groupe polyhandicap france

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6 JUIN 2013
AUPRES DES PERSONNES POLYHANDICAPEES
AIDANTS FAMILIAUX ET PROFESSIONNELS
ACCOMPAGNER, ANTICIPER,
L’EVOLUTION DES PRATIQUES
GROUPE
POLYHANDICAP
FRANCE
11 bis, rue Théodore de Banville
75017 PARIS
PALAIS DE L’UNESCO – PARIS
1
SOMMAIRE
Ouverture de la journée
p:4
Monique RONGIERES, Présidente G.P.F.
Les aidants : évolution des politiques sociales ou résurgence
des sociétés traditionnelles
p:5
Philippe GAUDON, Vice-Président Délégué G.P.F.,
Conseil en organisations sanitaires et sociales
Les aidants familiaux : qui sont-ils ?
p : 10
Dr Lucile GEORGES-JANET, Administrateur G.P.F.
Les aidants professionnels et les services à la personne
p : 14
Céline LOUVET, Directrice du Pôle adultes A.P.F.
Aidants familiaux, aidants professionnels, institutions : transmissions,
échanges et interactions auprès des personnes polyhandicapées
Un exemple de transmission : l’éducation thérapeutique
(modalités et limites auprès des personnes polyhandicapées)
p : 17
Pr Thierry BILLETTE DE VILLEMEUR, Chef de service neuropédiatrie,
Pathologie du développement, Hôpital Trousseau, Polyhandicap
Echange avec la salle
p : 20
Complémentarité des rôles et des fonctions
Marie-Thérèse CASTAING, Service de soins à domicile
p : 24
Christophe LEPAGE, kinésithérapeute C.E.S.A.P.
p : 30
TEMOIGNAGES :
-
Marie-Christine TEZENAS DU MONTCEL, parent
Samira LAHMER, Auxiliaire de vie Sociale
Echange avec la salle
p : 36
p : 42
p : 44
2
Intervention de M. VOISIN, Directeur MDPH PARIS
p : 47
Echange avec la salle
p : 49
LA RELATION D’AIDE
p : 51
Michel BILLE, sociologue
Enjeux interpersonnels dans la relation d’aide
Technicité, aide et attachement
La relation d’aide entre empathie et contrôle ?
p : 59
Michel BELOT, psychologue M.A.S. de Lannemezan (65)
Les risques d’épuisement chez les aidants familiaux
et professionnels
p : 65
Elisabeth ZUCMAN, Présidente d’Honneur G.P.F.
Mettre en œuvre les relais et les pauses
-
Sylvie GUYOT,
p : 68
Directrice Pôle Enfance Héricourt (ADAPEI 70)
-
Nadège CHOPLAIN,
p : 71
Responsable de service, La Vie à Domicile, HANDI-REPIT
Echange avec la salle
p : 75
Conclusion
p : 79
Avec le soutien de
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OUVERTURE DE LA JOURNEE
Monique RONGIERES, Présidente G.P.F.
Bonjour à tous et à toutes et bienvenue pour cette journée.
Votre fidélité à ces journées est le témoignage de l’intérêt que vous
portez aux thèmes abordés par nos orateurs que je remercie à nouveau
pour leur présence parmi nous.
Cette journée sera l’occasion d’une réflexion partagée sur la situation des
aidants et, à partir d’analyses des témoignages, de poser les principes et
conditions optimales pour assurer le développement de projets consentis
et coordonnés entre l’ensemble des acteurs familiaux et professionnels.
Bonne journée à tous !
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LES AIDANTS FAMILLIAUX :
« EVOLUTION DES POLITIQUES SOCIALES OU
RESURGENCE DES SOCIETES TRADITIONNELLES ? »
Philipe GAUDON, Vice-Président du G.P.F.,
Conseil en organisations sanitaires et sociales
Madame le Présidente, chères familles, chers collègues,
Je tiens tout d’abord à remercier le Conseil d’administration du G.P.F. de m’avoir confié,
cette fois encore, l’honneur et la responsabilité de l’introduction de cette 20ème journée
d’étude du Groupe Polyhandicap France, traduction de sa vitalité et de l’intensité des
enjeux que le seul temps ne parvient à résoudre.
Vous l’aurez observé, le thème retenu cette année « Les aidants familiaux », n’a pas
recueilli le succès populaire que les précédentes éditions de ce rendez-vous annuel de
l’UNESCO.
Nous avons d’ailleurs longuement hésité avant d’arrêter ce choix, conscients que notre
public professionnel est davantage appétant des questions « cliniques » ou davantage
« institutionnelles ».
Mais un des principes fondateurs de notre Groupe est précisément d’appréhender le
polyhandicap dans l’ensemble de ses composantes et de ses conséquences dans les
sphères sociales, santé, familles, éthique…
Une composante familiale, très souvent évoquée à travers d’émouvants témoignages ou
de travaux de recherches (fratrie – R. SCELLES), mais jamais spécifiquement étudiée et
écoutée…
Occasion de vous livrer un premier « clin d’œil » :
J’ai souvent été surpris du manque de succès de fréquentation des journées de
formation proposées aux aidants familiaux.
Un jour, l’un d’entre eux m’a fourni la réponse :
« Vous savez, nous parents, nos enfants, nous les connaissons mieux que
quiconque… Alors, quitte à disposer d’une journée, autant tenter d’en profiter
égoïstement pour nous, pour d’autres activités… soyez compréhensifs… ».
Leçon d’humilité…
Les « aidants familiaux » sont désormais au cœur de l’actualité. C’est le plus souvent
dans les champs de la gérontologie, des démences avancées, et des conséquences de la
socio démographie et de la charge des conjoints que la question est abordée. Les
recherches bibliographiques en témoignent.
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Signe, qu’une fois encore, les questions sociologiques et épidémiologiques font « bouger
les lignes » et imposent une adaptation des politiques publiques sanitaires et sociales et
des formes de solidarité.
A cet égard, vous aurez sans doute noté le petit « trait d’ironie » dans le titre de mon
introduction.
Occasion d’un second « clin d’œil » :
La question est en effet de savoir si nous ne sommes pas ici confrontés à un phénomène
universel, éternel des sociétés dites « traditionnelles », par opposition à nos sociétés
dites modernes et contemporaines…, la seule différence étant cette terminologie
« d’aidant familial » ou de « carers » propre à notre occident.
Pour illustrer cette première idée, je citerai l’auteur
Suédois Henning MANKEL :
« …Quand nous avons fait voler en éclats la vieille
société, nous avons oublié de la remplacer par autre
chose. Nous ignorions que nous aurions à en payer le
prix : Une grande solitude… ou peut-être avons-nous
voulu l’ignorer… »
(Le guerrier solitaire).
Les 3 âges de la Vie
Gustav Klimt - 1905
Notre cher ami Henri-Jacques STIKER, dans son ouvrage « La métamorphose du
handicap de 1970 à nos jours – PUG », nous rappelle d’ailleurs ce mouvement européen
qui soulève la racine de la question du « tout institutionnel », forme de démission… et du
« tout familial », symbole de protection et de « symbiose prolongée », sur fond
d’ambivalence.
Enfin, troisième clin d’œil, et pour ne pas s’imaginer que les sociétés traditionnelles se
situent nécessairement au plus profond de l’Amazonie ou autre lieu « exotique », je
citerai un témoignage lozérien (vous connaissez mon attachement à ce territoire,
berceau de l’accueil des personnes handicapées) :
Une de mes collaboratrices, âgée d’environ 35 ans me décrivait comment, dès l’âge de
11 ans, elle s’était vue confier le rôle de « tierce personne » de sa grand-mère
dépendante, et ce dans les aspects les plus intimes du quotidien.
« C’était ainsi, c’était normal, pas question de remettre en cause quoi que ce
soit de cet ordre établi… ».
Une vue d'ailleurs pour partie héritée du dix-neuvième siècle, sous le terme de
"familialisme" (Maurice de SIGERANNE) :
"C'est en effet par les soins naturels que l'esprit de famille se conserve, que les liens
naturels se resserrent, que la bonté se cultive, que les moeurs se perfectionnent…"
(Fernand CHAROY « L'assistance aux vieillards, infirmes et misérables en France »).
Certes, depuis les situations ont évoluées, des mouvements associatifs se sont créés, les
familles sont davantage éclatées, les femmes travaillent au dehors du domicile et les
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questions propres au statut de droit, des ressources, de la compensation des préjudices
sont apparues dans les agendas politiques (de nombreuses questions parlementaires en
témoignent)
Nous disposons désormais de définitions « légales « des aidants familiaux, qui ne
constituent pas pour autant un statut :
•
CASF R245-7 « Est considéré comme aidant familial pour l’application de l’article
L. 245-12, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle le bénéficiaire a
conclu un PACS, l’ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au 4ème degré de
l’autre membre du couple qui apporte l’aide humaine définie en application des
dispositions de l’article L. 245-3 et qui n’est pas salarié pour cette aide ».
•
Le CSP (L1111-6-1) traite également de la notion « d’aidant naturel », dans les
circonstances d’empêchement par la personne en perte d’autonomie de se
prodiguer elle-même les soins requis.
Les conditions de formation de ces aidants sont précisées par décret. (Actes
médicaux ou infirmiers, enjeu de responsabilité des actes prodigués,…)
Au plan des chiffres, la plus grande confusion règne selon les sources (Européennes ;
enquête HID,…) et la conception même du rôle et de l’engagement de l’aidant familial.
En référence au rapport d’activités de la CNSA 2011 :
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8,3 millions de personnes de plus de 16 ans sont concernées
57% de femmes
13% de parents dont 12% de mères
47% entre 50 et 74 ans
23% bénéficient de l’aide complémentaire de professionnels
36% constatent un impact négatif sur leur vie professionnelle
Photo extraite du film d’Eric Tolédano
et Eric Nakache - INTOUCHABLES - 2011
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La CNSA a d’ailleurs préconisé 21 actions dédiées aux aidants notamment en termes de
formations, soutiens, répit…
Ces éléments étant posés, de quelles données complémentaires, plus « qualitatives »,
disposons-nous pour analyser la problématique, le positionnement, le vécu de l’aidant
familial ?
Parmi les éléments bibliographiques, à caractère socio-démographique, l’étude réalisée
par la CRAM Rhône-Alpes en 2003 nous apporte des éléments intéressants :
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Le choix de l’aidant repose sur la disponibilité et la relation privilégiée
Le devoir familial est vécu comme « allant de soi »
L’amour de la personne aidée est avancé comme un puissant déterminant
Les aidants conçoivent des stratégies originales d’adaptation aux situations
(confort, sécurité…)
L’intervention conjointe de professionnels pose des problèmes d’organisation, de
confiance, de coordination. Ce n’est pas spontanément vécu comme une aide.
A terme, cette coopération est perçue comme sécurisante, comme un soutien et
une reconnaissance sociale de l’aidant
La vie de l’aidant est gérée par l’aidé, rythmé par ses besoins
Le rôle d’aidant obture l’avenir, la projection de soi dans un futur autre…
Les aidants sont convaincus de faire de leur mieux et convaincus de leur utilité
La reconnaissance exprimée par l’aidé est vécue par l’aidant comme un don
L’aidant subit une grande restriction de son espace physique et social
(compensation ?)
Les formations doivent être proposées le plus vite possible aux aidants, elles ne
modifient pas le cours des choses mais confortent la confiance
J’ai extrait de cette étude, essentiellement conduite dans le domaine des personnes
âgées les éléments qui paraissent les plus « transférables » aux aidants des personnes
en situation de polyhandicap et dépendance extrême.
Il nous appartiendra, tout au long de cette journée, de différencier les éléments
spécifiques au polyhandicap de ce qui peut apparaitre comme « transverse » dans la
vision de convergence des politiques sociales PA–PH.
Parmi celles-ci, je rappellerai en référence au titre du film de Luc ESPIE « Les êtres
humains naissent dépendants » que les personnes polyhandicapées, elles, le demeurent
à perpétuité et, par chance, de plus en plus longtemps, désormais au-delà même de
l’espérance de vie de leurs parents.
Cela est notoirement dû au talent de ces « carers » familiaux et des soins prodigués.
Cette évidence soulève bien entendu la question de l’inflexion du projet de vie de l’aidant
familial, de ses ambitions sociales, professionnelles, culturelles, amoureuses… de tous
ces renoncements…
Elle pose également celle de cet enjeu de responsabilité, de la « priorité » qu’il faut bien
distinguer de la culpabilité trop souvent invoquée.
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Ces autres trajectoires de vies infléchies appellent-elles, au plan du droit, l’application du
même principe de compensation non discriminatoire qui préside aujourd’hui à l’analyse
des situations de handicap, comme effet « collatéral » ?
« L’usure », l’épreuve psychique et physique, les fameux TMS reconnus chez les
professionnels, ne doivent-ils pas être invoqués, même si nous sommes bien conscients
des difficultés de mesure prospective de ces avenirs brisés.
Nous savons que l’essentiel des actes de maltraitance à domicile sont liés à des
situations d’épuisement.
La très officielle COFACE s’inspire de ces observations dans sa « Charte Européenne de
l’aidant familial » par 10 propositions fondées sur ce même principe de l’égalité des
droits et des chances (16 mars 2009).
Quant au coût de cette situation, selon les critères d’appréciation, les interventions et
apports parlementaires… il pourrait représenter entre 30 milliards d’euros et 150
milliards… (Appel Guinchard ; Guerin ; Tavoillot ; Calvat ; Dupré).
Il appartiendra à nos intervenants d’éclairer ces questions de leur expérience…
A titre de conclusion, je ne peux pas ne pas évoquer ce qui fait lien au GPF, entre
l’action des parents, des aidants et des professionnels.
Quelles complémentarités des savoirs, quelles transmissions, quelles fonctions de
« tiers », quelle préservation de l’intimité de la cellule familiale… ?
Les routes se rejoignent précisément là !
Dernier « clin d’œil », sous forme d’interrogation :
Et si une bonne partie de ces questions étaient résumées dans le titre du film récent de
M. HANECKE, mettant en scène une formidable Emmanuelle RIVA et un aidant familial
interprété par Jean-Louis TRINTIGNANT…
Souvenons-nous de ce titre…
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AIDANTS FAMILIAUX : QUI SONT-ILS ?
Dr Lucile GEORGES-JANET, Administrateur G.P.F.
Pour appréhender cette question, nous pouvons nous aider d’un certain nombre d’études
qui proviennent soit des familles, elles-mêmes interrogées par diverses méthodes, soit
des professionnels qui interviennent à domicile, les enquêtes portent alors à la fois sur la
réalité pratique du travail et sur le regard porté par ces intervenants sur les situations
rencontrées. Quelques-unes de ces études seront brièvement analysées dans la suite de
ce travail.
Disons, cependant, que la plupart des études publiées concernent l’aide apportée à des
personne âgées ou handicapées, du fait de l’âge, et que l’aide spécifique aux personnes
handicapées ne fait pas souvent l’objet d’études à part, les personnes polyhandicapées
étant elles-mêmes encore plus rarement isolées de ces grandes études.
Mais, nous disposons aussi de notre propre expérience de parents, de frères et soeurs,
de grands-parents ou d’autres proches. Et nous observons alors, qu’en tant que parent
d’un enfant ou adolescent polyhandicapé, nous nous vivons d’abord comme parent - bien
sûr parent de cet enfant exceptionnel - mais parent « normal » de cet enfant particulier
et « exceptionnel », cela exprime le fait qu’il s’agit d’un être en développement auquel
l’entourage apporte soin et stimulation dans une perspective dynamique et un très fort
sentiment de responsabilité.
Le concept d’aidant, dont la perspective est plus statique, ne peut apparaître que très
progressivement et il est, pendant longtemps, peu présent dans l’esprit des familles, lié
à la lourdeur des tâches matérielles, à l’absence d’autonomie pratique, au souci de
l’avenir aussi pour cet adolescent. Parent soignant, éducateur, organisateur et aidant, et
hautement responsable, il reste toujours parent. Cependant, une décision lourde fait
évoluer rapidement le parent vers une autre perspective où la fonction d’aidant devient
prégnante, c’est le cas où il devient nécessaire de renoncer totalement ou partiellement
à son activité professionnelle, éventualité qui matérialise fortement les bouleversements
apportés dans la famille.
Tout au long de ce parcours interviennent d’autres aidants, en premier lieu les
professionnels de diverses techniques, dont le rôle est essentiel pour le développement
de cet enfant, mais par nature fragmenté, mais aussi d’autres acteurs : famille élargie,
assistantes maternelles, amis, voisins, dont le rôle est ponctuel et très variable suivant
les cas, mais parfois très précieux dans certaines périodes. Ces « intermittents » dans la
vie de l’enfant et de l’adolescent polyhandicapé ont toute leur valeur de relais et
d’intermédiaires dans le contact avec le monde extérieur ; ils sont parfois appelés
« aidants familiers ».
Ceci amène à donner plus précisément la définition actuelle de l’aidant familial, selon la
COFACE (Confédération des Organisations familiales de l’Union Européenne) : personne
non professionnelle, qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une
personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Cette
aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non, et peut prendre
plusieurs formes, notamment : nursing, soins, accompagnement à l’éducation et à la vie
sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien
psychologique, communication, activités domestiques, etc.
10
Il est évident que les multiples tâches de ces parents normaux d’enfants exceptionnels
sont ici parfaitement évoquées ; on peut analyser brièvement quelques articles de cette
Charte.
L’article 2 de cette charte ne s’applique pas dans le cas des parents de la personne
polyhandicapée, puisqu’on relève que « la personne en situation de handicap ou de
dépendance doit avoir à tout moment la possibilité de choisir son aidant non
professionnel dans sa famille ou dans son entourage ». On ne choisit pas ses parents,
aidants naturels dans la plupart des cas, et tout au moins avant la majorité. Au-delà,
« si la personne n’est pas à même d’exprimer son choix, tout doit être fait pour que sa
volonté soit respectée ».
Même observation concernant la réciproque : « l’aidant familial doit pouvoir choisir
d’accomplir son rôle à temps plein ou à temps partiel en conciliant éventuellement son
rôle avec une activité professionnelle » ; ici pour les parents il n’y a évidemment pas de
choix réel, mais des obligations et des contraintes extérieures fortes, et pour une
grande majorité une volonté réfléchie d’exercer cette fonction, et elle ne sera remise en
cause qu’en cas de crise ou de difficulté majeure.
Autre observation à propos du rôle des parents aidants (non pas l’un ou l’autre, mais
bien toujours l’un et l’autre) : leur rôle est par nature polyvalent mais à l’égard d’une
seule personne (à la différence des aidants professionnels). Il est centré sur la vie
quotidienne, l’éducation, l’animation, mais aussi, pour les personnes fragiles dont nous
parlons, très impliqué dans le soin qui est souvent très technique et instrumental ;
alimentation adaptée, éventuellement régimes contraignants pour des problèmes
métaboliques ou dans certaines épilepsies : traitements et évaluation des épilepsies
graves pour lesquelles le médecin ne peut se passer de l’observation de l’entourage ;
soins de trachéotomie, aspirations et gestes de désencombrement respiratoire.
L’éducation thérapeutique, dont il sera parlé plus loin, est essentielle, mais engage
actuellement de façon forte les familles et les soignants.
Enfin la particularité évidente du rôle de l’aidant familial est qu’il s’inscrit non seulement
dans chaque jour de la semaine ou de l’année, mais aussi dans la longue durée. Cette
continuité peut varier sur le temps en ce qui concerne les modalités de soin et de
contraintes, elle nécessite de constantes adaptations, elle est ponctuée de crises et de
périodes plus calmes, avec en arrière fond toujours le souci de l’avenir, de risquer de ne
plus faire face, de disparaître. La question si importante des relais est posée. Il s’agit
toujours de chercher un équilibre ; aidant, certes, mais parent, parent d’autres enfants,
engagé par ailleurs dans une profession, un entourage, une partie de la société. Le souci
du degré d’implication des frères ou sœurs de la personne polyhandicapée est également
toujours présent ; il arrive qu’il se fasse plus important au fil des années, ou au contraire
que les liens se relâchent, ce qui n’est pas spécifique des fratries concernées, mais qui
représente toujours un nouvel équilibre à trouver. Le rôle des frères et sœurs majeurs se
transforme et évolue alors parfois vers une aide plus administrative ou juridique, tutelle
éventuellement quand les parents ne sont plus là, suivi des ressources de la personne,
avec des visites plus ou moins régulières en fonction des obligations personnelles de
chacun, parfois des conflits douloureux, mais presque toujours un fort sentiment de
responsabilité qui est assumé en général par une personne principale dans cet équilibre
fragile.
Des travaux variés ont été menés dans les dix dernières années pour mieux comprendre
le rôle et la situation des aidants familiaux, mais aucune étude ne s’intéresse
spécifiquement aux personnes polyhandicapées, mise à part une étude publiée par
Handéo, pour le Département de la Drôme.
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L’étude la plus importante est publiée par la DREES en 2012 : Enquête handicap santé,
publication N°827 ; elle concerne des personnes de 20 à 59 ans, dont 33% sont aidés
depuis plus de 20 ans. Plus de la moitié d’entre ces personnes bénéficient aussi d’aides
professionnelles spécifiques, et on note que les sujets les plus jeunes (tranche d’âge
entre 20 et 29 ans) ont de plus nombreuses aides techniques et aussi familiales, on
peut penser que parmi eux figurent un certain nombre de personnes polyhandicapées.
Une enquête BVA Novartis, par téléphone et en partie sur questionnaire, a interrogé
2762 « aidants » impliqués auprès de personnes malades ou handicapées, mais cette
enquête élimine les handicaps présents à la naissance. Les éléments subjectifs relevés
sont : la solitude, le soutien insuffisant, le besoin d’information. On les retrouvera dans
tous les travaux qui recueillent le vécu de ces aidants.
Le Conseil Général du Rhône, avec le CREAI Rhône Alpes, a enquêté par questionnaire
détaillé auprès de 316 personnes aidantes, d’âge moyen 59 ans, dont 17 % de plus de
70 ans, et par entretien direct auprès de 15 % d’entre elles. 33 % exercent par ailleurs
une activité professionnelle, mais 38 % ont dû abandonner leur travail pour exercer
cette tâche. On note une majorité de personnes aidant un conjoint ou un ascendant,
mais aussi, pour 6 %, un descendant, et pour 3 % un frère ou une sœur.
Il est intéressant de considérer aussi le regard des professionnels intervenant au
domicile, sur les situations rencontrées ; même si les personnes polyhandicapées n’y
sont pas individualisées, leurs remarques et leurs propositions sont valables.
L’enquête d’IPSOS avec Novartis en 2008, interroge 1 600 médecins et 600
professionnels paramédicaux sur leur perception du travail avec les aidants familiaux ;
les trois quarts d’entre eux se disent attentifs à la santé des proches, et 95 % estiment
que l’impact de cette situation est négatif sur ces aidants ; par ailleurs, ils pointent le
manque de temps (82 % estiment que le contact avec ces personnes allonge le temps
de consultation, ce qui n’a pas de quoi étonner !), ils souhaiteraient une politique
volontariste favorisant la reconnaissance, la valorisation et la formation des aidants ;
formation pratique, appui administratif, mais aussi pour les professionnels la possibilité
d’échanger dans un réseau pluridisciplinaire.
Une démarche analogue a été menée en 2008 par un réseau d’hospitalisation à domicile
et de soins palliatifs, reprenant les situations de 1 100 malades : pour ceux-ci,
l’intervention de l’HAD intervenait souvent au terme d’une longue période de soins au
domicile (plus de 3 ans pour 39 % des cas). Ce qui est pointé ici, c’est l’étendue du
temps passé avec la personne, le bouleversement du quotidien, et surtout l’engagement
de ces aidants dans des soins complexes ; ils deviennent des partenaires de soins
essentiels, mais ce double état d’implication affective et de soignant (au double sens du
terme) est une tâche parfois très difficile, entre fusion et désinvestissement, et les
équipes de soins à 94 % saluent l’importance de ce travail mais estiment (33 %) que la
société ne le reconnaît pas à sa valeur.
Cette double tâche de parent et de soignant est ressentie, à des degrés divers dans le
déroulement du temps, par tous les parents d’adolescents ou d’adultes polyhandicapés,
avec des moments plus aigus et douloureux lors d’hospitalisations, d’interventions
orthopédiques avec leurs suites, ou de problèmes d’accès aux soins parfois.
De ces angles de vue différents émergent donc des remarques convergentes : besoin de
reconnaissance, de formation et d’information, de soutien pratique et psychologique,
besoin de phases de répit.
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D’où il résulte que ce qu’on appelle le maintien à domicile, qu’il s’agisse de personnes
malades, polyhandicapées, ou très dépendants, ne peut se concevoir sans le soutien des
services appelés professionnellement à intervenir, et que ce soutien s’adresse aussi à
l’aidant En effet, la qualité de vie de la personne dépendante et de son aidant sont
interdépendantes.
En d’autres termes, plus on désinstitutionnalise, plus les institutions sous leurs diverses
formes deviennent indispensables. Au niveau local, certaines expériences prouvent que
le soutien d’un Etablissement proche peut être bénéfique pour des personnes qui sont à
domicile ; ce sont des cas ponctuels, pourraient-ils être étendus ? La question se pose,
en fonction de l’équipement au niveau local, et des difficultés actuelles que rencontrent
les institutions (citons l’expérience d’une Mas située dans le Val d’Oise qui ouvre son
offre de service à des accueils ponctuels pour un adulte à domicile, ou le projet CECOIA
dans le Val de Marne).
Mais dans l’état actuel des ressources, ce qui prédomine bien souvent, c’est le sentiment
d’isolement des aidants familiaux et leur besoin de reconnaissance et d’aides... c’est à
quoi s’est intéressée la CNSA fin 2012 avec les 21 préconisations, toutes pertinentes, et
qui insistent, à plusieurs reprises, sur l’intrication du travail des professionnels avec le
rôle des aidants familiaux, en particulier la proposition 21 « faire de chaque
Etablissement ou Service médico-social un acteur de l’aide aux aidants : évaluation des
besoins, attention aux signes de fragilité physique et psychique, suppléance,
accompagnement, échange de bonnes pratiques » ; tout ceci encore loin des réalisations
souhaitables, bien sûr.
Un point important pour beaucoup de familles, où une personne polyhandicapée vit à
domicile, est celui des compensations matérielles, par exemple en cas d’arrêt total ou
partiel d’activité professionnelle ; de nombreux textes ont défini les diverses aides
possibles, dans le Code de l’action sociale et des familles et dans le Code de Sécurité
Sociale ; on peut en trouver un tableau précis dans le site de l’Association des Parents
d’Enfants Déficients Auditifs (anpeda.fr).
La Charte proposée par la COFACE, dont nous avons vu les deux premiers points, précise
que l’action de l’aidant familial n’exonère pas les autorités publiques de leur devoir de
solidarité nationale.
La reconnaissance de la place de l’aidant familial dans le système de soins pourrait
déboucher sur une réflexion concernant un Statut Officiel, dont les éléments sont
détaillés dans le point 6 de cette charte, qui aborde brièvement : le travail et l’emploi,
avec les aménagements nécessaires, la retraite, le régime de protection sociale, la
validation des acquis, les compensations financières, l’accessibilité sous ses diverses
formes.
Les points 7 8 et 9 de cette charte concernent la qualité de vie, le droit au répit, le droit
à l’information.
Quant au point 10, dont l’objectif est l’évaluation, tant des besoins que du service rendu
par les différents partenaires, sa réalisation semble encore à construire.
13
LES AIDANTS PROFESSIONNELS ET LES SERVICES A
LA PERSONNE
Céline LOUVET, Directrice du Pôle adultes A.P.F.
Parler de ce sujet en une vingtaine de minutes est un véritable challenge tant il est vaste
et complexe. Je vais donc essayer de faire passer quelques idées, mais que chacun
d’entre vous connait déjà très bien. J’ai fait le choix délibéré de circonscrire l’action des
aidants professionnels au domicile et dans la fonction des auxiliaires de vie.
Dans le cadre d’une intervention sollicitée au domicile, les aidants professionnels sont
aujourd’hui de deux sortes :
-
Ceux qui ont un rapport direct avec la personne aidée puisqu’ils en sont le
salarié (sous la forme du gré à gré ou d’un service mandataire)
Ceux qui sont salariés d’un service qui délivre une prestation auprès d’un
bénéficiaire.
Dans ces deux cas la relation aidant / aidé est assujettie à des règles de droit et de
fonctionnement. Et dans les deux cas, il y a des attentes réciproques, des contraintes,
de l’insatisfaction et de la relation, avec ce qu’elle a de plus riche dans son unicité.
Quelle que soit la forme contractuelle choisie, il y a toujours une personne grandement
dépendante qui ne peut pas toujours exprimer simplement ses besoins. Une grande
partie de l’aide apportée, et notamment l’aide aux actes essentiels de la vie quotidienne
ayant trait au contact corporel, s’effectue dans l’intimité du domicile ; et dans l’intimité
qui unit, relationnellement, la personne dépendante à son entourage, souvent aidant
familial.
Voici donc un contexte où l’intimité charge tout, connote tout : l’espace, le temps, la
communication. Tout est là de l’ordre de l’intime. Le professionnel est un intrus, un
étranger dans cette intimité. Il va pourtant falloir le laisser pénétrer, occuper, prendre
ses aises dans cet espace. Il va falloir qu’on le laisse faire, avec son savoir-faire qu’il va
falloir accepter. Déléguer l’aide que l’on n’apporte pas à ce moment. Pas si simple…. Et
lui, ce professionnel, qui, de cette place, a un savoir-faire, va devoir suradapter son
intervention aux attentes de la personne comme de l’entourage. Il sait déjà qu’il ne fera
pas bien, pas comme il faut.
Mais le « comme il faut », quelle en est la norme ? Bien évidemment, nous allons avoir
les normes de la bientraitance, cela va de soi. Mais de manière plus subtile, quels sont
les enjeux : si le professionnel démontre qu’il sait « mieux » faire que l’aidant familial,
comment celui-ci va-t-il l’accepter ? Comment l’aidant familial va-t-il accepter
d’expliquer tout en laissant l’autre faire avec ce qu’il est ?
Nous savons tous que la relation d’aide n’est pas qu’une question de technicité, que la
qualité de la confiance ne passe pas que par la bonne manipulation. Que cela se
construit dans le temps.
Et pour la personne aidée, quels vont être, dans le cadre du polyhandicap, ses moyens
pour dire ce qu’elle attend. Car nous sommes au cœur des attentes qui s’expriment dans
la plus grande intimité. Les attentes des uns et des autres, qui ne seront perçues qu’à
travers les écarts mis à jour par la perception de la réalité.
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Les aidants familiaux sont souvent très insatisfaits de la qualité des prestations. Il y a
des éléments de cette insatisfaction qui peuvent être objectivables et d’autres qui sont
de l’ordre d’un principe de réalité, avec sa subjective perception. Nous reviendrons un
peu plus loin sur les premières. Mais il est important de se dire et se redire, qu’en tant
que parent, en tant qu’aidant familial lié intimement à la personne aidée, par des liens
d’amour, de haine parfois, de désespoir, d’abnégation, il n’est pas envisageable que
l’autre, le professionnel, si extérieur à cette vie qui est la nôtre, puisse savoir faire aussi
bien que nous. Cette réalité de l’insatisfaction est un cap à comprendre, puis à franchir,
pour trouver un bon équilibre et savoir déléguer en confiance. Et accepter simplement
que le professionnel peut peut-être faire mieux que l’aidant familial.
On voudrait qu’il fasse aussi bien mais qu’il reste bien en dehors, qu’il ne rentre pas
complètement dans cette intimité qui nous appartient. Et si cela n’est pas parlé, il n’y a
pas de construction possible d’une intervention de qualité.
Tout cela est porté par des ambivalences et des paradoxes inévitables dans la relation
d’aide quand celle-ci nécessite d’être partagée.
Dans cette plainte concernant la qualité des prestations, constat d’un écart entre ce
qu’ils observent et ce qu’ils attendent, il y a une part d’explication liée à l’image, à la
représentation qu’on se fait de l’auxiliaire de vie.
La formation des aidants professionnels n’est aujourd’hui pas adaptée au besoin des
personnes accompagnées. Les parcours professionnels sont chaotiques, les formations
non construites sous forme de parcours mais distillées de ci de là, quand il y en a. La
Validation des Acquis de l’Expérience ne correspond pas à l’accession à un niveau de
qualification attendu pour accompagner les personnes les plus vulnérables.
Le bon sens n’est pas toujours de mise, partagé. Car notre bon sens est-il celui de
l’autre ?
Aujourd’hui les auxiliaires de vie sont « lâchées », pour la plupart, au domicile des
bénéficiaires, sans bagages ou trop peu, sans moyen d’être soutenues ou formées, ellesmêmes vivant des situations insoutenables et, bien souvent, des déracinements culturels
qui ne leur permettent pas non plus de s’appuyer sur des repères communs.
Dans le cadre de l’emploi direct, le salarié a pour donneur d’ordre la personne aidée à
travers l’entourage et donc souvent l’aidant familial. Le rapport est donc particulier : on
reçoit des commandes de la part d’un homologue, qui finalement ne sait pas forcément
mieux faire mais que la place affective dans la relation à la personne aidée positionne
comme supérieur. Les conditions d’emploi, parfois précaires, la réglementation de
l’employeur particulier, les aides financières ne permettent pas de rémunérer à la
hauteur des attentes, de la technicité demandée et des responsabilités. Envoyer en
formation le salarié, c’est devoir le remplacer. Cela a pour l’employeur un coût important
qu’il ne peut pas porter. La formation se fait donc de manière artisanale : le maître va
former l’apprenti. Se pose alors la question de la juste distance. Sachant que l’on
n’apprend pas à travailler un objet, mais à aider un sujet à garder toute sa dignité.
Dans cette proximité employeur-employé, il n’y a pas de tiers, juste une expression
d’une forme de domesticité, car le secteur en est encore empreint. Ce rapport
hiérarchique contractualisé s’exprimant au cœur de l’intime peut engendrer des rapports
de force et diminuer le sentiment de professionnalisme.
La violence de l’intrusion dans la sphère privée et la violence de devoir se plier à toutes
les exigences se conjuguent pour faire du domicile le théâtre de bien des souffrances.
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Les services, en tant que prestataire, offrent un espace intermédiaire de tiers. Ils
favorisent un climat de dialogue et permettent ainsi à la relation de « respirer ».
Mais le fonctionnement des services impose au bénéficiaire, à l’entourage et à l’aidant
familial, des contraintes de fonctionnement : plusieurs personnels, ce qui nécessitent de
répéter, de s’adapter à la personnalité du professionnel et réciproquement, lorsqu’on se
rend au domicile de plusieurs personnes dans la journée, il faut à chaque intervention
s’adapter à l’environnement technique, humain, relationnel.
Les espaces de formation sont plus ouverts et réglementés, les niveaux de rémunération
sont assujettis à des conventions collectives, la réglementation du travail beaucoup plus
respectée. Enfin, quand cela est possible.
Quelles que soient les modalités que va choisir l’entourage de la personne
polyhandicapée pour mettre en place une aide humaine professionnelle, l’épreuve de la
réalité quotidienne de la dépendance va bousculer les cadres et les limites : ceux de
l’intime, ceux de la réglementation, ceux de la professionnalisation et de la
reconnaissance de l’autre. La personne bénéficiaire de l’aide est spectatrice de ses
enjeux de pouvoir dont elle est l’objet de convoitise : être à la hauteur de ses attentes,
de ses besoins, faire au mieux. Mais en fonction des représentations de chacun.
Souvent le professionnel s’attache à des tâches matérielles à effectuer afin d’apprivoiser
la place qu’on lui laisse. Et ces tâches, facilement évaluables vont rassurer l’aidant
familial. Tout devient plus compliqué quand on est dans le champ de la relation et du
risque qu’elle soit vivante et qu’elle se tisse, se développe. Car accepter de déléguer
c’est perdre un peu, c’est lâcher un peu, c’est donner de l’autonomie à celui avec lequel
la relation est fusionnelle.
Dans le cadre des interventions médico-sociaux éducatives dont peut bénéficier la
personne accompagnée, les professionnels interviennent sur d’autres champs : infirmier,
kiné, orthophoniste, assistante sociale, médecin spécialiste… leur identité professionnelle
est plus clairement repérée, le champ de compétences ne se chevauche que très peu et
très rarement à celui de l’aidant familial. Les interventions de ces professionnels dans
l’intimité est toute autre, plus ponctuelle, plus limitée, plus ciblée. Cela n’a pas la même
incidence et ne risque pas de renvoyer l’aidant familial à la question de sa place. Les
services et les intervenants libéraux sont alors davantage perçus comme des
partenaires. Il n’y a pas de concurrence !
Avec la modeste expérience qui est la mienne aujourd’hui, je préconiserai que les
aidants familiaux acceptent de laisser un espace de liberté dans l’expression des savoirfaire des professionnels. Que les professionnels s’appuient sur l’expertise de l’aidant
familial, que les règles d’intervention soient définies de manières concertées, prenant en
compte les attendus de chacun. Trouver cette fameuse juste distance qui en aucun cas
ne laisse la personne polyhandicapée à la place de l’objet mais la considère comme le
sujet participatif par sa seule présence.
Je rajouterai, qu’aujourd’hui, la politique de maintien à domicile semble être un leurre
avec des affichages qui ne correspondent pas à la réalité et que favoriser la qualité d’un
bon maintien à domicile nécessite, de la part des pouvoirs publics, reconnaissance des
besoins et investissements pour y répondre. La souffrance des personnes ayant besoin
de ces prestations ne doit pas être bradée en sous-estimant la nécessité de la
qualification et de la rémunération dont les niveaux, aujourd’hui, ne sont pas honnêtes
au regard de l’enjeu sociétal.
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TABLE RONDE
AIDANTS FAMILIAUX, AIDANTS PROFESSIONNELS,
INSTITUTIONS : TRANSMISSIONS, ECHANGES ET
INTERACTIONS AUPRES DES PERSONNES POLYHANDICAPEES
Modérateur : Elisabeth ZUCMAN, Présidente d’Honneur G.P.F.
Partage et transmission du savoir et polyhandicap
Thierry Billette de Villemeur, chef de service de Neuropédiatrie, Pathologie du
développement, Hôpital Trousseau, Paris, chef du Pôle Polyhandicap Pédiatrique
de La Roche Guyon, coordonnateur de la Fédération du Polyhandicap de l'AP-HP,
AP-HP, UPMC Paris 6, Inserm U676
Les acteurs de santé (médecins, soignants, éducateurs et rééducateurs, psychologues,
assistants sociaux) détiennent tous certaines informations concernant la personne
polyhandicapée dont ils s’occupent. Ces informations sont utiles aux soins, aux
traitements, aux progrès et aux acquisitions que peut faire la personne polyhandicapée.
Elles doivent être partagées entre les différents acteurs de santé et les familles pour
faciliter la relation d'aide de chacun. Elles constituent un savoir qui doit aussi permettre
de faire progresser la connaissance académique sur la situation de polyhandicap en étant
collecté et analysé par les chercheurs académiques qui se penchent sur le problème de
santé publique que représente le polyhandicap.
Introduction
Les aidants auprès de la personne en situation de polyhandicap sont multiples, divers,
variables dans le temps. Chacun des aidants a une connaissance particulière de la
personne qui est indispensable à son accompagnement. Cette connaissance particulière
est complémentaire de celle que détient chaque autre aidant auprès de cette personne,
mais elle est souvent difficile à partager, à communiquer, à transmettre. Pourtant, un
échange permanent est nécessaire pour adapter l’aide de chacun aux besoins et aux
particularités de la personne aidée. Ces particularités ne sont pas indifférentes
lorsqu’elles constituent une clé de communication, un mode de langage spécifique, une
garantie de sécurité physique, affective ou psychique. Aucun aidant n’a une
connaissance complète de toutes ces particularités qui sont cependant indispensables à
la qualité de l’aide, quelle qu’en soit la nature.
Le savoir concernant la personne en situation de polyhandicap, la connaissance la
concernant n’est pas, comme elle l’est ailleurs, centralisée ni confiée par la personne
elle-même. La personne polyhandicapée ne participe pas à ce recueil de connaissances à
son sujet, elle ne choisit pas les aidants, elle n’est pas impliquée dans les décisions qui
sont prises pour elle car elle n’est pas en mesure de l’être le plus souvent. Cette
situation n’est pas propre au polyhandicap, elle existe aussi de façon naturelle chez le
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jeune enfant, ou en cas de pathologie grave chez le fœtus ou chez certaines personnes
âgées dépendantes.
Dans la situation de polyhandicap, le savoir que représentent les différentes
connaissances particulières recueillies par les aidants, ne peut être concentré par
certains aidants « privilégiés ». Les aidants naturels n’ont qu’une maîtrise parcellaire des
singularités de la personne polyhandicapée dont la pathologie, les handicaps, interfèrent
en permanence avec la vie quotidienne. Les soignants, les éducateurs, et l’ensemble des
aidants professionnels, ont une connaissance complémentaire de celle des familles. Les
médecins ont une connaissance technique spécifique à leur métier, mais souvent une
connaissance de la personne limitée. Ces différentes connaissances de la personne en
situation de polyhandicap sont complémentaires, et aucune n’est prépondérante. Elles ne
sont pas hiérarchisées autrement que par leur utilité à un moment donné. Leur utilité est
intriquée, aucune n’est indépendante des autres. Il est nécessaire que ces connaissances
diverses et leurs utilités soient communiquées, partagées, disponibles pour les différents
acteurs auprès de la personne en situation de polyhandicap.
Pour illustrer cette complémentarité des aidants, et à titre d’exemple, j’évoquerai quatre
actions et projets élaborés à Trousseau et à La Roche Guyon, en lien avec la fédération
du polyhandicap de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
I Faciliter la communication avec la personne polyhandicapée :
la fiche « C’est-moi »
L’hôpital est un lieu de diagnostic et de traitement. Il dispose de services spécialisés,
d’un plateau technique permettant de réaliser de nombreux examens (radiologiques,
biologiques, électrophysiologiques) et traitements. Il n’est souvent pas spécialisé dans le
polyhandicap et la connaissance qu’ont les aidants de la personne hospitalisée est
souvent peu accessible et volontiers méconnue des hospitaliers. Pour améliorer les
possibilités de communications avec l’enfant hospitalisé, il est nécessaire de mieux le
connaître. Pour tenter d'améliorer cet accès à la connaissance de chacun des enfants en
situation de polyhandicap, hospitalisés dans le service de Neuropédiatrie, Pathologie du
développement à l’hôpital Trousseau (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris), une
expérience est en cours pour favoriser la communication avec les patients ne pouvant
pas communiquer normalement avec les personnels de l’hôpital. La fiche « C’est-moi »,
élaborée par les soignants et éducateurs du service, a pour objet de permettre aux
personnes qui accompagnent l’enfant polyhandicapé de transmettre aux soignants les
informations nécessaires pour pouvoir communiquer avec l’enfant et pour le
comprendre.
Cette fiche est remplie par les soignants qui accueillent l’enfant avec l’aide de
l’accompagnant (parents ou soignant du centre d’où il arrive). Cette fiche très simple et
explicite, grâce à des petites figurines, accompagne l’enfant durant tout son séjour à
l’hôpital, pour que chaque intervenant ait rapidement et simplement un minimum
d’informations lui permettant de communiquer de façon plus adaptée avec l’enfant
polyhandicapé. On y trouve, par exemple, comment il manifeste qu'il a mal, ou ce qu'il
est à même de comprendre quand on lui parle. Cette fiche « C'est moi » sera présentée
dans quelques jours aux rencontres APinnov2013 par l'éducatrice spécialisée, Audrey
Gargar, qui a coordonné l'équipe pour ce projet.
II Favoriser et sécuriser le retour à domicile des personnes polyhandicapées
hospitalisées en long séjours : un programme d’éducation thérapeutique
Un programme d'éducation thérapeutique a formalisé en 2010 une action organisée
depuis plus de quinze ans à l'hôpital de La Roche Guyon, qui reçoit des enfants en
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situation de polyhandicap lourdement médicalisé, pour des séjours le plus souvent très
longs, pouvant durer plusieurs années.
L'objectif de ce programme est de favoriser le retour régulier de l'enfant au domicile
familial, à l'occasion du week-end, pour maintenir et renforcer le lien de l'enfant
hospitalisé au long cours avec sa famille, tout en conservant une bonne qualité et
sécurité sanitaire. Le retour à domicile est nécessaire à la qualité de vie et à la sécurité
affective de ces enfants hospitalisés au long cours, pour qui l'hôpital, lieu de soins,
devient de fait aussi le lieu de vie. Ce programme consiste à enseigner aux parents les
gestes nécessaires à l'alimentation entérale par sonde de gastrostomie, à la mobilisation
régulière de l'enfant, à l'aspiration trachéale par voie nasale ou par la trachéotomie. Ils
doivent aussi apprendre les gestes nécessaires pour sécuriser l'enfant en cas d'ablation
de la canule de trachéotomie ou du bouton de gastrostomie.
Cette éducation thérapeutique implique, après une évaluation initiale des connaissances
et du degré de maîtrise des parents, des séances de formations pour leur permettre de
maîtriser les actions appropriées qu'ils devront pratiquer au domicile pour poursuivre les
soins efficacement (prévention des escarres, mobilisation, utilisation des appareillages)
ou en cas de survenue d'un événement nécessitant une réaction adaptée et parfois
urgente. Lors du retour du domicile, les échanges parents-soignants permettent
d'évaluer l'efficacité et l'aisance des parents face aux difficultés de l'enfant et d'adapter
l'éducation aux besoins qui peuvent se faire jour.
Les séances de formations sont aussi proposées lors des modifications de l'état de santé
de l'enfant (après une décompensation, une intervention chirurgicale, un changement de
l'appareillage). Dans ce contexte d'enfants particulièrement fragiles et en situation de
polyhandicap lourd, hospitalisés au long cours, l'éducation thérapeutique est aussi
l'occasion d'un partage entre les parents et les soignants pour découvrir ensemble
comment profiter du temps des soins pour des échanges et des contacts privilégiés avec
l'enfant. Ce programme, coordonné par le Docteur Catherine Brisse, a été autorisé par
l'ARS Île de France en 2011.
III Partager et synchroniser les informations médicales entre les différents
acteurs professionnels et les familles : le système d’information « chilrane »
Le système d'information « chilrane » permet le recueil de données dédié au suivi du
parcours de santé des patients ayant un handicap neurologique complexe susceptible
d'entraîner une situation de polyhandicap. L'une des originalités de ce système
d'information est de faciliter la collecte des données utiles pour le suivi (médical,
médicosocial, social, éducatif, économique) du parcours de santé par les différents
acteurs impliqués (parents, médecin traitant, services hospitaliers, secteur médicosocial). Les données sont recueillies au fil de l'eau et synchronisées pour tous les acteurs
autorisés. L'originalité est aussi d'assurer des connexions opérationnelles et sécurisées
entre les différents partenaires recueillant ces données et de calculer en temps réel
certains critères issus des données collectées, afin de fournir une visibilité longitudinale
des soins et de la prise en charge du patient.
Les données du patient sont collectées de façon nominative par le médecin ou le centre
qui le prend en charge. Le médecin ou la structure autorisés, qui entrent des données,
peuvent accéder aux données nominatives qu’ils ont recueillies. Le patient, ses parents
s'il est mineur, ou son responsable légal s'il est protégé, peuvent entrer certaines
données et y ont accès ainsi qu'à certaines données entrées par le médecin ou la
structure le concernant. Chaque utilisateur autorisé dispose d’un accès sécurisé dont les
limites sont définies par le représentant légal du patient permettant un partage
d’information en réseau des soignants, des structures et des parents.
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L'objectif du système d’information « chilrane » est de faciliter la prise en charge du
patient polyhandicapé par les différents intervenants et d'améliorer ainsi sa qualité de
vie, et celle de ses proches, en optimisant son parcours de soins par le partage sécurisé
des données le concernant.
IV Mettre en commun les données anonymisées pour permettre l’émergence de
nouvelles connaissances grâce aux recherches académiques : le projet de
recherche « chilrane »
Dans le but de mettre en place des études de recherches académiques portant sur les
différents aspects du polyhandicap (médicales, économiques, sociales, médicosociales,
éducatives), les données recueillies lors du suivi du patient dans le système
d'information « chilrane » peuvent, après avoir été anonymisées, être collectées pour
créer des cohortes destinées aux travaux de recherche médicale, médico-économique,
sociologique et éthique. Un consortium de recherche s'est mis en place autour de ce
projet pour développer des recherches académiques sur les aspects médicaux,
économiques, sociologiques et de qualité de vie de la situation de polyhandicap et de ses
retombées de santé publique. Ce projet a été soumis à l'appel à projet du programme
TecSan 2013 de l'ANR. Le comité de pilotage de ce projet regroupe les associations, des
structures du secteur médico-social et du secteur hospitalier, des organismes de
gestions et des organismes de recherche académique. Si ce projet est retenu, les
retombées attendues en sont une meilleure connaissance des conséquences médicales et
sociales de la situation de polyhandicap pour les personnes touchées, leurs familles, les
structures de prise en charge et de soins, et les retombées économiques et sociales qui
en découlent.
ECHANGE AVEC LA SALLE
Me KHELFAT : il y a un point sur lequel je veux insister, en qualité de parent et d’acteur
dans la défense des personnes polyhandicapées, c’est le problème des temps consacrés
par les MDPH c’est-à-dire l’institution censé protégé les personnes handicapées,
lorsqu’elle donne cinq heures à une maman pour s’occuper d’une personne lourdement
handicapée qui nécessite des soins 24 h sur 24. C’est un premier problème que je veux
pointer. Le deuxième, c’est lorsque vous vous adressez à un organisme comme la
commission paritaire de recours ou le tribunal des affaires du contentieux de la Sécurité
Sociale qui sont chargés d’appliquer la législation relative à l’égalité pour tous : vous
expliquez qu’une personne polyhandicapée doit être surveillée toute la journée y compris
la nuit, on vous considère avec une présomption de malhonnêteté qui est insupportable.
Les familles doivent se battre au quotidien contre les institutions chargées pourtant de la
défense des personnes handicapées. Il faut que ce problème soit tranché au plus tôt.
Tout le monde connaît le coût du travail. L’amour, c’est bien mais il faut aussi accorder
des moyens techniques aux familles.
Eric ZOLLA : le Dr GEORGES-JANET a parlé des aidants familiaux en général en disant
que cela concernait plutôt les aidantes, c'est donc une question de genre et donc une
question de société en général mais pouvons-nous y réfléchir un peu plus. Par ailleurs,
concernant l'éducation thérapeutique, c'est un terme qu'on utilise dans certains secteurs
mais moins dans le secteur médico-social. Or, cette idée est très intéressante. J'aimerais
en savoir plus : comment cela se met-il en place....
Dr Lucile GEORGES-JANET : effectivement, cette question du genre est très à la mode
actuellement. Concernant les aidants familiaux, les mères sont impliquées en première
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ligne mais il serait intéressant de voir comment la présence d’un enfant ou d’un
adolescent polyhandicapé au domicile bouscule ces questions de genre. Les pères
s’impliquent peut-être plus qu’avec l’ensemble de la population en général en particulier
lorsque l’enfant grandit, en période d’adolescence, et que les problèmes de
déplacements deviennent très difficiles. Il y aussi une question de partage des tâches au
niveau professionnel, je n’ai pas vu d’études précises là-dessus mais il est vrai qu’en
général, c’est la maman qui abandonne son travail ou le limite à temps partiel quand un
enfant exceptionnel surgit.
Philippe GAUDON : sur les diapositives d’un powerpoint, j’avais trouvé un chiffre : sur les
13 % d’aidants familiaux, 12 % étaient des mères.
Thierry BILLETTE DE VILLEMEUR : les ARS ont mis en place un projet de financement de
ce qu’elles appellent l’éducation thérapeutique. Cela été à la demande initialement de
diabétologues et de pneumologues qui ont défendu le fait que, pour soigner
correctement un diabétique ou un asthmatique, il est nécessaire de lui apprendre à
suivre, à gérer et à se soigner lui-même et à connaître sa maladie, les symptômes, et
qu’il est indispensable, dans la pratique médicale, de ne pas uniquement faire une
consultation, poser un diagnostic, donner un traitement et le revoir pour voir si c’est
bien fait mais enseigner à l’enfant, ou à ses parents, la pathologie, les symptômes qui
nécessitent qu’on change son attitude thérapeutique. Le lobbying de ces spécialités a fait
apparaître le concept d’éducation thérapeutique comme étant une pratique reconnue de
la pratique médicale, uniquement en milieu hospitalier à ma connaissance mais je suis
incertain car je ne connais pas le hors hospitalier dans ces règlementations-là. Il y a eu
un appel à programme, les médecins des structures qui s’occupaient de pathologiques
chroniques, ont proposé des programmes d’éducation thérapeutique qui décrivaient la
façon dont on enseignait aux patients ou à sa famille la pathologie et la façon dont le
patient ou sa famille peuvent prendre en charge cette pathologie. A partir du moment où
ce programme était validé, remplissait un certain nombre de critères, il a été validé par
l’ARS avec un projet de financement (que l’on n’a pas encore vu).En subsidiaire, les
structures qui n’étaient pas reconnues par l’ARS n’auraient plus le droit de faire de
l’éducation thérapeutique.
Pour ce qui est du handicap neurologique à Trousseau et du polyhandicap à la RocheGuyon, on a mis en place ces deux programmes qui consistaient pour le polyhandicap ce
dont je vous ai parlé tout à l’heure, qui est un peu tiré par les cheveux parce que ce
n’était pas exactement ce qu’attendait l’ARS (une structuration très règlementée avec
une évaluation de la connaissance, un enseignement, pratique de tests…) mais cela a été
validé quand même.
A Trousseau, le programme était destiné à l’insertion des enfants, qui ont des problèmes
neurologiques, dans l’école. Depuis 20 ans, on a une école dans le service qui évalue les
enfants et se met en contact avec les écoles locales pour aider les enfants à être
intégrés dans les écoles et avoir une scolarité, ce qui est assez demandé par les
structures éducatives et les écoles et cela a été aussi validé.
Ce sont des programmes qui sont de l’éducation thérapeutique à la marge car l’insertion
à l’école n’est pas directement de la thérapeutique sauf qu’on l’a vendue en disant que la
thérapeutique de l’enfant handicapé était de lui permettre d’aller à l’école correctement
pour faire des progrès et des acquisitions. Le problème, c’est que, quand on a eu
l’autorisation de l’ARS, l’Education Nationale nous a supprimé le poste d’enseignant...
L’éducation thérapeutique est quelque chose de faisable, par contre l’extension au
médico-social, à ma connaissance, cela n’existe pas mais c’est peut-être de l’ignorance
de ma part.
21
Dr Elisabeth ZUCMAN : l’éducation thérapeutique est à la fois enthousiasmante et
réfrigérante dans la manière dont les ARS la présentent. L’éducation thérapeutique fait
partie de la responsabilité du médecin et, si on en fait une histoire d’argent avec des
interdits pour ceux qui ne serait pas validés, on va reculer au lieu d’avancer. Mais il
faudrait profiter de ce que les ARS, avec vous et avec votre vision fonctionnelle,
démocratique, de cet immense champ pour tout le médico-social mais aussi pour toute
la médecine, transforme l’éducation thérapeutique dans ce qu’elle doit être : un devoir
pour tous les médecins vis-à-vis de tous les malades, même pour un épisode grave mais
très temporaire, car ce sont tous les malades qui sont en situation de fragilité
supplémentaire d’avoir à avaler une thérapeutique dont ils ne comprennent rien car on
ne leur a rien dit hormis une ordonnance illisible. C’est vraiment un problème
d’aujourd’hui et il y a une stratégie à monter avec vous, qui avez l’oreille des ARS, et
avec tous ceux qui ont un passé naturel, spontané, de ce devoir de tous médecins
d’expliquer, par exemple, ce qu’est l’épilepsie, ce qu’est un électro… Cela touche
vraiment toute la médecine et il serait dommage de la laisser se restreindre à la
validation et à l’interdiction de ceux qui ne seraient pas validés. Il faudrait pouvoir la
poser avec ceux qui en ont, depuis des décennies, la pratique spontanée pour montrer
qu’il y a une autre dimension et que ce n’est pas une histoire d’argent mais de formation
médicale. Car si on met le coût ou les validations de programme en premier plan, cela
va rester très restreint.
Dr Lucile GEORGES-JANET : je voulais rappeler le travail de Henri LESTRADET, dont j’ai
été l’élève, qui a mis en place, en dehors des ARS il y a quarante ans au moins,
l’éducation thérapeutique des jeunes diabétiques par le biais de l’Association des jeunes
diabétiques pour les enfants diabétiques de type 1 (insulo dépendant) en apportant aux
familles et parfois aux très jeunes enfants les pratiques précises de fixation des doses
d’insuline, de modulation au cours de la journée, d’abolition des régimes dans de cas
particuliers et que ces techniques qui étaient à la fois pédagogiques et médicales
enrichissaient réciproquement les familles des malades et les médecins eux-mêmes car,
à travers les questions posées par les familles et les enfants, étaient obligés d’affiner
leur manière de parler. Il s’agissait de colonies de vacance, hors du cadre hospitalier, au
bord de la mer où on faisait du sport… et où étaient adaptées les doses d’insuline comme
il fallait. Ce modèle pourrait être appliqué, transposé, aux familles d’enfants ayant des
problèmes d’épilepsie ou de déficit grave sur le plan neurologique ou même aux
techniques manuelles (gastrostomie, trachéotomie). Cependant, je ne suis pas tout à fait
d’accord avec le Dr Zucman car cela demande du temps et le temps c’est de l’argent. Le
médecin a besoin de temps pour expliquer, pour recevoir les questions, les intégrer et y
répondre.
Dr Elisabeth ZUCMAN : ce qui est en jeu, c’est de faire de tous les malades et de toutes
les familles des acteurs pour leur santé et de démontrer qu’ils s’en portent mieux, que la
même médecine à coût constant est plus efficace et donc c’est vraiment un enjeu de
modernité mais très général. Comme vous le disiez, éduquer par exemple à « qu’est-ce
que la kinésithérapie » permettra de ne pas se contenter de prescrire une séance par
semaine mais fera que les parents sauront quoi faire, quoi ne pas faire aussi, pour que
cette kinésithérapie technique devienne plus efficace et qu’ils y participent.
Dr Anne-Marie BOUTIN : je voudrais demander au Pr BILLETTE DE VILLEMEUR s’il
connaît les raisons invoquée par l’ARS pour refuser la compétence de l’éducation
thérapeutique à des hôpitaux
Pr BILLETTE DE VILLEMEUR : je voulais revenir sur M. ESTRADET, dont j’ai également
été l’élève, c’est le modèle de M. L’ESTRADET qui a servi à la mise en place de
l’éducation thérapeutique. L’écriture de l’ARS fait effectivement froid dans le dos mais le
principe de fond reste l’extension et la reconnaissance de cela.
22
Quels sont les critères de l’ARS ? Il y a eu un appel à programme ; on a rempli des
fichiers,
il y a des règles : il faut avoir une formation spécifique en éducation
thérapeutique sauf si cela fait un certain nombre d’année qu’on pratique et qu’on a fait
ses preuves… Il y avait un programme qui doit présenter une évaluation de la
connaissance, une évaluation de la capacité à apprendre, de ce que l’enfant ou sa famille
a retenu et un programme qui doit permettre un suivi de cette éducation et de
réévaluation au terme du programme pour voir si les acquis étaient suffisants au niveau
de l’école. C’était la formulation de cela qui était validant ou non avec un certain nombre
d’éléments de preuve.
Dr Anne-Marie BOUTIN : je pose la question car je trouve terrifiant que tous les services
hospitaliers ne soient pas reconnus comme compétents pour faire de l’éducation
thérapeutique car cela fait partie de la pratique médicale.
Une maman d’un enfant polyhandicapé de 7 ans : je voulais tout d’abord vous remercier,
Pr BILLETTE DE VILLEMEUR, pour la présentation de votre fiche « c’est moi » car nous
habitons en province et nous avons très mal vécu plusieurs hospitalisations de notre fils,
suite à des épisodes d’épilepsie très graves, où il a été mal pris en charge, et je voudrais
beaucoup voir cette fiche migrer vers les établissements de province car je suppose
qu’on est pas les seuls dans ce cas-là pour casser la banalité et aussi la méconnaissance
peut-être de ce qui nous arrive et notre particularité, le fait d’avoir une atrophie
cérébrale et mal voyance, cela fait quelque chose de très complexe.
Par rapport au diplôme des ASV, en tant que parent, on a beaucoup de mal à avoir toute
les informations qui sont multiples que ce soit pour la formation car il y a des choses
qu’on ignore, qu’on aurait dû savoir comme par exemple sur la possibilité que notre
enfant pouvait faire de l’épilepsie et la première fois que c’est arrivé, cela a été
traumatisant pour toute la famille. Je vous remercie de vous mobiliser pour réfléchir à
toutes ces questions diversifiées et multiples. C’est très rassurant.
Philippe GAUDON : plusieurs questions ont été soulevées en ce début de matinée, la
question de l’institution ou la désinstitutionnalisation, la question de la responsabilité, la
question de l’économie en termes d’économie globale ou financière familiale et certains
d’entre vous savent peut-être qu’il y a un mouvement qui défend une certaine idée de
l’évolution de la société et de la prise en charge des personnes très lourdement
handicapées. Le leader de ce mouvement n’est pas polyhandicapé mais polymalformé
qui bénéficie d’une assistance respiratoire, à l’alimentation, il est installé dans des
conditions très particulières et se produit dans certains colloques comme le nôtre. Il se
présente devant les interlocuteurs et dit « regardez dans quel état je suis ». Son
raisonnement est le suivant : dans notre société actuelle, une MAS me refuserait car le
degré en soins techniques exigé par mon état est trop lourd et les plateaux techniques
de ces établissements ne sont pas adaptés ; alors, je finirai probablement dans un
service de long séjour à l’hôpital. En termes d’économie générale, ma prise en charge
dans un établissement revient à 500 euros par prix de journée ce qui revient à 180 000
€ par an à la société. Sa conclusion est de dire : vous me donnez cet argent et j’organise
ma petite entreprise avec l’embauche d’un certain nombre d’aidants, de professionnels
qualifiés (infirmier, kinésithérapeute…). Lui peut être en position de « pilote » de sa prise
en charge mais vous voyez toutes les questions éthiques, médicales que cela soulèvent.
C’est aussi une façon d’éclairer différemment le débat de société tel que vous l’avez
également posé, Dr Elisabeth ZUCMAN.
23
COMPLEMENTARITE DES ROLES ET DES FONCTIONS
Marie-Thérèse CASTAING, Service de Soins à Domicile
Présentation de mes fonctions et de mon parcours CESAP : 13 ans de SESAD ; 17 ans
chef de service IME (externat + SESAD). Mes propos seront donc essentiellement nourris
de mon expérience en SESAD pour enfants polyhandicapés.
Comment penser le travail d’un SESAD au regard des objectifs déclinés aujourd’hui par
le GPF d’un « projet consenti et coordonné entre l’ensemble des acteurs », chacun
agissant « leurs actions respectives et leurs savoirs propres » ?
Mon expérience de terrain m’a fait le témoin d’une grande évolution du contexte de
travail du SESAD et cette question est complètement pertinente dans le contexte actuel
où de nombreux acteurs sociaux et médico-sociaux sont amenés à intervenir dans
l’accompagnement des enfants polyhandicapés (lieux d’accueil de la petite enfance,
école, centres sociaux, CMP, lieux d’accueil temporaire, organismes de vacances,
associations d’aide à la personne, etc…).
Une évolution. Le SESAD, d’une position centrale à une position décentrée
Pendant assez longtemps, dans le domaine du polyhandicap, le SESAD a été un peu une
planète isolée, interlocuteur principal hors l’hôpital, recours quasi unique des familles
confrontées au problème du handicap lourd. Les professionnels travaillaient alors, avec
un succès mitigé, à faire ouvrir les portes des structures « petite enfance » à l’accueil de
l’enfant différent.
Cette situation de non-concurrence, si l’on peut dire, induisait un investissement très fort
des familles et dans le même temps diffusait probablement, chez les professionnels, le
sentiment du caractère incontournable de leur action et de leur légitimité. Le SESAD se
trouvait au centre de l’action.
Ce n’est plus la situation actuelle ; le SESAD n’est plus isolé dans l’action médico-sociale
en faveur des personnes en situation de polyhandicap.
D’une part, les autres structures se sont ouvertes à l’accueil de l’enfant différent. D’autre
part la demande et les attentes des parents à l’égard de ces structures ont évolué.
Soutenues et encouragées par les outils et réseaux associatifs et informatiques, elles ont
une recherche active de ce qui existe, de ce qui se pratique (Padovan, méthode des 3I,
communication par image…).
Des professionnels libéraux (kinés, orthophonistes…) sont amenés à intervenir, soit que
le SESAD ne puisse répondre au besoin de l’enfant, soit que les parents souhaitent un
type d’intervention particulier.
Enfin, le SESAD accueille, à côté d’enfants clairement polyhandicapés, des enfants très
jeunes dont l’atteinte neurologique ne débouchera pas forcément sur un tableau
caractérisé de polyhandicap et oblige à un accompagnement élargi.
Aujourd’hui, un grand nombre d’enfants suivis en SESAD bénéficient d’un accueil en
structure ordinaire ou adaptée de la petite enfance. Beaucoup d’enfants sont ainsi
accueillis en crèche, collective ou familiale, ou en halte-garderie, à temps partiel ou à
temps plein.
L’ouverture de l’école par la loi 2005 ne concerne qu’un pourcentage limité des enfants
accueillis en SESAD annexes 24 ter, et l’intégration reste le plus souvent partielle, voire
très partielle (2 demi matinées par exemple).
24
Des structures adaptées de la petite enfance ont également vu le jour et accueillent
aussi certains enfants ; ainsi dans le 92, les jardins d’enfants adaptés de Villeneuve –la
Garenne ou de Boulogne ou les haltes de jeux adaptées comme « le Poisson Rouge » à
Bois-Colombes.
Problématique de ce nouveau contexte : des plannings complexes et surchargés, une
intégration pas toujours facile, un accompagnement spécialisé difficile à mettre en place
Cette ouverture des structures de la petite enfance à l’accueil d’enfants porteurs de
handicap constitue une avancée sociale essentielle pour les enfants et leurs familles.
L’intégration des enfants en situation de handicap et de polyhandicap dans les structures
de la petite enfance est un acquis social formidable.
Pour les familles, cela normalise le système de garde lorsque les 2 parents travaillent et
permet aux jeunes parents et à leur enfant d’être intégré dans le circuit social ordinaire.
Mais cette intégration va en général rarement de soi : lorsqu’elle n’est que partielle, il
faut trouver une organisation complémentaire – l’accueil de l’enfant est plus aléatoire en
raison de son état de santé particulier ou plus fragile…
On sait aussi les difficultés rencontrées dans l’équipe qui accueille, le plus souvent, en
lien avec la peur de ne pas savoir gérer les particularités de l’enfant.
Pour l’enfant, le contact avec d’autres enfants, d’autres adultes, l’immersion dans un
espace-temps structuré, constituent généralement une expérience positive.
Mais il se trouve, dans certains cas, confronté à une organisation très découpée entre
plusieurs lieux et figures accompagnantes – et sa vie est au total plus compliquée que
celle d’un enfant ordinaire du même âge – ce qui peut solliciter sa capacité d’adaptation
au-delà de ses possibilités et aggraver son comportement.
Par exemple, voici le planning d’A., 5 ans, enfant marchant, suivi pour un retard de
développement en lien avec une problématique neurologique, avec absence de langage,
de propreté, jeu très pauvre, agitation constante, relation difficile avec fuite du regard…
Lundi
Ecole
Mardi
Ecole
Mercredi
JEA
Jeudi
Ecole
Vendredi
JEA
Nounou
Groupe
Poney
(SESAD)
JEA
JEA
Nounou
Samedi
Orthophonie
(libéral)
Kiné
(libéral
Un tel planning est le signe du désir et de l’inquiétude parentale de donner le meilleur
pour leur enfant. Mais il montre la sollicitation extrême et l’effort demandé à l’enfant de
se retrouver dans cette organisation complexe – ce qui ne peut que renforcer l’agitation.
-
Il n’est pas rare que face à la densité et parfois la complexité de l’organisation de
la vie de l’enfant, les professionnels se posent la question de où et quand
intervenir : certaines crèches ne veulent pas d’interventions spécialisées dans
leurs murs ou n’ont pas la possibilité physique de libérer des espaces-temps
dédiés, les possibilités horaires d’intervention ne sont pas en phase avec le rythme
de l’enfant ou celui de la collectivité – ou celui des parents.
25
Les éducateurs se demandent parfois si leur intervention en crèche est justifiée, l’enfant
y recevant déjà un ensemble conséquent de stimulations.
Ils s’interrogent sur la légitimité d’un rôle dans le cadre de l’école, alors qu’il y a
censément des AVS et qu’ils ont le sentiment d’être attendus dans ce rôle, ce qu’ils
n’estiment pas correspondre à leur rôle et à leur formation…
Alors même que les SESAD ont contribué à l’ouverture des structures de la petite
enfance à l’accueil des enfants différents, ils sont, du fait même de cette ouverture,
amenés paradoxalement à se demander quel rôle ils ont à jouer et comment le jouer, et
à redessiner leur place pour pouvoir remplir leur rôle.
Un repositionnement nécessaire
Comment le SESAD se positionne-t-il dans l’ensemble des acteurs qui gravitent ainsi
aujourd’hui autour de l’enfant polyhandicapé?
Comment passer de l’affirmation du bien-fondé d’un projet co-construit dans un esprit
de complémentarité des différents partenaires concernés, à sa mise en œuvre pratique,
dans le concret des situations ?
Quels sont les facteurs facilitant et non facilitant d’une telle co-construction ?
Le SESAD est-il un simple prestataire de service para-médical dont les interventions
s’additionnent simplement aux autres prises en charge de l’enfant : un peu d’école, un
peu de JEA, un peu de SESAD ? Ou fait-il doublon et rivalise avec elles ? Ou constitue-t-il
simplement une offre originale (poney, musique ou transfert…) par rapport aux autres
propositions ?
Plus qu’un problème de territoire, il s’agit d’un problème de positionnement :
positionnement professionnel individuel mais aussi positionnement global d’équipe et de
service.
Dans le contexte complexe actuel d’organisation de la vie et de l’accompagnement des
enfants suivis, divers types de positionnement peuvent se dessiner :
- A côté des autres partenaires : ce qui engendre un positionnement du type « si
vous avez besoin, nous sommes là » ; ou « on n’a pas notre place à l’école » ;
- Face aux autres partenaires : « c’est nous qui savons » - comme si les
professionnels qui accompagnent les enfants polyhandicapés et leurs familles
n’étaient jamais la proie du doute et des interrogations…
- Derrière les autres partenaires : « quand est-ce qu’on peut intervenir dans tout
ça ? » ou « la crèche ne veut pas qu’on intervienne »…
- Ou alors, dans et avec un dispositif partenarial à construire.
Le travail du SESAD n’est ni prééminent ni superfétatoire (= qui s’ajoute inutilement à
une autre chose utile). Il ne prévaut pas à priori sur celui des autres partenaires.
Mais le SESAD a une expertise en matière de handicap sévère d’origine neurologique et
de polyhandicap et, à ce titre, il doit se préoccuper de la coordination et de la
structuration de la vie de l’enfant ; il doit alerter et soutenir cette vigilance chez les
parents et chez l’ensemble des partenaires ; il n’apporte pas une proposition
supplémentaire et n’apporte pas qu’une proposition complémentaire ; mais il apporte
une action spécifique qui vise à favoriser la structuration et la cohérence autour
de l’enfant et à garantir la possibilité pour ce dernier de tirer le meilleur
bénéfice des différentes propositions qui lui sont faites.
26
Se positionner d’emblée dans le dispositif
La mise en œuvre de la prise en charge du SESAD vient forcément modifier la prise en
charge telle qu’elle était dessinée auparavant – et inversement : il ne propose pas du
prêt-à-porter et l’action qu’il devra envisager sera affectée par cette organisation
précédente.
A partir du moment où, suite à la démarche des parents, l’accompagnement d’un enfant
est engagé par le service, celui-ci doit se situer d’emblée et résolument dans l’ensemble
de cet accompagnement en posant sa spécificité.
Dès le début de son intervention, le SESAD doit se positionner dans le dispositif existant
en tant que partenaire à part entière, en affirmant tranquillement son rôle et les limites
nécessaires pour l’exercer. Cela doit se faire avec les parents et les partenaires déjà
impliqués dès la période d’observation qui précède la définition du projet – afin que soit
posée déjà la question de la cohérence et de la complémentarité des actions et de leur
articulation concrète.
L’établissement par le service d’une procédure de prise de contact avec les partenaires
peut faciliter les choses pour les parents, pour les professionnels, pour les partenaires.
Cette procédure ne doit pas être rigide, mais constitue un cadre défini, dans lequel
pourra être considéré l’apport spécifique de chaque partenaire et son rôle dans un
accompagnement suffisamment bien structuré au regard des besoins particuliers de
l’enfant – et dans lequel le service pourra élaborer son offre de service spécifique de
manière adaptée à cet ensemble.
Par exemple, si un enfant est en crèche, si l’un des axes de l’accompagnement est la
psychomotricité : faut-il envisager des séances le matin à la maison, avant son départ à
la crèche ? Mais si un psychomotricien intervient dans le cadre de la crèche, son apport
suffit-il sans ajouter l’intervention du psychomotricien du service ? L’intervention de ce
dernier peut-elle être pensée comme un soutien de l’enfant dans le cadre des séances de
la crèche et se faisant comme un soutien de l’action du psychomotricien de la crèche ?
L’expérience montre la valeur de ces temps partagés où les professionnels « en charge »
de l’enfant, se parlent, échangent leurs observations et leurs approches. Ce dialogue
autour de l’enfant fait évoluer les regards et les pratiques.
Si le bien-fondé et la nécessité de la prise en charge directe de l’enfant en séances
individuelles sont incontestables, l’efficacité de ces temps partagés autour de l’enfant
l’est tout autant. L’enfant pourra évoluer d’autant mieux dans son cadre de vie familial
ou collectif que ses accompagnants habituels sauront lui faire des propositions
adéquates.
Ce rôle de « passeur » de pratiques et de propositions suffisamment adaptées
est un volet à part entière du rôle des professionnels.
Si les professionnels ont un rôle à assurer directement auprès de l’enfant et de sa famille
– rôle technique et rôle de support – ce rôle n’est plus aujourd’hui le tout de sa mission.
Leur territoire d’intervention n’est plus surtout le domicile, mais l’ensemble des lieux de
vie de l’enfant : ils sont amenés à déployer à leur endroit un rôle de ressource pour en
favoriser et soutenir la coordination et aider les acteurs à adapter les conditions d’accueil
de l’enfant – qu’il s’agisse du rythme de vie ou de l’aménagement physique, à la crèche,
à l’école, ou à la maison…
Un travail à plusieurs niveaux
L’ajustement du positionnement au contexte actuel du travail du SESAD est un travail à
la fois au niveau individuel de chaque professionnel, au niveau de l’équipe, et au niveau
27
du service lui-même - ces trois niveaux sont interdépendants et la direction est
impliquée aux trois niveaux.
J’illustrerais mon propos par un exemple tiré de ma pratique en ce qui concerne
l’évolution du rapport tissé entre le SESAD et les écoles maternelles accueillant certains
enfants.
Ce rapport a longtemps été pauvre, les professionnels vivant de manière mitigée
l’inclusion des enfants à l’école : reconnaissant l’effet en général positif sur la
socialisation de l’enfant mais regrettant qu’ils se trouvent le plus souvent mis en échec
dans les apprentissages cognitifs – comme cela transparaissait lors des concertations
pour le PPS – mais concevant plutôt difficilement néanmoins un rôle à jouer dans un
secteur qui n’était traditionnellement pas le leur – et pour lequel ils n’étaient pas
spécifiquement formés ou frustrés par rapport aux interventions réalisées.
Ce positionnement « à côté » paraissait néanmoins de plus en plus inadapté. Mais il
fallait penser le rôle que le SESAD pouvait jouer et comment il pouvait jouer ce rôle et
déloger les professionnels de leur représentation et probablement de leur peur (de ne
pas savoir ? de ne pas être en situation duelle avec l’enfant ?…). C’est un tout petit
noyau de l’équipe, qui, en réponse à la préoccupation massive d’une famille sur ce que
vivait sa fille en classe, a élaboré une proposition d’intervention à l’école : intervention
ciblée d’une éducatrice du SESAD sur des difficultés mises en avant par l’école (manque
d’attention, propreté, inhibition à la récréation), et limitée dans le temps avec évaluation
de l’action. Cette proposition a été faite de manière officielle à l’école, en demandant
l’aval de la directrice et de la maîtresse.
L’éducatrice était partante pour mener cette intervention ; les parents étaient
demandeurs et l’école, pour sa part, a donné son accord, la maîtresse étant néanmoins
plutôt réservée. C’est donc clairement positionné que l’éducatrice est entrée dans l’école
pour cette intervention.
Parallèlement, un projet a été élaboré par le même noyau et proposé à l’équipe puis aux
familles : accueillir le mercredi matin un petit groupe d’enfants scolarisés, chez lesquels
des difficultés d’adaptation similaires apparaissaient : dispersion, incapacité de
comprendre les demandes faites par la maîtresse au groupe comme les concernant
également, inhibition dans le groupe… Il s’agissait aussi d’un projet limité dans le temps
(8 séances), les professionnels intéressés par le projet et prêts à travailler à sa mise en
place et à la réflexion qu’il demandait étant invités à s’y associer. La possibilité
d’élaborer en groupe une expérience partagée a permis aux professionnels de se
redynamiser et a ouvert des pistes pour le travail avec l’enfant en lien avec le vécu de
l’école.
Aujourd’hui, le service a élaboré un « accompagnement de la rentrée scolaire », proposé
d’emblée aux familles et aux écoles. De septembre à octobre 2012, chaque enfant suivi
par le service et scolarisé (soit environ un quart des enfants) a pu compter sur la
présence à 5 reprises, d’un professionnel du SESAD en classe. Cela permet de soutenir
l’enfant, de rassurer la famille, de créer très vite un dialogue avec l’enseignant et l’AVS,
sur la base d’observations partagées.
Un questionnaire pour obtenir un retour sur cette expérience a été adressé à chaque
direction d’école ; les retours montrent que cette action est bien perçue par les
professeurs des écoles et les AVS, et qu’une intervention systématique par période serait
souhaitable.
Parallèlement, le « groupe scolaire du mercredi », sur la base de ces observations
initiales, a pu développer des objectifs articulés à ce qui se passe à l’école : travail sur
les enseignements fondamentaux sensorimoteurs, spatiaux, graphiques... en lien, pour
chacun, avec le travail qu’il a déjà réalisé à l’école, ce qu’il a acquis ou non, ce qu’on va
28
lui demander ensuite ... / travail sur les interactions entre enfants / travail sur les
émotions, la question de la place, de la différence, la représentation du corps, l’estime
de soi, la confiance… / avec alternance de temps individualisés très construits et de
temps de groupe.
Ce travail ne semble pas vécu par les enfants comme un surplus : ils se montrent très
appétents et assidus lors des séances. L’effet de ce travail sur leur comportement dans
la classe n’est pas encore évalué.
Le service énonce aujourd’hui les objectifs de cette double action, comme celui d’être
identifié auprès des écoles comme équipe accompagnante, celui d’anticiper les difficultés
conduisant à un processus d’exclusion, celui d’être soutenant et équipe ressource pour
les enseignants concernés.
En conclusion
« Les SESSAD ont pour mission de permettre à l’enfant ayant un handicap moteur,
mental, sensoriel ou un polyhandicap de se maintenir dans son milieu de vie. L’enfant
peut ainsi continuer à se développer dans son environnement social et familial » (CASF,
art. D.312-55).
Cette mission s’articule autour d’un projet personnalisé.
Ce projet doit se construire de manière concertée, avec et autour de la personne en
situation de polyhandicap, avec les différents partenaires de l’accompagnement de cette
personne – notamment la famille et les aidants familiaux et le SESAD, mais aussi
aujourd’hui, les autres acteurs sociaux et médico-sociaux.
Le GPF appelle de ses vœux un projet « consenti et coordonné entre l’ensemble des
différents acteurs », chacun agissant « leurs actions respectives et leurs savoirs
propres ».
La construction d’un tel projet est un chemin.
Elle suppose un travail d’apprivoisement et de connaissance réciproque ; elle oblige à
(re)définir son action propre, ses objectifs, ses exigences et ses limites (à la fois au sens
de ce que l’on ne sait pas faire, ou que l’on n’est pas habilité à faire ; et de champ, hors
duquel l’action ne peut s’exercer).
Elle oblige à penser son articulation avec les autres partenaires, une articulation prenant
en compte les autres aspects de la vie et de l’accompagnement de l’enfant et se
coordonnant avec les objectifs, l’action, les savoirs des autres partenaires.
Elle oblige à travailler les représentations : représentations de service, d’équipe, des
professionnels.
Elle oblige à innover des formes d’action à la fois conformes à sa mission et adaptées
aux différents lieux de vie de l’enfant et à leurs acteurs.
Elle repose sur une volonté partagée, dans l’émergence de laquelle le SESAD
peut/devrait avoir un rôle pilote – du fait même de cet aspect spécifique de son
action qui vise à favoriser la structuration et la cohérence autour de l’enfant et
à garantir la possibilité pour ce dernier de tirer le meilleur bénéfice des
différentes propositions qui lui sont faites.
29
Formation des aidants familiaux et Spécificité du soin de la
Personne polyhandicapée
Christophe LEPAGE, kinésithérapeute CESAP
Les besoins de la personne polyhandicapée en soins spécialisés, sont parfois très
importants, et peuvent alors, occuper, une large partie de son quotidien. En effet
beaucoup d’automatismes et de réflexes physiologiques des fonctions vitales, peuvent
être déficients, voire absents. Inévitablement, les gestes de l'entourage familial doivent
se compliquer, se spécialiser, pour répondre aux besoins de compensation. Dans ce
processus les parents peuvent être accompagnés par les rééducateurs, qui apportent
des propositions techniques. Celles-ci doivent aussi s'adapter aux besoins familiaux,
pour pouvoir s'intégrer dans le quotidien de l'enfant et pourquoi pas, dans la gestuelle
ordinaire du parent. De l'exercice de cette connaissance réciproque, naît le besoin d'une
formation, et donc, d'une éducation thérapeutique, pour l'enfant, par le biais de l'aidant
familial. Si le soin proposé présente ces trois critères, -Non douleur, -efficacité devant un
but déterminé, -simplicité d'exécution, et corrélé à ce 3ème, qu'il prenne pour sa forme,
l'exemple de la physiologie non défaillante, il n'en devient que plus juste et intégrable
dans le quotidien. Ensuite, rassembler les soins choisis, en un document, une fiche,
représente une étape supplémentaire dans les possibilités de communication. Les
éléments thérapeutiques du contenu, pourront être diffusés, de la cellule familiale, aux
différents lieux accueillant, ou susceptibles d'accueillir l'enfant.
Mots clefs : Polyhandicapé ; aidants familiaux ; éducation thérapeutique ; hygiène
respiratoire ; carence perceptive ; soins spécifiques.
1. Les besoins en formation des aidants familiaux existent dès le plus jeune âge de
l'enfant polyhandicapé, et ceci, à l'égal de ses besoins en prises en charge spécialisées et
variées. En effet, certaines situations nécessitent l'intervention précoce de soignants
pour traiter des problèmes des grandes fonctions vitale.
Un des objectifs prioritaires de ces prises en charges, est le confort de l'enfant, et ceci
pour mieux répondre, aussi, à ses besoins sur le plan éducatif et social. « Confort », ce
mot recouvre plusieurs notions, dont celle, primordiale, de lutte contre la douleur,
douleur physique bien sûr, mais aussi, psychologique, angoisse, dépression.
Donc, beaucoup de soins et de gestes attentionnés vont venir s'inscrire dans le quotidien
de l'enfant ; ils seront apportés
par
ses parents, sa mère au premier plan.
Inévitablement, ces geste ordinaires devront se compliquer, se spécialiser, pour mieux
répondre aux besoins de compensation des déficiences. Alors, les besoins en formation
de ces aidants, apparaissent de manière évidente. La réponse peut se faire assez
naturellement, par le biais d'une éducation thérapeutique ; le parent, reprend et
applique une technique que lui aura montrée, le kinésithérapeute par exemple.
Ici un des bénéfices attendus, est de l'ordre de la prévention, prévention primaire,
prévention des récidives, prévention des complications d'un état, stabilisé ou non.
2. Éducation thérapeutique en service de soins à domicile.
Ainsi, de la kinésithérapie, il s'agit de transmettre des éléments de pratique, simples qui
agissent sur des objectifs bien définis. Les éléments proposés à ces aidants naturels,
devront être le plus possible, spécifiques des besoins de la personne polyhandicapée ;
craindre la systématisation dans l'approche, « l'indifférenciation.
Heureusement, des nombreuses techniques et approches rééducatives existantes, on
peut extraire un certain nombre, adaptées et donc plus adaptées que d'autres, aux
besoins de la personne polyhandicapées. Par là et par l'expérience, on reconnaît
30
quelques fondamentaux ; on peut les nommer soins, et ils seront, -efficaces dans une
action compensatrice d'un manque élémentaire déterminé. Ils seront aussi non
douloureux, et simples à reproduire, et pour ces trois raisons, facilement inscriptibles
dans le quotidien.
Pour la kinésithérapie, quatre domaines donnent matière à transmission aux aidants.
2.1.
La rééducation motrice ou gymnastique, qui prend ici des orientations
neuromotrices, mais aussi, sensori motrices (les besoins de la personne polyhandicapée
dans ce domaine, sont importants. Aussi, être sensibilisé, ou mieux, formé, à une
approche visant à compenser les carences perceptives de la personne polyhandicapée,
comme la « stimulation basale », permet de compléter l'approche neuromotrice, elle
même pourtant, indispensable [1].
Andreas Fröhlich, L'auteur de l'approche basale, rappelle que l'enfant polyhandicapé
peut être extrêmement diminué dans ses capacités motrices, que cette diminution d'une
possibilité de développement, a pour conséquence, qu'en « partant à la conquête du
monde », il ne peut utiliser ses perceptions que de manière insuffisante. Il est par
conséquent conduit à se restreindre à un nombre limité de domaines, parfois même à
certaines parties de son propre corps [2]. Ces carences perceptives proviennent
notamment, de la non expérience des aventures motrices avancées. Les schémas
neuromoteur, Les fonctions locomotrices, ces programmes moteurs s'enchaînant
normalement automatiquement, à partir de données proprioceptives (perception des
parties du corps dans l'espace), sont ici déficients. Or, chaque instant de ce processus
intègre en lui mêmes, les expériences d'appropriation progressive du corps dans sa
globalité, celles des perceptions vibratoires, et la mise en place du réglage vestibulaire.
Alors dans l'approche « Basale », l'adulte accompagnant essaie d'intervenir pour l'aider à
se découvrir, et à découvrir le monde, par la mise à disposition de ses propres capacités
motrices. La perception corporelle élémentaire -perception par la peau (somatique), par
le mouvement (vestibulaire) et par la voix humaine (vibratoire), peut aussi devenir, une
communication élémentaire, et ceci, n'est pas négligeable, compte tenu de la grande
faiblesse de la personne polyhandicapée dans ce domaine.
2.2. L'orthopédie, qui est souvent ici, une neuro orthopédie, car conditionnée en grande
partie, par les conséquences morpho-statiques de la posture pathologique, propre à
chaque sujet paralysé cérébral. C'est à partir d'elle, justement, que travaille la
gymnastique.
2.3. La respiration et ses perturbations. C'est ici sans doute, que la spécificité du soin,
paraît indispensable. Bien plus, si l'on s'attache à appréhender de manière globale, les
besoins de la personne polyhandicapée dans ce domaine,
la spécificité se construit
plutôt spontanément, en puisant techniques et moyens à des sources variées.
2.4. Le portage ou manutention, vaste domaine influencé par les trois précédents,
(gymnastique, orthopédie, respiratoire), et où s'exprime la qualité de « l'engagement
physique de l'aidant », engagement physique inévitable, dès que l'on s'occupe de la
personne polyhandicapée.
On peut évoquer rapidement ce domaine, et affirmer, qu'il peut faire l'objet d'une
éducation thérapeutique des aidants familiaux.
Une étude de juin 2010 du CREAI du nord Pas de Calais, et intitulée, « Les besoins en
accompagnement / formation des aidant naturels de personnes polyhandicapées» [3],
renforce, si nécessaire ma conviction.
Pour les familles interrogées, Les deux besoins les plus fréquemment avancés étaient :
-la formation aux techniques de portage
31
-la formation et l'information sur les aides techniques et matérielles existants.
On notera le caractère complémentaire de ces demandes.
Dans le cadre d'un service de soins et d'éducation à domicile, elle se fera assez
simplement, sous la forme d'une éducation thérapeutique, au cours de rencontres, «
parents, enfant´ kinésithérapeute », régulières mais espacées dans le temps, comme
une guidance. Une dizaine de séances d'une heure chacune, sur l'année, permet de
résoudre quelques situations et de modifier les comportements.
Ici encore, les propositions s'adapteront le plus spécifiquement aux besoins.
Aux fondamentaux visant à protéger l'aidant, s'ajoutent ceux visant à préparer la
personne polyhandicapée, à participer, ou à « être avec». Ce sont les fondamentaux
neuromoteurs (intégration d'éléments actifs et facilitateurs), et sensori moteurs
(information et interactions). On voit donc que la manutention, là où se travaille les
gestes qui visent à compenser le manque d'autonomie par le mouvement, doit être le
plus précisément adaptée aux besoins individuels. Mais, Ce qui est valable pour «
l'adaptation de notre engagement physique », pour les besoins du portage et du
guidage, l'est tout autant, pour les autres domaines, dont celui du soin en respiratoire,
que je vais développer davantage, maintenant.
3. Abord de la question de la prise en charge de la fonction respiratoire de la personne
polyhandicapée en situation aggravée.
Ces sujets présentent une atteinte motrice des 4 membres et du tronc, à laquelle
s'ajoutent des troubles neurologiques (épilepsie), viscéraux et assez souvent, sensoriels.
Intéressons nous à l’encombrement respiratoire permanent de ces personnes ;
superficiel ou ne concernant parfois que les voies aériennes supérieures, il suffit à
alourdir gravement la qualité de vie. Par conséquent, sa prise en charge doit être
quotidienne pour tenter de pallier à certains déficits. Car c'est quotidiennement, que la
personne polyhandicapée est pénalisée par ceci, qu'elle ne peut,
ni renifler
efficacement, pour drainer de l'arrière nez vers la gorge [4], ni se racler la gorge pour
collecter et ainsi éviter les fausses routes trachéales par regorgement [5], ni déglutir au
bon moment, pour évacuer.
Pourtant, c'est ce que nous faisons de manière
automatique et quasi inconsciente, chaque matin et de multiples fois au cours de la
journée, pour nous garantir la juste perméabilité de nos voies aériennes supérieures, nez
bouche, cavum, pharynx. Mais la faiblesse, hypotonie, hypo contractilité, des voies
aériennes supérieures de la personne polyhandicapée, est aggravée par son immobilité,
(permanence positionnelle), et devient effondrement évolutif. Celui-ci, tout en gênant
l'arrivée de l'air, permet la stase salivaire, par là, les fausses routes trachéales, ellesmêmes causes de pneumopathies.
Ce qui est spécifique ici, bien sûr, est qu'une part du problème, est d'origine
positionnelle. L'immobilité en décubitus dorsal apporte son lot de complications qui
aboutissent à restreindre la fonction respiratoire, la capacité vitale [6]. Au repos et hors
d'épisode aigus, la ventilation est souvent correcte, mais les volumes de réserves,
expiratoires et inspiratoires, sont eux, extrêmement réduits par rapport à ceux du sujet
témoin. Cet équilibre précaire dans la ventilation, conséquence de l'aggravation du
syndrome restrictif, fragilise encore l'enfant polyhandicapé, face aux affections, même
mineures [7]. Pour tenter de compenser cette hypo ventilation, les muscles respiratoires
accessoires comme les trapèzes, puis d'autres, y compris posturaux, sont contractés de
manière continue, et alourdissent la charge de travail respiratoire. La nature de
l'inconfort se globalise, et devient à la fois, respiratoire et positionnel.
Est-il alors pertinent, pour traiter un problème pluri factoriel, de prescrire des séances de
kinésithérapie dites « respiratoires » ? Séances dont on sait que pour la plupart, face à
ces situations compliquées, elles seront « mono techniciennes », indifférenciées, mettant
32
en oeuvre ce que l'on nomme : « l'accélération du flux expiratoire ». C'est le moyen le
plus répandu et appliqué, que l’encombrement soit, profond ou superficiel, et quelle
qu'en soit l'origine. Rappelons que des écrits scientifiques, ont défini les limites de cette
approche.
Guy Postiaux, par sa pratique, et lors d'un article, déjà ancien [8], a démontré que lors
de l'application de l'accélération du flux expiratoire, qui consiste en une pression
thoraco-abdominale soudaine et d'intensité parfois mal contrôlée, on observe un
collapsus trachéal quasi systématique, qui entraîne une séquestration de l'air intra
thoracique et donc des sécrétions. Devant cette situation, il n’est pas rare d’avoir recours
à une aspiration trachéale pour collecter les mucosités. Au peu d’efficacité de ce moyen,
s’ajoute son inconfort, voire son caractère douloureux ; il est des soins plus inadaptés
que d’autres...
Le même auteur propose alors une méthode plus conforme aux besoins, qui se fonde sur
le mode expiratoire lent passif, au moyen de « l’Expiration Lente Prolongée » glotte
ouverte, en décubitus latéral, l'infra latéral étant visé par le drainage profond et moyen
[9]. Évidemment, il nous faudra adapter cette technique, la modifier, la' greffer à
d'autres pour espérer parvenir à un soin spécifique.
3.1. Madjat.
Maintenant, voyons ce qui peut être fait dans le cadre d’un service d’éducation et de
soins à domicile, par les aidants naturels, avec la forme d’une éducation thérapeutique.
Madjat a 4 ans ; elle présente un encombrement rhinopharyngé permanent. Son
épilepsie n'est pas équilibrée, et ses manifestations, renforcent sa posture pathologique.
Des troubles viscéraux, reflux gastro oesophagien, constipation, s’ajoutent pour
augmenter son inconfort et réaliser un état douloureux.
Des spasmes neuromoteurs fréquents se produisent en extension globale et agissent sur
sa mobilité costale de manière anormale. Ainsi en position assise dans le corset siège,
insuffisamment adapté, ses membres supérieurs partent en rétro pulsion, coudes en
extension, mains en inclinaison cubitale. Ceci a pour effet de « projeter » en avant le
plastron sterno-costal (photo 311). Cette région enfle à chaque inspiration, mais ne peut
se relâcher, lors des expirations. Madjat à ces moments, respire sur un mode
asthmatiforme. En même temps, nuque en extension, le risque de fausses routes
augmente. On voit donc, que le problème qui touche à la fois aux fonctions respiratoire
et digestive, trouve en partie sa cause, dans l’inadaptation de l'installation. La position
n'est pas adaptée aux besoins de compensation des faiblesses de ces deux fonctions. Le
traitement immédiat de cette situation, est donc postural, en réduisant les mauvaises
positions segmentaires, par des manoeuvres de détente automatique [1]. Le rythme
respiratoire et la mobilité costale de Madjat, se normalisent ; les côtes se dépriment
comme cela se doit, lors du temps expiratoire. D’autres soins plus spécifiquement
respiratoires sont pratiqués en même temps et permettent à Madjat de se désencombrer
(photo 312).
Au tout début de la prise en charge, quelques mois auparavant, le traitement rééducatif
des problèmes moteurs et respiratoires, avait
été confiée à un kinésithérapeute
exerçant en libéral. Il appliquait la technique de l'accélération du flux expiratoire [8].
Puis à l'occasion du déménagement de la famille, une approche plus globale, et plus
spécifique, a pu être mise en place.
Les deux axes sont alors, de dégager les voies aériennes supérieures, et de faciliter le
jeu costal. À cette fin, on dispense un ensemble de soins physiques qui parviennent à
améliorer le bien-être, paraissent prévenir les pneumopathies.
Ces soins font maintenant partie du quotidien de Madjat car sa maman, les ayant appris,
les applique. Pourtant certains jours, la petite fille pleure et ne se calme, que bercée
33
(balancée), au son d'une comptine. Rapidement, les pleurs cessent et l'on peut alors
aborder la partie soins, telles que des mobilisations du cou en circumduction, et
commencer une toilette pharyngée comme l’envisageait Alain Lespargot [6]. Ce soin,
l'aidant familial, la maman en l’occurrence, le retrouve parmi d'autres, sur la fiche
d'éducation thérapeutique composée pour Madjat.
Ce mode de suivi a été proposé, fin juillet 2012, à la veille des vacances d'été, et de la
fermeture du service de soins. De début juin jusqu'à cette date, où les séances sont
interrompues, un certain nombre de soins avait été pratiqué et l'on pouvait constater
qu'ils amélioraient le confort global de la petite fille. Ils étaient montrés et pratiqués sous
contrôle par la maman, 2 fois par semaine. Le reste du temps, la maman les intégrait
dans le quotidien de l'enfant. De cette manière, le mois d'août est passé assez
simplement.
3.2. Support d'une éducation thérapeutique.
Madjat est donc quotidiennement soignée par sa maman, qui applique certains soins
d'une fiche d'hygiène respiratoire. Elle est accueillie à temps partiel, dans deux
structures, une garderie de son quartier, et une unité petite enfance d'un externat
médico Éducatif. Une partie du projet de ce service spécialisé, est de faire appliquer par
les professionnels de ces deux lieux d'accueil, éducatrice de jeunes enfants, éducatrices
spécialisées, aides médico psychologiques etc., les procédures du document, les plus
adaptées aux besoins de Madjat. Certaines manoeuvres sont intégrées dans des activités
de groupe, telles le « bonjour chanté », le matin dans l'unité « petite enfance ».
3.3. Contenu de la fiche.
La plupart de ces soins, visent à pallier l'absence ou la déficience, d'éléments
physiologiques de régulation de la fonction respiratoire, spontanés ou automatiques.
Également, la formulation de ces objectifs élémentaires, est volontairement simple : «
Renifler, se racler la gorge, déglutir au bon moment...»
Bien sûr la liste de ces objectifs réduits et des techniques correspondantes, n'est pas
exhaustive. Quant à l'ordre de présentation des soins sur ce document, il est surtout
indicatif, et n'a pas de caractère d'immuabilité.
Toutefois, il est nécessaire que le temps d'information et de détente « 1. », précède ceux
d'exécution des soins des paragraphes « 2. » « 3. » « 4 » et « 5. » de la fiche. On
pointe à nouveau cette spécificité de la personne polyhandicapée, qui a besoin d'être
préparée de manière adapté, à la mobilisation de son corps,
ici, dans un but
thérapeutique.
4. ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE :
HYGIÈNE RESPIRATOIRE - VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES Fiche à l'usage des aidants.
Enfant :
Né le :
Période :
2013.
A Appliquer les procédures suivantes.
À distance ou avant les repas :
1. Informer détendre ; traiter la posture pathologique (la décrire) :
Manœuvres de détente automatique [1] :
1.1. Membres inférieurs : abaisser la pointe du pied tout en l'orientant vers l’intérieur ;
34
rapprocher le talon vers le genou opposé.
1.2. Supérieurs : Rechercher l'ouverture de la main, en appuyant doucement sur son
dessus ; guider en rotation interne d’épaule, et profiter de la détente obtenue, pour
baisser l'épaule et soulager les trapèzes (photo 412)
1.3. Détendre le cou, le fléchir (photo 413).
1.4. En même temps : Stimulations basales.
1.4.1. Envelopper/masser/enrouler.
1.4.2. Parler/chanter/vibrer/percuter.
1.4.3. Mobiliser/balancer/bercer...
2. Humidifier :
Toilette ou douche nasale au sérum physiologique : l'enfant est couché(e) sur le côté
nuque fléchie ±30° ; envoyer doucement, le sérum d'une pipette, ou d'une poire
auriculaire personnalisée.
3. Assouplir les muscles de la bouche et du visage :
(Traiter les tensions qui peuvent gêner l'alimentation et la respiration :
L'enfant est assis(e) contre soi, ou dans le siège adapté, si l'enfant s'y trouve bien, ou
en DL etc. Le cou est étiré/fléchi de ±30°.
3.1. « Lisser » le front (pressions glissées profondes descendantes).
Massage-étirement lent, descendant des muscles des tempes au menton.
Pouvoir fermer la bouche :
3.2. Elévateur de la lèvre supérieure ; il risque presque toujours de se raccourcir, alors:
étirer la lèvre vers le bas, comme pour cacher les incisives de la mâchoire inférieure : 10
secondes plusieurs fois par jour (photo 432).
3.3. Mobiliser et avancer la mâchoire inférieure : placer une main à l'arrière du crâne de
l'enfant, pour éviter la bascule en lordose. Puis, la paume de l'autre main, est tournée
vers le ciel, et les doigts sont tendus et largement écartés. Le pouce appuie légèrement
sur la pointe du menton et cela permet de commencer à détendre les fléchisseurs de la
mâchoire ; maintenir ce contact du pouce pour prolonger l'effet de détente, tandis que le
majeur va presser le plancher de la bouche. Maintenir continuellement, alors que
l'annulaire et l'index vont saisir les angles arrière de la mâchoire inférieure. Une fois la
prise réalisée, tirer lentement la mâchoire vers soi. On peut, par cet étirement (durée 10
secondes), lutter contre le recul du menton et de la langue (photo 433).
4. Éclaircir la gorge :
TOILETTE RHYNOPHARYNGÉE :
4.1. Renifler : désobstruction rhinopharyngée rétrograde : accompagner le temps
expiratoire de la respiration de l'enfant, par pression manuelle douce sur son
thorax ou sur son ventre. Dès que l'enfant inspire, presser avec l'autre main,
paume en l'air, doigts tendus vers l'angle du cou et du menton, ou par le bord du
petit doigt, pour repousser l'arrière de la langue vers le haut. Le flux inspiratoire
va alors drainer des sécrétions sur la base de la langue, et elles pourront être
évacuées par des déglutitions.
4.2. Se racler la gorge : Toilette pharyngée : après s'être assuré du relâchement
cervical, mobiliser le cou en « circumduction » (faire de grands cercles) lentement, sans
jamais forcer bien sûr ; puis quelques inclinaisons latérales, plus rapidement, et
d’amplitude plus réduite. Mobiliser, sur le cou toujours détendu, latéralement la «
35
pomme d'Adam » ; recommencer alors : -circumductions, -inclinaisons latérales, mobilisations de la pomme d’Adam, et deux ou trois fois encore.
4.3. Déglutir et ravaler un excès de sécrétion ou un dépôt alimentaire : « pompage
valléculaire » : remonter avec 2 doigts, de chaque côté de la trachée, de la base du cou,
jusqu'au plancher de la bouche ; une déglutition se produit automatiquement, et ceci
permet d'avaler un peu de l'excès de salive.
4.4. Toux provoquée : Si l'enfant n'a pas toussé spontanément, on provoque la toux, en
appuyant prudemment mais de manière continue, avec la face antérieure de l'index, sur
la trachée dans le creux en bas du cou, juste au dessus du sternum. Maintenir une
seconde, la pression tout en gardant le cou fléchi, quand la toux survient ; puis,
appuyer avec le plat d'une main, sur le corps du sternum, (le haut de la poitrine).
5. Respirer plus et autrement : apporter les positions qu’il ne peut atteindre seul :
5.1. Sur le côté, maintenu si besoin par un coussin contre
légèrement fléchie (photo 451).
le dos ; la nuque est
Ici, profiter du temps de positionnement latéral, pour appliquer La méthode « Tourne
dos »
5.1.1. 3 mn (et plus) couché sur le côté droit nuque fléchie ±30° = aider à vider
l’estomac (faire passer le liquide vers l’intestin)., et aussi, amélioration de l'ampliation
thoracique supra latérale.
5.1.2. 3 mn (et plus) couché sur le côté gauche nuque fléchie ±30° = évacuer les gaz
de l’estomac, et lutter contre le ballonnement du ventre.
NB : Le « tourne dos » trouve son indication logiquement avant les repas.
5.2. Positionnement ventral :
5.2.1. plat-ventre avec coussin passé sous les bras :
5.3. Ventral par un moyen tel qu'une « luge de décubitus ventral (photo 453) [12].
5.4.
En appareil à appui antérieur,
type « moto » [13] (Photo 454),
ou «
verticalisateur respiratoire ».
NB : pour ces positionnements, latérales et ventrales, se référer au protocole
d'application).
5.5. Faire ventiler en apportant du mouvement : gymnastique.
B - Commentaires des parents :
1. Critiques :
2. Apports pour l'enfant :
3.
Adaptations :
36
4.1. Quelle est l'origine des soins rassemblés ici ?
La première caractéristique commune à tous, est qu'ils ne sont pas récents ; ceux
d'Alain Lespargot et Finn allan Svendsen ont fait l'objet d'une publication dans les
années 80 ; ceux de Guy postiaux et Michel Le Métayer dans les années 90. Quant à
l'idée d'un « traitement postural » des affections pulmonaires graves, par mise en
décubitus ventral, il a été présenté pour la première fois, par Bryan pour « ventiler les
segments pulmonaires dorsaux, qui ne le sont pas en décubitus dorsal. Ce soin
complémentaire, était proposé à des patients souffrant d'une insuffisance respiratoire
aiguë avec hypoxémie. D'autres effets sont observés lors de la mise en position ventrale'
en plus de l'oxygénation. L'écoulement des sécrétions buccales et pharyngées, voire
trachéale, n'est pas le moindre. D'autres bénéfices sont imputables aux soins par
positionnement ventral, avec l'installation sur « luge », à partir des années 2000, suite
au travail du service de neuro respiratoire du professeur Estournet, à Garches.
Enfin, C'est en 1993 qu'Andreas Fröhlich, publie son ouvrage intitulé, « la « Stimulation
basale », cette approche qui veut apporter ce que l'on peut assimiler à, un « liant
informatif », entre des actes ici, à fonction thérapeutique.
5. Conclusion
Uns des objectifs de ce travail, a été de présenter les différentes matières de la
rééducation pouvant faire l'objet d'une transmission de pratique, vers les aidants, et par
là, de les former/informer. Il n'a été développé qu'une approche globale du problème
respiratoire de la personne polyhandicapée en situation aggravée. Pour la rendre plus
abordable par le concret, on s'est restreint à celui des voies aériennes supérieures, et de
la sollicitation du soufflet thoracique. Des techniques ont été présentées, et rassemblées
dans des fiches qui servent de support à une éducation thérapeutique des aidants
familiaux et professionnels, présents dans la prise en charge d'un enfant. On notera que
les soins retenus ici, ont pour but de compenser la défaillance d'un élément mécanique
dans la physiologie respiratoire, ou moteur et morpho statique, dans la mesure où il
influe sur la qualité de cette fonction. Cette volonté de compensation, s'intéresse aussi,
aux carences perceptives inhérentes au polyhandicap, sachant que la plupart des
comportements maternels, contiennent naturellement, des stimulations, osons dire, «
basales », qui répondent aux besoins de communication et de rassurance de l'enfant.
6. Bibliographie.
[1] Rééducation cérébro motrice du jeune enfant, éducation thérapeutique, Michel Le
Métayer ; 2ème édition Masson.
[2] Basale Förderung », «Rundbrief», Andreas Fröhlich, bulletin officiel de l’Association
Internationale de la stimulation basale®, 2001 Traduction de l'allemand Thérèse
Musitelli, Jacques Rossier Mai 2007.
[3] LES BESOINS EN ACCOMPAGNEMENT / FORMATION DES AIDANTS NATURELS DE
PERSONNES POLYHANDICAPÉES. Étude menée dans le cadre du Plan Régional des
Métiers au service des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes. Juin
2010 : Muriel DELPORTE, conseillère technique CREAI Nord / Pas-de-Calais ; Anne-Fleur
MOULIERE, stagiaire psychologue.
[4] Kinésithérapie respiratoire et auscultation pulmonaire, nouvelle approche clinique,
méthodologique et technique, chez l'adulte l'enfant et le nourrisson, par Guy Postiaux, «
Éditions Universitaires » 1990.
[5] Les fausses routes trachéales chez l'enfant I.M.C ou Poly-handicapé - LESPARGOT
(A) (1989). Motricité cérébrale ; 10 : 141-160.
[6]
Les troubles respiratoires de l’enfant déficient profond polyhandicapé, F. A.
SVENDSEN motricité Cérébrale Tome 6 n° 3 1985.
[7] Prévention des complications du décubitus dorsal permanent, (station assise et
appareillage chez l'enfant et l'adulte polyhandicapé) Dr Marie-Christine Rousseau ; 28
37
septembre 2001 Mission HANDICAP Assistance Publique - Hôpitaux de Paris 3, avenue
Victoria 75100 Paris RP Réalisation : Secteur Editions - Direction de la Communication de
l'AP-HP © 2002 Assistance Publique - Hôpitaux de Paris ; page 6 à 8.
[8] MISE AU POINT De la dite « Accélération du Flux Expiratoire (AFE) mise au point;
Guy Postiaux, Annales de Kinésithérapie ; 1992, t. 19, n° 8, pp. 411-427 @ Masson,
Paris, 1992.
[9] L'expiration lente totale glotte ouverte, Guy POSTIAUX, Annales de kinésithérapie,
1987, tome 14, n° 7-8, pp. 341-350 @Masson, Paris.
[10] L'accompagnement soignant de la dilatation gastrique chez l’enfant et l’adulte
sévèrement polyhandicapé, F.A SVENDSEN, Motricité cérébrale, Réadaptation,
Neurologie du développement Vol.28 - n° 1 (Mars 2007); pp.3-1.
[12] Encombrement respiratoire de l’encéphalopathe ; La « Luge de décubitus ventral »
Hôpital Raymond Poincaré -Garches (92) -Berck sur Mer (59) -France- Service de
pédiatrie infantile et de rééducation neuro-respiratoire Service du Professeur B.
Estournet.
[13] La « moto », dispositif d'aide aux activités au sol, pour les enfants IMC très
atteints dans leur motricité, ou polyhandicapés ; J. Y. Depardieu, motricité cérébrale 32
(2011) 72-78.
Illustrations.
Photo 311 Madjat en situation d’inconfort respiratoire et positionnel.
Photo 312 Faire céder l’inconfort POSITIONNEL en premier lieu.
Photo 412 : détendre un membre supérieur.
Photo 413 : détendre le cou en flexion.
Photo 432 : étirer l'élévateur de la lèvre supérieur pour prévenir sa rétraction.
Photo 433 : détendre et mobiliser vers l'avant le menton.
Photo 451 : décubitus latéral.
Photo 453 : Installation sur une « luge de décubitus ventral » d'une fillette dont les
hanches sont luxées en postéro externe.
Photo 454 : installation sur un appareil à appui antérieur, type « moto ».
311
312
413
432
412
433
38
451
453
454
Témoignages :
Marie-Christine TEZENAS DU MONTCEL, parent
Je m'appelle Marie-Christine Tézenas du
respectivement âgés de 28, 24 et 22 ans.
Montcel.
J'ai
trois
enfants,
trois
fils
L'ainé est polyhandicapé depuis sa naissance, je devrais dire depuis avant sa naissance;
polyhandicap lié à une malformation du cortex ; diagnostic difficile à poser, qui avant
d'être tardivement avéré par l'imagerie, a été suggéré par la clinique et l'expérience des
médecins, avec un pronostic qualifié de "réservé", c'est tout dire ...
Comme la plupart des parents, rien ne nous avait préparés à cela. Le monde du
handicap nous était terra incognita, totalement inconnu. Les professionnels intervenant
dans ce monde, quasi des extraterrestres.
Nous avons été jetés dans la fournaise du handicap en moins de quarante-huit heures,
et il y a donc de cela 28 ans.
Alors, de mon point de vue de mère, aujourd'hui qualifiée "d'aidant familial" (depuis que
nous avons été traité d'équipe parentale par un médecin de SOS, plus rien ne
m'étonne!!) j'aurais bien des choses à dire sur ce thème de l'aidant familial, des aides à
domicile et des aidants professionnels et institutionnels, et des échanges…
°°°
Au début, je n'avais pas de difficulté autre qu'affective, liée à l'inquiétude. La différence
entre un bébé polyhandicapé et un bébé ordinaire est peu de choses. Un retard
psychomoteur, des convulsions, une difficulté plus grande à se nourrir, rien de bien
méchant pour peu qu'on l'accepte…
Grégoire n'avait pas été pris dans la crèche où il était inscrit car il convulsait. L'épilepsie
était un motif de refus non négociable, surtout chez un si jeune enfant. De toute façon,
étant donné que rien ne s'était passé comme prévu et qu'il avait passé ses quatre
premiers mois à l'hôpital, je n'étais pas trop prête à l'y mettre.
La difficulté majeure était que je ne pouvais pas le sortir car il était très réactif aux
bruits. Le moindre klaxon, coup de frein, provoquait chez lui une panique incontrôlable,
voire des convulsions. On ne sortait pas quand on voulait mais quand on pouvait...
Mon mari à l'époque avait des horaires très lourds, et tous mes amis travaillaient. Donc,
j'étais dans une grande solitude.
J'avais rencontré je ne sais plus comment une jeune fille qui travaillait à la pouponnière
Paul Parquet. Elle était extraordinaire. Elle venait deux fois par semaine, ce qui me
permettait de sortir, de faire des courses etc... Elle était à la fois une présence amicale
et professionnelle.
°°°
39
Puis nous avons eu les premiers vrais aidants professionnels. Je voudrais en dire un mot
car c'est une expérience très particulière.
Grégoire a passé les quatre premiers mois de sa vie à l'hôpital, jusqu'à ce que nous
réalisions qu'il n'avait rien à y faire.
Aux professionnels de la médecine, ont succédé les professionnels du médico-social. Il
avait à peine un an (dont ces quatre mois d'hôpital) quand il a bénéficié d'une prise en
charge par un SSESSAD du CESAP.
Au début c'est rude, parce que, chez ces professionnels de la différence, les tout
premiers qu'on rencontre sont des médecins. Ce qu'ils ont à vous dire est impossible à
entendre. Le moment où on comprend que la singularité de son enfant, unique et
exceptionnel, bascule dans la différence est évidemment très difficile, même si on a à
faire au médecin – au professionnel- doté de la plus grande empathie et de la plus
grande délicatesse. Alors, si on tombe sur un rugueux…
Ca veut dire que les premiers rapports avec les professionnels du médico-social, qui
arrivent en quelque sorte dans la foulée, envoyés par les médecins, ne sont pas si
faciles.
Il y a une ambivalence extrême de la part du parent, partagé entre le soulagement, la
reconnaissance et l'incompréhension. Car, finalement, ils n'auraient jamais dû être là. Ils
ne devraient pas être là. Ils sont la première matérialisation intrusive du handicap.
En même temps, on attend de ces "sauveurs" on ne sait quelle réparation impossible,
dont on sait pourtant pertinemment qu'elle n'aura pas lieu. On leur sait gré de ce qu'ils
sont, de ce qu'ils font, mais on aimerait ne pas avoir besoin d'eux.
On n'est pas dans le déni mais carrément dans un refus qu'on ne peut même pas
s'avouer à soi-même, dans une révolte dont l'objet est inaccessible.
A cela s'ajoute l'inquiétude sourde du savoir qu'ils détiennent, qui est très différent de la
connaissance que l'on a de son propre enfant. C'est d'un autre ordre.
On est dans un état de vulnérabilité extrême, vulnérabilité acquise avec le handicap de
l'enfant : on devient très sensible à tout ce qu'on ressent comme une agression – à tort
plus souvent qu'à raison -. Et donc d'agressé, on peut devenir agressif.
Alors dans ces premiers rapports, sur cette toile de fond là, les professionnels doivent
être aussi attentifs aux parents qu'à l'enfant.
Et ils le sont.
Les SESSAD, c'est très intéressant. C'est l'institution majuscule qui vient à vous. Les
professionnels qui viennent là sont censés venir pour l'enfant. Mais ce qu'ils apportent
aux parents, à la famille est incommensurable. L'éducation à la parentalité d'un enfant
polyhandicapé est comme une éducation sentimentale. Il faut simplement tomber sur le
bon partenaire.
Leur simple présence familiarise les parents avec le monde Médico-social, les aide à
apprivoiser cette notion de handicap, vous savez, "s'asseoir un peu plus près tous les
jours" (Le petit prince, Saint Exupéry). Et ils font un boulot exceptionnel ! Ils sont
aidants professionnels auprès de personnes handicapées... mais aussi de leurs aidants
familiaux. Ils vous donnent des clés pour toutes sortes de portes. A vous de les utiliser…
40
Vers cinq ans est venue la journée de regroupement CESAP. On mettait le pied,
doucement, dans de l'établissement. Cela se traduisait par une maison où il n'était pas.
En quatre ans, on avait oublié comment c'était car on avait construit notre vie autour de
lui. Même les petits frères étaient étonnés. C'était le premier pas vers l'établissement.
Je tiens à souligner que cette expérience avec le "sur mesure" du SESSAD a été très
bénéfique et très heureuse.
Je ne sais pas comment se débrouillaient ces professionnels, mais ils donnaient
l'impression d'avoir le temps pour parler, donner des exemples, des conseils, rompre la
solitude et rester souriants à une époque où tout le monde vous regardait avec des airs
consternés en se représentant ce qu'ils croyaient être votre vie ; ils étaient les seuls à
avoir un comportement normal, simple…
Les
jeunes années sont décisives dans la construction de cette relation parentprofessionnel au cœur de laquelle devrait se trouver l'enfant polyhandicapé. Ce n'est pas
toujours aisé. Cela dépend de ce que chacun a vécu, de ses références, de ses blessures
antérieures.
De sa capacité d'empathie aussi, encore que je me méfie beaucoup de cette idée si à la
mode ; sous prétexte de cette fameuse empathie pour des personnes handicapées et
surtout sans langage, on se projette parfois entièrement sans même prendre le temps
d'écouter ou de regarder l'autre.
En même temps, on avait une nounou car mon mari avait toujours des horaires lourds,
et c'était compliqué. Un enfant polyhandicapé, extrêmement réactif aux bruits de la rue
et deux petiots, ce n'était pas simple, si on voulait que les deux autres aient la vie
ordinaire des enfants de leur âge…. Ce n'est pas tout à fait le sujet, mais je mentionne
au passage que préserver la fratrie, ce n'est pas évident non plus…
°°°
Ensuite est venu l'établissement. Ca été très difficile, en tout cas pour moi, alors que
d'autres parents sont très heureux de trouver une bonne structure adaptée à leur
enfant.
Je crois que je n'en ressentais pas le besoin pour moi, mais plutôt la nécessité pour
Grégoire.
Là encore, le discernement pour un parent entre ce qui lui plait et ce qui est adapté à
son enfant est une recherche exigeante, parfois bien inconfortable. Discerner son propre
désir pour ne pas l'imposer est un exercice ardu. Bref, j'ai éprouvé un sentiment de
dépossession. Vous avez la sensation de vous retrouver démuni, les mains vides. Les
codes éducatifs changent, les repères aussi. Parfois, on vous le fait savoir, et c'est très
violent. Ca a été vrai, ça l'est moins aujourd'hui.
Heureusement il y avait les turbulents petits frères dont l'énergie arrivait à grignoter
mes états d'âme.
Puis, le passage en établissement d'adultes, avec accueil séquentiel, alternance
d'externat et d'internat. Aujourd'hui, une opportunité s'est offerte et je prépare l'entrée
en internat complet.
Comme pour l'entrée en externat, ce n'est pas exactement mon souhait, mais je crois
que c'est bien pour Grégoire.
41
Grégoire n'est pas bien grand, (1,50 m et trente kilos.), mais il est tétraplégique. Et moi
je ne suis plus bien jeune ; je vous épargne l'arthrose, les raideurs et tout un tas de
corollaires rigolos de l'âge. Mais ils sont là. Et je ne suis pas persuadée que ça va
s'arranger avec le temps…
Et puis, bien que l'aveu me coûte, il s'ennuie assez vite à la maison.
Et puis, bien que l'aveu me coûte encore plus, moi aussi j'ai besoin d'être bousculée,
stimulée…
Alors…..
Alors je n'imagine pas la vie sans institution.
°°°
Et du haut de mon "immense" expérience, je considère les questions que pose le GPF :
Comment les aidants familiaux et les aidants professionnels, forts de leurs «savoirs »
propres peuvent-ils établir les meilleures conditions d’observation et de coordination de
leurs actions respectives ?
Quelles
relations
d’aide
peuvent
être
mises
en
place
pour
prévenir
l’épuisement, soutenir les actions engagées et préciser les rôles propres de ces
intervenants ?
Double question sur le partenariat et sur l'aide.
Deux questions, deux réponses, deux maitres-mots : le dialogue, et le maintien du
bonheur…
°°°
Parlons du dialogue, et de l'échange. Comment les aidants familiaux et les aidants
professionnels peuvent-ils conjuguer leurs savoirs ?
Pauvres professionnels !!! J'ai essayé de les ménager. Je les ai bousculés plus souvent
qu'à mon tour. A en juger par les rapports que nous entretenons aujourd'hui, je crois
qu'ils ne m'en veulent pas, car ils ont compris qu'il n'y avait pas de malintention de ma
part mais juste une soif d'informations insatiable, un besoin de comprendre et de
communiquer qui est même antérieur à Grégoire.
Nous n'avons pas le même regard, les professionnels et nous. Nous voyons la même
personne dans des contextes différents, et leur arrière-plan, leur finalité sont différents
des miens. Il ne faut pas perdre de vue cette notion d'altérité car c'est elle qui fonde la
fécondité de l'échange.
Je connais mon enfant mieux que personne, mais eux connaissent beaucoup d'enfants.
Ils voient des choses que je ne vois pas, et j'en vois dont ils ne se rendent même pas
compte. Mais si nous ne nous les disons pas, c'est peine perdue ! Car nous sommes la
voix de ces personnes. Donc il faut parler, informer, commenter. Il faut de part et
d'autre faire preuve de bienveillance, de confiance, de respect. C'est là que
l'organigramme de l'institution prend tout son sens car tout cela s'apprend, s'impulse, se
cultive, y compris la complémentarité!
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Mesdames et Messieurs les professionnels, sachez-le : les parents ont besoin de vous
mais vous avez besoin d'eux pour faire correctement votre métier : il y a une vie après
l'institution, chez les parents, et l'acteur principal de cette vie, c'est l'enfant, l'adulte
polyhandicapé dont vous vous occupez et qui passe d'un univers à l'autre. Pouvez-vous
l'amputer d'une partie de sa vie ?
Le dialogue est vital pour tous. Il ne faut pas que les chefs de service aient peur du
dialogue, entre parents et professionnels : ils doivent au contraire tout faire pour
l'instaurer et ne pas le limiter au seul dialogue avec un responsable. Ouvrez vos portes,
personne ne s'enfuira ; mais les parents entreront, pour le plus grand bonheur de tous.
C'est ainsi que l'on construit un projet autour d'un enfant et aussi d'un adulte…
Un parent écarté de l'institution, un parent qui n'est pas dans le dialogue, va se replier
sur lui-même. Il risque de devenir aigri, ou même encore plus fusionnel.
Quelle autonomie affective, qui est tout de même la première à acquérir, pourra-t-il
alors apporter à son enfant ?
Et quel bonheur ? Vous le savez bien, les personnes handicapées, plus encore quand
elles n'ont pas de langage, sont comme des éponges qui absorbent les ambiances et les
émotions d'autrui.
Nos enfants ont besoin d'être avec des gens heureux, au moins autant que de leur
traitement d'anticonvulsivants que vous ne vous hasarderiez pas à leur supprimer, si ?
°°°
C'est bien là où je voulais en venir : outre le fait que parents et professionnels ont
besoin de dialoguer et de se soutenir les uns les autres, il n'y a que le bonheur qui
prévient l'épuisement.
Ce n'est pas de la provocation, croyez-moi, je suis bien placée pour savoir qu'on vit, en
tant que parents, des choses… difficiles. Cruelles. De plus, nous sommes trop souvent
confrontés à une solitude dans l'accompagnement, dans la prise de décisions, dont les
professionnels, qui bénéficient du soutien de l'équipe, n'ont pas idée.
Mais contrairement à ce que susurrent les contes de fées, le bonheur ne s'écrit pas avec
une majuscule, mais avec un tas de petits "s". Aucun prince ne viendra un jour, mais
des principules émaillent nos journées. Pas facile à croire, par ces temps de crise et de
morosité, mais on a toujours intérêt à ouvrir les yeux.
Nous sommes héritiers d'une civilisation de culpabilité, alors qu'il est indispensable de se
faire plaisir. Sortez, allez au cinéma ou je ne sais où ; pas pour vous changer les idées,
je sais bien que ça ne fonctionne pas. Juste pour vous ouvrir à quelque chose d'autre.
Vous n'enlevez rien à votre enfant, au contraire, en vous faisant plaisir vous lui apportez
quelque chose. Et ne vous occupez pas du regard de commisération ou d'admiration des
autres, ils vous marginalisent autant l'un que l'autre.
Le bonheur, ce n'est pas un état d'esprit, c'est une discipline…
Il vaudrait même mieux un enfant en internat avec des professionnels heureux qu'à la
maison avec des parents malheureux.
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La seule chose qui vaille, c'est d'être reconnu et aimé pour ce qu'on est vraiment,
surtout quand on est polyhandicapé.
Le bonheur c'est la meilleure prévention de l'épuisement de l'aidant familial
°°°
Alors justement, puisqu'on parle d'épuisement… On ne peut pas négliger la vie à
domicile, les SAMSAH et l'aide aux aidants, surtout en ces temps où rôde le spectre du
manque de places, de la désinstitutionalisation...
Pour parler franc, l'aide à domicile est un secteur catastrophique. Je reconnais que c'est
extrêmement difficile pour ce qui concerne le polyhandicap. La plupart des associations
vous proposent des personnes qui n'ont aucune expérience du polyhandicap, mais plutôt
des personnes âgées, ce qui n'a rien à voir.
Pendant des années, j'ai eu des gens tout à fait ordinaires, qui n'avaient pas
d'expérience particulière du polyhandicap, à qui j'apprenais des rudiments de
grégoriologie.
Au moment de sa première opération, j'ai refusé de le mettre dans un endroit spécialisé
et je l'ai repris à la maison avec un plâtre pelvipédieux. J'ai viré tous les meubles et je
l'ai installé au milieu de nous tous dans un transat de bord de piscine. Je crois qu'on
aurait pu l'entendre ronronner ; là où il m'a sidéré, c'est que j'ai dû faire appel à des
gens différents pour m'aider dans la journée et il a fait montre d'une capacité
d'adaptation proprement stupéfiante... Là, c'était bravo Greg, mais c'était aussi merci
l'institution, merci la socialisation !!
C'est devenu plus compliqué au fur et à mesure qu'il grandissait. Pour les grandes
vacances, je passais par le service emploi du CREAI, aujourd'hui disparu, et j'emmenais
quelqu'un avec moi.
Puis, j'ai retrouvé une personne qui s'était occupée de lui lorsqu'il était petit.
Récemment, j'ai essayé de faire appel à des organismes spécialisés. Comme on l'a vu
plus haut, ce sont plutôt des services d'aide à la personne âgée. Handicapées, c'est dans
l'air du temps. Polyhandicapées, alors là, ça n'existe même pas. J’ai eu des expériences
malheureuses, plus malheureuses par le comportement des personnes que par leur
compétence…
De plus, tout le monde commençait par me proposer un service prestataire, ce qui
signifiait que les personnes changeaient, ce qui était juste impossible pour un jeune
homme polyhandicapé…
A ce moment-là, le service mandataire de l'APF a ouvert ses portes, et m'a trouvé une
jeune femme formidable.
Et demain ? Pour les petits retours d'internat épisodiques, qui, quoi ? Puisqu'on est dans
le contraire du maintien à domicile.
Il me semble qu'il y a là une insuffisance criante, hurlante, qu'il faut pallier. Pourquoi ne
pas adosser aux établissements, aux institutions, un service "emploi" pour les
professionnels d'externat qui voudraient travailler le week-end, auprès de personnes
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qu'elles connaissent peut être déjà ou dont elles connaissent au minimum les difficultés,
la plus fréquente étant la difficulté de déglutition ??
Si vraiment la désinstitutionalisation rôde, les aidants familiaux ne pourront plus suffire.
Je partage entièrement l'avis du Docteur Georges Janet lorsqu'elle dit que la
désinstitutionalisation demande encore plus d'intervention d'institution. C'est ce que m'a
démontré le SESSAD du CESAP, c'est, je crois, ce que démontrent aujourd'hui les
SAMSAH, dont je ne parle pas faute d'expérience.
Nous vivons une société où le bénévolat n'existe plus, ou de moins en moins, où toutes
les femmes, à qui étaient traditionnellement dévolus les rôles d'entraide familiale,
travaillent, et c'est tant mieux ; il devient urgent de créer des structures d'aide à
domicile, et d'aider enfin les aidants à sortir d'un éventuel enfermement pour faire de
l'aide qu'ils apportent un accompagnement heureux…
Il est temps.
Samira LAHMER, Auxiliaire de Vie Sociale
Je suis aujourd’hui Aide-Médico-Psychologique au sein du Service d’accompagnement
médico-social pour adultes handicapés pour l’APF Paris.
J’ai longtemps été auxiliaire de vie sociale au sein de l’APF, j’intervenais au domicile de
personnes en situation de handicap. J’ai vécu et partagé des moments de vie
douloureux, tristes mais aussi joyeux. En tant qu’aidant professionnel, j’ai souvent été
perçue par les aidants familiaux comme celle qui volait la place d’eux, celle qui faisait
intrusion dans la sphère intime de l’aidant naturel et de l’aidé. J’ai alors très vite donné
un sens au mot « aidant professionnel » afin de trouver ma place, une place, sans
prendre la place d’eux. Je me suis également interrogée sur la relation d’aide au sein du
duo qui est celui de l’aidant familial et de l’aidé.
On ne peut pas parler d’aide sans parler de relation de confiance.
Lorsque j’arrivais au sein de la cellule familiale, la forte réticence à déléguer était
palpable. J'étais là car le besoin d’aide était réel et très attendu. C’est ce comportement
ambivalent de l’aidant familial qui à la fois exprimait clairement un besoin d’aide
extérieure lorsque la dépendance devenait beaucoup trop forte et, en même temps, ne
voulait pas déléguer, rongé par la culpabilité à l’idée d’abandonner de son enfant, son
proche, son parent, son conjoint, qui m’a permis de construire, petit à petit, le lien qui
allait permettre la cohabitation entre les deux aides. J’ai avant tout expliqué mes
missions au sein de la famille, j’étais là pour apporter un soutien, une écoute, un conseil.
Je me souviens d’une maman d’un jeune homme en situation de handicap chez qui je
suis intervenue durant une année. La maman était épuisée par l’énergie dépensée pour
aider son fils. Leur relation était fusionnelle, elle était celle pour qui son fils comptait le
plus, la personne qui était irremplaçable ; un lien fort avait été tissé, beaucoup d’amour,
beaucoup d’entraide avaient été la base de cette relation. Rongée par la culpabilité de
m’ouvrir sa porte et de me laisser entrer dans leur intimité, leur histoire, mon arrivée au
départ a été très mal vécue par la maman et par son fils. La peur de la mère pouvait se
lire sur son visage, peur que ma présence bouleverse leur rythme de vie, peur que le
manque d’aide se fasse ressentir chez la maman qui pouvait avoir l’impression que je la
dépossédais de son rôle de mère et de ce fait que je lui retirais ce qu’il y avait de
meilleur en elle.
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J’ai donc été, dans les premiers instants, malmenée par les familles. J’étais celle qui ne
pouvait pas comprendre donc ne pas partager et encore moins aider. Je n’ai jamais mal
pris ces remarques qui pour moi, exprimaient une souffrance parfois même il fallait, au
contraire, entendre un appel à l’aide. C’est aussi paradoxalement une façon d’établir une
communication, un lien. Les premiers jours, j’ai beaucoup observé, analysé, écouté et
surtout rassuré. Il fallait que le jeune homme aidé puisse se sentir en confiance. Il me
disait sans cesse que je ne serais jamais à la hauteur. Puis, avec beaucoup d’humour, je
lui ai dit qu’effectivement, étant donné ma petite taille et la grande taille de sa mère, je
ne serai jamais à la hauteur de sa maman. Il a ri puis la maman s’est mise à rire aussi.
J’ai pu ainsi, avec cet outil extraordinaire qu’est l’humour, faire rire. Ce rire que je
n’avais jusqu’alors pas entendu. L’atmosphère s’est alors petit à petit détendue. J’ai
ensuite profité de cette ouverture pour expliquer les actions que je pouvais mettre en
place, le travail qu’on allait pouvoir entreprendre en tripartite et que l’objectif était, pour
le coup, d’être à la hauteur de ses attentes et de celles de sa famille. J’ai eu droit à la
fameuse question « êtes-vous formée ? » qui est légitime pour la famille et qui se veut
rassurante. Souvent, faute de moyens, les auxiliaires de vie ne sont pas toujours
formées et cela peut être un frein à l’acceptation de la tierce personne au sein de la
famille et donc à la relation de confiance. J’ai, étape par étape, avec beaucoup de
douceur, de remises en question professionnelle, pu parvenir à une relation de confiance
qui nous a permis de travailler tous les trois en toute sérénité.
J’ai, au bout d’un an, quitté ce jeune homme et sa famille. Enfin, quand je dis quitté, ce
n’est que physiquement, j’ai encore chaque moment partagé avec eux dans la tête,
comment pourrais-je oublier ? Ils m’ont tant apporté, ils m’ont fait partager de grandes
valeurs, parmi elles je retiendrais essentiellement l’amour, la solidarité et l’humilité.
Même si aujourd’hui les aidants familiaux font parler et réfléchir les autorités, je
souhaiterais qu’on prenne encore plus en compte la douleur des aidants naturels, qu’ils
soient connus, reconnus, entendus, compris et surtout soutenus, qu’on leur apporte une
réelle assistance.
Je souhaiterais aussi que les auxiliaires de vie sociales soient connues, reconnues,
valorisées. Je suis une auxiliaire de vie dans l’âme et je remercie toutes les familles qui
ont ouvert leur porte, leur cœur, leur âme et je les remercie de m’avoir fait confiance et
de m’avoir fait explorer, partager, d’offrir, de donner et de recevoir en retour. Ce métier,
par son côté proximité humain, a profondément marqué ma personne, m’a permis de
construire mon identité professionnelle. Je suis aujourd’hui AMP au sein du SAMSAH de
l’APF mais nos missions sont quelque peu différentes Je fais partie d’une grande équipe
pluri-professionnelle, nous travaillons tous dans la même direction, celle de permettre à
la personne en situation de handicap de continuer à vivre chez elle, d’évoluer dans son
environnement social et familial, nous l’accompagnons dans son projet de vie. Je
continue donc à aider, à accompagner, à échanger, donner et recevoir.
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ECHANGE AVEC LA SALLE
M. Philippe SANCHEZ : je suis formateur en éthique, auteur d’une thèse de philosophie
sur la justice et l’éthique pour les personnes handicapées et leurs aidants. Je travaille
beaucoup avec des soignants, des professionnels de l’accompagnement du soin. Dans les
formations en éthique, on pose des problèmes notamment : quel est le bon
comportement à adopter, quelle est la bonne décision à prendre par rapport aux
familles, par rapport aux personnes soignées ? Je me demande s’il y a ces mêmes
questionnements éthiques et ce même besoin de formation à la réflexion éthique pour
les aidants familiaux, pour les familles, et est-ce que cela existe ?
Aliette GAMBRELLE : au GPF, votre question enfonce une porte ouverte car le GPF est à
l’initiative d’un groupe de travail de réflexion et de questionnement éthique emmené par
Emmanuel HIRSCH, Directeur de l’espace éthique de l’APHP et coordonné par le Dr
Elisabeth ZUCMAN. A partir du moment où nous nous sentons pleinement acteurs de
l’accompagnement, nous sommes tout de suite dans l’interrogation : « est-ce que je fais
bien, est-ce que je fais juste… » ou alors nous sommes absents à notre relation d’aide.
Le polyhandicap, avec toutes les exigences éthiques, impose l’accompagnement d’une
personne totalement dépendante qui ne peut pas exprimer elle-même ses désirs et ses
choix et demande un travail de décryptage très fin de ses expressions non verbales qui
nous impose une très grande humilité et une nécessaire démarche de croisement de nos
observations et de nos questions avec celles des autres.
Elisabeth ZUCMAN : tout dépend de la conception qu’on a de l’éthique. Nous travaillons,
au GPF, depuis 4 ans avec Emmanuel HIRSCH, ces questions, parents, professionnels et
philosophes éthiciens, ensemble, ce qui est l’originalité de notre travail qui va paraître en
fin d’année. Mais, pour moi, l’éthique c’est la réflexion qui conduit non pas au bonheur
(c’est la philosophie) mais au respect de la liberté d’autrui en même temps qu’au respect
de sa propre liberté (cf Lévinas). Le polyhandicap, c’est un des maximums de
contraintes objectives pour celui qui le vit et pour ceux qui l’accompagnent,
professionnels ou parents. La réflexion éthique ne s’apprend pas, elle consiste à se poser
toujours la question, qu’on soit parent ou professionnel, au nom de l’aide que je veux
apporter à la personne dépendante : est-ce que je respecte sa liberté d’être humain tout
en conservant la mienne et c’est au cœur pour les aidants familiaux de ne pas aller trop
loin et pour les aidants familiaux et professionnels de se donner, de partager, des relais
qui permettent que nous soyons aidants, accompagnants heureux dans cette
conservation de la liberté. C’est très difficile et c’est vraiment une interrogation simple à
la fois mais dont les réponses demandent une continuité car on glisse, professionnels ou
parents, très vite à des aides, des prescriptions, des préconisations, voire des
formations, qui entament la liberté. La contrainte du polyhandicap suffit sans en
rajouter.
Madame ARDEBELI, Directrice structure enfants (dép. 34) : je voudrais poser une
question à Mme TEZENAS DU MONTCEL. Avec les pressions actuellement des politiques,
il semble qu’on arrive de plus en plus à une rupture à l’âge adulte. Ce passage en
structures pour adultes sera de moins en moins possible pour les personnes
polyhandicapées. Dans nos établissements, le nombre des enfants en « Amendement
Creton » ne fait qu’augmenter. L’ARS, les MDPH, réfléchissent à ne plus les maintenir
dans les établissements. La question que je me pose : si vous aviez dû reprendre votre
fils à domicile, quel dispositif auriez-vous aimé trouver ?
Madame TEZENAS DU MONTCEL : la structure dont je parlais et dont j’ai bénéficié avec
le SESSAD du CESAP et ses intervenants à domicile était quelque chose de prodigieux.
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Mon fils étant tétraplégique, un retour à domicile supposerait que la maison soit
adaptée. Cela m’a paru inimaginable que mon fils reste à mon domicile pour l’excellente
raison qu’il a besoin de socialisation et de ses copains. Ce qui est le plus important, dans
les institutions, c’est cette possibilité de socialisation.
Elisabeth ZUCMAN : les raisons majeures de se mobiliser aujourd’hui :
1. La désinstitutionnalisation, soi-disant économique (car c’est pour faire des
économies qu’elle est mise en place) car l’institution c’est le lieu qui devrait
permettre la sociabilité. Il faut trouver les arguments, et ils sont multiples, pour
stopper ce vertige de désinstitutionnalisation car tout le monde n’en a pas besoin.
Si les institutions disparaissent, c’est un recul terrifiant sur le plan de la sociabilité
mais, pour le polyhandicap, également sur le plan des soins (on ne va pas faire de
chaque domicile un hôpital)
2. La rupture : en créant les MAS comme on les a créées, et avec hélas la
coopération des associations, on a cru que, pour les adultes, il n’y avait plus
besoins d’éducateurs, pas beaucoup de soins et pas de stimulations intellectuelles.
Il y a une différence atroce de la qualité de vie qu’on doit fournir à un adulte par
rapport à un enfant. C’est notre second combat collectif où on a besoin des forces
de tout le monde. Or, les seuls qui peuvent se faire entendre aujourd’hui, je crois
que ce sont les parents car ils représentent une masse électorale et nous,
professionnels, nous ne sommes pas entendus car nous sommes un minuscule
panel d’électeurs. On a besoin de marcher ensemble, parents et professionnels,
pour montrer qu’il faut que le choix demeure et qu’on n’a pas à renoncer à la
qualité de vie quand on confie son enfant à un FAM ou une MAS comme c’est
actuellement le cas.
Philippe GAUDON : les SESSAD doivent être considérés comme une institution, certes
hors les murs, mais c’est une forme d’institution et cela a été pensé comme cela par les
concepteurs des SESSAD. Aujourd’hui, le modèle des SESSAD évolue, sous diverses
pressions, notamment la pression de la démographique médicale et paramédicale, ce qui
fait que beaucoup de SESSAD travaillent avec des prestataires libéraux, non plus de
médecins référents ou en tout cas avec les qualifications requises et je trouve que c’est
dramatique d’observer cela. Je voulais avoir votre perception, Madame TEZENAS DU
MONTCEL, ainsi que celle des professionnels, confrontés à cette évolution du concept de
SESSAD, dont vous avez dit tant de bien, Madame TEZENAS DU MONTCEL, et je vous en
remercie.
Madame TEZENAS DU MONTCEL : je peux dire que la formule dont j’ai bénéficié, et dont
mon fils a bénéficié, était extraordinaire car vous aviez à la fois l’intervention
d’éducateurs, de kinésithérapeutes… qui étaient parfaitement spécialisés et avec cette
« éducation » du parent. C’était vraiment une institution magnifique.
Madame BELLAN ROQUETTE, Présidente de l’Association de parents « Les deux
Jumeaux » (Hôpital Marin d’Hendaye) : on a passé sous silence le fait que les parents
s’inquiètent de l’avenir de leur enfant du jour où ils vont disparaitre ou tomber malades.
L’institution est extrêmement rassurante encore que les personnes polyhandicapées
vieillissent de plus en plus tant elles sont bien soignées et qu’il n’existe pas de structures
aujourd’hui pour accueillir des personnes âgées polyhandicapées ; l’AP-HP et beaucoup
d’autres y réfléchissent. C’est une dimension très importante, quand on parle de parents
de polyhandicapés, on pense d’enfants polyhandicapés, les adultes peuvent vieillir très
âgés, heureusement, mais c’est un souci qui est très important pour les familles quand
on a 60-70 ans et qu’on ne peut parfois plus s’occuper de son enfant qui est devenu un
grand adulte. Il faut y penser dans la question des institutions qui sont une aide
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formidable.
Elisabeth ZUCMAN : nous avons avec nous Roger DELBOS qui représente, à mes yeux,
l’alternative à la création d’établissements pour personnes polyhandicapées vieillissantes
car si le déracinement se fait tardivement, cela peut être extrêmement dangereux. Dans
la MAS de Roger DELBOS, on s’est donné pour tâche d’accompagner jusqu’au bout de la
vie en prenant l’angle et en se formant dans la MAS aux soins palliatifs.
Roger DELBOS : la Maison d’Accueil Spécialisé que je dirige est en milieu rural. Quand
on a une maison, on ne la quitte pas ou c’est parce qu’il n’y a pas d’autres moyens. C’est
dans nos missions de dire que les résidants qui sont là, sont chez eux et c’est à nous de
les accompagner jusqu’au bout et faire que tous les instants soient des instants de vie.
En plus, cela représente un intérêt pour l’ensemble de l’équipe c’est-à-dire qu’on se
forme à beaucoup d’aspects, à beaucoup de techniques, à beaucoup de modes
d’accompagnement. Une MAS accueille et accompagne, on accompagne donc les
personnes et il paraît inconcevable de dire que telle ou telle personne de 65 ans n’a plus
sa place ici.
C’est vrai qu’il y a une pression des établissements d’enfants qui ne savent plus où
placer leurs enfants polyhandicapés ; il y aurait donc un mouvement qui pourrait se
mettre en place où on passe d’une maison à une autre en fonction du critère d’âge. C’est
impensable car déraciner une personne polyhandicapée âgée c’est aussi provoquer un
glissement, une perte, comme on le constate aussi pour les personnes âgées qui quittent
leur maison pour aller en maison de retraite.
Vous parliez du bonheur, le bonheur c’est aussi d’être avec ceux avec qui on vit, avec
ceux qu’on aime, avec ceux avec qui on a des relations et que ces relations on les a
construit avec du temps et qu’on ne les reconstruit pas à 60-70 ans, quand on est
polyhandicapé, comme à l’âge de 20 ans.
Elisabeth ZUCMAN : c’est une réassurance de grand prix pour les parents vieillissants,
c’est vrai qu’une bonne institution devient leur maison. Vous n’êtes pas le seul à le faire,
il y en a de plus en plus mais il va falloir insister auprès des autres et de nos autorités
pour que cela soit facilité. Cela permettrait que les personnes polyhandicapées
vieillissantes soient les premières dans notre pays à mourir chez elles. Vous savez que
80 % d’entre nous meurent à l’hôpital (est-ce bien le travail de l’hôpital ?) alors que
chez les Belges, c’est 80 % des personnes qui meurent chez elles. Il y a donc chez nous
un extraordinaire déni et refus de la mort ; eh bien, le polyhandicap pourrait ouvrir la
voie à une réflexion d’apprivoisement sur notre finitude humaine et sur l’intérêt à mourir
chez soi.
Marie-Christine TEZENAS DU MONTCEL : quand on dépose les statuts d’une MAS, il y a
une limite d’âge ou il n’y en a pas ; c’est effectivement un facteur à prendre en compte
quand on inscrit un adulte polyhandicapé dans une MAS : est-ce que les statuts
prévoient de le garder au-delà de 60 ans ou au contraire il ne sera pas possible de le
garder. Après, c’est effectivement à la MAS, en fonction du vieillissement éventuel des
personnes qu’elle accueille et de l’aggravation du polyhandicap, de prendre les
dispositions pour accompagner au mieux leurs résidants.
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INTERVENTION DE M. VOISIN, Directeur MDPH Paris
Je vous demande d’excuser l’absence de Madame DUBARRY qui aurait souhaité être
parmi vous cet après-midi mais qui a été retenue par d’autres obligations. C’est, pour
moi, un grand honneur d’intervenir, cet après-midi, sur un thème aussi crucial que celui
de la place des aidants.
Les MDHP ne sont pas, en tant que telles, des acteurs de l’accompagnement. Il me
semble intéressant de réfléchir avec vous sur la place des aidants dans ce qui constitue
le cœur de notre métier, celui de l’évaluation. Il s’agit d’entrouvrir la boite noire que
peut représenter une MDPH. Vous avez tous en tête l’évolution importante qu’a
constituée la Loi 2005 avec l’apparition de notions comme le plan personnalisé de
compensation, le projet de vie ou la mise en place de la PCH qui invite à une grande
personnalisation de l’évaluation. Au lieu d’être simplement médicale, les MDPH jouent
pleinement le jeu de l’approche pluridiscipinaire et à la place de prestations très
forfaitaires, comme la CTP, la loi invite à faire du sur-mesure en prenant en compte
l’environnement, de façon très fine, de la personne. Pour toutes ces raisons, l’évaluation,
qui est réalisée par la MDPH, intervient au milieu de la relation d’aide dont bénéficie la
personne en situation de handicap. Au milieu, cela veut dire au sens temporel puisque
nous intervenons quand le handicap est déjà là. Ce n’est pas le début des difficultés que
rencontrent la personne et son entourage. Ces derniers ont dû commencer à s’adapter, à
trouver les stratégies d’adaptation face à cette nouvelle donne éminemment
perturbante. Ils ont déjà dû commencer à essayer de travailler en lien avec tous les
aidants et les professionnels qui sont amenés à intervenir, en particulier, en premier lieu
temporellement, en provenance du soin. L’évaluation réalisée par la MDPH intervient
également au milieu de la relation d’aide dans un sens plus intrusif. La première partie
de l’évaluation est une évaluation de la personne « à nu » dans ses capacités,
l’évaluation de la déficience ; c’est tout ce qui conditionne l’accès aux prestations, c’est
l’évaluation du taux d’incapacité, les fameuses 19 activités qui sont regardées au titre de
l’éligibilité à la PCH. Pour élaborer le plan de la compensation, qui est la dimension la
plus qualitative de l’évaluation, il s’agit de comprendre l’environnement de la personne
et cet environnement est par définition structuré par la dépendance et donc par la
relation d’aide ; c’est le cœur et la spécificité de notre intervention telle que nous
essayons de la pratiquer. Comprendre l’environnement de la personne, c’est saisir les
stratégies qui sont déjà à l’œuvre en matière de compensation, pas simplement dans
l’objectif de limiter les doublons, mais parce le plan de compensation va d’abord
s’appuyer sur ces stratégies et par ailleurs essayer de les consolider. Cela implique de
plonger dans le concret et même dans l’intimité de la personne en situation de handicap.
Pour toutes les premières demandes de PCH, nous faisons une évaluation à domicile,
pour les renouvellements, nous privilégions plutôt le contact téléphonique mais nous
n’excluons jamais la possibilité de nous rendre au domicile pour procéder à une
évaluation complète de la situation de la personne. Cette visite dure une heure et demi à
deux heures, c’est une observation des conditions de vie mais aussi de rencontre et
d’échange avec l’usager. Même quand ce recueil de la parole est difficile, nous nous
efforçons toujours de l’écouter autant que possible. Il y a, bien sûr évidemment, un
moment de rencontre et d’échange avec les aidants ; dans le cadre de la visite à
domicile, l’aidant le plus proche. On tient beaucoup à la présence de cet aidant au
moment de l’entretien, pas simplement quand l’usager n’est pas en mesure de
s’exprimer lui-même. Cette parole de l’aidant est une parole experte car confronté
depuis assez longtemps à la situation. Elle est en mesure de compléter, d’affiner, de
tempérer ce que dit l’usager de sa situation. A titre d’exemple, dans le handicap
psychique, nous nous apprêtons à adresser systématiquement aux aidants des
personnes, qui sont repérées comme ayant un handicap psychique, un questionnaire
complémentaire au formulaire qui permettra aux évaluateurs de mieux se rendre compte
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de cette situation et de pallier les difficultés auxquelles nous avons à faire face avec ce
type de public qui a parfois une représentation de lui-même problématique. Le recueil de
l’usager et de l’aidant est difficile et délicat car le projet de vie ou les désirs de la
personne en situation de handicap sont rarement exprimés de façon claire auprès de
l’évaluateur. Celui-ci doit l’appréhender de façon fine et dans le concret de la relation
d’aide, relation qui est compliquée car traversée d’espoirs, d’attentes, de craintes,
parfois de tensions entre l’aidé et l’aidant. Il n’est pas rare que dans certaines situations,
nous soyons conduits à mettre à distance la parole de l’aidant pour libérer la parole de
l’aidé. Qu’en est-il de la parole des autres professionnels qui interviennent auprès de la
personne ? Nous disposons de bilans, certificats qui nous permettent de compléter cette
appréhension ; les évaluateurs préfèrent cependant avoir des contacts directs avec le
professionnel en dehors du domicile. On n’a pas toujours cet échange car nous avons
des contraintes de temps importantes. Le plan personnalisé de compensation s’appuie
sur les stratégies de compensation déjà mises en place au sein de la relation d’aide et
cherche à les consolider. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est comme s’appuyer sur une
marche pour aller plus loin, on ne juge évidemment pas les équilibres et les solutions
que les familles ont trouvé de façon toujours très difficiles et souvent dans l’urgence. Au
contraire, un aspect important de l’évaluation et de la compensation, c’est la
reconnaissance de l’investissement des aidants et en particulier des aidants familiaux
avec une valorisation de cette intervention sous la forme d’un dédommagement, voire
quand la situation nécessite des soins constants ou quasi-constant, une relation d’emploi
direct qui permet d’acquérir des droits sociaux plus importants. Cela ne signifie pas que
l’on peut tout faire car nous intervenons dans un cadre réglementaire et la tâche des
évaluateurs est de faire une évaluation stricte des besoins des personnes en situation de
handicap et les prestations, même la PCH, sont une participation financière de la
collectivité aux compensations mises en place y compris par la collectivité. Elles
n’assurent pas nécessairement la couverture intégrale. Dans l’immense majorité des cas,
les échanges que nous avons avec les familles permettent de lever cette potentielle
incompréhension sur la nature de notre intervention. La relation d’aide est une relation
extraordinairement forte mais aussi fragile car soumise aux risques de l’usure, de
l’épuisement, de la maladie, voire de la disparition de l’aidant et la question du
vieillissement des aidants est une question à part entière aujourd’hui. En conséquence,
nous efforçons, dans l’évaluation, d’être attentifs aux besoins de l’aidé mais aussi de
l’aidant. La relation d’aide les lie dans un destin et les lie dans leur projet de vie. En
particulier, nous veillons à accompagner les poursuites ou les reprises d’activité
professionnelle. Nous proposons des aides techniques ou des aménagements, pour
soulager physiquement l’aidant avec les lève-personnes, aménagement de salle de
bains… et d’une façon générale, nous portons une attention toute particulière aux
risques d’épuisement et d’isolement. Ce n’est pas toujours facile car les aidants ne sont
pas toujours demandeurs de cette intervention. C’est la question du « personne mieux
que moi ne sait ce dont mon proche a besoin ? ». L’évaluation implique toute une phase
de discussion pour informer sur les solutions existantes qui sont nombreuses dans leur
variété, en premier lieu, le recours à des services de professionnels, prestataires ou
mandataires (accueil de jour, accueil temporaire, vacances adaptées, relais associatifs,
pour l’écoute et le partage d’expérience entre aidants). Ces échanges sont importants
pour attirer l’attention des aidants sur la précarité de certaines relations qui peuvent être
caractérisées par une relation de longue date, fortement routinisée dans laquelle les
aidants vieillissent et qui peut poser un problème de rupture à un moment donné qui
peut être mal anticipé. On peut ne pas forcer cette relation ou l’évolution de cette
relation mais nous essayons de conduire ce travail de conviction, parfois
d’accompagnement, vers la diversification de la relation d’aide. Pour conclure, je
voudrais évoquer les limites de notre intervention, nos contraintes et nos axes de
progrès. La première de nos contraintes, c’est le temps. Avec plus de 80 000 demandes
par an à Paris, vous comprendrez que le temps accordé à chaque demande est limité
même s’il y a une différenciation du temps consacré à chaque dossier en fonction de sa
51
complexité et les dossiers de PCH figurent parmi les plus complexes. Il est clair que nous
ne pouvons pas approfondir, comme nous le souhaiterions, la compréhension de la
situation de la personne et des relations qu’elle tisse avec son environnement. La
deuxième contrainte, c’est le nombre de places en structures car, même si cette
évaluation est extrêmement importante dans le cadre du maintien à domicile, le
maintien à domicile n’est pas nécessairement la solution privilégiée en permanence. Le
manque de places demeure à Paris, malgré les efforts faits par la collectivité parisienne
et par l’ARS, il reste particulièrement problématique pour certaines déficiences dont le
polyhandicap et aussi l’autisme notamment et quand s’ajoutent des troubles associés. Le
territoire parisien connait aussi un certain déficit en termes de places pour les aidants en
tant que tels qui facilitent les répits pour les familles. Compte tenu des contraintes
foncières à Paris, un certain nombre de places temporaires ont pu être converties par le
passé en places permanentes, il y a des créations de places en cours mais il faut
attendre un peu pour que cette contrainte se relâche. Je voudrais cependant insister sur
un projet qui tient à cœur à Madame DUBARRY, celui d’une structure de répit flexible, un
accueil de jour avec des horaires qui peuvent être décalés, l’objectif est l’ouverture à
Paris à l’horizon 2015. J’en viens maintenant à ce qui constitue un des principaux axes
de progrès de notre intervention en tant que MDPH. Quand on réfléchit à la relation
d’aide, cela nous amère à décentrer notre regard par rapport à une approche qu’on
développe souvent en tant qu’administration qui est purement institutionnelle, qui est
centrée sur les dispositifs, cela nous invite à un regard plus qualitatif sur les modalités
de ce recours à dispositifs. L’environnement institutionnel est très complexe et suppose
une coordination très fine. C’est un travail qui repose aujourd’hui essentiellement sur les
familles et l’usager, parfois avec l’aide de services tels les SAMSAH mais de façon qui
reste marginale. A la MDPH de Paris, nous devons nous efforcer de progresser dans le
sens d'un accompagnement dans la mise en œuvre de ces solutions que nous
préconisons et que nous prescrivons. On n’a pas les moyens humains de faire du
véritable « case management » dans la durée mais, sur un nombre limité de situations
très complexes, nous allons travailler outre la mise en place du plan de compensation
c’est-à-dire des premiers mois de mise en œuvre. C’est un beau chantier, très qualitatif,
que nous souhaitons conduire dans un contexte de ressources limitées mais qui va
pleinement dans le sens et l’intérêt de l’usager. Je vous remercie.
ECHANGE AVEC LA SALLE
Maître KHELFAT : je voudrais savoir sur quels critères, indépendamment des enquêtes
dont vous avez parlées, vous déterminez le temps consacré à une mère de famille pour
s’occuper d’un enfant polyhandicapé ?
M. VOISIN : on fait auprès d’un enfant polyhandicapé, comme de toute autre personne
en situation de handicap, l’évaluation procède avec un guide (GEVA ou déclinaisons
possibles diverses et variées) d’un certain nombre d’activités prises en compte (pas
toutes) et avec les critères réglementaires qui sont les nôtres, on décline une journée
type. Nous calculons les temps liés aux actes essentiels de la vie quotidienne tels que
listés dans les guides et qui permettent de déterminer ces quantités horaires. Cela ne
veut pas dire qu’on ne prend pas en compte un certain nombre de spécificités
notamment en termes de temps de surveillance ou au titre d’actes qui relèvent d’une
technicité particulière. Ceci est très cadré. Il y a des possibilités de déplafonnements
(notamment dans le cadre de la PCH) qui permettent d’avancer dans cette évaluation. Je
voudrais insister sur le fait que les prestations qui sont financées par la collectivité ne
couvrent pas intégralement l’existant. Si un proche passe une ou deux heures à habiller
son enfant mais que la nécessité de l’état de l’enfant est de x minutes, on prendra en
compte les x minutes, on ne valorise pas strictement l’existant de la pratique intégrale
52
de l’aidant. Ce n’est pas possible. C’est personnalisé mais cadré de façon règlementaire
y compris pour des raisons d’équité du traitement des usagers. C’est une réponse
difficile à entendre, je le conçois, mais c’est comme cela que nous procédons.
Eric ZOLLA : concernant votre propos sur le risque d’épuisement des aidants et ce que la
MDPH de Paris construit au niveau des échanges…, est-ce spécifique à Paris ou est-ce
que l’on peut rencontrer cette démarche dans d’autres départements ?
M. VOISIN : dès lors que nous rentrons au domicile d’un usager et qu’on entre dans son
intimité, nous avons des contacts approfondis ; n’importe quel évaluateur de l’équipe
pluridisciplinaire des MDPH a des relations approfondies avec les aidants. Ce qui est plus
spécifique, mais qui n’est pas une initiative parisienne mais copiée sur le département
des Yvelines, c’est l’envoi du questionnaire aux aidants pour les personnes qui ont une
déficience psychique. C’est un projet qui a été souhaité par les associations membres de
notre structure et de la commission des droits et qui va être mis en place
prochainement. La salle : pouvez-vous nous parler de l’accessibilité. Est-ce que la MDPH
peut intervenir dans l’accessibilité qui fait partie du combat au quotidien. Quelle position
a la MDPH dans ces travaux, dans les conseils et les orientations ?
M. VOISIN : les MDPH n’ont pas de position en tant que telles. On fait remonter les
difficultés. La MDPH n’a pas de position institutionnelle mais suit les évolutions de façon
précise. A Paris, l’accessibilité est un chantier de grande ampleur, beaucoup de choses
ont déjà été mise en place au vue de la taille de la ville et ses caractéristiques
patrimoniales. Il y a un suivi interne de la ville qui met en commun toute les directions
de la ville pour travailler sur cette question dans tous les bâtiments publics qui visent à
faire émerger une culture partagée. Ce n’est pas parfais mais cela progresse. Les
montants financiers sont très élevés. Cela prend du temps.
La salle : je viens du Calvados, j’ai eu à me déplacer à Paris avec mon fils et, par
exemple, l’accessibilité dans la gare Montparnasse est catastrophique et on est obligé
d’utiliser une ambulance pour pouvoir se déplacer dans la ville.
M. VOISIN : c'est le paradoxe de Paris qui reçoit des visiteurs du monde entier mais qui
reste une ville assez inaccessible notamment pour les non parisiens car les parisiens
peuvent bénéficier de transports spécifiques (PAM).
M. GICQUEL : je voudrais poser une question relativement simple : pourquoi les parents
sont-ils obligés de faire assez régulièrement (tous les deux ans en moyenne) un dossier
pour avoir l’AEH de base ? Pour information, mon enfant est handicapé à plus de 80 %, il
y a peu de possibilité qu’un miracle arrive et qu’il se mette à marcher et à parler
demain. Il y a des mesures parfois toutes simples qui pourraient grandement aider les
parents. Ceci est assez difficile car clairement cela nous renvoie à cette expérience
douloureuse de l’annonce du handicap ; ce n’est pas qu’un dossier qu’on remplit, c’est
une vie et si l’administration française pouvait nous éviter de remuer le couteau dans la
plaie, on avancerait un peu.
M. VOISIN : il faut qu’on y regarde de plus près mais c’est effectivement une réflexion
que l’on a souvent pour tout ce qui concerne les handicaps lourds.
53
PROBLEMATIQUE IDENTITAIRE
Michel BILLÉ*, Sociologue
« Autrui est un centre d’obligations pour moi » (Paul RICOEUR)
On ne sait jamais tout…
Merci d’abord de m’inviter à partager avec vous quelques réflexions, c’est avec grand
plaisir que je réponds à l’invitation d’Elisabeth ZUCMAN, plaisir et appréhension parce
que l’on sait jamais à l’avance si ce que l’on a l’intention de dire va correspondre ou non
aux attentes le plus souvent implicites de ceux à qui l’on s’adresse.
Disant cela, me voici, presqu’involontairement, au cœur du sujet que je dois essayer de
traiter : on ne sait jamais tout et en particulier on ne sait jamais si l’aide que l’on se
propose d’apporter à l’autre est de nature à répondre à ses attentes. On l’espère, on fait
tout pour, certainement, et pourtant on ne sait jamais. C’est déjà vrai quand il s’agit
d’aider tout un chacun mais c’est encore plus vrai sans doute quand il s’agit d’aider celui
qui, pour mille et une raisons, n’est pas en mesure de formuler explicitement la
demande à laquelle nous nous proposons de répondre. Il faut alors déployer des trésors
de délicatesse et d’imagination pour anticiper, deviner, chercher et peut-être
comprendre ce qu’attend l’autre. Les personnes polyhandicapées, bien involontairement,
nous mettent ainsi à l’épreuve: comment développer une relation d’aide, une vraie
relation d’aide avec une personne polyhandicapée ? Comment développer une relation
d’aide qui exige un minimum d’échanges réciproques avec quelqu’un dont une des
difficultés majeures, justement, est l’échange ? Cette question nous conduira à ouvrir ce
que je vais appeler une problématique identitaire qui me semble être au cœur des
préoccupations que nous devons avoir pour les aidants.
Comment établir une relation d’aide, mais d’abord est-ce possible ? C’est sans doute la
première question qu’il faut oser poser malgré son aspect provocateur ou scandaleux. En
effet, s’il est vrai que je regarde la personne polyhandicapée comme une personne, alors
je lui reconnais la qualité d’être de relation, de sujet de la relation, et de ce fait j’affirme
que la relation avec elle est possible, y compris la relation d’aide. Tout devient ensuite
question de nuance, d’intensité, de délicatesse, oui la relation d’aide est possible, à nous
de savoir la tisser avec tous et en particulier avec ceux qui auront le plus de difficultés à
nous signifier, dans nos codes ordinaires de communication, que la relation fonctionne,
qu’elle est établie…
En d’autres termes, quand il m’arrive de douter qu’il soit possible d’établir une relation
(en l’occurrence une relation d’aide), cela ne vient pas tant de l’autre que de moi, c’est
que je peine à lui reconnaitre sa qualité d’homme, vivant, de pleine humanité et de
pleine dignité quel que soit le niveau de handicap qui est le sien. Si ça ne marche pas
c’est donc bien en partie au moins de moi que vient le dysfonctionnement.
54
Une relation n’exclut pas les autres…
A ce point du raisonnement deux évidences peut-être :
•
Il se peut que la relation d’aide soit une relation professionnelle mais ce n’est ni
obligatoire, ni toujours le cas, ni, sans doute, toujours souhaitable.
•
Il se peut que la relation professionnelle soit une relation d’aide, mais ce n’est ni
obligatoire, ni toujours le cas, même quand, à l’évidence, il serait souhaitable
qu’elle le soit.
A ces deux évidences s’ajoute l’affirmation du fait que la relation d’aide professionnelle
n’exclut pas et n’a pas à exclure d’autres relations d’aide spontanées, bénévoles,
amicales, familiales, dites de proximité et en particulier évidement la relation d’aide
fondamentale apportée par les parents et, au-delà d’eux, par la famille.
Il ne s’agit donc pas, dans mon propos, de nier la différenciation des rôles et des
fonctions entre les parents et les professionnels, ce serait absurde. Il s’agit de
reconnaitre que tous, nous sommes, chacun dans nos rôles et fonctions, confrontés à
des difficultés qui, pour n’être pas identiques, ont pourtant plus d’un point commun.
Les handicaps, quelle qu’en soit la nature, dès qu’ils deviennent importants, et à plus
forte raison le polyhandicap, placent, vous le savez, chacun des acteurs de la
constellation familiale dans une situation très particulière : vous n’avez rien choisi, rien
demandé et vous voici engagés, que vous le vouliez ou non, dans une relation que vous
devrez assumer, analyser, comprendre et vivre, en espérant la vivre pour le meilleur de
ce qu’elle pourra apporter à chacun, malgré les difficultés multiples dont cette situation
sera porteuse.
Les parents d’enfants polyhandicapés, de personnes polyhandicapées, savent, mieux que
tous, l’ampleur de la difficulté. Comment, en effet, entrer dans une relation d’aide avec
celui dont la seule présence a, bien malgré lui, bouleversé chaque sphère de la vie
familiale, conjugale, professionnelle, sociale, culturelle, etc. ? Comment se rendre
disponible à la relation d’aide quand tout en soi se trouve ainsi si profondément «
chamboulé » ? Il faut alors que la relation d’affection, d’amour puisse submerger la
réalité et ce défi n’est surement pas le plus facile à relever.
Les professionnels, quant à eux, s’engagent dans la relation sur d’autres bases. Ils
choisissent ou sont sensés choisir cet engagement et sont sensés avoir appris et avoir
acquis les bases techniques sur lesquelles va s’établir la relation d’aide.
On voit ainsi se dessiner deux écueils :
•
Parents : il est toujours possible que l’amour, qui permet la relation d’aide, vienne
pourtant l’empêcher…
•
Professionnels : il est toujours possible que trop de techniques et de protocoles
viennent empêcher la relation d’aide…
C’est donc avec beaucoup d’humilité, j’espère, que je voudrais tenter d’explorer un peu
cette relation dite « relation d’aide », dans plusieurs de ses composantes :
Les aidants à l’aide !!!
55
Depuis plusieurs années, en France, on a vu s’imposer l’usage du terme « Aidant »… On
a qualifié ces aidants, notamment dans le champ professionnel de la vieillesse, tour à
tour d’aidants familiaux, puis d’aidants de proximité, «proches aidants1 » dit-on au
Québec puis d’aidants naturels… Soit. Mais l’usage de tous ces termes n’est évidemment
jamais neutre. On a même vu apparaître une sorte de nouvelle discipline, la
proximologie, qui se propose d’étudier, justement, ce qui se passe autour de la personne
aidée, à proximité d’elle, dans les relations qui s’établissent entre elle et son
environnement matériel, familial, soignant, professionnel, etc. Plus on explore tout cela,
plus on comprend alors la fonction que remplissent certaines manières de parler :
•
•
•
•
Les aidants : nom masculin… Participe présent substantivé, il signifie l’action :
les aidants sont actifs, ils sont acteurs. Oui mais nom masculin… Et si c’était pour
masquer que les aidants sont majoritairement des aidantes ? Le cacher parce que
le reconnaitre exigerait de prendre en compte ce que vivent les aidants… Dans le
monde de la gérontologie, les aidants font, pour la majorité d’entre eux, partie de
la génération des « séniors », ils ont entre 55 et 75 ans et partagent souvent une
culture dans laquelle la partition des rôles homme/femme s’effectue sur un
schéma qui attribue aux femmes les rôles liés à l’aide aux soins, à l’éducation à
l’accompagnement des personnes en difficultés, comme si ces attributions étaient
évidemment féminines…
Les aidants sont dits familiaux : vous savez alors où les recruter… C’est
l’univers familial qui sera mis à contribution
Les aidants sont « de proximité »… Comme cela, vous allez pouvoir mettre à
contribution tous vos proches, votre famille élargie à vos relations de proximité,
d’où la notion d’aidant « familier » plutôt que familial… Et puis la proximité est à la
mode, on ne pouvait imaginer valoriser l’intervention d’aidants distants, d’aidants
lointains…
Les aidants, surtout, sont dits « naturels ». Si c’est naturel, ça ne se refuse
pas, ça ne s’apprend pas, on sait le faire, surtout sans doute si l’on est une
femme… Et puis, si c’est naturel, ça ne se rémunère pas évidemment, on a jamais
vu quelqu’un être rémunéré pour faire ce que la nature attend de lui…
Voici donc des aidants « naturellement » mis à contribution. L’usage du terme « aidants naturels » glissera progressivement du monde de la gérontologie vers celui du
handicap, induisant sans doute des effets similaires dans l’un et l’autre de ces univers,
« convergence tarifaire PA/PH » oblige évidemment !
Comment parlait-on avant ? On parlait des parents, des familles… Et l’on en a tant dit à
leur sujet que l’on peut comprendre que l’on ait aujourd’hui quelque gêne, parfois, à
continuer à parler d’eux… Comment ne pas se souvenir que ces familles ont été dites
pathologiques et pathogènes, qu’elles ont été parfois tenues pour responsables, voire
coupables, du handicap de leur enfant, qu’elles ont été souvent disqualifiées tant dans ce
qu’elles pouvaient dire que dans ce qu’elles pouvaient faire, que l’on prétendait
« travailler sur les familles » au lieu de travailler avec elles, j’en passe évidemment…
C’est dont bien aussi de familles, des parents, que l’on veut parler aujourd’hui, en leur
reconnaissant non seulement leur place et leurs compétences mais en leur reconnaissant
un rôle fondamental à travers la relation d’aide qu’elles établissent, qu’elles tissent,
qu’elles « tricotent », si je puis dire, au jour le jour.
1
Voir en particulier le « Plaidoyer pour les proches aidants » publié pour Montréal, Genève et Paris sous la direction de
Martyne Isabel FOREST 2012.
56
Qu’est-ce donc que cette relation d’aide ?
Certainement parents et professionnels ne tissent pas la même relation, c’est une
évidence et c’est heureux, sans doute si, de part et d’autre, on sait reconnaître la validité
de ce qui se tisse. Tous sont « embarqués » dans ces relations, chacun à leur manière.
Quelques éléments donc pour tenter d’y voir plus clair sur cette relation d’aide.
La relation d’aide nous place dans le domaine de l’intime qui met en présence
deux personnes. A l’intérieur d’une rencontre singulière, avec ou sans la médiation d’un
support relationnel, ces deux personnes tissent une relation, développent un échange au
service du mieux-être de l’une d’entre elles. La psychologie, dans toutes ses
composantes, peut permettre à celui qui aide de comprendre les enjeux de la relation et
les souffrances de la personne aidée ou l’impact sur soi de cette relation. Selon
l’approche que l’on privilégie, la relation d’aide est référée à des théories multiples qui
s’affrontent, s’opposent ou se complètent, peu nous importe ici, l’essentiel étant de saisir
ce domaine de l’intime dans lequel, parfois, nous osons nous aventurer. Domaine de
l’intime puisque s’agissant d’une personne polyhandicapée, cette relation se joue à
travers les soins corporels, le repas, le toucher, mettant dans l’obligation de franchir
presque sans arrêt, la frontière autour du corps qu’habituellement nous ne franchissons
qu’en respectant certains codes, certains usages et certaines conventions.
Peut-on alors préciser, définir, cette relation ? De quoi parle-t-on quand on parle de
« relation d’aide » ? Une référence fiable est sans doute donnée par la définition qu’en
proposait Carl ROGERS2 :
« La relation d’aide consiste en une interaction particulière entre deux personnes, …/…,
chacun contribuant personnellement à la recherche et à la satisfaction d’un besoin d’aide
chez ce dernier. Cela suppose que l’intervenant adopte une façon d’être et la
communique en fonction des buts poursuivis ».
Les buts sont évidemment liés à la demande de la personne aidée, à la manière dont
l’aidant perçoit et comprend cette demande et à la conception qu’il a de son rôle. Il y a
donc demande et réponse à la demande, il y a communication, interaction, réciprocité,
sinon dans l’aide, du moins dans la relation.
Une relation d’interdépendance…
La relation d’aide est donc interactive, elle est interdépendante. Il s’agit moins,
en effet, de reconnaître l’autre dépendant (encore un terme qui glisse progressivement
de la gérontologie au monde du handicap) que de se reconnaitre en interdépendance
avec l’autre. On ne procède plus ici à des « études de cas », on tente d’analyser des
situations dans lesquelles les aidants, qu’ils soient parents ou professionnels, se
reconnaissent impliqués, avec et auprès de la personne handicapée.
Cette implication se décline sur plusieurs registres ou composante que l’on peut, avec
Carl Rogers à nouveau, essayer de cerner pour mieux saisir cette notion de relation
d’aide :
La fiabilité qui permet que la relation d’aide s’établisse sur base de confiance… C’est au
fond la solidité des fondations. Que le oui soit oui et que le non soit non et que
l’engagement soit durable….
2
Dans son ouvrage : « Le développement de la personne » 1968.
57
L’authenticité qui consiste à essayer d’être vraiment ce que l’on est, ne pas se mentir à
soi-même pour ne pas tromper l’autre…
L’attention à l’autre qui exige ce regard a priori bienveillant qui permet de ne pas le
disqualifier quelle que soit sa difficulté… « Autrui est un centre d’obligations pour moi »
(Paul RICOEUR).
La distinction qui exige de sortir de la relation fusionnelle ou du moins de ne pas y
entrer et permet de comprendre que je ne suis pas l’autre et que l’autre n’est pas moi.
La compréhension empathique : parce que je suis distinct de l’autre, je peux m’en
rapprocher sans me confondre et tenter de comprendre ce qu’il vit, ce qu’il ressent.
L’accueil de l’autre tel qu’il est… Et nous savons tous ici combien c’est difficile… Mais
c’est cet accueil de l’autre, tel qu’il est, qui permet, sans doute, de formuler des projets
pour lui et avec lui, comme en s’appuyant sur une base sereine.
Sans jugement ni condamnation… Ce qui permet de regarder l’autre en
développement, jusqu’au terme de son existence, quel que soit le rythme de ce
développement et le caractère modeste des acquisitions….
Sur ces bases, la relation d’aide peut se développer au point de convergence d’exigences
et de demandes multiples :
•
•
•
•
•
•
•
Ne pas nuire à autrui (c’est élémentaire, mais parfois si difficile !) c’est le fameux
« Primum non nocere3 » du serment d’Hypocrate.
Faire du bien si ce n’est faire le bien.
Répondre aux attentes, aux besoins.
Exercer une responsabilité, un mandat, une mission, jouer un rôle, poursuivre des
objectifs institutionnels.
Trouver soi-même une satisfaction légitime, suffisante et qui permette d’entretenir
ou de régénérer l’énergie nécessaire pour aider encore…
Respecter des valeurs, une déontologie, une éthique, grâce auxquelles l’action
peut prendre et garder du sens.
Se réjouir du minuscule4 dans l’évolution de la personne aidée, non pas se
contenter de peu, ce qui serait déjà renoncement, mais se réjouir des petites
choses parce qu’elles sont porteuses d’espoir.
Ces différents registres sont en quelques sortes les composantes d’une relation d’aide
mais leur énoncé nous permet de mieux en appréhender les difficultés : la relation d’aide
est toujours en tension, comme prise dans un paradoxe que révèle assez bien notre
manière de parler, paradoxe largement déterminé par le contexte sociétal où nous avons
à vivre et travailler, paradoxe au terme duquel il est toujours possible :
•
•
•
•
De contraindre pour protéger…
D’enfermer pour sécuriser…
De surveiller pour soigner…
De punir ou plutôt de brimer pour socialiser…
3
Que l’on retrouve dans le « Traité des Épidémies » d’Hippocrate (410 avant JC).
A ce sujet, voir Joëlle TOBELEM et Michel BILLÉ : « Les pédagogues de l’essentiel » in La lettre de l’Espace éthique de
l’APHP mise en ligne janvier 2006
4
58
•
Bref, d’interdire, d’exiger, de réglementer, au prétexte, fondé ou non, de l’aide
que l’on entend apporter à autrui.
Alors qu’il s’agit et nous le savons bien :
•
•
•
•
•
D’accueillir et non de placer…
De soigner et d’accompagner et non de prendre en charge…
De développer un projet personnel et non d’adapter à chacun le projet standard
qui s’impose à tous sous forme « d’individualisation du projet »…
De soutenir, de conforter et de réconforter, etc.
De sourire et de rire, parce que même si tout est grave, tout n’est pas triste…
Toute relation d’aide, professionnelle ou non, est ainsi dépendante, plus qu’on ne l’admet
souvent, du contexte dans lequel elle s’exerce, au point que ce contexte social, familial,
économique, institutionnel, idéologique… lui donne forme, l’informe, la met en conformité avec son temps, son époque et précisément avec le contexte où elle s’exerce c’est-àdire avec le regard que, sociétalement, nous portons sur les personnes en situation de
handicap et sur les aidants.
Transparence et vulnérabilité des aidants…
Il se trouve que les aidants, vus depuis le corps social qui les observe, soient, au fond,
presque transparents… Pour les « voir » il faudrait les approcher, prendre le temps de
s’arrêter, de les écouter, et prendre ainsi le risque de se laisser atteindre par ce qu’ils
vivent. Les aidants sont au fond transparents, invisibles, d’autant qu’ils travaillent en
général dans la plus grande discrétion. Socialement, il convient d’ailleurs de ne pas trop
les voir parce que les voir nous obligerait à mieux reconnaitre ce qu’ils vivent et à
remédier à certaines de leurs difficultés. (Nécessité de dispositifs de relais ou de répit,
de repos, aide aux aidants sous toutes formes utiles, lieux de parole et d’écoute,
d’échange, informations multiples…)
Ainsi devenus invisibles, les aidants sont également vulnérables, c'est-à-dire pouvant
être blessés :
•
•
•
Le rythme de vie, le manque de sommeil, le souci constant, la fatigue, la
permanence de l’aide ininterrompue les rend vulnérables physiquement.
La difficulté de la relation les rend vulnérables dans leur couple, dans leur vie
conjugale et familiale.
La difficulté à vivre le handicap les rend vulnérables psychologiquement,
affectivement, etc.
Cette vulnérabilité, nous place encore au comble d’un paradoxe, c’est le plus vulnérable
qui se trouve en première ligne pour aider, alors même que cette aide risque d’amplifier
cette vulnérabilité et d’entamer du même coup la nécessaire estime continue de soimême. Toutes proportions gardées, il se peut d’ailleurs que certains professionnels,
fatigués par exemple par la répétition de tâches quotidiennes, répétitives et peu
valorisées, peinant à trouver du sens à certains aspects de leur travail, vivent des choses
du même ordre.
Une problématique identitaire…
Voici donc des aidants, notamment des parents, développant autant que faire se peut
une relation d’aide et qui, à cause d’elle, vont se trouver pris dans ce que je voudrais
59
appeler une problématique identitaire. En effet, la relation d’aide suppose
interdépendance disions-nous. Non pas parce que l’aidant demanderait à l’aidé d’aider à
son tour l’aidant, mais parce que dans cette situation se mettent en circulation des
représentations de soi et de l’autre qui, normalement, permettent de structurer une
identité et d’en déduire un sentiment d’estime de soi suffisante et durable.
Une identité : « Mon identité c’est l’image que j’ai de moi, forgée dans le rapport aux
autres, parce que j’ai, par la suite, à répondre à leur attente » (Pierre SANSOT).
Estime de soi, image positive de soi, il ne s’agit pas d’être « payé » en retour, cette
manière de parler serait trop mercantile et vulgaire, il s’agit de se situer dans un jeu
subtil d’attentes réciproques et de réponses à ces attentes, un jeu suffisamment
satisfaisant pour que chacun construise de soi une légitime représentation positive sur
base du sentiment de la qualité de l’attention portée à l’autre, de la loyauté dans la
relation, de la joie procurée et partagée, et tout simplement sur base du devoir
accompli, du sentiment de loyauté, du travail bien fait.
La question identitaire devient alors non plus tellement qui suis-je ? Mais bien toi qui me
regardes, qu’attends-tu de moi et moi-même qu’est-ce que j’attends de
toi ?
Replaçant cela dans le contexte où nous sommes aujourd’hui, la question identitaire,
pour les aidants, devient : nous aidants, qu’attendons-nous des personnes
polyhandicapées à qui nous nous adressons ? Et elles, qu’attendent-elles de nous ?
Comment alors développer une construction identitaire sereine quand la personne vers
laquelle on se tourne est dans l’incapacité ou en grandes difficultés pour exprimer ses
attentes et la gratitude devant la réponse ? Comment se situer positivement dans ce rôle
d’aidant quand nous-mêmes sommes en difficulté pour exprimer ce que l’on attend d’eux
ou pire, quand les seules attentes dont nous sommes conscients paraissent inavouables
à nos propres yeux ?
Parents et professionnels se trouvent au fond confrontés à la même question même s’ils
n’ont pas à chercher à y répondre tout à fait de la même manière : Qu’attendons-nous
d’eux ? Comment construire une identité si le miroir de l’autre peine à renvoyer de soi
une image positive ? Comment ne pas accumuler l’angoisse lorsque l’aidant ou l’aidé
cherche dans le regard de l’autre une image qui ne parvient pas à se révéler ? « C’est
dans le miroir de l’autre que parfois on se reconnait », disait joliment Jacques PREVERT.
Avouons-le, c’est difficile parfois… surtout quand nous ne souhaitons pas nous
reconnaître dans le regard et le visage déformé, torturé, mis à mal de l’autre…
Pour conclure…
On l’aura compris, la difficulté qu’il y a à établir une relation d’aide entre la personne
polyhandicapée et les aidants n’est donc pas d’abord, pas tellement, une difficulté
d’ordre technique. On peut évidemment régler par la technique certains aspects de la
question mais fondamentalement c’est d’autre chose qu’il s’agit. Il s’agit du regard que
les aidants, parents et professionnels, peuvent porter sur les personnes
polyhandicapées. Or ce regard, on ne peut pas en être surpris, est notoirement
dépendant des attentes que la société toute entière dirige vers ces personnes. Certes, la
loi donne aujourd’hui un cadre formidablement positif : « égalité des droits des chances,
participation et citoyenneté » dit la loi du 11 février 2005, et tant mieux…
Mais au-delà de la loi, c’est de chacun de nous qu’il s’agit, nous parents, nous
professionnels, mais surtout et d’abord nous citoyens concitoyens et des parents et des
personnes polyhandicapées. Nous, citoyens, qu’attendons-nous d’eux ? Si nous n’en
60
attendons rien, nous contribuons à placer les aidants dans une situation insupportable
une sorte d’injonction paradoxale : « Aidez-les… à rien » !
Il s’agit de les aider à vivre parce que le corps social s’appauvrirait s’ils le quittaient. Il
s’agit, dans cette aide, dans cette relation d’aide, de leur reconnaître non pas l’utilité
utilitariste qui pollue notre regard sur l’homme mais la fonction qu’ils remplissent….
Fonction d’une grande noblesse qu’ils partagent avec le philosophe et qui consiste, par
leur seule présence, dans un silence assourdissant parfois, à interroger leurs
contemporains que nous sommes, sur le sens du handicap, de la douleur, de la
souffrance, de la différence et de la vie. Quel sens ? C’est-à-dire qu’est-ce qu’être
Homme ? Qu’est-ce qu’être Femme ? Quelle est l’humanité de l’homme, sommes-nous
prêts à la leur reconnaître ? Fonction du philosophe qu’ils remplissent justement parce
qu’on ne les y attendait pas !
Alexandre JOLLIEN5 : « On ne perçoit que des bribes de l’angoisse subie par l’autre, de
la douleur d’un malade, on ne perçoit que la présence. Si la joie, le bonheur se partagent
aisément, la souffrance répugne, elle fait honte et isole. S’y greffe dès lors une autre
torture : être jugé, incompris, porter seul un poids trop lourd quand plus que jamais une
écoute amicale allégerait le tourment. Se mettre à la place du souffrant, voilà un
exercice ardu. On peut au moins être là, tenter de réconforter et, surtout, s’abstenir de
juger. Dans la souffrance, une présence, aussi discrète soit-elle, surclasse – et
de loin – les discours qui prétendent tout maîtriser. Un regard, un sourire, un
mot, voilà ma part d’action. Tâche difficile que celle d’assister impuissant à la
ruine d’un être aimé, de tenter de trouver le geste qui réconforte, tandis que le
désespoir l’emporte ! Le sourire fragile, la parole indécise, le soutien arrachés
au prix de mille efforts paraissent vains, mais s’ils manquent, c’est que manque
l’essentiel ».
Pour cet essentiel, merci à vous tous.
*Auteur de :
"Manifeste pour l'âge et la vie: réenchanter la vieillesse" avec C. GALLOPIN et J. POLARD
Ed. Eres. sept. 2O12.
"La chance de vieillir Essai de gérontologie sociale" Ed. L'Harmattan.
"La tyrannie du bien vieillir" avec D. MARTZ. Ed. Le Bord de l'eau.
5
Alexandre JOLIEN : « Le métier d’homme » P. 46, 47. »
61
Enjeux interpersonnels dans la relation d’aide
Aide technique et réciprocité humaine
Michel BELOT, psychologue MAS de Lannemezan (65)
La relation d’aide s’inscrit dans un contexte et avec des protagonistes. Cette diversité de
situations, notamment dans l’accompagnement de personnes gravement handicapées ne
peut être rendu compte par quelques considérations psychologisantes. Le
développement du maintien à domicile de personnes gravement handicapées, avec
l’intervention de membres de la famille ou de proches, aidés ou non par des
professionnels, produit un changement dans nos habituelles références, y compris pour
appréhender les répercussions affectives et relationnelles. Le service à la personne n’est
pas seulement la mise en œuvre de moyens : l’aide est par essence une rencontre entre
deux ou de plusieurs personnes, tournées ensemble vers un objectif commun.
L’aide devient accompagnement lorsqu’une relation de qualité s’instaure : respecter la
perception de chacun, avoir un code de communication commun, être ouvert à des
points d’identification qui font que l’on puisse comprendre l’autre à travers sa propre
expérience et enfin accepter de donner et aussi de recevoir pleinement la richesse d’une
relation partagée.
1. De la demande d’aide… à l’accompagnement
1. La perception de l’autre: toucher, sentir, voir, écouter, agir avec lui…
On sait que le contact avec la personne polyhandicapée, surtout les premières fois, est
difficile et délicat. Il ne va pas de soi : toute personne, visiteur, aidant… –sans
exception- est déstabilisée. Leurs difficultés d’expression, leur apparence, imposent une
différence difficile à concilier et à intégrer dans nos représentations habituelles. Cette
représentation de la personne – en situation de handicap grave - va heureusement
évoluer avec le temps et l’expérience : dans les soins et les actes de la vie quotidienne,
lors du partage de moments intimes, de leurs soucis et préoccupations.
Chaque accompagnant aura sa propre représentation de la personne aidée. Cette
représentation est abordée et construite à partir de :
•
•
•
la sensibilité sensorielle (tous les sens y participent et pas seulement par la vision),
des réactions émotionnelles et affectives,
des connaissances et des capacités cognitives permettant un décodage, une
compréhension et des réponses adaptées.
Comme ces montagnes qui sont vues par les gens de la plaine comme un repère
familier, chacun tient au paysage vu depuis sa fenêtre (de sa maison, de l’hôpital, de la
prison…), chacun voit ce qui l’intéresse, en fonction de son expérience. Ces
représentations personnelles, même si heureusement elles peuvent évoluer, ont
tendance à rester relativement stables.
62
Cette représentation de la personne (l’aidée) est la pièce maitresse qui va conditionner
les projets et actions des aidants, d’où l’importance des représentations de la situation,
par la personne elle-même et par son entourage. Le recours à l’observation permet
d’élaborer, de stabiliser et d’affiner la représentation de la personne. L’observation peut
s’intéresser à l’activité spontanée de la personne – lorsqu’elle s’occupe seule dans son
environnement
(observation écologique, dans
son milieu et dans des situations
habituelles). Cela n’est pas suffisant : il est nécessaire aussi d’aller vers ces personnes
qui ont de grandes difficultés pour bouger, se déplacer, s’exprimer… L’observation devra
porter également sur les modes d’interactions de la personne avec les aidants. Le rôle
de l’observation est souvent mal compris : pour les aidants proche, il est considéré
comme « allant de soi », et pour les professionnel, il est souvent entouré de telles
précautions (neutralité…) qu’il rate son objectif. L’observation n’est pas une technique.
Tenter « d’objectiver » l’observé est une démarche non adaptée, trop réductionniste et à
la finalité éthique discutable : elle renforce la représentation figée habituellement
associée au polyhandicap. L’observation ne peut pas porter sur un « objet isolé » et elle
est par définition «non neutre» car elle est prise dans l’engagement de l’observateur.
C’est aussi son intérêt : Elle indique l’attention que l’on porte à l’autre. C’est une prise
de position déterminée à un moment donné, toujours révisable et en mouvement, dont
l’observateur lui-même n’a pas une pleine conscience.
2. La nécessaire décentration pour enrichir les représentations.
La richesse du travail d’équipe permet l’expression et la mise en commun de perceptions
diversifiées de la personne et de la situation – avec des dispositifs facilitants (réunions,
écriture de projet…). A domicile, ces points de vue différents peuvent être partagés entre
l’aidant familial et l’aidant professionnel ou bien entre les proches de la famille.
La discussion des observations permet de se décentrer : examiner le point de vue de
l’autre, le confronter à son opinion, sortir de ses propres préjugés et de ses stéréotypies.
Ce mouvement de décentration :
-
change la représentation de l’autre et modifie notre action auprès de lui
permet une mobilité et un équilibrage des représentations
Cette régulation favorise la définition d’objectifs communs et de conduite à tenir, la
construction d’un projet. La décentration prévient le risque de représentations trop
figées ou fixées qui risquent d’enfermer la personne concernée.
3. Une communication pour soutenir la relation
La communication est un échange d’information par l’utilisation de codes communs. Le
code principal reste la parole, nécessaire, indispensable, même avec ceux qui ne
peuvent pas s’exprimer verbalement. Ils entendent – ils baignent - dans la parole depuis
leur naissance et souvent comprennent bien ce qui est dit. Les personnes gravement
handicapées – même avec peu de capacité d’expression ou de conscience (coma) - ont
besoin de cette particularité de tout être humain : nos gestes, nos actes, nos intentions,
sont portées par la parole. Pour bien communiquer, les canaux de communication
doivent être accessibles aux deux protagonistes : ainsi, le toucher, les émissions
vocales, le regard, les gestes, l’observation attentive des positions du corps, les
réactions émotionnelles (mimiques, réactions neuro végétatives) seront de préférence
sollicités. Les codes de communication sont des aides techniques utiles, notamment pour
transmettre de nouvelles informations, pour préciser leur contenu, ouvrir vers des
expressions nouvelles… L’échange d’information s’apprend : par l’expérience,
par
l’utilisation d’outils et par des formations spécifiques. S’il est important d’avoir une
63
palette large d’outils, la transmission d’information n’est pas un but en soi, elle doit être
au service de la relation.
4. Jouer dans le miroir des «identification partielles »
Dans toute relation, les protagonistes s’observent et agissent. La relation d’aide n’est
pas à sens unique. Elle est toujours l’affaire d’au moins deux personnes
– parfois plus - qui participent à l’ensemble du processus. Nous comprenons l’autre en
découvrant en lui des éléments que nous ressentons pour nous. Et inversement, nous
nous sentons compris lorsque l’autre nous fait un signe de validation ou réagit dans la
direction de notre souhait. La relation d’aide repose sur cette « identification partielle » à
l’autre. Par exemple, on va lacer une chaussure, proposer à boire, à manger, habiller ou
déshabiller selon la température, corriger un positionnement qui nous parait algique,
déplacer la personne vers un de ses centres d’intérêt, mettre des paroles justes sur une
situation difficile (par exemple à son arrivée ou à son départ, lors d’une maladie, d’une
douleur, d’un deuil…). Cette identification partielle nous amène à voir avec les yeux de
l’autre, à faire avec ses mains, à sentir avec son toucher, à entendre avec ses oreilles, à
choisir en fonction de ses goûts… l’aidant n’est jamais certain de sa réponse qu’il ajuste
ou adapte en lien avec les réactions ou l’expression –le plus souvent non verbale- de
l’aidé. Une réelle rencontre se fonde dans capacité de percevoir chez l’autre ce qui ne
peut pas s’exprimer clairement et le transformer en une expérience partagée.
5. Nouer la relation
Tout dialogue s’ouvre par un appel (qui se manifeste simplement parfois par un geste,
un cri, un regard…). Les modalités de réponse à cette demande prendront des formes
diverses : réponse adaptée ou non, réponse immédiate ou différée, explorée par
tâtonnement (oui ou non)… Les proches – notamment les familles - ont souvent
développé une grande finesse pour décoder les demandes de leur parent.
Cette demande engage beaucoup plus que la réalisation de son objectif matériel : elle
passe par la reconnaissance, la compréhension et l’acceptation, la validation et
l’adaptation de la personne à qui elle est adressée. Toute communication qui se limiterait
à satisfaire seulement l’aspect matériel de la demande – comme les robots peuvent très
bien le faire - méconnaitrait l’impact affectif contenu dans toute demande : elle s’adresse
à quelqu’un, qui donne une réponse personnelle et singulière, et qui engage la
communication dans une relation affective –positive, « neutre » ou négative. Le
développement affectif – si nécessaire à tout être humain - ne dépendant pas seulement
des outils de communication employés mais également de la qualité des réponses de
l’aidant : ses qualités humaines, son expérience, sa capacité de «s’identifier
partiellement», son empathie. Alors, s’instaure une confiance réciproque, une adhésion
si aidante lors des soins et dans l’accompagnement.
2. Interdépendance et réciprocité humaine
La dépendance fonctionnelle renforce la dépendance affective. L’aide dans la vie
quotidienne exige une grande proximité physique, une grande sensibilité et disponibilité
aux demandes de l’aidé. De l’extérieur, il serait facile de se méprendre sur ce lien si fort
au point d’y voir une symbiose pathologique, dissociative ou menaçante, une fusion qui
entrainerait de la confusion dans la disparition des limites de chacun.
Dans cette relation réciproque, l’affirmation du « je » se pose en même temps en face
d’un « tu » qui à son tour imposera sa façon d’être. Et les personnes gravement
handicapées savent imposer leur point de vue comme les autres, -avec des moyens
64
différents mais très efficaces. Il y a mille façons de signifier le refus, l’indifférence ou au
contraire la joie, le plaisir…
1. L’espace relationnel
La relation d’aide se crée et se développe dans un espace singulier. Ici, ce n’est pas
une question de distance mais d’espace où chacun peut se mouvoir, se déplacer,
accepter le contact ou s’y dérober temporairement. C’est espace de liberté - D R
Winnicott l’appelait « espace transitionnel » - est un espace commun avec l’autre : il
est à la fois un espace extérieur, un terrain de jeu et également un espace intérieur,
où la présence de l’autre opère des transformations de soi. L’espace relationnel
s’inscrit dans des limites liées à l’environnement et la situation (le lit, la chambre, la
maison, et pour ceux en établissement : le groupe, lieu de vie…) et dans les limites
entre soi et l’autre.
2. La promesse d’un lien
Répondre et dialoguer, maintenir et enrichir les liens, c’est aussi promettre d’être là, et
aussi longtemps que possible. Et que vont-ils devenir quand l’aidant familial – trop âgé,
trop fatigué, trop malade - ne pourra plus assumer ?
La relation d’aide nous renvoie à nos propres limites et nos souffrances : pour pouvoir
aider, prendre soin, nous devons être sensibles à nos propres douleurs, nos doutes et
nos craintes, notre parcours personnel et les émotions et prises de conscience qui les
accompagne. Non pas que les aidants et les aidés aient une histoire analogue ou
superposable. Penser que nous avons les mêmes problèmes et la même souffrance que
la personne que nous aidons n’est pas raisonnable. A chacun suffit sa peine et s’apitoyer
sur le sort de l’autre est la meilleure façon de provoquer chez lui du rejet.
3. La réciprocité dans la relation d’aide
La relation d’aide s’inscrit dans un contexte d’interdépendance de chacun des
protagonistes et dans une nécessaire réciprocité des réponses de chacun (aidant et
aidé). L’empathie est percevoir, sentir, comprendre l’autre à travers soi et lui restituer ce
cheminement : c’est une rencontre de deux êtres, de deux corps, de deux visages, de
deux histoires personnelles… la relation est une réciprocité. L’un agit en l’autre comme
l’autre agit dans l’un, mais chacun reste soi-même. Il s’agit d’une identification partielle
qui maintient l’identité de chacun.
Tout être humain a besoin de créer et de développer des relations. Celles-ci gagnent à
être diversifiées et ne peuvent pas se limiter au temps de soins. Le risque d’isolement
social, l’appauvrissement relationnel existe dans une vie familiale trop restreinte.
On peut légitimement interroger leur mise en œuvre dans les familles aidantes, sachant
qu’ils ne peuvent se substituer à une équipe pluridisciplinaire. Quelles aides techniques,
quelles formations, quelles articulation avec l’intervention de professionnels – à domicile
ou en consultation ?
Plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour que l‘accompagnement puisse opérer
dans toutes sa richesse et sa complexité :
-
Avoir une représentation précise du rôle de l’aidant, articulée à des réponses
adaptées : cela demande une bonne connaissance de la personne, de l’impact du
handicap, et des réponses qu’on peut lui apporter : l’observation doit dépasser
l’illusion technique de neutralité pour permettre la compréhension de sa façon
65
-
d’être avec l’« observateur ». Ce croisement de regards multiples, de fait limité
dans le cadre du domicile, est essentiel : l’aidé doit pouvoir s’appuyer sur des
relations diversifiés
L’espace relationnel entre aidant et aidé est un point clef de l’accompagnement :
c’est une espace – et non une distance- dans lequel s’inscrivent les marques, les
trajets, les chemins, les limites de chacun. Cet espace évolue dans le temps, peut
s’élargir ou se réduire, selon les péripéties de la vie.
Dans cet espace relationnel, le respect de la place de chacun est indispensable pour que
la relation s’instaure et se développe. La relation est réciproque : elle tend à abolir
l’asymétrie de la situation pour permettre un chemin construit en commun, en
complicité. C’est espace est un entre-deux, où chacun influence et agit sur l’autre.
4. Les risques de l’interdépendance.
La relation s’inscrit dans un espace où les deux protagonistes interviennent en toute
liberté. La création d’un espace relationnel est particulièrement fragile, notamment avec
des personnes vulnérables. Bien sûr, il peut arriver des mauvaises rencontres ou des
évolutions négatives des relations (glissement, isolement…) Le risque de violence existe
dans l’univers clos et opaque de certains établissements ou familles. La vulnérabilité des
personnes polyhandicapées majore le risque d’abus et d’assujettissement.
Quelques situations, peu fréquentes, mais qui marquent les esprits et les cœurs :
-
-
-
-
La domination : un espace relationnel trop réduit ou fermé ne permet pas
l’expression de chaque protagoniste… Un des protagonistes occupe tout l’espace
et devient dominant dans la relation. L’autre sera niée et considéré comme un objet. S’instaure alors un rapport de force, qui est la porte ouverte à la maltraitance
La pauvreté de la routine : l’autre risque est que l’espace se réduise à des routines, le chemin fait ensemble suive des ornières et que les habitudes, au fil du
temps, appauvrissent et limitent le développement personnel de chacun
L’induction et l’intrusion : lorsque l’espace relationnel est très limité, le risque
existe de se renfermer dans ses certitudes et ne vouloir rien savoir du regard des
autres, de se laisser embarquer dans un espace non balisé parce qu’on manque de
repère ou bien parce que l’entourage ne permet pas une confrontation des
représentations. Cette violence à l’autre s’observe notamment lorsque la relation
dérive par induction et par intrusion. L’induction consiste à imposer son point de
vue à l’autre : pour comprendre l’autre, se mettre à sa disposition et agir, l’aidant
va chercher dans l’autre ce qu’il connait déjà pour soi. Si l’aidé n’a pas la
possibilité de s’exprimer, ou bien s’il n’est pas compris, alors l’aidant peut
enfermer l’aidé dans ses propres repères « d’aidant », lui imposer sa loi et son
fonctionnement, l’assujettir dans une relation de dominant dominé qui est aux
antipodes de la rencontre. Un autre risque est celui de l’intrusion : vouloir à tout
prix maitriser la situation et donc tout connaitre, tout anticiper, tout vérifier, en
entrant dans l’intimité de l’aidé
La désignation de bouc émissaire : lors d’aggravation de l’état de santé ou lors de
troubles du comportement important, l’aidant doit pouvoir partager ses questions
et ses inquiétudes, et trouver des relais. Lorsque la douleur est grande, parce que
la tâche est lourde, on peut chercher à limiter cette souffrance en désignant dans
l’entourage proche un bouc émissaire, cause de tous les maux : un professionnel,
un directeur, une association, un membre de la famille… et s’enfermer dans un
cercle vicieux des certitudes et préjugés que personne ne peut rompre.
Lorsque l’espace relationnel est fermé, dissous ou perturbé, l’absence de dialogue
favorise les réactions de défense avec des comportements gravissimes (refus, repli ou
66
isolement) qui entravent le développement affectif et cognitif de la personne aidée et
également de l’aidant, dans une logique de perdant–perdant.
L’espace relationnel a pour but d’instaurer la confiance : la dépendance est une situation
difficile à accepter. Pour permettre une meilleure participation de l’aidé, dans les actes
de la vie quotidienne, la confiance est indispensable. La confiance permet une
acceptation de l’autre dans cet espace, et parfois une réelle collaboration dans une
action commune, un « entre deux » ou entre plusieurs…
5. Inscrire la relation d’aide dans la durée
Aider à parfois un coût énorme pour l’aidant, surtout si la situation s’aggrave ou s’il agit
par devoir ou par obligation. L’aidant peut être pris dans des sentiments contradictoires,
en voulant aider par choix familial, il peut se retrouver seul avec une écrasante
responsabilité, de la fatigue et découragement. Il est important que les aidants aient une
vie en dehors de leur mission d’aide et nous savons que cela est très difficile, parfois
impossible : pas assez de relais, de temps pour se ressourcer.
Le recours à l’aide technique : pas de solutions magiques…
Personne n’est en mesure de guérir, d’éradiquer le handicap. L’accompagnement est si
difficile et les réponses si partielles, appuyé longtemps sur des institutions solides. La
relation d’aide par la famille, à domicile est différente et parait bien plus fragile. Les
aidants familiaux peuvent – et doivent - exiger la mise à disposition d’aides techniques
qui ne sont pas réservées exclusivement aux établissements : lève-personnes, aide aux
transferts, chambre et salle de bain adaptées, équipement paramédical et orthopédique,
les installations, les dispositifs d’aide à l’alimentation, les protocoles de soins, utilisation
de produits spécifiques... La technicité demande également des formations, actuellement
peu ou pas accessibles aux familles. L’appui sur des dispositifs institutionnel
(établissement, réseaux) est ici indispensable pour partager les temps de formation et
de conseil.
Le recours à la technique, si indispensable, doit rester dans ses limites. On ne peut pas
lui en demander plus, ni lui prêter des vertus magiques qui aplaniraient toutes les
difficultés. La demande des aidants d’avoir des trucs, des recettes, des méthodes pour
améliorer le quotidien est légitime mais les réponses concrètes sont très limitées. La
technique n’est pas une fin en soi, c’est un outil, un moyen, pour améliorer
l’accompagnent. Technique et relation ne s’opposent pas : la sincérité, l’authenticité, la
vérité d’une relation répond à nos limites techniques, à nos impuissances.
La réponse technique n’est pas l’essentiel de la vie des personnes gravement
handicapées car leur envie, leur motivation, leur intérêt, dépassent nos réponses
techniques ou s’en passent… Si les moyens techniques ne peuvent pas supprimer toutes
les contraintes du handicap, par contre, il est toujours possible de prendre soin de
l’autre. La réponse technique ne peut pas se substituer à la relation d’aide et à un
accompagnement global où la part relationnelle et affective connote la demande de
l’aidé. La technique ne peut pas faire l’économie de la mise en place d’un soutien
relationnel.
La relation d’aide repose sur une triple exigence :
•
Une exigence emphatique c'est-à-dire la capacité à une identification partielle au
désir et parfois à la souffrance de l’aidé, une exigence basée sur la réciprocité et
l’empathie, la capacité d’occuper le lieu de l’autre, d’y créer un espace commun,
d’y développer de véritables liens qui seront utilisés dans l’accompagnement.
67
•
•
Une exigence cognitive, c'est-à-dire un travail de décodage, d’interprétation avec
l’autre, facilitant l’expression et la communication
Une exigence créative – qui peut être aidée par la technicité - pour mettre en
acte un geste d’aide adressé à l’autre, au style reconnaissable et identifié, dans un
espace de confiance et d’expression mutuelle.
Les aidants aiment se reconnaitre dans l’adage : « j’ai reçu autant que j’ai donné ».
Dans cette réciprocité, l’aidant ne reçoit pas la même chose que ce qu’il donne. Mais
nous recevons de l’aidé son courage, sa vitalité, sa volonté et sa lutte pour sa propre
vie. Sachons reconnaitre cet enrichissement mutuel et le cultiver !
La relation d’aide ne s’inscrit pas complètement dans une réponse technique : la relation
est par essence imprévisible et non quantifiable. Elle échappe donc à une évaluation
objective et cela la fragilise son existence et son développement. Elle pourrait donc
disparaitre de nos préoccupations ou celle des décideurs. Sachons donc la défendre et la
préserver.
Les risques d’épuisement chez les aidants familiaux et
professionnels
Dr Elisabeth ZUCMAN, Présidente d’Honneur G.P.F.
Une longue réflexion, soutenue par les premiers travaux américains des années
1978-80 (A. Pines, H.J. Freudenberger) m’a amené à le considérer comme un
risque spécifique de la relation d’aide, quelle que soit la situation
professionnelle dans laquelle il se joue. On retrouve en effet aussi le burn-out chez
les enseignants, chez les avocats… Le risque existe chez les cadres comme pour
chaque membre d’une équipe dans laquelle on sait engager sa responsabilité de
professionnel et de personne vis-à-vis d’autrui : les collègues, comme « les
clients ». Depuis peu, on a pris conscience que les aidants familiaux couraient ce
même risque, lorsqu’ils sont privés de soutien.
Cependant, le risque d’épuisement professionnel est particulièrement élevé
lorsqu’on s’occupe de personnes très dépendantes : polyhandicapée ou très
âgées, ou en phase terminale de maladies évolutives. L’image dévalorfisée de ces
situations de détresse redoutable où l’on côtoie constamment la mort, le silence des
personnes atteintes et bien souvent de leurs familles qui sont nos « clients
obligés », la modestie des résultats du travail journalier des équipes… tous ces
facteurs créent un climat chargé d’émotions violentes, répétées, silencieuses,
particulièrement usantes.
J’ai vécu moi-même à plusieurs reprises le burn-out : je l’ai rencontré aussi chez
des soignants comme chez des éducateurs et je l’ai constaté parfois au niveau
collectif de « l’institution ».
De plus, la profession d’Aide Médico-Psychologique auprès de personnes très
dépendantes comporte un surcroit de facteurs de risque (le poids physique en est le
facteur le plus évident) qui lui sont spécifiques : l’aide irremplaçable qu’elles
apportent dans tous les gestes de la vie quotidienne et qui est garante de la qualité
de vie, est communément socialement dévalorisée dans le public, aux yeux des
tutelles, et parfois même dans l’esprit de l’encadrement ou des spécialistes de
l’institution. La non reconnaissance de la valeur du travail jointe à la répétition,
contribue à l’usure des Aides Médico-Psychologiques. La dévalorisation et la
routinisation des aides de proximité dans la vie quotidienne contribuent à
l’épuisement des aidants familiaux.
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L’autre risque spécifique du travail des Aides Médico-Psychologiques tient à la
relation « corps à corps » qui s’établit souvent lors des soins intimes et répétés
sans qu’une parole simple et libre sur ce que l’ont fait et ce qu’on ressent vienne
médiatiser l’émotion. Dans le silence et l’extrême proximité corporelle s’établissent
des liens très serrés d’interdépendance, teintés de sentiments forts et ambivalents
d’attachement, de peur et parfois d’intolérance… Eux aussi conduisent l’Aide
Médico-Psychologique à l’épuisement.
Le burn-out m’est donc apparu non comme une démotivation ni comme une
pathologie mentale particulière – bien que classable comme un trouble d’adaptation
– mais comme un gauchissement progressif et réversible du lien social : lié à
une situation professionnelle donnée et en général de trop longue durée. Le burnout disparait quand on change de situation : la mobilité régulière volontairement
assumée dans un plan de carrière est donc un des meilleurs outils de sa prévention.
De même, les aidants familiaux ont besoins de relais (services d’auxiliaires à
domicile, accueils temporaires).
On retrouve la spécificité de ce syndrome d’épuisement professionnel aussi bien
dans ses mécanismes que dans sa sémiologie et son traitement préventif ou curatif.
-
-
Le mécanisme nodal du burn-out me semble résider dans l’écart qui
existe toujours entre l’idéal du moi (ainsi que dans l’idéalisation de la
profession d’aide qu’on a choisi pour réaliser cet idéal…) et les limites
d’efficience rencontrées journellement dans la réalité de l’exercice
professionnel. C’est essentiellement cet écart, souvent dénié, tant il contredit
cruellement le choix vocationnel, qui et le plus usant, épuisant dans la durée
Les manifestations du burn-out comportent toujours un épuisement
physique, psychique et social d’allure dépressive mais le burn-out n’est pas
une dépression et les antidépresseurs n’y changent rien. Cet épuisement est
souvent masqué par de mécanismes de défense qui occupent le devant de la
scène : les uns auront tendance à protéger leur « égo » en faisant toujours
plus et trop : répétitions, obnubilations, prises de risques excessifs liés à un
sentiment de toute-puissance, exigences à l’égard des autres, irréalisables.
C’est cette réaction de surpuissance qui risque d’aboutir à la maltraitance.
Les autres se réfugient dans une véritable involution professionnelle : perte
de confiance en soi et en autrui (usagers, collègues et institution…
absentéisme avec ou sans somatisation).
Ces manifestations ne sont pas spécifiques aux Aides Médico-Psychologiques
et les aidants familiaux réagissent de manière analogue.
Ces troubles peuvent être le fait d’un professionnel isolé, du groupe des
« anciens » dans l’institution ou de tous dans une structure usée depuis
longtemps, dans l’isolement et la méconnaissance des troubles.
-
Les outils préventifs et curatifs sont nombreux et efficaces à partir du
moment où le risque est reconnu : d’où l’intérêt de santé publique à diffuser
ce concept relativement récent et « acceptable » si on le conçoit non comme
une maladie professionnelle nouvelle ou comme une faute professionnelle
mais comme un risque encouru par tous dans la relation d’aide, évitable ou
réversible quand certaine conditions sont réunies
69
Certains outils de prévention s’adressent plus particulièrement aux A.M.P. :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Accorder soi-même leur pleine valeur aux activités de vie quotidienne ;
savoir et oser le faire partager aux autres dans l’équipe
S’appuyer sur une part de routinisation dans l’organisation des tâches
quotidiennes pour alléger les gestes et libérer de la disponibilité
d’attention à l’imprévu et à la communication, même non verbale, avec
la personne aidée
Connaitre les contours de sa tâche et le champ de celle des autres
pour que, tout en s’entraidant, chacun reste dans son rôle
Participer activement à la construction et à la mise en œuvre de
projets individualisés et les inscrire rigoureusement dans un temps
suffisant
Assumer d’être le référent d’un certain nombre de ses projets
Ajuster la distance relationnelle par l’écriture journalière de ce que l’on
fait et par la mise en mots à l’égard de la personne dépendante et des
autres membres de l’équipe. Parole et écriture permettent une
meilleure maîtrise des émotions et une certaine autoprotection dans
ces métiers difficiles d’aide à autrui
Laisser aux parents leur place inaliénable auprès de leur enfant et
garder ainsi sa propre identité professionnelle. Ne pas perdre de vue
que les aidants familiaux – parents et fratrie – courent les mêmes
risques d’usure
N’accepter sous aucun « prétexte » d’être durablement insuffisamment
nombreux
Se former et continuer de se former
D’autres outils sont moins spécifiques aux Aides Médico-Psychologiques mais
tout aussi nécessaires :
•
•
•
Prévenir l’usure par une véritable culture du changement : rythmes,
horaires, modalités des activités, rénovation du cadre de travail,
formations complémentaires, participations à des enquêtes, études,
recherches… perfectionnements, promotions, changement de postes…
ou même de profession : untel qui était profondément usé dans le
poste qu’il occupait depuis quinze ans retrouve toute sa liberté d’être,
tout son dynamisme professionnel dans une fonction ou une structure
différente
Permettre à chacun de bien connaître la tâche qui lui incombe,
ses limites par rapport à celles des autres et lui en confier la
responsabilité réelle ainsi que les moyens de l’assumer de manière
autonome : avoir à rendre compte et non pas à être surveillé…
Offrir des lieux de parole réguliers qui permettent, dans la
confiance réciproque, de se connaître et reconnaître dans la tâche
réalisée, les risques encourus ou les comportements défensifs mis en
œuvre.
70
METTRE EN ŒUVRE LES RELAIS ET LES PAUSES
Sylvie GUYOT, Directrice Pôle Enfance Héricourt (ADAPEI 70)
Le Pôle Enfance d’Héricourt a mis en place un dispositif appelé PARENThèseS,
gratuit, accessible géographiquement, ouvert aux parents, fratries, grands-parents,
famille d’accueil. C’est un dispositif expérimental qui a été mis en place sur la
période de janvier 2012 à juin 2013 et qui a bénéficié d’un financement par la
CNSA suite à un appel à projet de l’Agence Régionale de Santé pour le département
de Haute-Saône. Il s’adresse principalement aux parents du Pôle Enfance. Il
s’inspire de nombreux échanges avec les familles.
Les postulats de départ :
-
Proposer de la légèreté et de la facilité aux parents
S’adresser à la famille élargie : fratrie, grands-parents, tantes, oncles,
cousin(es)
Mettre à disposition des parents des moyens humains et matériels qu’ils
ajusteront en fonction de leurs besoins, de leur goût, de leur envie, des
activités individuelles ou collectives
PARENThèseS propose :
-
des actions et des activités diversifiées et accessibles, gratuites,
Des temps de répit pour les aidants sous forme de garde des enfants
Le dispositif est co-piloté par les parents et les professionnels
Parallèlement au développement des actions, les professionnels ont cherché
à identifier et recenser, sur le territoire, d’autres ressources présentes pour
une éventuelle pérennisation du projet
Les actions :
71
L’équipe PARENThèseS est composée d’un 015 ETP (une éducatrice spécialisée et une
Technicienne de l’Intervention Sociale et Familiale) pour la coordination et également
d’un 1,20 ETP (deux « handi-sitteuses »).
Il y a aussi des intervenants ponctuels :
-
un professeur de sport,
des professionnels formés à la balnéothérapie et à l’espace snoezelen
un cuisinier (cours de moulinés gastronomiques).
Il y a également des actions de formation :
•
•
•
•
Sur les gestes et postures,
La Communication Alternative et Améliorée,
La puberté, la vie affective et sexuelle,
L’autisme pour la famille élargie
Accompagnement des parents pour la participation à des colloques :
-
Journée du GPF
Journée du Centre Ressource Autisme
Trisomie 21
Des animateurs sont présents pour des activités régulières :
•
•
•
•
Le « Club des TIChodromes », utilisation de l’outil informatique par les personnes polyhandicapées
L’Atelier « Signe avec moi », en direction des parents pour leur apprendre les
supports de communication (signes ou utilisation de pictogrammes
Les ateliers pâtisserie
L’atelier « éveil et jeux » avec la fratrie
Exemple de programme adressé chaque mois aux familles :
La coordination du dispositif :
72
Réunion tous les 2 mois : élaboration du
programme
Hebdomadaire : organisation des gardes
Création des programmes, plaquettes,
programmes, réservation
Préparation des formations,
interventions…
Le budget alloué pour 18 mois : 37 600 €
salaires
intervenants
extérieurs
divers: essence,
fournitures…
Le Pôle Enfance d’Héricourt met à disposition à titre gratuit les locaux et
les véhicules.
Nadège
CHOPLAIN, Responsable de service, La Vie à Domicile, HANDI-REPIT
73
Nadège CHOPLAIN, Responsable de Service, La vie à Domicile,
HANDI-REPIT
9-11 rue Georges Enesco
94000 CRETEIL
Tél. : 01.48.53.61.80.
Mail. : [email protected]
Un accès à des relais et à
des pauses
La Vie à Domicile Handi-Répit,
histoire d’une rencontre…
Hélène RIPOLLI avec d’autres familles du Val-de-Marne
La Vie à Domicile, association ayant un Service Polyvalent d’Aide et de
Soins à Domicile depuis 1985
Août 2006, une rencontre : Philippe HEDIN, directeur, propose à ces
familles que la Vie à Domicile conduise avec elles un projet « Répit
Services ».
Handi-Répit ouvre ses portes en mars 2010.
Reconnaissance progressive des aidants familiaux
et de leurs besoins de répit
La loi de 2005 :
Droit à la compensation du handicap
Rôle reconnu des proches
Décret de mars 2004 et circulaire 2005 : définition et organisation de l’accueil
temporaire, légitimant le droit au répit des aidants familiaux
Charte européenne de l’aidant familial en 2007 qui définit l’aidant familial
comme « la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, à une
personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Cette
aide régulière, prodiguée de façon permanente ou non, peut prendre plusieurs formes :
Nursing, soins, accompagnement à l’éducation et à la vie sociale
Démarches administratives, coordination, vigilance permanente,
psychologique, communication, activités domestiques…. »
Guide de l’aidant familial avril 2007…
soutien
74
Le projet Handi-Répit, c’est :
Permettre aux aidants de :
Faire le point, une pause pour éclaircir leur situation d’aidant et celle de leur
proche
Confier son proche en ayant confiance et en toute sécurité
Trouver
des « lieux identifiables » pour être relayé, alléger les tâches
quotidiennes et en déléguer
Se ressourcer et rompre l’isolement
Offrir une alternative souhaitée ou une passerelle vers l’hébergement permanent
si nécessaire
Mais aussi maintenir, retrouver voire développer les compétences, le lien social et
l’autonomie des personnes en situation de handicap accueillies…
En respect des attentes et des besoins de chaque membre de la cellule familiale
La Vie à Domicile Handi-Répit, c’est un accompagnement qui se décline en :
Un Service Polyvalent d’Aide et de Soins à Domicile à Paris
Un Espace des Aidants (parent, conjoint, fratrie, voisin…)
Une Maison d’Accueil Temporaire (expérimental) de jour à Créteil
L’espace des aidants
L’espace des aidants poursuit plusieurs objectifs :
- favoriser la prise en compte des aidants par les
professionnels
- reconnaitre leur place et rester à l’écoute de leurs attentes
et besoins,
- proposer et construire des actions avec et pour eux.
Les actions peuvent prendre la forme de :
accompagnement individuel pour être au plus près du
« projet de vie de la famille » et trouver des relais
concrets
rencontre entre aidants pour s’informer, se soutenir,
rompre l’isolement
visite à domicile ou sur les lieux de vie afin de
soutenir ou faciliter la vie quotidienne
moment pour permettre aux aidants de penser à eux
et prendre soin d’eux
informations et sensibilisations
en valorisant leurs compétences et en favorisant leur
participation
75
La Maison d’accueil temporaire de jour
La maison d’accueil temporaire offre :
- du temps libre, du répit, pour les aidants, une mise ou remise en confiance
avec les professionnels et avec leur proche en situation de handicap
- un accueil personnalisé et convivial
- de la détente, des activités, une accessibilité dans la ville et une participation à la
vie de la Cité, des échanges et des temps de socialisation
- une continuité des soins, un maintien des acquis voire une évolution vers plus
d’autonomie
La maison d’accueil est souvent une 1ère étape pour apprendre à se
« séparer » et vivre autre chose en dehors du contexte habituel en vue de
préparer l’avenir.
La maison d’accueil temporaire accueille :
Jusqu’à 12 personnes en situation de handicap par jour, âgée de 6 à
60 ans, porteuse de tout type de handicap (handicap mental,
moteur, polyhandicap …) dans la limite réglementaire de 90 jours par
an.
Ouverture toute l’année du lundi au vendredi de 9h à 18h.
Handi-Répit permet aussi de vivre des temps partagés
entre aidants, aidés et professionnels :
- possibilité pour les aidants de rester sur place et de transmettre à l’équipe
leurs connaissances de leur proche,
- proposition d’activités partagées avec leur proche
- participation à des temps conviviaux
- organisation de temps d’échanges et de concertation dont l’APEROS
Répit (Aide, Partage, Echange, Rencontre, Ouverture, Soutien) dénommé par des
aidants eux-mêmes et créé en 2012.
76
L’Equipe d’Handi-Répit est constituée de :
Aides médico-psychologiques, Auxiliaire de Vie Sociale, Aide-Soignante,
Moniteur Educateur…
une secrétaire d’accueil
un infirmier
un psychologue
un ergothérapeute
un psychomotricien
un médecin
responsables de l’Espace des Aidants et de la Maison d’Accueil Temporaire
un directeur
Des intervenants extérieurs
une praticienne de massages énergétiques
une ostéopathe et d’étudiants en ostéopathie
En quelques chiffres, Handi-Répit, c’est :
90 familles accompagnées
77 personnes en situation de handicap accueillies à la Maison d’Accueil
Temporaire
49 % d’enfants et 51 % d’adultes accueillis âgés de 6 à 56 ans
79 % de famille à domicile dont seulement 6 % avec un
accompagnement professionnel (SAMSAH, SESSAD, SAAD), 21 %
seulement accueillis dans des institutions
27 % des familles confrontées à un polyhandicap, 25 % à de
l’autisme / TED, 21 % à un handicap mental, 6% à un handicap psychique, 5
% à un autre handicap, 1 % à un handicap sensoriel
92 % des adultes et 16 % des enfants fréquentent Handi-Répit de manière
régulière (1 à 2 fois par semaine)
en 2012, 9 personnes sont entrées dans un établissement
10 séances d’ostéopathie et 5 séances de massages énergétiques pour les
aidants par mois
1 Café des Aidants chaque mois et 1 rencontre thématique tous les 2 mois
une sensibilisation et un dépistage buccodentaire en cours avec Rhapsod’if
(depuis janvier 2013 26 personnes accompagnées de leur parent en ont
bénéficié)
DES PARTENAIRES INDISPENSABLES A CE DISPOSITIF
En 1ère ligne, les familles
Les MDPH en particulier celle du Val-de-Marne et de Paris (aides financières
et orientation)
Les professionnels des institutions spécialisées, des hôpitaux et des
services sociaux
Les lieux d’accueil temporaire avec hébergement
Les centres ressources ou équivalent, notamment le Centre Ressources
Multi-Handicap, le CRAIF, l’UNA, UMI-TED et CECOIA ainsi que L’Association
Française des Aidants
Les services intervenant à domicile, SPASAD de La Vie à Domicile,
SSIAD, SAVS, SAMSAH
77
DES RELAIS, DES PAUSES…
Pour prendre en considération les liens familiaux vécus au domicile
Pour se ressourcer chacun de son côté
Pour penser et vivre au plus près des besoins et des attentes de la personne
en situation de handicap et de chaque membre de la famille
Pour engager une réflexion sur l’avenir et l’accompagner
ECHANGE AVEC LA SALLE
Pr PONSOT : Monsieur BILLE, je trouve que dans la réciprocité de la relation d’aide,
je me pose toujours la question de savoir si la façon dont les médecins voient la
personne polyhandicapée (quelquefois considérée comme une personne humaine
particulière) n’est pas le fond du problème ?
M. BILLE : nous avons beau jeu, quand nous ne sommes pas médecins, de
stigmatiser sur eux le pire de ce que nous sommes capable de vivre nous aussi.
Comme c’est la faute des médecins, ce n’est pas la nôtre. Je ne crois pas que les
médecins soient plus particulièrement coupables ou porteurs de cela. C’est
véritablement aujourd’hui, dans la société française contemporaine, une question
de citoyenneté et ce sont les citoyens que nous sommes qui devont se laisser
questionner sur tout le rapport à la différence, au handicap et à toutes les
populations qui sont l’objet de traitements particuliers stigmatisants. C’est une
question de citoyenneté et, pour le dire plus clairement, c’est une question
politique.
Eric ZOLLA : Messieurs BILLE et BELOT, au cours de vos interventions, vous avez
évoqué la notion d’interdépendance, d’observation mutuelle… vous êtes restés dans
des événements positifs mais il n’a pas été évoqué le risque de maltraitance dans la
réciprocité de la relation d’aide
Michel BILLE : très franchement, je n’ai pas pu l’évoquer par manque de temps.
Evidemment ce risque existe ; pour autant je suis convaincu que les situations dans
lesquelles nous sommes les uns et les autres peuvent révéler des traits de
personnalité particuliers qui peuvent devenir ou être des traits de personnalité
pervers, pathologiques. C’est terrible quand cela existe mais la plupart des
maltraitants ne sont pas des pervers mais des gens qui sont eux-mêmes pris dans
un faisceau de contraintes tel qu’ils ne peuvent pas s’en sortir autrement que
comme cela. Comment se fait-il que des gens formidablement motivés, plutôt bien
formés, dans des institutions puissent devenir maltraitants alors qu’ils ne sont pas
rentrés là pour cela ? C’est qu’ils ont dans ce système éprouvé des difficultés telles
qu’ils le deviennent. A l’extérieur de l’institution, c’est la même chose. Pour moi, il
me semble que quand je perds mes valeurs dans ma manière de travailler, je perds
ma valeur à mes propres yeux et là « sauve qui peut » et, dans ce « sauve qui
peut », nous sommes capables les uns et les autres de faire n’importe quoi et, par
exemple, de devenir violents, maltraitants.
Michel BELOT : c’est une question difficile dans la mesure où, en insistant sur la
réciprocité, on place bien le problème. Le risque est que la personne soit
objectivée, qu’il y ait des relations de dominant-dominé, des relations trop
asymétriques. Introduire la notion de réciprocité veut dire qu’on rétablit une
78
certaine symétrie même si c’est une symétrie qui n’est pas une égalité. Je me méfie
beaucoup des caricatures psychologiques de la relation fusionnelle, diatique, tout ce
qu’on peut entendre et qui ne correspond pas à une réalité. Les relations
symbiotiques sont des relations exceptionnelles, pathologiques, qui ne doivent pas
servir de point de repérage à toute relation parentale. Les professionnels utilisent
abusivement des mots qui ne sont pas justes, qui ont une portée dans la
représentation qu’ils donnent à voir à la fois à leurs collègues et aussi aux familles.
Il ne faut pas pathologiser des choses qui ne sont pas du tout pathologiques.
Elisabeth ZUCMAN : Philippe GAUDON m’a confié une question avant de partir :
quelle est la part de l’ambivalence des sentiments dans tout ce que l’on vient
d’évoquer ? Je lui répondrais : tous sentiments intenses d’amour ou de haine,
apparemment uniques, avec les émotions intenses que cela déclenche, qu’on soit
ou non épuisé, on porte nécessairement une oscillation qui est ambivalente. Donc,
dans les cas extrêmes et quand on est surtout isolé, qu’on soit professionnel ou
parent, c’est à dire qu’on n’ait pas de lieu ou d’interlocuteurs de parole pour mettre
des mots sur ces émotions si importantes et contradictoires, c’est comme cela
qu’on peut être amené à passer à l’acte et cela arrive des deux côtés.
Dr Lucile GEORGES-JANET : la société projette sur les aidants le malaise qu’elle
éprouve vis-à-vis de l’étrangeté, de tout ce qui est déviance, de la dépendance.
C’est un facteur de malaise profond pour les aidants, peut-être un facteur de burnout. Cette situation double la peine que peut avoir l’aidant à la fois étant incertain
de la pertinence et de l’excellence de l’aide qu’il apporte à la personne aidée et en
même temps dévalorisée par rapport à la société qui projette sur lui les
responsabilités que la société ne veut pas prendre. Qu’est-ce que les sociologues
peuvent répondre à cette question ?
Michel BILLE : j’adhère à ce vous venez de dire. Il y a une espèce de projection sur
les aidants de ce que nous ne voulons pas voir. Et ce nous, je voudrais le renvoyer
sur les citoyens, c’est vraiment au-delà des parents et du monde des
professionnels. C’est une difficulté gigantesque d’arriver à une prise de conscience
sociétale et pas seulement une prise de conscience des parents et du monde
professionnel. Cela doit être une interrogation sociétale pour tous les citoyens.
Pr Gérard PONSOT : Mesdame GUYOT et CHOPLAIN, dans la mise en œuvre de ces
relais, de ces pauses, de ces activités proposées, est-ce que cela a été établi avec
les parents ? Quelle a été la part des parents dans ce que vous proposez ?
Nadège CHOPLAIN : tout à fait. Dans un premier temps, la démarche est de réunir
les parents et quelques professionnels pour repérer et évaluer ce que les parents
souhaitent qu’on mette en œuvre. Ces actions sont à l’initiative des parents. On
impulse à la fois l’entraide et l’expression de ce qu’ils souhaitent sinon les parents
n’adhéreraient pas s’ils n’étaient pas partie prenante.
Pr Gérard PONSOT : vous faites cela depuis combien de temps ?
Nadège CHOPLAIN : HANDI-REPIT a ouvert depuis 3 ans. Les actions dont j’ai
parlées s’effectuent depuis un an. C’est assez long à mettre en place puisque notre
démarche est que les parents soient au cœur des actions. Il faut se réunir, faire
vivre et dynamiser cette envie et cet intérêt. Les séances d’ostéopathie et de
massages énergétiques permettent aux parents de s’accorder un temps de
relâchement, de détente qui passe par leur corps et c’est important au-delà de
l’intervention de notre psychologue et des temps d’échanges entre parents. C’est
79
assez original ; cela a beaucoup de sens et on voit le bien-être et l’effet à la sortie
des séances qui est bénéfique.
Pr PONSOT : les parents vous font-ils des retours ? Se voient-ils entre eux, cela les
rapprochent-ils ?
Nadège CHOPLAIN : après un temps d’échange, les parents se donnent leurs
coordonnées, ils se voient à l’extérieur et participent à des sorties en dehors de
nous et c’est tant mieux. C’est aussi là l’idée, c’est bien que nous, professionnels,
on s’efface et qu’ils vivent des moments entre eux ; c’est une réussite à ce niveaulà. Il y a un petit groupe de parents qui s’est constitué et ils sont demandeurs de
participer et qu’on maintienne ce type d’actions pour eux. Ce sont des familles qui
vivent au domicile avec leur personne en situation de handicap, certains sont
depuis longtemps en rupture institutionnelle. Ils retrouvent une certaine confiance
dans les professionnels, dans des équipes, ce sont des relations qui sont à la fois
avec les professionnels, entre eux, avec leurs proches. Vivre des choses
séparément, cela remet en valeur des compétences par exemple qu’ils ont mis de
côté par rapport à leur enfant. Pour Handi-Répit, c’est assez ajusté.
Sylvie GUYOT : c’est le principe de Parenthèses d’organiser les activités et les
diverses actions avec les parents. Le dispositif date de janvier 2012 mais on a
proposé concrètement des actions en mai. 5 mois, c’est le temps qu’il a fallu pour
se réunir, permettre aux parents de communiquer et de leur demander ce qu’ils
souhaitaient. Il y a eu un laps de temps de 5 mois qui a permis d’amorcer et, tous
les deux mois, il y a une rencontre parents-coordinatrice pour organiser les mois
suivants. Cela fonctionne bien car c’est un dispositif souple et réactif et en fonction
du temps ou de ce qui peut se passer sur d’autres secteurs ou d’un colloque qu’on a
pu voir, on va proposer des actions pour pouvoir alimenter le programme. Ce n’est
jamais le même programme avec cependant des activités régulières. Pour ces
moments-là, nous organisons, nous proposons la logistique matérielle et humaine
mais nous ne sommes pas les éducateurs ni les accompagnateurs des parents.
Anne-Marie BOUTIN : Madame CHOPLAIN, pouvez-vous expliquer dans quel cadre
se situe HANDI-REPIT ? Est-ce un SESSAD, un SAMSAH ?
Nadège CHOPLAIN : l’Association gère un Service de Soins à Domicile depuis 1985
et Il y a une maison d’accueil temporaire à titre expérimental à plusieurs titres : on
essaie de mettre en avant des actions de soutien aux aidants car on accueille des
enfants handicapés à partir de 6 ans jusqu’à des adultes de 60 ans dans un même
lieu et avec tous types de handicaps. Les financements proviennent de l’ARS, du
Conseil Général et des financements privés pour certaines actions précises.
Anne-Marie BOUTIN : avez-vous un accord temporaire ou pérenne ?
Nadège CHOPLAIN : c’est une expérimentation pour 5 ans
La salle : les personnes que vous accueillez sont à domicile c’est-à-dire que vous
êtes la prise en charge principale ?
Nadège CHOPLAIN : oui. Très peu ont des accompagnements même à domicile
avec des professionnels, la plupart sont sans aide à domicile
La salle : par manque de places ? C’est un choix des familles ? Est-ce que les
familles auraient souhaité des places en établissements classiques ?
80
Nadège CHOPLAIN : je suis mal à l’aise avec le terme « choix ». Souvent, ce sont
des ruptures institutionnelles entre l’âge de 15 et 25 ans avec des retours à
domicile et pas forcément de solutions ou d’accueil en institution, pour la plupart.
Cela demande une réorganisation des familles, avec des équipes fragiles,
précaires ; des professionnels peuvent intervenir comme des Services à Domicile,
des SESSAD ou des SAMSAH quand c’est sur leur secteur et que cela correspond
aux pathologies des personnes en situation de handicap.
Gérard COURTOIS : est-ce que cela correspond à des échecs antérieurs de passage
en institutions ?
Nadège CHOPLAIN : pour certains, oui, certaines personnes retournent au domicile
en fin de prise en charge. Les familles essaient de se réorganiser et de faire face
La salle : combien de places avez-vous ?
Nadège CHOPLAIN : 12 places par jour et cela représente 90 familles
accompagnées car les personnes ne viennent que quelques jours par semaine
limitées à 90 jours par an. Certaines viennent une ou deux journées par semaine,
parfois ce sont des demi-journées, cela dépend des rythmes et des besoins de
chacun
La salle : cela concerne plutôt les 15 – 20 ans ?
Nadège CHOPLAIN : oui. Il y a une dizaine d’enfants ce qui signifie qu’ils n’ont pas
d’accompagnement éducatif, thérapeutique ou de soins adaptés car Handi-Répit ne
se situe pas à ce type de prise en charge. Il y a aussi des adultes. La moyenne
d’âge se situe entre 25 et 30 ans. La personne la plus âgée a 56 ans.
Maître KHELFAT : pourquoi la limite de 90 jours par an ?
Nadège CHOPLAIN : car l’accueil temporaire est limité à 90 jours par an et par
personne
Gérard COURTOIS : est-ce que dans la prise en charge que vous assurez auprès de
ces personnes, vous repérez une carence de prise en charge de soins,
d’accompagnement et est-ce que les familles énoncent la demande d’une
compensation de cette carence ?
Nadège CHOPLAIN : oui, un certain nombre de familles sont dans une demande
actuelle ou différée de place en institution, type MAS, c’est évident. Il manque des
institutions pour adultes et des places
Gérard COURTOIS : et pour les enfants ?
Nadège CHOPLAIN : pour les enfants également. Il y a quelques enfants qui ne
« rentrent pas dans les cases » ; les enfants, c’est entre 10-14 ans où c’est plus
compliqué avec parfois des retours en famille et des fins de prise en charge. Il y a
des enfants qui nécessitent une place en institution car ils ont besoin d’une prise en
charge quotidienne
Gérard COURTOIS : est-ce
comportement des enfants ?
que
vous
repérez
des
aggravations
dans
le
81
Nadège CHOPLAIN : je ne peux pas dire cela car venir à Handi-Répit, c’est offrir des
temps de socialisation, l’accès à la cité, des activités, des stimulations… on voit
toujours des évolutions entre le début de l’accueil d’un enfant et quelques mois
après. Mais on pourrait aller plus loin : des jeunes polyhandicapés avec autisme
nécessitent une prise en charge plus adaptée
La salle : quelles sont les pathologies que vous accueillez ?
Nadège CHOPLAIN : 27 % sont confrontés à un polyhandicap, 25 % autisme avec
troubles envahissants du développement, 21 % un handicap mental, 6 % un
handicap psychique, 5 % un autre handicap, 1 % un handicap sensoriel
CONCLUSION
Pr Gérard PONSOT
Les parents ont une relation exceptionnelle, indiscutable, incompréhensible, qui
dépasse tout, avec leur enfant polyhandicapé et qu’il ne faut surtout pas abimer. Je
sais que les parents peuvent avoir des compétences extraordinaires et qu’ils
peuvent presque quasiment tout faire mais attention.
Thierry BILLETTE DE VILLEMEUR a dit qu’il faut accepter qu’on ait tous des
connaissances différentes, aidant, professionnels, parents, et qu’il faut que nous
partagions ces connaissances. Madame LAHMER a dit qu’avec de l’humanité, on
peut réaliser cette coopération harmonieuse entre aidants, professionnels et
parents. Madame DU MONTCEL a dit que les parents doivent penser au bonheur.
C’est capital. Il faut penser également à la solidarité, c’est-à-dire que l’enfant
puisse voir autre chose, une ouverture plus grande que le milieu familial, et cela
fait penser au milieu institutionnel où les personnes polyhandicapées peuvent
trouver des possibilités de développement importantes.
Nous médecins, vous professionnels et vous parents, vous les décideurs, si nous
voyons cette relation unique, exceptionnelle, de ces parents avec leur enfant, nous
voyons aussi la relation avec leurs autres enfants ou leur conjoint, qui peut se
dégrader. Il y a là quelque chose qui doit nous interpeller. Cette relation des
parents vis-à-vis de vos enfants, il faut qu’on réussisse, avec tous les moyens dont
on dispose, à ce qu’elle soit préservée, qu’elle soit la plus heureuse possible car
vous avez droit à une qualité de vie et au bonheur.
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