LES TROUBLES DU SPECTRE AUTISTIQUE Gwennaïg Le Nouy, Chef de Service Service d’Accompagnement Comportemental Spécialisé – ABA Finistère (SACS) 1 Introduction Retard en France // E.U., Angleterre, pays nordiques, Espagne Diagnostic tardif et souvent peu précis (TED non spécifiés) Inadaptation des prises en charge : soins psychiatriques ou approches médico-sociales pas assez spécifiques ni individualisées Pression des associations de parents depuis environ 10 ans → Mobilisation de l’état 2012 : Recommandations de bonnes pratiques 2 DE LA MALADIE MENTALE AU TROUBLE NEURODEVELOPPEMENTAL 3 De la maladie mentale aux Troubles Envahissants du Développement Depuis les années 1940 : Autisme = maladie mentale Puis années 70-80: multiplication des travaux de recherche : neurosciences, génétique, psychologie du développement, etc. 4 De la maladie mentale aux Troubles Envahissants du Développement → Changement du regard porté sur l’autisme et troubles apparentés bien que retardé en France // pays voisins Années 1975-1980 : Notion de Troubles Envahissants du Développement (TED) Notion de Troubles neurodéveloppementaux et non plus maladie mentale 5 De la maladie mentale aux Troubles Envahissants du Développement Altérations « qualitatives » : Difficultés pas uniquement dues à un retard global comme dans déficience intellectuelle = quantitatif Observe un fonctionnement cognitif, social, intellectuel, émotionnel particulier et hétérogène 7 De la maladie mentale aux Troubles Envahissants du Développement Troubles « envahissants» Atteinte globale et non spécifique (// troubles dys) Atteinte en profondeur sur des domaines de développement essentiels de l’être humain 8 « Ce qui donne à notre vie son sens profond, c’est la communication avec les autres, la compréhension des comportements d’autrui et le fait de manier créativement des matériaux, des situations, et les relations aux personnes. C’est précisément dans ces trois domaines que les personnes atteintes d’autisme ont le plus de difficultés » (Peeters, 2008) 9 Les TED ont en point commun la triade comportementale (CIM-10 et DSM-IV) Source schéma : http://www.participate-autisme.be 10 Notion de trouble neurodéveloppemental Trouble neurodéveloppemental - Développement anormal du système nerveux central. - Moins « outillé » à la naissance pour entrer en interaction avec son environnement physique et social. - Conséquence : développement atypique qui contrecarre sa socialisation, sa vie affective et son adaptation à la société. - S’inscrit sur la durée de vie de la personne (« autisme » et non « autisme infantile ») 11 Notion de trouble neurodéveloppemental Chez les enfants TSA et autres TED, les facteurs développementaux sont affectés : Etiologies multigénétiques et environnementales qui affectent le développement du cerveau D’où : Structure et fonctionnement atypiques du cerveau Des facteurs environnementaux efficaces pour stimuler (motivation) le développement des enfants typiques sont inefficaces ou partiellement efficaces pour les enfants TED 12 Notion de trouble neurodéveloppemental Troubles neurodéveloppementaux affectent différents secteurs du fonctionnement cérébral : Socio-émotionnel Langagier Perceptif Moteur Exécutif → Troubles de la communication, des interactions sociales, adaptation du comportement à l’environnement 13 Changement de regard : du traitement psychiatrique à l’accompagnement psychoéducatif et rééducatif Changement du regard : Si autisme vu comme une maladie mentale Traitement psychiatrique Finalité du traitement : redevenir normal, comme avant Si autisme vu comme un trouble du cerveau Approche éducative et enseignement spécialisé Finalité du traitement : développer au maximum ses capacités sans pour autant dépasser ses limites, le préparer à la vie la plus intégrée possible en milieu ordinaire ou spécialisé (caractère permanent du trouble) 14 Origines supposées de l’autisme Origines multigénétiques prouvées Quelques pistes sur des hypothèses environnementales: certains facteurs anté- et périnataux identifiés (médicament avant ou durant grossesse, infections maternelles, etc.) De nombreuses hypothèses en cours d’étude… 15 Origines supposées de l’autisme Il n’est plus question d’accuser les parents en tant que facteur environnemental étiologique En revanche, la science comportementale démontre que les attitudes de l’environnement social (parents, professionnels, frères et sœurs, pairs) peuvent renforcer ou au contraire faire régresser les symptômes autistiques 16 Epidémiologie Environ 1 naissance sur 150 → 5000 naiss/an France : entre 350 000 et 600 000 pers. avec autisme Finistère (J. Vinçot, Asperanza) : 9600 naissances/an → 60 à 100 naissances/an 4 fois plus de garçons que de filles Se manifeste dès la petite enfance, avant 3 ans 17 TSA – Apprentissage - Plasticité Interventions recommandées par l’ANESM et l’HAS se donnent pour objectif : Un développement de nouvelles conduites notamment de comportements « pivots » La réduction des conduites affectant l’adaptation de la personne : troubles du comportement Pour cela, toutes font appel exclusivement ou non aux théories de l’apprentissage : conditionnement répondant et opérant → Analyse Appliquée du Comportement = ABA Même si elles n’y font pas référence directement, le présupposé est bien celui de la plasticité cérébrale et d’une nécessaire intervention précoce MODELE BIO-PSYCHO-SOCIAL DE L’AUTISME 19 COMPORTEMENT - Cognitions FONCTIONNEMENT CEREBRAL - Émotions ENVIRONNEMENT - Conduites verbales et non verbales - Physique - Social (famille, pairs, collègues, médecins …) RELATIONS CERVEAU – COMPORTEMENT - ENVIRONNEMENT Liberman (2008) Le cerveau influence le comportement Le comportement influence le cerveau et l’environnement L’environnement influence le cerveau et le comportement Son frère le chatouille Impact sur connections, neurotransmetteurs… réseaux neuronaux impliqués dans la prise de plaisir, la communication verbale, etc. Son frère lui parle Son frère dénomme les parties du corps chatouillées = Renforcement positif « donner l’image » Système nerveux central Environnement Comportement Le comportement a plus de chance de réapparaître dans une situation analogue L’enfant tend une image à son frère pour demander des chatouilles Modèle bio-psycho-social, plasticité cérébrale et apprentissage Ce rapport cerveau – comportement – environnement est possible grâce à la plasticité cérébrale Définition de la plasticité cérébrale (Wikipédia.org) « La plasticité neuronale, neuroplasticité ou encore plasticité cérébrale sont des termes génériques qui décrivent les mécanismes par lesquels le cerveau est capable de se modifier lors des processus de neurogenèse dès la phase embryonnaire ou lors d'apprentissage. Elle s’exprime par la capacité du cerveau de créer, défaire ou réorganiser les réseaux de neurones et les connexions de ces neurones. Le cerveau est ainsi qualifié de "plastique" ou de "malléable". Ce phénomène intervient durant le développement embryonnaire, l'enfance, la vie adulte et les conditions pathologiques (lésions et maladies). Il est responsable de la diversité de l'organisation fine du cerveau parmi les individus (l'organisation générale étant, elle, régie par le bagage génétique de l'espèce) et des mécanismes de l'apprentissage et de la mémorisation chez l'enfant et l'adulte. Ainsi, la plasticité neuronale est présente tout au long de la vie, avec un pic d’efficacité pendant le développement suite à l’apprentissage, puis toujours possible mais moins fortement avec l’adulte… ». 24 « …La plasticité neuronale est une des découvertes récentes les plus importantes en neurosciences et montre que le cerveau est un système dynamique, en perpétuelle reconfiguration. Elle est opérante avec l’expérience, dans l’apprentissage par exemple, qui va faire des renforcements de réseaux et de connexions, mais aussi lors de lésions sur le corps ou directement dans le cerveau. » 25 Modèle bio-psycho-social, plasticité cérébrale et apprentissage La plasticité permet au cerveau de se réorganiser en fonction de l’expérience = l’apprentissage Cette réorganisation renforce les connections neuronales sous-tendant les nouveaux comportements ou habiletés cognitives Les nouveaux comportements ou habiletés cognitives se développent parce que des stratégies d’apprentissage sont mises en place et que les corrélats neuronaux sont renforcés → Interrelations cerveau – comportement – Environnement (apprentissage) À partir de ces considérations sur les troubles du développement et sur l'autisme en particulier, nous pouvons conclure que de nombreux aspects du développement sont pratiquement irréversibles dans le cas de l'autisme. Cependant, le cerveau des enfants plus âgés présentant de l'autisme peut effectivement apprendre, mais d'une manière différente et la plupart du temps, d'une façon moins naturelle que le cerveau d'un jeune enfant n'ayant pas d'autisme. Cette donnée plaide pour une intervention très précoce dans le cas de l'autisme. Le programme erroné à l'origine ne peut être réécrit complètement, mais le cerveau a néanmoins la possibilité d'apprendre à traiter les informations. Par ailleurs, il n'existe aucun traitement connu pour les enfants ayant de l'autisme capable de totalement éradiquer l'affection. Le cerveau emprunte très tôt une autre voie et la meilleure chose à faire est de le faire travailler le plus tôt possible afin qu'il ne s'écarte pas trop du développement normal. Ainsi, grâce aux méthodes actuelles, les enfants avec autisme communiquent aujourd'hui plus souvent et mieux qu'il y a quelques décennies. (http://www.participate-autisme.be) 27 SIGNES CLINIQUES 28 Concept de Troubles du Spectre Autistique Troubles du spectre autistique : triade de l’autisme présente mais intensité des troubles +/- importantes Présence des manifestations avant 3 ans Meilleure compréhension du fonctionnement des TED grâce à la psychologie du développement, neuropsychologie et neurosciences La plupart des études réalisées sur des personnes TEDSI (TED Sans déficience Intellectuelle) et SA (Syndrome d’Asperger) 29 CONTINUUM de l’AUTISME NOYAU COMMUN Autisme Typique (1) Altérations qualitatives des interactions sociales réciproques Autisme de Haut Niveau / Syndrome d’Asperger (2) Altérations qualitatives des modalités de communication (3) Limitations majeures du répertoire comportemental Troubles sévères Troubles +/- modérés 30 Altération des interactions sociales réciproques Déficit social et émotionnel qui empêche de développer et d’entretenir des interactions sociales réciproques (d’affection, de partage, de complicité) avec les enfants et les adultes → Difficulté à comprendre et intégrer les règles et codes sociaux, comprendre et exprimer les émotions 31 Personne « autiste typique » Ne répond pas si elle est interpelée, indifférence apparente Pas d’intérêt pour ce que l’autre lui montre (attention conjointe) Initie l’interaction avec l’autre essentiellement pour répondre à un besoin propre Ne cherche pas à impliquer l’autre dans une activité qu’elle aime Isolement, distance sociale N’imite pas les comportements des pairs Ne demande pas d’aide en cas de difficulté Pas ou peu de réaction face aux émotions de l’autre… 32 Personne « autiste de haut niveau » et « syndrome d’Asperger » Ne regarde pas la personne à qui elle s’adresse dans les yeux ou avec qui elle partage une activité Ne s’investit pas dans des activités ou dans la « petite conversation » juste pour faire plaisir ou développer des relations sociales Coupe l’interaction sociale sans prévenir Ne tient pas compte des comportements non verbaux pour ajuster son comportement (disponibilité, ennui, etc.) Semble indifférent aux sentiments ou jugements des autres Mimiques faciales et postures corporelles très limitées voire rigides Applique les règles de façon rigide (délation, intolérance, etc.) Est « trop » honnête : peut blesser sans intentionnalité 33 Altération des interactions sociales réciproques On a pensé qu’ils étaient incapable de… Former des liens d’affection De différentier les personnes connues des étrangers Études sur l’attachement ont démontré que c’était faux… Liens privilégiés avec les parents notamment la mère Si trouble de l’attachement, plus fréquemment chez enfants porteurs d’autisme associé à un retard mental 34 Altération des interactions sociales réciproques Hypothèses actuelles : difficultés majeures à comprendre et gérer l’information complexe nécessaire au développement et maintien des relations humaines Information complexe : qui demande de traiter plusieurs informations simultanément, de les mettre en lien, et, éventuellement, d’aller chercher d’autres informations en mémoire pour que la situation prenne du sens 35 Exemples d’informations complexes 1. Identifier une émotion en contexte : - Prêter attention à la mimique faciale : yeux, bouche, etc. - Prêter attention à la posture du corps - Identifier le ton qu’utilise l’interlocuteur - Identifier le contexte d’apparition : ce qui s’est passé avant, ce qu’il se passe maintenant 2. Jeu Orion 3. Jeu Orion 36 Observations scientifiques : Traitement des visages - Donne importance au bas du visage plutôt qu’au haut où se trouvent les yeux (ou traitement aléatoire du visage) - Donne importance à d’autres indices : chapeau, lunettes, etc. - Difficultés à identifier l’âge d’une personne sur la base du visage - Difficulté à identifier une émotion sur la base des mimiques faciales surtout pour émotions complexes (anxiété, lassitude, gêne, etc.) 37 Observations scientifiques : Traitement de la voix humaine - Difficultés à apparier voix / émotions exprimées - Difficultés à reconnaître voix familières - Difficulté à identifier émotions en fonction de la prosodie grammaticale Observations scientifiques : Perception des mouvements et des gestes - Difficultés à identifier des gestes et attitudes à valence émotionnelle 38 Altération des interactions sociales réciproques Trois grandes hypothèses théoriques pour le traitement des informations complexes : Hypothèse d’une faible cohérence centrale Hypothèse d’un sur-fonctionnement perceptif local : traitement préférentiel et prioritaire des informations perceptives locales au détriment des informations globales Théorie de l’esprit restreinte 39 Altération des interactions sociales réciproques ► Hypothèse de la faible cohérence centrale (Fritz, 1989) Faible cohérence centrale : La cohérence centrale est la capacité à « mettre en relation les éléments disparates de leur environnement et de les interpréter en fonction du contexte dans lequel ils se présentent, afin de leur donner un sens et de s’en servir pour qu’ils les guident dans leur action » (Dumas, 2010) = Les différentes parties forment un tout cohérent auquel on peut donner du sens → Nombreux arguments neurophysiologiques 40 « La petite fille lève son doigt au ciel. » « Il y a des biscuits, un gros paquet de cookies avec des pépites de chocolat. » 41 Film « Rain Man » La scène de l’ascenseur : la fiancée du frère de l’autiste éprouve de la sympathie pour l’autiste. Elle l’embrasse et lui demande « Comment c’était ? » et le héros du film lui répond « Mouillé ». → Il s’en tient à la perception, à l’information perceptive concrète et ne perçoit pas le sens de la situation ni de la question. 42 Altération des interactions sociales réciproques ► Hypothèse d’un sur-fonctionnement perceptif local visuel et auditif (Mottron, 2006) Sur-fonctionnement perceptif local visuel et auditif Face à des stimuli complexes, tendance à traiter en priorité et de façon préférentielle les informations locales (détails) et physiques plutôt que globales Nombreux arguments neurophysiologiques 43 Altération des interactions sociales réciproques ► Hypothèse d’un déficit de la Théorie de l’esprit (Baron-Cohen, Leslie & Fritz, 1985) Théorie de l’esprit : « Capacité à reconnaître et comprendre les pensées, croyances, désirs et intentions des autres personnes afin de donner sens à leur comportement et de prédire ce qu’ils sont sur le point de dire » (Attwood, 2009) « Lecture de l’esprit » « Empathie » 44 Test de fausse croyance de premier ordre Test de compréhension de fausse croyance (Baron-Cohen, Leslie et Frith- 1985) - Enfants typiques : réussite vers 4-5 ans - 80 % autistes échouent : ils basent leur réponse sur ce qu’ils voient 45 Altération des interactions sociales réciproques En conséquence… Les apprentissages qui se font naturellement pour les autres enfants, ne se font pas pour lui → Pas d’imitation des pairs, pas d’intuition sociale, de jeu symbolique (= vecteurs d’apprentissage) Socialisation difficile parce qu’il ne comprend pas les autres et les autres ne le comprennent pas (comportements inadaptés) 46 Et peut y réagir de manière inadaptée par manque de compréhension de la situation 47 48 Altération des modalités de communication Perturbations majeures communication verbale, non verbale Entre 30 % et 50 % sont non verbaux Environ 1/3 langage « fonctionnel » : mots-phrases Moins d’1/3 : langage bien construit, intelligible mais défaut de la pragmatique du langage et autres particularités 49 Personne « Autiste typique » : Peu ou pas d’expression non verbale spontanée : regard, pointage, mimiques faciales, conduites d’approche Peu ou pas de langage verbal Echolalies Langage sans réelle fonction communicative Expression inadaptée des besoins (troubles du comportement) ou instrumentalisation de l’autre… Inversion ou indifférentiation pronoms personnels : « Tu » au lieu de « je » 50 Personne « Autiste de haut niveau » et « Syndrome d’Asperger » : Communication non verbale limitée : posture, mimiques Difficulté à comprendre la communication non verbale et paraverbale des autres : postures, mimiques, ton, prosodie grammaticale Manque de considération de l’interlocuteur : coq à l’âne, persévérations, chacun son tour difficile, non réponse aux questions, etc. Langage concret et littéral : difficultés avec mots abstraits, double signification, expression des sentiments, etc. Difficultés avec le ton et le second degré : ironie, plaisanterie/moquerie, etc. Difficulté à extraire informations pertinentes // non pertinentes Ton monocorde, caractère pédant Certains « hyperlexiques », vocabulaires riches mais pas 51 forcément utilisé à des fins communicatives PROSODIE GRAMMATICALE (Attwood, 2009) Je n’ai pas dit qu’elle a volé mon argent JE n’ai pas dit qu’elle a volé mon argent (mais quelqu’un l’a dit). Je N’AI PAS dit qu’elle a volé mon argent (je ne l’ai vraiment pas dit). Je n’ai pas DIT qu’elle a volé mon argent (mais je l’ai suggéré). Je n’ai pas dit qu’ELLE a volé mon argent (mais quelqu’un me l’a volé). Je n’ai pas dit qu’elle a VOLE mon argent (mais elle a fait quelque chose avec). Je n’ai pas dit qu’elle a volé MON argent (elle a volé l’argent de quelqu’un d’autre). Je n’ai pas dit qu’elle a volé mon ARGENT (elle a volé quelque chose d’autre). 52 53 Christopher (Haddon, 2005) « Je trouve les gens déconcertants. Pour deux raisons essentielles. La première raison essentielle est qu’ils parlent beaucoup sans se servir de mots. Siobhan dit que si on lève un sourcil, ça peut signifier plusieurs choses différentes. Ça peut signifier « J’ai envie d’avoir des relations sexuelles avec toi », mais aussi : « Je trouve que ce que tu viens de dire est complètement idiot. » Siobhan dit aussi que quand on ferme la bouche et qu’on expire bruyamment par le nez, ça peut signifier qu’on est détendu ou qu’on s’ennuie ou qu’on est fâché. Tout dépend de la quantité d’air qui sort de votre nez et de la rapidité avec laquelle il sort, de la forme de votre bouche à ce moment-là, de la manière dont on est assis et de ce qu’on a dit juste avant et de centaines d’autres choses qui sont beaucoup trop compliquées pour qu’on puisse les déchiffrer en quelques secondes. 54 La seconde raison essentielle est que les gens parlent souvent par des métaphores. Voici quelques exemples de métaphores : C’est une bonne pâte Il était la prunelle de ses yeux Avoir un squelette dans le placard Il fait un temps de chien Elle est à la fleur de l’âge « Je trouve qu’on ferait mieux d’appeler ça un mensonge, parce qu’un chien n’a rien à voir avec le temps et que personne n’a de squelette dans son placard. Quand j’essaie de me représenter une de ses expressions dans ma tête, ça ne fait que m’embrouiller parce que imaginer une prunelle dans un œil, ça n’a rien à voir avec aimer beaucoup quelqu’un et alors je ne me souviens plus de ce qu’on était en train de dire. » (pp. 39-40) 55 Peeter, 2008 « Partout dans le monde, les enfants naissent avec une faculté innée et biologiquement programmée qui leur permet – avec un minimum de stimulation – de rajouter du sens à leurs perceptions. Grâce à cette faculté, ils réussissent à sélectionner les sons humains, puis à comprendre la communication humaine et enfin à communiquer d’une manière adéquate. Cette même faculté leur permet également de comprendre le comportement humain et ensuite de bien se comporter sur le plan social d’après l’exemple qu’ils ont vu. C’est précisément cette faculté innée et biologiquement programmée qui est perturbée chez les personnes atteintes d’autisme. Cette faculté n’est pas absente, elle est perturbée.» 56 Limitation du répertoire comportemental: Activité et intérêt restreints Stéréotypies : balancements, frottements, jeux avec les lumières, marche sur la pointe des pieds, flapping, etc. Activités et intérêts restreints souvent répétitifs, rigides et sans but fonctionnel apparent Association +++ au retard mental 57 Jeunes enfants : Intérêt pour des objets inhabituels, aux détails des objets (roues des petites voitures, symétrie des rails de trains…) Utilisation inhabituelle, stéréotypée, peu imaginative Rituels (faire tourner les roues des voitures), collections… Pas de jeux de faire semblant avec les objets ou les autres enfants Enfants plus âgés, adolescents, adultes : Préoccupations, mémorisation pour les dates, les chiffres, les lettres, les mots, thèmes obsessionnels (dinosaures, informatique, etc.) Pas d’utilisation fonctionnelle ou sociale sauf dans de 58 rares cas 59 Limitation du répertoire comportemental: Activité et intérêt restreints Sans but fonctionnel « apparent » pour nous mais fonctionnel pour eux : Stéréotypies liées aux hypersensibilités sensorielles : fonction d’autostimulation → Méthodes comportementales permettent de les ouvrir à d’autres sources de stimulations plus adaptées socialement → Les stéréotypies régressent Stéréotypies liées aux émotions + ou - : fonction d’autorégulation → Méthodes comportementales aident à développer la communication et des formes plus adaptées d’autorégulation → Les stéréotypies régressent 60 Limitation du répertoire comportemental: Activité et intérêt restreints Tendance à chercher des repères et de la stabilité Nombreux rituels : moment du coucher, repas, chemin pour aller à l’école… Nécessité de ne pas changer l’environnement familier Intolérance aux changements : troubles du comportement, manifestations émotionnelles fortes et démesurées 61 62 Limitation du répertoire comportemental: Activité et intérêt restreints Peeters (2006) : Besoin de repères peut venir de leur difficulté à faire des liens logiques, de cooccurrence ou spatiaux entre les situations, les évènements, les objets → Déficit de la cohérence centrale et focalisation sur les informations perceptives locales → Impression de hasard anxiogène est alors réduite 63 Troubles sensoriels Organes sensoriels normaux mais fonctionnement anormal Modulation allant de la sur-stimulation à la sous-stimulation Changements imprévisibles Différences interindividuelles +++ 64 Exemples, peut ne pas supporter : - Le contact avec certaines matières, certains tissus - Les cris, le bruit de l’aspirateur, le bruit de la VMC… - Certaines couleurs - Le désordre, l’asymétrie - Des odeurs comme certains parfums - Certaines textures de nourriture… Exemples, peut adorer : - Les reflets : Exposition Luna « The moon girl » - Certains sons - L’alignement des lettres sur le papier - Les effets provoqués par des gestes répétitifs (proprioception, etc.)… 65 Troubles sensoriels Peu de documentation, recherches en cours… Sont souvent liés aux stéréotypies → Comportements répétés pour obtenir les sensations agréables Peuvent provoquer des troubles du comportement → Sensations évitées Peuvent avoir un impact important sur les relations sociales : Evitement des contacts, de certains bruits d’origine humaine Comportements inadaptés socialement, suscitent le rejet 66 Fonctionnement cognitif particulier ► La question du niveau intellectuel Pendant longtemps on a dit : 50 à 75% personnes TSA sont aussi déficientes intellectuelles Aujourd’hui plutôt estimé à 35 à 50% : Outils classiques d’évaluation de l’efficience intellectuelle inappropriés au TSA Profil très hétérogène : le QI n’a pas de sens Les autres personnes : QI normal ou supérieur à la moyenne Pour beaucoup « Ilots d’aptitudes » 67 Peeters (2008) : «…ils ont une intelligence respectable mais n’arrive pas à l’exploiter dans la vie quotidienne. C’est dans ce sens que nous pouvons affirmer qu’ils sont handicapés sur le plan social. « Karel est en première année d’histoire. Il s’est toujours passionné pour la généalogie. Il connaît par cœur des livres entiers. Ses camarades en sont époustouflés, mais ils ne savent pas vraiment où le « situer » : il a une telle mémoire et en même temps il a l’air tellement désarmé. Karel est un adulte prodige, mais l’avez-vous déjà vu commander un sandwich ? Il n’aime pas le beurre et, au lieu de commander un sandwich sans beurre, il commande n’importe quoi. Et si on lui donne un sandwich avec du beurre, il le paie et, une fois dehors, il le jette dans la première poubelle venue. Il n’a pas appris qu’on pouvait demander un sandwich « sans beurre » ». 68 Fonctionnement cognitif particulier ► Traitement perceptif préférentiel des informations locales visuelles et auditives Tendance à traiter préférentiellement et en priorité les informations locales d’un ensemble complexe non social (// forme globale) en visuel et auditif Attesté par données issues de l’imagerie cérébrale 69 Leur point fort : le repérage du détail visuel et auditif Puzzles Détection de modifications subtiles de notes musicales Recherche d’objets cachés 70 Fonctionnement cognitif particulier ► Déficit des fonctions exécutives Fonctions exécutives : série de processus supérieurs mis en jeu lors d’actions dirigées vers un but : Prise d’initiative Planification des actions Inhibition d’actions non pertinentes Flexibilité cognitive et motrice entre sous-buts 71 Fonctionnement cognitif particulier ► Déficit des fonctions exécutives Troubles des fonctions exécutives peut expliquer en partie: Défaut d’initiative (certaines personnes) Persévérations et stéréotypies Difficultés de généralisation des apprentissages Difficultés d’organisation dans le quotidien et dans le travail scolaire et professionnel Pauvreté du jeu (stéréotypé, peu d’imagination) 72 REPERCUSSIONS DES TSA SUR LA QUALITE DE VIE 73 Répercussions des TSA sur la qualité de vie Fonctionnement cognitif, social et symptômes associés rendent difficile l’intégration sociale, scolaire et professionnelle Difficulté à comprendre règles et codes sociaux Difficultés // autonomie du quotidien, scolaire, au travail Apprentissages nécessitent souvent + de répétitions Relations aux autres = souffrance Naïveté // intention des autres, notion d’amitié… Victimes de moqueries, brutalité Nombreuses situations évitées car anxiogènes Répercussions sur la vie de famille : fratrie, parents 74 Répercussions des TSA sur la qualité de vie Peu de motivation à l’intégration sociale : Initialement : relations humaines trop difficiles à comprendre (« épuisement ») Puis : échecs, souffrance anxiété, découragement 75 Établit difficilement des contacts avec autrui à l’école et au travail. A bien peu de chance de rencontrer un(e) partenaire. Nombreux à souffrir de l’isolement et le rejet. 76 En conclusion… Un mode de fonctionnement différent… Une approche psychoéducative et rééducative nécessaire… 1. L’aider à donner du sens à son environnement social et matériel : orienter son attention sur des informations pertinentes de l’environnement, les intégrer, les mettre en lien et en tenir compte 2. Lui apprendre les comportements adaptés : en situations artificielles puis naturelles, par apprentissages structurés, incidents et par imitation 3. L’aider à développer de nouveaux intérêts qui lui donneront accès à des expériences plus riches et diversifiées, sociales et non sociales 4. Lui apprendre à communiquer : communication verbale ou non verbale 77 Citation de Jim Sinclair (Peeters, 2008) « J’ai besoin d’un manuel d’orientation comme si j’étais un extraterrestre. Etre atteint d’autisme ne signifie pas être inhumain, mais plutôt étranger. Ce qui est normal pour les autres ne l’est pas pour moi, et ce qui est normal pour moi ne l’est pas pour les autres. En un certain sens, je ne suis pas armé pour vivre dans ce monde… Mais je suis une personne à part entière. Avouez-le… nous sommes des étrangers les uns pour les autres et ma manière d’être n’est pas une version dégénérée de la vôtre. Remettez-vous en question. Travaillons ensemble afin de bâtir un pont entre vous et moi. » 78