Église et société au Moyen Âge - Hachette

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Église et société
au Moyen Âge
ve-xve siècle
2e édition
Anne-Marie Helvétius
Jean-Michel Matz
T able
des matières
Introduction. .................................................................................
3
Première partie
Essor et diversité du christianisme en occident
(vers 400-vers 750)
1. Héritages de l’Antiquité tardive................................................ 7
Théocratie et organisation de l’empire chrétien................................... L’empereur, chef de l’Église, 7 – L’organisation ecclésiastique, 8
– Rome, saint Pierre et son successeur, 9
Les évêques‚ maîtres de la cité.............................................................. L’épiscopat, une fonction civile, 10 – L’exercice de la cura
animarum, 10 – Les privilèges du clergé, 11
L’idéal de perfection monastique.......................................................... L’ascèse, seconde initiation chrétienne, 12 – Quête du désert
et cénobitisme, 13 – Diversité des modes de vie, 13
La culture savante................................................................................. L’héritage antique et la Bible, 14 – L’exégèse biblique, 15
– Les querelles théologiques, 15
Espace et temps chrétiens..................................................................... Christianisme et eschatologie, 16 – Les lieux de culte, 17
– La liturgie, 17
Des chrétientés en marge du monde romain......................................... La christianisation des « barbares », 18 – L’arianisme dans le monde
germanique, 19 – La christianisation de l’Irlande, 19
7
10
12
14
16
18
2. Les églises des royaumes occidentaux...................................... 22
Le royaume des francs......................................................................... La conversion de Clovis, 22 – L’apogée du pouvoir épiscopal
(vie siècle), 23 – Les évêques et le roi : une collaboration difficile
(600-750), 23
En italie : rome entre byzance et les lombards................................... Un territoire divisé, 24 – Grégoire le Grand (590-604), 25
– La conversion des Lombards, 25
22
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24
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L’afrique‚ l’espagne et la conquête musulmane.................................. Les Wisigoths et les Vandales, 27 – Une Église wisigothique
au service de l’État, 28 – Chrétiens et musulmans après la conquête, 28
27
Les mondes celtiques............................................................................. L’Irlande, 29 – Les églises celtiques de Grande-Bretagne, 30
– La Bretagne chrétienne, 30
29
La christianisation des anglo-saxons................................................... La mission d’Augustin de Canterbury, 31 – La conversion des rois,
31 – Rome et les Anglo-Saxons, 32
31
Le début des missions outre-rhin......................................................... Conquêtes et christianisation, 32 – Des missionnaires anglo-saxons,
33 – De nouvelles églises, 34
32
3. Le monde des moines : unité ou diversité ?. ............................ 36
L’invasion monastique.......................................................................... Le modèle d’Antoine au désert, 36 – La pérégrination pour le Christ,
37 – Les moines dans l’Église, 37
36
Monachisme et sainteté......................................................................... Des saints vivants, 38 – Le culte des reliques, 38 – Vies de saints et
propagande monastique, 39
38
Aristocratie et fondations monastiques................................................. Les monastères familiaux, 39 – Les donations pieuses, 40
– Le contrôle du territoire, 41
39
Les fonctions sociales des monastères.................................................. Hospitalité et bienfaisance, 41 – La transmission du savoir, 42
– Action et contemplation, 42
41
Diversité des genres de vie.................................................................... Les règles monastiques, 43 – De Rome à l’Irlande, 44 – Moines
et clercs, 44
43
Premières tentatives d’unification........................................................ Grégoire le Grand et la Règle de saint Benoît, 45 – Les fédérations
de monastères, 45 – Vers un monachisme bénédictin, 46
45
4. L’encadrement des fidèles............................................................ 49
Le salut de l’âme................................................................................... Les bonnes œuvres, 49 – La pénitence, 50 – La lutte
contre les démons, 50
49
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Table des matières
La multiplication des lieux de culte...................................................... Églises urbaines et suburbaines, 51 – Églises rurales, 51 – Le statut
des desservants, 52
51
L’éducation chrétienne des fidèles........................................................ Une éducation élitiste pour le bien commun, 53 – De l’école antique
à l’école médiévale, 53 – Le contenu des enseignements, 54
53
La vie du chrétien‚ de la naissance à la mort....................................... Le baptême, 54 – Le mariage, 55 – La maladie et la mort, 55
54
La vie quotidienne des fidèles............................................................... La messe dominicale, 56 – Fêtes et processions, 57 – La prédication
et les interdits, 57
56
Les chrétiens et « les autres »............................................................... Les païens, 58 – Les hérétiques, 59 – Les juifs, 59
58
Deuxième partie
Une Église universelle et homogène :
le rêve impossible ? (vers 750-vers 1050)
5. L’ordre carolingien et son rayonnement. ............................... 65
Un royaume‚ une religion..................................................................... La dilatatio regni et l’évangélisation, 65 – Une nouvelle géographie
du sacré, 66 – Un royaume à unifier, 66
65
La réforme de l’église franque.............................................................. Une Église hiérarchisée, 68 – Des clercs et des moines
irréprochables, 68 – Une liturgie unifiée, 69
68
Du sacre royal au couronnement impérial........................................... Politique et religion, 69 – Le sens du sacre, 70 – La cérémonie
du couronnement impérial, 72
69
Pour le salut des âmes : la « renaissance carolingienne »................... Réformes culturelles et christianisation, 72 – Le renouveau des
études, 73 – La production littéraire et artistique, 73
72
Les conciles réformateurs de 816-817.................................................. La réforme monastique, 74 – L’institution des chanoines, 75
– Une règle pour les moniales, 75
74
Le rayonnement carolingien.................................................................. L’image idéale du souverain chrétien, 76 – Une société
mise en « ordres », 77 – Une culture européenne, 77
76
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6. Les conflits d’intérêt au sein de l’Église carolingienne... 80
Le roi et le pape..................................................................................... Qui est le chef des Églises d’Occident ?, 80 – Un pouvoir
négocié, 81 – Des tensions croissantes, 81
80
Le roi et les évêques.............................................................................. L’Église impériale en crise, 82 – Les évêques, garants
de l’unité carolingienne ?, 82 – Hincmar de Reims, théoricien
du pouvoir royal, 83
82
Le problème des biens ecclésiastiques.................................................. Un patrimoine en expansion, 84 – Charles Martel a-t-il sécularisé
les biens des églises ?, 84 – Une répartition plus claire, 85
84
Les controverses théologiques.............................................................. La querelle des images, 85 – L’adoptianisme et ses prolongements, 86
– La prédestination, 87
85
Les tribulations des communautés religieuses...................................... Les pillages des Normands, 87 – Une réforme inaboutie, 88 – Enjeux
de pouvoir et concurrences, 88
87
L’effondrement de l’empire................................................................... L’abandon du titre impérial, 89L’affaiblissement de la papauté, 90 –
Les causes de l’échec des Carolingiens, 90
89
7. Renovatio imperii et expansion de la chrétienté. ................. 92
Les évêques entre rois‚ princes et seigneurs......................................... La désignation des évêques, 92 – L’évêché, un enjeu de pouvoir,
93 – Dérives et abus, 93
92
Les ottoniens et l’église impériale........................................................ La renovatio imperii de 962, 94 – L’Église impériale, 94 – L’alliance
du sacerdoce et de l’empire, 95
94
Les réformes monastiques..................................................................... L’héritage carolingien, 96 – Le rayonnement des réformateurs, 96
– Réforme et culture, 97
96
Les nouveaux états chrétiens de Scandinavie....................................... Le Danemark, 97 – La Norvège et l’Islande, 98 – La Suède, 99
97
Les nouveaux états chrétiens de l’est.................................................... Entre Rome et Constantinople, 99 – Le processus de christianisation
des nouveaux États, 100 – Un exemple singulier : la Pologne, 100
99
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Table des matières
Qui a peur de l’an mil ?........................................................................ Millénarisme et eschatologie, 101 – Signes et prophéties, 102
– Apocalypse et propagande politique, 102
101
8. Vers une institutionnalisation de l’Ecclesia........................... 105
Paix et trèves de Dieu............................................................................ Ordre et désordres, 105 – Le serment des chevaliers, 106
– L’évolution des accords de paix, 106
105
L’ordre de Cluny................................................................................... Immunité et exemption, 107 – De la congrégation à l’ordre, 107
– L’abbé Odilon, « roi de Cluny », 108
107
Les idéaux réformateurs avant 1050..................................................... Lutte contre la simonie, 109 – Répression du nicolaïsme, 109
– L’influence des réformes monastiques sur les clercs
et les laïcs, 110
De nouvelles « hérésies »...................................................................... Normes et déviances, 110 – Hérésies ou anticléricalisme ?, 111
– Conséquences, 112
109
Saints‚ reliques et pélerinages.............................................................. Les usages politiques de la sainteté, 112 – L’essor des pèlerinages, 113 –
Un nouveau pèlerinage : Saint-Jacques de Compostelle, 113
112
L’église : de l’assemblée à l’institution................................................ Les trois ordres de la société chrétienne, 114 – Clercs et laïcs, 115
– La place des femmes dans l’Église, 115
114
110
Troisième partie
Apogée de la papauté et christianisation
de la société (vers 1050-vers 1274)
9. L’affirmation de la papauté (vers 1050-vers 1190)................. 121
DE LA PRÉRÉFORME À LA RÉFORME GRÉGORIENNE................ Le programme de réforme, 121 – L’affranchissement de la papauté,
122 – Le schisme avec les Grecs, 122
121
L’exaspération de la réforme................................................................ De Grégoire VII à Calixte II, 123 – Acteurs et moyens d’action, 124
– Le rôle de Cluny, 126
123
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Église et société au Moyen Âge ve-xve siècle
Les états et la réforme de l’église........................................................ La lutte du sacerdoce et de l’Empire, 126 – La réforme
en France, 127 – Dans quelques autres États, 128
126
Des difficultés pérennes au xiie siècle.................................................... Le schisme de 1130, 128 – Frédéric Ier Barberousse et la papauté, 129 –
Le pontificat d’Alexandre III, 130
128
Naissance de la curie pontificale.......................................................... Un organe de gouvernement, 131 – Le collège des cardinaux, 131
– Les États de l’Église, 132
131
Un modèle romain en expansion........................................................... La Reconquête en Espagne, 133 – L’Église latine en Terre sainte, 133
– Les « nouvelles chrétientés », 134
133
10. Vigueur de l’institution et renouveau de la vie religieuse
au xiie siècle...................................................................................... 298
138
Restauration et organisation des séculiers........................................... Le renforcement du pouvoir des évêques, 138 – Les chanoines
des cathédrales et des collégiales, 139 – La fixation du réseau paroissial, 139
138
Idéal évangélique et renouveau monastique......................................... Essor de l’érémitisme, 140 – Les nouveaux ordres religieux, 141
– Les chanoines réguliers, 143
140
La réussite des cisterciens..................................................................... Les premiers temps de Cîteaux, 143 – Saint Bernard de Clairvaux, 144
– L’essor des cisterciens, 145
143
La « renaissance du xiie siècle »............................................................ Le renouveau des écoles, 145 – Une nouvelle figure : le maître, 146 –
Les traductions de la science gréco-arabe, 147
145
L’affirmation des laïcs.......................................................................... La paroisse ou les origines du conformisme ?, 148 – Pèlerinages,
reliques et sainteté, 148 – Une spiritualité nouvelle, 149
148
« Ordonner et exclure » (D. Iogna-Prat).............................................. Faire taire les dissidences, 150 – L’exclusion des juifs, 150
– La marginalisation des musulmans, 151
150
11. Le « beau xiiie siècle » de l’Église : réalités et limites...... 155
Apogée de la papauté............................................................................ Les papes du premier xiiie siècle, 155 – Organisation de la curie
et centralisation, 156 – La vie de la curie, 156
155
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Table des matières
Droit canon et structuration de l’encadrement..................................... Le droit canon jusqu’au début du xiiie siècle, 158 – L’œuvre conciliaire
du xiiie siècle, 159 – Le droit canonique nouveau, 159
158
De nouveaux instruments : les universités............................................ Des écoles aux premières universités, 160 – Le fonctionnement
des universités, 161 – Universités, pouvoirs et société, 162
160
De nouvelles armes : les ordres mendiants........................................... La prolifération des pauvres volontaires, 163 – Naissance des ordres
mendiants, 164 – Diffusion des ordres mendiants, 164
163
Le « tournant pastoral »........................................................................ Renforcement de l’encadrement religieux, 165 – La vie paroissiale, 166
– Assurer son salut dans le siècle, 167
165
Un essoufflement des réguliers traditionnels........................................ Ralentissement des fondations et crise du recrutement, 167
– Discipline et idéal spirituel, 168 – Un déclin intellectuel, 169
167
12. La christianisation de la société : programme, résistances
et contestations............................................................................. 172
L’église et la sexualité.......................................................................... Un discours sur le corps et la sexualité, 172 – Naissance du mariage
chrétien, 173 – Résistances et déviances, 173
172
L’église‚ la guerre et la violence.......................................................... Un langage de paix, 174 – La croisade comme guerre sainte, 175
– Définition de la guerre juste, 176
174
L’église‚ l’argent et la pauvreté........................................................... Modèles et débats sur la pauvreté, 176 – L’argent et la richesse, 177
– L’avarice et l’usure, 178
176
La floraison des hérésies....................................................................... Un élargissement du champ de l’hérésie, 178 – Les Vaudois, 179
– Les cathares, 180
178
Répression et reconquête religieuse...................................................... La naissance de l’Inquisition, 180 – Les difficultés de l’Inquisition, 181 – L’effacement des hérésies, 183
180
La normalisation du monde intellectuel................................................ Les premières crises de la culture savante au xiiie siècle, 183
– La condamnation de 1277 et sa postérité, 184
183
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Quatrième partie
Le temps des crises et des réformes
(vers 1274-vers 1517)
13. De l’apogée de la papauté à la première crise
des institutions (vers 1274-1378)............................................... Les signes d’affaiblissement.................................................................. La monarchie pontificale et ses limites, 191 – La théocratie
et ses failles, 192 – Le pontificat de Célestin V, 192
191
Boniface viii et l’exaspération de la théocratie.................................... Boniface VIII, 193 – La lutte avec Philippe IV le Bel, 194 – La bulle
Unam sanctam et l’« attentat d’Anagni », 195
193
« Rome n’est plus dans rome » : la papauté et la france.................... Les causes de l’exil, 195 – Le pontificat de Clément V, 196 –
Des relations privilégiées avec la France, 197
195
Les papes d’avignon (1316-1378)........................................................ Le pontificat de Jean XXII et l’installation en Avignon, 197
– Recrutement des papes, 198 – Un âge d’or du népotisme, 199
197
Le fonctionnement de la papauté d’avignon......................................... Centralisation administrative et personnel curial, 199 – La nomination
aux bénéfices ecclésiastiques, 200 – La fiscalité pontificale, 202
199
L’œuvre de la papauté d’avignon.......................................................... Avignon, capitale de la chrétienté, 202 – La curie, foyer culturel
international, 203 – Résistances et oppositions, 204
202
14. Schismes, conciles et essor des Églises nationales
(1378-début xvie siècle)................................................................. 300
191
208
Naissance du grand schisme................................................................. Le retour à Rome, 208 – L’élection d’Urbain VI, 209 – L’élection
de Clément VII, 209
208
La formation des obédiences................................................................. De la voie de fait…, 210 – … à la voie de cession, 211 – Les soustractions
d’obédience, 213
210
Les conciles : de pise à constance....................................................... La voie du compromis : le concile de Pise (1409), 213 – Le concile
de Constance (1414-1418), 214 – La portée du concile de Constance, 215
213
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Table des matières
Les conciles : bâle et ferrare-florence (1431-1449).......................... Les débuts du concile de Bâle, 215 – Un nouveau schisme, 216
– L’échec de l’union avec les Grecs, 217
215
Essor des églises nationales................................................................. Unité de l’Église et « genèse des États modernes », 217 – États
et Églises nationales, 218 – Le conciliarisme bâillonné, 218
217
Le redressement de la papauté et ses limites........................................ Les papes de la Renaissance, 219 – La papauté en Italie, 220
– Les problèmes financiers, 221
219
15. La réforme du clergé : succès et limites. .............................. 224
Les évêques et le gouvernement des diocèses....................................... La désignation des évêques, 224 – Les pouvoirs des évêques, 225
– La réalité du gouvernement, 225
224
Les chanoines‚ entre l’église et l’état.................................................. Chapitres de cathédrales, chapitres de collégiales, 226 – Profils
de chanoines, 227 – Les chanoines, serviteurs des États, 227
226
La pléthore du bas clergé séculier........................................................ Le recrutement clérical, 228 – Affermage des bénéfices
et mercenaires tonsurés, 229 – Le monde des chapelains, 230
228
Les limites de la réforme des réguliers................................................. Les difficultés des réguliers traditionnels, 230 – Les premières
tentatives de réforme, 231 – Des réformes éparpillées, 232
230
L’observance dans les ordres mendiants.............................................. Conflits, crises et réformes, 233 – L’observance dominicaine, 234
– Les observances franciscaines, 234
233
La mise en cause de la hiérarchie......................................................... Défaillances de l’institution, 235 – L’invasion prophétique, 236
– L’anticléricalisme, 236
235
16. Réforme et vie religieuse des laïcs. ........................................ 242
Vicissitudes et vigueur du cadre paroissial.......................................... Ruines, désolations et réalités, 242 – Le clergé paroissial, 243
– La part croissante des laïcs, 243
242
L’éducation de la foi : « faire croire ».................................................. Les cadres ordinaires, 244 – L’image, « Bible » des illettrés, 245
– Le théâtre religieux, 246
244
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Église et société au Moyen Âge ve-xve siècle
302
Les professionnels de la parole : prédication et prédicateurs.............. Le métier de prédicateur, 246 – La prédication effective, 247
– Figures de prédicateurs, 248
Les expressions de la piété des laïcs..................................................... La pratique sacramentelle, 248 – Une religion calculatrice, 249
– Une religion volontaire, 250
Expériences religieuses et sanctification.............................................. Une religion au féminin, 251 – Les courants mystiques et la Devotio
moderna, 253 – La sainteté, 253
Nouvelles hérésies et mouvements hétérodoxes.................................... Les controverses intellectuelles, 254 – Les hérésies : Wyclif et Hus, 255
– La sorcellerie, 255
246
Conclusion.............................................................................................. 261
Liste chronologique des papes depuis constantin .................... 263
Les livres de la bible et leurs abréviations usuelles............... 267
Glossaire................................................................................................. 269
Bibliographie. ........................................................................................ 279
Table des documents........................................................................... 291
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251
254
I ntroduction
Durant les onze siècles qui correspondent à la période médiévale, l’histoire de l’Église est
indissociable de celle de la société. Au sens étymologique, le terme « Église » désigne en
effet l’assemblée des chrétiens, et toutes les sociétés occidentales du Moyen Âge se définissent comme chrétiennes. Écrire l’histoire de l’Église au Moyen Âge consiste à décrire la
manière dont les sociétés occidentales se sont construites et développées dans la perspective d’une chrétienté ­universelle. Il s’agit aussi de s’interroger sur ce que signifie concrètement l­’appartenance à cette chrétienté pour les hommes et les femmes de ce temps.
L’ampleur du champ chronologique considéré interdit toute prétention à ­l’exhaustivité.
Notre histoire de l’Église médiévale commence à la fin du ive siècle, au moment où le
christianisme devient la religion officielle de l’Empire romain, et se termine à l’aube du
xvie siècle, lorsque Luther publie ses 95 thèses contre les indulgences (1517), inaugurant
ainsi la Réforme protestante. Durant toute cette période, le christianisme règne en maître
incontesté sur l’ensemble des sociétés occidentales.
Nous avons choisi de limiter notre propos à l’Occident médiéval : c’est donc délibérément que nous n’abordons pas ici l’histoire de l’Église en Orient. Les deux premières
parties (ch. 1 à 8) ont été rédigées par Anne-Marie Helvétius, les deux dernières (ch. 9
à 16) par Jean-Michel Matz. La césure du milieu du xie siècle s’est imposée comme une
évidence : les débuts de la réforme grégorienne marquent alors le commencement d’une
nouvelle ère pour l’histoire de l’Église en Occident. Cette réforme correspond à un changement radical dans le statut même de l’Église et dans son rapport avec le pouvoir politique.
Depuis Constantin, la théocratie chrétienne traditionnelle repose sur l’idée que l’Église et
l’État sont inséparables et doivent être gouvernés par un seul chef, l’empereur, représentant du Christ sur terre ; à défaut d’empereur, le roi exerce ces ­fonctions dans son royaume.
À partir du milieu du xie siècle, en revanche, l’É­glise ­d’Occident se dote d’un nouveau chef
suprême en la personne du pape de Rome et ­revendique sa « ­liberté », voire même sa suprématie sur les États chrétiens. L’Église devient alors une véritable institution, autonome
et hiérarchisée, peuplée de clercs n­ ettement distingués du monde des laïcs.
Malgré la nécessaire brièveté et les lacunes inévitables que commande toute synthèse,
l’histoire de l’Église médiévale que nous proposons ici permet, à notre sens, d’éclairer bien
des aspects de la société actuelle.
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3
P remière
E ssor
partie
et diversité
du christianisme
en O ccident
( vers 400 - vers 750 )
1
H éritages
de l ’A ntiquité tardive
Un Dieu universel pour un Empire universel : au cours du ive siècle, les empereurs Constantin puis Théodose favorisent le culte des chrétiens au point d’en faire la religion officielle et
la seule admise. Ce passage du polythéisme au monothéisme est une étape fondamentale. On
assiste alors à l’organisation progressive de cet Empire devenu chrétien, doté d’une institution ecclésiastique hiérarchisée dont la tête est l’empereur. Dans chaque cité, des évêques
sont officiellement chargés de répandre la nouvelle religion et d’en assurer le culte public
avec l’aide d’un clergé. Parmi les nouveaux ­convertis, les plus enthousiastes ne se contentent
pas de recevoir le baptême : dans l’espoir de mener sur terre une vie chrétienne parfaite sur
les pas du Christ, ils renoncent à tout pour se livrer à l’ascèse dans des monastères. La nouvelle religion est ainsi à l’origine d’une nouvelle culture, appelée à s’imposer dans le cadre
de cet Empire ­progressivement transformé, tout imprégné des conceptions chrétiennes de
l’espace et du temps. Et le succès du christianisme est tel qu’il franchit même les frontières…
THÉOCRATIE ET ORGANISATION
DE L’EMPIRE CHRÉTIEN
L’empereur, chef de l’Église
Dans l’Empire romain classique, la religion est indissociable de la politique. ­L’empereur,
sacer (sacré) et divus (divin), porte le titre de pontifex maximus (grand pontife). Dans le
cadre d’un polythéisme tolérant et ouvert aux nouveaux dieux, l’unité est assurée par le
culte de Rome et d’Auguste, obligatoire pour tous. Si de nombreux chrétiens sont alors
martyrisés, c’est précisément parce qu’ils refusent de se plier à ce rite officiel : les mesures
antichrétiennes, renforcées au cours du iiie siècle, connaissent leur apogée sous le règne de
­Dioclétien ­(284-305). À cette époque pourtant, les empereurs et leurs soldats délaissent
les dieux romains pour se tourner vers des dieux orientaux tels Sérapis, Mithra, Attis et
­Cybèle ou encore Isis et Osiris, qui préparent la voie au monothéisme. À partir d’Aurélien ­(270-275), le culte du Soleil invaincu (Sol invictus) devient ­primordial. Protecteur
de l’Empire et de l’empereur, le dieu solaire est considéré comme le premier dans la hiérarchie et la source du pouvoir impérial. C’est sous le signe de ce dieu-là que Constantin
le Grand commence son règne.
Le nom de Constantin (307-337) est passé dans l’Histoire comme le modèle, par excellence, du souverain chrétien. Avant même de se convertir au christianisme, il entame
à partir de 313 une politique favorable aux chrétiens, mettant ainsi un terme ultime aux
persécutions. Il est également l’auteur de la première législation relative aux Églises
chrétiennes. Enfin, il convoque en 325 le premier grand concile d’Empire, celui de Nicée, destiné à mettre fin aux débats théologiques qui déchirent les chrétiens entre eux.
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Essor et diversité du christianisme en Occident (vers 400-vers 750)
Ce concile établit le Credo de Nicée, encore en usage de nos jours, qui est la profession
de foi des chrétiens, l’énoncé des croyances auxquelles ils doivent adhérer. Constantin
assume ainsi pleinement son rôle de chef de l’Église. L’étape suivante est franchie par
l’empereur Théodose (379-395), qui développe la législation en vigueur et impose le
christianisme comme religion officielle de l’Empire : désormais, tout autre culte est
interdit.
Le nouveau régime politique de l’Empire chrétien est une stricte théocratie :
comme tout pouvoir vient de Dieu, chaque détenteur d’un pouvoir sur la terre a des
comptes à rendre à Dieu. Or ce Dieu des chrétiens est unique et universel, tout comme
l’Empire chrétien : même si ce Dieu est défini comme une trinité par le concile de
Nicée – le Père, le Fils et le Saint-Esprit –, ces trois personnes divines ne constituent
qu’un seul et même Dieu, symbolisé par le Christ triomphant, Roi des rois. Au sommet
de la pyramide des pouvoirs terrestres trône l’empereur, unique représentant du Christ
sur terre. En tant que chef de l’État, il est aussi le chef unique de l’Église, puisque
l’Église est intégrée dans l’État. Comme l’affirme Optatus Milevitanus, un évêque
africain du milieu du ive siècle :
L’État (respublica) n’est pas dans l’Église (ecclesia), mais l’Église est dans l’État,
c’est-à-dire dans l’Empire romain, puisque nul n’est au-dessus de l’empereur, sinon
Dieu seul.
Dans cette perspective théocratique, le choix du monothéisme comme religion officielle
et exclusive de l’Empire s’explique par la volonté de renforcer le pouvoir de l’empereur et la
cohésion de ses sujets. Cette conception perdure bien après la prétendue « disparition de l’Empire romain d’Occident » de 476 : aux yeux de tous, l’empereur de Constantinople continue
d’incarner la romanité.
L’organisation ecclésiastique
En tant qu’institution, l’Église se définit comme l’héritière de la première ­assemblée
de chrétiens (du grec ekklesia), formée par les apôtres à Jérusalem après la mort de
Jésus. Mais la hiérarchie du clergé ne s’est vraiment établie qu’à partir du ive siècle :
chaque communauté locale est alors dirigée par un conseil de prêtres (presbyteroi,
« les anciens »), assistés par des diacres (diakonoi, « les serviteurs »). Ces prêtres et
ces diacres constituent le clergé, chargé d’organiser le culte et la vie chrétienne du
« peuple », c’est-à-dire des fidèles, qualifiés de laïcs par opposition aux clercs. Ensemble, le clergé et le peuple élisent, parmi les prêtres, celui qui leur semble le plus
compétent pour diriger la communauté : l’évêque (episkopos, « celui qui supervise »).
Cette élection épiscopale « par le clergé et par le peuple » (en latin, a clero et populo)
est ensuite confirmée par un rite de consécration effectué par d’autres évêques (au
moins deux). Ce rite confère au nouvel évêque l’autorité apostolique, ­c’est-à-dire le
droit d’exprimer la « parole de Dieu » au même titre que les apôtres, qui ont reçu
l’enseignement du Christ. Ainsi, chaque évêque se considère comme un successeur
des apôtres, selon l’idée d’une tradition apostolique transmise oralement à chaque
détenteur de cette fonction à partir des douze apôtres à ­Jérusalem. Mais si chaque
évêque est doté d’une autorité sur la communauté locale qui l’a élu, le gouvernement
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Héritages de l’Antiquité tardive
de l’Église dans son ensemble repose sur la collégialité : les décisions importantes
doivent être prises en accord avec tous les évêques, réunis en une assemblée que l’on
appelle « concile » et qui symbolise l’unanimité des douze apôtres.
L’organisation de l’Église s’est développée au fil des siècles. Aux prêtres et aux
diacres se sont ajoutées une série de fonctions subalternes, les « ordres mineurs » (portier, lecteur, acolyte, etc.), dont les détenteurs sont aussi des clercs. Au sommet de la
pyramide, ceux qui accèdent aux « ordres majeurs » du diaconat puis de la prêtrise
sont établis dans leur fonction par le rite de l’ordination, dispensé par l’évêque. Sur
le plan liturgique, deux positions ­s’affrontent au départ. Les uns considèrent que les
prêtres occupent le rang le plus élevé parce qu’ils ont la « plénitude du sacerdoce »,
c’est-à-dire le droit d’effectuer tous les rites majeurs du culte chrétien. Dans cette perspective, la consécration épiscopale n’apporterait rien de plus que l’ordination sacerdotale, l’évêque restant avant tout un prêtre. D’autres estiment au contraire que la charge
d’évêque se double d’une compétence liturgique supérieure à celle des prêtres, et c’est
leur position qui finira par triompher. Sur le plan disciplinaire, en revanche, les prêtres
sont, comme tous les autres clercs, soumis à l’autorité de leur évêque.
Rome, saint Pierre et son successeur
Le christianisme s’est répandu dans le monde romain en s’adaptant aux cadres ­administratifs
existants : c’est dans les cités que sont nées les premières ­communautés chrétiennes. Assez
rapidement, les évêques installés dans les très grandes cités telles que Rome, Antioche et
Alexandrie ont eu tendance à se ­considérer comme plus importants que les autres. À Rome,
capitale de l’Empire, les évêques se réclamaient fièrement de la succession de l’apôtre
Pierre, mort en martyr dans cette cité. Dès le iiie siècle, ils proposent une nouvelle interprétation d’un passage de l’Évangile de Matthieu (16, 18-19), où Jésus s’adresse à l’apôtre
Pierre en ces termes :
Et moi, je te le dis : tu es Pierre, et c’est sur cette pierre que je bâtirai mon Église, et les
portes de l’enfer ne pourront rien contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des
cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre
sera délié dans les cieux.
Jusqu’alors, cette parole du Christ servait à démontrer l’unité de l’Église, fondée
sur l’union de tous les évêques égaux entre eux. Les pouvoirs de Pierre n’étaient pas
supérieurs, mais seulement antérieurs, étendus ensuite aux autres apôtres et à leurs successeurs partout dans le monde. À l’inverse, l’évêque Étienne de Rome (254-257) est
probablement le premier à utiliser ce texte pour affirmer la primauté de Rome sur les
autres sièges épiscopaux. Cette nouvelle lecture suscite des controverses, attisées à la
fois par les partisans d’une stricte égalité entre les apôtres et par ceux qui réclament la
primauté pour d’autres sièges. Certains, par exemple, font valoir que Pierre a occupé le
siège épiscopal d’Antioche…
Au ive siècle, les conciles se prononcent en faveur d’une certaine hiérarchie des
évêques. Ainsi, les évêques des chefs-lieux de provinces (métropoles) sont appelés métropolitains et se voient dotés par l’empereur de certains privilèges. Ils sont chargés d’organiser des synodes provinciaux réunissant leurs suffragants, c’est-à-dire les évêques des cités
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Essor et diversité du christianisme en Occident (vers 400-vers 750)
de leur province. Au niveau supérieur, le concile de Chalcédoine (451) met en place cinq
patriarcats, Rome, ­Alexandrie, Antioche, Constantinople et Jérusalem, dont les pouvoirs
restent peu définis. Les évêques de ces cités prestigieuses portent le titre de patriarches et
bénéficient au moins d’une primauté honorifique ainsi que d’une juridiction d’appel en cas
de conflits impliquant des métropolitains. Mais rien ne les autorise pour autant à imposer
leur volonté aux autres évêques : le gouvernement de l’Église reste collégial et soumis à
l’autorité suprême de l’empereur, chef de l’Église. Bien qu’il se considère comme le successeur de Pierre, l’évêque de Rome est donc un évêque comme les autres, à ceci près qu’il
est le seul ­patriarche ­d’Occident et qu’il siège dans la capitale historique de l’Empire : à ce
titre, il jouit d’un honneur et d’un prestige tels que ses conseils sont ­fréquemment sollicités
et écoutés.
LES ÉVÊQUES‚ MAÎTRES DE LA CITÉ
L’épiscopat, une fonction civile
L’institution ecclésiastique s’intègre au cadre de l’administration civile romaine. Idéalement, il faut un évêque dans chaque cité. Cet episcopus, appelé aussi papa (père),
est assimilé à un magistrat chargé du culte officiel, qu’il organise dans une église,
la cathédrale. Pour ce faire, il dispose d’un budget conséquent, composé à la fois de
fonds publics et de donations privées. Les membres du clergé local l’assistent dans sa
tâche. Par délégation impériale, l’évêque exerce la justice dans les limites de ses compétences, c’est-à-dire dans toutes les causes impliquant des clercs ou des biens ecclésiastiques. Officiellement, il est qualifié de « saint et bienheureux », un titre purement
honorifique qui ne tient pas compte de ses mérites personnels.
Au cours du ve siècle, alors que le nombre de chrétiens ne cesse de croître, la fonction épiscopale s’alourdit. Les communautés ont intérêt à choisir des candidats bien formés, dotés de solides qualités de gestionnaires : de plus en plus, on élit à ce poste des
membres de l’aristocratie, rompus aux affaires publiques, qui se retrouvent bientôt à la
tête de toute l’administration municipale. Il arrive parfois que des personnages ambitieux
se disputent ces sièges épiscopaux afin d’y gagner fortune et prestige : tous ne sont pas
aussi saints qu’un Martin de Tours ou qu’un Germain d’Auxerre ! Outre l’organisation
du culte, les évêques sont aussi chargés de l’assistance aux pauvres, de l’enseignement,
de l’entretien des routes et des édifices publics, de l’approvisionnement de la cité, de la
perception des ­impôts, de la police et du maintien de l’ordre… Durant tout le haut Moyen
Âge, les évêques seront ainsi des personnages de haut rang, dotés d’un pouvoir politique
et a­ dministratif considérable.
L’exercice de la cura animarum
Sur le plan spirituel, l’évêque et son clergé ont « charge d’âmes », c’est-à-dire qu’ils
doivent veiller au soin des âmes (cura animarum) des fidèles de la cité. En d’autres
termes, l’évêque est un guide spirituel qui doit mener les âmes des chrétiens vers le
salut, tel un bon pasteur veillant sur son troupeau. Il doit leur enseigner les vertus
chrétiennes et les accompagner dans leur vie quotidienne, afin qu’ils demeurent dans
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Héritages de l’Antiquité tardive
le droit chemin et ne sombrent pas dans le péché. De nombreux textes insistent sur
la lourde responsabilité qui pèse sur les épaules de l’évêque : au jour du Jugement
dernier, il devra rendre des comptes à Dieu pour toutes les âmes qui lui auront été
confiées.
À l’origine, les fidèles devaient s’adresser directement à l’évêque pour ­recevoir
le baptême, assister à la messe dominicale et y recevoir l’eucharistie, avant que
ces tâches ne soient progressivement déléguées aux prêtres. En cas de faute grave,
l’évêque a le droit d’excommunier un fidèle, c’est-à-dire de l’exclure de la communauté des chrétiens, mais aussi de le réconcilier après une pénitence publique. Il est
également responsable du culte des saints – qui sont alors surtout les anciens martyrs
ou évêques locaux –, dont il assure la promotion dans sa cité : comme il n’existe pas
encore de canonisation au sens moderne du terme, chaque évêque peut, à sa guise,
accueillir solennellement de nouvelles reliques, instituer une nouvelle fête ou décider
de supprimer un culte douteux. Mais l’essentiel de la cura animarum consiste dans
la prédication : pour maintenir ses ouailles sur le droit chemin, l’évêque doit prêcher
sans cesse, par la parole et par l’exemple. Ses sermons (ou homélies) doivent être
pédagogiques et percutants ; son mode de vie doit être exemplaire afin que ses paroles
ne soient pas démenties par ses actes. C’est la raison pour laquelle l’évêque s’engage
à une stricte chasteté : s’il est marié au moment de son élection, il doit renoncer aux
relations charnelles avec son épouse et la considérer désormais « comme sa sœur ».
Une telle abstinence n’est pas encore imposée aux prêtres, même si certains la leur
recommandent vivement. La plupart des membres du clergé sont donc mariés.
Les privilèges du clergé
Dès le règne de Constantin, les membres du clergé se voient octroyer des ­privilèges qui les
distinguent nettement des laïcs. Celui qui décide de se mettre au service de l’Église jouit
d’avantages comparables à ceux que recevaient jadis les prêtres païens : exempté d’impôts
et de toute charge civile – ce qui inclura plus tard le service militaire –, il doit bénéficier
de revenus publics suffisants pour lui permettre d’exercer sa fonction. S’il peut conserver
ses propres possessions, il ne peut en revanche exercer aucune autre activité ni entrer au
service d’un maître laïc. Il a aussi le droit d’être jugé par ses pairs, c’est-à-dire par la cour
de son évêque.
Ces mesures ont pour conséquence d’instituer le clergé en un ordo, un ordre de plus
en plus défini au sein de la société. Par référence aux apôtres, cet ordre est réservé aux
hommes : même le diaconat, au départ accessible aux femmes (diaconesses), devient exclusivement masculin. En théorie, l’évêque surveille les clercs de sa juridiction, qui sont
inscrits sur des listes tenues à jour, et aucun nouveau clerc ne peut s’installer dans sa cité
sans son autorisation. Il peut les affecter à des tâches particulières ou les placer au service d’un lieu de culte de son choix. Dans la réalité toutefois, le contrôle épiscopal n’est
que rarement appliqué à la lettre. Durant tout le haut Moyen Âge, les conciles successifs
s’efforcent en vain d’imposer une stricte discipline au clergé. En particulier, de nombreux
prêtres revendiquent leur autonomie par rapport aux évêques, au nom de la « plénitude du
sacerdoce » dont ils ­s’estiment d­ étenteurs.
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Essor et diversité du christianisme en Occident (vers 400-vers 750)
Patriarcats dans l’Empire romain
L’IDÉAL DE PERFECTION MONASTIQUE
L’ascèse, seconde initiation chrétienne
De nombreux courants de pensée et religions antiques proposaient à leur adeptes plusieurs stades d’initiation. Si le premier était généralement compatible avec la poursuite
d’une vie normale, intégrée aux cadres traditionnels de la société, les suivants supposaient une conversion individuelle plus radicale, c’est-à-dire un renoncement au monde
et l’adoption de pratiques ascétiques plus ou moins rudes. Les premiers chrétiens s’inscrivent dans cette logique : en tant que religion de salut, le christianisme offre d’abord
à ses adeptes l’initiation du baptême, mais les fidèles qui le souhaitent peuvent ensuite
s’engager, par une seconde conversion, sur une voie de perfection plus contraignante,
susceptible de leur valoir une récompense spéciale dans l’au-delà. Un tel mode de vie,
accessible aux clercs comme aux laïcs, aux hommes comme aux femmes et à n’importe
quel âge, se justifie par un célèbre passage de l’Évangile de Matthieu (19, 21), où Jésus
s’adresse ainsi au jeune homme riche :
Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras
un trésor dans le ciel, et viens, suis-moi.
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Héritages de l’Antiquité tardive
Le renoncement au « siècle » suppose de quitter sa famille et de liquider ses biens,
bref de se dégager de toute entrave terrestre pour suivre le Christ et imiter son mode de
vie. L’ascèse, qui peut prendre des formes variables (jeûnes, veilles, prières, abstinence
sexuelle, mortifications…), tend généralement à une purification du corps et de l’âme
susceptible d’amener le « parfait » à vivre sans péché afin de se rapprocher de Dieu.
Attesté dès le iie siècle, le terme grec monakhos (« moine », de monos, unique) exprime
l’idée d’une union de l’âme avec Dieu.
Quête du désert et cénobitisme
Lorsque le christianisme est proclamé religion de l’Empire, tous les habitants sont appelés à devenir chrétiens par le baptême et les clercs se retrouvent serviteurs de l’État.
Cette nouvelle situation engendre, chez certains, une réaction de refus qui les amène à
opter, de plus en plus nombreux, pour le retrait du monde (anachorèse). Tandis que les
uns se lancent sur les routes pour se laisser guider par Dieu dans une perpétuelle errance
(peregrinatio), d’autres se retirent dans les déserts les plus reculés. C’est ainsi que le
désert d’Égypte se peuple, au cours du ive siècle, de moines et de moniales qui choisissent d’y vivre en ermites solitaires (du grec eremos, désert), à l’exemple d’Antoine (†
356) dont la Vie, écrite dès 357-358 par l’évêque Athanase d’Alexandrie, fut l’un des
best-sellers du Moyen Âge.
Toutefois, l’expérience de la vie au désert est une forme d’ascèse particulièrement
extrême, que seuls les plus résistants peuvent supporter. Bien vite, des Pères de l’Église
tels Pacôme († 346) ou Jérôme († vers 420) encouragent vivement les ascètes néophytes
à se regrouper en communautés placées sous la direction spirituelle d’un maître. C’est
dans ce contexte que l’on voit alors fleurir, au désert comme à la ville, de nombreux
monastères ou « cénobes » (du grec koinos bios, « vie commune »), dont les plus importants comptent parfois plusieurs centaines de moines ou de moniales. Ce mode de
vie en communauté, qualifié de cénobitique, représente une forme plus raisonnable de
vie ascétique et connaît à partir du ive siècle un succès extraordinaire, qui se prolongera
durant tout le Moyen Âge.
Diversité des modes de vie
Par nature, la vie en communauté suppose un minimum d’organisation. ­Cependant, il
n’est pas encore question d’imposer aux moines de suivre une règle précise : chaque
communauté est libre d’opter pour le mode de vie qui lui convient en fonction de l’objectif qu’elle s’est fixé. À l’évidence, un groupe d’ascètes dans un désert égyptien, par
exemple, n’a pas les mêmes besoins qu’une communauté de femmes vierges dans une
cité d’Occident. Le supérieur est considéré comme le maître spirituel ou le père (en
araméen, abba), l’exemple vivant de ses disciples, à qui il enseigne la voie de perfection
qu’il juge la plus adéquate. À sa mort, son successeur est libre de la remettre en cause et
d’en proposer une autre.
Les moines et les moniales des premiers siècles sont donc des chrétiens qui s’engagent volontairement sur les pas de leur modèle, le Christ, tout en restant libres d’interpréter à leur manière l’idée de perfection : seuls ou collectivement, ils espèrent trouver
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Essor et diversité du christianisme en Occident (vers 400-vers 750)
le chemin qui leur permettra d’accéder à Dieu. La plupart d’entre eux sont des lettrés,
des intellectuels qui se lancent, par idéalisme, dans une quête spirituelle de longue haleine. On comprend dès lors l’inquiétude manifestée par l’institution ecclésiastique à
leur égard : ces chrétiens élitistes, parfois exaltés, qui se croyaient plus parfaits que les
autres, ne risquaient-ils pas de troubler l’ordre public ? De fait, nombre d’entre eux estimaient n’avoir de compte à rendre ni aux évêques ni à l’empereur, mais à Dieu seul.
Se jugeant capables d’interpréter mieux que les autres les textes sacrés, ils pensaient
pouvoir se passer de la médiation des clercs ; bref, bien que laïcs, ils se croyaient plus
« saints » que les évêques. Dès lors, les autorités ecclésiastiques consacrent beaucoup
d’énergie à tenter d’imposer leur contrôle au monde mouvant des moines et des moniales par le biais de règles et d’interdits de tout genre. Mais les tensions entre ces
deux catégories de serviteurs de Dieu, les « séculiers » qui vivent dans le siècle et
les « réguliers » qui vivent hors du monde sous une règle monastique, resteront vives
durant tout le haut Moyen Âge.
LA CULTURE SAVANTE
L’héritage antique et la Bible
Lorsque l’Empire romain est devenu chrétien, toute l’élite urbaine était imprégnée de la
culture gréco-latine. La raison grecque et la rhétorique latine formaient le cadre intellectuel dans lequel s’épanouissait alors la spéculation philosophique sous toutes ses formes.
Dans ce contexte, l’introduction de la Bible constitue une véritable révolution. D’une part,
les nombreux textes qui la composent sont ­imprégnés d’un univers culturel radicalement
différent puisqu’ils émanent de la tradition judaïque, étrange et obscure aux yeux d’un
Romain. D’autre part, ils sont considérés comme sacrés, inspirés par Dieu lui-même et
transmettant la ­parole divine ; or les lettrés romains qui les lisent en traduction latine ne
­manquent pas d’être choqués par la « vulgarité » de ce langage, si éloigné des ­habitudes
­littéraires de l’Antiquité classique. Confrontés à ce malaise, les penseurs ­chrétiens s’efforcent de concilier les deux traditions, donnant ainsi naissance à une ­nouvelle culture,
spécifiquement chrétienne.
Si l’on admet que ces textes sont inspirés par Dieu, rien ne peut avoir été écrit par hasard : tout doit avoir un sens, voire plusieurs, que le commentateur éclairé doit s’efforcer
de décrypter. Dans ce monde romain élitiste et hiérarchisé, même si la parole de Dieu est
destinée à tous les habitants de l’Empire, son ­interprétation ne peut être la même selon
qu’elle s’adresse aux lettrés ou aux illettrés, aux clercs ou aux laïcs, aux moines ou aux
simples baptisés. Voici ce qu’explique saint ­Jérôme dans une lettre à Paulin de Nole, à
propos des Écritures saintes :
Elles se présentent de telle sorte qu’elles puissent assez aisément instruire un auditoire
populaire, mais de façon que, dans une seule et même phrase, le savant et l’ignorant
découvrent des sens différents.
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Héritages de l’Antiquité tardive
L’exégèse biblique
Si la tradition judaïque insistait sur le sens historique, littéral, des écrits sacrés, saint
Paul lui-même exhorte les chrétiens à rechercher plutôt le sens spirituel,­ ­celui de la
vérité cachée sous la lettre, « car la lettre tue, l’Esprit vivifie » (IIe épître aux Corinthiens, 3, 6). La méthode de l’interprétation allégorique, issue de la philosophie
grecque, connaît un grand succès parmi les premiers penseurs chrétiens, tous formés à l’école antique, car elle permet de déceler, derrière des passages apparemment
anodins, des vérités générales faisant l’effet de révélations. Mais dans un contexte
néoplatonicien prônant l’ascension de l’âme vers les réalités invisibles, la quête d’un
sens allégorique peut aussi amener à travestir la « parole divine » au point de la
rendre méconnaissable… Bien vite, les Pères de l’Église, craignant les débordements,
établissent des normes visant à réglementer la science de l’interprétation biblique,
appelée exégèse. Pour éviter de tomber dans les excès du « trop littéral » ou du « trop
allégorique », il fallait trouver une voie médiane, la via media susceptible de rétablir
l’équilibre.
Malgré leurs efforts, les premiers siècles du christianisme sont marqués par l’extrême
diversité des interprétations données aux textes bibliques. Et ce pluralisme est admis
tant qu’il apparaît comme « légitime », c’est-à-dire qu’il ne donne pas naissance à des
croyances jugées inacceptables par les autorités. L’institution ecclésiastique établit ainsi
une « règle de vérité » (regula veritatis), selon laquelle l’interprétation d’un passage doit
toujours être en harmonie avec l’ensemble de la Bible. Comme le souligne Origène, ceux
qui pensent que le Nouveau ­Testament contredit l’Ancien ou que les Évangiles ne tiennent
pas le même discours que les apôtres se trompent, car ils méconnaissent « l’art musical
de Dieu » et ne voient pas l’harmonie de l’ensemble. Mais la Bible se compose de textes
d’une ­complexité et d’une obscurité telles que leur exégèse donne lieu à des ­controverses
depuis deux mille ans !
Les querelles théologiques
Contrairement aux juifs, les premiers chrétiens pratiquent le prosélytisme : ils cherchent à convertir aussi bien les juifs que les païens à leur nouvelle religion, car ils
estiment que le message dispensé par Jésus-Christ a une portée ­universelle. Toutefois,
la rencontre des traditions intellectuelles sémitiques et helléniques, radicalement différentes, génère d’emblée de sérieux conflits liés aux problèmes d’exégèse. Pour unifier
les croyances dans l’ensemble de ­l’Empire, l’empereur ne peut que réunir l’ensemble
des évêques en concile et les amener à se mettre d’accord entre eux. Ainsi se fixe peu
à peu l’orthodoxie : sur chaque sujet de controverse, la recherche d’une via media susceptible de convenir à une large majorité donne lieu à la promulgation d’une position
considérée comme orthodoxe par opposition à toute autre interprétation, condamnée
alors comme hérétique.
Durant les premiers siècles du christianisme, les controverses sont ­fréquentes car
la réflexion se développe différemment dans les diverses écoles de pensée. Ainsi, les
deux plus grands centres intellectuels de ­l’Empire, ­Antioche et Alexandrie, sont souvent à l’origine des grands débats ­théologiques parce que les lettrés d’Antioche, plus
sensibles aux influences sémitiques, pratiquent une exégèse plus conciliante à l’égard
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Essor et diversité du christianisme en Occident (vers 400-vers 750)
du sens ­littéral que ceux d’Alexandrie, plus hellénisés, donc plus rompus à la méthode
­allégorique. Lorsqu’il s’agit de définir le rôle exact du Père, du Fils et du ­Saint-Esprit
dans la Trinité ou de mesurer la part de l’humain et du divin dans la personne de Jésus-Christ, à la fois homme et Dieu, ces querelles prennent une importance capitale
car c’est la nature même des liens entre les hommes et Dieu qui est en jeu. Si l’on veut
convertir en profondeur l’ensemble de l’Empire, il est indispensable que les mêmes
croyances, les mêmes rites, les mêmes valeurs et les mêmes vertus soient partagées
par tous. Dans le cas contraire, l’unité de­­l’Empire et le ­pouvoir de l’empereur seraient
menacés. La résolution des querelles théologiques et la lutte contre les croyances jugées hérétiques ­représentent donc un enjeu ­politique majeur.
ESPACE ET TEMPS CHRÉTIENS
Christianisme et eschatologie
Au-delà des discussions savantes auxquelles ne prennent part que les lettrés, les chrétiens ordinaires, majoritairement illettrés, sont appelés à se préoccuper de leur salut.
Comme l’histoire humaine a connu un début, relaté par la Genèse, elle aura une fin, la
parousie, dont le moment et les modalités précises restent mystérieuses et font l’objet
de préoccupations dites eschatologiques. En attendant la fin des temps, où le Christ
reviendra juger les vivants et les morts lors du ­Jugement dernier, l’Église dispose d’un
certain délai pour convertir les peuples, afin d’assurer le salut au plus grand nombre
possible d’hommes et de femmes. Les mille ans annoncés par l’Apocalypse doiventils être entendus au sens littéral ou allégorique ? Qui seront exactement les élus, qui
régneront avec le Christ dans la Jérusalem céleste ? Et que deviennent les défunts en
attendant ? Les rares indications fournies par les Écritures sont obscures et offrent
matière à spéculation.
Dans le monde antique, depuis Platon, domine l’idée que la mort ne concerne que
le corps, matériel et corruptible, au contraire de l’esprit, immortel. La croyance en une
survie de l’âme des défunts est donc communément admise. Or, la Bible reste évasive
sur ce point, mais promet en revanche aux justes la résurrection de la chair après le Jugement dernier. Aux yeux d’un chrétien de l’Empire, cette promesse de retrouver son
corps après un temps indéfini ne présente qu’un intérêt limité : n’est-il pas plus important
de savoir que l’âme ira au paradis tout de suite après la mort ? De fait, cette croyance
dans l’accès immédiat de l’âme à la béatitude explique le culte rendu aux martyrs chrétiens. Mais ils ne sont pas les seuls à jouir de cette béatitude : les ascètes cheminant sur
une voie de perfection sont sujets à des visions qui leur annoncent leur trépas et leur
montrent leur âme accueillie par les anges. Les simples baptisés se contentent de prier
pour l’âme de leurs chers disparus et demandent pour eux l’intercession de l’archange
Michel, des saints apôtres ou des martyrs. Plus que la crainte du Jugement dernier, c’est
l’espoir d’une survie immédiate de l’âme au paradis qui anime la foi des chrétiens des
premiers siècles.
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Héritages de l’Antiquité tardive
Les lieux de culte
Le règne de Constantin met fin à une période de persécutions au cours de ­laquelle de nombreuses églises chrétiennes avaient été pillées et détruites. ­L’empereur décide alors d’offrir
aux chrétiens des édifices impériaux somptueux dans de nombreuses cités. À Rome, il leur
donne pour cathédrale la basilica ­Constantiniana (Saint-Jean-de-Latran) et fait édifier plusieurs basiliques hors les murs, dont deux destinées à honorer la mémoire des apôtres martyrs
à l’endroit de leur ­sépulture, Pierre au Vatican et Paul sur la route d’Ostie. À Jérusalem, à
l’emplacement du tombeau du Christ, il fait construire une magnifique basilique à rotonde,
le Saint-Sépulcre. Imitant son exemple, de nombreux évêques enrichissent alors leurs cités
de nouveaux lieux de culte destinés à différents usages – liturgiques, funéraires, mémoriaux
ou baptismaux. Les premiers monastères se dotent eux aussi d’édifices cultuels affectés aux
besoins des moines et des moniales.
Comme le souligne déjà Eusèbe de Césarée († 339-340), chaque église est une maison
de Dieu sur la terre, destinée à susciter l’admiration de « ceux qui appliquent leur esprit à
la seule apparence des choses du dehors ». Mais les vrais spirituels, nourris de philosophie
néoplatonicienne, sont invités à voir dans chaque église une représentation terrestre de
réalités surnaturelles, une image de la ­Jérusalem céleste. À Tours, l’abside de la basilique
Saint-Martin était ornée d’une inscription inspirée d’un passage de la Genèse (28, 17) :
Comme ce lieu est effrayant, c’est vraiment la maison de Dieu et la porte du ciel.
Cet aspect symbolique explique la richesse et la variété de la décoration intérieure des lieux
de culte. Si certains chrétiens ont tendance à bannir la statuaire et à éviter les représentations
figurées conformément à l’un des Dix ­Commandements (Exode, 20, 4), le plus grand nombre,
imprégné de culture classique, ne voit aucun inconvénient à s’inspirer de l’art païen. Le ­clergé
prend rapidement conscience de l’intérêt que présentent les images pour ­l’enseignement des illettrés. Les lieux de culte s’ornent bien vite de bas-reliefs sculptés, de mosaïques et de peintures
murales colorées illustrant différentes scènes de l’histoire sainte, inspirées non seulement de
l’Ancien et du Nouveau Testament, mais aussi de la Vie des saints. Lorsque le poète Prudence,
vers 400, s’émerveille devant la fresque qui orne le martyrium de saint Cassien, à Imola en
Italie, le gardien du lieu lui explique :
Ce que tu vois, hôte, n’est pas une fable vaine, un conte de bonne femme ; cette peinture rapporte l’histoire qui, transmise par les livres, démontre la vraie foi de l’ancien
temps.
L’espace de l’Empire est désormais parsemé d’édifices, destinés certes à ­proclamer
la puissance du Dieu unique, vénéré par tous, mais aussi à ­commémorer une série de personnages vénérés comme saints. Pour bénéficier de leur­­intercession, certains sont prêts à
parcourir des kilomètres afin de se rendre en pèlerinage sur leurs lieux de culte.
La liturgie
La liturgie, ensemble des rites et des cérémonies organisées par le clergé en ­l’honneur de Dieu,
est d’une grande complexité dans la religion chrétienne. Elle rythme la vie de chacun, du bap© Hachette Livre – Église et société au Moyen Âge ve-xve siècle – La photocopie non autorisée est un délit.
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Essor et diversité du christianisme en Occident (vers 400-vers 750)
tême jusqu’à la mort, en proposant tout un calendrier d’évènements qui ponctuent les années,
les semaines, les jours. Les fêtes principales, liées à la vie du Christ (Noël, Épiphanie, Pâques,
Ascension, ­Pentecôte), représentent les temps forts de l’année ; mais la fête la plus importante,
Pâques, qui célèbre la passion et la résurrection du Christ, est une fête mobile, dont la date se
calcule d’après le cycle de la lune, si bien que les années chrétiennes se suivent mais ne se
ressemblent pas… et les computistes chargés de ce calcul, à l’origine, n’étaient pas toujours
d’accord entre eux. D’autres fêtes s’y ajoutent, nombreuses mais variables selon les habitudes
propres à chaque cité. En général, elles ­commémorent le jour de la mort des saints, assimilés à
une nouvelle naissance (dies natalis).
Le premier jour de la semaine, le dimanche, est appelé « jour du Seigneur » parce qu’il
s’agit du jour de la résurrection du Christ. Depuis Constantin, les fidèles sont invités à cesser le
travail ce jour-là. Ils participent à l’oraison dominicale, appelée plus tard « messe », au cours
de laquelle ils écoutent la « Parole de Dieu » et célèbrent l’eucharistie. Les mercredis et vendredis, parfois les samedis sont jours de jeûne. Mais tous les jours de la semaine sont rythmés
par les prières de l’office divin célébré par les clercs et les moines, qui chantent les heures du
jour suivant la course du soleil : la nuit, les vigiles (ou matines), suivies des laudes au point du
jour, ensuite de prime, tierce, sexte, none, puis des offices du soir, les vêpres et finalement les
complies. L’usage de sonner les cloches à ces heures s’est répandu progressivement avant de se
généraliser au viie siècle, offrant ainsi à tous un moyen simple et efficace de mesure du temps
de la journée. Durant tout le Moyen Âge et l’époque moderne, le travail des champs s’arrêtait
quand sonnaient les vêpres.
DES CHRÉTIENTÉS EN MARGE DU MONDE ROMAIN
La christianisation des « barbares »
Lorsque le christianisme devient religion officielle, la nouvelle foi se répand « par le
haut » : les premiers à se convertir, aristocrates et fonctionnaires de l’État, appartiennent
à l’élite de la société. Dans la logique de l’organisation ­romaine, le monde urbain, « civilisé », est bien plus concerné que les campagnes. ­Religion du « Livre », le christianisme
s’adresse en priorité aux lettrés capables de ­comprendre l’Écriture sainte, même si les
illettrés des villes ont accès à la « parole divine » via la prédication du clergé. Aux yeux
de cette civilisation élitiste, les peuples vivant à l’extérieur de l’Empire, qualifiés de « barbares » parce qu’ils ne parlent ni le grec ni le latin et que leur langue incompréhensible
ne produit que des sons ressemblant à bar-bar-bar, sont considérés comme des ignares.
Dans cette perspective, l’idée d’évangéliser ces populations n’est même pas envisagée : le
prosélytisme s’arrête aux frontières du limes.
Pourtant, l’universalisme chrétien suppose que l’on n’exclue personne de ­l’accès au
Christ. Parmi les « Barbares » installés dans l’Empire, il y a des soldats, des fonctionnaires, des lettrés parfaitement romanisés et donc christianisés, qui contribuent à rehausser
l’image de ces étrangers. Peu à peu, quelques penseurs chrétiens, tel Augustin d’Hippone
(† 430), émettent l’idée que l’« ère du Christ » rend caduque la vieille distinction entre
Romains et Barbares : dès lors qu’ils sont chrétiens, comme l’affirme saint Paul, « tous ne
font qu’un en ­Jésus-Christ ». L’ancienne distinction géographique et culturelle sera ainsi
remplacée par une distinction religieuse, qui sépare les hommes entre chrétiens et non
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Héritages de l’Antiquité tardive
chrétiens ; mais cette nouvelle vision du monde ne s’imposera que très progressivement.
En attendant, les contacts de plus en plus nourris entre les mondes romain et barbare favorisent les échanges de tout genre, et c’est donc par des initiatives individuelles que la
nouvelle foi s’introduit peu à peu au-delà du limes.
L’arianisme dans le monde germanique
Au cours du iiie siècle, les Goths installés le long de la frontière du Danube se sont
alliés à d’autres populations pour former une vaste fédération de tribus. Les guerres
incessantes qu’ils mènent contre l’Empire leur apportent un énorme ­butin, mais aussi
un afflux de prisonniers romains et grecs qui exercent une ­influence considérable sur la
société gothique, de plus en plus romanisée. C’est au sein de l’une de ces familles de
prisonniers, originaire de Cappadoce, que naît Ulfila (311-383), le premier évangélisateur des Goths. Sa bonne connaissance du grec, du latin et du gothique lui vaut d’être
envoyé comme ambassadeur des Goths ­auprès de Constantin. Plus tard, devenu évêque
des Goths, il passera sa vie à prêcher et à traduire la Bible en gothique, dotant ainsi les
Goths d’un alphabet propre.
À l’époque de la jeunesse d’Ulfila, les chrétiens sont très divisés sur la question de la
Trinité. Tandis que le concile de Nicée de 325 proclame le dogme d’un seul Dieu en trois
personnes, Père, Fils et Saint-Esprit, égales en dignité, un très grand nombre de chrétiens refusent cette position, préférant suivre le parti d’un prêtre d’Alexandrie, Arius,
qui, sans nier la divinité du Fils, lui accorde un rang inférieur au Père. Ce monothéisme
plus radical, appelé arianisme, a failli s’imposer comme doctrine officielle du christianisme au cours du ive siècle, car plusieurs empereurs successifs en sont partisans, mais
la position nicéenne finit par triompher : les ariens sont alors définitivement considérés
comme hérétiques. Or Ulfila est arien. C’est donc cette doctrine qui se répand parmi les
Goths d’abord, puis, sous leur influence, dans la quasi-totalité du monde germanique.
Ainsi, lorsque les peuples germaniques s’installent dans l’Empire au ve siècle, la majorité d’entre eux sont déjà chrétiens, mais sous la forme dissidente de l’arianisme. Leurs
rites sont les mêmes que ceux des nicéens, mais le sens profond de leur relation à Dieu
est différent.
La christianisation de l’Irlande
L’histoire du premier évangélisateur de l’Irlande, saint Patrick ou plutôt Patrice, est mal
connue car les sources conservées posent de nombreux problèmes d’interprétation. Y
eut-il un seul Patrice ou deux, morts respectivement en 461 et 493 ? Faut-il identifier le
premier avec un certain Palladius, envoyé en Irlande en 431 par l’évêque de Rome pour
être le premier évêque d’Irlande ? Son action a-t-elle plutôt été soutenue et financée par
des évêques bretons ? En tout cas, la célébrité de Patrice en Irlande est telle que, à partir
du viie siècle, de nombreuses fondations d’églises et de monastères lui sont attribuées, à
tort ou à raison.
La seule certitude est qu’un Breton nommé Patrice, né de parents chrétiens et nourri
de culture latine, fut enlevé dans sa jeunesse par des pirates irlandais. Après sa libération,
il décide de retourner en Irlande pour christianiser ce peuple. Sa méthode est efficace : en
payant de fortes sommes, il parvient à convaincre les princes et rois locaux de lui confier
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Essor et diversité du christianisme en Occident (vers 400-vers 750)
certains de leurs enfants, auxquels il enseigne le christianisme en même temps que le latin.
L’organisation ecclésiastique ensuite mise en place reste mal connue : comme l’Irlande
n’a jamais été romanisée, il n’y a ni cité ni diocèse à confier à des évêques. Tout est à
créer à partir des ­traditions celtiques. Et Patrice n’est pas seul : d’autres chrétiens, venus
de ­Bretagne et du continent, contribuent à l’évangélisation de l’Irlande à leur manière.
Ces ­diverses influences donnent naissance à une chrétienté originale, ­complexe, où les
­monastères jouent un rôle particulièrement important. Une culture chrétienne brillante s’y
développe librement, en dehors de tout cadre romain.
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D ocument
L’élection de l’évêque de Rome‚ Damase (366)
Au ive siècle, le siège épiscopal de Rome constitue déjà un enjeu de pouvoir : pour s’y
faire élire, certains sont prêts à tout, comme en témoigne l’historien ­Ammien Marcellin,
contemporain des faits. Aux yeux de cet auteur, qui reste neutre à l’égard du christianisme,
les évêques de Rome ne font pas preuve des mêmes qualités morales que certains évêques
de province.
Damase et Ursin, brûlant d’un monstrueux désir de s’emparer du siège de l’évêque, se
livraient la lutte la plus âpre, les sympathies étant partagées ; les partisans de l’un et de l’autre
candidat étaient allés jusqu’à des bagarres avec morts et blessés. […] Enfin Damase était sorti
vainqueur de l’affrontement grâce aux efforts du parti qui l’appuyait. Il est établi que, dans la
basilique du Sicininum, où le culte chrétien a un lieu d’assemblée, on trouva en un seul jour
les cadavres de cent trente-sept morts, et que la plèbe longtemps rendue sauvage fut difficile à
radoucir par la suite.
Et je ne conteste pas pour ma part, quand je considère l’ostentation de la vie à Rome, que
ceux à qui cette dignité fait envie doivent, pour obtenir ce qu’ils ­recherchent, jouer dans leurs
querelles de toute la force de leurs poumons ; en ­effet, une fois leur but atteint, ils auront la
certitude d’être enrichis par les ­offrandes des matrones, de paraître en public assis dans des voitures, vêtus avec recherche, et de faire préparer d’abondants festins, au point de surpasser dans
leurs banquets la table des rois. Ces gens-là pourraient être réellement heureux si, méprisant
la grandeur de la cité derrière laquelle ils dissimulent leurs vices, ils vivaient à l’imitation de
certains évêques provinciaux, que la simplicité d’une nourriture et d’une boisson très frugales,
la modestie dans l’habillement et les regards tournés vers le sol, recommandent à l’éternelle
divinité et à ses adorateurs véritables comme des hommes purs et vénérables.
Ammien Marcellin, Histoire, XXVII, 3, 11-14 ;
trad. d’après M.-A. Marié, Paris, Les Belles Lettres, 1984.
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T able
des documents
Patriarcats dans l’Empire romain.......................................................................................12
L’élection de l’évêque de Rome‚ Damase (366)...............................................................21
Les royaumes occidentaux.................................................................................................26
Un modèle de roi chrétien : lettre de l’évêque Remi au roi Clovis (481)..........................35
L’implantation monastique en Occident............................................................................47
Un abbé modèle : Cuthbert de Lindisfarne († 687)...........................................................48
L’exorcisme d’une pécheresse possédée...........................................................................61
Évêchés en Saxe.................................................................................................................67
L’Empire carolingien.........................................................................................................71
La réforme de l’Église : extraits de l’Admonitio Generalis
de Charlemagne (23 mars 789)..........................................................................................79
L’idéal épiscopal de l’unité : l’assemblée de Yutz (844)..................................................91
Élection et couronnement d’Otton Ier comme roi de Francie orientale (936)................. 104
Les hérétiques d’Orléans‚ d’après Raoul Glaber (1022)................................................ 117
L’Église en Occident vers 1120...................................................................................... 125
La Reconquista (xie-xiiie siècle)....................................................................................... 135
Les constitutions du concile de Rome (13 avril 1059)................................................... 136
La réaction des États : le cas du Saint-Empire (24 janvier 1076)................................... 137
Les dépendances de Fontevraud (xiie-xiiie siècle)........................................................... 142
La règle de l’ordre de Grandmont (fin du xiie siècle)..................................................... 153
Le succès des pèlerinages : Saint-Gilles-du-Gard.......................................................... 154
Les États pontificaux au xiiie siècle................................................................................. 157
Les universités en Occident (xiiie-xve siècle).................................................................. 162
La prédication de saint Antoine de Padoue à Rimini (vers 1230).................................. 170
Les statuts synodaux de l’évêque Nicolas Gellent (Pentecôte 1262)............................. 171
Les foyers hérétiques en Italie au xiiie siècle................................................................... 182
L’usurier de Liège au purgatoire..................................................................................... 186
Les hérétiques vaudois vus par Bernard Gui.................................................................. 186
L’origine géographique des cardinaux à l’époque d’Avignon....................................... 201
Ordre d’arrestation des Templiers (14 septembre 1307)................................................ 205
Les critiques de l’autorité pontificale au xive siècle........................................................ 206
Les obédiences pendant le Grand Schisme..................................................................... 212
Le vote de la soustraction d’obédience en France (1398)............................................... 222
Le décret Frequens du concile de Constance (1417)...................................................... 222
Les communautés de prêtres en Limousin au début du xvie siècle................................. 232
Les couvents franciscains observants dans le royaume de Hongrie............................... 237
Visite pastorale dans le diocèse de Genève (14 octobre 1443)....................................... 239
L’invasion prophétique au temps du Grand Schisme : Constance de Rabastens........... 240
Itinéraire de la prédication de Guillaume Jousseaume († v. 1457)................................. 250
Les confréries à Rouen (xiie-xvie siècle)......................................................................... 252
Testament d’une femme de la noblesse : Honneur des Vaux (1395)............................. 257
Les Lollards devant la justice (1429).............................................................................. 258
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