Baie-Mahault1

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE BASSE-TERRE
REPUBLIQUE FRANÇAISE
N°1200674
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
SOCIETE UTEK-TP
__________
Ordonnance du 25 juillet 2012
___________
Le Tribunal administratif de Basse-Terre,
La présidente, juge des référés,
Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour la SOCIETE UTEK-TP,
dont le siège est Zac de Dorville à Baie-Mahault (97122), par Me B... ; la SOCIETE UTEK-TP
demande au juge des référés précontractuels :
1°) d’annuler la procédure de passation du marché de signalisation verticale engagée par
la commune de Baie-Mahault en février 2012 ;
2°) d’enjoindre à la commune de Baie-Mahault de reprendre l’intégralité de la
procédure de passation ;
3°) de mettre à sa charge une somme de 1.500 euros au titre de l’article L.761-1 du code
de justice administrative ;
la SOCIETE UTEK-TP soutient que : après que les entreprises aient présenté une offre,
la commune les a invitées à négocier entre leur imposant l’alignement de leurs cinq premiers prix
sur ceux de la société tropic travaux signalisation ; cette pratique constitue un manquement aux
règles de mise en concurrence ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2012, présenté pour la commune de
Baie-Mahault qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société
requérante une somme de 5.000 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice
administrative ; la commune soutient que : elle a fait publier un avis d’appel à la concurrence
pour la passation d’un marché en procédure adaptée ; le règlement de consultation énonçait
clairement les critères de sélection, et précisait que le pouvoir adjudicateur procéderait à des
négociations et que « les éléments sur lesquels la négociation est envisagée seront communiqués
dans les mêmes termes à tous les candidats. Celle-ci pourra se faire par fax, mail ou courrier et
par un éventuel entretien. Le délai de réponse pourra être court. » ; l’offre de la requérante, ainsi
que celle de deux autres entreprises a été jugée recevable et la commune les a informées le 17
avril 2012 qu’elles devaient remettre une meilleure offre avant le 20 avril à 12 heures ; le 19
avril au matin, elle leur a transmis le bordereau de prix unitaires et le devis quantitatif
comportant les éléments de la négociation ; les trois entreprises ont présenté leur offre dans le
délai imparti, mais la société UTEK TP, classée 2ème, n’a pas été choisie ; elle ne démontre pas
que le manquement qu’elle invoque soit susceptible de l’avoir lésée ; les prix figurant au
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bordereau de prix unitaires n’étaient pas des prix imposés mais des éléments de la négociation
donnés à titre indicatif ; ils ont été transmis à l’ensemble des soumissionnaires ; la requérante ne
démontre pas que l’information figurant sur le devis quantitatif estimatif ait eu une influence
déterminante sur le rejet de sa seconde offre ; sa première offre était moins onéreuse, ce qui
prouve sa mauvaise foi ; les autres entreprises ont réduit leur prix sur les 5 premières rubriques ;
seule la SOCIETE UTEK TP les a rehaussés ; le principe d’égalité a été respecté ; le juge des
référés ne peut enjoindre à la commune de reprendre la procédure puisqu’elle peut y renoncer ;
Vu les observations enregistrées le 19 juillet 2012, présentées par la société Xeria qui
déclare ne pas souhaiter intervenir à l’instance ;
Vu les pièces jointes à la requête ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l’audience ;
Après avoir entendu à l’audience publique du 25 juillet 2012, MmeA..., en son rapport,
MeB..., représentant la SOCIETE UTEK TP et MeC..., représentant la commune de BaieMahault, en leurs observations ;
1- Considérant que la SOCIETE UTEK TP, dont l’offre a été rejetée dans le cadre de la
procédure de passation du marché de signalisation verticale de la commune de Baie-Mahault,
demande l’annulation de la procédure de passation de ce marché, attribué à la société Xeria ;
2- Considérant qu’aux termes des articles L.551-1, L.551-2 et L.551-10 du code de
justice administrative :
Article L.551-1 : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue,
peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence
auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs
ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services,
avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la
délégation d'un service public. /Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. » ;
Article L.551-2 : « Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à
ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du
contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et
notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient
l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la
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passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat
et qui méconnaissent lesdites obligations. » ;
Article L.551-10 : « Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles
L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles
d'être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas où le
contrat doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (…) »
3- Considérant qu’en vertu des dispositions précitées de l’article L. 551-10 du code de
justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du
pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles
susceptibles d’être lésées par de tels manquements ; qu’il appartient dès lors au juge des référés
précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu
égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de
l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise
concurrente ;
4- Considérant qu’il résulte de l’instruction que la commune de Baie-Mahault a lancé en
février 2012 un marché en procédure adaptée, dont le règlement prévoyait la faculté de négocier
après remise des offres, pour la fourniture et l’installation de panneaux de signalisation
verticale ; que trois des candidats ont été informés le 17 avril 2012 de la recevabilité de leur offre
et de ce que le pouvoir adjudicateur, dans le cadre de son pouvoir de négociation, les invitait à
déposer une meilleur offre avant le 20 avril à midi ; que le 19 avril au matin, l’ensemble des
candidats participant à la négociation a reçu un courriel leur indiquant que « lors de l’envoi du 17
avril dernier, il a été omis de vous transmettre certains éléments de la négociation ; en
l’occurrence, le BPU et ou DQE » ; qu’était joint à ce message un devis quantitatif estimatif
indiquant les quantités à fournir pour 36 produits, avec mention du prix unitaire proposé par la
société tropic travaux signalisation pour les 5 premières rubriques ; que la SOCIETE UTEK TP a
donc renseigné ce nouveau document, en y laissant pour les 5 premiers produits les prix déjà
mentionnés, et en maintenant ses prix antérieurs pour les 26 autres ; que compte tenu de ce que
les 5 premiers prix unitaires étaient supérieurs à ceux qu’elle avait proposés initialement, le
montant global du DQE correspondant à sa deuxième offre portait sur une somme supérieure à
celle de son offre initiale ; que les autres concurrents ayant, en revanche, modifié leurs prix, y
compris ceux des 5 premières rubriques, l’offre de la société Xeria a été retenue comme étant la
plus avantageuse ;
5- Considérant que l’indication de prix unitaires sur le DQE fourni par la commune,
sans précision de la raison pour laquelle ces prix apparaissaient, et qui pouvait être interprétée
soit dans le sens de prix imposés, soit dans celui de prix à négocier, était de nature à induire les
candidats en erreur sur la demande du pouvoir adjudicateur et constitue un manquement de ce
dernier aux règles de publicité et de mise en concurrence sanctionnées par l’article L.551-1 du
code de justice administrative ; que la circonstance que la SOCIETE UTEK TP ait été la seule à
se méprendre sur la valeur de ces indications est sans incidence sur la solution du litige dès lors
que ses chances de succès ont été compromises par l’erreur d’interprétation qu’elle a commise et
que cette erreur a été rendue possible par l’imprécision du courriel que lui a adressé la
commune ; que cette méconnaissance n’ayant porté que sur les actes postérieurs à l’engagement
de la phase de négociation, il y a lieu d’annuler les décisions de la commune de Baie-Mahault se
rapportant à cette phase de la procédure de passation, à savoir, les décisions de rejet des offres
des sociétés tropic travaux signalisation et UTEK TP, et la décision d’attribution du marché à la
société Xeria ;
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6- Considérant que la présente ordonnance implique nécessairement que la commune de
Baie-Mahault, si elle souhaite passer le marché de signalisation verticale, reprenne la procédure
de passation engagée au stade de la négociation avec les trois entreprises mentionnées ci-dessus ;
qu’il y a donc lieu, en application de l’article L.911-1 du code de justice administrative,
d’enjoindre à la commune de Baie-Mahault de reprendre la procédure à ce stade, sous réserve
qu’elle ne décide pas de renoncer purement et simplement à la procédure ;
7- Considérant, enfin, que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice
administrative font obstacle à ce que la SOCIETE UTEK TP, qui ne constitue pas, dans la
présente instance, la partie perdante, verse à la commune de Baie-Mahault la somme que sollicite
cette dernière au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en
revanche, de mettre à la charge de la commune de Baie-Mahault une somme de 1.500 euros en
application de cet article ;
ORDONNE
Article 1er : Les décisions de rejet des offres des sociétés tropic travaux signalisation et
UTEK TP et la décision d’attribution du marché de signalisation verticale à la société Xeria sont
annulées.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Baie-Mahault, sauf si elle souhaite mettre un
terme à la procédure, de reprendre la procédure de passation du marché de signalisation verticale
au stade de la négociation avec les trois entreprises initialement sélectionnées.
Article 3 : La commune de Baie-Mahault versera à la SOCIETE UTEK TP une somme
de 1.500 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de
Baie-Mahault tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont
également rejetés.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE UTEK-TP, à la
commune de Baie-Mahault et à la société Xeria.
La présidente,
La greffière,
S. FAVIER
L. LUBINO
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous huissiers de
justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution
de la présente décision.
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