheim varie entre des expositions à la thématique très précise et des commandes spécifiques d'œuvres auprès d'artistes reconnus internationalement, tels que Jeff Koons, James Rosenquist et Rachel Whiteread. E n 2001, la constellation Guggenheim s'est déployée jusque dans l'ouest des États-Unis lorsque deux sites conçus par R e m Koolhaas ont ouvert leurs 54 nTUSeUTI. ISSN 0304-3002, n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © UNESCO 2003 Lévolution du Guggenheim Lisa Dennison 8 - En juin 1943, S o l o m o n R. G u g g e n h e i m d e m a n d a au célèbre architecte Frank Lloyd Wright d e concevoir un bâtiment destiné à abriter sa collection d'art m o d e r n e , à N e w York. Wright imagina une forme complexe influencée par des structures organiques. Le m u s é e a l'apparence d ' u n e ziggourat inversée (temple en forme de pyramide d'origine babylonienne) et comporte u n e série de galeries reliées entre elles. — '"•"'• j^Sf 9 - Cette section du Kunsthistorisches M u s e u m d e V i e n n e fut c o n ç u e par les architectes Gottfried S e m p e r (1803-1879) et Karl von H a s e n a u e r ( 1 8 3 3 - 1 8 9 4 ) d a n s le style d e la Renaissance italienne, afin d'abriter les collections impériales d e s H a b s b o u r g . L e m u s é e ouvrit en 1 8 9 1 . irißeirn ISSN 0304-3002, n° 217 (voi. 55. n°i. 2003) 1 5 5 Le m u s é e d'État de l'Ermitage et le Kunsthistorisches M u s e u m : la coopération entre deux grandes institutions Par Franz Pichorner Franz Pichorner est né en i960 à Villach, en Autriche. Après des études en histoire, histoire de l'art, philologie et littérature allemandes, il a obtenu un doctorat en philosophie en 1988. Il a occupé un poste de chercheur au département d'histoire de l'Université de Vienne de 1987 à 1995, a été chargé de cours à l'Université d'Innsbruck de 1994 à 1995 et a été l'assistant du commissaire européen Franz Fischler au bureau de liaison de Vienne de 1995 à 1998. Le 1" mai 1998, il a été n o m m é assistant du directeur général du Kunsthistorisches Museum dont il est depuis 2000 le directeur adjoint. Le Kunsthistorisches M u s e u m de Vienne et le musée d'État de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg comptent parmi les musées les plus importants au m o n d e . Tous deux possèdent de prestigieuses collections qui couvrent plusieurs siècles, Lérudition et l'amour de Fart des monarques de Vienne et de Saint-Pétersbourg se manifestent tant dans certaines œuvres remarquables que dans les collections prises globalement. Lhistoire du m u s é e La dynastie des Habsbourg c o m m e n ç a à collectionner des œuvres d'art à partir d u xvie siècle. Les collections étaient dispersées dans tout l'empire, à Vienne, Prague, Graz et Innsbruck (château d'Ambras). Elles furent fréquemment déplacées d'un lieu à l'autre, en raison des changements politiques et dynastiques, puis elles finirent par être réunies à Vienne, capitale et résidence impériale. À la fin du xixe siècle, les collections s'enrichirent plus encore, en grande partie grâce à l'empereur Franz Josef Ier. Le superbe édifice d u ITTLEeim ISSN 0304-3002. n° 217 (vol, 55, n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I L e m u s é e d' !tat de l'Ermitage et le Kunsthistorisches M u s e u m Franz Pichorner Kunsthistorisches M u s e u m , conçu à l'origine pour des collections de tapisseries, d'uniformes de la cour, s'intégrer dans u n « Kaiserforum », fut construit dans le de voitures de maître d u château de Schönbrunn et des cadre du projet Ringstrasse et est dans le m ê m e style collections du château d'Ambras, près d'innsbruck. que le Naturhistorisches M u s e u m , situé en face. Le 17 octobre 1891, la nouvelle demeure des collections E n 1999, le Kunsthistorisches M u s e u m , qui d'art impériales fut officiellement inaugurée par jusque-là était un département annexe du Ministère l'empereur. fédéral de l'éducation, de la science et de la culture, a accédé au statut d'« institution culturelle Lors de la réorganisation des possessions indépendante » et, de ce fait, a été investi de l'autorité impériales, diverses collections de peintures furent nécessaire pour s'autogérer. La mission du musée réunies afin de former la galerie des peintures, consiste à préserver, enrichir, présenter et gérer les constituée d'oeuvres datant d'une période comprise collections, et à encourager les travaux de recherche e e entre les XV et x v m siècles. Dans le cabinet des sur celles-ci. Le Musée d'ethnologie et le Musée du monnaies, on rassembla des collections de monnaies et théâtre autrichien ont été associés au Kunsthistorisches de médailles qui couvraient une période allant de le 1er janvier 2001. La qualité exceptionnelle des objets l'Antiquité jusqu'au xixe siècle, tandis que la collection qui constituent ses collections et son programme très d'armes et d'armures réunissait des pièces datant des étendu d'expositions temporaires font du musée l'une XV e , xvie et xvn e siècles. La spécialisation croissante des plus grandes attractions culturelles en Autriche dans les disciplines artistiques et scientifiques m e n a à pour les visiteurs du m o n d e entier. la création de la Kunstkammer - une collection d'art et de curiosités - , à l'instauration d'un département Dans les années 1970, un accord culturel consacré à l'Egypte et au Proche-Orient et d'un entre l'Autriche et l'Union soviétique a instauré des département d'antiquités grecques et romaines. Par la échanges d'expositions entre les deux pays. À suite, des objets d'art décoratif post-classiques, qui l'automne 1980, le Kunsthistorisches M u s e u m a constituaient le noyau de la Kunstkammer, formèrent présenté à Saint-Pétersbourg et à Moscou une le département de sculpture et des arts décoratifs. exposition de chefs-d'œuvre extraits de sa galerie de Enfin, des objets de la Kunstkammer et de la collection peintures, couvrant une période comprise entre les d'Esté furent assemblés afin de former le département xvie et x v m e siècles. D u mois de mai au mois des instruments de musique anciens. d'août 1981, des peintures du xviie siècle du musée de l'Ermitage et du musée Pouchkine ont été présentées À la suite du démantèlement de l'Empire au Kunsthistorisches. D e nombreuses considérations austro-hongrois en 1918, un certain nombre de entrent enjeu au m o m e n t de monter de telles collections impériales qui n'étaient pas exposées dans expositions. O n peut choisir de réunir u n certain le bâtiment principal sur le Ring furent confiées au nombre de chefs-d'œuvre de diverses époques et de Kunsthistorisches M u s e u m . Il s'agissait des trésors différents pays afin d'offrir une variété artistique ecclésiastique et séculier, dans lesquels étaient attrayante ; ou bien l'on peut choisir au contraire un conservés les emblèmes de l'Empire romain chrétien et assortiment d'œuvres qui reflètent un lieu ou une de l'Empire austro-hongrois ainsi que des objets sacrés, époque déterminés. E n 1981, en l'occurrence, le choix museum ISSN 1350-0775. NO. 217 <voi. 55. NO. 1.2003) | 57 AU-DELÀ DES FRONTIÈRES concernant les collections de l'Ermitage s'est porté d'importantes collections de peintures. Elle entretenait exclusivement sur des peintures françaises d u une liaison étroite avec Paris et elle fut elle-même très e xvn siècle. Ces œuvres étaient censées compléter, par influencée par la philosophie des Lumières. La un jeu de contraste, les peintures d'autres pays prédilection russe pour la culture française se perpétua européens de la m ê m e période - Italie, Espagne, pendant tout le xixe siècle, c o m m e en témoignent les Flandre, Hollande et Allemagne - déjà présentes dans vastes collections de tableaux de peintres français : les collections du Kunsthistorisches. Nicolas Poussin, Claude Lorrain, Antoine Watteau, François Boucher, ainsi que les impressionnistes et les La peinture française est très peu représentée artistes ultérieurs. Il semblait donc naturel que le au Kunsthistorisches M u s e u m . C'est une conséquence Kunsthistorisches M u s e u m souhaite emprunter des des relations entre la maison royale française et les tableaux français de l'Ermitage. lignées tant espagnole qu'autrichienne de la dynastie des Habsbourg qui, pendant des siècles, ont été Le Kunsthistorisches a par la suite fait appel à marquées par la tension et la rivalité. C'est ainsi qu'on plusieurs reprises aux collections de l'Ermitage pour peut expliquer l'influence limitée de la culture d'importantes expositions, que ce soit « Isabelle française dans les provinces autrichiennes. Le mariage d'Esté » en 1994, ou « Nicolas Poussin » en 2001, ou de Marie-Thérèse de Habsbourg avec le duc François encore « Natures mortes flamandes » en 2002. Ces Etienne de Lorraine en 1736 ne changea pas expositions sont très utiles pour renforcer les relations véritablement la situation. entre les conservateurs des deux pays et pour les amener à une compréhension réciproque. Larchiduc Leopold Wilhem, gouverneur des Pays-Bas espagnols et fondateur de la galerie de peinture impériale à Vienne, possédait u n grand L'émergence du panorama muséal du xxie siècle nombre d'oeuvres flamandes couvrant la période d u XVe au xviF siècle, ainsi que des peintures italiennes, Le 15 janvier 2001, la coopération entre les deux essentiellement vénitiennes, de la m ê m e période. La musées est entrée dans une nouvelle phase, avec la peinture française, cependant, était totalement absente signature à Vienne d'un accord de partenariat entre le de sa collection. Les différences de goût peuvent être Kunsthistorisches M u s e u m (les Musées d'ethnologie et invoquées. La peinture française ne correspondait pas du théâtre autrichien compris), le musée Guggenheim aux affinités esthétiques de la cour viennoise, de N e w York et le musée de l'Ermitage. Cet accord profondément marquée par l'art italien et par celui des représente u n cas unique de collaboration entre trois pays d u Nord. des plus grands musées d u m o n d e et la nature de la coopération envisagée est sans précédent. Les collections de l'Ermitage se sont constituées d'une tout autre façon : elles sont nées des Le partenariat entre les trois musées se fonde efforts de Catherine la Grande et ne remontent qu'au sur la-conscience de la spécificité de chaque xvm e siècle. Avec l'aide de diplomates russes établis en institution, de son évolution historique et de ses Europe de l'Ouest, la tsarine eut la possibilité d'acheter collections. Il découle aussi de la volonté de s'inscrire 58 museirri !SSN 0304-3002. n° 217 <voi. 55. n° 1.2003) © UNESCD 2003 I Le musée d [tat de l'Ermitage et le Kunsthistorisches M u s e u m Franz Pichomer dans u n m o n d e changeant, u n m o n d e où « la réalité trois musées sont restées inchangées. La redéfinition de virtuelle » occupe une place grandissante et où les leur position au sein du marché international, induite frontières politiques, géographiques et culturelles par cette coopération à long terme, ne doit en aucun s'ouvrent et s'effacent peu à peu ou disparaissent tout à cas être interprétée c o m m e u n stratagème commercial fait. Les œuvres d'art du passé et du présent qui nous ou c o m m e une mesure axée sur le profit, dictée par les sont léguées et qui constituent notre patrimoine contraintes de la mondialisation et n o n par la culturel c o m m u n doivent non seulement être compréhension qu'ont les musées de leur mission. préservées et étudiées, elles doivent aussi nous servir à comprendre le m o n d e qui nous entoure. Les trois Un vaste p r o g r a m m e de coopération musées se sont engagés à poursuivre ces objectifs par et de collaboration le biais de programmes de collaboration adaptés. Laccord scelle l'engagement des trois institutions en Les stratégies mises en œuvre conjointement vue de l'élaboration de programmes c o m m u n s à long par l'Ermitage, la Fondation Solomon R. Guggenheim terme. Lobjectif principal est d'encourager u n soutien et le Kunsthistorisches, la richesse incomparable de réciproque entre les musées dans le cadre de leurs leurs collections, qui vont des objets de l'Egypte expositions, à travers le prêt et l'échange d'œuvres e ancienne et d'Orient jusqu'aux trésors du xx siècle, d'art. E n élaborant des projets d'exposition c o m m u n s ainsi que l'architecture historique remarquable des trois d'une qualité exceptionnelle, les trois musées feront le musées sont autant d'éléments qui concourent à créer meilleur usage de leur expertise en matière de une dynamique propre à déployer le panorama muséal conservation, de leur expérience et des atouts du xxie siècle. Les millions de visiteurs qui fréquentent spécifiques de leurs collections. Les trois partenaires chaque année les expositions temporaires et ont aussi accepté de monter des expositions permanentes des trois institutions représentent u n c o m m u n e s dans des pays tiers afin de présenter public d'une ampleur inégalable par une institution l'importance et la richesse de leurs collections à u n unique. La diversité et la qualité des collections large public international. permettent aux visiteurs de se confronter à des œuvres d'art issues de tous les continents. Les trois institutions Les musées ont également convenu sont convaincues que les lieux dans lesquels elles sont d'envisager la possibilité de participer à des projets de actuellement présentes - notamment Saint-Pétersbourg, développement internationaux qui cadreraient avec Vienne, Innsbruck, N e w York, Venise, Bilbao, Berlin, leurs objectifs et leurs moyens. Le musée Guggenheim Amsterdam et Londres - offrent les conditions idéales de Bilbao représenterait un modèle pour de tels pour des échanges culturels permanents. projets. Dans ce cas précis, le financement a été assuré par u n organisme extérieur tandis que la Fondation Les stratégies adoptées par les musées afin de s'adapter aux forces du marché sont souvent analysées Guggenheim a endossé les responsabilités de programmation et de gestion. par les critiques d'art c o m m e une subversion de l'identité culturelle du musée ; il faut donc souligner à ce sujet que l'identité, la mission et la structure des Les trois musées ont démontré que leurs collections, ainsi présentées, étudiées et réunies dans mUSeUTl ISSN 1350-0775, No. 217 (Vol. 55. No. 1.2003) | 59 AU-DELÀ DES FRONTIÈRES des expositions spéciales, n o n seulement suscitent a également mis en évidence les atouts de chaque l'intérêt du grand public mais également répondent institution. Ainsi, u n dialogue a p u s'instaurer entre aux besoins des chercheurs et des spécialistes. Eaccord les trois œuvres très différentes présentées dans renforce ainsi les relations culturelles internationales chaque musée et entre les neuf peintures sélectionnées tout en soulignant l'extraordinaire valeur pédagogique pour le projet d'ensemble. des collections. Eexposition « Les trésors de la Horde d'or », Les musées partenaires vont également constituée à partir d'objets prêtés par l'Ermitage, a été s'associer pour la publication de travaux de recherche présentée du printemps à l'automne 2002 à la ou de documents éducatifs et prévoient d'élaborer des Kunsthalle Leoben, dans la province autrichienne de programmes à long terme, notamment en ce qui Styrie. Cette exposition, centrée sur la culture n o m a d e concerne les produits manufacturés dérivés des musées de la Horde d'or, empire qui succéda à celui de Gengis et leur commercialisation par le biais de l'Internet. D e K h â n , comportait des objets qui étaient exposés pour plus, ils prévoient de mettre en place des programmes la première fois hors de Russie. Le Kunsthistorisches éducatifs c o m m u n s , en particulier à l'intention des M u s e u m , qui joue u n rôle consultatif dans la ville de enfants, et de recourir aux nouvelles technologies de Leoben, a eu la possibilité de faire venir ces trésors l'information pour atteindre ces objectifs. artistiques en Autriche grâce à sa relation privilégiée avec l'Ermitage. La coopération va se manifester aussi par l'instauration de programmes de formation destinés Eexposition « Eart à travers les siècles : les aux personnels des musées, aux spécialistes et aux chefs-d'œuvre de la peinture, de Titien à Picasso » a été chercheurs, dans les domaines de la muséologie, d u inaugurée le 30 août 2002 au musée Guggenheim- catalogage, de la restauration et de la conservation, de Ermitage de Las Vegas, le « coffret à bijoux » conçu par la publication, d u marketing et des nouvelles R e m Koolhaas. Cette importante exposition qui technologies. U n échange permanent va se développer comportait quarante chefs-d'œuvre de la peinture dans ces secteurs. européenne et américaine entre la Renaissance et le XX e siècle était destinée à refléter la richesse Bilan et perspectives exceptionnelle des collections des trois musées. Cette exposition de tableaux de maîtres anciens et modernes Les réalisations de ces derniers mois sont très était sans précédent dans la région et présentait à u n satisfaisantes. Eexposition « Connecting M u s e u m s » public nouveau une grande diversité d'œuvres de (Rencontres intermusées, d u 18 juin au 2 0 octobre différentes provenances. 2002) a été organisée afin d'inaugurer la coopération. Elle s'est déroulée à N e w York, à Saint-Pétersbourg et D'autres expositions programmées par le à Vienne et présentait dans ces trois lieux trois Kunsthistorisches M u s e u m , l'Ermitage et le peintures provenant de chacun des musées Guggenheim témoignerontà l'avenir des potentialités partenaires. Malgré sa modeste envergure, l'exposition exceptionnelles générées par la coopération entre trois fut imprégnée d'un profond symbolisme. Eexposition des plus grandes institutions artistiques du m o n d e . 60 nnuseurr^ ¡SSN 0304-3002. n° 217 (voi. 55, n° 1.2003) © UNESCO 2003 Le Louvre : un musée national dans un palais royal Par Geneviève Bresc-Bautier Conservateur général du patrimoine, Geneviève Bresc-Bautier est depuis igj6 responsable au musée du Louvre des collections de sculptures françaises des XVIe et xvue siècles, domaine lequel elle a publié de nombreux dans articles et catalogues. En outre, depuis 1989, elle a en charge l'histoire du Louvre et assure la gestion scientifique des salles conservant des peintures et des sculptures qui proviennent du décor du Louvre, qui ont servi de modèles pour son décor, ou encore qui représentent le palais ou les salles du musée. Le Louvre est depuis son origine u n château où se sont déroulés huit siècles d'histoire. Sa conversion en musée et son ouverture au public remontent à 1793, mais le musée n'a pris possession de l'intégralité du palais qu'en 1993. C'est donc au terme d'un long processus de transformation que l'art et la culture ont peu à peu pris le pas sur le politique. Il a fallu composer avec des siècles d'histoire, de transformations architecturales, d'usages immémoriaux des lieux pour constituer u n musée moderne, qui offre au regard d u public des collections dont la qualité est internationalement reconnue, et qui sont restaurées et présentées selon des normes rigoureuses. C e musée moderne donne aussi aux visiteurs, dont le nombre ne cesse de croître - plus de 5 700 0 0 0 en 2002 - , toutes les commodités qu'ils en attendent : escaliers roulants et ascenseurs pour atteindre confortablement les étages, restaurants et cafétérias pour se reposer, visites guidées, ateliers, publications, audioguides pour s'orienter, pour comprendre et pour aller plus loin dans la découverte des civilisations, de l'art et des cultures d u m o n d e . ITLGGim ISSN 0304-3002. nQ 217 (vol. 55. n° 1. 2003) I 61 A U - D E L À DES FRONTIÈRES Lhistoire du palais charge d'édifier la nouvelle aile, bientôt complétée d'un grand pavillon pour abriter l'appartement du roi, puis Le Louvre est à l'origine une forteresse légèrement d'une autre aile pour les appartements de la reine. extérieure à la cité ; c'est u n donjon entouré d'une C'est à cette époque que s'élabore u n certain type robuste enceinte cantonnée de tours, u n lieu défensif d'architecture et de décor qui servira de référence à qui permet de mettre à l'abri le Trésor royal ou les tous les architectes qui suivront. Les artistes classiques prisonniers de prestige en cas de nécessité. Édifié pour du règne de Louis XIII et de Louis XIV, les défendre Paris alors que le roi Philippe Auguste part néoclassiques sous Napoléon Ier, puis les éclectiques pour la croisade à la fin d u XIIe siècle, le château sous Napoléon III s'inspireront volontairement des connaît vers 1360 sous Charles V une première compositions de la Renaissance, assurant ainsi à travers transformation en résidence royale. Devenu l'une des les mutations du goût une continuité formelle unique résidences d'une monarchie en perpétuel déplacement, au m o n d e et donnant une unité à u n chantier qui va le Louvre abrite ce qu'on peut considérer c o m m e le s'étendre sur quatre siècles, de 1546 à 1875. point de départ de sa vocation future : une bibliothèque de manuscrits, que le roi, qualifié de Sage, vient consulter dans sa « tour de la Librairie ». Les souverains n'habitèrent réellement le Louvre qu'à des périodes déterminées : sous les Valois, à la fin d u xvie siècle ; sous Henri IV et Louis XIII ; Dans l'histoire d u Louvre, ce château médiéval pendant la jeunesse de Louis XIV, avant que Versailles a été longtemps connu seulement par des enluminures ne devînt le centre du pouvoir. Le château des Tuileries et des tableaux, et par une reconnaissance voisin fut, à partir de la fin du xvm e siècle, la résidence archéologique effectuée en 1860. Détruit partiellement e royale : Louis XVI y vécut les dernières heures de la en 1528, puis totalement au milieu du xvn siècle, il a monarchie, remplacée par le gouvernement été ressuscité en 1984-1985 par les fouilles entreprises révolutionnaire. Le Louvre fut, dans la capitale, la alors que le musée entamait sa modernisation. résidence des derniers souverains, Napoléon Ier, Aujourd'hui dégagés, les fossés et les robustes Louis XVIII, Charles X , Louis-Philippe et Napoléon III. murailles, la base du donjon et la salle basse voûtée en ogives forment le circuit d u « Louvre médiéval » qui Le Louvre est en fait u n gigantesque complexe permet de présenter divers objets trouvés à l'occasion royal. Le château des Tuileries, placé à l'ouest et des fouilles. aujourd'hui disparu, fut édifié par la reine mère Catherine de Médicis à partir de 1564 et relié au La Renaissance fut le deuxième temps fort de Louvre dès 1566 par u n couloir d'accès. Henri IV, qui son histoire. François Ier décida de réaliser dans sa voulait faire de la réunion du Louvre aux Tuileries par capitale u n palais d'un style nouveau. S'il ne put faire une succession de bâtiments et de cours u n « Grand aboutir le projet, confié à l'architecte Serlio, d'un Dessein » royal, transforma ce long couloir en une bâtiment totalement nouveau, il fit cependant abattre « Grande Galerie » le long de la Seine. Chaque le donjon et une aile de l'ancien quadrilatère. Sous le souverain chercha par la suite à mener à bien ce règne de son fils, Henri II, c'est à l'architecte Pierre « Grand Dessein », jusqu'à l'achèvement en 1857 du Lescot, assisté d u sculpteur Jean Goujon, que revint la chantier d u Nouveau Louvre sous Napoléon III. 62 nnUSeUTl ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55, n° 1.2003) ©UNESCO 2003 | Le Louvre Geneviève Bresc-Boutier La présence de l'État au Louvre détermina occupaient des logements dans de nombreuses parties toute une série d'aménagements de prestige qui d'un château encore inachevé et abandonné par la cour constituent aujourd'hui autant de témoignages au profit de Versailles. artistiques et historiques intégrés au musée : la salle des Caryatides, chef-d'œuvre de la Renaissance, les A u siècle des Lumières, u n courant d'opinion chambres royales revêtues de boiseries (xvie et nourri par l'Encyclopédie, exigea l'ouverture des XVIIe siècles), les appartements de la reine mère A n n e collections royales au public et la transformation du d'Autriche, ornés de fresques et de stucs en 1656- Louvre en « m u s é u m ». Préparé par la royauté sous 1658, et la galerie d'Apollon, où le peintre Lebrun, Louis XVI, ce projet se concrétise sous la Révolution et, aidé par les meilleurs sculpteurs de son temps, réalisa le 10 août 1793, le M u s é u m central des arts de la u n somptueux décor de stucs et de tableaux. Sous République est inauguré. Ce n'est alors qu'un grand l'Empire, le décor des grands escaliers, sous la musée de peinture qui occupe la très longue Grande Restauration, celui des salles d u Conseil d'État, sous Galerie. Ses tableaux proviennent des anciennes Napoléon III, celui des appartements du ministre collections royales de l'Académie et des collections d'État furent autant de lieux destinés à magnifier la confisquées à l'Église et aux émigrés. Les conquêtes présence d u politique. révolutionnaires puis napoléoniennes vont changer le programme du musée d u fait du nombre d'œuvres Les prémices du conservatoire d'art d'art qu'il reçoit, entre autres, d'Italie. Il se complète alors d'une galerie de sculptures antiques, puis Avec Henri IV, l'art avait pris pied dans le château accueille dessins et objets d'art. royal. Le roi logeait les artistes de la cour, et des ateliers de tapisserie et d'orfèvrerie s'abritaient sous la Grande Mais l'histoire politique et militaire changea le Galerie. Le roi avait, en parallèle, aménagé une « salle cours de son évolution : appauvri par le retour vers des antiques » pour présenter les collections royales de leur pays d'origine des œuvres saisies en Europe, le sculpture. Noyau d'un futur espace muséal, cette salle musée s'ouvre alors à l'art universel, égyptien, puis fut complétée sous Louis XIV - épisodiquement il est assyrien, oriental enfin. Il établit également des galeries vrai - par u n « cabinet des tableaux du Roi ». À partir thématiques de sculpture moderne et d'objets d'art. C e de 1692, l'Académie royale de peinture et de sculpture musée tout neuf occupe en partie les anciens vint occuper avec ses collections les meilleurs appartements royaux qui sont remaniés et transformés appartements du Louvre, où siégeaient aussi les autres en galeries. Dans les autres espaces, on met en place académies (Académie française, Académie des sciences, une muséographie nouvelle, adaptée aux œuvres Académie des inscriptions et belles-lettres). Le Louvre présentées, c o m m e dans la galerie inaugurée par s'est donc affirmé peu à peu c o m m e u n foyer de Charles X en 1827, où plafonds peints et hautes création : l'Académie dispensait un enseignement, vitrines d'acajou servent d'écrin aux collections organisait des conférences et tenait tous les deux ans antiques et égyptiennes. Sous la IIe République, sous l'exposition des travaux de ses membres - d é n o m m é e le second Empire et jusqu'en 1900, une architecture Salon, d u n o m de l'espace dans lequel avait lieu la de musée, monumentale et décorative, s'affirme manifestation. À cette époque, les artistes royaux dans de vastes « salons » (salon Carré, salle des Sept mUSeUTI ISSN 1350-0775. No. 217 (Vol. 55. No. 1.2003) i 6 3 AU-DELÀ DES FRONTIÈRES Cheminées, salon Denon) et dans de grandes galeries puissent rejoindre relativement vite les points de visite aux murs rouge (pour les tableaux ) ou revêtus de les plus éloignés. Les ailes du palais jugées trop marbre (pour les sculptures). Cependant, dans le lointaines pour être atteintes à pied dans le circuit de Louvre, le musée coexiste toujours avec d'autres visite furent soustraites de la présentation des institutions ; c'est lentement qu'il va en occuper, u n à collections et réservées à des services. Le hall un, tous les espaces. Napoléon, construit en sous-sol, regroupe les services d'information, d'orientation, les vestiaires, Le projet du Grand Louvre l'auditorium, les librairies et les restaurants. Parallèlement, le creusement des sous-sols entre le U n grand pas est franchi en 1926, date à laquelle u n Louvre et les Tuileries fut enfin l'occasion de fournir au plan d'envergure est élaboré. Interrompu par la musée les structures nécessaires au fonctionnement seconde guerre mondiale, il fut poursuivi à u n rythme d'un grand musée urbain : parkings, aires de livraison régulier jusqu'aux années 1970. La décision, prise en accessibles aux camions, voies de desserte intérieure 1981, d'affecter l'ensemble d u palais au musée d u équipées de monte-charges, ateliers, vestiaires, Louvre et aux institutions éducatives et de recherche réserves ; car jusqu'alors le Louvre était u n théâtre qui s'y rattachent (l'École d u Louvre, le Centre de sans coulisses... recherche et de restauration des musées de France et le Musée des arts décoratifs) changea considérablement La deuxième phase consista, entre 1989 et l'échelle d u programme de rénovation. Son principal 1993, en l'aménagement des espaces libérés par le objectif était de rendre plus cohérents les circuits de Ministère des finances. Les cours intérieures furent présentation, d'offrir au public u n accueil agréable et recouvertes d'un réseau de dalles de verre et dévolues de faciliter la visite en tous points du musée aux à la sculpture monumentale. Léclairage zénithal des publics handicapés. À ceci s'ajoutait la nécessité de cours permet une présentation optimale des vestiges réunir dans les sous-sols tous les éléments nécessaires du palais d u roi Sargon à Khorsabad (Iraq) et des au fonctionnement du musée. sculptures françaises de plein air des xviie, xvuie et xixe siècles. D e nouvelles salles ont également été Ce projet fut intitulé « Grand Louvre ». aménagées dans les espaces libérés afin d'abriter les Létablissement public constructeur (Établissement antiquités islamiques, orientales, les sculptures, les public d u Grand Louvre), une administration ad hoc peintures et les objets d'art. Dans la m ê m e phase, o n établie par l'État français, eut la charge de la entreprit le renouvellement de la muséographie de la programmation et des travaux. La composante la plus totalité de l'ancien musée, et les secteurs rénovés spectaculaire de ce vaste programme fut, en 1989, la s'ouvrent depuis au rythme d'un ou plusieurs par an. réalisation d u vaste hall d'accueil Napoléon, surmonté À titre d'exemple, la rénovation totale d'un des de sa pyramide de verre, oeuvre de I. M . Pei, dont départements les plus visités, les antiquités l'intégration au cœur d'un espace historique fut, après égyptiennes, s'est achevée en 1997. Actuellement, de vaines polémiques, reconnue c o m m e exemplaire. Il l'ancienne salle des États, où est d'ordinaire exposée s'agissait là d'offrir aux visiteurs u n accueil centralisé et la Joconde, et la galerie d'Apollon, écrin des joyaux, confortable, établi au cœur d u bâtiment, afin qu'ils sont en cours de restructuration, de m ê m e qu'une 64 rnUSeUTl ISSN O304-3OO2. n° 217 (vol. 55. n° 1, 2003) © UNESCO 2003 J Le Louvre Geneviève Bresc-Boutier série de salles consacrées à la Méditerranée orientale à la fin de l'Antiquité. ^aménagement de l'ancien Ministère des finances en espace muséographique, transfert d'affectation difficilement acquis, ne posait pas de problèmes déontologiques et structurels majeurs. O n conserva intacts les appartements de prestige décorés sous Napoléon III et les grands escaliers qui constituaient des témoignages d'histoire et d'art. Par contre, les espaces aménagés à des fins administratives dans l'ancien Ministère des finances ne présentant aucun caractère historique furent remodelés pour permettre la création d'une infrastructure de circulation : ascenseurs, escaliers roulants, gaines d'alimentation. E n fonction des espaces et de leur état (architecture et décor), les décisions de réaménagement peuvent donc varier considérablement. Si dans les années 1930-1950, les architectes agirent sans trop d'états d ' â m e sur les structures anciennes, la conception actuelle de l'état historique d'un lieu et la perception qu'on en a ont considérablement changé. Concilier les impératifs de UNESCO / Isabelle Vinson sécurité des personnes (issues de secours, trappes de désenfumage, largeur de passage), de conservation des œuvres (surveillance, climat, lumière) et d'agrément de 10 - Entrepris en 1981, le projet du Grand Louvre la visite avec le respect des lieux historiques est un était destiné à réorganiser le musée et à le faire exercice souvent délicat. Le musée fait disparaître la s'ouvrir vers la ville. Le projet a doublé la surface fonction d'origine des lieux qu'il occupe, m ê m e s'il en d'exposition, notamment en occupant l'espace de préserve l'enveloppe et l'aspect. Les salles les plus plusieurs cours, la cour Puget par exemple. prestigieuses sur le plan artistique et les plus symboliques sont restaurées sans hésitation et dédiées à la visite. Mais les impératifs techniques obligent parfois à sacrifier des espaces a priori secondaires (caves, escaliers dérobés, greniers, couloirs). U n musée-palais aujourd'hui est le résultat de l'ensemble de ces choix successifs. Le musée d u Louvre a, depuis son installation dans le palais, connu ces inévitables remaniements qui font d'une demeure u n lieu public. mUSeim ISSN I35O-O775, N O . 2 1 7 ( V O L 5 5 . N O . 1.2003) | 6 5 A U - D E L À DES FRONTIÈRES Développement des services et défis pour le futur parallèlement au succès touristique, à entraîner vers le musée ceux qui ne sont pas habitués à fréquenter les lieux de culture, en développant u n programme très C e sont les besoins d'accueil et de service d u public riche de visites-conférences, de nature générale ou qui impliquent tout particulièrement de nouveaux spécialisée, ainsi que des ateliers pour enfants et pour m o d e s de fonctionnement. Le Louvre devient u n adultes. La volonté d'intégrer également les publics établissement public en 1993 afin de disposer d'une handicapés s'est manifestée par la programmation de plus grande autonomie de gestion. Son budget est visites spéciales pour les malentendants et par la alimenté par des subventions d'État et des ressources réalisation d'une galerie tactile pour malvoyants. Loffre propres provenant essentiellement d u droit d'entrée et culturelle se complète d'une médiathèque, d'une d'opérations de mécénat. Dans u n souci d'équilibre politique d'édition scientifique et pédagogique, d'une budgétaire, la direction du musée vient de signer avec importante programmation audiovisuelle, d'un site les ministères de tutelle u n contrat d'objectifs Internet établi en collaboration avec l'Éducation pluriannuels qui doit lui permettre d'assurer sur trois nationale en complément de celui ouvert au public en ans la maîtrise de ses besoins financiers. Le gigantisme 1995 (www.louvre.fr) et visité par 20 0 0 0 internautes de l'ensemble et le déploiement technique augmentent par jour. Lauditorium accueille des conférences, des considérablement les besoins de maintenance. Pour y colloques, des lectures et des concerts. D e plus, une faire face, des services internes aux responsabilités base des cartels, dont est pourvue chaque oeuvre souvent nouvelles ont été établis : services d'éclairage, exposée, vient d'être ouverte sur LInternet. Dans les d'informatique, de signalétique et de muséographie ou salles d'expositions des différents départements, des ateliers spécialisés dans les activités de transport, feuillets à la disposition d u public guident les visites et d'emballage et de présentation des œuvres d'art chaque conservation est dotée d'un service de (peinture, marbrerie, metallene, montage d'objets, documentation ouvert aux spécialistes. menuiserie, tapisserie, montage de dessin et encadrement...). Le Grand Louvre figure désormais parmi les exemples les plus réussis de conversion d'une Lieu de savoir, le musée a pour tâche architecture palatiale en centre d'éducation, de principale de donner à voir. E n parallèle aux recherche et de plaisir artistique, c'est-à-dire en musée aménagements architecturaux, il fallait aussi donner au du xxie siècle. public l'accès à la compréhension des oeuvres en Doit-on pour autant cacher les difficultés et les tenant compte de sa diversité. Le Louvre est efforts qu'il reste à fournir ? Lampleur de la l'institution culturelle française la plus visitée. E n fréquentation entraîne trop souvent de longues files accord avec sa vocation de service public, il est ouvert d'attente lors de la saison touristique des week-ends gratuitement aux jeunes de moins de dix-huit ans et à prolongés d u printemps et des mois de juillet et d'août. tous le premier dimanche de chaque mois. Parce que la Lentrée principale par la pyramide crée u n fréquentation est très largement touristique, les engorgement que l'ouverture d'une porte secondaire visiteurs disposent d'un plan-guide édité dans neuf n'a pas véritablement réduit. La surface d'exposition langues. Le service des publics s'est attaché, s'est considérablement augmentée et a obligé à 66 nXKirn | S S N O3(M-3002, n° 217 (vol. 55. n° l. 2003) © UNESCO 2003 I Le Louvre Geneviève Bresc-Boutier renforcer très fortement le personnel de surveillance et de maintenance. Mais, faute de moyens suffisants, le musée est trop souvent contraint de fermer des salles par roulement. Le défi est donc maintenant de continuer l'amélioration des conditions d'accueil et, dans u n musée neuf qui vieillit doucement, de maintenir intacte la qualité de sa muséographie et l'excellence de son niveau scientifique. mUffiUTl ISSN 1350-0775. No. 217 (Vol. 55. No. 1.2003) | 6 7 LErmitage et ses liens avec les régions russes Par Vladimir Matveev Vladimir Matveev travaille à l'Ermitage depuis 1970. Il est le conservateur de la collection d'instruments scientifiques de Pierre Ier: Depuis 1990, en tant que directeur adjoint pour les expositions et le développement, il a coordonné les activités de nombreux musée, notamment les services au public, le tourisme et les programmes départements du spéciaux, le bureau de presse, le département du développement, le centre de documentation et le nouveau centre « Staraïa Derevnïa » pour la restauration et la préservation. De tout temps, l'Ermitage a été une source de fierté pour le peuple russe. Depuis sa création, il constitue un symbole pour l'État russe de sa prodigieuse richesse culturelle. Si le musée a contribué de façon notable à l'élaboration de la culture russe, il a joué également u n rôle déterminant dans l'orientation de la politique culturelle nationale. À bien des égards, le musée a donc contribué à forger les valeurs culturelles des grandes villes et des régions de Russie. Actuellement, o n peut signaler deux tendances au sein des activités de l'Ermitage : le dialogue direct que le musée entretient avec les régions et sa relation avec le public. Ces deux tendances se sont développées à travers la coopération avec les instituts, les galeries et les musées régionaux. Une conscience culturelle accrue La présence des médias, et en particulier de la télévision, a été déterminante pour l'influence de l'Ermitage sur la vie culturelle des régions. Eécran de télévision est devenu, en Russie, une fenêtre ouverte sur le m o n d e de la culture, et ce en dépit d u fait qu'il existe encore relativement peu de programmes museirn |SSN 0304-3002, n° 217 (voi. 55. n° 1.20031 © UNESCO 2003 LErmitage et ses liens avec les régions russes Vladimir Matveev éducatifs sur les chaînes hertziennes. Ce sont les Dans le public de la chaîne « Culture » se documentaires et les émissions d'information qui trouve très certainement une grande proportion de jouent u n rôle important dans la sensibilisation aux gens qui ont grandi pendant les années où le premier questions ou aux événements culturels d'actualité. A u cycle d'émissions sur l'Ermitage était diffusé. Ces début des années 1990, un journaliste respecté de la téléspectateurs continuent à manifester avec la m ê m e région de M o u r m a n s k écrivit u n article pour son ferveur leur intérêt pour la culture, en grande partie journal local à propos de l'Ermitage et l'intitula grâce à l'Ermitage. « LErmitage : u n vaisseau au cœur de la nuit russe » (une allusion secrète à l'ouvrage d ' H . G . Wells La Le musée créa une autre série de programmes, Russie dans l'ombre). Le titre de l'ouvrage conférait au « Les trésors de Saint-Pétersbourg », qui, diffusée sur la palais d'Hiver, la résidence de l'Ermitage, l'image d'un chaîne régionale de Saint-Pétersbourg, donnait u n vaisseau, mais reflétait aussi l'essence m ê m e d u musée, aperçu des expositions présentées à l'Ermitage. C'est c'est-à-dire son détachement des contingences dans le cadre de cette série que les téléspectateurs matérielles et son penchant pour les grands projets purent célébrer le retour mémorable au pays de admirables. plusieurs chefs-d'œuvre d u musée qui avaient été vendus par le Gouvernement soviétique au La chaîne nationale russe « Culture » a philanthrope américain A n d r e w Mellon qui en fit don grandement contribué à faire connaître les collections plus tard à la National Gallery de Washington, D . C . E n de l'Ermitage au grand public. Elle est impliquée raison des liens étroits qui unissent l'Ermitage et les depuis longtemps dans une collaboration très féconde différentes régions russes, ce cycle de programmes a été avec le musée pour une série de programmes intitulés diffusé sur vingt-trois chaînes de télévision régionales, « M o n Ermitage ». Ceux-ci sont élaborés par le de Kaliningrad, à l'ouest, à Sakhaline, à l'est. directeur d u musée, Mikhail Piotrovsky, et reprennent le meilleur d'une série d'émissions créées il y a plus Pour bien comprendre les liens qui unissent d'un quart de siècle par l'académicien Boris Piotrovsky, l'Ermitage aux régions russes et aux républiques le père de l'actuel directeur. E n effet, Piotrovsky père voisines, il est important de se rappeler que, durant produisit une trentaine de programmes de télévision des décennies, les archives d u musée ont servi sans précédent dans le pays ; ils furent diffusés dans (souvent contre la volonté d u musée) à constituer les toute l'Union soviétique sur la « Première » chaîne et collections d'art des musées d'État, des musées reçurent u n accueil enthousiaste de la part des régionaux et locaux de toute l'Union soviétique. Des téléspectateurs. La diffusion de ce cycle de relations se sont tissées, de ce fait, entre tous ces programmes coincida avec le m o m e n t où la popularité musées et l'Ermitage lui-même. Dans sa volonté de du musée était forte, avec plus de trois millions de promouvoir les contacts avec les régions, l'Ermitage a visiteurs par an, la plupart citoyens de l'Union instauré une « école d'automne » et tous les soviétique. Par l'intermédiaire d u petit écran, conservateurs des musées russes ont la possibilité d'y l'Ermitage eut l'occasion d'accroître son influence et de prendre part. Le programme annuel de l'école se toucher u n nouveau public composé de millions de concentre sur les questions relatives à la mise en téléspectateurs. réserve et à la préservation des œuvres d'art, et sur les ITLEBUm ISSN 1350-0775, No. 217 (Vol. 55. No. 1,2003) | 69 LERMITAGE ET LES ÉCHANGES CULTURELS recherches récentes menées sur des œuvres la création de l'École de restauration de l'Ermitage au particulières des musées à travers la Russie. LErmitage centre de restauration du Musée d'histoire locale de a contribué de maintes façons au développement de la Sverdlovsk Oblast à Iekaterinbourg. Pendant plusieurs conscience culturelle à travers les provinces : en semestres, cette école a offert à des spécialistes des accueillant des conservateurs issus des musées régions de l'Oural, de la Volga et de Sibérie la régionaux au sein de l'Ermitage, en les encourageant à possibilité de suivre u n stage de formation intensif sous participer à des conférences et à des colloques (dont la la houlette de restaurateurs et de personnels plupart sont devenus maintenant des activités expérimentés de l'Ermitage. régulières) et en facilitant l'échange des idées entre les personnels des musées d u pays entier. Ces différentes KErmitage intègre régulièrement dans ses démarches se sont avérées efficaces pour renforcer le programmes des candidats provenant des nombreux potentiel scientifique et académique des musées musées régionaux. La plupart de ces programmes sont régionaux de Russie. des travaux de recherche individuels, mais l'Ermitage a mis en place également u n certain nombre de cours Après la fin de l'Union soviétique, la réputation collectifs. Le thème des « services au public », une de l'Ermitage en tant que centre de recherche activité relativement nouvelle pour les musées, figure scientifique s'est accrue considérablement dans parmi les multiples séminaires et tables rondes que l'opinion des conservateurs de musée et des spécialistes l'Ermitage organise à l'intention des personnels des à travers la Russie, la C o m m u n a u t é des États musées régionaux, dont ceux d'Arkhangelsk, de indépendants et les autres anciennes républiques Vologda, de Kaliningrad, de Leningrad, de soviétiques. LErmitage a alors occupé une place à part Mourmansk, de Novgorod, de Pskov, ceux des dans la mesure où il comptait parmi les musées les plus républiques de Carélie et des Komis ainsi que ceux de importants du m o n d e , tout en restant perçu par les Saint-Pétersbourg. Le programme « LErmitage - le personnels de tous les musées russes c o m m e quelque porte-drapeau des musées russes » a été inauguré en chose qui leur appartenait en propre, quelque chose 2001 ; il comporte des séminaires et des master classes d'intrinsèquement russe. Ces dernières décennies, à l'intention de spécialistes provenant des musées l'Ermitage s'est employé à accroître ses activités avec régionaux mais aussi de participants étrangers des institutions étrangères, à renforcer ses liens avec le (présents à la fois en tant que mentors et étudiants). grand public, à travailler avec les médias, à développer les techniques de marketing et de merchandising du LErmitage attache aussi beaucoup musée, et à mettre l'accent sur tous les programmes d'importance au travail avec les enfants. Le musée de développement en général. Ces innovations au sein accueille désormais u n centre scolaire qui organise des de l'Ermitage ont lancé u n défi stimulant pour les programmes d'éducation pour les familles, ainsi que conservateurs des musées régionaux de toute la Russie. des activités pour les enfants ayant des difficultés La relation entre l'Ermitage et les musées régionaux d'apprentissage, en s'appuyant sur des outils éducatifs s'est donc radicalement modifiée. La collaboration est multimédias. Ces actions ont généré u n fort intérêt désormais établie sur des liens de partenariat et sur une parmi les personnels de musée des régions, base égalitairel. O n peut notamment citer l'exemple de notamment dans les républiques de Bachkirie et 70 mUSeUT) ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1, 2003) © UNESCO 2003 I LErmitage et ses tiens avec les régions russes Vladimir Matveev © Winnie Denker / Patrimoine 2001 / Fondation La Caixa 11 - Cet élément de bouclier scythe en forme de panthère fut découvert dans le tumulus I de Kelermes (dans le Caucase du Nord) en 1903. Fin VIe siècle avant J . - C , or et émail, longueur 36,6 c m , hauteur 16,2 c m . d'Oudmourtie, à Oufa et à Lipetsk et des projets sans doute sa participation dans des expositions en similaires y ont été élaborés en collaboration avec dehors de Saint-Pétersbourg. Ces actions c o m m u n e s , l'Ermitage. Les conservateurs de l'Ermitage continuent qui recouvrent toutes les phases de préparation et de à travailler étroitement avec les musées régionaux gestion de l'exposition, se sont révélées être des afin de développer de nouveaux programmes dans entreprises extrêmement stimulantes et gratifiantes. ce domaine. Ces expositions constituent la façon la plus efficace de renforcer les capacités artistiques et éducatives des Les programmes d'exposition en liaison avec les musées régionaux Mais l'aspect le plus passionnant et le plus varié de la collaboration de l'Ermitage avec les autres musées est musées régionaux ainsi que leur aptitude à toucher le grand public. Il faut se rappeler qu'au début des années 1990 l'Ermitage avait pratiquement arrêté d'organiser des museum ISSN 1350-0775. NO. 217 (Vol. 55. No. 1.2003) | 71 LERMITAGE ET LES ÉCHANGES CULTURELS expositions dans les villes russes. Plusieurs facteurs l'organisation d'événements musicaux en rapport avec étaient enjeu, dont le problème de la sécurité et des des expositions à travers les régions : pour la première garanties. Le directeur de l'Ermitage suspendit la fois des techniciens spécialisés de l'Ermitage participation d u musée dans les expositions en Russie, collaboraient avec u n musée régional. Avec l'assistance déclarant que l'Ermitage serait intransigeant en matière et les conseils de l'Ermitage, le Musée des beaux-arts de sécurité. Les pièces du musée constituant des objets d'Iekaterinbourg, le Musée d'État des arts décoratifs de inestimables d u patrimoine mondial, elles ne pouvaient la république de Tatarie, le Musée d'histoire locale de être prêtées sans une garantie satisfaisante de sécurité. Lipetsk Oblast, ainsi que plusieurs autres musées, ont Néanmoins, l'Ermitage resta à l'écoute des besoins des conçu et mis en place u n programme visant à musées régionaux et s'attacha à trouver des solutions, améliorer la sécurité de leurs espaces. Les c o m m e l'illustre l'exemple de l'exposition de 1995, administrations régionales en sont venues à intitulée « Le sauvetage de l'Ermitage ». Cette année-là, reconnaître les avantages à long terme d'un le Musée des beaux-arts d'Iekaterinbourg (Oural) investissement dans leurs musées locaux. suggéra que l'Ermitage accueille une exposition d'ceuvres lui appartenant afin de célébrer la victoire de E n 1996, l'une des expositions majeures la Russie lors de la seconde guerre mondiale. E n effet, organisées par l'Ermitage en Russie (intitulée « Vive la en 1941, tandis que Leningrad était assiégée et encerclée flotte russe ! ») fut consacrée au 300 e anniversaire de la par les troupes ennemies, la ville de Sverdlovsk (appelée création de la marine russe et fut présentée dans la de nouveau Iekaterinbourg aujourd'hui) acueillit deux galerie d'art de Kaliningrad. La ville abrite le quartier trains d'objets en provenance de l'Ermitage afin de les général de la flotte balte, créée par Pierre le Grand. placer en sécurité. U n troisième train avait été préparé Cette enclave occidentale de la Russie a une place avec d'autres œuvres d'art, mais il ne put jamais quitter importante dans les projets de collaboration organisés Saint-Pétersbourg. Lexposition était dédiée aux par l'Ermitage qui travaille avec la galerie d'art de employés d u musée qui avaient pu miraculeusement Kaliningrad, le Musée sur l'histoire et l'art de acheminer ces pièces vers le front de l'Oural et à ceux Kaliningrad Oblast, le Musée de l'ambre, le Musée qui étaient demeurés dans la ville assiégée de Leningrad. maritime, et la maison-musée d ' H e r m a n n Brakhert à Elle s'est tenue finalement à Iekaterinbourg dans deux Svetlogorsk. Kazan (république de Tatarie) a accueilli bâtiments d u musée, dont l'un, la Bibliothèque des également une série de projets de l'Ermitage cartes, avait abrité durant la guerre de nombreux extrêmement variés et intéressants. Le premier, une tableaux de l'Ermitage. Lexposition fut u n événement exposition qui eut lieu en 1997, intitulée « Les trésors culturel de grande ampleur soutenu par le Ministère de Kubrat Khan », fut organisé sous le patronage du de la culture. Lors de la cérémonie d'ouverture, Président de la République qui, par la suite, décida la prestation de l'orchestre de chambre de Saint- d'établir une relation durable entre l'Ermitage, Pétersbourg fut remarquée ; il effectua ensuite une l'administration de la république de Tatarie, le tournée dans la région de l'Oural. Ministère de la culture de la république, ses Académies des sciences et d'histoire, ses musées, ses centres Cette exposition particulièrement innovante à Iekaterinbourg a constitué u n précédent pour 72 d'exposition et l'administration de la ville de Kazan. U n e série d'expositions fut programmée pour coïncider nxEeurn^ ISSN 0304-3002. n° 217 <voi. 55. n° 1.2003) © UNESCO 2003 I Œrmitage et ses liens avec les régions russes Vladimir Matveev avec les célébrations prévues pour le 300 e anniversaire illustrent la politique de l'Ermitage vis-à-vis des centres de la fondation de Saint-Pétersbourg et le régionaux : offrir son soutien et permettre la création 100 e anniversaire de la fondation de Kazan. d'un futur moderne et stimulant pour les musées et Récemment, l'Ermitage a fait connaître son intention le public. de créer u n centre de l'Ermitage à Kazan. LErmitage considère que cette politique Le musée a également collaboré avec des d'échanges régionaux fait partie intégrante de son institutions appartenant à d'autres républiques, mandat, qui consiste à préserver, exploiter et partager notamment la république de Bachkirie. Des savants, le patrimoine culturel dans toute sa diversité tel qu'il des chercheurs et des restaurateurs de l'Ermitage est représenté par l'Ermitage et par tous les musées à travaillent depuis des années avec des m e m b r e s du travers la Russie. centre d'Oufa pour la recherche ethnologique de l'Académie des sciences russe. Cette collaboration a m e n é à la restauration puis à l'exposition d'une collection unique d'objeets découverts dans les tumulus de Filippovka. ^exposition itinérante, intitulée « Le cerf doré d'Eurasie », a remporté u n vif succès à N e w York où elle a été présentée au Metropolitan M u s e u m of Art, à Milan au Palazzo Reale, à Oufa au musée d'art Nesterov de l'État de Bachkirie et à Moscou au Musée d'État d'histoire. Cet extraordinaire cas de collaboration entre l'Ermitage et les musées régionaux a permis au Musée d'art de l'État de Bachkirie de mieux se faire connaître à l'échelle de la Russie et du m o n d e entier. Aujourd'hui, l'Ermitage continue très activement à développer ses liens avec les régions. E n décembre 2002, dans le cadre du programme annuel du musée « les Journées de l'Ermitage », une table ronde a été organisée sur le thème « l'Ermitage en Russie ». Étaient présents les administrateurs et les directeurs de tous les musées régionaux qui avaient collaboré avec l'Ermitage l'année précédente : Veliki Novgorod, Vyborg, Iekaterinbourg, Kazan, Kaliningrad, Lipetsk, Staraïa Ladoga et Oufa. Cette réunion a été l'occasion d'un riche échange d'idées et de l'élaboration de projets c o m m u n s , des projets qui museuri ISSN 1350-0775, NO. 217 (Vol. 55. NO. 1,2003) | 73 LERMITAGE ET LES ÉCHANGES CULTURELS © Winnie Denker/Patrimoine 2001/ Hermitage Museum 12 - Le célèbre tableau de Matisse, La danse, peint en 1910, évoque la mythologie de l'Âge d'or. Avec La musique, il fait partie des chefs-d'œuvre que détient l'Ermitage. 74 s: mMMyhiéê^:«%. :-2ff. V à 55;»« -., mm} Û «NBSÇÇ 2003- Le merchandising et le marketing international à l'Ermitage Par Anatoly Soldatenko Anatoly Soldatenko est responsable du département du développement au musée de l'Ermitage depuis sa création, en 1995. Il a fait ses études à l'Université d'État de Leningrad et à l'Institut français de gestion de Varsovie. Il travaille à l'Ermitage depuis 1986. Selon la loi fédérale de la Fédération de Russie qui régit les organisations charitables et les musées, le musée d'État de l'Ermitage détient l'exclusivité pour l'exploitation de ses collections, de ses bâtiments, de l'image de l'Ermitage lui-même, et d u n o m « LErmitage ». Il détient également le droit exclusif de reproduire les œuvres d'art de ses collections, les intérieurs du musée, le droit d'exploiter les travaux de recherche réalisés par son personnel, et est propriétaire de l'ensemble des marques déposées - toutes choses qui peuvent servir à promouvoir le musée et ses activités. Le musée détient aussi le droit exclusif d'octroyer une licence en vue de la fabrication de produits inspirés de ses collections et de ses bâtiments. Le public a toujours témoigné u n vif intérêt pour les produits conçus à partir des collections de l'Ermitage. A u cours des dernières années, cet intérêt s'est considérablement accru et a eu des retombées croissantes sur les revenus du musée. La conception et la production d'objets commercialisables inspirés des collections de l'Ermitage constituent une part importante de la stratégie de marketing d u musée et une source de financement importante pour le développement permanent du musée. Le merchandising contribue à promouvoir l'image du musée, soutient financièrement les activités éducatives mUSGUTI ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1, 2003) I 75 LERMITAGE ET LES ÉCHANGES CULTURELS et la politique de développement du musée, et assure personnel du musée ainsi que des experts en la diffusion et la renommée des collections d u musée. merchandising d u m o n d e entier, l'Ermitage et la Foundation Hermitage aan de Amstel basée aux Pays- Naissance et développement des activités de merchandising Bas ont fondé une compagnie néerlandaise n o m m é e Hermitage International Merchandising B V (HIM). EErmitage et les Pays-Bas ont noué au fil des ans des Ces dernières années, l'Ermitage a conclu différents relations très étroites. La Foundation Hermitage aan de accords de merchandising avec plusieurs organisations. Amstel met en place actuellement à Amsterdam u n E u n des plus fructueux est celui qui a été passé avec le centre éducatif et u n lieu d'exposition dédiés à la Metropolitan M u s e u m of Art (New York). D'après les promotion de l'Ermitage. Certains des membres de la termes de cet accord, le Metropolitan détient la licence fondation se trouvent également au sein de la pour fabriquer des reproductions d'objets et de Commission internationale pour le merchandising. peintures faisant partie des collections de l'Ermitage. Cette commission, en accord avec l'Ermitage, a affirmé Eune des premières séries de reproductions qui furent la nécessité de placer les activités de merchandising de créées provient de la collection scythe d u musée : u n l'Ermitage sous la tutelle d'une société particulière. ensemble fabuleux de bijoux en or finement ciselés C'est ainsi que H I M fut fondée. C'est une société ainsi que d'autres objets datant d'une époque comprise néerlandaise dans laquelle la Foundation Hermitage e e entre les vii et 111 siècles avant J.-C. et qui sont une des aan de Amstel est majoritaire. La direction de merveilles de l'Ermitage. A u fil des ans, d'autres l'Ermitage siège au conseil d'administration de la partenariats tout aussi fructueux se sont développés, fondation et peut, de la sorte, contrôler ses activités et, dans le cadre desquels le musée a accordé des licences par extension, celles de H I M . EErmitage a transmis le pour la production et la distribution de nombreux droit non exclusif à cette société d'accorder des objets de ses collections. licences dans le m o n d e entier pour la fabrication de produits en rapport avec l'Ermitage, ses expositions et Dès le début, la politique du musée a été de ne ses collections. H I M assure également la coordination pas concéder les droits exclusifs de production ou de entre tous les concessionnaires de licences. Eune des distribution à une seule entité. En outre, tous les premières actions que la compagnie entreprit fut de produits doivent être fabriqués sous le strict contrôle déposer le logo de l'Ermitage, à savoir la lettre stylisée du musée et sont protégés par les droits d'auteur du « 3 » (qui correspond à la première lettre russe du musée. mot Ermitage), en caractères cyrillique et latin. Travaillant tout à la fois avec la Commission Avec l'expansion rapide de ses activités internationale pour le merchandising du musée et de commerciales et le nombre croissant de licences façon indépendante, la société H I M consulte vendues à travers le m o n d e , l'Ermitage a pris régulièrement certains des spécialistes mondiaux les conscience qu'il devait coordonner et rationaliser ses plus en vue dans les domaines d u merchandising, du activités mondiales de merchandising. Sous l'égide droit d'auteur et des marques déposées tandis qu'elle d'une Commission internationale pour le continue à élaborer des stratégies pour les activités merchandising qui comprend des m e m b r e s du commerciales d u musée. 76 rrTUSeUTl | S S N a304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2OO3) © UNESCO 2003 j L e merchandising et le marketing international à l'Ermitage Anatoly Soldatenko Bien que Hermitage International pour obtenir le droit de gérer l'entreprise (les Merchandising B V soit en place depuis très peu de c o m m a n d e s et la distribution) ; c'est M u s e u m on Line temps, son travail s'est déjà avéré fort efficace. Tout en (MoL) qui a finalement été retenue, une société créée supervisant l'exploitation des licences actuelles d u spécialement pour ce projet et basée aux États-Unis musée, la société a aussi c o m m e n c é à élaborer une d'Amérique. E n décembre 2000, la boutique en ligne ligne de produits pour les expositions temporaires qui de l'Ermitage a été ouverte au internautes. ont lieu à travers le m o n d e , telle que par exemple l'exposition « Linvitation au voyage » qui s'est tenue récemment à Toronto et à Montréal. Actuellement, la boutique d u site de l'Ermitage propose à la vente les produits suivants : des reproductions d'objets extraits des collections d u Le défi du c o m m e r c e électronique musée, des livres et des calendriers, des vidéos et des produits multimédias, des souvenirs, des posters et des Ces dernières années ont été également l'occasion pour cartes postales, des bijoux, des articles ménagers, l'Ermitage d'innover grandement dans le domaine d u notamment des accessoires pour la table, des cadeaux commerce électronique. Il est presque impossible de pour les enfants et des meubles. déterminer le nombre de boutiques en ligne sur le World W i d e W e b de nos jours, encore moins la Plus de la moitié des articles disponibles sur le diversité des produits disponibles sur le W e b et site W e b ont été fabriqués spécifiquement pour M o L et l'étendue des activités qui s'y rapportent, telles que les l'Ermitage. Le musée a encouragé la participation des demandes de renseignement des clients et l'évaluation conservateurs au projet en créant une section où ils de leur satisfaction, nécessaires pour le b o n peuvent recommander certains articles au public. Les fonctionnement du commerce électronique. Les plus c o m m a n d e s sont passées sur l'Internet, mais également grands musées d u m o n d e élaborent depuis u n certain par téléphone, par fax ou par courrier électronique. temps des stratégies de merchandising ; il était Lexécution des c o m m a n d e s depuis les États-Unis inévitable que celles-ci prennent en compte le d'Amérique garantit une livraison rapide, facteur très commerce électronique en pleine expansion. important compte tenu d u fait qu'un tiers des clients EErmitage en a très tôt pris conscience et a souhaité actuels vit aux États-Unis ou au Canada. M o L peut également relever le défi. aussi expédier et livrer rapidement les produits partout dans le m o n d e en respectant des délais très brefs. Eélaboration du site W e b de l'Ermitage (www.hermitagemuseum.org) a m e n é naturellement à En 2002, le musée a ouvert l'équivalent l'organisation des activités commerciales électroniques. « réel » de sa boutique « virtuelle » au troisième étage E n 2000, la direction du musée a approuvé l'ouverture du palais d'Hiver. M o L et l'Ermitage ont conçu ce d'une boutique en ligne sur le site. Le développement projet pour plusieurs raisons. Cette boutique offre du commerce électronique a été réalisé en avant tout aux visiteurs la possibilité d'évaluer les collaboration étroite avec la compagnie I B M , qui a produits qui sont disponibles sur l'Internet et de facilité l'intégration de la boutique dans le site du s'assurer de leur qualité. Ils peuvent ensuite choisir musée. Quatre sociétés sont entrées en concurrence d'acheter l'article directement sur place o u demander à museum ISSN 1350-0775. NO. 217 (Vol. 55. NO. 1.2003) 1 77 LERMITAGE ET LES ÉCHANGES CULTURELS M o L de l'expédier chez eux. Ils sont de la sorte encouragés à acheter des articles qu'ils ont vus au préalable sur le site. Afin de promouvoir l'utilisation • l'Ermitage appose sa marque sur tous les produits et en détient les droits exclusifs ; • les organisations partenaires du musée sont des services de commerce électronique du site, la responsables de la fabrication et de la livraison de boutique met à la disposition des clients plusieurs tous les produits. ordinateurs pour consulter le site et c o m m a n d e r des produits qui sont ensuite expédiés chez eux. Étant donné l'importance du merchandising, le musée a élaboré très tôt une stratégie qui répondait à ses M o L projette actuellement d'installer une objectifs propres. Il a également tiré parti des deuxième boutique, plus grande cette fois, dans la expériences de différents musées et experts dans le galerie Rastrelli du palais d'Hiver. La galerie Rastrelli m o n d e , à la recherche d'une approche éprouvée qui ne devient peu à peu l'endroit d u musée où se compromette ni la qualité des produits ni les attentes concentrent tous les services offerts aux visiteurs. O n y des consommateurs. Le musée a vite compris que trouve déjà u n magasin de souvenirs, un restaurant et l'essentiel de sa clientèle se situerait hors des frontières u n café Internet, ce dernier illustrant c o m m e n t russes, du moins à court terme. Il était également l'Ermitage utilise la technologie moderne pour conscient des difficultés inévitables qui surgiraient si la concevoir les services destinés au public. gestion se faisait depuis la Russie. Le musée a donc choisi de délocaliser la gestion du merchandising à La stratégie de merchandising du musée l'étranger, tout en conservant u n contrôle exclusif sur son image, ses droits et lefluxdes revenus. Cette stratégie a déjà prouvé sa remarquable efficacité et La stratégie de merchandising de l'Ermitage ne vise pas confirme l'approche résolument créative du musée à uniquement le marché extérieur du musée ; elle l'égard du merchandising. s'intéresse aussi aux nombreux visiteurs qui affluent tous les jours à l'Ermitage. Aujourd'hui, le musée accueille plusieurs organisations partenaires qui vendent sur place des produits inspirés du musée. Chaque partenariat est fondé sur un ensemble de principes explicites : • l'Ermitage n'accorde pas les droits exclusifs pour la fabrication de produits ; • les articles qui sont en vente dans le musée ou qui portent la marque du musée sont choisis directement par le musée ou en accord avec les partenaires autorisés ; • la distribution et la qualité des produits en vente sont sous le strict contrôle du m u s é e ou d'un tiers qui agit pour le compte de l'Ermitage ; 78 nXEeUTl ISSN 0304-3002, n° 217 (vol, 55, n° 1. 2003) © UNESCO 2003 I LErmitage dans le contexte de la ville Par Mikhail Piotrovsky Mikhail Borisovitch Piotrovski a obtenu un diplôme d'études arabes à la faculté orientale de l'Université d'État de Leningrad en 1967 puis a intégré la section de Leningrad de l'Institut d'études orientales en tant que chargé de recherches et a soutenu un doctorat en histoire. Il a travaillé à l'Institut jusqu'en 1997, date à laquelle il a été engagé à l'Ermitage en tant que directeur adjoint. En juillet 1992, il a été nommé ministre. Mikhail Piotrovsky est membre l'Académie des arts, et membre directeur du musée par décret du Premier correspondant de l'Académie des sciences et de titulaire de l'Académie des sciences humaines. Il est également professeur à l'Université d'État de Saint-Pétersbourg et siège au conseil d'administration du Conseil du président pour l'art et la culture, de la Fondation pour la recherche en lettres et sciences humaines, et du Comité d'experts des expositions du Conseil de l'Europe. Parmi ses publications on peut citer : Le sud de l'Arabie au début du M o y e n  g e (1985), Islam : une encyclopédie (1991), et Contes du Coran (1997/ // est le coauteur, avec Oleg Neverov, de l'ouvrage : L'Ermitage : essais sur l'histoire de la collection (1997) ; il a également dirigé la publication de l'ouvrage : Art terrestre - Beauté céleste. L'art de l'islam (2000). Alors que Saint-Pétersbourg s'apprête à célébrer le 300 e anniversaire de sa fondation, la place primordiale qu'occupe l'Ermitage dans la ville se trouve singulièrement mise en évidence : elle en est le c œ u r physique mais aussi le cœur culturel. Aujourd'hui, le palais et le musée de l'Ermitage sont des lieux incontestés de la culture mondiale. Il a toujours existé u n musée d'importance dans le centre de Saint-Pétersbourg. À l'époque de Catherine la Grande, les collections de l'Ermitage étaient exposées dans la résidence principale de l'impératrice, le palais d'Hiver. Durant son règne, trois nouveaux bâtiments furent érigés sur la rive de la Neva, à côté d u palais d'Hiver, afin d'abriter les collections d u musée : le Petit Ermitage (1764), le Vieil Ermitage (1771-1787) et le Théâtre de l'Ermitage (1783-1787). Le Nouvel Ermitage fut ajouté en 1852. nnUSeUT^ ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1.2003) I 7 9 LERMITAGE ET LES ÉCHANGES CULTURELS Ces bâtiments remplissaient une double symbolique demeura. Elle fut la scène de nombreux, fonction : non seulement ils servaient de logement et événements historiques, à commencer par la prise du de lieu de travail pour près de mille personnes, parmi palais d'Hiver, ainsi que de festivals révolutionnaires lesquelles la famille impériale, mais ils constituaient ou de parades militaires. Durant la période soviétique, également u n lieu d'exposition pour les trésors de la ces rassemblements populaires devinrent plus formels. Russie impériale, témoignant de sa splendeur et de sa La place n'était plus perçue c o m m e le c œ u r de la ville richesse culturelle. Des mascarades étaient organisées à et Saint-Pétersbourg c o m m e n ç a à vivre à u n rythme l'intention de la noblesse dans le palais d'Hiver, et les ralenti. Dans le m ê m e temps, la nouvelle Leningrad, grandes salles étaient utilisées lors de réceptions qui s'agrandit considérablement dans les années 1930, grandioses ou d'importantes cérémonies d'État. reflétait des valeurs urbaines différentes et non Catherine créa u n grand « complexe de l'Ermitage » historiques. Mais, paradoxalement, l'abandon d u pour les festivités, qui se tenaient à la fois dans le centre historique de la ville s'avéra en fin de compte palais, dans le théâtre et dans le musée lui-même. positif pour le mythe culturel de Saint-Pétersbourg. À Cette fusion entre la résidence impériale et le musée, et la fin de l'ère soviétique, la place du Palais c o m m e n ç a à ce dès son origine, explique que l'Ermitage demeure revivre. Elle accueillit à nouveau de nombreux e encore en ce début de xxi siècle u n symbole et u n événements, des festivals, des rassemblements souvenir de l'époque impériale russe. Le palais fait spontanés et m ê m e des concerts de rock. désormais partie intégrante d u musée, c o m m e le musée fait partie intégrante d u palais. LErmitage et l'histoire de la ville Étant donné le rôle déterminant que jouèrent l'Ermitage et la place d u Palais dans cette longue évolution urbaine, o n attribua au musée l'aile est de Le palais d'Hiver est un élément essentiel de l'État-major général situé sur la place d u Palais, en l'ensemble architectural de la place du Palais, qui elle- guise de reconnaissance de l'influence exercée par m ê m e n'a pas d'équivalent dans Saint-Pétersbourg. La l'Ermitage sur le caractère global de la place et, au- place d u Palais constitue d'une certaine manière le delà, sur la ville dans son ensemble. Il s'agissait centre nerveux de la ville dans la mesure où elle relie également d'un témoignage de l'estime croissante que entre eux les bâtiments les plus importants et les plus l'Ermitage suscitait tant en Russie qu'à l'étranger, et intéressants d'un point de vue architectural. Elle est d'un encouragement pour le développement d u musée également proche des églises, des ministères et des à long terme. Le bâtiment est actuellement en cours de théâtres : en s o m m e , de tous les m o n u m e n t s rénovation ; il abritera une partie des collections d u principaux de Saint-Pétersbourg. Pour certains, musée, des espaces destinés aux activités éducatives et l'architecture monumentale de Saint-Pétersbourg des salles de conférence. compose l'espace urbain le mieux planifié d'Europe et représente u n symbole d'élégance et d'humanité, de Le nouveau complexe de l'Ermitage m ê m e que le centre de la démocratie russe. Lacquisition de l'aile est de l'État-major général Après 1917, la place d u Palais ne constitua plus le centre nerveux de la ville, mais sa valeur 80 modifia radicalement la structure d u complexe de l'Ermitage. À présent, il gravite autour de la place d u nTUSeUT1 L | S S N 0304-3002, n° 217 (vol. 55, n° 1, 2003) © UNESCO 2003 LErmitage d a n s le contexte de la ville Mikhail Piotrovsky Palais, tout en l'enveloppant. Depuis la création de la e rendent dans les musées pour s'enrichir d'un point de place au xix siècle, l'accès au palais d'Hiver se faisait vue personnel, mais aussi pour se divertir. Léquilibre principalement par ce côté. U n e habitude qui reste entre les deux n'est pas toujours facile à trouver, et la toujours valable aujourd'hui pour les visiteurs du tentation peut être grande pour les musées de mettre musée. Il paraissait donc naturel de transférer l'entrée l'accent sur les aspects récréatifs, qui sont souvent les principale du musée, alors située sur la rive de la Neva, plus rentables. LErmitage fait son entrée dans le à la place d u Palais, où elle se trouve désormais, d u xxie siècle avec prudence. Toujours à l'écoute des côté de la Grande Cour du palais d'Hiver. Depuis besoins d u public, le musée s'est lancé dans des projets l'inauguration de cette entrée en mai 2003, la place d u commerciaux passionnants tels que l'ouverture d'un Palais s'apparente donc à une somptueuse cour restaurant, d'une boutique de cadeaux et de livres, la d'entrée pour le musée à proprement parler. Ainsi, création de petits cinémas et de cercles culturels. l'esprit d u musée est désormais défini tout autant par Ceux-ci seront situés dans l'aile est de l'État-major la place que par ses intérieurs et ses collections. Cette général. Tous ces nouveaux éléments sont conçus et nouvelle union entre le musée et la place d u Palais se intégrés dans le cadre global d u musée avec le souci de reflète aussi sur la place elle-même. La culture et les garantir une harmonie d'ensemble et de respecter les traditions millénaires qui trouvent u n écho à l'intérieur traditions éducatives et la mission culturelle d'un de l'Ermitage s'étendent désormais à l'ensemble de la musée, au c œ u r d'une ville historique, qui peut, à cet place. D e plus en plus souvent des cérémonies égard offrir des racines culturelles au futur de la cité. militaires s'y déroulent et d'importants concerts de musique classique y sont organisés ainsi que dans la U n e présence renforcée d a n s la ville Grande Cour adjacente d u palais d'Hiver. Le musée s'investit également dans des projets de La présence accrue d u musée dans la place de développement qui concernent d'autres parties de la la place d u Palais a eu pour conséquence d'intégrer ville. Sur l'île de Vassilievski, le musée a recréé l'esprit davantage l'Ermitage dans les plans d'urbanisation de de la ville somptueuse de Pierre le Grand dans le palais la ville, et les projets se multiplient. À l'est de de Menchikov, la résidence d u premier gouverneur de l'Ermitage, le complexe du Musée russe constitué de Saint-Pétersbourg, qui est à présent rattaché au musée palais et de parcs est en cours de réaménagement. À de l'Ermitage. Le palais restauré a retrouvé sa l'ouest d u musée ont lieu également d'importants splendeur d'origine et abrite désormais des objets, des réaménagements autour de la place des Théâtres oeuvres d'art et des instruments de musique anciens dominée par le théâtre Mariinski. Depuis quelques qui témoignent des liens historiques qui unissent la années, les abords de cette place, les rues, les jardins et Russie et les Pays-Bas. les boulevards, sont devenus très animés. La ville qui vivait au ralenti c o m m e n c e à se réveiller, ranimant la Plus loin sur la rive de la Neva, l'Ermitage vie culturelle de Saint-Pétersbourg. LErmitage a donc travaille en étroite collaboration avec la fabrique de c o m m e n c é à revitaliser la place d u Palais, mais le Lomonossov, en vue de la création d'un nouveau succès de cette entreprise dépendra en dernier ressort musée pour l'exceptionnelle collection de porcelaine du public et de sa participation. Les visiteurs se impériale datant d u règne de Catherine la Grande qui museim ISSN 1350-0775. NO. 217 tvoi. 55. NO. 1.2003) | 81 © UNESCO/ Dominique Roger e 13 - Le monastère Alexandre Nevski date du xin siècle. D e nos jours, c'est un élément important du paysage historique urbain de Saint-Pétersbourg. LErmitage dans le contexte de la ville Mikhail Piotrovsky appartient à la fabrique. Située dans une zone Pétersbourg en tant que site du patrimoine mondial. industrielle de la ville, la fabrique de Lomonossov est Aujourd'hui, l'urbanisme de Saint-Pétersbourg réinscrit devenu en peu de temps u n centre culturel la ville historique au c œ u r de son développement. indépendant qui attire autant les habitants de la ville LErmitage se situe à l'épicentre de ce site d u que les touristes étrangers. patrimoine mondial et il continue de s'impliquer dans des projets d'aménagement urbain à travers la ville. Le A u nord du centre de la ville, près de Staraïa projet de réhabilitation d u centre historique de la ville Derevnia (Ancien Village), l'Ermitage construit a produit les premiers signes visibles d'un nouvel actuellement u n vaste complexe de réserves pour les urbanisme. Ainsi, la destinée du musée est liée ajamáis collections d u musée ; le premier bâtiment est déjà à celle de la ville de Saint-Pétersbourg ; ils se achevé. Lobjectif de cet ambitieux système en libre définissent l'un l'autre. Ces dernières années ont été accès est de permettre aux visiteurs d'examiner déterminantes, mais il reste encore d'importants défis à librement les objets en dépôt. Le complexe accueillera relever et des décisions délicates à prendre. Toutefois, à également des expositions et des conférences. en juger par les années qui viennent de s'écouler, LErmitage a aménagé une zone piétonne tout autour Saint-Pétersbourg et l'Ermitage se montreront à la des bâtiments. Le but final de cette opération est la hauteur des enjeux. création d'un autre centre culturel stimulant à m ê m e de rayonner sur la ville entière. Le projet de développement de l'Ermitage recourt donc à des stratégies visant à intégrer le musée dans une structure urbaine globale, au-delà de son environnement immédiat ; l'Ermitage deviendra ainsi c o m m e u n pont entre les différentes réalités urbaines de SaintPétersbourg et de l'ancienne Leningrad. Le bouleversement économique consécutif à la chute de l'Union soviétique a été, à bien des égards, à l'origine de la renaissance culturelle de SaintPétersbourg. Confrontés à des problèmes qui parfois leur semblaient insurmontables, les habitants de la ville et les institutions culturelles ont tiré parti de la nouvelle liberté politique et ont insufflé une nouvelle vie au patrimoine culturel de la ville. Dès la fin des années 1980, la question de la qualité de la vie urbaine s'est peu à peu imposée dans les débats politiques municipaux et la ville a adopté une nouvelle approche créative pour ses projets architecturaux, tout en veillant à préserver l'héritage historique de Saint- rrnBeim ISSN 1350-0775. NO. 217 ivoi. 55. N O . 1.2003) 83 LERMITAGE ET LES ÉCHANGES CULTURELS 14 - Les couleurs vives des façades du m u s é e de l'Ermitage sont les symboles des interactions entre la ville et ses trésors culturels. 84 nxKtm DC2, n'-21?i '"x. v® i vpsm 0, \ IA LIRE... I Berelowitch. 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Tel : (+33.1) 45.68.43.39 / Fax : (+33.1) 45.68.55.91 Gauguin à Matisse de la collec- A B O N N E M E N T S (anglais) tion de l'Ermitage, Blackwell Publishers 108 Cowley Road Oxford O X 4 1JF Royaume-Uni catalogue de l'exposition. Montréal, M B M / A G O / H a z a n , 2002. Exemplaires d'articles parus dans M u s e u m Rubens y su época, Tesoros del museo Ermitage, Rusia, catalogue de l'exposition, Institute for Scientific Information Att. of Publication Processing 3501 Market Street Philadelphia, PA 19104 États-Unis d'Amérique Bilbao, Merrell/Guggenheim Bilbao, 2002. Les articles signés expriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessairement celle de l ' U N E S C O ou de la rédactionLes appellations employées dans Museum international et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part d u Secrétariat de l ' U N E S C O aucune prise de position quant au satut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Il est interdit de reproduire intégralement o u partiellement sur quelque support que ce soit le présent ouvrage sans autorisation de l'éditeur (loi d u 11 mars 1957, art. 40-41 ; Code pénal, art. 425). © UNESCO 2003 rnUSeUTl ISSN 0304-3002. n° 217 (vol. 55. n° 1. 2003) © JNESC0 2003 Alii1 CutïUFi r œ efcraîôrîdiiauiaîÉi'Oini s p fiei 80 pages, 21 x 27 c m , photographies en couleurs Éditions U N E S C O / Ediciones San Marcos Publiée également en anglais et en espagnol w5 w ^^^^^^^^te^^^^^^B IE i ÉF > Est-ril'possible.d'assigner u n prix à la Gultiirë? ••. > Des questions et réponses permettant une approche des concepts et des idées clés sur le commerce de la culture et sur son potentiel en matière de développement. > U n aperçu des accords commerciaux multilatéraux et de leur impact potentiel sur le développement des industries j culturelles nationales. > Desiifröppsitions émises sur la manière d'élaborèrdes mesures nationales de soutien et des stratégies de coopération internationale.; ;." « 11^ : ;||ili: . une nouvelle diitiEnsion stratégique