TRANSPORTS, ESPACE ET LOGISTIQUE

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TRANSPORTS, ESPACE
ET LOGISTIQUE
Oumarou Mefiro
TRANSPORTS, ESPACE
ET LOGISTIQUE
Préface de Touna Mama
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-296-96448-8
EAN : 9782296964488
PRÉFACE
« Transport, Espace et Logistique », c’est le titre de l’ouvrage que M.
MEFIRO Oumarou nous présente.
Je salue cette publication à un double titre.
D’abord l’auteur, qui est l’un de mes anciens étudiants aux Universités de
Yaoundé et de Bordeaux, n’a pas cessé de s’intéresser à la recherche, malgré les
hautes fonctions de l’Etat auxquelles il a été légitimement appelé.
Ensuite, l’auteur a le profil de l’emploi. Docteur en Economie des
Transports, M. MEFIRO Oumarou est aujourd’hui secrétaire d’Etat auprès du
ministre d’Etat, ministre des Transports de la République du Cameroun. M.
MEFIRO Oumarou n’est donc pas seulement un homme politique ou un
théoricien de l’économie des transports, mais un expert qui sait de quoi il parle.
Pour en venir à l’ouvrage proprement dit, il est constitué de deux parties
comprenant chacune trois chapitres.
La première partie traite de transport et développement et concerne les trois
premiers chapitres.
Le premier chapitre, consacré aux théories spatiale et logistique, présente
une analyse des fondements théoriques de l’espace. L’objectif de l’auteur est de
ressortir les limites des théories classiques statiques de l’espace pour aboutir à
une théorie dynamique de l’espace généralisable en tous lieux. Dans cette
perspective, M. MEFIRO Oumarou situe la logistique au centre de son analyse,
pour élaborer une théorie spatiale pour les pays en développement qui tienne
compte de l’organisation du transport pour une régulation des moyens de
déplacement des personnes, des biens et de l’information à moindre coût.
Pour notre auteur, la prise en compte de la notion de temps dans la théorie
spatiale permet d’aboutir à l’indispensable complémentarité du temps et de
l’espace dans la recherche d’un seuil optimum d’aménagement du territoire
indispensable pour des pays en développement comme le Cameroun. Ce qui
donne toute sa valeur à la logistique.
Le deuxième chapitre traite du contrôle de la production des flux des
marchandises dans l’espace camerounais. Ici M. MEFIRO Oumarou met au
centre de l’analyse la logistique qui prend une dimension stratégique en tant que
vecteur d’une nouvelle culture d’entreprise. L’objectif recherché est de
sensibiliser les professionnels, en leur expliquant qu’il faut éviter d’avoir une
vision fractionnée des activités, et qu’il faut plutôt mettre en œuvre une
coordination optimale des fonctions d’approvisionnement , de gestion de
production, de transport et de stockage-entreposage.
Plus spécifiquement, l’auteur veut promouvoir un comportement logistique
auprès des moyens chargeurs camerounais, c’est-à-dire ceux qui ne font pas
partie des groupes multinationaux et qui veulent développer en toute
indépendance une stratégie de distribution de leurs produits ; et attirer
l’attention des autorités camerounaises sur les difficultés d’ordre technique et
réglementaire auxquelles font face les professionnels, afin de les amener à
adopter une réglementation idoine.
Pour ce faire, l’auteur a mené une enquête qui lui a permis, d’une part, de
montrer l’intérêt que les entreprises ont à accorder une attention particulière à la
circulation des marchandises et d’autre part, de dégager les faiblesses actuelles
du système qui concernent tant l’approche comptable des éléments formant la
chaîne logistique que le fonctionnement du système de transfert des
marchandises (stockage et transport).
Le but recherché étant de parvenir à une organisation logistique performante
au Cameroun.
Le chapitre troisième fait un aperçu général du système de transport.
Dans cet aperçu, l’auteur présente tour à tour les infrastructures de transport,
le sous-système routier, le sous-système portuaire et transports maritimes, les
infrastructures aéroportuaires et les transports aériens.
La deuxième partie est consacrée à l’organisation de la chaîne de transport
international.
Dans le chapitre IV, l’auteur traite de l’organisation des transports. Ici, M.
MEFIRO Oumarou montre non seulement que les transports jouent dans
l’entreprise un rôle de plus en plus important, avec l’accroissement des
échanges internationaux, à la faveur de la mondialisation ; mais aussi que la part
des frais de transport dans le prix de revient des marchandises a tendance à
augmenter en dépit de la décroissance des coûts de production.
Dans le chapitre V qui traite de l’acte de transport, M. MEFIRO Oumarou
présente successivement les notions de demande de transport, d’offre de
transport et de chaîne de transport. Il montre en particulier l’importance d’une
chaîne de transport lorsqu’on a affaire à un transport multimodal avec le souci
d’offrir un service de qualité au moindre coût à une marchandise, qui doit
emprunter plusieurs modes de transport (mer-rail-route).
Le VIe et dernier chapitre est consacré à la maîtrise des procédures de vente
à l’international.
6
Pour M. MEFIRO Oumarou, l’optimisation d’une chaîne de transport
international passe par la maîtrise des procédures de vente à l’international.
Dans ce chapitre, l’auteur passe en revue les techniques de vente à
l’international jusqu’aux opérations et procédures d’assurance et de paiement.
Au total, M. MEFIRO Oumarou livre au public un ouvrage fort utile non
seulement à ceux qui s’intéressent à l’économie des transports mais aussi à tous
les professionnels des transports (transporteurs, armateurs, consignataires,
agents maritimes, aconiers, assureurs…).
Professeur TOUNA MAMA
Agrégé des Facultés des Sciences Economiques et de Gestion
Membre de l’Académie des Sciences Du Cameroun.
7
INTRODUCTION
Dans les théories du développement1, prévaut très souvent une approche
globale, macro ou générale des problèmes des pays du Tiers-monde, ce qui n’en
facilite guère une bonne compréhension. C’est qu’il vaut mieux insister sur une
approche micro ou spécifique, laquelle conduit à analyser l’économie de ces
pays, branche par branche, secteur par secteur. Ainsi, est-il possible d’en
espérer une connaissance plus approfondie susceptible de renforcer, à bon
escient, toutes les recherches qui sont menées pour trouver enfin des réponses
objectives à tous les problèmes que pose le sous-développement (économique).
Dans la présente étude, il est plutôt question de ne s’en tenir qu’aux
problèmes des transports dans les Pays en développement (PED).
A l’analyse, la plupart des travaux qui y sont consacrés se limitent en général
à une plaidoirie du manque de moyens matériels. Mais, on insiste très rarement
sur les problèmes qui découlent de l’absence d’une gestion optimale des acquis.
Il y a lieu de rappeler qu’il ne s’agit pas ici de faire l’apologie des théories
de développement dans les PED, mais d’axer la réflexion sur l’impact d’un
système de gestion du transfert spatial des flux de marchandises dans lesdits
pays.
Il est à noter que sans une réelle organisation des transports, il est assez
difficile pour un pays en développement de mener à bien son programme
économique dans la mesure où c’est la flexibilité des échanges entre les régions
qui justifie la bonne gestion d’une économie.
L’acquisition excessive de matériels de transport ne constitue pas
nécessairement une des clefs du développement. Bien au contraire, elle peut
plutôt être un facteur d’endettement extérieur (des pays en développement).
Par ailleurs, il faut se poser la question de savoir si les Africains sont
capables de développer leurs économies, c’est-à-dire s’ils sont en mesure de
procurer à leur population le maximum de bien-être possible par la génération
périodique d’un surplus plus ou moins important.
Le problème ainsi posé, il est alors possible d’identifier les causes des échecs
des politiques (quelles qu’elles soient) menées dans les PED et de formuler des
critères indispensables pour qu’un Etat africain puisse être considéré comme
capable d’œuvrer dans le sens du développement économique et social.
1
BADIE (B), Le développement politique, Paris, Economica, 1980 et WARRINER (D), Land
reform in theory and Practice, Oxford University Press, London, 1963.
A la lumière des nombreuses analyses des économistes sur le développement
en Afrique, force est de constater que ceux-ci font beaucoup plus allusion au
problème de la pauvreté relative du continent, s’empressant d’expliquer que
cette situation est due, soit à un manque de capitaux, soit à l’exploitation de
l’Afrique par des pays développés.
Il faut retenir que pour l’ensemble des théories de développement, la
politique économique est traitée comme une donnée endogène des modèles,
bien que les différentes écoles aient reconnu son importance.
Pour se réduire à l’essentiel, il faut distinguer deux grandes écoles qui se
sont intéressées de très près aux problèmes de développement2.
La première que l’on peut qualifier d’orthodoxe se rattache à l’économie
néoclassique traditionnelle tandis que la seconde émane du courant radical
« marxisant ».
I- Les orthodoxes libéraux et l’école de l’économie du développement
Pour les théoriciens de cette école, le sous-développement de l’Afrique est
dû, soit à un manque de capitaux, soit à la faible efficacité que peut avoir le
capital dans ces pays. Le sous-développement ne peut alors qu’être transitoire à
condition qu’on injecte suffisamment de capitaux dans l’économie, étant donné
que les caractéristiques de celle-ci sont le retard accumulé dans le processus
d’industrialisation et une « grande pauvreté ».
Cette école est régie par deux courants de pensée : le courant néo-classique
représenté par RANIS et FEI, A.W.LEWIS, ROSTOW et KUZNETS ; et le
courant dit des « économistes du développement » où l’on retrouve les auteurs
tels que ROSENTEIN, RODAN, HIRSHMAN3, NURSKE, CHENERY.
A- Le courant néoclassique
On peut considérer comme endogène le problème de développement alors
qu’il est aussi exogène. En fait, il reste par excellence une variable
prépondérante dans la compréhension de l’économie des pays africains.
Pour les orthodoxes, le sous-développement est un retard de développement,
donc un phénomène passager susceptible de se résoudre naturellement avec
l’industrialisation. Cette démarche conduit ses auteurs à diviser l’économie en
secteur moderne et en secteur traditionnel.
2 JACQUEMONT, et RAFFINOT Accumulation et développement : dix études sur les économies
du Tiers-monde, Paris, éd. L’Harmattan, Collection Bibliothèque du développement, 1985.
3
HIRSHMAN (A), “The strategy of economy Development”, New Haven Yale University Press,
1958.
10
Pour eux, il est normal que dans les premières phases du développement,
n’importe quel gouvernement rencontre des difficultés de gestion économique.
Cette période difficile peut être suivie d’une période stable conformément aux
thèses de KUZNETS sur la croissance économique et l’évolution des
inégalités ; on a également une troisième phase où l’état peut être capable de
mener une politique harmonieuse de développement.
Ces explications sont certes valables mais pas très convaincantes. Sinon,
pourquoi les échecs des politiques économiques n’entraînent-ils des
conséquences dramatiques que dans les économies sous-développées ? Pourquoi
les politiques économiques appliquées dans les pays africains ont-elles
généralement échoué au point de rendre la situation des économies africaines
désespérée ?
A la réflexion, il ne saurait en être autrement dans la mesure où les théories
de la science économique intègrent assez difficilement les contraintes socioéconomiques des pays africains. La difficulté à laquelle se heurtent beaucoup de
pays en développement vient de ce que, loin d’envisager la diversification des
activités économiques comme moyen d’acquérir le soutien de leur peuple, les
élites considèrent que c’est une perte de pouvoir, un éclatement et un
affaiblissement du régime politique. Ce qu’il faut bien saisir, c’est la manière
dont cette mesure peut à la fois stimuler l’initiative locale et renforcer le
gouvernement central.
Il faut également signaler que les lacunes méthodiques dues aux difficultés
de maîtrise des facteurs économiques spécifiques aux PED (cultures de rente,
cultures de subsistance, faible valeur ajoutée de produits d’exportation…),
compromettent parfois la clarté et l’objectivité des théories de développement.
B- Le courant des économistes du développement
Les économistes du développement, en revanche, remettent en cause
l’approche néoclassique à laquelle ils reprochent d’être trop enfermée dans une
orthodoxie néoclassique.
Pour les promoteurs de l’économie de développement, qui importe aux
dirigeants des pays en développement en général, c’est d’abord de trouver des
capitaux en quantité suffisante pour atteindre un taux d’investissement global
susceptible de générer une croissance optimale.
On peut dans ce cas adopter les modèles de croissance H-D-H-S4 et le
problème consistera à trouver une dose optimale de capital nécessaire qu’il
4
Harrod- Domar- Hichs –Samuelson : leur modèle de croissance représente un ensemble de leurs
contributions. On retrouve une analyse et une représentation de ces thèses chez Bulner-Thomas,
Input-output analysis in developing countries, John Wilay, New York, 1982.
11
faudrait injecter dans l’économie sous-développée étant donné un taux de
croissance recherché et une efficacité marginale de capital donnée.
Mais il faut avouer que ces modèles ne peuvent pas être efficients dans une
économie extravertie où l’on parle – très peu de la spécialisation de l’ensemble
des branches de l’économie.
Une synthèse de ces deux courants est réalisée par Arthur LEWIS qui
semble conseiller aux dirigeants un renforcement de la planification du
développement.
Et, de fait, on trouve des pays qui adoptent une programmation complète et
totale (indicative et non autoritaire) des possibilités d’investissement à partir de
la balance commerciale et de l’épargne.
Cependant, l’Etat ici est considéré comme exogène. L’organisation politique
du pays est prise comme une donnée dont on n’a pas la certitude qu’elle mettra
tout en œuvre pour réussir l’ouvrage du développement économique5. Dès lors,
tout échec ne sera attribué qu’au manque de volonté politique dans le pays
concerné. Si la politique conseillée échoue parfois, c’est parce que le
Gouvernement ne peut pas toujours bien suivre les recommandations qui lui
sont faites par les économistes du développement.
Néanmoins, tout le problème n’est-il pas de savoir ce qu’est cette volonté
politique qui manque depuis toujours aux élites africaines ?
L’Etat africain qui aura reçu les conseils et les capitaux nécessaires aurait-il
pu faire autrement que de mal gérer les acquis ?
Pourquoi n’y a-t-il que les pays en développement et surtout des pays
africains à ressentir fortement ce manque de gestion des acquis ?
Ces questions ont amené les auteurs radicaux « marxisants » à analyser
autrement la notion de développement.
II- L’école radicale
Pour cette école, le problème du développement des pays africains ne peut se
résoudre uniquement à partir des sciences économiques. Pour que l’analyse soit
efficiente, il faut qu’elle se fasse comme si le développement était un tout que la
dialectique permettrait d’appréhender. Les pays africains souffrent surtout d’une
seule chose, leur exploitation par les puissances occidentales ; hypothèse qui
semble donner raison à KMAR Ayari lorsqu’il affirme que « Les riches créent
la crise et les pauvres payent les factures »6, dans la mesure où les pays du
LEWIS (W.A), op.cit.
6
Voir journal Annonces n°458 du vendredi 27 décembre 1985 sur « Le Dialogue Nord-Sud »,
p.11.
12
Tiers-monde apparaîtraient comme des victimes résignées de la crise
économique.
La source de cette exploitation se trouve fortement ancrée dans la division
internationale du travail qui semble avoir offert une spécialisation aux pays
africains et qui les condamne à être sous-développés (une activité économique
essentiellement tournée vers l’extérieur). Ces pays ont de très mauvaises
structures fondamentales qui les enferment dans un cercle vicieux.
La classe dirigeante des pays africains n’est que « la symétrique de la
bourgeoisie européenne »7. Son objectif principal est la création dans les
économies locales des meilleures conditions pouvant permettre l’exploitation
des paysans et des ouvriers par la bourgeoisie internationale. Les structures de
pouvoir entre « centre » et « périphérie », entre bourgeoisie locale et population
locale, maintiennent les pays africains dans leur état de sous-développement.
En gros, il se dégage surtout des analyses de l’école radicale que tout pays en
développement doit jouir d’une indépendance économique8, celle-ci n’étant que
impulsée par les pays développés. Aussi faudrait-il abolir les mécanismes de
domination et conduire les économies vers un développement autocentré (S.
AMIN).
Le problème trouve donc sa solution dans les mécanismes politiques
d’abord, plus que dans les mécanismes économiques stricto sensu.
L’instabilité inhérente au raisonnement dialectique suscite des interrogations
quant à savoir quel PED est capable de prendre les décisions politiques
importantes qui s’imposent et de combien de temps disposera-t-il pour atteindre
son objectif.
Pour R. PREBISH, ce qui importe, ce n’est pas la nature du gouvernement
qui prend les décisions, mais les décisions elles- mêmes. Les élites des pays en
développement doivent remettre en cause aussi rapidement que possible la
spécialisation internationale qui n’est qu’un mécanisme d’exploitation de la
périphérie par le centre. En cela, celles-ci doivent développer des industries de
substitution aux importations.
Seules ont changé les formes de la dépendance et de la domination, c’est
peut-être pourquoi DOS SANTOS9 soutient que cette dépendance ne se
maintient que grâce à la classe politique locale (la pseudo bourgeoisie
7
KOULIBALY (M), « Quelles institutions politiques pour le développement de l’Afrique ? »
Centre d’analyse Economique université d’Aix-Marseille I ,1986.
8
BARAN, FURTADO, LIPIETZ, op. cit.
9
DOS SANTOS, Theotino, « The structure of dependance », American economic Review n° mai
1982.
13
dirigeante) qui entretient au profit de l’extérieur « le développement du sousdéveloppement »10.
L’Etat, une fois de plus, est culpabilisé. Toutefois, comme il est instable,
l’échec est susceptible d’être justifié par le pillage organisé (P.JALEE), le
rapatriement des superprofits et l’échange inégal (S. AMIN et E. ARGHIRI)11.
Mais cette approche marxisante non plus, n’échappe pas à la critique. Car,
elle n’a pas cherché à définir l’organisation politico-économique. Plutôt, elle a
recherché les politiques économiques peu efficientes afin de stimuler les
collectivités à œuvrer pour leur développement.
Au-delà de ces courants de pensée sur l’enjeu de la science économique dans
l’analyse de la notion de développement, bien des analyses sont amorcées sur la
nouvelle technologie dans les PED et les transferts de technologies, ceux-ci
tenant une large place dans la notion de développement depuis la fin du siècle
dernier12.
III- La nouvelle approche
L’analyse de l’évolution des technologies nouvelles dans les PED d’Afrique
et au Cameroun en particulier, que nous entreprenons ici, constitue le noyau dur
de la définition du processus de développement dans les économies retardées.
En effet, la fin du 20e siècle est marquée par les enjeux du transfert des
technologies, qui ont fortement influencé l’activité économique des pays
africains.
L’ensemble des idées tourne autour de plusieurs thèmes dont le point de
convergence demeure le procès de la nouvelle technologie dans le processus de
développement de ces pays.
En ce qui concerne les pays africains, on peut retenir deux thèmes qui ont
sensiblement alimenté les courants de pensée sur l’impact de la technologie
nouvelle dans le développement13.
Tout d’abord, le premier thème considère la technologie nouvelle comme
l’une des causes majeures de la situation des pays africains : l’installation des
techniques nouvelles ne s’intègre que très partiellement au reste de l’économie,
l’équipement en place ne répond pas toujours à l’usage qui lui est demandé.
10
FRANK (A.G.), « The development of underdevelopment », Monthy Review Vol.18, n°4, 1970.
AMIN (S.), La déconnexion : pour sortir du système mondial, Paris, éd. La Découverte, 1986.
12
On peut se référer à l’ouvrage de Gérard CHALIAND intitulé « Les faubourg de l’histoire.
Tiers-mondisme et Tiers-mondes », Paris, Calmann-Lévy, 1984.
13
GORAN, (H), No shortcuts to progress, African development management in perspective,
Heimann, London, 1983 et GENDARME, La pauvreté des nations, Paris, CUJAS, 1963.
11
14
Toujours dans la même hypothèse, d’aucuns affirment que les technologies
nouvelles mettent en présence des partenaires inégaux. Aussi semble-t-il que
dans les pays en développement, l’inégalité du niveau technologique parvient à
supprimer à brève échéance les besoins les plus importants pour la survie des
peuples.
Les réactions spontanées et inopérantes face à la technologie nouvelle
justifient en fait l’inégalité générée par l’ensemble des conditions économiques
et sociales qui opposent les économies dominantes aux économies dominées.
Dans ce cas, on peut se heurter à une large sous-estimation des possibilités de
réorganisation des activités économiques. Cela tiendrait d’abord aux
incertitudes propres à l’évolution de l’environnement économique (économie
extravertie)14 qui est de toutes les époques, mais incontestablement plus fortes
en temps de crise. Ensuite, cette sous-estimation peut être due à un
« comportement routinier » entre les anciens et les jeunes administrateurs15.
Ensuite, le second thème quant à lui affirme que les causes du sousdéveloppement se limitent aux difficultés d’acquisition des techniques
nouvelles susceptibles de permettre à ces pays de lutter contre ce fléau16. Dans
ce cas, l’innovation technologique ne saurait être une cause du sousdéveloppement mais un instrument indispensable pour le développement
économique et social de ces pays.
Il faut bien voir qu’il y a longtemps que ces courants d’idées s’actualisent, se
réduisant parfois à des analyses simplistes, et inefficientes de la notion de sousdéveloppement. Si l’on se limite au seul cas de l’Afrique, on peut constater que
depuis 1960, période à laquelle plusieurs pays africains accèdent à
l’indépendance ; un effort de développement a eu lieu.
Certains ont pu transcender les difficultés (manque de moyens nécessaires
pour leur développement, instabilité politique..) et utilisent aujourd’hui des
techniques de pointe dans leur processus de développement (notamment dans le
secteur des transports qui généralement nécessite des investissements lourds).
Avant les indépendances, le secteur des transports en Afrique s’était heurté à
des goulots d’étranglement parfois insurmontables. Mais, de nos jours, certains
ont pu être maîtrisés grâce aux techniques nouvelles. Le terme sousdéveloppement n’est plus applicable à tous les pays, car certains ont pu
14
ATANGANA (N), Problématique du développement en Afrique Tropicale, Yaoundé, éd. CLE,
1978 et DUMONT (R), L’Afrique noire est mal partie, Paris, Seuil, 1962.
15
SCHUMPETER, (J.), « Histoire de l’analyse économique », Paris, éd. Gallimard, 1983.
16
OWENS, « Le concept de développement », Tendances Actuelles, S.L0, 1982.
15
transcender et sont désormais considérés comme des pays en développement
(Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo, Gabon…)17.
Il semble désormais erroné de vouloir généraliser les difficultés des pays
africains comme dirait Gérard CONAC : « Les réquisitoires ne peuvent tenir
lieu de jugement, ni les idées reçues se substituer aux analyses. Un bilan ne peut
pas que comporter les éléments négatifs. Il ne suffit pas de faire un constat des
déficiences. Encore faut-il rechercher les causes profondes. On remarquera
d’abord que les situations sont loin d’être identiques (…). S’il y a de
nombreuses similitudes entre pays d’Afrique, il y a également des spécificités.
Les facteurs historiques, les options idéologiques, les choix de politiques
étrangères donnent à chaque administration ses caractéristiques et ses
orientations »18.
Dans le domaine du transport qui jadis fut pour une Afrique développée et
économiquement équilibrée, on constate de profondes mutations dues à la
réalisation de grands ouvrages, à la mise en place d’infrastructures hautement
capitalistiques et à la création d’une capacité de transport importante.
Ces obstacles longtemps évoqués auront donné à l’Afrique l’envie de trouver
des remèdes à ses difficultés. Et aujourd’hui, cet effort a donné aux « pays
pauvres » une des clefs de leur développement, ceci grâce à la couverture
permanente des besoins en techniques nouvelles.
Mais, concentrer toute une analyse sur les problèmes de moyens, ou encore
soutenir la thèse selon laquelle la technologie nouvelle est un facteur de sousdéveloppement, serait une manière de briser injustement le rythme d’évolution
de l’histoire dans la mesure où le problème du développement dans ces pays
semble avoir changé de cap.
En effet, la difficulté qui prévaut actuellement dans certains pays en
développement d’Afrique n’est plus tellement le besoin des techniques
performantes, elle est surtout due à l’absence d’un système de gestion optimale
des potentialités existantes.
L’inquiétude qui prévaut c’est de trouver ces pays au point de départ avec à
leur disposition des moyens matériels chèrement acquis. En dehors de quelques
tentatives d’amélioration de la structure de gestion des flux financiers (parfois
17
Voir classification de la Banque mondiale ; c’est surtout en fonction du nombre de calories
consommées par individu des PED que cette institution est parvenue à cette classification. Les
pays dans lesquels l’individu consomme en moyenne 600 à 700 calories par jour sont dits pays en
développement, ceux où l’individu consomme moins de 300 calories par jour sont des pays sousdéveloppés.
18
CONAC (G.), « Les institutions administratives des Etats Francophones de l’Afrique noire »,
Paris, Economica, 1979.
16
inefficiente) des entreprises africaines, il n’existe pas de véritable politique de
gestion du capital fixe productif19. La détérioration suivie d’une dépréciation
continue des matériels y suscite rarement une prise de conscience de la part des
élites.
On comprend dès lors que les PED d’Afrique s’adaptent d’une manière
passive à l’évolution en cours. Les dommages subits (liés aux effets de capacité)
prennent chaque jour une importance inquiétante au regard des avantages
obtenus. Les coûts de l’inadaptation des technologies nouvelles deviennent de la
sorte de plus en plus élevés, si bien que ce qui constitue les principaux facteurs
de développement à savoir la compétence, l’aptitude à l’innovation, le potentiel
de créativité, tient peu de place.
Si l’on s’en tient spécifiquement fixe au cas qui nous intéresse, c’est-à-dire
aux difficultés de gestion du capital productif des transports et la maîtrise de la
circulation spatiale des flux physiques au Cameroun, on peut affirmer que le
pays a amorcé la phase de décollage20 (création de près de 60 000 km de routes
dont plus de 3 000 km bitumées, 1 500 km de chemins de fer, d’importants
organismes de transports (tels CAMRAIL, SOCATUR, le BUS, etc.).
Mais, dans les pays, la capacité en transport est de loin supérieure à la
demande potentielle, les investissements importants engagés dans le secteur des
transports ne sont que très peu liés au besoin réel.
En l’état actuel des choses, il est difficile d’entreprendre une véritable
organisation des transports au Cameroun ; les causes en sont multiples, mais les
plus importantes peuvent se regrouper en trois points :
1- La non définition d’un cadre institutionnel efficace pour le fonctionnement
du système des transports : l’extension des activités des transports (acquisition
de nouveaux matériels) devrait tenir compte des besoins de réaménagement des
structures, afin de pallier les insuffisances de l’organisation des opérations et
des procédures21.
2- La non hiérarchisation spatiale des activités économiques pour une
localisation optimale des unités productives, l’organisation des mouvements
migratoires de la population et la concrétisation des enjeux économiques à partir
d’une vulgarisation des activités industrielles (agro-industries, industries
manufacturières…), influencent rarement le processus de structuration de
19
En 1986–1987, près de 9% des importations étaient constituées de matériels de transport au
Cameroun. Voir les comptes de la nation, INS, ministère de l’Economie.
20
ROSTOW (W.A.), Les étapes de la croissance économique, éd. Du seuil col. Points.
21
Lorsqu’il y a lieu de réorganiser un réseau des transports national ou régional, il faut remodeler
entièrement ou partiellement le cadre réglementaire, législatif et juridique en fonction de leurs
nouvelles perspectives et de leurs nouveaux objectifs.
17
l’espace au Cameroun. On a tendance à croire que c’est l’inverse qui se produit
généralement, et les conséquences sont parfois lourdes (destruction des habitats,
problème de recasement de la population, fermeture des unités de production
pour des raisons d’ajustement des projets de planification urbaine mal initiés au
départ) ;
3- L’inexistence d’un cadre théorique pour l’organisation de l’espace
spécifique des pays en développement : la transposition d’une théorie spatiale
des pays économiquement avancés ne permet pas toujours de prendre en compte
l’ensemble des contraintes des pays en développement (contraintes d’ordre
social, économique, physique…).
Aujourd’hui, le Cameroun dispose d’un important stock de matériels de
transport, bien que les opérations de capacité semblent encore privilégiées par
rapport au besoin pressant d’un système de gestion des potentialités existantes.
L’objectif d’un système logistique est d’assurer la coordination de toutes les
activités de transport des flux de marchandises d’un endroit précis à un autre et
dans une période donnée.
L’efficience de la logistique en tant que système au Cameroun est
susceptible de passer par une complémentarité entre une analyse profonde de
l’espace camerounais, et la recherche de la productivité du capital fixe productif
de transport22.
Les pays en développement d’Afrique tardent à comprendre que la course
effrénée vers des technologies nouvelles est source de leur endettement massif.
Aussi, le présent sujet revêt-il un triple intérêt :
1- Il vise à montrer que la lutte contre le sous-développement passe, d’abord
par la mise en place de structures adaptées qui prennent en compte l’ensemble
des contraintes du milieu, ensuite par une gestion optimale des potentialités
existantes.
L’heure n’est plus aux investissements instinctifs pour l’acquisition de
technologies nouvelles, le mimétisme gratuit qui de tout temps envenime les
oppositions pays riches - pays pauvres (amenant les uns et les autres à des
positions divergentes) est révolu. Une organisation rationnelle des activités
économiques, une utilisation optimale des acquis, sont les seules voies de salut
des pays sous-développés et leur développement en dépend ;
2- Ce sujet s’adresse également aux puissances industrielles afin qu’elles
sachent que l’accord de financement des projets prestigieux, gigantesques et
22
Ensemble de matériels circulants de transport (camions, remorques, semi-remorques,
locomotives, tracteurs …).
18
non économiques dans les PED23 d’Afrique (parfois sans rapport avec les
besoins réels du milieu), annule de facto l’objectif « humanitaire » qu’elles
aspirent à atteindre ;
3- Il interpelle également les chercheurs et experts régulièrement appelés à
réfléchir aux problèmes de développement en Afrique, afin qu’ils sachent que
leur hypothèse de travail doit d’emblée être bâtie sur les bases socioculturelles
des pays en développement, s’ils tiennent vraiment à ce que les résultats de
leurs travaux servent à l’épanouissement réel de ces pays. Les PED d’Afrique
ont besoin plutôt des structures faciles à gérer et dont la maintenance ne génère
pas à brève échéance deux ou trois fois le montant de la facture de
l’investissement en lui-même24.
Le secteur des transports est un champ exemplaire d’investissements
massifs. Le Cameroun est l’un des pays en développement d’Afrique qui
dispose d’un important stock de matériels roulants, mais l’absence d’un système
de gestion efficace entraîne une sous-utilisation des moyens disponibles dont la
conséquence immédiate est le renouvellement prématuré de moyens hautement
capitalistiques.
Le problème fondamental qui se dégage dans cet ouvrage est de savoir si à
partir d’une organisation de la logistique (système de gestion de flux de
marchandises) au Cameroun, on parviendrait à amorcer un processus de
valorisation du capital fixe productif des transports indispensable au
développement à partir de la maîtrise de la circulation spatiale des flux
physiques.
En d’autres termes, la logistique qui se définit comme un « effort de
constitution des flux régulé d’aval en amont par un système d’information »
peut-elle contribuer à une parfaite intégration spatio-économique de la
circulation des flux de marchandises au Cameroun ?
C’est autour de ces interrogations que sera axée notre analyse qui n’est pas
restée indifférente aux questions méthodiques actuelles. L’absence d’une
véritable structure organisée d’information et la méfiance trop poussée des
auteurs dans les PVD font de la recherche appliquée une entreprise complexe au
point de vue épistémologique. A cet effet, l’usage des informations chiffrées ou
23
EMMANUEL (A.), « Gaspillage Technologique », Revue de Politique Africaine n°18, Paris,
éd. Karthala, 1985.
24
Les véhicules gros porteurs RVI, avec des moteurs à systèmes électroniques sont en train
d’essuyer un échec dans certains pays africains, contrairement aux véhicules Mercedes adaptés,
conçus avec moins d’innovation et faciles à entretenir qui sont à ce jour les plus performants sur
les pistes africaines. Au Cameroun, on peut estimer que 85% du parc des camions gros porteurs
est constitué de véhicules Mercedes. Ministère des Transports, Etude fondamentale sur le
transport routier des marchandises en cours, 1994.
19
la source bibliographique conduirait à omettre les mutations profondes qui se
font régulièrement dans l’espace et dans le temps. Les sources d’information
d’ordre historique, statistique, bibliographique et empirique serviront de toile de
fond dans notre analyse.
Afin de respecter la rigueur scientifique, nous avons restreint le champ
d’analyse sur le Cameroun où se posent le problème de transport d’ordre
national et les difficultés de maîtrise du transport à destination des autres pays.
C’est en cela que l’organisation des transports au Cameroun devient un
problème très complexe. Certes, il n’est pas facile de concevoir un système de
gestion qui s’adapte efficacement dans les PVD d’Afrique. Toutefois, la
définition d’une approche plus réaliste et susceptible de se concrétiser à moyen
terme passe par une méthode analytique systémique. Cette méthode à travers
laquelle nous focalisons notre démarche permet de prendre en compte
l’environnement socio-économique et géonomique dans l’analyse de la
circulation des flux physiques.
En revanche, des notions utilisées souvent sans rigueur et dont on abuse dans
l’analyse systémique telles que : organisation, structure, système et stratégie,
contribuent à la compréhension des faits et à l’élaboration des scénarii
susceptibles de générer des éventuelles solutions.
Bien que ne facilitant pas souvent la compréhension de la réalité, l’analyse
systémique incite à une rigueur qui n’est pas celle de la précision quantitative
des recherches mais une rigueur conceptuelle et logique. On peut espérer qu’elle
contribue au progrès des sciences économiques et sociales. Dans notre contexte,
elle constitue la toile de fond de l’analyse des difficultés de la circulation
flexible des flux de marchandises et de gestion du capital fixe productif au
Cameroun.
Organisation de l’ouvrage : après une première partie consacrée au
transport et développement, la deuxième partie analyse l’organisation de la
chaîne de transport international.
Le travail est présenté de la manière suivante :
- le chapitre premier qui n’est pas principalement une analyse critique de la
théorie économique néoclassique, fait l’objet d’une interrogation sur la
cohérence de la théorie spatiale classique ;
- le chapitre deuxième quant à lui procède à un diagnostic du secteur des
transports au Cameroun avant d’aborder la définition d’un système logistique
permettant la maîtrise de la circulation des flux physiques, on s’attarde un
moment sur l’analyse des obstacles éventuels aux pilotages flexibles de la
chaîne de transport au Cameroun ;
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