Revue mt cardio 2006 ; 2 (1) : 73-7 Fabienne Elgrably, Agnès Sola, Jocelyne M’Bemba, Étienne Larger, Gérard Slama Service de diabétologie, université René-Descartes Paris 5, AP-HP, Hôtel-Dieu, 1 place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris Cedex 04 <[email protected]> Résumé. L’éducation des patients atteints de diabète est nécessaire et utile, donc incontournable. L’éducation thérapeutique, centrée sur le patient, le place au centre du processus éducatif, avec ses opinions, ses idées, ses sentiments, ses croyances, son entourage... aussi bien qu’avec son « statut » médical. Par l’éducation, il s’agit de l’aider à gérer son traitement, à prévenir les complications évitables en lui conservant, voire en améliorant, sa qualité de vie, ce qui produit un effet thérapeutique associé à ceux des autres outils du traitement. Le diagnostic éducatif est la première étape du processus éducationnel : il s’agit de la collection d’informations concernant le patient sur les plans bioclinique, éducationnel et psychosocial. Récemment, dans le service de diabétologie de l’Hôtel-Dieu de Paris, un programme de prise en charge ambulatoire des patients diabétiques de type 1 avec auto-apprentissage a été mis en place. Il s’agit d’un modèle d’éducation thérapeutique découvert par Howorka en 1990, développé par Grimm et Berger en Suisse, que nous avons importé et adapté et que nous appelons « auto-apprentissage ambulatoire au traitement du diabète de type 1 (AT1) ». Plus récemment encore, un programme adapté au type 2 a été créé sur un modèle similaire. Cette méthode éducative peut être transposée à d’autres maladies chroniques, notamment dans la prévention du risque cardiovasculaire, que le patient soit diabétique ou non. Un obstacle majeur reste à surmonter : la prise en compte financière de cette activité humaine par les autorités de tutelle (remboursement). Mots clés : éducation thérapeutique, diabète, diagnostic éducatif Abstract. The role of therapeutic education in the management of chronic disease: example of diabetes and possible application to cardiovascular diseases. Education for diabetic patients is necessary, useful, and consequently unavoidable. Therapeutic education places the patient at the center of the educational process, with his opinions, ideas, feelings, health beliefs, his environment... as well as his medical status. With this educational process, one tries to help patients to organize their own treatment, in order to prevent complications and to maintain or enhance their quality of life. Thus, it becomes another therapeutic tool along side all the others. Educational diagnosis is the first step of this process : it means collection of patient information related to bio-clinical, educational and psychosocial data. Recently, in the Diabetes Unit of Hôtel-Dieu Hospital, in Paris, a self-learning ambulatory program for type 1 patients has been implemented; it is a model for therapeutic education that we have imported and adapted which was invented by Howorka in 1990 and developed by Grimm and Berger in Switzerland. More recently, we created a program devoted to type 2 diabetic patients, following the same model. This educational method can be transposed to other chronic diseases and in particular in the cardiovascular prevention field, whether the patient is diabetic or not. A major obstacle remains: the payment and reimbursement of this activity by our health authorities. Key words: educational diagnosis, diabetes, therapeutic education N mtc Correspondance : F. Elgrably ous savons depuis longtemps que l’éducation des patients atteints de diabète est nécessaire et utile, donc incontournable, [1, 2]. Il y a eu une évolution importante au cours des dernières décennies dans la conception même de cette éducation, considérée aujourd’hui comme « thérapeutique » c’est-à-dire produisant mt cardio, vol. 2, n° 1, janvier-février 2006 un effet thérapeutique associée aux autres outils de traitement que sont l’activité physique, les médicaments... Il s’agit d’une maladie chronique, que l’on doit soigner tout au long de la vie, avec des objectifs médicaux à court terme (l’absence de coma), à moyen terme (l’absence de symptômes de diabète, le confort de vie, la 73 Revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Éducation thérapeutique, rôle dans la prise en charge d’une maladie chronique : exemple du diabète et perspectives d’application dans le domaine cardiovasculaire Éducation thérapeutique vie professionnelle, familiale, sociale...) et à long terme (la limitation et la prévention des complications dégénératives chroniques invalidantes et coûteuses pour le patient, son entourage, et la société). Face à ces objectifs ambitieux, les moyens thérapeutiques restent imparfaits, puisque la maladie n’est pas curable, et ils font appel à des médicaments, dont l’insuline, à une autosurveillance glycémique, à une bonne hygiène de vie, requérant la participation active du patient à son traitement, et donc son éducation. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Étapes dans l’éducation des patients Éducation centrée sur le médecin « Moi, votre docteur, je sais ce que vous devez faire : écoutez et faites » : dans cette formule éducative, il y a un maître et un élève « infantilisé » qui exécute : le pouvoir médical est uniquement entre les mains du médecin. Éducation centrée sur la maladie « Je vais vous raconter le diabète : signes, diagnostic, physiopathologie, traitement ». Il s’agit là d’un transfert de connaissances pures, théoriques, certes utiles, mais insuffisantes pour l’obtention des résultats escomptés. Éducation centrée sur les comportements Cette étape est essentielle car ici les trois différents niveaux de connaissance apparaissent : – la connaissance théorique – savoir, – la connaissance pratique – savoir-faire, – le comportement de santé adapté – savoir être, but de l’éducation pour la santé : « toutes combinaisons d’expériences éducatives dont le but est de faciliter l’adoption volontaire des comportements favorables à la santé » [3]. Revue Éducation centrée sur l’individu diabétique Il s’agit de l’éducation thérapeutique. Les buts de cette démarche éducative sont l’autonomie du patient, sa qualité de vie, et la prévention des complications. Le patient est ici au centre du processus éducatif, et il s’agit d’un transfert de connaissances et d’expertise des soignants vers le patient, d’un savoir partagé. Plus encore que partenaire dans son traitement, le patient éclairé choisit, prend les commandes, c’est l’empowerment des AngloSaxons, avec la complicité attentive de ses soignants. Un guide Éducation thérapeutique du patient a été publié en 1998 par l’Organisation Mondiale de la Santé, et a été diffusé aux ministères de Santé, centres collaborateurs OMS, organismes de sécurité sociale [4]... Éducation thérapeutique : pour qui ? – Pour un individu qui a son quotidien, ses choix de vie, une qualité de vie (dans ses trois dimensions physique, psychologique et sociale) ; 74 – Pour un individu qui a sa « boîte noire personnelle », souvent déterminante pour comprendre sa conduite de maladie, et dans laquelle se trouvent : – des connaissances, parfois fausses, parasites, à évacuer (« ne pas manger d’aliments contenant du sucre me guérira de mon diabète », « tant que je vois bien je n’ai pas besoin d’aller chez un spécialiste »...), parfois justes, sur lesquelles on peut s’appuyer, – des croyances de santé (« j’ai un petit diabète », « je ne risque rien, moi, je me sens bien »...), – des représentations de maladie, de traitement (« tant qu’on n’a pas de piqûres d’insuline, le diabète n’est pas grave »), – une acceptation ou non de sa maladie (déni, révolte, dépression...) : le refus peut être une fixation pathologique ; l’acceptation est parfois brutalement remise en cause par un incident de vie, la survenue d’une complication ou son ombre (un micro-anévrisme au fond d’œil par exemple), – des possibilités personnelles de « faire avec », – une conception sur ses propres possibilités d’intervention et de contrôle de son état de santé (« ma santé dépend de mon médecin, de ma femme, de ce que Dieu veut... »), – une expérience : les histoires souvent tragiques de diabète familial peuvent marquer au fer rouge cet individu qui peut penser ne pouvoir échapper, comme ses ascendants, à une amputation, une cécité, une mort prématurée, – un « vécu » de maladie : l’annonce du diabète, les premières paroles dites, par exemple, restent longtemps gravées dans la mémoire du patient, et s’il les a perçues « terrifiantes », il peut choisir, inconsciemment de baisser les bras devant cette tâche insurmontable, – une histoire de maladie et d’éventuelles complications... – Pour un individu qui a un entourage au sens large (soignants, famille, collègues, amis, pairs...) où chacun a ses idées, ses croyances, ses attitudes qui constitueront, ou non, un soutien technique et/ou émotionnel pour le patient ; – Enfin pour un individu qui a ou non une connaissance du système de santé et des possibilités d’accès aux soins. Toutes ces données contribuent à l’établissement d’un diagnostic éducatif. L’éducation thérapeutique, centrée sur le patient, le place au centre du processus éducatif, avec ses opinions, ses idées, ses sentiments, ses croyances, son entourage... aussi bien qu’avec son « statut » médical. Par l’éducation, il s’agit d’aider le patient à gérer son traitement, à prévenir les complications évitables, en lui conservant, voire en améliorant sa qualité de vie, ce qui produit un effet thérapeutique, associé à ceux des autres outils du traitement. mt cardio, vol. 2, n° 1, janvier-février 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Les occasions éducatives classiques sont la découverte d’un diabète, un incident de la vie qui remet en question l’individu, la survenue d’une complication, la mise à l’insuline. Ces moments sont effectivement cruciaux. L’essentiel est de faire de ces moments le point de départ d’un processus qui devra être continu, tout au long de la vie. Par ailleurs, le soignant peut être amené à proposer une phase de renouvellement de l’éducation devant une carence ou l’évolution des connaissances médicales. Éducation thérapeutique : par qui ? Par des soignants formés : on ne s’improvise pas éducateur, on apprend. Il existe des formations de formateurs dispensés par le DELF (groupe Diabète Éducation de Langue Française), l’université de Bobigny (département Sciences de l’éducation), l’institut de formation IPCEM (Institut de Perfectionnement en Communication et Éducation Médicale)... Idéalement, par une équipe multidisciplinaire : diabétologues, cardiologues... mais aussi paramédicaux, infirmiers, diététiciens dont le rôle est essentiel, physiothérapeutes dont la place est à développer en France. Encore plus idéalement, par une équipe interdisciplinaire : l’intervention des psychosociologues, pédagogues et autres spécialistes des sciences humaines est extrêmement utile. Ceci n’exclut pas la qualité du travail d’un soignant isolé, mais formé. Éducation thérapeutique : comment ? Le diagnostic éducatif est la première étape du processus éducationnel. Il s’agit de la collection d’informations concernant le patient sur les plans bioclinique, éducationnel et psychosocial. L’éducation se fait par paliers, en respectant le rythme individuel, avec empathie, en utilisant parfois le principe d’un contrat avec objectifs progressifs consentis de part et d’autre... de façon individuelle et en groupe. L’interaction, la dédramatisation, la reconnaissance, le partage avec les pairs constituent un plus dans l’éducation en groupe. Celle-ci peut-être réalisée au cours d’hospitalisations planifiées de semaine ou d’hôpitaux de jour par exemple, ou en médecine de ville dans le cadre des réseaux de soin. L’entretien de la motivation des patients reste l’une des difficultés majeures, il n’y a pas de recette miracle ; l’une des pistes possibles est la recherche d’une adéquation entre le discours soignant et les attentes des patients ; identifier, entendre les besoins spécifiques, essayer de trouver une solution aux obstacles, sociaux, culturels, financiers, techniques, environnementaux..., telle est notre tâche, parfois au-dessus de nos possibilités. Le but est qu’à terme, le patient éclairé, formé, devenu expert de sa propre santé, s’approprie les objectifs de son traitement, choisisse d’agir et prenne les commandes. Cependant, il ne s’agit pas de l’abandonner ; il s’agit de lui proposer un accompagnement, en conservant un regard et des interventions de soignant sur son statut biomédical. Il ne faut pas non plus plaquer ce modèle systématiquement, il faut savoir attendre le moment propice, garder le contact ; certaines personnalités se prêtent mieux à ce transfert que d’autres. Récemment, dans le service de diabétologie de l’hôpital Hôtel-Dieu de Paris, un programme de prise en charge ambulatoire des patients diabétiques de type 1 avec autoapprentissage, a été mis en place. Il s’agit d’un modèle d’éducation thérapeutique, découvert par Howorka en 1990, développé par Grimm et Berger en Suisse [5], que nous avons importé et adapté et que nous appelons l’auto-apprentissage ambulatoire au traitement du diabète de type 1 (AT1). Le principe est le suivant : 5 séances ambulatoires de 14h00 à 17h00 sont proposées à un groupe de 10 patients, un jour fixe de la semaine, 5 semaines de suite ; les patients sont accueillis par un médecin senior, un diététicien, et un infirmier, identiques chaque semaine ; les séances sont espacées de 8 jours et les patients ont des « travaux pratiques », à faire à la maison entre deux séances, sur un thème sélectionné. Chaque séance est partagée en deux parties : analyse des résultats des travaux pratiques effectués à la maison la semaine précédente et explication des travaux à faire pour la séance suivante. Le patient accepte de se mettre dans des conditions expérimentales, de s’auto-observer en réalisant ces travaux pratiques ; l’analyse en groupe de ses propres résultats, commentés par chaque patient, enrichie des commentaires des autres patients et de ceux des experts, permet à chacun d’acquérir sa propre expertise : c’est en cela qu’il s’agit d’un auto-apprentissage. Le patient joue un rôle central, actif, il apprend de lui-même et des autres à partir de sa propre expérience ; de plus, en observant les résultats des autres participants, par la répétition ou la découverte d’autres aspects, il complète sa « formation d’expert ». Ce programme est destiné à des patients qui ont déjà une certaine expérience de leur maladie et de son traitement, depuis au moins 6 mois. Les thèmes des journées sont les suivants : autoenquête alimentaire, jeûne ambulatoire de 36 heures sous insuline de base, repas tests apportant des quantités variables de glucides, repas libres avec notions d’index glycémiques différents, activité physique. mt cardio, vol. 2, n° 1, janvier-février 2006 75 Revue Éducation thérapeutique : quand ? Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Éducation thérapeutique Revue L’utilisation d’un schéma insulinique basal/bolus est requise et au terme de la formation, le patient aura acquis 5 clés déterminantes pour sa propre gestion du diabète : – savoir déterminer la quantité de glucides d’un repas (ou savoir trouver seul l’information avec les outils donnés), – connaître ses besoins en insuline de base (besoins indépendants de toute alimentation), – savoir combien d’unités d’insuline ultra-rapide lui sont nécessaires pour 10 g de glucides, – savoir de combien 10 grammes de sucre font monter sa glycémie, – savoir de combien une unité d’insuline fait baisser sa glycémie. Les objectifs de ce programme sont : – d’améliorer le contrôle métabolique, sans majorer les hypoglycémies, en libéralisant l’alimentation – horaires et contenu des repas, – d’améliorer les connaissances sur les relations insuline, alimentation, activité physique, – enfin de maintenir ou d’améliorer la qualité de vie. À ce jour, près de 250 patients ont suivi ce programme, avec enthousiasme. L’évaluation du premier groupe de patients [6] nous a permis de constater une plus grande souplesse de gestion, une moindre inquiétude dans la modification des doses d’insuline, la pratique facile de suppléments d’insuline, une augmentation de la fréquence de l’autosurveillance, toutes actions volontaires du patient qui s’est approprié ses objectifs et qui a choisi de les atteindre, sans faire davantage d’hypoglycémies, avec une qualité de vie qui paraît améliorée. Compte tenu du succès de cette méthode, un programme analogue de prise en charge ambulatoire des patients diabétiques de type 2 a été mis en place plus récemment, toujours dans le cadre de ce concept d’autoapprentissage (auto-apprentissage ambulatoire au traitement du diabète de type 2 : AT2). Il s’agit là de 4 séances ambulatoires espacées de 8 jours, toujours pour un groupe de 10 patients avec un programme de « travaux pratiques à la maison » bien sûr adapté, par exemple : – autosurveillance glycémique sur 24 heures (ordonnance de pratique de glycémies capillaires à jeun, avant et après chaque repas) pour découvrir la variabilité des glycémies au cours d’un cycle nycthéméral et d’un sujet à l’autre, les notions de pic postprandial, de delta glycémique (différence entre les glycémies pré- et postprandiales), – activité physique : marche de 1 heure (sur ordonnance) avec un podomètre pour découvrir le rôle de l’activité physique sur les glycémies, – séance de dégustation (facultative) d’un ou deux carrés de chocolat, à titre d’expérience, avec découverte et auto-analyse des notions d’envie de manger, de faim, d’émotions encadrant la prise d’un aliment « plaisir », 76 – auto-enquête alimentaire : les patients apprennent « en séance » à tenir un carnet alimentaire et à compter eux-mêmes le total calorique et la répartition lipides, glucides, protides en utilisant une table de composition des aliments, avant de le faire eux-mêmes, chez eux : cette plongée dans l’alimentation leur fait prendre conscience des erreurs qu’ils font et lors de l’analyse de leur résultat, un autodiagnostic leur est demandé avec identification des trois comportements à modifier d’après eux, choix validé par les diététiciens, – discussion de groupe autour de chaque expérience individuelle concernant la dimension émotionnelle, les sensations de faim et de satiété qui ont accompagné la prise alimentaire au cours de l’auto-enquête alimentaire, – repas tests : autodécouverte du rôle sur la glycémie capillaire de quantités variables de glucides de même nature, de quantités équivalentes de glucides de nature différente (index glycémique), – goûters tests de nature différente au cours des séances, et observation des glycémies avant, une heure et 2 heures après, le dernier goûter étant précédé d’une prise médicamenteuse pour toucher du doigt le rôle d’un médicament spécifique de la glycémie postprandiale. Des auto-questionnaires concernant les croyances de santé, la qualité de vie, le comportement alimentaire et ses facteurs déterminants sont utilisés avant le démarrage du programme, puis au cours du suivi. Une part non négligeable de ce programme est destinée à la dimension psychologique abordée dès la première séance, puis en fin de programme, au cours d’une table ronde animée par un psychologue, précisant les objectifs du programme et initiant une discussion autour des notions de maladie diabétique et d’alimentation. Ce programme n’est pas destiné au bilan somatique de la maladie : retentissement micro et macroangiopathique, expertise cardiovasculaire, choix du traitement médicamenteux du diabète, de la pression artérielle, des désordres lipidiques, introduction d’antiagrégants plaquettaires ou autres molécules, ou dépistage et traitement des apnées du sommeil. Ces points évidemment essentiels auront été réglés au préalable. Ce programme est axé sur les comportements de santé modifiables (alimentation, activité physique, observance médicamenteuse), servis par l’autosurveillance glycémique chez des patients diabétiques. Nous avons mis de longs mois à le réaliser, en nous aidant d’experts en comportement, en psychologie, et de notre savoir-faire en éducation thérapeutique. La faisabilité de ce programme a été testée avec un groupe de 20 patients, en janvier 2005, nous permettant d’affiner le programme actuellement en cours de finalisation avec un nouveau groupe. L’adhésion enthousiaste des premiers patients utilisateurs est possiblement due au fait que pour la première fois en ce qui nous concerne, la nourriture par exemple est concrètement abordée dans toutes ses dimensions, mt cardio, vol. 2, n° 1, janvier-février 2006 – Il est démontré que l’éducation thérapeutique s’applique à d’autres maladies chroniques dans le domaine des pathologies respiratoires, rhumatologiques, digestives. Conclusion L’éducation thérapeutique, c’est partager un savoir, éduquer pour l’autonomie, la gestion du quotidien, la prévention des complications. Par l’écoute active, la découverte et la prise en compte des priorités, difficultés, obstacles, par le transfert de l’expertise, l’action devient possible pour le patient volontaire, déterminé, sans angoisse : il s’est approprié les objectifs de son traitement, il choisit d’agir, et le prix à payer est toujours moindre quand on choisit, il prend les commandes aussi loin qu’il le souhaite, et conduit sa santé, avec l’attention de ses soignants qui conservent leur regard et leurs interventions sur son statut biomédical. Un obstacle majeur reste à surmonter : la prise en compte financière de cette activité humaine par les autorités de tutelle (remboursement). L’éducation thérapeutique est la concrétisation d’une médecine technique à dimension humaine, c’est là, la plus grande difficulté mais aussi la grande richesse de la prise en charge de toute maladie chronique. Références 1. Miller LV, Goldstein JN. More efficient care of diabetic patients in a county hospital setting. N Engl J Med 1972 ; 286 : 1388-91. 2. Assal JP. Traitement des maladies de longue durée : de la phase aiguë au stade de la chronicité. Une autre gestion de la maladie, un autre processus de prise en charge. Encycl Med Chir Therapeutique 1996 : 25-005-A-10-18. 3. Green LW, Costagliola D, Chwalow AJ. Educational diagnosis and evaluation of educational strategies (PRECEDE Model) : practical methodology for inducing changes in behavior and health status. Journ Annu Diabetol Hotel Dieu 1991 : 227-40. 4. Report of a Who Working Group. Therapeutic Patient Education. Copenhagen : World Health Organization, Regional Office for Europe, 1998 ; (76 p). 5. Berger W, Grimm JJ. Insulinothérapie. Comment gérer au quotidien les variations physiologiques des besoins en insuline. Paris : Masson, 1999. 6. Elgrably F, M’Bemba J, Sola-Gasagnes A, et al. Jeûne ambulatoire de 36 heures pour la détermination des doses de base d’insuline avec auto-apprentissage intensifié ambulatoire : étude chez 27 patients diabétiques de type 1 sélectionnés ; ALFEDIAM ; Nice 2327 mars 2004 ; 30 (hors série) : 1,3,1S36 (abstract). Revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. calorique, culturelle, sociale, hédonique, psychologique... il ne s’agit plus de mots mais de faits concrets, et nous sentons l’adéquation d’un tel programme aux attentes des patients. L’évaluation des objectifs de ce programme est bien sûr prévue : en termes de santé (poids, tour de taille, hémoglobine glyquée, pression artérielle, paramètres lipidiques...), de comportements de santé (aspects quantitatifs et qualitatifs des choix alimentaires, activité physique, observance médicamenteuse...) et de qualité de vie. Cette méthode éducative destinée à assurer une meilleure prise en charge des patients diabétiques par eux-mêmes, concrétise un état d’esprit qui veut donner à l’individu malade toutes les clés que nous connaissons mais aussi lui permettre de découvrir et de choisir ses propres clés. La relation soignant/patient est ici une relation de partage, de partenariat, d’accompagnement. Cette méthode éducative peut être transposée à d’autres maladies chroniques, notamment dans la prévention du risque cardiovasculaire, que le patient soit diabétique ou non : – L’hypertension artérielle (dont la prévalence dépasse 50 % chez les patients diabétiques de type 2) pose des problèmes d’observance médicamenteuse, de connaissance de l’intérêt de chaque médicament, de la prise en compte des possibles effets secondaires, de l’intérêt de l’automesure tensionnelle ; – Le traitement des dyslipidémies (très souvent également présentes dans le diabète de type 2) nécessite une approche comportementale dans les domaines de l’alimentation, l’activité physique, et/ou l’observance médicamenteuse ; – Le syndrome dysmétabolique, avec ou sans diabète, associant surcharge androïde, résistance à l’insuline, désordres tensionnels et lipidiques, requiert aussi une modification des comportements de santé et des prises médicamenteuses ; – Le tabagisme, comportement complexe à modifier de façon durable, nécessite souvent le savoir-faire d’experts dans cette prise en charge difficile ; – L’apnée du sommeil (dont la prévalence est d’environ 50 % chez les diabétiques de type 2) nécessite une prise en charge spécifique souvent concrétisée par la ventilation en pression positive, dont l’observance peut être difficile ; – Le suivi du traitement anticoagulant, chez les « cardiaques », pourrait bénéficier d’une approche similaire ; mt cardio, vol. 2, n° 1, janvier-février 2006 77