L`éthique dans les affaires

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Supplément
du Journal du Jura no 120
Jeudi 27 mai 2010
L’éthique dans les affaires
Opportunité ou réel engagement?
Perspectives
économiques
Amélioration
de la situation
ORGANISATEUR
Ecologie
is business
Un nouvel enjeu pour
l’économie?
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3
Economie&société
Supplément du Journal du Jura
Jeudi 27 mai 2010
■ PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES
Comme un petit air de reprise
■ L’ÉTHIQUE DANS LES AFFAIRES
Opportunité ou réel engagement?
■ L’ÉCOLOGIE
Nouveau credo de l’économie
■ INTERVIEW
Regard éthique sur la crise financière
5
6
7
9 à 11
PERSPECTIVES Après une année
2009 difficile, les entreprises voient
de nouveau du bleu à l’horizon.
NICOLE HAGER
[email protected]
Edito
(LDD)
Croissance en toute bonne conscience
Pour gagner de l’argent, ne faut-il pas laisser au vestiaire toute considération morale?
En cette période de transition, entre crise et
reprise annoncée, on constate un retour en
force des préoccupations et des exigences
éthiques. En témoigne, le thème principal de
ce supplément «Economie et éthique: quelles
valeurs faut-il faire valoir?», complété d’un
débat qui réunira une belle brochette d’intervenants devant un parterre composé de dirigeants de l’économie régionale. Cette saine
réaction se cantonne pour l’heure à l’économie dite réelle, bien éloignée de celle de la
démesure.
Dans les milieux de la finance, après le
sauvetage des banques par les Etats et la vague formulation de deux ou trois balbutiements d’excuse, les bonus indécents n’ont
cessé que le temps d’un battement de cils. Si
rien ne change à ce niveau-là, la récidive est
programmée. Le scénario est connu: la machine économique va s’emballer, les moutons noirs profiter d’un libéralisme échevelé,
de la fragilité d’un système et d’artifices
comptables pour faire n’importe quoi
pourvu que cela rapporte gros et si possible
tout de suite. Et tant pis pour l’éthique et
tant pis pour tous ces pays follement endettés. Faut-il pour autant se résigner et s’attendre au pire? Une certaine inclination de la
pratique économique à l’égoïsme et au mépris peut nous le faire craindre. Mais ne gé-
néralisons pas. Une aspiration au bien, une
attention particulière portée aux conditions
de travail et à la protection de l’environnement pointe dans un domaine où cela ne va
pas forcément de soi. Sur le terrain, de plus
en plus d’entreprises entendent concilier rentabilité et durabilité, autrement dit des intérêts sociaux, économiques et environnementaux. Si la crise actuelle en déclin ne va visiblement pas inciter les requins de la finance
à se remettre profondément en cause, audelà de la folie spéculative des banques et de
la fuite en avant, elle débouche sur une
réelle prise de conscience de certains patrons. Ils sont de plus en plus nombreux à
viser de nouveaux modèles économiques,
plus au service de l’être humain et de son
évolution durable sur la planète. Pour produire autant, mais avec d’autres instruments.
Car si le développement durable est une impérieuse nécessité pour notre planète, c’est
aussi une occasion de trouver des sources de
compétitivité pour les entreprises et des opportunités de création d’emplois. Un argument convaincant pour une mobilisation
plus importante encore de l’économie dans
un pays où, faute de richesse en matières
premières, les entreprises ne peuvent se profiler qu’en matière d’innovation pour gagner
du terrain. Et résister à la crise, ainsi qu’au
cynisme d’une certaine économie. En toute
conscience.
Impressum
■ Rédaction
Marcel Gasser
Tobias Graden
Nicole Hager
Lotti Teuscher
■ Photos
René Villars
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Valérie Perrenoud
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5
Economie&société
Supplément du Journal du Jura
Jeudi 27 mai 2010
SITUATION ÉCONOMIQUE
Des signes
encourageants
Encore prématuré d’affirmer
que l’industrie redémarre. La
sinistrose s’estompe, certes,
mais sur les marchés, la
perception de l’avenir reste
encore trouble.
NICOLE HAGER
O
n retient son souffle. Des
rentrées de commandes
bien timides laissent augurer des jours meilleurs.
Revers de la médaille: la faiblesse
de l’euro face au franc suisse inquiète. La crise mettra encore du
temps avant de disparaître des
comptabilités des secteurs orientés vers l’exportation. Si certaines
branches redémarrent bien,
comme la technique médicale, ce
n’est pas encore le cas pour l’industrie des machines, qui se veut
tout de même optimiste. Ainsi, le
fabricant prévôtois de machinesoutils Tornos a-t-il enregistré pendant les trois premiers mois de
l’année une hausse des entrées de
“
Sophie Ménard,
secrétaire générale de la
Chambre économique
Bienne-Seeland
Mondialement, la
conjoncture repart. Le
chômage partiel a permis
de sauver des emplois et des entreprises.
C’était essentiel, mais on a sous-estimé les
conséquences psychologiques de la RHT
sur les employés. Des entreprises se sont
retrouvées avec des salariés démotivés,
plus vraiment disponibles. Certaines, quitte
à y perdre un peu, ont préféré réinstaurer
un horaire normal afin de pouvoir
bénéficier d’une bonne réactivité de leurs
équipes dans l’optique d’une reprise.
”
commandes de 87,5% par rapport
au premier trimestre de 2009.
C’est de bon augure, même si la
firme bernoise estime que son niveau absolu reste bas et ne permet
pas d’opérer sans perte en ce début d’année. Un retournement de
la situation est toutefois attendu
pour 2011.
Secteur secondaire en attente
Si le dernier SIAMS, salon prévôtois des microtechniques, s’est
véritablement inscrit dans une
dynamique de reprise avec un
nombre d’exposants et de visiteurs record, reste désormais à savoir si l’engouement affiché
n’était que de façade ou réel et si
les commandes se confirmeront.
Aux divers stands, on a constaté
un intérêt marqué des visiteurs.
«Cela a bien bougé, mais peu de
contrats ont été signés», relèvent
plusieurs participants. Pour parler d’embellie manifeste, il faudrait que les carnets de commandes se garnissent davantage encore. Pour composer avec le fort
recul de leurs activités, beaucoup
d’entreprises ont biffé des postes.
Plus encore ont imposé le chômage partiel pour sauver des emplois. Si reprise il y a, elle s’annonce timide et ne permettra en
tout cas pas de créer des postes
dans un proche avenir.
L’horlogerie redémarre
Dans l’horlogerie, après des
sommets de croissance (2006,
2007, 2008), les exportations suisses sont tombées de bien haut en
2009 (-20% en valeur, -17% en
volume). Depuis novembre dernier, on observe cependant un
renversement de tendance. L’espoir est de retour. La reprise est
amorcée, mais varie selon les marchés. Fait annonciateur de jours
meilleurs, les stocks ont fondu
«Nous sommes à mi-chemin entre le
fond du gouffre et le moment où nous
dégagerons des profits.»
Philippe Maquelin, directeur financier de Tornos,
Le JdJ du 12 mai 2010
ESPOIR Dans la plupart des branches économiques du pays, les
voyants sont en train de passer du rouge au vert.
(LDD)
«Personne ne peut dire si nous sortons
vraiment de la crise ou s'il s’agit d’un
simple soubresaut.»
Francis Koller, président du SIAMS, Le JdJ du 4 mai 2010
chez les fournisseurs. Il s’agit
donc de se remettre au boulot
pour assurer les commandes.
Ces frémissements prometteurs
attisent la confiance encore mesurée d’Anton Bolliger. Le chef du
domaine marché de l’emploi auprès de l’Office cantonal de l’économie bernoise n’est pas en mesure de pronostiquer un rebond
de l’économie, la perception de
l’avenir restant encore trouble.
Mais, au regard des demandes de
réduction d’horaire de travail qui
tombent à un rythme moins soutenu sur son bureau (lire ci-contre), il estime «que la situation
n’empire plus». Une constatation
qui incite à l’optimisme, mais pas
encore au lyrisme. /NH
On redoutait pire encore
Le recours au chômage partiel baisse sensiblement, preuve
s’il en est que les nuages de la récession se dissipent. Le chef
du domaine marché du travail auprès de l’Office cantonal de
l’économie bernoise (Beco) constate néanmoins que nombre
d’entreprises qui terminent une période de réduction de
l’horaire de travail (RHT) de 18 mois font une demande de
prolongation à 24 mois. «Les demandes sont plus ou moins
nombreuses selon la branche, et démontrent qu’il y a encore
des entreprises qui ne voient pas le bout du tunnel.» Anton
Bolliger se veut toutefois optimiste, sous réserve du
développement de la crise grecque: «La situation est opaque,
surtout sur le marché de l’exportation. L’horlogerie a bien
récupéré, ce qui ne semble pas le cas de la machine-outils.
Dans ce secteur, on table sur une reprise à la mi-2011.» Les
derniers chiffres du chômage confirment la tendance à
l’optimisme mesuré: de mars à avril 2010, le nombre de sansemploi s’est réduit de 0,1% sur l’ensemble de canton de Berne
et même de 0,3% dans le Jura bernois, alors que le Beco
craignait que cette région ne souffre davantage encore. /nh
6
Economie&société
Supplément du Journal du Jura
Jeudi 27 mai 2010
ECONOMIE ÉTHIQUE
Marier finances et morale
Développement durable et
responsabilité sociale: les
entreprises préoccupées par
ces questions doivent faire face
à deux objectifs pas évidents à
concilier, celui d’augmenter ou
du moins maintenir leurs
ventes, tout en respectant une
certaine éthique.
NICOLE HAGER
«L
es rémunérations
élevées et croissantes de certains dirigeants de multinationales ou les indemnités somptueuses de grands patrons licenciés pour incompétence sont inacceptables.» On imagine facilement ces propos sortis de la bouche d’un syndicaliste ou d’un travailleur au revenu modeste. Ce
sont ceux de Beat Bolzhauser, à la
tête de la fonderie Stadler Stahlguss qui emploie 100 personnes à
Bienne.
On observe aujourd’hui en économie poindre un intérêt manifeste pour l’éthique. C’est une position réelle que prennent certaines entreprises pour qui il n’est
pas seulement question de surfer
sur une tendance ou de jouer avec
les apparences. Leurs préoccupations environnementales et sociales se traduisent par de nombreuses mesures concrètes, comme la
mise en place d’un système de
production plus propre et de directives plus respectueuses du
personnel. «Les entreprises savent
qu’elles ont tout intérêt à donner
d’elles une image la plus saine
possible vis-à-vis de l’extérieur,
mais aussi à l’interne. Si on veut
que les employés jouent le jeu,
qu’ils prennent au sérieux les aspects écologiques d’un processus,
il faut qu’on les prenne au sérieux
eux aussi», observe Marc Münster, membre de la direction de
sanu, le centre biennois de forma-
MOTIVATION L’éthique, une dimension nouvelle du développement de
l’économie, qui prend mieux en compte le facteur humain. (KEYSTONE)
tion pour le développement durable.
Le bon sens entrepreneurial
exige évidemment de penser profit et rendement. Et si certains patrons consentent à faire un effort
en faveur de la nature, c’est parce
qu’ils y trouvent désormais un intérêt sonnant et trébuchant. Il y a
peu de temps encore, les entreprises étaient vite prises en étau entre les réalités économiques et le
vœu d’évolution durable pour
l’avenir. A contrario, aujourd’hui,
elles sont parfois vivement incitées à s’adapter au risque de perdre des marchés. «Les grands
clients, comme Siemens, exigent
de leurs fournisseurs de plus en
plus de certifications en terme de
management environnemental.
C’est une tendance qui se dessine
nettement», constate Nicola Thibaudeau, directrice de MPS SA, à
Bienne.
Par idéalisme ou forcées et contraintes, de plus en plus de firmes
se doivent ainsi de miser sur une
production écologique et plus humaine. La pénurie de compétences qui pesait sur l’industrie avant
la crise actuelle les enjoint en ef-
Construire un avenir durable
Au sanu, on ne chôme pas. Malgré la crise, le centre biennois de
formation en environnement a vu son chiffre d’affaires encore
progresser en 2009 et le nombre de personnes formées augmenter de
près de 30% pour atteindre les 3200 participants. Marc Münster,
membre de la direction: «En période de baisse conjoncturelle, nous
craignions que les gens n’économisent sur la formation. Il n’en a rien
été. Au contraire, beaucoup d’entreprises ont souhaité renforcer leur
stratégie dans le domaine du développement durable. Leur motivation
est donc sérieuse et prouve que le secteur économique est de plus en
plus enclin à s’engager dans une gestion durable des affaires». / nh
fet à être plus à l’écoute de leurs
employés afin de s’assurer leur fidélité. «Notre comportement envers le personnel fait aussi partie
de nos valeurs, relève Nicola Thibaudeau. On ne veut pas lésiner
sur ce point et c’est le message
qu’on fait passer à nos cadres.
Nous favorisons ainsi la formation de nos employés, nous sommes ouverts aux demandes de
changement de poste, nous entendons aussi aider à concilier au
mieux vie familiale et vie professionnelle en proposant des postes
à plus faible pourcentage de travail. Toutes ces mesures sont dénuées d’arrière-pensée. Elles ne
sous-tendent pas forcément à fidéliser nos employés. On ne peut
pas empêcher ceux qui ont envie
de bouger d’aller voir ailleurs.»
Le développement durable, le
management responsable, des paravents honteux pour une économie qui a mauvaise conscience
après des années de libéralisme effréné? Marc Münster y voit plutôt
de véritables solutions pour l’avenir. Economie et éthique ne sont
pas deux termes antagonistes. De
nos jours, ils peuvent et doivent
cohabiter, devenir même complémentaires, voire indissociables.
L’interrogation éthique en économie ne peut ainsi être réduite à un
phénomène de mode. Elle constitue un nouveau terrain de développement de l’économie. «Du
point de vue développement durable et responsabilité sociale, il y
aura toujours des entreprises
exemplaires et celles qui suivent.
Dans les temps à venir, les pionnières bénéficieront d’une plusvalue à ce niveau-là. Le marché
évoluera dans le bon sens, j’en
suis convaincu.» /NH
“
Beat
Bolzhauser, CEO
de la fonderie
Stadler
Stahlguss AG,
Bienne Nous
investissons
dans des modes de production
plus en adéquation avec
l’environnement. Pour l’heure,
nos clients ne sont pas prêts à
payer plus pour des produits à
l’écobilan meilleur, mais c’est
une question de temps. Du point
de vue du personnel, nous
avons de la peine à trouver des
ouvriers qualifiés. Nous nous
appuyons sur les compétences
de nos collaborateurs les plus
expérimentés pour former du
personnel. Précieuse, la maind’œuvre de plus de 50 ans est
souvent considérée comme
chère. Chez nous, elle a une
valeur inestimable. Pour ma
part, j’estime qu’il est pénible de
travailler jusqu’à 65 ans à pleintemps. On propose donc à nos
collaborateurs de réduire leur
temps de travail à 80% vers 60
ans et de cotiser deux ans de
plus pour ne pas enregistrer de
perte sur leur AVS. Pour un
salaire moindre de 20%, le
travail effectif est à peu près le
même, nous bénéficions en plus
d’un transfert de compétences,
et ce rapport entre jeunes et
aînés est porteur d’un réel
dynamisme.
Marc Münster,
membre de la
direction de
sanu, Bienne
Allier écologie et
économie va
aujourd’hui
presque de soi. Les grandes
entreprises, en une des médias,
travaillent très fortement sur
cette stratégie. Cette attention
éthique portée, par exemple, aux
conditions de travail ou à la
nature implique des coûts. Au
premier abord, il y a
antagonisme entre la course au
profit et l’intérêt collectif que
représente l’accroissement du
bien-être social et la protection
de l’environnement. Mais, à
moyen ou long terme, la
stratégie paye et les marchés
vont évoluer. Pour les
entreprises grosses
consommatrices de ressources
ou d’énergie, le bénéfice peut
même parfois être très rapide et
important.
7
Economie&société
Supplément du Journal du Jura
Jeudi 27 mai 2010
ÉCOLOGIE
L’industrie se met au vert
La déferlante écologique n’est
pas forcément une contrainte.
Certaines entreprises en tirent
parti pour en faire un atout face
à la concurrence.
NICOLE HAGER
I
l n’y a pas que les grandes entreprises qui rivalisent de slogans bio et écolo. De plus en
plus de petites sociétés surfent elles aussi sur la vague verte.
Comme si l’engagement durable
était devenu la nouvelle voie à
suivre.
Produits Max Havelar, Naturaplan, MSC, Bio Suisse, etc.. L’alimentation n’est de loin pas le seul
secteur touché par la déferlante
écologique. Le développement durable semble devenu un argument
marketing pour vendre de nouveaux produits verts. Du simple tshirt à l’engrais, du produit de
douche au meuble de jardin. A
l’origine de ce développement, la
sensibilité croissante des consommateurs au contenu écologique et
éthique de ce qu’ils achètent. Une
prise de conscience due, bien sûr, à
la dégradation de l’environnement et à la dénonciation de certains droits humains bafoués. Du
côté des industriels, la volonté de
répondre au mieux aux aspirations de chaque consommateur
joue un rôle non négligeable dans
le développement de nouvelles
stratégies estampillées écolo, tout
comme l’augmentation du prix
des matières premières, de l’énergie, ainsi que des contraintes,
comme la taxe CO2. Chez Manor,
on constate que «certains consommateurs sont d’accord de payer
plus cher des produits plus respectueux de l’environnement. Ces
consommateurs-là sont souvent
plus regardants et ne se laissent
pas berner par le racolage écolo.
Ils veulent aussi de la qualité.»
Face à cette situation, l’économie
s’adapte. Et tente de trouver dans
l’environnement l’occasion d’une
nouvelle croissance.
Réconcilier économie et écologie ne peut se faire à la légère.
«Pour des questions de crédibilité
envers le consommateur, le développement à moindre frais de
stratégies vertes n’est plus possible. On ne peut simplement plus
proposer un produit bon, écologiquement parlant, et laisser à
l’abandon ses responsabilités sociales. On risque l’auto-goal», estime Marc Münster, membre de
la direction de sanu, le centre biennois de formation en environnement. Si l’écologie transforme
certains pans de l’économie, c’est
donc désormais en profondeur.
Question de label ou de certifica-
«La situation actuelle ne peut plus
durer. Quelque chose doit changer.»
PAS SI ANODIN Faire ses achats, c’est désormais aussi faire
(LDD)
des choix ayant une portée sociale et écologique.
tion Iso, pas un élément de la production n’échappe au regard inquisiteur des experts. Pour qu’un
produit soit éthiquement valable,
il faut qu’il soit produit proprement, en générant moins de déchets, en utilisant moins d’énergie, en recyclant l’eau, bref, en limitant le gaspillage. Sans oublier
le facteur humain, il s’agit de modifier les modes de production.
Du coup, l’écologie devient moteur du progrès technique, incitation à l’innovation. On n’en est
plus à mettre une couche de vernis vert sur le capitalisme de
papa. La cosmétique de surface
pour se donner bonne conscience
et réussir son opération marketing ne suffit plus. «Le management écologique ne doit pas être
considéré comme une contrainte,
mais plutôt comme une chance
de rationaliser l’entreprise. L’effet
économique est positif puisque
l’outil industriel, plus propre, est
aussi plus moderne, donc plus
performant. Quant au consommateur, il se montre visiblement
de plus en plus sensible aux enjeux liés aux problématiques sociales et environnementales. La
clientèle a donc tendance à acheter de manière plus responsable»,
poursuit Marc Münster.
Les entrepreneurs ne versent
pas pour autant dans un idéologisme aveugle. Chacun s’efforce
d’agir au mieux pour défendre les
intérêts de la société qu’il a en
charge. Herbert Würsch, directeur de l’entreprise Ricoter à Aarberg (40 employés), illustre bien
cet engagement en faveur de l’environnement empreint de réalisme: «Il ne faut pas non plus se
bercer d’illusion. Si une partie de
la clientèle est disposée à payer un
peu plus pour des produits qui répondent à certaines exigences, ce
n’est pas le cas de tout le monde.
Nous devons donc rester compétitifs au niveau des prix. Raison
pour laquelle, en dehors de nos
produits labellisés, nous proposons des articles plus abordables.»
Loin de vouloir uniquement
surfer sur la vague de l’éco-marketing, de plus en plus de chefs
d’entreprise avouent une conscience écologique bien ancrée.
«La situation actuelle ne peut plus
durer. Quelque chose doit changer», estime Herbert Würsch.
Ainsi, Ricoter affiche des objectifs
clairs: poursuivre ses efforts pour
améliorer la durabilité, en réduisant notamment les émissions de
CO². /NH
“
Herbert Würsch,
directeur de
Ricoter, Aarberg
La création de
notre entreprise
est née de la
volonté de
recycler les déchets de la
sucrerie d’Aarberg. Nous
œuvrons donc depuis toujours
dans un esprit écologique. Notre
engagement n’a rien
d’opportuniste. Nous croyons
vraiment à l’idée du développement durable. C’est aussi une
manière de nous positionner
face à la concurrence, de
marquer notre différence. En
développant des produits bio, on
répond à la demande de
beaucoup de consommateurs.
Nicola
Thibaudeau,
CEO de MPS
Micro Precision
Systems SA,
Bienne Notre
entreprise veut
être sympathique pour
l’environnement. Un
engagement dont on est sûr de
sortir gagnant. Examiner à tous
les stades de l’activité de
l’entreprise son impact sur
l’environnement, nous a permis
de constater qu’il était possible
de générer moins de déchets,
d’utiliser moins d’énergie, moins
de matières premières, moins
d’eau. Bref, de réaliser des
économies, tout en optimisant
notre mode de production.
José FernandezCavada,
directeur de
Manor, Bienne
Nous proposons
des produits
régionaux
cultivés ou confectionnés dans
un rayon de 30 kilomètres de
chacun de nos Manor Food.
Nous favorisons ainsi le revenu
des producteurs locaux plutôt
que celui d’intermédiaires et
répondons au mieux aux
exigences des consommateurs
en termes de fraîcheur et de
traçabilité des produits. En
optant pour des chaînes
d’approvisionnement courtes,
nous réalisons une épargne
énorme en émissions de CO2, ce
qui s’inscrit dans notre démarche
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Economie&société
Supplément du Journal du Jura
Jeudi 27 mai 2010
ULRICH THIELEMANN
«Il faut moraliser les marchés»
Pour l’éthicien de l’économie
Ulrich Thielemann, la situation
actuelle nécessite une réponse
mondiale.
PROPOS RECUEILLIS PAR
LOTTI TEUSCHER
TRADUCTION: M. GASSER
Ulrich Thielemann, êtes-vous du
genre querelleur?
Non, je ne crois pas. A quelques exceptions près, les événements ne me poussent que rarement à l’emportement. Ma dernière grosse colère, c’était il y a
quelques semaines quand j’ai consulté la liste publiée par le magazine économique Forbes des plus
grosses fortunes du monde. J’ai
en effet constaté que les supernantis, après une petite récession
due à la crise financière, évoluent
à nouveau au niveau financier
qui était le leur précédemment.
Mais en règle générale, ce sont
plutôt les faux raisonnements qui
m’énervent. A l’exemple du secret bancaire, au sujet duquel des
arguments extravagants ont été
avancés. Comme je suis un scientifique, je transforme mes colères
en argumentation.
Il y a juste une année, vous avez
mis la Suisse dans tous ses états en
affirmant devant la commission des
finances du Bundestag allemand que
les élites helvétiques n’ont pas conscience de l’injustice que constitue la
fraude fiscale.
D’une façon ou d’une autre, les
arguments visant à défendre le secret bancaire contre les attaques
Défenseur de l’éthique
● Ulrich Thielemann est né en 1961 à
Remscheid (Alllemagne).
● Docteur en économie, il est depuis 2001
vice-directeur de l’Institut pour l’éthique
des affaires de l’Université de Saint-Gall.
● Il a publié l’an dernier «System Error Pourquoi le marché libre aliène la
liberté?»
● Il se montre très critique
vis-à-vis des pratiques suisses
en matière de secret
bancaire.
FRAUDE FISCALE Le secret
bancaire va-t-il vraiment dans
l’intérêt de la Suisse? (KEYSTONE )
de l’étranger ont aujourd’hui disparu du débat public. Je n’aurai
pourtant pas la prétention d’affirmer que j’y aurai été pour quelque chose. Mon principal argument a d’ailleurs passé largement
inaperçu. J’affirmais qu’aucun
Etat, que ce soit la Suisse, l’Angleterre ou les USA, n’a le droit d’aider concrètement des contribuables étrangers à se soustraire à
l’imposition fiscale de leur pays,
quelle que soit la combine trouvée pour y parvenir. En Suisse, on
se contente de mettre en avant
des arguments stratégiques, on
fait des concessions et on en appelle à la défense des intérêts,
réels ou supposés, de «la Suisse».
Pour parler franchement, je
trouve quelque peu honteux pour
une démocratie mûre comme
l’est celle de la Suisse, de ne pas
aborder la question de la fraude
fiscale sous son angle éthique.
N’est-il pas dans la nature
humaine de défendre ses propres
intérêts?
Il n’est pas question ici d’argumenter sur la nature humaine.
Nous sommes les produits d’une
culture, et non juste des machines
réagissant à des stimuli! On peut
fort bien amener ses intérêts dans
la discussion mais, dans la vie
comme dans la politique, nul ne
doit déterminer sa manière d’agir
en fonction de ses intérêts personnels.
Dans la polémique qui a suivi votre
déclaration au Bundestag, la Wochenzeitung vous a traité d’agitateur. Etesvous un agent provocateur?
Je n’argumente certainement
pas dans le but de provoquer. La
seule chose qui m’intéresse, c’est
l’objet du débat. Et quand le raisonnement autour de cet objet est
archi-faux, alors je le dis. Je suis
donc heureux de l’audience que
je suscite et, de temps en temps, je
me fâche contre l’ignorance des
gens, surtout lorsque je considère
que mon argumentation est solide et sérieuse, mais que mes adversaires reculent devant le débat,
probablement parce que leur position ne tient pas debout.
Entre temps, la Suisse a-t-elle
changé sa façon d’envisager le secret
bancaire?
La tempête politique a complètement changé d’orientation. Il
n’y a plus grand monde aujourd’hui pour se risquer à justifier, d’un point de vue moral, la
complicité avérée de fraude fiscale. Justement, on avance plutôt
des arguments d’ordre stratégique. Ici aussi on pourrait
se poser la question: le
secret bancaire (interne et externe à
la Suisse, puisque ça forme
un paquet) vat-il vraiment
dans l’intérêt
de la Suisse?
J’en doute fort.
Lorsqu’un travailleur, qui
n’a pratiquement pas de
revenu sur le
capital, est davantage taxé
sur son revenu,
c’est bien parce
que les gros revenus sur le capital
peuvent, la plupart du temps et
du moins partiellement, échapper
à l’imposition. Or, je le répète: ce
ne sont pas les intérêts personnels
qui devraient primer.
Vous critiquez avec véhémence
l’économie de marché. L’un de vos
livres porte le titre: «System Error –
pourquoi le marché libre aliène la
liberté». Pourquoi critiquez-vous un
système qui fonctionne plutôt bien?
Je ne critique pas l’économie de
marché, je critique le principe
même du marché. Le vice du système c’est que le marché, de luimême, ne connaît pas de limites.
Il procède, pour ainsi dire, comme
un occupant et il détermine notre
existence à un point tel que nous
ne nous en apercevons même
plus. C’est de cette perte de liberté-là dont je parle. Notre existence devient de plus en plus fébrile, dictée qu’elle est par des impératifs d’ordre économique.
Avons-nous décidé de notre plein
gré qu’il en serait ainsi? J’ai de la
peine à le croire. De lui-même, le
marché ne fonctionne pas de manière équitable. Naturellement, il
amène la prospérité. Mais cette
prospérité ne se répartit pas si aisément de manière équitable. Et il
faut également prendre en
compte le coût à payer pour engendrer cette prospérité.
De quel coût s’agit-il?
Eh bien du stress, entre autres,
qui ne cesse d’augmenter. Personne n’émet plus le moindre
doute à ce sujet.
Le stress est inévitable, car les
entreprises doivent accroître leur productivité si elles veulent rester concurrentielles.
Votre exemple montre pourquoi nous devons modifier notre
façon de penser. A vrai dire, cette
position n’est pas généralisable.
Pourquoi la concurrence continue-t-elle de redoubler d’intensité?
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Economie&société
Supplément du Journal du Jura
Jeudi 27 mai 2010
Parce que ce n’est pas la nature
qui accroît la pression concurrentielle, mais les acteurs. Ont-ils le
droit de le faire? Evidemment,
nous avons tous une part de responsabilité à cette intensification
de la concurrence. Mais au lieu de
nous adapter aveuglément à ces
contraintes, nous devrions nous
poser la question suivante: l’intensification de la concurrence
apporte-t-elle encore quelque
chose à la qualité de notre vie et à
l’équité que nous entendons introduire dans nos rapports avec
nos congénères? Croire que la
pression liée à la concurrence est
un phénomène naturel, c’est
typiquement un faux raisonnement.
d’une éthique où c’est la loi du
plus fort qui prévaut.
Et qu’est-ce que ça signifie au
niveau de la société?
Cela signifierait que c’est la
concurrence la plus féroce qu’on
puisse imaginer qui serait censée
régner et déterminer notre existence. La politique ne ferait
qu’exécuter servilement les ordres émanant des forces du marché et, dans le fond, baisserait pavillon devant eux. La loi du marché, basée sur la concurrence, se
substituerait à la souveraineté populaire. Or, que ce soit au marché
de nous dicter de quoi il retourne,
c’est exactement le programme
des adeptes du marché et des libertaires, qui se nomment généralement eux-mêmes «libéraux».
Comme si la liberté des puissants
de l’économie de marché était
l’incarnation de la liberté même.
Mais la véritable liberté, ce n’est
pas de jouer de sa puissance sur le
marché. Au contraire, c’est de
faire des affaires de manière honnête et responsable, ce qui implique une approche modérée de
l’économie, très éloignée de l’idée
de la maximisation du profit. Il
s’agit d’introduire dans le marché,
dans l’interaction des marchés,
dans les entreprises et dans les décisions d’achat, des façons de faire
responsables. On appelle cela la
moralisation des marchés.
Pourquoi?
Parce qu’en raisonnant ainsi,
nous chosifions les acteurs qui accroissent cette pression, nous les
percevons comme des événements qui sont dans la nature des
choses, et non pas comme des individus.
N’importe quel chef d’entreprise
vous dira: si nous voulons vendre
nos produits, nous devons rester
concurrentiels. Or la Suisse continue
de bien résister à la concurrence.
Effectivement, la Suisse est
dans l’ensemble du côté des vainqueurs. Elle n’a pas commis l’erreur, comme beaucoup d’autres,
d’introduire un secteur de bas revenus. Au contraire, elle a tout
fait pour l’empêcher. La prospérité pour tous est une idée qui
fonctionne encore très bien en
Suisse. Cela n’empêche pas des
différences de revenu et de fortune gigantesques. Mais parallèlement la Suisse a développé une
bonne politique sociale.
ATTITUDE Ulrich Thielemann
transforme ses colères en
(KEYSTONE)
arguments.
Vous parlez volontiers des mythes
qui se cachent derrière cette foi dans
les vertus du marché. Quels sont les
mythes les plus répandus?
«L’intensification de la concurrence
apporte-t-elle encore quelque chose à
la qualité de notre vie?»
Alors selon vous, ce n’est pas
l’économie de marché qui est déterminante pour le bon fonctionnement
du système?
Si, elle est également déterminante. Je pense surtout au rôle essentiel joué par les nombreuses
PME dirigées de manière responsable. Mais le marché doit s’inscrire dans un cadre bien réglementé. Livré à lui-même, le marché ne fonctionne pas bien, parce
que là, c’est toujours la loi du plus
fort, du plus concurrentiel, de celui qui a le pouvoir d’achat le plus
élevé, qui prévaut. C’est pourquoi
en Suisse il y a des réglementations, des conditions d’accès et des
certifications qui imposent des limites à la logique du marché et
donnent à celui-ci une direction
bien précise.
Vous estimez donc qu’il faut mettre
des limites au marché?
Les adeptes du marché disent:
Je préfère parler de jugements
erronés. Un simple exemple:
beaucoup croient que, quand les
prix baissent, c’est bien pour tout
le monde. Les gens se disent: génial, tout sera meilleur marché,
nous allons payer moins.
Oui, mais les employés vont aussi
gagner moins.
si nous baissons les salaires, nous
devenons plus concurrentiels.
Moi je dis: les employés qui auront réussi à conserver leur place
deviendront peut-être plus concurrentiels, et le capital réalisera
de plus gros profits. Les adeptes
de Keynes ajouteront: et qui achètera encore les produits quand le
pouvoir d’achat aura disparu? En
Suisse, par contre, le pouvoir
d’achat du grand public s’est
maintenu, en grande partie. C’est
pourquoi le marché intérieur demeure plus ou moins stable.
Vous avez aussi déclaré que, du
strict point de vue éthique, la crédibilité du marché n’est pas défendable.
Votre jugement ne manque-t-il pas de
nuance?
Non, c’est exactement le contraire. Ceux qui manquent de
nuance dans leur jugement, ce
sont ceux qui croient aux vertus
du marché. Car à leurs yeux le
marché est la panacée universelle,
et le principe même du marché
un principe moral. Un de nos
conseillers fédéraux (on devine
facilement lequel) considère
même la concurrence comme un
«processus de découverte». On
doit cette formule à Friedrich August von Hayek, un des thuriféraires du marché. Derrière cette
formule, on retrouve l’idée que
c’est dans la lutte imposée par la
concurrence sur les marchés
qu’on découvre ce qui s’impose,
mais aussi ce qui est éthiquement
juste. C’est la parfaite illustration
Exactement. La conseillère fédérale Doris Leuthard aimerait
tordre le cou à l’îlot de cherté
qu’est la Suisse. Les vélos, les voitures, les habits, les denrées alimentaires, tout devrait être
meilleur marché. Mais dans les
faits, il y a bien quelqu’un qui va
toucher moins d’argent. Qui? Un
abaissement des coûts pour les
uns entraîne inévitablement une
diminution des revenus pour les
autres. Mais c’est un fait qui est
occulté, parce qu’on célèbre le
marché comme quelque chose de
merveilleux et qu’on ne voit pas
qu’il n’est rien d’autre qu’un ensemble d’actions humaines.
Si, par exemple, une fabrique
coréenne baisse ses coûts, alors les
Suisses pourront profiter de produits
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Economie&société
Supplément du Journal du Jura
Jeudi 27 mai 2010
meilleur marché. Est-ce que ce serait
peu éthique?
Je ne formulerais pas les choses
ainsi, mais ce n’est pas totalement
faux. Il faut en effet voir aussi les
problèmes que cette situation générerait. Quand on baisse les prix,
il y a toujours des perdants quelque part, et les entrepreneurs responsables le savent parfaitement.
Je vous propose un autre exemple
d’occultation des faits. Brady Dougan, chef du Credit Suisse, a récemment encaissé 71 millions de
francs. Tout le monde trouve ça
indécent. Lui, il rétorque: «Que
voulez-vous, nous avons eu du
succès, nous dégageons d’énormes
bénéfices». Et que font les médias?
Ils s’émerveillent pratiquement
d’une seule voix devant ces gros
bénéfices et les présentent à leur
tour comme un succès. Mais personne ne se demande comment ils
ont été réalisés.
Comment ont-ils été réalisés?
Par exemple sur le dos des autres, avec un abaissement des coûts
ou en raison de la pression exercée
par la concurrence. Dans le cas des
banques, il ne subsiste à mon avis
aucun doute que les bénéfices pharamineux qu’elles ont réalisés proviennent du capital de la bulle spéculative. Sur toute la planète, les
banques ont constitué un gigantesque capital fictif, qui ne correspond absolument pas à l’économie
réelle. Le capital a gonflé par rapport au produit intérieur brut, raison pour laquelle je pose toujours
cette question aux banquiers: qui
est censé réaliser ces gains sur le
terrain?
Et quelle est votre déduction?
Que nous ne pouvons pas nous
payer cela! L’économie réelle des
Etats n’est pas en mesure de réaliser sur le terrain les gains corres-
«La recherche du profit maximum
ravale l’employé au rang de simple
facteur de production
interchangeable.»
pondant au capital de la bulle spéculative. Ce n’est d’ailleurs pas
son rôle.
La dernière bulle spéculative a
éclaté vers mi-2008 et a plongé l’économie mondiale dans une profonde
récession. Puis l’idée a longtemps
prévalu que la crise financière était
terminée. A votre avis, au devant de
quoi l’économie mondiale se dirige-telle?
Nous passons d’une bulle à la
suivante, mais en fait la grosse
bulle n’a pas encore éclaté du tout.
Quand une bulle spéculative se
forme, cela signifie que les revenus du capital sont un jeu à
somme nulle entre les acteurs du
marché financier, si bien que les
gains réalisés sont fictifs. Mais
les apparences sont sauves, entre
autre parce que le capital fictif
est alimenté par des impôts qui,
eux, sont bien réels. Le capital nominal, qui s’accroît de manière gigantesque, cherche alors des placements rentables mais ne les trouve
plus. Il continue donc de s’entasser.
Avec quelles conséquences?
Il devrait être devenu clair pour
chacun que les employés du
monde entier ne pourront pas engendrer ces gains. Alors le capital
essaie en quelque sorte de les réaliser par le biais d’impôts obtenus
dans l’économie réelle.
Et quel jugement portez-vous sur ce
procédé?
Les politiciens eux-mêmes reconnaissent que le capital les a pris
en otages, et nous tous avec. Et les
acteurs du capitalisme, en tout
cas la plupart d’entre eux, gagnent
des sommes mirifiques à ce
jeu-là. Globalement, le grand défi
devant lequel se trouve la planète
consiste à trouver une solution
au problème suivant: comment
allons-nous parvenir de manière
contrôlée à réduire ce capital spéculatif?
Y arrivera-t-on sans plonger les
économies nationales dans une nouvelle récession?
L’éthique économique intégrative que je préconise est une nouvelle façon de concevoir l’économie. Mais c’est beaucoup trop lui
demander actuellement que de
proposer une solution à tous ces
problèmes. Quant à moi, je passerais pour un dilettante ou un rigolo, si j’essayais d’esquisser maintenant une solution globale à un
problème si complexe.
L’objectif de l’économie, donc des
entreprises, c’est de faire du profit.
C’est une loi fondamentale de l’économie de marché, et on ne peut rien y
changer.
Oui, les entreprises doivent
veiller à conserver leur équilibre
financier, sinon elles ne peuvent
BOURSE «Les bénéfices des banques proviennent du capital de la bulle
(KEYSTONE)
spéculative.»
plus payer leurs factures. Mais le
profit ne saurait être le but ultime.
C’est un aspect de l’économie
parmi d’autres. Par contre la maximisation du profit n’est justifiable
en aucun cas. Ce n’est pas l’idée de
profit qui est en cause, mais celle
de maximisation. Trop souvent on
a une vision manichéenne de l’entreprise: soit elle fait tout pour réaliser le maximum de profit possible, soit elle ne fait pas de profit du
tout, et alors ce n’est plus une entreprise, mais juste une «organisation à but non lucratif». C’est une
fausse alternative. Le profit, on ne
doit ni le porter aux nues, ni le diaboliser. Il s’agit plutôt d’envisager
la culture entrepreneuriale en termes de modération et de responsabilité. Et si l’on fait ça, alors la
place occupée par le profit peut
fort bien ne plus être la première,
mais seulement la deuxième ou la
troisième.
Quelle incidence la recherche du
profit maximum a-t-elle sur les
employés?
Elle ravale l’employé au rang de
simple facteur de production interchangeable. Les économistes définissent d’ailleurs la recherche du
gain, plus généralement la maximisation du profit, comme un
comportement rationnel. Mais interrogez la vox populi, elle vous
dira que ce n’est rien d’autre que
de la cupidité, ce qui est tout à fait
pertinent. Et c’est en raison de
cette cupidité qu’étouffe dans
l’œuf l’espoir d’une économie de
marché plus sociale, visant la
prospérité de tous.
Aujourd’hui les hommes sont au
service de l’économie. Dans 20 ans,
l’économie sera-t-elle à nouveau au
service des hommes?
Je dirais que l’économie n’a pas
à servir les hommes, car «l’économie» c’est nous, les hommes. Ce
que nous devrions faire, c’est concevoir l’économie comme un ensemble d’interactions entre les
hommes et nous demander toujours si nous y agissons équitablement. Mais peut-être voulez-vous
dire que les hommes sont au service du capital. Là, il pourrait y
avoir du vrai. Le problème, c’est
que sur le marché mondial le capital peut se cacher derrière un
paravent
d’interdépendances
aussi vastes qu’anonymes. Depuis
que les Etats sont en concurrence
les uns avec les autres, nous avons
aliéné notre liberté politique aux
marchés. Les Etats doivent donc
reconquérir cette liberté, redonner au peuple sa souveraineté et
soumettre le marché à une
réglementation cadre. Mais ça ne
se fera qu’au niveau d’une politique de réglementation mondiale.
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