Droit des Contrats

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Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
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Année Universitaire 2015/2016
Licence 2 Sciences Juridiques
1er Semestre
Droit des Contrats
EQUIPE PEDAGOGIQUE
Chargé du Cours : Professeur Samuel Aristide BADJI
Coordonnateur :
M. Christian Ousmane DIOUF
Chargés (es) des Travaux dirigés
Mme Fatimata Kane SOW / M. Sidy Nar DIAGNE / M. Abdou Yade SARR / M. Samba DABO
/Dr. El Hadji Samba NDIAYE / Melle Sokhna Mariama Seye Fall / M. Khamad NDOUR / M.
Christian Ousmane DIOUF / Mme Ndeye Fatou Lecor DIAW / Mme Nogoye Ndour NIANG/
Mme Fatou Seck Youm GUEYE / M. Assane MBAYE
Séance n° 2
Thème : la période précontractuelle
Sous-thème : les avant-contrats
Exercice : commentaire d’article
Commentaire des articles 382 et 383 du COCC
Article 382 Code des obligations civiles et commerciales
Avant-contrat
L’acte par lequel les parties s’engagent, l’une à céder, l’autre à acquérir un droit sur l’immeuble, est
une promesse synallagmatique de contrat
Elle oblige l’une et l’autre partie à parfaire le contrat en faisant procéder à l’inscription du transfert du
droit à la conservation de la propriété foncière
Article 383 Code des obligations civiles et commerciales
Conditions de forme
Le contrat doit à peine, de nullité absolue, être passé par devant un notaire territorialement compétent
sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires.
Bibliographie :
Ouvrages et revues :
Boyer L., Les promesses synallagmatiques de vente : contribution à l’étude des avant- contrats, RTDCiv
1949, 1 et s.
Chauvin P., Quelle sanction en cas de violation d’un pacte de préférence, RIDA 8-9/ 2006
- Mazeaud D., Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, in Etudes offertes à Jacques
Ghestin, LGDJ, 2001, 637.
- Mestre J., La période précontractuelle et la formation du contrat, Les Petites Affiches, 5 mai 2000, 7.
- Mousseron P., Conduite des négociations contractuelles et responsabilité civile délictuelle, RTD com.,
1998, 243.
- Schmidt-Szalewski J.,
1- La période précontractuelle en droit français, RIDC 2-1990, pp. 545-566.
2- La sanction de la faute précontractuelle, RTD civ., 1974, 46.
Voirin P., Le pacte de préférence, JCP 1954, I, 1192.
Documents
Document n° 1
Dispositions légales :
Article 79 du Code des obligations civiles et commerciales
Contrat entre présents
Les parties doivent échanger leurs consentements sur toutes les stipulations du contrat.
Toutefois, le contrat est réputé conclu dès que les parties se sont mises d’accord sur les points
essentiels, notamment sur la nature et l’objet des prestations promises.
Article 318 du Code des obligations civiles et commerciales
Définition du droit de préemption
Quelle qu’en soit la source, le droit de préemption donne à une personne la faculté de se porter
acquéreur d’un bien de préférence à toute autre.
Ce droit peut s’exercer dans toute espèce de vente.
Article 319 du Code des obligations civiles et commerciales
Droit de préemption conventionnel
Le droit de préemption d’origine conventionnelle résulte du pacte de préférence. Ce pacte est soumis
aux règles des promesses de vente.
Article 320 du Code des obligations civiles et commerciales
Effet quant au promettant
Le promettant est tenu de faire connaître au bénéficiaire sa décision d’aliéner et les conditions du
contrat qu’il projette de passer avec un tiers.
Article 321 du Code des obligations civiles et commerciales
Diverses sortes de promesses de vente
Le contrat de vente peut être précédé d’une promesse de vente, synallagmatique ou unilatérale.
Article 322 du Code des obligations civiles et commerciales
Promesse synallagmatique
La promesse synallagmatique est celle par laquelle les deux parties sont d’accord, le vendeur pour
vendre, l’acheteur pour acheter une chose déterminée pour un prix fixé.
Article 323 du Code des obligations civiles et commerciales
Effets
La promesse synallagmatique est une vente parfaite lorsque le contrat peut être passé librement. Dans
le cas contraire, elle oblige les parties à parfaire le contrat en accomplissant les formalités nécessaires à
sa formation.
Article 324 du Code des obligations civiles et commerciales
Promesse unilatérale de vente
La promesse de vente est unilatérale lorsque le bénéficiaire de l’offre n’assume aucune obligation
d’acheter, alors que le promettant est tenu de l’obligation de vendre.
Article 325 du Code des obligations civiles et commerciales
Effets
Lorsque toutes les conditions nécessaires à la formation de la vente sont fixées dans le contrat, la
promesse de vente engage le vendeur et fait naître l’option au profit de l’acheteur.
La promesse de vente est parfaite dès l’échange des consentements et la vente est conclue au moment
où l’acquéreur lève l’option.
Article 326 du Code des obligations civiles et commerciales
Violation de la promesse de vente
Si, malgré sa promesse, le promettant a vendu la chose à un tiers, le bénéficiaire peut lui réclamer des
dommages et intérêts ; il ne peut poursuivre l’annulation du contrat contre le tiers acquéreur que s’il
établit la mauvaise foi de ce dernier au moment de l’acquisition.
Article 327 du Code des obligations civiles et commerciales
Promesse unilatérale d’achat, définition
La promesse d’achat est une convention par laquelle une personne s’engage à acheter une chose si le
vendeur consent à la vendre.
Article 328 du Code des obligations civiles et commerciales
Effets
Le promettant est lié par l’acceptation du vendeur si toutes les conditions de la vente sont fixées dans
le contrat.
La vente est conclue lorsque le vendeur fait connaître son adhésion à vendre la chose.
Article 382 Code des obligations civiles et commerciales
Avant-contrat
L’acte par lequel les parties s’engagent, l’une à céder, l’autre à acquérir un droit sur l’immeuble, est
une promesse synallagmatique de contrat
Elle oblige l’une et l’autre partie à parfaire le contrat en faisant procéder à l’inscription du transfert du
droit à la conservation de la propriété foncière
Article 383 Code des obligations civiles et commerciales
Conditions de forme
Le contrat doit à peine, de nullité absolue, être passé par devant un notaire territorialement compétent
sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires.
Document n° 2
Boubacar Diallo, « Promesse sous seing privés de vente d’immeuble immatriculé ne vaut ? »
Observation sur CS Sénégal n°79 du 16 juillet 2008, Aliou Bathily c/ Abdoul Diallo
Cour suprême (ex. Cour de cassation) du Sénégal
Arrêt n° 79 du 16 juillet 2008
Aliou Bathily c/Abdoul Diallo pj
La Cour
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la loi organique n° 92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation ;
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué, que par jugement du 28 mars 2001, le tribunal régional de
Dakar, après avoir rejeté la demande de résolution du contrat de vente conclu entre Aliou Bathily et
Abdoul Diallo et constaté que ce dernier s’est libéré du prix convenu, a ordonné la perfection du
contrat sous astreinte de
15000 F par jour de retard ;
Sur le premier moyen pris de la violation des dispositions des articles 323, 382 et 383 du Code des
Obligations Civiles et Commerciales, en ce que le juge d’appel a confirmé le perfection de la vente sur
la base uniquement d’un acte sous seing privé n’ayant pas date certaine, passé entre le défendeur au
pourvoi et El hadji Mamadou Sall qui, ne disposant pas d’une procuration notariée, n’a jamais justifié
être son mandataire, alors que, s’agissant d’un titre foncier, les transactions portant sur l’immeuble
dont la perfection de la vente était recherchée, sont régies par un formalisme rigoureux fixé par les
règles visées au moyen ;
Vu les articles 323, 382 et 383 du Code des Obligations Civiles et
Commerciales, ensemble l’article 258 du même Code ;
Attendu qu’en vertu de ces textes d’ordre public, la vente et la promesse synallagmatique de vente
d’un immeuble immatriculé, ainsi que la procuration donnée pour conclure de tels actes doivent, à
peine de nullité absolue, être passées par devant notaire ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, qui a ordonné la perfection de la vente d’un
immeuble objet du TF n° 19916/DG sur la base d’un acte sous seing privé, l’arrêt retient « que
l’appelant principal bien que représenté par un conseil, n’a versé au dossier, à part l’acte d’appel,
aucune autre pièce pour soutenir sa demande tendant à l’infirmation de la décision attaquée ; que
l’attitude de l’appelant laisse supposer qu’il n’a pas de moyens sérieux à opposer aux arguments
retenus par les premiers juges » ;
Qu’en se déterminant ainsi, alors que la vente porte sur un immeuble immatriculé, la cour d’Appel a
violé les textes susvisés ;
Par ces motifs,
Et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens : Casse et annule…
OBSERVATIONS
1. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient »1 lorsqu’elles portent sur la vente d’un
immeuble immatriculé et si elles ont été passées par acte sous seings privés. Cet enseignement
constant1 de la jurisprudence de la Cour suprême du Sénégal2 vient, à nouveau, d’être confirmé par
l’arrêt n° 79 du 16 juillet 2008. Toutefois, malgré cette constance de la jurisprudence de la Cour, cet
arrêt peut faire débat à un double point de vue, au moins. D’une part, la règle plusieurs fois répétée ne
semble pas être parfaitement entendue par les juridictions du fond. Certaines décisions continuent à
accorder, comme en l’espèce, une certaine valeur juridique à la promesse sous seings privés de vente
d’immeuble immatriculé. C’est le signe que le principe du formalisme de la promesse est loin de faire
1
Cf. CS, 2ème civ. et com., 04 juin 1993, Arrêt n° 107, EDJA n° 24, janv. - mars 1995, note A. Cissé. Plus
récemment, la Cour a encore affirmé l’exigence d’un acte authentique en approuvant la décision d’une Cour
d’appel qui avait retenu que « la promesse synallagmatique de vente d’un immeuble immatriculé doit revêtir la
forme d’un acte authentique » : CS, civ. et com., 16 janvier 2008, arrêt n° 21, Youssou Seck c/SNR, Bull n° 16,
op. cit. Dans le même sens, CS, civ. et com., 05 déc. 2007, arrêt n° 121, Amadou Lamine Kébé c/Mayoro Mbaye,
Bull n° 15, année judiciaire 2006-2007 : « … tant la promesse de vente que le contrat définitif ayant pour objet la
vente d’un immeuble immatriculé au livre foncier doivent être établis obligatoirement par un notaire ». Et, plus
récemment, CS, civ. et com. n° 63 du 18 nov. 2009, Nasrallah c/S.C.I. Padrino.
2
La loi organique n° 2008-35 du 7 août 2008 a institué, à nouveau, une Cour suprême, au Sénégal, qui a repris les
compétences de la Cour de cassation, notamment, en matière civile et commerciale. La Cour de cassation avait été
instituée, en même temps qu’un Conseil constitutionnel et un Conseil d’Etat, en remplacement de l’ancienne Cour
suprême, par la loi organique n° 92-25 du 30 mai 1992. Aussi, l’expression « Cour suprême du Sénégal » (et
l’abréviation « CS ») sera-t-elle utilisée pour désigner, indistinctement, les arrêts rendus par la Cour de cassation
sénégalaise et la Cour suprême du Sénégal qui se sont succédés, notamment, en matière civile et commerciale.
L’expression « Cour de cassation » (et l’abréviation « cass. ») désignera la Cour de cassation française, afin d’éviter
les équivoques.
l’unanimité. Il appelle certaines critiques qui, à maints égards, paraissent légitimes au regard du
fondement discutable que lui assigne la Cour suprême. D’autre part, le principe de solution consacré
apporte une précision supplémentaire quant à la portée
1
Souvent prêtée aux hommes politiques (on se demande bien pourquoi ?), cette expression aurait pour
origine la pancarte « demain on rase gratis » qui ornait, en permanence, la porte d’un barbier. On
imagine facilement l’étonnement de ceux qui se présentaient le lendemain et se voyaient réclamer
paiement au motif que « c’est demain que c’est gratuit ».
du formalisme des contrats relatifs à une transaction immobilière, au-delà de la seule promesse de
vente3. Cet arrêt suscite ainsi une discussion essentielle sur la détermination des contours du
formalisme des contrats relatifs aux immeubles immatriculés4.
A l’origine de cette affaire, un mandataire ne justifiant pas d’une procuration notariée avait signé
un acte sous seings privés portant sur la vente d’un immeuble immatriculé. La perfection de la vente a
été poursuivie par le futur acquéreur qui s’était libéré du prix convenu. Celle-ci sera ordonnée par la
Cour d’appel de Dakar dans son arrêt n° 657 du 17 décembre 2004, confirmant le jugement entrepris
par le tribunal régional hors classe de Dakar en date du 28 mars 2001. En déférant cet arrêt de la Cour
d’appel à la censure de la Haute juridiction sénégalaise, le pourvoi l’invitait à se prononcer sur la
question de savoir si la promesse synallagmatique de vente sous seings privés portant sur un immeuble
immatriculé est valable. Répondant clairement par la négative, la Cour suprême a affirmé qu’une telle
promesse, tout comme la vente sur laquelle elle porte, doivent être passées par acte notarié.
2.
3.
Cet arrêt soulève des interrogations liées à la portée du formalisme des actes relatifs aux
immeubles immatriculés ainsi qu’à la valeur juridique de tels actes lorsqu’ils sont passés sous seings
privés. La Cour suprême y a apporté des réponses tranchées en se prononçant sur la nature de la sanction
de la violation de l’exigence d’un acte notarié. Mais, de manière sousjacente, l’arrêt interpelle sur
certaines questions. D’un point de vue de pure technique juridique, une distinction nette suivant la nature
des actes intervenus entre les parties n’a pas été clairement faite au regard des dispositions visées. La
Cour n’a pas fait le départ, ni affirmé clairement l’assimilation entre la promesse visée par l’article 382
et « le contrat » auquel se réfère l’article 383. La promesse de vente -et au-delà d’elle, les avant-contratsest-elle visée sous ce vocable « contrat » ou est-ce seulement la vente définitive qui est visée ? D’un
point de vue de politique juridique, la nature des intérêts en cause dans les transactions en matière
immobilière doit être définie. De telles opérations concernent-elles la protection des parties ou de la
société, d’intérêts particuliers ou de l’intérêt général ? Dans certains systèmes juridiques, la promesse
synallagmatique de vente (ou la vente), même portant sur un immeuble, peut être passée par acte sous
seings privés sans que sa validité ne soit remise en cause par ce seul fait5. Dans ce cas, la portée de la
promesse est déterminée par les stipulations des parties. Celles-ci peuvent ainsi différer la seule prise
d’effets de la vente jusqu’à l’accomplissement de certaines formalités, auquel cas, la promesse
3
Cf. infra : n° 33. - s.
La question est d’autant plus importante dans le contexte du Sénégal. En effet, si dans le contexte français, « en
matière civile, la vente d’immeuble est presque toujours établie par acte authentique, le plus souvent notarié » (Ph.
Malaurie, L. Aynès, P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux, Paris, Defrénois, 2003, n° 156), au Sénégal, le recours
à l’écrit et, particulièrement, à l’écrit authentique est loin d’être systématique.
5
Ainsi, en droit français, la forme notariée n’est pas exigée pour la validité mais seulement pour la publicité de
l’acte de vente immobilière classique (la règle, qui vaut pour la vente finale, l’est a fortiori pour les avant-contrats
de vente). Il résulte, en revanche, des dispositions de l’article L. 261-11 du CCH que le contrat de vente
d’immeubles à construire doit, s’il porte sur un immeuble ou une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à
usage professionnel et d’habitation, être nécessairement passé par acte notarié à peine de nullité ; et une règle
analogue est prévue par l’article L. 262-4 à propos de la vente d’immeubles à rénover.
4
synallagmatique de vente vaut vente6. Mais elles peuvent également prévoir que la formation de la vente
est subordonnée à la signature d’un acte authentique dans un certain délai. Dans ce dernier cas, la
promesse ne vaut pas vente7. Elle s’analyse en un simple projet non obligatoire que certains qualifient,
de manière discutable, de vente sous condition suspensive9.
Au Sénégal, la Haute juridiction reste constante en matière d’encadrement des opérations
immobilières par le formalisme d’authenticité. Sur le fondement discutable des dispositions d’ordre
public du Code des obligations civiles et commerciales (COCC), elle consacre, en effet, l’exigence d’un
formalisme des contrats relatifs aux immeubles immatriculés (I). Faut-il y voir une manifestation du
renouveau du formalisme en matière contractuelle ? Ce formalisme des contrats relatifs aux droits réels
immobiliers irait dans le même sens que les nouvelles tendances vers un formalisme informatif
protecteur8. Celui-ci est sanctionné, le plus souvent, sévèrement9, par la jurisprudence. Ou alors, est-ce
la marque de lourdeurs mal fondées qui freinent ou ralentissent inutilement les opérations immobilières
? Quel que soit le point de vue adopté, le développement de ce formalisme de validité marque un recul
supplémentaire du consensualisme ou liberté des formes contractuelles10. La justification réside, selon
la décision d’espèce, dans l’ordre public, c’est-à-dire, des impératifs liés à la protection des parties, des
tiers et de la société, en général. Partant, la Cour a apporté une précision quant à la sanction des actes
sous seings privés portant sur un immeuble immatriculé (II).
4.
I. LE FORMALISME DES CONTRATS RELATIFS AUX
IMMEUBLES IMMATRICULÉS
5. Suivant l’arrêt de la chambre civile et commerciale, les actes juridiques litigieux devaient faire
l’objet d’un acte passé par devant notaire. Afin de préciser la base juridique de cette exigence, la Cour
se réfère à des dispositions d’ordre public comme fondement textuel du formalisme (A). Dans le
même temps, elle détermine l’expression de ce formalisme (B).
A. LE FONDEMENT TEXTUEL DU FORMALISME
6. Pour asseoir l’exigence de formalisme des contrats relatifs aux droits réels immobiliers, l’arrêt se
fonde sur les dispositions combinées des articles 258, 323, 382 et 383 du COCC.
Par exemple, si les parties prévoient que le transfert de propriété du bien immobilier ne se produira qu’au jour de
la signature de l’acte notarié, on parle de clause de réitération ou de régularisation. Cette clause est valable et
s’explique, le plus souvent, par le fait que le paiement du prix se fera le jour de la signature de l’acte authentique
entre les mains du notaire rédacteur. Dans ce cas, selon la Cour de cassation française, le contrat étant supposé
d’ores et déjà formé, le refus de l’une des parties de se prêter à la formalité requise l’expose à des sanctions dont
l’exécution forcée (le cas échéant, un jugement pourra tenir d’acte authentique de vente) : Cass. 3 e civ. 20 déc.
1994, n° 92-20878, Bull. civ. III, n° 229, p. 148 ; JCP G, 1995, p. 353, note Chr. Larroumet ; JCP N, 1996, p. 501,
note D. Mainguy.
7
Cf. La vente d’immeuble. Sécurité et transparence, 99 e Congrès des notaires de France, Deauville, 25-28 mai
2003, Paris, Ed. Exposition, 2003, p. 389. 9 Cette qualification est contestable dans la mesure où, d’une part, le
consentement ne peut faire l’objet d’une condition et, d’autre part, une telle condition serait purement potestative
et, pour cette raison, frappée de nullité.
8
G. Couturier, « Les finalités et les sanctions du formalisme », in n° spécial, J. Flour – Le formalisme, Defrénois
15-30 août 2000, n° 15-16.
9
Magnier, « Les sanctions du formalisme informatif », JCP 2004, I, 106.
10
J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 4e éd. 2003, n° 87 : « le consensualisme est estompé par
une renaissance du formalisme ».
6
L’ensemble de ces dispositions serait d’ordre public et constitue, selon la Cour, la base légale du
formalisme exigé. Toutefois, si les textes d’ordre public des articles 258, 382 et 383 du COCC peuvent
constituer le siège, le fondement, certes discutable, du formalisme des contrats relatifs aux droits réels
immobiliers (1), la référence, par la Cour, à l’article 323, consacré à la promesse de contrat
consensuel, est plus contestable et rend ce fondement inopportun (2).
1) Le fondement discutable du formalisme
La situation des textes visés en l’espèce dans le Code est primordiale pour l’intelligence de
l’arrêt. Ainsi, l’article 258 du COCC consacre le caractère d’ordre public des dispositions relatives,
notamment, aux contrats relatifs aux immeubles immatriculés11. Il fait partie des dispositions du titre
préliminaire de la deuxième partie du Code traitant des contrats spéciaux12. Toutefois, force est de
reconnaître qu’il ne suffit pas, comme le fait la Cour, de constater le caractère d’ordre public des
dispositions visées pour caractériser le fondement du formalisme de la promesse ou du mandat. Un
examen minutieux de ces textes et de leur situation dans le COCC permet d’apporter de sérieuses
réserves sur la justesse de la référence.
7.
L’article 382 est consacré à la promesse synallagmatique de vente portant sur un immeuble
immatriculé. Il dispose que « l’acte par lequel les parties s’engagent, l’une à céder, l’autre à acquérir
un droit sur l’immeuble, est une promesse synallagmatique de contrat »13. L’acte ainsi défini « oblige
l’une et l’autre partie à parfaire le contrat en faisant procéder à l’inscription du transfert du droit à la
Conservation de la propriété foncière »14. Mais pour produire des effets, la promesse synallagmatique
de contrat doit-elle respecter la condition inscrite à l’article 383 ? Celui-ci, introduit par la loi n° 85-37
du 23 juillet 1985, dispose que « le contrat doit, à peine de nullité, être passé devant un notaire
territorialement compétent sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires »15. Le champ
d’application de ce dernier texte pourrait faire débat du fait de l’usage du terme « le contrat » par le
législateur.
8.
9.
Une première lecture, privilégiée par la Cour, suggère que « le contrat » visé est entendu au sens
large englobant l’« avantcontrat » dont traite l’article 382 du COCC16. C’est ainsi que l’on peut
11
Ainsi, après avoir précisé que les dispositions de la deuxième partie du Code sont supplétives de volonté, le
législateur affirme, dans le second alinéa de l’article 258 que, « ne tolèrent pas la convention contraire, les règles
concernant les contrats portant sur les immeubles immatriculés et le fonds de commerce, les baux à usage
d’habitation ou à usage commercial, l’assurance ainsi que toute disposition particulière expressément déclarée
d’ordre public ».
12
Loi n° 66-70 du 13 juillet 1962, entrée en vigueur le 1er janvier 1967, plusieurs fois modifiée, notamment par la
loi n° 85-37 du 23 juillet 1985 et par la loi n° 98-21 du 26 mars 1998 abrogeant les dispositions modifiées et
remplacées par celles de l’OHADA. Dans le livre premier consacré aux contrats translatifs de propriété, quatre
chapitres sont dédiés successivement à la vente, aux autres contrats translatifs, aux contrats relatifs aux droits réels
portant sur les immeubles immatriculés et à la vente de fonds de commerce. Les articles 382 et 383 du COCC,
logés dans le chapitre consacré aux contrats relatifs aux droits réels immobiliers sont donc indiscutablement
d’ordre public.
13
Art. 382 al. 1.
14
Art. 382 al. 2.
15
Ce texte peut être rapproché de l’article L. 261-11 du Code français de la construction et de l’habitation qui
exige que le contrat de vente d’immeuble à construire, lorsque celui-ci doit être à usage d’habitation ou à usage
professionnel et d’habitation, soit passé par acte notarié. Le formalisme est alors distinct de celui de l’article L.
222-3 du CCH qui exige, à peine de nullité, que le contrat de promotion immobilière portant sur un immeuble à
usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation soit constaté par un écrit contenant certaines mentions.
16
Cette analyse est partagée en droit sénégalais. Cf. notamment, A. Faye, « Le transfert de propriété dans la vente
de l’immeuble en droit sénégalais », PUSS, Droit sénégalais, n° 8/2009.
expliquer que la décision de la Cour se réfère expressément à « la vente et la promesse synallagmatique
de vente d’un immeuble immatriculé ainsi que la procuration donnée pour conclure de tels actes ». Cette
conception large pourrait apparaître comme conforme à l’architecture du code qui insère l’article 383
parmi les règles générales applicables « aux contrats relatifs aux droits réels portant sur les immeubles
immatriculés ». Alors, la référence « aux contrats » justifierait de ne pas cantonner la règle de l’article
383 à la seule vente définitive. Sous cet angle, la position de la Cour respecte la nature juridique de la
promesse synallagmatique ainsi que du mandat. La promesse synallagmatique de vente s’analyse, en
effet, comme un contrat par lequel les parties s’obligent mutuellement, l’une à vendre, l’autre à acheter
un bien déterminé à un prix fixé. De même, le mandat, qu’il soit bénévole ou salarié, nécessite un accord
de volontés entre le mandant et le mandataire. Il fait naître au moins une obligation, à la charge du
mandataire, de réaliser des actes déterminés, à titre indépendant, pour le compte du mandant.
Mais cette position de la Cour respecte-t-elle l’esprit des dispositions visées ? On peut en douter
avec raison. En effet, une deuxième lecture de ces textes incline à limiter l’exigence d’un acte notarié
au seul contrat final de vente d’immeuble. Vraisemblablement, le terme « le contrat », inscrit à l’article
383 du COCC, vise le contrat de vente définitive. Or, la promesse de contrat, en matière de vente
d’immeuble, se distingue du contrat définitif. Si, en vertu de l’article 323 du COCC, la promesse
synallagmatique de vente vaut vente, c’est à la condition expresse que le contrat puisse être passé
librement. Il en est autrement en matière immobilière où l’article 383 prescrit un formalisme obligatoire.
La réglementation y est donc dérogatoire par rapport au consensualisme de la vente en droit civil
sénégalais. La promesse synallagmatique de vente, dont le législateur a pris soin de définir le régime
juridique (définition et effets) dans l’article 382 présente une autonomie certaine par rapport à un contrat
définitif qui, indubitablement, est formaliste. On peut donc raisonnablement considérer que si l’article
383 a consacré un formalisme à un « contrat », il s’agit bien du contrat de vente définitive. Le principe
d’une interprétation stricte des exceptions milite en ce sens. Le législateur l’aurait certainement précisé
sans équivoque dans l’article 382 qui est consacré à cet avant-contrat s’il avait entendu exiger le même
formalisme pour la promesse. Celle-ci devrait donc être valable lorsqu’elle est passée sous seings privés.
Toutefois, ce n’est pas la position adoptée par la Cour suprême qui a écarté cet entendement strict de
l’article 383 par un raisonnement qui ne semble pas exact, ni bien fondé.
10.
11.
Obéissant à une politique jurisprudentielle orientée vers le contrôle des transactions
immobilières, l’arrêt de la Cour suprême est fondé sur une interprétation large mais contestable de
l’article 383 du COCC. Au demeurant, en suivant la logique empruntée par la Cour, les dispositions
d’ordre public de ce texte, combinées à celles des articles 258 et 382 se seraient suffi à elles-mêmes
pour servir de base légale à l’exigence de formalisme. C’est pourquoi la référence à l’article 323 du
COCC peut paraître inopportune, voire contradictoire.
2) Le fondement inopportun du formalisme
La Cour suprême se réfère à l’article 323 du COCC. Aux termes de ce texte, « la promesse
synallagmatique est une vente parfaite lorsque le contrat peut être passé librement. Dans le cas
contraire, elle oblige les parties à parfaire le contrat en accomplissant les formalités nécessaires à sa
formation ». L’arrêt renvoie à ce texte comme à une disposition d’ordre public servant de base légale à
l’exigence du formalisme prescrit à propos des actes portant sur des immeubles immatriculés. Or, un tel
renvoi est très discutable. Il révèle une certaine contradiction dans la détermination des bases légales du
formalisme.
13.
D’abord, la référence manque d’exactitude car le texte de l’article 323 du COCC n’est pas
d’ordre public. Il ne relève pas des matières considérées par l’article 258 alinéa 2 comme faisant l’objet
de dispositions d’ordre public. Il est plutôt soumis au principe posé par le premier alinéa de cet article.
Suivant ce principe, « les dispositions de la deuxième partie du COCC sont supplétives de la volonté
des contractants ». L’article 323 fait partie des dispositions consacrées aux modalités de la vente. Il
12.
pose donc une règle dispositive à laquelle la Cour renvoie, sans raison, comme à une règle d’ordre
public.
Ensuite, une telle référence est de nature à jeter le trouble dans la mesure où il s’évince de ce
texte que la promesse synallagmatique de vente, par laquelle les parties s’accordent mutuellement, l’une
pour vendre, l’autre pour acheter une chose déterminée pour un prix fixé17, est une vente parfaite lorsque
le contrat est consensuel. Sinon, elle oblige les parties à parfaire le contrat en accomplissant les
formalités nécessaires à sa formation18. La solution induite par l’article 323 prend le contrepied de celle
qui découle de la position de la Cour. Elle obligerait les parties à un contrat portant sur un droit réel
immobilier à le parfaire en accomplissant les formalités nécessaires à sa formation. Des dispositions
supplétives de volontés, consacrées à la vente, en général, ne devraient pas, selon la solution de l’espèce,
pouvoir faire échec à l’application de règles d’ordre public consacrées spécialement aux contrats portant
sur des immeubles immatriculés. L’opportunité d’inclure l’article 323 du COCC parmi les bases légales
de l’exigence de formalisme est donc très discutable. Et ce texte est d’ailleurs souvent brandi afin de
justifier la solution contraire19 permettant de conclure à la validité de la promesse de vente sous seings
privés.
14.
Une référence à l’article 322 du COCC aurait été plus compréhensible de la part de la Cour
suprême. Ce texte consacre une définition de la promesse synallagmatique de vente plus précise que
celle de l’article 382, alinéa 1. Il met l’accent sur les éléments essentiels sur lesquels porte l’accord des
parties : « une chose déterminée » et « un prix fixé ». Il aurait donc été parfaitement complémentaire
avec les dispositions des articles 382 et 383 qui, dans l’esprit de cet arrêt, déterminent la manifestation
du formalisme.
15.
B. L’EXPRESSION DU FORMALISME
16. L’arrêt apporte deux précisions concernant la position de la Cour sur la manifestation du
formalisme dans les actes relatifs aux droits réels portant sur les immeubles immatriculés. D’une part,
il s’agit d’un écrit ad solemnitatem20 (1) qui fait échec au principe du consensualisme. D’autre part,
c’est un écrit authentique (2) qui repose en principe sur l’établissement d’un acte notarié.
1) L’exigence d’un écrit ad solemnitatem
Les conventions litigieuses auraient dû, selon les termes de l’arrêt, « être passées par devant
notaire ». Ainsi, le formalisme exigé par la Cour affecte la validité de la vente, de la promesse ou du
mandat consenti pour passer de tels actes. A ce titre, il fait véritablement exception au consensualisme
qui trouve son siège, en droit sénégalais, à l’article 41 du COCC. Ce principe qui gouverne la matière
des contrats signifie que ceux-ci peuvent être passés librement, leur validité se suffisant de l’échange
des consentements. Les parties expriment leur consentement de quelque manière que ce soit, à condition
que la manifestation de volonté ne laisse aucun doute sur leur intention21. L’exigence d’un écrit ou
17.
A l’opposé, dans la promesse unilatérale de vente ou d’achat, seul le promettant s’engage à vendre ou acheter
tel objet à tel prix. Le bénéficiaire qui accepte la promesse, bénéficie d’une option qu’il lui est loisible de lever
dans un délai déterminé pour conclure le contrat promis. V. art. 324 s. (promesse unilatérale de vente) et 327 s
(promesse unilatérale d’achat) du COCC.
18
Art. 323 du COCC.
19
Cf. en ce sens, CA Dakar, n° 339 du 4 juil. 2002. Décision censurée par CS, civ. et com., 05 déc. 2007, arrêt n°
121, op. cit.
20
On parle de formalisme ad solemnitatem si la nullité est absolue et de formalisme ad validitatem si la nullité est
relative (V. J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, Dalloz, 3e éd., p. 65).
21
Article 60 du COCC.
17
d’autres formalités pour la validité d’une convention relève donc d’une exception qui doit être prescrite
par une disposition particulière. Selon la Cour suprême, la conclusion des actes relatifs à un immeuble
immatriculé, notamment d’une promesse, compte parmi les exceptions au consensualisme, même si cela
ne résulte pas, de manière univoque, de la loi.
Le formalisme réside donc dans la rédaction d’un écrit22 ad solemnitatem23. Si l’écrit n’est pas
défini par le législateur sénégalais, il est admis qu’il résulte d’une suite de lettres, de caractères, de
chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible24. En principe, le
support sur lequel est établi l’écrit est indifférent quant à sa valeur juridique. En effet, la loi 2008-08 du
25 janvier 2008 sur les transactions électroniques (LTE) prévoit que « lorsqu’un écrit est exigé pour la
validité d’un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique… »25. Il n’en est
autrement que pour, d’une part, les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions
et, d’autre part, les actes sous seing privé relatifs à des sûretés souscrites pour des besoins non
professionnels26. La promesse de vente d’immeuble n’échapperait donc pas à la règle de l’équivalence
fonctionnelle des écrits sur support papier et électronique.
18.
L’écrit prescrit, selon l’arrêt d’espèce, pour la promesse de vente d’immeuble se distingue de
l’écrit exigé à titre de simple condition de preuve. La violation d’un tel formalisme affecte l’efficacité
de l’acte en cas de contestation. Ses effets sont alors simplement paralysés. C’est le cas, en droit civil,
pour les actes juridiques dont le montant dépasse le seuil fixé par la loi27. Mais le formalisme consacré
aux contrats portant sur des droits réels immobiliers est-il simplement de validité ou permet-il également
de remplir une fonction de publicité ? D’une part, pour ce qui est de l’acte notarié, on peut considérer,
comme en matière de droit de la famille, que « la forme assume une fonction sociale… elle fait connaître
l’acte privé. Elle lui donne la publicité »28. D’autre part, en plus d’être passé par devant notaire, l’acte
constitutif ou translatif de droit réel immobilier doit faire l’objet d’une inscription au titre foncier. Mais
est-ce un acte de formation ou d’exécution du contrat translatif de droit réel ? En vertu de l’article 381
du COCC, « l’acquisition du droit réel résulte de la mention au titre foncier du nom du nouveau titulaire
du droit ». En droit sénégalais, le transfert de propriété ne s’opère pas solo consensu29. C’est plutôt par
l’exécution de l’obligation de délivrance que se réalise le transfert de la propriété de la chose à
l’acquéreur30. S’agissant de la vente d’immeuble, la délivrance est faite par la réalisation des formalités
de publicité exigées par les dispositions particulières à la propriété foncière et l’établissement du titre
foncier au nom de l’acheteur31. L’acte translatif de droit réel fait ainsi l’objet d’un formalisme de
validité, un écrit ad solemnitatem, mais également de publicité, qui permet d’assurer l’exécution de
l’obligation de délivrance.
19.
Le formalisme de validité peut également résider dans la remise d’une chose, dans les contrats dits « réels ».
L’acte juridique qui est frappé d’un tel formalisme est un acte juridique solennel. Cf. Guerriero, L’acte
juridique solennel, th. Toulouse, 1975, préf. Vidal.
24
Définition consacrée par l’article 1316 du Code civil français issu de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000, JORF
14 mars 2000.
25
Article 19 LTE. Il convient également de noter que le règlement 15-2002 du Conseil des Ministre de l’UEMOA
prévoit la même règle de l’équivalence fonctionnelle entre le papier et l’électronique. Le principe est posé par les
articles 18 et 19 du Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres
de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) adopté le 16 septembre 2002 à Cotonou (Bénin).
Toutefois, le champ d’application du Règlement est circonscrit aux transactions bancaires et financières et aux
opérations effectuées dans tous les systèmes de paiement (article 17 du Règlement). Autrement dit, la preuve
électronique dont il s’agit dans ce texte ne concerne que ces opérations-là.
26
Article 20 LTE.
27
Ce montant est fixé à 20 000 FCFA, soit environ 30,48 euros.
28
G. Cornu, L’art du droit en quête de sagesse, Paris, PUF, « Doctrine juridique », 1998, p. 151.
29
V. article 276 du COCC.
30
Cf. article 276, al. 3 du COCC.
31
Cf. article 277, al. 2 du COCC. L’inscription est soumise aux dispositions des articles 130 et suivants du décret
juillet 1932, JO Afrique occidentale française du 22 avril 1933, p. 426 s.
22
23
Mais sur la question de savoir si l’écrit exigé pour la validité de l’acte peut être sous seings
privés, la juridiction suprême n’a pas jugé dans le même sens que la Cour d’appel. Cette dernière, malgré
l’absence d’un acte authentique, avait admis la validité de la promesse et prescrit la perfection de l’acte32.
La confirmation de la perfection de la vente avait été obtenue sans que la Cour d’appel ne se prononçât
directement sur la validité de la promesse en elle-même. Ce n’est que par un raisonnement déductif que
l’on pouvait conclure que la Cour d’appel a affirmé la validité de la promesse sous seings privés de
vente d’immeuble immatriculé. Une position plus claire aurait été bienvenue sur la qualification de la
promesse synallagmatique de vente d’immeuble immatriculé. L’importance de la question soulevée
militait en cette faveur, du fait des enjeux liés à la précision de la valeur et du régime juridiques de la
promesse de contrat en matière immobilière. Or, c’est le principe même de la validité de la promesse de
vente d’immeuble sous seings privés qui est rejeté par la Cour suprême. Le fait que celle-ci exige qu’elle
résulte d’un acte authentique imprime à la promesse un caractère solennel. Le formalisme prescrit est
un acte authentique.
20.
2) L’exigence d’un acte authentique
La Cour considère que la promesse de vente d’immeuble immatriculé, comme les autres actes
portant sur les droits réels immobiliers, doit être passée par devant notaire33. Cette exigence d’un acte
notarié fait de la promesse un contrat solennel au sens strict du terme 34. La solennité réside dans
l’intervention du notaire qui établit l’acte. Il s’agit d’un « rite d’écriture »35 qui révèle, aux yeux des
parties, l’importance de l’acte. Ce rite fait des actes dont il célèbre l’existence « des actes ostensibles,
de grands piliers dressés pour être vus »36. Si l’acte est établi par voie électronique, le rite de
l’intervention du notaire prend la forme d’une signature électronique qui « confère l’authenticité à l’acte
»37. Toutefois, si l’acte authentique en question est en principe un acte notarié, celui-ci peut, dans
certains cas, être suppléé par un acte équivalent.
21.
L’acte notarié n’est pas le seul acte authentique. L’authenticité38 de l’acte peut provenir de
l’intervention d’autres dépositaires du sceau public. D’ailleurs, c’est l’intervention d’un officier public
qui permet d’opérer la traditionnelle distinction entre l’acte authentique et l’acte sous seings privés.
Toutefois, concernant le contrat relatif aux droits réels immobiliers, l’article 383 du COCC impose qu’il
soit passé « par devant un notaire territorialement compétent sauf dispositions législatives ou
réglementaires contraires ». Il faut se garder d’en conclure que seule l’intervention du notaire permet
de satisfaire au formalisme prescrit pour la validité de telles conventions, à l’exclusion de celle de tout
22.
32
CA Dakar, arrêt n° 657 du 17 décembre 2004, inédit.
Cf. les décisions déjà citées de la chambre civile et commerciale : 16 janvier 2008, arrêt n° 21, op. cit. ; 05 déc.
2007, arrêt n° 121, op. cit.
34
On peut avoir une perception plus ou moins large de la notion de contrat solennel. De manière large, le caractère
solennel vise les actes dans lesquels un formalisme autre que la remise d’une chose est prescrit (actes authentiques
ou sous seings privés). De manière plus étroite, ce caractère est réservé aux actes dans lesquels le formalisme exigé
confère l’authenticité à un acte (acte authentique).
35
J. Carbonnier, Droit civil, vol. 2, Les biens, les obligations, Paris, PUF, « Quadrige », 1 ère éd. 2004, n° 1005.
33
36
G. Cornu, op. cit., p. 149.
Article 41, al. 1 LTE. Pour une analyse doctrinale de l’acte authentique électronique, cf. M. Grimaldi et B.
Reynis, « L’acte authentique électronique», Defrénois 2003, art. 37798, p. 1023 s. ; A. Raynouard, « Sur une
notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique », Defrénois 2003, art. 37806, p. 1117 s.
38
Cf. sur la notion d’authenticité, A. Lapeyre, « L’authenticité », JCP G, 1970, I, 2365 n° 14 ; J. Flour, « Sur une
notion nouvelle de l’authenticité », Defrénois 1972, art. 30159, p. 977 s. ; Ph. Malaurie, « L’authenticité », Les
éditions du CRIDON, Paris, intervention du 4 avril 2001 ; D. Froger, « Contribution notariale à la définition de la
notion d’authenticité », Defrénois 2004, art. 37873, p. 173 s.
37
autre dépositaire du sceau public. D’autres titulaires de l’office public ont reçu le « pouvoir de
communiquer l’authenticité aux actes qu’ils reçoivent »39.
23.
Il arrive que la transaction portant sur un droit réel immobilier soit consacrée par une décision
de justice revêtue de l’autorité de la chose jugée. C’est le cas, notamment, lorsqu’une vente est opérée
au terme d’une procédure judiciaire d’adjudication. De tels actes peuvent dispenser d’un acte notarié et
être admis comme des actes authentiques équivalents. L’exigence d’authenticité ne confine donc pas
aux seuls actes notariés. Qu’en serait-il de ce qu’il est convenu d’appeler « acte sous signature juridique
» ? Est ainsi désigné l’acte conclu devant un « professionnel du droit soumis à un statut contraignant et
à un contrôle rigoureux »40 destiné à la protection des usagers du droit ou l’acte rédigé par un tel
professionnel. L’acte ainsi visé aurait une force probante renforcée car faisant foi quant à son origine et
son contenu, ayant date certaine et n’étant pas soumis à la formalité dite du double. Mais il ne serait pas
revêtu de la force exécutoire41. Ce formalisme pourrait, s’il était consacré, perturber la conception
bipartite de la forme littérale des actes juridiques au Sénégal et dans les pays attachés à la tradition
civiliste. En France, une certaine doctrine appelle de ses vœux ce troisième type d’acte littéral 44. Mais
en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour suprême sénégalaise, un acte sous signature juridique
subirait le même sort qu’un acte sous signatures privées s’il portait sur un immeuble immatriculé. Il
serait frappé de nullité absolue, comme la Haute juridiction sénégalaise l’a rappelé dans cette affaire.
II. LA SANCTION DES ACTES SOUS SEINGS PRIVÉS
PORTANT SUR UN IMMEUBLE IMMATRICULÉ
24. Suivant la solution consacrée par la Cour suprême dans la décision d’espèce, la nullité qui
sanctionne les actes sous seings privés relatifs aux immeubles immatriculés est absolue. Mais audelà
de la consécration de la nullité absolue (A), cet arrêt apporte une précision. La nullité est encourue non
seulement par la vente et la promesse de vente, mais également par le mandat les concernant.
L’étendue de la nullité (B) couvre donc d’autres contrats constitutifs ou translatifs de droits réels
immobiliers que la seule vente.
A. LA CONSÉCRATION DE LA NULLITÉ ABSOLUE
25. L’arrêt précise, se fondant sur les dispositions de l’article 383 du COCC, que la nullité d’un acte
sous seings privés portant sur un droit réel immobilier présente un caractère absolu. Les intérêts en jeu
dans les transactions immobilières concernées (1) justifient-ils la radicalité de la sanction (2) ?
1) La nature des intérêts protégés
La nature de la nullité dépend de l’objet des règles juridiques qui ont été violées. Si celles-ci ne
sont pas simplement destinées à la protection de l’une des parties, d’un intérêt particulier, mais
manifestent plutôt l’attention que la société porte à l’acte envisagé du fait de l’intérêt général qui est en
cause, la sanction encourue est la nullité absolue. La Cour suprême constate et affirme que les
dispositions en cause sont d’ordre public. Mais celui-ci est protéiforme. Il est possible, entre autres
26.
G. Cornu, op. cit., p. 149. Cf. sur les différentes catégories d’actes authentiques, D. Froger, op. cit., p. 173 s.
En France, « cette catégorie comprendrait les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les avocats
inscrits à un barreau français, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs, les administrateurs
judiciaires et les mandataires-liquidateurs » : F. G’Sell-Macrez, « Justification et régime de l’acte sous signature
juridique », Gaz. Pal. 14 oct. 2008, n° 288, p. 12.
41
F. G’Sell-Macrez, op. cit. p. 12. 44 Idem.
39
40
distinctions, que l’ordre public en cause qui est textuel et non virtuel42, soit de protection, par opposition
à l’ordre public de direction.
L’analyse stricte de l’article 258 du COCC consacrant le caractère d’ordre public des
dispositions consacrées aux conventions relatives aux droits réels portant sur des immeubles
immatriculés ne suffit pas à déterminer la nature exacte des intérêts protégés. Même l’appréciation, d’un
point de vue de pur droit positif, des dispositions consacrées comme d’ordre public n’y suffirait pas.
C’est, au-delà du texte lui-même, les orientations de politique juridique qu’il consacre qui permettent
de répondre à la question de la nature des intérêts protégés par ces dispositions d’ordre public. Or, il est
certain que toute disposition juridique, même visant à protéger des particuliers, parties ou tiers, recèle
nécessairement une part d’intérêt général, la société accordant à cette protection d’intérêts privés une
certaine attention qui manifeste l’intérêt général. Les notions d’intérêt43 privé ou d’intérêt général sont
à contenu variable44, ce qui rend difficile leur caractérisation.
27.
Néanmoins, dans certaines matières, la prégnance de la volonté de l’autorité publique de
contrôler la validité des actes juridiques par la prescription d’un formalisme strict, d’une constatation
officielle de l’acte, est révélatrice de l’implication de l’intérêt général. Il en est ainsi, notamment, des
actes relatifs au droit des personnes et de la famille ou de certains contrats pécuniaires45 comme les
contrats portant sur les immeubles immatriculés. La vente d’immeuble immatriculé n’échappe donc pas
à la volonté de contrôle de la régularité de certains actes juridiques du fait des intérêts en cause. Il est
possible d’y voir une « volonté de contrôler les transactions immobilières »46 qui sont parfois complexes.
Certes, ce contrôle peut être mû par le souci de protéger la volonté des parties ou de l’une d’elles. Ainsi,
en vertu de son devoir de conseil, l’officier public serait tenu d’apporter à ses clients un éclairage utile
sur la portée de leurs engagements. La constatation officielle de l’acte et de sa date pourrait également
être protectrice des tiers qui sont ainsi à l’abri de fraudes dont ils pourraient être victimes47. A l’égard
de toutes ces personnes la forme est « facteur de réflexion […], stimule, suscite, provoque, alerte, avertit,
met en garde [et] lorsque le fond sommeille, elle réveille »51 ! Mais dans le même temps, elle consacre
la perfection de l’opération et révèle, comme en l’espèce, une cinquième condition essentielle à la
validité des conventions portant sur les droits réels immobiliers. La forme « donne l’être »48 à la vente.
La Cour a, sur la base d’un fondement et d’une motivation contestables, étendu cette vérité à la promesse
de vente ainsi qu’aux autres contrats afférents à des immeubles immatriculés. Dans cet esprit, la nullité
encourue par une opération passée en violation d’une telle condition ne pouvait être qu’absolue 53. La
sanction est radicale.
28.
2) La radicalité de la sanction
42
V. sur cette distinction, J. Carbonnier, Droit civil, vol. 2, Les biens, les obligations, Paris, PUF, « Quadrige »,
n° 984.
43
Cf. sur cette notion d’intérêt en droit, Ph. Gérard, F. Ost, M. Van de Kerchove (dir.), Droit et intérêt, Publications
des Facultés universitaires SaintLouis, Bruxelles, 1990.
44
Sur ces notions, cf. Ch. Perelman, R. Vander Elst, Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant,
1984.
45
J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil. Les obligations, vol. 1 L’acte juridique, Paris, Sirey, 12 e éd. 2006,
n° 306.
46
A. Cissé, op. cit., p. 74. Ainsi, dans le domaine des contrats immobiliers, le formalisme est devenu la règle du
fait de « l’adéquation des vertus informatives de la confection d’un écrit au souci croissant d’un consentement
mieux éclairé » : J.-L. Aubert, F. C. Dutilleul, Le contrat, Paris, Dalloz, « Connaissance du droit », 4 e éd. 2010,
p. 88.
47
Cf. J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, op. cit., n° 306. 51 G. Cornu, op. cit., p. 151.
48
J. Carbonnier, op. cit., n° 1004. 53 Idem.
29.
Le caractère absolu de la nullité encourue est affirmé expressément par le législateur concernant
le contrat de vente. La Cour suprême l’a étendu à la promesse et au mandat. Cette nullité, tout comme
la nullité relative, prive de tout effet l’acte qui en est affecté. Le contrat concerné est censé n’avoir
jamais existé. Aucune portée juridique n’est donc reconnue à l’acte sous seings privés qui constitue ou
transfère un droit réel portant sur un immeuble immatriculé. La protection des parties et le contrôle des
transactions immobilières sont donc privilégiés par rapport au respect de la parole donnée qui fonde la
force obligatoire des conventions. On peut comprendre aisément que le souci de contrôle des opérations
immobilières puisse justifier que la vente soit soumise à un formalisme rigoureux sanctionné par la
nullité absolue. Une telle rigueur est-elle nécessaire, s’agissant des actes préparatoires à la vente
immobilière ?
La position de la Cour peut être à l’origine de certaines difficultés. D’abord, les actes
préparatoires perdent de leur utilité s’ils doivent être passés dans les mêmes formes que la vente. La
promesse permet souvent de consigner les engagements des parties en attendant de pouvoir passer l’acte
définitif dans les formes requises. En sus, la privation de tels actes de tout effet lorsqu’ils sont passés
sous seings privés remet en cause la sécurité des transactions en fragilisant la force obligatoire des
conventions. Il devient plus facile de se délier d’un engagement pris dans le cadre d’une promesse de
vente d’immeuble au motif que la promesse ou la procuration établie en vue de la conclure n’a pas été
faite par devant notaire. Au surplus, le fait qu’ils soient établis par acte sous seings privés ne dispenserait
pas les parties de parfaire la vente. Celles-ci seraient obligées de conclure le contrat définitif par acte
notarié, puis d’accomplir les formalités requises, conformément aux dispositions des articles 383 et
suivants du COCC. Le contrôle des opérations immobilières serait ainsi maintenu sur le contrat définitif
de vente. La protection des parties par un acte notarié serait pourvue efficacement au moment de la
perfection de la vente.
30.
Or, ce n’est pas le cas en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour suprême49. On peut craindre
certaines lourdeurs lorsque les actes préparatoires sont passés par acte notarié. Les parties seraient
obligées de repasser devant le notaire à plusieurs reprises pour une même opération. Outre les coûts
importants que cela entraîne, ce formalisme paraît excessif en termes de délais. A moins que l’on
considère que le respect du formalisme pour la promesse dispense les parties de repasser par devant
notaire. La promesse, lorsqu’elle est passée dans les formes prescrites par l’article 383, vaudrait alors
vente. Elle obligerait les parties à, directement, « procéder à l’inscription du transfert du droit à la
Conservation de la propriété foncière »50. Une telle interprétation de ce texte serait très hardie si elle ne
relève pas, simplement, de l’aventure. Elle ne ressort d’ailleurs nullement des termes de l’arrêt d’espèce.
31.
Par contre, il s’en déduit que l’absence d’acte notarié rend les actes préparatoires de nul effet.
Aucun engagement contractuel ne peut résulter d’une promesse sous seings privés. L’action en nullité
contre une telle promesse peut être initiée par les parties, mais aussi par le ministère public. Le juge peut
également soulever d’office la nullité absolue d’un contrat portant sur un droit réel immobilier passé
sous seings privés. L’initiative est élargie afin d’augmenter les chances d’éradiquer de tels actes
considérés comme contraires à l’intérêt général. La nullité s’impose au juge qui ne peut, comme l’a fait
la Cour d’appel, reconnaître aucun effet à l’acte conclu en violation du formalisme. Les parties ne
peuvent pas non plus maintenir l’acte dans la vie juridique en le confirmant. Et le périmètre de la nullité
s’étend, selon la Cour suprême, à tous les contrats relatifs à des droits réels portant sur des immeubles
immatriculés.
32.
B. L’ÉTENDUE DE LA NULLITÉ ENCOURUE
49
50
Cf. notamment, CS, civ. et com., 16 janvier 2008, arrêt n° 21, op. cit. ; 05 déc. 2007, arrêt n° 121, op. cit.
Article 382, alinéa 2, du COCC.
33. En précisant que la vente, la promesse et le mandat portant sur ces contrats sont tous soumis au
formalisme consacré, la Cour suprême donne une large portée au formalisme des contrats relatifs aux
immeubles immatriculés. La nullité absolue est encourue par les actes sous seings privés qui constatent
des contrats translatifs de droits réels immobiliers (1) ou des contrats préparatoires à de telles
conventions (2).
1) Les contrats constitutifs ou translatifs de droits réels immobiliers
Il ressort de l’article 383 du COCC que la vente d’un immeuble immatriculé doit faire l’objet
d’un acte notarié. Il en est ainsi car la vente constitue un acte translatif de propriété par excellence.
Interprétant ce texte de manière large, la Cour affirme que d’autres actes translatifs de propriété
devraient être soumis au formalisme de validité consacré.
34.
A l’examen, deux critères semblent découler des dispositions des articles 379 et suivants du
COCC consacrées aux contrats relatifs aux droits réels immobiliers. D’une part, il faut que l’acte soit
qualifié de contrat, c’est-à-dire, qu’il puisse être considéré comme un accord de volontés générateur
d’obligations51. Ce premier critère permet d’écarter les actes juridiques unilatéraux du champ du
formalisme des actes relatifs aux droits réels immobiliers. Contrairement au contrat, ils émanent de la
manifestation d’une volonté solitaire et peuvent, au-delà de l’obligation, faire naître d’autres effets
juridiques52. D’autre part, le contrat doit constituer ou transférer un droit réel immobilier. Ainsi, même
si c’est la vente qui est visée par la Cour, d’autres contrats constitutifs ou translatifs de droits réels
immobiliers peuvent être compris dans le périmètre de la nullité.
35.
Ainsi, l’apport en société d’un droit réel immobilier doit également faire l’objet d’un acte
notarié. Il s’agit d’un apport en nature qui se réalise par le transfert des droits réels correspondant aux
biens apportés et par la mise à la disposition effective de la société des biens sur lesquels portent ces
droits. Il est donc bien soumis aux dispositions des articles 37953 et suivants du COCC dans la mesure
où ces dispositions ne sont pas contraires à celles du droit uniforme africain des affaires de l’OHADA54.
Cette formalité est accomplie par la rédaction ou la réception des statuts de la société par un notaire.
Ainsi, si les statuts ne sont plus nécessairement établis par un notaire -ceux-ci pouvant être simplement
enregistrés auprès d’un notaire-, il en est autrement lorsqu’un associé apporte un droit réel immobilier
en pleine propriété. Dans ce cas, le transfert doit être passé par devant notaire.
36.
L’interprétation extensive de l’article 383 du COCC dans cet arrêt permet également de conclure
à l’application du formalisme requis à la donation portant sur des droits réels immobiliers. La donation
est bien un contrat et non un acte juridique unilatéral car il requiert un accord de volontés entre le
donateur et le donataire. Toutefois, seul le premier s’oblige, en principe, ce qui en fait un contrat
unilatéral, à moins que des charges soient stipulées pour être supportées par le second. Mais dans tous
37.
51
Article 40, alinéa 1er du COCC.
52
Cf. en droit sénégalais, J.-P. Tosi, Le droit des obligations au Sénégal, LGDJ-NEA, 1981, p. 35 s., n° 51 s.
53
Article 379 du COCC : « Les contrats relatifs à des immeubles immatriculés sont soumis aux dispositions
spéciales du présent chapitre ».
54
La supranationalité du droit uniforme africain des affaires de l’OHADA consacrée par l’article 10 du traité de
l’OHADA ne s’oppose pas à l’existence de dispositions nationales non contraires aux dispositions des actes
uniformes. Cf. J. Issa-Sayegh, « La portée abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des
Etats-Parties », Revue Burkinabè de Droit, n° 3940, n° spécial 2001, p. 57 ; F. M. Sawadogo, « Les actes uniformes
de l’OHADA : aspects techniques généraux », Revue Burkinabè de droit, n° 3940, n° spécial 2001, p. 46 ; P.
Diédhiou, « L’article 10 du Traité de l’OHADA : quelle portée abrogatoire et supranationale ? », Rev. droit
uniforme 2007, p. 265. 60 V. article 391 du COCC.
les cas, la donation entraîne un transfert de la propriété du donateur au donataire. Il est donc un contrat
translatif de propriété. A ce titre, il doit être passé par devant notaire à peine de nullité absolue.
Il devrait en être de même d’un échange portant sur des droits réels immobiliers. Il résulte
également d’un accord de volontés et permet de réaliser le transfert de propriété des immeubles qui en
font l’objet. Comme en matière de vente, le transfert de propriété dans l’échange se produit par
l’inscription de chacun des transferts aux titres fonciers respectifs60. Même le bail peut être inclus dans
le périmètre du formalisme de l’article 383 du COCC lorsqu’il est assorti d’une promesse de vente. Non
seulement l’opposabilité aux tiers requiert dans ce cas une inscription au titre foncier55, mais la validité
de la promesse est tributaire de l’existence d’un acte notarié, suivant la jurisprudence de la Cour
suprême. Certes, dans ce cas, le formalisme est davantage lié à la promesse de vente en tant qu’acte
préparatoire.
38.
2) Les actes préparatoires aux contrats translatifs de droits réels immobiliers
La Haute juridiction sénégalaise vise non seulement la vente, mais également « …la promesse
synallagmatique de vente d’un immeuble immatriculé, ainsi que la procuration donnée pour conclure de
tels actes… ». La promesse synallagmatique de vente suppose que les parties aient donné leur
consentement définitif à la vente, à moins qu’une faculté de dédit n’ait été convenue. Les parties doivent
s’être entendues sur la chose et le prix56. Dans la promesse synallagmatique de vente, ni le vendeur, ni
l’acheteur ne bénéficient d’un droit d’option. Ils s’engagent réciproquement de manière définitive. En
droit sénégalais, si la vente porte sur un immeuble, la juridiction suprême considère que la promesse ne
peut être passée par acte sous seings privés. Il en est ainsi d’une promesse synallagmatique tout comme
d’une promesse unilatérale. Dans ce dernier cadre, l’engagement du promettant est définitif et le contrat
de vente est parfait dès la levée de l’option par le bénéficiaire dans les délais63.
39.
40.
La solution retenue à propos de la promesse de vente devrait également être étendue à la
promesse unilatérale ou synallagmatique de conclure tout contrat translatif de droit réel immobilier,
notamment une promesse de donation, une promesse d’apport ou une promesse d’échange. Toutefois,
l’extension du formalisme au mandat de conclure de tels actes est plus délicate encore. Certes, le mandat
est bien un contrat car il suppose l’accord de volontés du mandant et du mandataire. De plus, il fait
naître des obligations à la charge du mandataire et, parfois aussi, du mandant. Mais le mandat ne peut
opérer directement un transfert de droit réel immobilier. Il ne porte que sur le pouvoir conféré au
mandataire de réaliser de tels actes. La volonté de contrôler la réalité de ce pouvoir permet de protéger
le mandant ainsi que les tiers qui contractent avec le mandataire. L’exigence du formalisme,
techniquement fondée sur la règle du parallélisme des formes57, permet politiquement d’attirer
Cf. article 390 du COCC en ce qui concerne l’opposabilité aux tiers.
Cf. sur la promesse synallagmatique de vente, Ph. Malaurie, L. Aynès, P.-Y.
Gautier, Les contrats spéciaux, Paris, Defrénois, 2003, n° 128 s. 63 A. Cissé, op. cit., p. 69.
57
En droit français, tout mandat peut indirectement devenir formaliste du fait de l’application de la règle dite du
parallélisme des formes qui veut qu’il emprunte la même forme que l’acte à accomplir. Ainsi, par exemple, le
mandat de faire une donation ou de constituer une hypothèque conventionnelle est nécessairement notarié, parce
que la donation (C. civ., art. 931: « tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la
forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité ») ou l’hypothèque conventionnelle (C.
civ., art. 2394 et 2416: « l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte notarié ») suppose
ellemême une telle formalité. De même, « le mandat sous seing privé de se porter caution pour l’une des opérations
relevant des chapitres I ou II du titre premier du livre troisième du Code de la consommation doit répondre aux
exigences des articles L. 313-7 et L. 313-8 de ce code (mentions manuscrites) ; que l’irrégularité qui entache le
mandat s’étend au cautionnement subséquent donné sous la forme authentique » (Cass. 1 re civ., 8 déc. 2009, n°
08-17531 : JCP G 2010, 149, note Ph. Simler). Cf. pour plus de développements, M. Thioye, Droit des
intermédiaires immobiliers, Litec, 2010, n° 439. 65 On pourrait citer, dans le même sens, C. supr. Sénégal, n° 1 du
8 janv. 1986, cité in rev. EDJA, sept. - oct. 1987, p. 15.
55
56
l’attention du mandant sur la gravité de l’acte. Elle est aussi destinée à assurer une certaine sécurité
juridique au tiers contractant avec le mandataire dont l’opération ne sera pas anéantie pour défaut de
pouvoir de ce dernier. L’exigence d’une procuration notariée pour la vente d’un immeuble immatriculé
est très clairement affirmée65 par les hauts magistrats dans cette espèce. Il en va de même d’autres actes
préparatoires à la vente d’un immeuble immatriculé, notamment, un pacte de préférence portant sur un
immeuble immatriculé58. Le contrôle de l’opération immobilière est ainsi totalement assuré d’un bout à
l’autre de la chaîne. L’ensemble des contrats relatifs à un immeuble immatriculé, y compris la promesse
et le mandat, est soumis au même
formalisme de validité -un acte notarié- et à une même sanction -la nullité absolue-. Il en sera ainsi,
hélas, jusqu’à ce que la Haute juridiction abandonne sa lecture extensive contestable des dispositions
visées en l’espèce. Pour une légitimité plus forte, les chambres réunies pourraient le faire, à moins que
le législateur n’intervienne par une réécriture univoque de ces textes, pour que vaille la promesse sous
seings privés de vente d’immeuble immatriculé !
Document 3
Cour suprême, Chambres réunies, 19 juin 2012
La Cour,
Vu la loi organique n° 92-25 du 30 mai 1992 sur la Cour de cassation ;
Vu la loi organique n° 2008-35 du 8 août 2008 par la Cour suprême ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu que par arrêt n° 03 de 2 janvier 2008, la Chambre civile et commerciale statuant
sur le pourvoi formé par la CBAO contre l’arrêt n° 21 du 15 janvier 2004 de la Cour d’appel de
Dakar a, sur le fondement de l’article 38 de la loi n° 92-25 du 30 mai 1992, ordonné la saisine
des chambres réunies ;
Attendu qu’après cassation de l’arrêt n°229 du 12 mai 2000, un second arrêt rendu entre les
mêmes parties procédant en la même qualité dans la même affaire est attaqué par le même
moyen que précédemment tiré de la violation de l’article 382 du Code des obligations civiles et
commerciales (COCC) ;
Sur le moyen unique, tiré de la violation des articles 379, 382 et 383 du COCC, qui fait grief à
l’arrêt attaqué d’ordonner la perfection de la vente aux motifs que « aux termes de l’article 382
du COCC, l’engagement de la CBAO de céder les titres fonciers 81/DP et 3409/DG à express
Transit et la levée de l’option par cette dernière constituent une promesse synallagmatique
de contrat et s’analysent en avant-contrat ; qu’il ressort de ces dispositions que le contrat de
vente d’immeuble immatriculé ne se forme qu’au moment de sa passation devant notaire ;
que par ailleurs l’article 382 n’exige aucune forme pour la validité de la promesse
synallagmatique de vente… », alors qu’une distinction entre le régime juridique de l’avantcontrat et de celui du contrat est en totale contradiction avec les textes et que la Cour de
cassation a déjà jugé que la promesse synallagmatique de contrat portant sur un immeuble
immatriculé devait être notarié ;
Mais attendu que, contrairement à la jurisprudence invoquée par le moyen, les dispositions des
articles 321, 322, 323, 382, 383 du COCC n’exigent aucune forme particulière pour la
validité de la promesse synallagmatique de contrat ou avant-contrat qu’il faut distinguer
CS. n° 57 du 16 juillet 2003, Soc. Foncière de la côte d’Afrique représentée par la Régie Mugnier c/Raphaël
Hédant.
58
du contrat, lequel, lorsqu’il s’agit d’un immeuble immatriculé, doit être passé, à peine de
nullité absolue, par devant notaire sauf dispositions législatives ou réglementaires
contraires ; que la promesse synallagmatique de contrat oblige les parties à parfaire le
contrat ;
Et attendu qu’en ordonnant la perfection de la vente, après avoir relevé que « l’engagement de
la CBAO de céder les TF n° 81/DP et 3409/DG à Express Transit et la levée de l’option par
cette dernière constituent une promesse synallagmatique de contrat qui oblige les parties à
parfaire le contrat », la Cour d’appel, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait l’exacte
application ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant toutes Chambres réunies,
Rejette le pourvoi formé par la CBAO contre l’arrêt n° 21 rendu le 15 janvier 2004 par
la Cour d’appel de Dakar ;
Condamne la CBAO aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambres réunies, en son audience
publique tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient […].
Document 4 :
Mayatta Ndiaye Mbaye, Les transactions immobilières au Sénégal
« Il est une valeur que les théoriciens du droit (…)
regardent comme fondamentale : c’est la sécurité juridique.
Ils la placent avant la justice même, et avant le progrès : c’est
elle qu’il convient de sacrifier en dernier lieu, parce qu’elle
conditionne les deux autres. »59
La terre est sacrée60, les droits qui portent sur elle aussi61. Ces derniers doivent être sécurisés, les
transactions qui portent sur eux aussi. Ce besoin de sécurité a été vite décelé par le législateur
sénégalais qui a mis en place un encadrement rigoureux des transactions immobilières en tenant
compte de la spécificité des différentes catégories d’immeubles.
J. CARBONNIER, Flexible droit, 1979, p. 132.
Cette affirmation est valable dans toutes les civilisations, même si elle est à nuancée chez les populations
nomades. Elle résulte d’abord de l’importance accordée au toit dans la stabilité d’un ménage et la sécurité d’une
vie. Elle se conforte ensuite par la portée de l’immeuble dans un processus d’investissement.
Au-delà de ces justifications d’ordre sociologique et économique, le caractère sacré de la terre peut, en droit
sénégalais, s’apercevoir à travers notamment la loi sur le domaine national qui instaure une catégorie de terres
appartenant à la nation et ne pouvant faire l’objet d’appropriation privée. Même si une procédure particulière est
prévue pour leur immatriculation au nom de l’Etat, le législateur donne une grande marge de manœuvre à l’Etat
pour un encadrement ferme de la propriété foncière et de son accès.
61
Le législateur sénégalais admet le caractère sacré notamment du droit de propriété immobilière qui se prouve
par un titre foncier en conférant au titulaire dudit titre un droit définitif et inattaquable (article 381 alinéa 2 COCC).
59
60
En effet, comme dans toutes situations, la spécificité du domaine d’intervention législative justifie
celle de l’intervention législative elle-même ; les moyens mis en œuvre étant adaptés au domaine
d’intervention et aux objectifs poursuivis. L’encadrement juridique des transactions immobilières
trouve sa particularité dans la volonté législative d’en assurer la sécurité4 en raison de l’importance du
domaine concerné et des intérêts à préserver. Cet encadrement juridique constitue un droit 5 qui
participe, dans un souci d’instauration et de maintien de l’ordre social, à l’organisation des rapports
entre l’homme et la terre6.
La notion de « transaction » a une acception propre aux modes alternatifs de règlement des conflits.
Dans ce domaine, elle « est le contrat par lequel les parties mettent fin à une contestation par les
concessions mutuelles »7. C’est cette conception qui est notamment utilisée en matière de transaction
douanière.
L’objectif de sécurité des transactions immobilières poursuivi par le législateur sénégalais peut
être justifié par la recherche de la stabilité mais également du développement car il n’y a point de
développement sans stabilité et il n’y a point de stabilité sans sécurité.
L’insécurité, quel que soit le domaine, est analysée comme un risque. Elle participe à l’appréciation
des conditions de développement. Il en est ainsi notamment du risque-pays. Pour une étude détaillée
sur le risque-pays, voir notamment O. JOKUNG NGUENA, Le management des risques en Afrique,
Réalités et perspectives, Afrique édition, juin 2007, p. 27 et s.
De manière plus spécifique, l’OHADA considère la sécurité comme une condition de développement
économique. Dans sa volonté de rechercher le développement économique des Etats parties, elle
s’intéresse à la mise en place d’une sécurité juridique par le biais de règles de droit plus adaptées. Voir
Préambule du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique signé à Port-Louis le 17
octobre 1993 et révisé à Québec le 17 octobre 2008.
5
Le droit des transactions immobilières n’est pas une branche du droit. Il n’est pas également un
pan d’une branche du droit déterminé. Il est plutôt composé de l’ensemble des règles qui régissent les
conventions portant sur des droits réels immobiliers. Il tire donc son contenu du droit des biens, du droit
des contrats, du droit des contrats spéciaux et du droit des sûretés. Il intègre la discipline en devenir au
Sénégal dénommée droit immobilier et foncier.
6
Le système foncier sénégalais n’admet que la propriété immobilière foncière. Cela signifie que le
droit de propriété immobilière n’existe que lorsqu’elle porte sur la terre ; d’où la notion de « propriété
foncière ». Dans ce système qui est celui du Livre foncier, dès l’instant où la propriété est privative,
elle doit nécessairement faire l’objet d’un titre foncier spécial. En effet, le titre foncier est l’unité de
compte pour chaque propriété privée en matière foncière. C’est d’ailleurs ce qui justifie l’exclusion de
la propriété en volume car fondée sur l’existence d’une propriété immobilière sans rapport avec le sol.
En matière de copropriété, l’immeuble de chaque copropriétaire est constitué d’un lot de copropriété
composé d’une propriété privative et d’une propriété indivise du sol et des parties communes de
l’ensemble immobilier (voir la loi n° 88-04 du 16 juin 1988 et le décret n° 2002-160 du 15 février
2002 portant application de la loi 88-04 du 16 juin 1988).
7
Article 756 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC). La transaction prévue par
cette disposition emporte la renonciation définitive des parties aux prétentions qu’elles avaient
formulées et est déclarative des droits antérieurement contestés (article 760 du COCC).
Mais, dans le cadre de cette étude, la notion de « transaction » est prise dans son sens premier et
général correspondant à l’idée de contrat, de convention. Les transactions immobilières sont donc
l’ensemble des conventions portant sur des immeubles.
4
La définition ci-dessus donnée à la notion de « transactions immobilières » impose une identification
de l’objet desdits contrats. En effet, les choses sur lesquelles peuvent porter des droits peuvent être des
meubles ou des immeubles. Selon qu’il s’applique à un meuble ou à un immeuble, le droit réel est dit
mobilier ou immobilier.
Les meubles se caractérisent par le fait qu’ils ne sont pas attachés au sol et sont donc susceptibles de
déplacement. Mais, à ces meubles par nature, la jurisprudence a assimilé les meubles par anticipation62
au moment où le législateur y ajoute les meubles par détermination de la loi63.
Quant à l’immeuble, il est, en principe, toute chose qui tient au sol ou s’y incorpore64 ainsi que le sol
lui-même. Toutefois, la loi65 considère fictivement comme des immeubles les droits réels immobiliers.
Au-delà, elle qualifie d’immeubles par destination certains objets mobiliers, lorsqu’ils constituent
l’accessoire d’un immeuble par nature de leur propriétaire66.
Les immeubles par essence, les immeubles par nature, ont un régime juridique différent en raison de la
catégorie à laquelle ils appartiennent. Le système foncier sénégalais classe, en effet, les immeubles en
trois catégories : le domaine national, le domaine de l’Etat et le domaine des particuliers.
Le domaine national13 est organisé par la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national14.
Il est composé des terres non classées dans le domaine public, non immatriculées et dont la propriété
n’a pas été transcrite à la Conservation des hypothèques67. Il s’agit des zones urbaines68, des zones
classées69, des zones des terroirs70 et des zones pionnières19. Les terres du domaine national ne peuvent
être immatriculées qu’au nom de l’Etat71 qui jouit d’une simple détention sur elles72.
62
Ce sont les choses actuellement immeubles par nature, mais destinées à être détachées du sol dans un avenir
plus ou moins proche et auxquelles on a attribué par anticipation le caractère mobilier (par exemple, des récoltes
encore sur pied, qui sont vendues en tant que meubles).
Exemple article 52 de l’Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt
Economique (AUSC-GIE) de l’OHADA : « Les titres sociaux sont des biens meubles ».
64
Il en est ainsi notamment des végétaux et des constructions sur un fonds.
65
Article 18 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant Régime de la propriété foncière, J.O. n° 6607 du 13
Août 2011.
66
Les objets mobiliers en question doivent être affectés au service et à l’exploitation de l’immeuble par nature (par
exemple, les instruments aratoires d’une exploitation agricole) ou attachés au fonds à perpétuelle demeure (par
exemple, les glaces et autres ornements muraux faisant corps avec les boiseries et qui ne sauraient être descellés
sans détérioration).
67
Article 1er de la Loi de 1964.
68
Elles sont constituées des terres du domaine national situées sur le territoire des communes et des groupements
d’urbanisme prévus par la législation applicable en la matière. (Article 5 de la Loi de 1964).
69
Il s’agit des zones à vocation forestière ou des zones de protection ayant fait l’objet de classement dans les
conditions prévues par la règlementation particulière qui leur est applicable. (Article 6 de la Loi de 1964).
70
Ce sont les terres du domaine national autres que celles situées dans les zones urbaines et classées et
régulièrement exploitées pour l’habitat rural, la culture ou l’élevage. (Article 7 de la Loi de 1964). 19 Ce sont les
terres du domaine national autres que celles situées dans les zones urbaines et classées et régulièrement
exploitées pour tout autre but que l’habitat rural, la culture ou l’élevage. (Article 7 de la Loi de 1964).
71
Article 3 de la Loi de 1964.
72
Article 2 de la Loi de 1964. Même dans le langage courant, détention, possession et propriété sont des
synonymes, le droit des biens, lui, opère une distinction entre les trois notions. La possession peut se définir comme
le fait pour une personne d’effectuer des actes matériels sur une chose, correspondant aux prérogatives d’un droit
réel, comme si elle était titulaire de ce droit, alors qu’elle ne l’est pas forcément. La détention est un droit que l’on
a sur la chose d’autrui que l’on entre ses mains pour un temps limité et déterminé, la chose devant être restituée.
Quant au droit de propriété, c’est le droit de jouir et de disposer de la chose de la manière la plus absolue dans les
limites fixées par les lois et règlements.
63
13
Pour une étude détaillée sur le domaine national, voir notamment J. CHABAS, La propriété
foncière en Afrique noire, Jurisclasseur civil Annexes, 1957, fasc. 17 ; M. DEBENE et M.
CAVERIVIERE, Le droit foncier sénégalais, Berger-Levrault, 1988 ; des mêmes auteurs, Foncier des
villes, foncier des champs (rupture et continuité du système foncier sénégalais), Revue internationale de
droit comparé, vol. 41, n° 3, juillet-septembre 1989, p. 625 et s. ; A. DIEYE, Domanialité nationale et
développement : l’exemple du Sénégal, Thèse Université Cheikh Anta Diop de Dakar, FSJP, 2003 ; K.
MBAYE, Le régime des terres au Sénégal, in Le droit de la terre en Afrique, Paris, 1971, p. 153 ; S.
TRAORE, Communication introductive in « analyse des pratiques foncières et perspectives de réforme
: 40ème anniversaire de la loi sur le domaine national, UGB, FSJP, 18 juin 2004, p. 17 ; M. M. DIA, La
notion de mise en valeur comme condition d’affectation des terres du domaines national, Revue
trimestrielle de l’Amicale des inspecteurs des impôts et domaines, n° 15, septembre 2008, p. 24.
14
J.O. n° 3692, 11 juillet 1964, p. 905 et s. Il faut préciser que le domaine national est la partie la
plus importante des terres sénégalaises. Ceci se justifie par l’histoire de la terre au Sénégal qui a vu
s’instaurer et se développer le principe de la propriété collective. Mais, aujourd’hui, même si elle est
vigoureusement combattue, il y a une tendance à l’individualisation de la propriété foncière. L’un des
signes marquants d’une telle tendance est l’adoption de la Loi n° 2011-06 du 30 mars 2011 portant
transformation des permis d’habiter et titres similaires en titres fonciers (J.O. n° 6598 du 25 juin 2011).
Celle-ci autorise la transformation gratuite sans formalités préalables en titres fonciers des permis
d’habiter et titres assimilés délivrés sur les terrains domaniaux destinés à l’habitation et situés dans les
centres urbains (article 1er de la Loi).
Quant au domaine de l’Etat, il se caractérise par la propriété de l’Etat. Il est régi par la loi n° 76-66 du
2 juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat. Il est composé du domaine public et du domaine
privé de l’Etat constitués de tous les biens immobiliers qui appartiennent à l’Etat73. Le domaine public
est constitué des biens qui, en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée, ne sont pas
susceptibles d’appropriation privée74. En revanche, le domaine privé de l’Etat est constitué des autres
biens du domaine de l’Etat, c’est-à-dire ceux susceptibles d’appropriation privée24. Les immeubles qui
appartiennent à cette catégorie font l’objet d’une immatriculation au Livre Foncier au nom de l’Etat.
Le domaine des particuliers, lui, est composé des immeubles soumis au régime de l’immatriculation
au Livre foncier. Il est régi par la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété
foncière75. Cette loi a pour but d’organiser la propriété foncière en assurant aux titulaires la garantie
Articles 1er et 2 de la Loi n° 76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat. Il faut préciser qu’aux
biens immobiliers s’ajoutent les biens mobiliers qui appartiennent à l’Etat. Ceux-ci sont ici écartés de la
détermination du contenu du domaine de l’Etat en raison de l’objet de l’étude constitué exclusivement des biens
immobiliers.
74
Il en est ainsi notamment de la mer territoriale, du plateau continental, des cours d’eau navigables ou flottables,
des emprises des routes, des chemins de fer ou encore des ports maritimes et fluviaux. 24 Article 2 de la Loi n° 7666 du 02 juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat. C’est le cas notamment des biens acquis par l’Etat par
voie d’expropriation et des immeubles immatriculés au nom de l’Etat, des droits immobiliers dont la confiscation
a été prononcée au nom de l’Etat ou encore des immeubles abandonnés et sur lesquels l’Etat a bénéficié de
l’usucapion conformément à l’article 33 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant Régime de la propriété
foncière.
75
J.O. n° 6607 du 13 Août 2011. Cette loi abroge et remplace le décret du 26 juillet 1932 portant régime de la
propriété foncière applicable en Afrique Occidentale Française (AOF). Ce domaine est composé des terres
immatriculées appartenant à l’Etat ou aux privés. Mais, nous préférons, dans le cadre de cette étude le dénommer
« domaine des particuliers » en raison de l’appropriation privée qui le caractérise. Rappelons que ce décret de 1932
instaurait définitivement le système de l’immatriculation des terres et des livres fonciers et abrogeait et remplaçait
celui du 24 juillet 1906 lequel avait abrogé et remplacé le décret du 20 juillet 1900. Son abrogation pose
aujourd’hui le problème du régime des droits réels en général, de celui de la propriété en particulier compte tenu
de l’abrogation du renvoi au code civil français. Par la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la
propriété foncière25, le Sénégal s’est départi du droit de l’époque coloniale pour asseoir, du moins c’est ce qui était
souhaité, une règlementation moderne et adaptée.
73
des droits réels qu’ils possèdent sur les immeubles, et en leur délivrant un titre foncier définitif et
inattaquable76.
Elle exige l’inscription des droits réels immobiliers77 et des actions tendant à les revendiquer.
L’immatriculation première étant insuffisante pour atteindre l’objectif poursuivi par le régime de la
propriété foncière, la loi organise en outre la mise à la disposition du public de toutes les
informations relatives à la propriété immobilière ; d’où l’exigence de la publicité foncière pour toutes
conventions constituant, modifiant ou transférant un des droits énumérés à l’article 19 de la loi de
2011. Ainsi la constitution d’usufruit, la constitution d’hypothèque ou encore la vente immobilière
exigent, pour leur opposabilité, l’inscription à la Conservation de la propriété et des droits fonciers.
Selon que l’immeuble en question est dans telle ou telle catégorie, les transactions font l’objet d’un
régime particulier.
Pour les terres du domaine national, les transactions qui portent sur elles sont interdites78 et qualifiées
d’infractions pénales79. Ainsi la promesse de vente, d’hypothèque ou d’échange de terres du domaine
national est une infraction, a fortiori la vente, la constitution d’hypothèque ou l’échange ayant pour
objet lesdites terres.
Pour le domaine public de l’Etat, l’article 9 de la loi n° 76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du
domaine de l’Etat précise clairement que le domaine de l’Etat est inaliénable et imprescriptible.
Toutefois, il peut faire l'objet de permissions de voirie, d'autorisation d'occuper, de concessions et
d'autorisations d'exploitation80.
En ce qui concerne le domaine privé de l’Etat, il est composé, en matière immobilière, des immeubles
sur lesquels l’Etat se comporte comme tout autre propriétaire immobilier. Ces immeubles peuvent
faire l’objet de transactions dans le respect d’une procédure administrative particulière81.
Quant aux immeubles composant le domaine des particuliers, ils sont les plus enclins à faire l’objet
des transactions immobilières82 qui se traduisent notamment par un transfert ou la constitution de
droits réels immobiliers.
76
Exposé des motifs de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
Article 19 de la loi de 2011. Les droits réels immobiliers sont la propriété des biens immeubles, l’usufruit des
mêmes biens, les droits d’usage et d’habitation, l’emphytéose, le droit de superficie, les servitudes et services
fonciers, les privilèges et hypothèques.
77
78
Les transactions immobilières ne peuvent porter que sur des immeubles immatriculés. En effet, aux termes de
l’article 380 du COCC : « A peine de nullité absolue du contrat, l'immatriculation de tout immeuble est obligatoire
pour la validité des conventions constituant ou transférant un des droits protégés par le régime de
l'immatriculation foncière. »
79
Article 423 du Code pénal : « Quiconque aura cultivé ou occupé d'une manière quelconque un terrain dont
autrui pouvait disposer, soit en vertu d'un titre foncier, soit en vertu d'une décision administrative ou judiciaire,
sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende qui ne saurait être inférieure à 50.000
francs.
(Loi n° 66-16 du 1er février 1966)
Sera puni des mêmes peines quiconque aura occupé sans droit une terre faisant partie du domaine national ou
immatriculée au nom de l'Etat ou d'une collectivité publique ou aura conclu ou tenté de conclure une convention
ayant pour objet une telle terre. »
80
Article 11 de la loi n° 76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat.
81
Voir notamment les articles 23 et suivants et 36 et suivants de la loi n° 76-66 du 02 juillet 1976 portant Code du
domaine de l’Etat.
82
Voir notamment articles 379 et suivants du COCC.
A travers la détermination de l’objet des transactions immobilières, il apparaît donc que la notion
mérite d’être restreinte aux seules transactions portant sur des droits réels immobiliers immatriculés. Il
s’agit des transactions portant sur les immeubles du domaine privé de l’Etat et sur ceux du domaine
des particuliers. Les premières posent moins de difficultés en raison de la procédure particulière
qu’elles doivent suivre mais également de la nature particulière des actes administratifs qui en
constituent l’instrumentum83. Quant aux secondes, leur particularité réside dans l’exigence d’un acte
authentique, plus précisément, dans l’intervention obligatoire du notaire.
En effet, dans ce cadre, le législateur sénégalais34 a adopté des dispositions à dimension sécuritaire, en
limitant la liberté contractuelle35 par des mesures d’encadrement parmi lesquelles figure l’intervention
obligatoire du notaire. Cette particularité des transactions immobilières est gage de sécurité juridique.
C’est dans un souci d’organisation de la publicité foncière et donc de la sécurité juridique que la loi
subordonne l’inscription à la Conservation de la propriété et des droits fonciers à l’intervention du
notaire dans la transaction immobilière. Il en est ainsi notamment de l’hypothèque conventionnelle36,
de la vente d’immeuble immatriculé37, de l’échange immobilier38, du crédit-bail immobilier39, de
constitution d’usufruit40 ou encore de la location-vente41. Cette obligation d’intervention du notaire et
de publicité de l’acte constitutif, translatif ou modificatif de droits réels immobiliers procède d’un «
interventionnisme » préventif du législateur42.
C’est dans le souci de promouvoir une législation propre à prendre en compte les impératifs de
développement économique et social de l’Etat naissant que les pouvoirs publics sénégalais avaient pris
l’option d’adopter, dans le domaine des relations économiques, une série de dispositions destinées à
constituer les différentes parties du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC). Il y avait
ainsi la loi n° 63-62 du 10 juillet 1963 (Première partie) dénommée « Partie générale », la loi n° 66-70
du 13 juillet 1966 (Deuxième partie) sur les contrats spéciaux, la loi n° 76-60 du 12 juin 1976 (Troisième
partie) sur les garanties des créanciers et la loi n° 85-40 du 29 juillet 1985 (Quatrième partie) sur les
sociétés commerciales.
Les deux dernières parties ont été abrogées à la faveur de l’adoption des Actes Uniformes de
l’OHADA qui ont le même objet (Acte Uniforme portant organisation des sûretés, Acte Uniforme
relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique et Acte Uniforme
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif).
35
La liberté contractuelle est un principe affirmé notamment par l’article 41 du COCC intitulé «
Consensualisme » issu de la doctrine de l’autonomie de la volonté dont la préoccupation première est la
protection et la primauté de l'individu.
36
Articles 25 et 47 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
Même si les sûretés font partie du domaine d’intervention de l’Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA), l’obligation d’intervention du notaire en matière
d’hypothèque, telle qu’issue de la loi interne, est conforme au droit communautaire car fondée sur le
renvoi contenu dans l’article 205 de l’Acte Uniforme portant organisation des Sûretés.
37
Article 383 du COCC. 38 Article 391 du COCC.
34
Voir l’article 47 de Loi de 2011 portant régime de la propriété foncière : « Tous faits, conventions ou sentences,
ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel immobilier, d’en changer
le titulaire ou les conditions d’existence, tous baux d’immeubles excédant trois années, toute quittance ou cession
d’une somme équivalente à plus d’une année de loyer ou fermages non échus doivent, en vue de l’inscription,
être constatés par acte authentique sauf dérogations législatives.
83
Les règles de forme édictées à l’alinéa précédent ne s’appliquent pas, à la condition que lesdits faits, conventions
ou sentences soient constatés par écrit dans les formes déterminées par la loi, aux actes passés par l’Etat et les
autres personnes publiques. »
Article 390 du COCC. Pour une étude détaillée sur l’intervention du notaire en matière de créditbail
immobilier, voir C. A. W. NDIAYE, Le développement du crédit-bail au Sénégal, Thèse, Université
Cheikh Anta Diop de Dakar, 2013, n° 240 et s.
40 Articles 19 et 47 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
41 Articles 361 et 390 du COCC.
42 La prévention est en effet définie par le dictionnaire étymologique et historique du français Larousse
(éd. Larousse Bordas 1998, p. 615) comme toute action consistant à devancer ou à s’opposer à une
situation future et probable. Le but recherché fondamentalement reste l’évitement du contentieux en
matière de droits réels immobiliers.
En effet, l’acte notarié présente deux vertus essentielles. D’abord, son importance en tant
qu’instrument de protection des investissements ressort avec évidence quand on invoque ses attributs :
une preuve irréfutable, un titre exécutoire. Dressé en vertu d’une concession de service public, l’acte
notarié fait foi de son origine, de son contenu et de sa date jusqu’à inscription de faux. C’est dire que
l’acte notarié assure la certitude de ne pas être contesté par des contractants de mauvaise foi ; il a une
efficacité remarquable. Ensuite, l’acte notarié a force exécutoire puisque celui qui s’en prévaut n’a pas
à chercher une décision de justice pour contraindre le débiteur récalcitrant à s’exécuter84 : c’est un acte
qui se suffit à lui-même. En dehors de ces considérations relatives aux intérêts des parties à l’acte,
l’acte notarié établi peut être opposable aux tiers dès sa publication alors que l’acte sous seing privé,
en matière immobilière ne saurait être opposable aux tiers car ne pouvant faire l’objet d’inscription au
Livre foncier.
39
Tous ces avantages de l’acte notarié auraient pu amener toute personne diligente, audelà de la volonté
du législateur, à l’apprécier comme une nécessité pratique pour toutes les conventions portant sur des
droits réels immobiliers immatriculés. Mais, en tant qu’obligation et moyen de sécurité juridique,
l’objectif est-il atteint ? Tout porte à le croire85. Par contre, se pose encore la question du moment de
l’intervention du notaire et du champ d’application de l’intervention obligatoire. Dès lors, dans le
cadre de ces mélanges en l’honneur du Professeur Paul-Gérard POUGOUE portant sur « l’esprit du
droit africain », la présente étude propose une analyse de l’intervention du notaire conformément à
l’esprit du droit et du législateur sénégalais afin de promouvoir la sécurité juridique des transactions
portant sur des droits réels immobiliers immatriculés.
Cette authenticité qu’est l’exigence de l’intervention d’un notaire dans toutes les conventions relatives
aux droits réels immobiliers immatriculés ne fait l’objet d’aucun doute86 : les transactions
immobilières sont donc sécurisées (I). Par contre, le moment de cette intervention a fait couler
beaucoup d’encre, suscité beaucoup d’interrogations et soulever beaucoup de contentieux. Ce qui
dénote que la sécurité des transactions immobilières est à dimensions contestées (II).
IDes transactions sécurisées
Les transactions portant sur des droits réels immobiliers immatriculés sont sécurisées. Cette
sécurisation se manifeste par l’obligation d’intervention du notaire pour l’accomplissement des
Article 33 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées et des voies
d’exécution.
85
Le contentieux en matière immobilière au Sénégal montre bien l’insécurité des transactions immobilières hors
intervention du notaire. En effet, plusieurs millions ont été versés à des vendeurs qui n’étaient pas les véritables
propriétaires parce que les actes sous seing privé rédigés par les particuliers ne comportaient pas de vérifications
d’origine de propriété. C’est vouloir économiser et perdre plus que l’économie escomptée. Dans tous les cas, les
entreprises privées ont reconnu que les incidences de cette intervention obligatoire du notaire sont très faibles sur
le plan financier.
86
Dans la pratique, elle est vigoureusement fustigée en raison des frais de contrat, parfois très lourds, occasionnés
par l’intervention du notaire. Mais, devant les juridictions, elle est toujours louée compte tenu de son efficacité
comme moyen de défense : soit l’acte est valable, soit le notaire est responsable.
84
formalités d’inscription au Livre Foncier. Cette obligation d’authentification de la transaction
immobilière (A) participe de l’instauration d’une technique contractuelle particulière par l’exigence
d’un avantcontrat notarié pour toutes les transactions immobilières (B).
A- L’obligation d’authentification de la transaction immobilière
L’obligation d’authentification des transactions immobilières ne fait pas l’objet de contestation. Elle
résulte clairement des articles 383 du COCC et 47 de la loi n° 201107 du 30 mars 2011 portant
régime de la propriété foncière pour lesquels il n’y a point de transaction immobilière sans
inscription et il n’y a point d’inscription sans acte notarié. Dès lors, le législateur sénégalais
considère que non seulement l’inscription au Livre Foncier est une condition de perfection de la
transaction immobilière (1), mais également que la forme notariée de la convention est une condition
de l’inscription au Livre Foncier (2).
1- L’inscription au Livre Foncier, une condition de perfection de la transaction
immobilière
Les transactions immobilières portent sur les immeubles immatriculés au Livre Foncier.
L’immatriculation permet d’identifier l’immeuble en question, son propriétaire, c’est-à-dire le titulaire
du titre foncier ainsi que tout autre titulaire d’un droit réel sur l’immeuble87. Le titre foncier établi à
l’issue de la procédure d’immatriculation est un acte « définitif et inattaquable qui constitue le point de
départ unique de tous les droits réels existant sur l’immeuble au moment de l’immatriculation »47.
Tout autre droit réel portant sur l’immeuble et toute modification de la structure des droits réels et de
leur titulaire ne peuvent être effectifs qu’après inscription au Livre Foncier88. Les transactions
immobilières modifiant la structure, constituant ou transférant des droits réels immobiliers doivent en
conséquence faire l’objet d’une inscription au Livre Foncier. L’inscription au Livre foncier est donc
une condition de perfection de toute transaction immobilière89.
L’exigence de perfection de la vente immobilière, du crédit-bail immobilier, de la location-vente
immobilière, de l’échange immobilier, du bail à construction ou encore de l’acte de constitution
d’hypothèque, d’usufruit ou de servitude résulte d’une volonté législative affirmée. Elle ne fait l’objet
d’aucun débat même si les modalités d’intervention du notaire sont généralement mises en avant dans
la justification des voies de contournement toujours recherchées par les populations50. Ainsi, le contrat
portant sur des droits réels immobiliers immatriculés est à parfaire par son inscription à la
Conservation de la propriété et des droits fonciers communément appelée « publicité foncière »90.
Cette perfection de la transaction immobilière a pour but, non seulement de justifier de l’existence de
la transaction, mais également de rendre celle-ci valable et opposable aux tiers91.
87
Articles 40 et 41 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière. 47 Articles 381
du COCC et 42 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
88
Article 20 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
89
Articles 382 du COCC et 46 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
L’exigence d’une telle formalité fait des transactions immobilières des contrats solennels. 50 L’intervention du
notaire en matière immobilière est, en effet, dans certains cas contournée par les populations qui préfèrent passer
par un acte sous seing privé ou encore par une légalisation dudit acte. C’est la cause de la plupart des contentieux
dans ce domaine.
90
Articles 382, 390, 391 du COCC et article 20 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété
foncière.
91
Article 20 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
Cette formalité essentielle pour l’existence et l’efficacité des transactions immobilières nécessite
l’établissement préalable d’un écrit, d’un acte authentique, d’un acte notarié92.
2- La forme notariée de la convention, une condition d’inscription de la transaction au Livre
Foncier
Il résulte de l’article 47 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière
que les conventions ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un
droit réel immobilier, d’en changer le titulaire ou les conditions d’existence doivent être constatés par
acte authentique. Dans tous les cas où une telle forme est exigée de l’acte portant la transaction
immobilière93, le défaut d’intervention du notaire rend impossible l’inscription de la transaction au
Livre Foncier. Le législateur sénégalais réserve donc une place de choix à l’acte notarié dans la
procédure d’inscription des transactions immobilières au Livre Foncier. L’importance reconnue à la
forme notariée ne résulte pas d’un hasard législatif. En effet, la forme notariée reste celle qui garantit
tous les intérêts en présence dans les transactions portant sur des droits réels immobiliers
immatriculés.
D’abord, sur le plan sociologique, l’intervention obligatoire du notaire peut se justifier par
l’analphabétisme et l’illettrisme des populations. Il n’est plus à démontrer la surprise et la souffrance
de ceux qui, après avoir acheté de bonne foi un bien immobilier, se retrouvent évincés au profit d’un
acquéreur plus diligent94.
Il n’est également plus à compter les familles pour lesquelles le seul élément immobilier du patrimoine
a été retiré à la suite d’une procédure d’expulsion longue et honteuse. En conséquence, si ce n’est que
sur le plan sociologique, l’intervention du notaire qui collecte et analyse les informations sur le bien
immobilier objet de la transaction, informe et conseille les parties sans parti-pris, et accomplit
l’ensemble des formalités préalables et postérieures nécessaires à la réalisation de la transaction
immobilière, est dans le seul intérêt des populations.
Ensuite, sur le plan économique, l’intervention du notaire est profitable à tous. Pour l’administration et
spécialement le Bureau de la Conservation et des droits fonciers, le notaire constitue un interlocuteur
auquel il est possible d’exposer les motifs d’acceptation ou de rejet des actes à publier95. En effet,
l’authentification obligatoire est une application profonde et souple du principe de légalité.
L’intervention obligatoire du notaire permet de débarrasser les particuliers des problèmes de procédure
tout en réalisant un encadrement juridique efficace et en assurant une sécurité indispensable au
développement économique. Le droit notarial, qualifié de droit du développement, est particulièrement
respectueux des intérêts de l’Etat et réalise un encadrement juridique qui garantit un seuil de stabilité
et de sécurité à partir duquel il est possible de construire l’étape suivante des opérations juridiques au
92
Article 20 de la Loi de 2011 précité.
L’alinéa 2 de l’article 47 de la Loi de 2011 prévoit des exceptions à ce principe de l’exigence d’un acte notarié.
94
C’est d’ailleurs l’essentiel du contentieux en matière de propriété immobilière au Sénégal.
95
Auparavant, les agents du Service de la Conservation foncière prenaient beaucoup de leur temps pour informer
les usagers, voire leur faire un cours de droit notarial. Cette solution était possible à une époque pour ils ne
recevaient qu’une centaine de dépôts par an. Mais, aujourd’hui, avec le rythme économique actuel qui nécessite
des milliers de dépôts, leur attitude ne peut plus être la même. Les rejets doivent pouvoir se faire par une simple
phrase immédiate comprise par le seul spécialiste qu’est le notaire. Par ailleurs, les actes sous seing privé étaient
souvent rejetés à plusieurs reprises pour des erreurs multiples. Les particuliers en étaient outrés croyant voir dans
les exigences de Livre foncier des exigences byzantines assorties d’un juridisme d’un autre âge qui constitue un
obstacle au développement ; alors qu’il s’agissait, dans la plupart des cas, d’une méconnaissance des aspects les
plus élémentaires du droit foncier.
93
service du développement, celle de la simplification des procédures foncières qui permet leur
accélération.
Pour tout citoyen, si l’acte sous seing privé avait été admis en matière de transaction immobilière, les
parties se seraient en majorité tournées vers des agents d’affaires, avec une sécurité juridique réduite et
des coûts plus élevés que ceux du notaire.
Même considéré comme très onéreux, le recours au notaire permet donc aux parties de réaliser une
économie et de préserver leurs intérêts de manière convenable. En conséquence, en tant que prix d’une
sécurité quasi-absolue, les émoluments du notaire ne doivent pas apparaître comme une charge
critiquable96. Du point de vue de la célérité, les actes notariés retardent en apparence les opérations à
moyen terme. Mais, ils sont plus rapides que les actes sous seing privé ; il y a juste un frein avant la
signature de l’acte car tous les éléments concourant à la légalité doivent être réunis, le notaire ne
pouvant se permettre de rédiger des actes illégaux97.
Enfin, sur le plan sécuritaire, les transactions immobilières bénéficient, par l’intervention obligatoire
du notaire, de la clarté et de la sécurité indispensables à une vie économique en plein développement.
Les multiples litiges qui encombrent les tribunaux et les services administratifs, les nombreuses
fraudes fiscales, la panoplie de décisions de justice en matière de transfert de propriété immobilière
permettent de justifier du danger de la forme sous seing privée des transactions immobilières98. Les
actes sous seing privé en matière immobilière ne sont que source de désordre fiscal, domanial et
foncier ; ils portent atteinte à l’économie nationale et portent dans leurs flancs le germe de l’insécurité.
Le législateur sénégalais, par l’intervention obligatoire du notaire, a voulu éviter de tomber dans le
paradoxe consistant à disposer d’un régime foncier riche en technique juridique tout en présentant un
spectacle d’insécurité foncière. Dans sa volonté de sécuriser les transactions immobilières, il a instauré
une technique contractuelle particulière en exigeant un avant-contrat notarié pour toute transaction
immobilière.
Le contentieux en matière immobilière au Sénégal montre bien l’insécurité des transactions immobilières hors
intervention du notaire. En effet, plusieurs millions ont été versés à des vendeurs qui n’étaient pas les véritables
propriétaires parce que les actes sous seing privé rédigés par les particuliers ne comportaient pas de vérifications
d’origine de propriété. C’est vouloir économiser et perdre plus que l’économie escomptée. Dans tous les cas, les
entreprises privées ont reconnu que les incidences de cette intervention obligatoire du notaire sont très faibles sur
le plan financier.
97
Le notaire est, à lui seul, juge et avocat commun des parties qui comparaissent volontairement devant lui. Il
assure la moralité et la sécurité de la vie contractuelle. Il est non seulement témoin irrécusable des conventions qui
se forment en sa présence en ce sens que la complexité des lois modernes ne laisse pas place aux affaires simples
qui décèlent toutes des écueils que le notaire ne manquera jamais d’éviter ou de réduire dans les limites légales
possibles. Le notaire doit donc respecter et faire respecter la loi applicable dans la rédaction des actes, chaque fois
qu’il est sollicité par les opérateurs économiques qui veulent investir dans tel ou tel secteur d’activités ou se mettre
en relation d’affaires. Il doit respecter les normes applicables, refuser de rédiger ou de servir d’intermédiaire
lorsqu’il constate que son intervention contreviendrait à la législation nationale, communautaire ou internationale.
Il faut préciser que les honoraires rétribuent non seulement la responsabilité civile du notaire engagée dans chaque
signature d’acte mais également son service et les frais de fonctionnement de son étude.
96
Il est constant que l’intervention obligatoire du notaire dans les transactions immobilières permet de réduire voir
de supprimer tout contentieux en la matière. Ce qui est contraire aux effets des actes sous seing privé.
98
B- L’instauration d’une technique contractuelle particulière : l’exigence d’un avant-contrat
notarié
La liberté contractuelle est le principe en matière de transaction immobilière. Mais, jusqu’où va cette
liberté dans le cadre des transactions immobilières ? En ce qui nous concerne dans le cadre de cette
étude, le consensualisme tel que résultant de l’article 41 du COCC est écarté en raison de l’exigence
d’une forme et d’une formalité particulières. L’analyse de ces forme et formalité requises, à savoir la
forme notariée de la convention et l’inscription de l’acte au Livre Foncier dénote une obligation légale
longtemps enfouie : l’avant-contrat en matière de transaction immobilière doit revêtir la forme
notariée. Cette exigence légale résulte non seulement de la nature juridique des transactions
immobilières (1), mais également de la technique de la transaction immobilière (2).
1- Une exigence résultant de la nature juridique de la transaction immobilière
Les transactions immobilières sont l’un des rares domaines où le législateur s’intéresse et exige, de
façon expresse, une période précontractuelle. En effet, en dehors des contrats de fusion, de scission ou
d’apport partiel dont la conclusion nécessite, au préalable, l’établissement et la publicité d’un projet de
fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif99, cette particularité est à remarquer dans les transactions
portant sur des droits réels immobiliers immatriculés.
Mais, outre cette authenticité de la technique contractuelle, le législateur exige que l’avant-contrat
ainsi requis prenne la forme d’un acte authentique.
Cette exigence trouve sa première justification dans la nature juridique de la transaction immobilière.
En effet, l’ambigüité notionnelle, source de la controverse100 (a) à laquelle s’identifient les dispositions
applicables, n’entame en rien la certitude de la solennité de la transaction immobilière (b) qui justifie,
à elle seule, l’exigence de la forme notariée de l’avant-contrat dans les transactions immobilières.
a) La source de la controverse : une ambigüité notionnelle
L’ambigüité notionnelle des dispositions législatives source de la controverse vient de l’utilisation
indifférente de termes juridiques différents. En effet, le débat doctrinal, les hésitations
jurisprudentielles et la position actuelle de la Cour Suprême sur la question de l’exigence de la forme
notariée dans l’établissement de l’avantcontrat dans les transactions immobilières vient des termes
juridiques différents utilisés par le législateur de manière indifférente. Il s’agit des notions « d’acte »,
de « contrat » et de « promesse synallagmatique » notamment dans l’article 382 du COCC. Ces
dernières notions sont employées de manière indifférente pour désigner une même convention101.
L’utilisation de ces trois notions rend ambigu le texte qui s’est prêté dès lors à des interprétations
multiples alors que le sens de l’article 382 du COCC ne fait l’objet d’aucun doute.
Article 193 de l’AUSC-GIE
Pour des détails sur la controverse sur ce point, les développements sur la sécurité aux dimensions contestées.
101
Article 382 COCC : «L'acte par lequel les parties s'engagent, l'une à céder, l'autre à acquérir un droit sur
l'immeuble, est une promesse synallagmatique de contrat.
Elle oblige l'une et l'autre partie à parfaire le contrat en faisant procéder à l'inscription du transfert du droit à la
Conservation de la propriété foncière. »
99
100
Le contenu de l’article 382 du COCC n’aurait pas dû faire l’objet de débat dans la mesure où
l’utilisation, de manière indifférente, de ces termes n’est pas exclusive à la promesse synallagmatique
de vente.
Le législateur, dans les dispositions anciennes du COCC102 comme dans celles nouvelles de l’Acte
Uniforme de l’OHADA portant organisation des Sûretés103 relatives à l’hypothèque conventionnelle,
impose la forme notariée en usant des mêmes termes pour désigner, à chaque fois, la promesse
synallagmatique d’hypothèque : l’hypothèque conventionnelle résulte d’un contrat soumis à publicité
au Livre foncier ; l’acte d’hypothèque non encore publié est inopposable aux tiers et constitue, entre
les parties, une promesse synallagmatique d’hypothèque qui les oblige à procéder à la publicité. L’acte
est la promesse synallagmatique qui devient contrat dès l’inscription au livre foncier.
Le raisonnement peut d’ailleurs convoquer les articles 390 et 391 du COCC portant respectivement sur
le bail assorti d’une promesse de vente104 et l’échange immobilier. Dans les deux cas, les termes
utilisés considèrent la publicité, non pas comme une condition de formation du contrat, mais plutôt
comme une formalité d’opposabilité pour l’un105 et de transfert de propriété pour l’autre106. Mais, une
réflexion approfondie révèle un sens différent107 : la publicité foncière, en application des règles
particulières en matière immobilière, est une condition d’existence et d’opposabilité du bail assorti
d’une promesse de vente ainsi que du transfert de propriété dans le cadre de l’échange immobilier.
Par conséquent, ce qu’il convient d’entendre à travers les dispositions des articles 382 du COCC et 20
de Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, c’est qu’en cas de défaut
de publicité foncière, la transaction immobilière est qualifiée d’avant-contrat. Ce qui rend
incontestable la nature juridique de la transaction immobilière.
b) La certitude de la solennité de la transaction immobilière
Le contrat fait partie des actes juridiques, se rattache aux actes juridiques bilatéraux ou conventions et
se présente comme une convention particulière. Il est un accord de volontés destiné à la création
d’effets de droit particuliers, les obligations108. C’est cet aspect du contrat qui apparaît dans la
Articles 908, 910 et 911 du COCC abrogés avec l’entrée en vigueur de l’AUS. D’ailleurs, l’existence de
l’abrogation de plein droit de ces dispositions est discutable en ce sens que l’article 205 de l’AUS renvoie pour
l’exigence de la forme notariée ou non aux dispositions nationales des Etats parties. Or, l’article 910 vient
déterminer une telle forme. Toutefois, la loi de 1998 a abrogé expressément ces dispositions. Dès lors, la forme
notariée de l’hypothèque est exigée en application de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la
propriété foncière.
103
Article 206 de l’AUS : « Tant que l'inscription n'est pas faite, l'acte d'hypothèque est inopposable aux tiers et
constitue, entre les parties, une promesse synallagmatique qui les oblige à procéder à la publicité. », J.O OHADA
n° 22, 15ème année du 15 février 2011.
104
Il s’agit notamment du crédit-bail immobilier et de la location-vente immobilière.
105
Article 390 COCC : «En dehors des contrats soumis à publicité par les textes relatifs à l'immatriculation
foncière, le bail assorti d'une promesse de vente doit faire l'objet d'une inscription au titre foncier pour être
opposable aux tiers. »
106
Article 391 COCC : « Le transfert de propriété des immeubles qui font l'objet d'un échange se
produit par l'inscription de chacun des transferts aux titres fonciers respectifs. »
107
Voir l’article 20 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
108
Article 39 COCC.
102
définition résultant de l’alinéa 1 de l’article 40 du COCC109. Il se fonde sur le principe de la liberté
contractuelle issu de la doctrine de l’autonomie de la volonté qui, dans certains cas, est écarté. Il en est
ainsi en matière immobilière où la transaction immobilière est un contrat solennel.
Le contrat consensuel est celui qui se forme valablement par le seul échange de consentement, par le
seul accord des volontés des parties, sans qu'il soit besoin de recourir à une quelconque formalité. En
principe, les contrats sont consensuels ; c’est la règle, eu égard au principe du consensualisme71. Le
fait que la loi impose la rédaction d’un écrit pour la preuve du contrat110, sur le plan des principes, ne
porte pas atteinte à la règle du consensualisme. Dans ces hypothèses où la preuve préconstituée doit
être aménagée au moment de la conclusion du contrat, celui-ci se forme valablement dès l’accord des
volontés. Il est donc procédé à une distinction entre l’écrit exigé à titre de validité et l’écrit exigé à titre
d’efficacité, l’écrit condition de validité différant de l’écrit preuve préconstituée. Toutefois, si l’on se
place, non pas sur le plan des principes juridiques, mais plutôt de la réalité vécue, l’écrit preuve
préconstituée est une entrave à la liberté contractuelle et au consensualisme.
En revanche, le contrat solennel est celui dont la formation valable est subordonnée à une forme
particulière ou à l'accomplissement de certaines formalités indépendamment de l'accord de volontés.
En ce qui concerne la forme, il peut s’agir de l’exigence d’un acte authentique ; il en est ainsi
notamment de l’intervention d'un notaire dans les transactions immobilières. Quant aux formalités,
elles sont prévues par la loi et peuvent être très diverses ; c’est le cas notamment de l’inscription de la
transaction à la Conservation de la propriété et des droits fonciers111. Ces deux obligations justifient la
qualification en contrat solennel de la transaction immobilière.
En tant que contrat solennel, la transaction immobilière reste objectivement un avantcontrat tant que la
publicité foncière n’a pas été accomplie. Ce qui consiste donc à dire que le contrat n’est définitif que si
l’avant-contrat fait l’objet d’une perfection qui en fait un contrat définitif. Or, ne peut faire l’objet de
publicité foncière que la convention ayant la forme d’un acte notarié. Ce raisonnement équivaut en une
reconnaissance légale de l’exigence de la forme notariée de l’avant-contrat en matière de transaction
immobilière.
Il faut relever qu’en matière de droits réels immobiliers immatriculés, même si l’acte est intitulé « acte
de vente », « vente », « échange », « crédit-bail », « bail à construction », « convention d’hypothèque »
ou autre, il n’en demeure pas moins un avant-contrat tant que sa perfection n’a pas été effectuée
conformément à l’article 20 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de propriété
foncière74.
Cette perfection de la transaction vaut également transfert de propriété immobilière lorsque la
transaction réalisée est un contrat translatif de propriété immobilière. C’est ce qui confère à la
transaction des aspects apparents de contrat réel.
Article 40 alinéa 1 COCC : « Le contrat est un accord de volontés générateur d’obligations ». 71
Article 41 du COCC.
110
Article 14 du COCC.
111
Articles 382 et 383 du COCC. Voir notamment sur ce point J.-P. TOSI, ouvrage précité, p. 61 et s. 74 Ainsi, la
pratique notariée consistant à établir des actes intitulés « promesse synallagmatique de vente d’immeuble » n’a
aucun intérêt si les parties sont censées réaliser l’opération s’engagent à accomplir la formalité de la publicité
foncière.
109
En effet, le contrat réel est celui dont la remise de la chose objet du contrat est une condition de
formation112. La vente et l’échange113 sont, en principe, des contrats consensuels77. Toutefois, à titre
exceptionnel, ils peuvent être des contrats solennels114 avec quelques aspects de contrats réels.
Lorsqu’ils portent sur des immeubles immatriculés, ils auraient pu être analysés comme des contrats
réels en qu’ils ne sont des contrats définitifs et parfaits que lorsqu’ils auront abouti au transfert des
droits réels immobiliers objet du contrat. Sans la perfection de la vente ou de l’échange telle que
requise par la loi, le contrat n’est pas achevé et reste un avant-contrat.
Toutefois, le caractère réel desdites transactions immobilières est à relativiser. Il n’est fondé que sur le
fait que le transfert de propriété est concomitant à la conclusion et à l’opposabilité du contrat. Or, si
réels soient-ils, la vente et l’échange immobiliers ne résultent pas seulement de l’inscription du
transfert du droit réel à la Conservation de la propriété et des droits fonciers. Il faut également un
élément volontaire, à savoir la promesse synallagmatique de contrat qui ne peut avoir d’efficacité que
si elle est authentique pour permettre la publicité foncière qui rend parfaite l’opération immobilière115.
Il apparaît clairement que si le caractère réel de la transaction immobilière est discutable car illusoires
pour les ventes et échanges immobiliers, le caractère solennel, lui, est certain pour toute transaction
immobilière.
Cette solennité résultant de l’exigence de la forme notariée et de l’inscription de la transaction au
Livre Foncier confirme que c’est le même acte avant-contrat qui va devenir le contrat définitif.
Ainsi, en matière de vente immobilière, c’est le même acte qui administre la preuve du paiement du
prix par la quittance authentique qu’il contient et, le cas échéant, constitue le titre de créance du prix
dont le paiement est garanti par les dispositions de l’article 389 du COCC. Par ailleurs, c’est le même
acte qui comporte les obligations du vendeur et de l’acheteur : l’obligation de payer le prix est, au
même titre que l’obligation de délivrance, issue du seul acte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle,
dans la pratique, le vendeur ne réalise la remise des documents permettant l’accomplissement des
formalités de publicité foncière que lorsqu’il a toutes les garanties d’un paiement du prix. En effet, par
le transfert de propriété qui se réalise par la mention sur le titre foncier du nom de l’acquéreur, ce
dernier dispose d’un droit définitif et inattaquable116.
C’est le cas notamment du contrat de dépôt. Il faut préciser que la tradition n’a plus besoin d’un acte matériel.
En fonction de la nature de la chose, la tradition peut s’effectuer autrement. Il en est ainsi en matière immobilière
ou la tradition passe simple par le transfert de jouissance. Elle est réalisée dans l’acte notarié par la clause
dénommée « Propriété – jouissance ».
Sur les différentes formes de tradition (tradition feinte, clause de dessaisine-saisine, contitut possessoire ou
précaire) et une étude historique de son évolution, voir notamment J.-P. LEVY et A. CASTALDO, Histoire du
droit civil, Dalloz, coll. Précis droit privé, 2002, 1 ère éd., n° 387 et s. ; A. M. PATAULT, Introduction historique
au droit des biens, PUF, coll. Droit fondamental – Droit civil, 1989, n° 173 et s.
113
L’échange est un contrat translatif de propriété (articles 373 et 374 du COCC) 77
Articles 264, 265 et 373 et suivants du COCC.
114
Voir les développements ci-dessus.
115
Voir dans le même sens l’article 206 de l’AUS : « Tant que l'inscription n'est pas faite, l'acte d'hypothèque
est inopposable aux tiers et constitue, entre les parties, une promesse synallagmatique qui les oblige à procéder à
la publicité. », J.O OHADA n° 22, 15ème année du 15 février 2011.
116
Voir notamment CA Dakar, n° 980 du 29 novembre 2005, inédit. Dans cette affaire, un acte notarié de vente
immobilière au profit d’une personne a été attaqué par un prétendu coacquéreur de l’immeuble en cause. Le juge
a rejeté la demande au motif que l’acte de vente est établi à son nom et que la perfection de celle-ci est déjà
effectuée. Dès lors, en application de l’article 381 du COCC, le titre foncier établi au nom du nouveau titulaire du
droit lui confère un droit définitif et inattaquable.
112
Le caractère solennel de la transaction immobilière aurait pu suffire à justifier de l’exigence de la
forme notariée de l’avant-contrat qui en constitue le préalable. Mais, à celle-ci peuvent s’ajouter les
nécessités pratiques à travers la technique de la transaction immobilière.
2- Une exigence résultant de la technique de la transaction immobilière
En matière de transaction immobilière, l’avant-contrat se mue en contrat définitif. Il est le contrat
définitif dès l’inscription de la transaction au Livre Foncier. Les parties ne sont pas tenues d’établir un
autre acte valant contrat définitif pour réaliser la transaction (a). En outre, les sanctions concrètes en
cas de non respect de la forme notariée de la transaction immobilière témoignent de l’importance de la
forme notariée (b).
a) L’absence d’obligation d’établissement d’un autre acte valant contrat définitif
Plusieurs dispositions légales permettent d’avancer une telle affirmation. A titre principal, les
dispositions des articles 382 et 383 du COCC et celles de la loi n° 2011- 07 du 30 mars 2011 en
constituent le fondement. Elles ne font pas de distinction entre le contrat définitif et l’avant-contrat en
matière de transaction immobilière.
En effet, l’obligation des parties de parfaire la transaction immobilière résulte de l’avant-contrat luimême117. Cette obligation a pour objet d’exiger des parties l’accomplissement de la formalité de
l’inscription au Livre Foncier. Il n’est donc pas exigé l’accomplissement d’une double formalité :
l’établissement d’un acte notarié avant la phase ultime de la transcription de la transaction au Livre
Foncier. Une interprétation aussi large des dispositions législatives imposerait la rédaction d’un autre
acte valant contrat définitif et ajouterait une formalité supplémentaire à celle unique retenue et
imposée par le législateur : l’accomplissement des formalités de publicité foncière.
Ainsi, l’avant-contrat qui est le support de l’obligation de parfaire le contrat est dépourvu, seul, d’autre
effet. Les effets du contrat définitif résultent, quant à eux, de l’inscription de la transaction au Livre
Foncier118. Ils sont nécessairement la conséquence de l’obligation des parties née de l’acte support,
donc de l’avant-contrat.
En matière de vente immobilière, le contrat définitif correspond donc à l’acte légalement qualifié
d’avant-contrat qui donne naissance, non pas à l’obligation de faire, mais à l’obligation de donner du
vendeur qui s’exécute par l’inscription foncière qui en constitue l’objet119.
Cette obligation de donner emporte, comme une suite naturelle, une obligation de délivrer qui en est
l’assurance120 et qui s’opère exactement de la même manière85. Il n’est donc pas possible, en ce qui
concerne l’avant-contrat en matière de vente immobilière, de dissocier l’obligation de parfaire le
117
Articles 323 et 382 du COCC.
Article 381 du COCC et article 20 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
119
Voir notamment les articles 381 et 386 du COCC et 20 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime
de la propriété foncière.
120
Article 276 alinéa 2 du COCC. 85
Article 277alinéa 2 du COCC.
118
contrat que constitue l’inscription du transfert de propriété au Livre Foncier121 et l’obligation de
délivrance qui pèse sur le vendeur visée aux articles 276 alinéa 2 et 277 alinéa 2 du COCC.
Si l’avant-contrat, tel que qualifié par le législateur, est le contrat définitif, ses conditions de forme
sont clairement fixées : il doit être établi sous la forme d’un acte authentique, d’un acte notarié ab
initio. Lorsque le législateur exige, pour la validité et l’opposabilité du contrat, l’accomplissement de
formalités, la protection qu’il veut assurer aux parties n’existerait plus s’il est possible de conclure, en
l’absence des formes prévues, un contrat préparatoire pour réaliser ladite transaction. La jurisprudence
est donc légalement fondée lorsqu’elle subordonne la validité des promesses et mandats de passer des
contrats notariés à leur établissement devant notaire122.
D’ailleurs, à quoi bon insister sur le contrat définitif si, définitif soit-il, il sera toujours à parfaire pour
produire des effets ? Dans le système du Livre Foncier, parler de contrat définitif avant l’inscription au
Livre Foncier est, à la limite, un non-sens. Les parties comme le notaire ne peuvent que s’occuper des
préalables, sa formation par sa perfection nécessitant l’intervention du Conservateur responsable du
Livre Foncier123. Ainsi, en matière de vente immobilière, le contrat qui est exécuté par l’inscription du
transfert au Livre Foncier n’existait pas avant l’accomplissement de cette formalité. Au contraire, c’est
l’accomplissement de ladite formalité qui a donné naissance au contrat et qui, en même temps, a
réalisé le transfert de propriété.
La vente immobilière est donc, dans le cas où le paiement est déjà effectué, un contrat instantané dans
la mesure où sa conclusion est concomitante à son exécution, au transfert de propriété. Il n’existe donc
pas un avant-contrat autonome et un contrat définitif avec un régime juridique précis.
Qu’il soit sous seing privé ou notarié, l’acte avant inscription au Livre Foncier ne produit qu’un seul
effet : l’obligation de parfaire le contrat124. En lui-même, il ne produit donc pas tous ses effets entre
les parties contrairement à ce qui est soutenu par une partie de la doctrine et retenue par la Cour
Suprême90 qui considère que l’avant-contrat sous seing privé portant sur un immeuble immatriculé est
valable et produit tous ses effets entre les parties. D’ailleurs, si les effets devaient se limiter aux
parties, l’avant-contrat serait inutile puisque l’intérêt d’un droit réel immobilier, c’est son opposabilité
aux tiers par la publicité foncière qui suppose un acte authentique125. En conséquence, l’objectif des
parties étant la constitution, la modification, le transfert ou l’extinction d’un droit réel immobilier, il
faut, pour l’efficacité, un acte susceptible d’être publié au Livre Foncier, autrement dit, un acte
authentique. A défaut, les parties peuvent se heurter à des sanctions d’ordre pratique.
b) La sanction du non-respect de la forme notariée
L’exigence de la forme notariée de l’avant-contrat en matière de transaction immobilière s’infère
d’une logique liée à la nature contractuelle et à la technique utilisée dans ce type de transactions.
L’établissement de l’avant-contrat sous la forme sous seing privé nécessite, pour la conclusion du
121
Article 382 alinéa 2 du COCC.
Il s’agit là du respect du parallélisme des formes.
123
Voir dans le même sens J-P. TOSI, Le droit des obligations au Sénégal, LGDJ-NEA, 1981, p. 61
124
Article 20 Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière. 90 C.S.
Chambres réunies, n° 11 du 19 juin 2012, inédit.
125
Article 20 Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière. 92
Article 382 du COCC.
122
contrat, l’intervention du notaire qui, du reste, participerait à l’établissement d’un avant-contrat
notarié, le contrat ne pouvant naître que lors de l’accomplissement de la formalité de la publicité
foncière92.
Ainsi, bien qu’autorisée126, la forme sous seing privé comporte, en elle-même, deux inconvénients
pratiques qui peuvent être appréciés comme des sanctions du défaut de forme authentique. Lorsque
l’avant-contrat est établi sous la forme sous seing privé, sa perfection est impossible car celle-ci ne
peut être effectuée que sur le fondement d’un acte notarié127. L’acte sous seing privé nécessitera alors
une « double perfection128 » : l’établissement d’un acte authentique pour avoir un avant-contrat parfait
et l’inscription de la transaction au Livre Foncier pour avoir un contrat parfait. Ce qui aura de lourdes
conséquences sur le plan économique : l’établissement de deux actes (acte sous seing privé puis acte
authentique) nécessité par l’accomplissement de la publicité foncière rendra deux fois plus coûteuse la
transaction immobilière.
Les nécessités pratiques de la transaction immobilière justifient donc l’intervention du notaire dans
l’établissement de l’avant-contrat. Le défaut d’une telle intervention fait l’objet de sanctions concrètes
et pratiques. Les parties diligentes ne s’aventureront pas à mettre en péril leurs intérêts ou à payer deux
fois : une première fois pour l’avant-contrat sous seing privé et une deuxième fois pour l’avant-contrat
notarié dont l’établissement permettra d’accomplir les formalités de publicité foncière faisant naître le
contrat. La nécessité d’ordre sécuritaire de l’intervention du notaire dans l’avant-contrat ne saurait être
occultée même si, encore aujourd’hui, cette sécurité est à dimensions contestées.
IIUne sécurité aux dimensions contestées
Le caractère sacré de la terre s’étend au contrat qui la concerne. La solennité des transactions
immobilières a profité de l’intervention du notaire qui est une aubaine sécuritaire129. En effet, les
transactions immobilières sont sécurisées par l’intervention du notaire dans le processus de réalisation
de l’opération. Cette intervention n’est pas, en elle-même, controversée. Par contre, depuis plus de
126
Cour Suprême du Sénégal, Chambres réunies, n° 11 du 19 juin 2012, CBAO c/ Expresse-Transit, inédit. Il
résulte de cet arrêt que l’avant-contrat de vente de droits réels immobiliers immatriculés ne nécessite pas, pour sa
validité, un acte authentique. Elle peut revêtir la forme d’un acte sous seing privé. Ainsi, dans le cas où elle a une
telle forme, elle ne saurait être sanctionnée.
Article 47 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 ; il résulte de l’article 383 du COCC que l’acte sous seing privé
portant sur des immeubles immatriculés ne peut servir à parfaire la transaction mais également est nul de nullité
absolue.
128
La notion de « perfection » est ici prise au sens large, l’article 382 ne retenant comme formalité de perfection
que la publicité foncière.
129
L’objectif de sécurité assigné au notaire au profit des parties fait l’objet de l’article 1 er du Décret n° 2002-1032
du 1er octobre 2002 modifiant le Décret n° 79-1029 du 5 novembre 1979 fixant le statut des notaires, ci-après
dénommé « Décret statutaire ». En effet, visant les notaires, les alinéas 2, 3 et 4 dudit article disposent : « Ils
assurent le service public de la preuve et de l’authenticité.
Ils doivent conseiller leurs clients quel que soit l’acte qu’on leur demande de recevoir et quelle que soit l’étendue
de leur intervention.
Ils doivent s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’ils rédigent. »
127
trois décennies, le moment de cette intervention est vigoureusement contesté (A). Au-delà, une
nouvelle forme de contestation porte, elle, sur le champ d’application de cette intervention (B).
A- La contestation du moment de l’intervention du
notaire
Le débat sur la question de l’exigence de la forme notariée de l’avant-contrat en matière de transaction
immobilière est relativement ancien130. Il s’est essentiellement posé en ce qui concerne la promesse
synallagmatique de vente d’immeubles immatriculés. Toutefois, il peut être étendu à toutes les
transactions immobilières.
Les évolutions récentes sur cette question témoignent de l’intérêt que renferment les droits réels
immobiliers et, partant, les conventions qui portent sur eux. Tout le débat tourne autour de l’admission
de l’avant-contrat sous seing privé en matière de transaction immobilière. La première position, celle
défendable98, estime que l’intervention du notaire doit se faire au moment de l’établissement de
l’avantcontrat.
La seconde, critiquable, considère que le notaire ne peut intervenir que lors de la conclusion du contrat
définitif. Elle se caractérise par une contestation doctrinale (1) donnant lieu à une résistance
jurisprudentielle (2).
La contestation doctrinale
Les auteurs qui admettent la forme sous seing privé de l’avant-contrat en matière de transaction
immobilière ont trouvé un premier argument dans le fait que l’avantcontrat est un contrat autonome
par rapport au contrat définitif. Pour eux, l’avantcontrat diffère, en matière immobilière, du contrat
définitif. Il est conçu pour la réalisation d’un contrat définitif et apparaît alors comme un contrat
autonome131. L’argument principal développé vient de l’article 323 du COCC qui prévoit le principe
de la liberté d’établissement de la promesse synallagmatique de vente pour lequel les parties sont
supposées être d’accord sur les éléments essentiels du contrat, en l’occurrence la chose et le prix. Cet
accord permet de retenir l’existence du contrat lui-même lorsqu’aucune formalité n’est exigée. Ainsi,
en matière de vente immobilière, la promesse synallagmatique de vente de droits réels immobiliers
immatriculés n’est pas une « véritable vente ».
De cette qualification, les tenants de cette thèse déduisent la forme de l’avant-contrat en admettant que
la promesse synallagmatique de vente est un contrat librement formé. Ils se fondent sur le caractère
dérogatoire de la règlementation, le législateur ayant pris le soin de fixer le régime juridique de
130
Voir notamment J-P. TOSI, Le droit des obligations au Sénégal, LGDJ-NEA, 1981. 98
Voir dans ce sens nos développements sur les transactions sécurisées.
131
A. FAYE, Le transfert de propriété dans la vente de l’immeuble en droit sénégalais, Revue Droit Sénégalais,
Université de Toulouse, Presses universitaires de Toulouse 1 Capitole, n° 8, nov. 2009, p. 257 et s. Voir dans le
même sens B. DIALLO, Promesse sous seings privés de vente d’immeuble immatriculé ne vaut ?, Observations
sur C.S. Sénégal n° 79 du 16 juillet 2008, Aliou Bathily c/ Abdoul Diallo, Revue Droit et Ville, n° 71, 2011, p.
175-197, n° 31.
l’avant-contrat dans l’article 382 du COCC132. L’alinéa 1 de ce texte définit la promesse
synallagmatique et l’alinéa 2, les effets consistant en une obligation des parties de parfaire le contrat
par l’inscription du transfert du droit à la Conservation de la propriété et des droits fonciers.
En revanche, les articles 384 et 389 du COCC, de leur côté, précisent le régime juridique du contrat
de vente. Quant à l’article 383 du COCC133, il édicte, à peine de nullité absolue, un formalisme
applicable au contrat. Etant entendu que ce contrat doit être apprécié comme le contrat définitif, ce
n’est pas la promesse de contrat qui est visée dans l’article 383 du COCC. Cette promesse demeure
dans le champ du consensualisme102.
Les auteurs finissent par estimer que l’exigence de la forme notariée de la promesse synallagmatique
de vente de droits réels immobiliers immatriculés doit, pour être légale, faire l’objet d’une disposition
expresse et univoque. A défaut, elle ne saurait résulter d’une interprétation extensive de dispositions
dont la clarté n’est plus à démontrer134. C’est ce qui justifie la désolation affirmée et le souhait émis
par Boubacar DIALLO dans ses observations sur l’arrêt de la Cour Suprême du Sénégal n° 79 du 16
juillet 2008 en ces termes : « Il en sera ainsi, hélas, jusqu’à ce que la Haute juridiction abandonne sa
lecture extensive contestable des dispositions visées en l’espèce. Pour une légitimité plus forte, les
chambres réunies pourraient le faire, à moins que le législateur n’intervienne par une réécriture
univoque de ces textes, pour que vaille la promesse sous seings privés de vente d’immeuble
immatriculé ! »
Il faut relever que la reconnaissance de la qualité de contrat autonome à la promesse synallagmatique
de contrat n’a pas empêché certains, notamment Amadou FAYE135, de considérer que ladite promesse
doit revêtir la forme notariée pour sa validité. Estce à interpréter comme une reconnaissance de la
faiblesse des arguments avancés pour défendre leur position ?
Dans tous les cas, les arguments en faveur de l’exigence de la forme notariée de la promesse
synallagmatique de vente de droits réels immobiliers immatriculés apportent des critiques fortes aux
justifications ci-dessus exposées136. Toutefois, ils s’opposent à une résistance jurisprudentielle.
132
Article 382 du COCC : « L'acte par lequel les parties s'engagent, l'une à céder, l'autre à acquérir un droit sur
l'immeuble, est une promesse synallagmatique de contrat.
Elle oblige l'une et l'autre partie à parfaire le contrat en faisant procéder à l'inscription du transfert du droit à la
Conservation de la propriété foncière. »
133
Article 383 du COCC : «Le contrat doit, à peine de nullité absolue, être passé par devant un notaire
territorialement compétent sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires. » 102 Voir notamment B.
DIALLO, article précité.
134
Voir notamment B. DIALLO, article précité.
135
A. FAYE, article précité, précisément p. 265. Sur ce point, l’auteur a une position ambivalente qui laisse
perplexe. Elle est présentée en ces termes : « En définitive, la promesse, bien que librement consentie, doit être
passée devant notaire. C’est à cette condition seulement qu’elle pourra avoir un impact sur la situation des parties.
»
136
Voir nos développements sur les transactions sécurisées.
La résistance jurisprudentielle
Malgré une opposition profonde à l’admission de la forme sous seing privé de l’avant-contrat en
matière de transaction immobilière, la jurisprudence récente a opté pour le consensualisme au
détriment des parties.
En effet, traditionnellement, la jurisprudence était en faveur de l’exigence de la forme notariée de
l’avant-contrat. Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar s’est prononcé sur la question par deux
jugements dans lesquels il a considéré que le contrat de promesse synallagmatique de vente est la
vente et doit être passé devant notaire137 et que l’acte sous seing privé intitulé par les parties «
promesse synallagmatique » et comportant un accord analysé comme tel au sens de l’article 382 du
COCC est nul de nullité absolue et ne saurait être utilisé pour la perfection de la vente138.
D’autres décisions de juridictions supérieures ont abondé dans le même sens. D’abord, la Cour d’appel
de Dakar qui a qualifié de vente le contrat de promesse synallagmatique de vente et a exigé, en
conséquence, l’intervention du notaire pour sa validité139. La même juridiction a estimé que
l’attestation d’attribution de lots délivrée par une coopérative ne peut être assimilée à un contrat de
vente d’immeuble ni à une promesse de vente au sens de l’article 382 du COCC. En conséquence, il ne
peut suffire pour conférer aux héritiers un droit réel éventuel sur le titre foncier objet des lots attribués
encore moins justifier une mutation foncière140.
Ensuite, la Cour suprême a considéré que la vente, la promesse synallagmatique de vente d’un
immeuble immatriculé et la procuration donnée pour conclure de tels actes doivent, à peine de nullité
absolue, être passées par devant notaire141.
Toutefois, bien que pertinente, cette jurisprudence favorable à l’exigence de la forme notariée de
l’avant-contrat en matière de transaction immobilière se heurte à la position actuelle des Chambres
réunies de la Cour Suprême qui n’est pas pour autant une innovation. En effet, elle reprend le
raisonnement de certaines décisions antérieures qui vont le même sens.
D’abord, dès 1994, la Cour de cassation avait cassé la décision de la Cour d’appel de Dakar qui avait
considéré « d’une part, que la promesse synallagmatique de vente en matière immobilière n’est pas un
projet de vente mais s’analyse plutôt comme une véritable vente lorsque le vendeur et l’acheteur ont
donné leur consentement sur la chose et le prix et, d’autre part, que les formalités de l’acte notarié et
la mutation du titre foncier à la conservation et des droits fonciers ne sont pas des formalités de
validité de la vente mais d’opposabilité et de publicité du titre de propriété ». Pour la Haute
juridiction, le contrat de vente d’un immeuble immatriculé doit, à peine de nullité, être passé par
devant notaire alors que la promesse synallagmatique de vente n’est une vente parfaite que si ce
contrat peut être passé librement. Dès lors, le juge a opté pour la validité de la promesse
synallagmatique sous la forme sous seing privé au motif qu’à l’époque de la signature des actes sous
seing privé les parties avaient entendu subordonner la réalisation de la vente à l’établissement d’un
137
TRHCD, 9 septembre 1997, inédit
TRHCD, jugement n° 2125, 12 décembre 2006, inédit.
139
CA Dakar, arrêt n° 474, 17 Août 2001, inédit.
140
CA Dakar, Arrêt n° 875, 15 décembre 2006, inédit.
141
CS Sénégal, arrêt n° 79 du 16 juillet 2008, Revue Droit et Ville, n° 71, 2011, p. 175-197, n° 31, Obs. B.
DIALLO. Dans cet arrêt, le juge a rappelé que la perfection de la vente d’un immeuble immatriculé ne peut être
réalisée sur la base d’un acte sous seing privé.
138
acte notarié. Donc, pour le juge, il existe deux actes : d’une part la promesse synallagmatique de vente
qui peut être sous seing privé et d’autre part la vente qui doit revêtir la forme d’un acte notarié142.
Ensuite, la Cour d’appel de Dakar a estimé que l’engagement d’un titulaire de titres fonciers de les
céder et la levée de l’option du bénéficiaire de cet engagement constituent une promesse
synallagmatique de contrat et s’analysent en avant-contrat.
L’article 382 du COCC n’exige aucune forme pour sa validité mais plutôt oblige les parties à parfaire
le contrat en faisant procéder à l’inscription du transfert du droit à la Conservation de la propriété et
des droits fonciers. Seul le contrat de vente ne se forme qu’au moment de sa passation devant un
notaire. Toutefois, la promesse de contrat ne fait peser sur la tête des parties qu’une obligation de faire
et ne saurait à elle seule entrainer le transfert de la propriété des immeubles promis à la vente.
L’inexécution de l’obligation du promettant doit être sanctionnée par l’allocation de dommages et
intérêts au bénéficiaire de l’offre et non par l’injonction faite au Conservateur de la propriété foncière
de procéder à la mutation des immeubles litigieux.
Le juge, dans cette affaire, considère que la perfection de la vente s’effectue en deux temps : d’abord
obligation pour les parties d’établir un acte notarié de vente, ensuite, obligation de procéder à
l’inscription du transfert du droit à la Conservation de la propriété et des droits fonciers143. Ce qui est
contraire à la consistance légale de la notion de « perfection de la vente ». D’ailleurs, cette décision a
été attaquée et, par arrêt n° 03 du 2 janvier 2008, la Chambre Civile de l’ancienne Cour de cassation,
après avoir constaté la récurrence de moyen de cassation, a saisi les Chambres réunies pour qu’il soit
statué sur le litige.
Les Chambres Réunies de la Cour suprême ont, dans un arrêt du 19 juin 2012144, rejeté le pourvoi et
retenu expressément l’admission de la forme sous seing privé de la promesse synallagmatique de vente
de droits réels immobiliers immatriculés. L’attendu principal de cet arrêt est énoncé comme suit : «
Mais attendu que, contrairement à la jurisprudence invoquée par le moyen, les dispositions des
articles 321, 322, 323, 382 et 383 du COCC n’exigent aucune forme particulière pour la validité de la
promesse synallagmatique de contrat ou avant-contrat qu’il faut distinguer du contrat, lequel,
lorsqu’il s’agit d’un immeuble immatriculé, doit être passé, à peine de nullité absolue, par devant
notaire sauf dispositions législatives ou règlementaires contraires ; que la promesse synallagmatique
de contrat oblige les parties à parfaire le contrat. »
Cette position est contraire à celle majoritaire et traditionnelle de la jurisprudence sénégalaise qui
exigeait la forme notariée pour la promesse synallagmatique de vente de droits réels immobiliers
immatriculés.
Toutefois, bien qu’il s’agisse d’un arrêt dit de principe, l’impact de cette décision reste insignifiant
dans la pratique. En effet, l'affirmation nette d'une solution par la Cour Suprême ne suffit pas à
donner à la solution jurisprudentielle le caractère de norme juridique établie ; faut-il encore
l’assentiment donné à la solution par les intéressés145. La résistance jurisprudentielle que cette
décision porte en elle ne peut s’opposer, à armes égales, à la volonté sécuritaire du législateur et à la
142
Cass, Chambre civile et commerciale, n° 44, 19 janvier 1994, inédit.
CA Dakar, n° 21, 15 janvier 2004, inédit.
144
CS du Sénégal, Chambres réunies, arrêt n° 11, 19 juin 2012, CBAO c/ Express Transit, inédit. Vu l’importance
d’une telle décision, nous espérons la retrouver dans le prochain bulletin des arrêts de la Cour Suprême du Sénégal.
145
P. ROUBIER, cité par Maury, Observations sur la jurisprudence en tant que source de droit. Le Droit privé
français au milieu du XXe siècle, Etudes offertes à G. Ripert, P, 43.
143
réalité des transactions immobilières. Au contraire, elle conforte la position de l’exigence de la forme
notariée de l’avant-contrat dans les transactions immobilières car, même avec l’intervention du
notaire, l’acte établi, quelle que soit sa qualification, restera toujours un avant-contrat tant que la
formalité de l’inscription au Livre Foncier n’aura pas été effectuée. Cette authenticité des
transactions immobilières au Sénégal qui renforce la sécurité juridique146 fait face, sur deuxième
front, à la contestation de son champ d’application.
B- La contestation du champ d’application de l’exigence
de forme notariée
La vigueur de l’opposition quant à la question du moment de l’intervention du notaire dans les
transactions immobilières est sans commune mesure avec celle relative à la question de son champ
d’application. Si la première a trait à la technique contractuelle, la seconde, elle, est liée à la structure
des droits réels immobiliers.
Cette dernière question résulte fondamentalement des difficultés d’appréhension du droit des biens en
général147, du droit immobilier en particulier. En effet, l’application de l’exigence d’intervention du
notaire est subordonnée à l’existence d’un droit réel immobilier objet de la transaction immobilière. Ce
qui nécessite la qualification dudit droit objet de la transaction.
Le droit réel immobilier n’existe que lorsque l’immeuble sur lequel il porte est immatriculé au Livre
Foncier. L’article 19 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière
énumère les droits réels immobiliers148. Audelà certaines règles particulières les précisent en cas de
besoin149. Mais, même devant cette liste de droits réels immobiliers, le choix peut rester difficile. Or,
selon la qualification donnée au droit, son régime diffère.
C’est ainsi que, dans la pratique, est naît, de manière sournoise, une contestation de l’intervention du
notaire dans certaines transactions immobilières. Les transactions exclusivement concernées sont
celles ayant pour objet un droit au bail, plus communément appelé « bail administratif », plus
précisément, la cession de droit au bail. La pratique est d’ailleurs parvenue à la rebaptiser du nom de «
cession des peines et soins ». Les parties réalisent librement leur opération par le biais d’une «
attestation de cession des peines et soins » ou s’offrent les services d’un huissier de justice et, parfois,
d’un commissaire de police. Lorsque l’huissier de justice intervient, l’acte prend la dénomination de «
procès-verbal de cession de peines et soins ». Or, le droit au bail ainsi cédé est un droit réel immobilier
au sens de l’article 19 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière.
146
Voir notamment CA Dakar, arrêt n° 73 du 30 janvier 2009. Dans cet arrêt, le juge a engagé la responsabilité du
notaire qui, dans une vente immobilière, ne procède pas à la mutation du bien vendu. Ce manquement est d’autant
plus grave que le formalisme rigoureux exigé en matière immobilière s’explique en grande partie par le besoin de
sécuriser les transactions immobilières, la vente n’étant pas encore parfaite sans la mutation de l’immeuble.
147
L’étude du droit des biens est encore dans plusieurs de nos universités africaines considérée comme un
enseignement complémentaire voire subsidiaire. Or, il n’est plus à démontrer que le droit des biens est au cœur du
droit car étant un moyen indispensable pour l’essentiel des autres disciplines juridiques (sûretés, voies d’exécution,
sociétés, successions, procédures collectives, contrats…). Cette petite place réservée au droit des biens justifie
ensuite les lacunes constatées sur certains points. Les universités africaines gagneraient donc à faire du droit des
biens une discipline fondamentale dans la formation juridique.
Ce sont la propriété des biens immeubles, l’usufruit des mêmes biens, les droits d’usage et d’habitation,
l’emphytéose, le droit de superficie, les servitudes et services fonciers, les privilèges et hypothèques.
148
149
Voir notamment les articles L 115 et L 120 du Code de la construction qui qualifient respectivement le bail à
construction et le bail à réhabilitation de droits réels immobiliers
La méconnaissance de cette qualification n’est pas seulement le fait des parties, de l’huissier ou du
commissaire de police. Il a pu être jugé que la cession des peines et soins ne nécessite pas
l’intervention du notaire, le concours d’un notaire pour l’établissement d’un acte de cession n’étant
requis que lorsque l’objet de la transaction est un immeuble immatriculé au sens de l’article 383 du
COCC. Le juge a estimé que la cession des peines et soins édifiés sur une parcelle de terrain à usage
d’habitation dont le titre foncier appartient à l’Etat par son attributaire par acte sous seings privés dit «
attestation de cession des peines et soins » est valable150. Il apparaît clairement que le juge, dans cette
affaire, a considéré que l’exigence de la forme notariée de la transaction immobilière est à réserver au
seul cas où l’objet de la transaction est le titre foncier et l’une des parties son titulaire.
Cette décision restreint le champ d’application de l’exigence d’intervention du notaire aux seules
transactions immobilières portant sur le droit de propriété immobilière. Or, il résulte des dispositions
des articles 383 du COCC et 19, 20 et 47 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la
propriété foncière un champ d’application plus large, celui des immeubles immatriculés, donc de tous
les droits réels immobiliers dont l’existence, la validité et l’opposabilité aux tiers sont subordonnées à
l’inscription au Livre Foncier. Dès lors, cette disposition ne peut être écartée du seul fait que le
titulaire du titre foncier est l’Etat ou une collectivité publique. La présence de telles personnes morales
de droit public ne peut écarter l’exigence d’intervention du notaire que lorsque la personne morale de
droit public en question est partie à la transaction immobilière151.
En conséquence, le contrat portant sur le droit au bail ou tout autre droit réel immobilier immatriculé
exige l’intervention d’un notaire. Lorsque celle-ci fait défaut, le contrat est nul et de nullité absolue121.
En revanche, dans le cas où le notaire intervient, cette intervention ne crée pas le contrat, l’acte n’étant
qu’un avant-contrat qui doit être parfait par l’inscription au Livre Foncier matérialisant la conclusion
du contrat définitif.
***
Nous pouvons donc conclure par une affirmation sans ambages : les transactions immobilières en droit
sénégalais sont des contrats solennels, non seulement parce qu’elles nécessitent l’intervention du
notaire, mais également parce que leur perfection est subordonnée à l’accomplissement de la formalité
d’inscription au Livre Foncier. Cette solennité est gage de sécurité de ces opérations. L’intervention du
notaire est indispensable dans la période contractuelle pour l’établissement de l’avant-contrat notarié
nécessaire à l’accomplissement de la publicité foncière.
L’exigence d’une telle intervention est dans une optique sécuritaire. Le notaire, de par ses obligations
légales, est juge de la licéité des conventions. Il est un officier public institué pour recevoir les actes et
contrats auxquels les parties veulent ou doivent donner le caractère de l’authenticité attaché aux actes
de l’autorité publique pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses,
expéditions et extraits152. Il est l’arbitre impartial des contrats qu’il reçoit et le conseil des parties153 : il
CA Dakar, arrêt n° 629, 06 août 2010, Bulletin des arrêts de la Cour d’appel de Dakar, Matières civile et
commerciale, n°1, 2011, arrêt n° 22.
151
Alinéa 2 de l’article 47 de la Loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière. 121
Article 383 du COCC.
152
Article 1er alinéa 1 du décret statutaire précité.
153
Code de déontologie des notaires précité, section I, dernier alinéa.
150
est un tiers à l’acte154. D’ailleurs son intervention est, dans une large mesure, subordonnée à
l’existence d’une telle qualité. Sa fonction d’authentificateur n’est pas une fonction de simple scribe ;
il n’est pas un écrivain public. Il est investi d’une fonction active qui participe à l’instauration de la
sécurité juridique, de la sécurité des transactions. Aussi, doit-il veiller à l’efficacité des actes qu’il
instrumente et la jurisprudence applique cette exigence tant à l’efficacité technique qu’à l’efficacité
pratique155.
Il est « l’assurance tout risque » du client. Le conseil qu’il prodigue aux parties est une obligation
légale156 qui lui impose de leur fournir les moyens juridiques appropriés aux objectifs qu’elles
déclarent poursuivre et de les informer des caractéristiques techniques des moyens ainsi mis en œuvre
et de leurs conséquences. Quant à l’authentification qu’il réalise, elle est l’un des objectifs essentiels
de son intervention et de l’établissement d’un acte notarié127. Elle porte sur la datation de l’acte, le
contrôle de l’identité des parties, l’objet de la transaction et la signature.
Toutes ces diligences du notaire nous confortent dans l’appréciation que nous faisons de la sécurité des
transactions immobilières que la réforme foncière en cours ne saurait ébranler157. Toutefois, cette
sécurité ne peut être atteinte de manière incontestable qu’avec le concours de l’administration chargée
non seulement d’informer le notaire sur les droits réels portant sur l’immeuble immatriculé et leurs
titulaires, mais également de réaliser la perfection de la transaction immobilière. En effet, les
dysfonctionnements du Bureau de la Conservation de la propriété et des droits fonciers peuvent
impacter lourdement et négativement sur les services offerts par le notaire158. Un fonctionnement
défectueux du système de coordination entre notaire et Bureau de la Conservation de la propriété et
des droits fonciers peut donc donner naissance à une transaction immobilière défectueuse. Par
conséquent, la diligence est attendue de tous les acteurs de la transaction immobilière pour que
demeurent sacrés la terre, les droits qui portent sur elle et, partant, la transaction immobilière qui
portent sur ces derniers.
Document :
Terré F., Ph. Simler., Lequette Y., Droit civil, Les obligations, 10e éd., 2009, pp. 194-197.
187 b) La « punctation ». Lorsque la négociation est longue et délicate, les intéressés éprouvent parfois
le besoin de marquer une pause et de dresser le bilan des points sur lesquels ils sont d’ores et déjà
d’accord. La terminologie employée pour désigner cette pratique est flottante. Certains utilisent le terme
allemand de « punctation », d’autres préfèrent parler d’accord de principe. Mais au-delà de cette
diversité sémantique, les problèmes juridiques sont les mêmes.
1) Le contrat se formant alors par étapes, par couches successives, quel est le seuil qui sépare les
pourparlers de la conclusion du contrat ? En d’autres termes, , quand le point de non-retour est-il atteint ?
Il faut toutefois préciser que la qualité de tiers du notaire n’est pas absolue dans tous les cas. En effet, en matière
immobilière, le notaire légalement chargé d’accomplir les formalités de publicité foncière ne peut revendiquer la
qualité de tiers quant à l’inopposabilité de l’acte pour défaut de publicité ; sa mauvaise foi serait d’ailleurs
manifeste.
155
J.-L. AUBERT, Responsabilité professionnelle des notaires, Ed. Répertoire du Notariat Defrénois, 1981, n° 59.
156
Article 1er alinéa 3 du Décret statutaire. 127
Article 1er alinéa 1 du Décret statutaire.
157
Une Commission de réforme est constituée pour discuter et proposer une refonte du droit foncier sénégalais.
158
Un état de droits réels incomplets peut fausser toute l’économie de la transaction immobilière.
154
2) A supposer que l’accord de principe ne vaille pas conclusion du contrat définitif, quels sont les
effets qui en découlent ?
188 Seuil à partir duquel le contrat est réputé conclu. A la différence de certaines codifications
étrangères plus tardives – Code civil allemand (BGB), Code des obligations suisse – le Code civil
français n’énonce, en la matière, aucune directive générale. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenu,
ici encore, le soin de poser les principes. Elle l’a fait en s’inspirant de la philosophie volontariste qui
anime notre droit, ainsi que des dispositions propres à certains contrats, notamment l’article 1583 du
Code civil relatif à la vente. Le contrat est réputé formé dès qu’il y a accord sur les éléments essentiels.
Encore faut-il préciser exactement la portée de cette proposition. En principe suffisant, l’accord sur
les éléments essentiels ne le sera plus si les parties ont entendu subordonner la conclusion de leur contrat
à une rencontre de volontés sur tel ou tel point accessoire : modalités de paiement, garantie de paiement.
De secondaire, celui-ci devient alors essentiel par la seule volonté des parties. La position de la haute
juridiction est, au demeurant, excellemment formulée dans un arrêt du 14 janvier 1987 : « La vente est
parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et le défaut d’accord définitif sur
les éléments accessoires de la vente, à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat
jusqu’à la fixation de ces modalités ».
La solution ainsi consacrée diffère de celle de certains droits étrangers. Selon l’article 154 du BGB :
« Tant que les parties ne sont pas tombées d’accord sur tous les points d’un contrat qui, ne fût-ce que
d’après la déclaration de l’une seulement d’entre elles, devaient être l’objet de la convention, le contrat
dans le doute n’est pas conclu. L’entente des parties sur quelques points particuliers ne suffit pas à les
lier, même lorsqu’elle a été suivi d’un projet rédigé par écrit ». Quant à l’article 2 du Code des
obligations suisse, il dispose : « Si les parties se sont mises d’accord sur tous les ponts essentiels, elles
sont présumées avoir entendu s’obliger définitivement, encore qu’elles aient réservé certains points
secondaires ; A défaut d’accord sur ces points secondaires, le juge les règle en tenant compte de la nature
de l’affaire ».
C’est dire que la position du droit français est intermédiaire entre celles des droits allemand et suisse.
L’absence d’accord sur les points accessoires, obstacle à la conclusion du contrat en droit allemand mais
non en droit suisse, ne le sera en droit français que si les parties ont entendu retarder la formation du
contrat jusqu’à la fixation de ces modalités. D’une souplesse plus grande, la position française laisse
aux juges du fond une certaine liberté puisque ceux-ci apprécient souverainement, sous réserve du
contrôle de dénaturation, l’intention des parties. Aussi bien ne saurait-on trop insister sur la nécessité
pour celles-ci de préciser exactement la portée de leur accord. Ainsi est-il recommandé aux négociateurs
qui ne veulent pas risquer d’être engagés de qualifier leur accord récapitulatif de simple projet.
Inversement, ceux qui souhaitent que le processus contractuel aille jusqu’à son terme devront indiquer
que les points secondaires non réglés seront résolus par application des règles supplétives de volonté ou
encore par un tiers sur la désignation duquel ils s’accordent ou dont ils confient la désignation aux
magistrats. En revanche, un accord par lequel les parties qualifieraient d’essentiels certains éléments du
contrat et rejetteraient dans le domaine de l’accessoire tous les autres éléments, y compris ceux qui sont
traditionnellement qualifiés d’essentiels, ne saurait valoir conclusion du contrat définitif.
189 Effets secondaires. Lorsque l’accord de principe ne vaut pas conclusion du contrat définitif, il
n’est pas pour autant dépourvu de tout effet juridique.
Tout d’abord, en fixant par écrit les éléments d’un accord partiel, les intéressés s’obligent à poursuivre
loyalement les négociations en vue de parvenir à la conclusion du contrat projeté. La « punctation »
n’est qu’une étape dans le processus d’élaboration du contrat et le refus de poursuivre les négociations
équivaudrait à une rupture fautive des pourparlers. Ce n’est pas à dire pour autant que ces pourparlers
devront aboutir nécessairement à la conclusion du contrat ; les parties se sont simplement engagées à ne
pas remettre en cause certains acquis de la négociation et à poursuivre les négociations de bonne foi
pour compléter l’accord partiel. Au cas où il ne serait pas satisfait à cette obligation de moyens, des
dommages-intérêts pourraient être dus.
Ensuite, et à supposer le contrat définitif ultérieurement conclu, l’accord de principe peut conserver
un intérêt dans la mesure où, jouant en quelque sorte le rôle de travaux préparatoires, il permet d’éclairer
la volonté réelle des parties. Dans la pratique, il est fréquent que les grands contrats comportent un
préambule qui règle le sort et la portée des documents précontractuels.
Document n° 5
Gautier P.-Y., Rebondissement dans le feuilleton du pacte de préférence : un deuxième arrêt, connexe à
celui de la Chambre mixte, Recueil Dalloz, 2006, pp. 2510-2512.
VENTE
Rebondissement dans le feuilleton du pacte de préférence : un deuxième arrêt, connexe à celui de
la chambre mixte.
SOMMAIRE DE LA DECISION
L’acquéreur de la parcelle litigieuse étant censé connaître l’existence du pacte de préférence en raison
de l’opposabilité aux tiers des actes de donation-partage qui ont été publiés à la conservation des
hypothèques, une cour d’appel peut décider que l’acquéreur a commis une faute de négligence en
omettant de s’informer précisément des obligations mises à la charge de son vendeur.
Cour de cassation, 1ére civ. 11 juil. 2006
La COUR : Donne acte aux consorts P...de leur reprise d’instance an tant qu’héritiers de Daurice P...,
décédé le 25 septembre 2003 ; - Attendu qu’une donation-partage du 18 décembre 1957, contenant un
pacte de préférence a attribué à Adèle A...un bien immobilier situé à Haapiti ; Qu’une donation-partage
du 7 août a attribué à M. Ruini A..., une parcelle dépendant du bien mobilier ; que, par acte reçu le 3
décembre 1985 par M. S..., notaire, M. A... a vendu la parcelle à la SCI E... ;
Sur le premier moyen ;- Attendu que MS... et la SCI E... font grief à l’arrêt attaqué (CA Papeete, 13
février 2003) d’avoir dit que le pacte de préférence n’a pas été respecté à l’égard de Daurice P... et de
les avoir déclarés avec M. A... responsable de ce préjudice et tenus de le réparer in solidum, alors, selon
le moyen, qu’ils soutenaient dans leurs conclusions d’appel que la SCI, conjointement avec MA...avait
offert à Mme P... d’exercer son droit de préférence par lettre recommandée du 7 août 1987 et qu’en
estimant néanmoins que ce droit avait été méconnu et qu’en préjudice en résultait, au seul motif que
cette offre n’avait pas notifiée le 3 décembre 1985, sans expliquer en quoi l’offre qui lui avait été
adressée ultérieurement ne lui permettait pas d’acquérir la parcelle litigieuse par préférence à la SCI
E..., qui y avait ainsi consenti expressément, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu’en décidant que M. A... avait violé le pacte de préférence à l’égard de Daurice P...pour
avoir omis de lui proposer la vente projetée, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que M.S... et la SCI E... font encore grief à l’arrêt attaqué d’avoir
déclaré M. S... responsable du préjudice subi par Daurice P... du fait de la violation du pacte de
préférence et tenu, in solidum avec M. A... et la SCI E..., de la réparer, alors selon le moyen, que
l’obligation pour le débiteur d’un pacte de préférence de ne pas vendre à autrui le bien qui en est l’objet
relève de l’obligation d’exécuter de bonne foi ses obligations contractuelles, de sorte que nul ne peut
voir sa responsabilité engagée pour ne pas lui avoir rappelé ce principe, et qu’en estimant néanmoins
que M. S... avait commis une faute en ne rappelant pas à M. A... qu’il devait éxécuter de bonne foi le
pacte de préférence dont il se savait débiteur, la cour a violé les articles 1134, 1147 et 1382 du code
civil ;
Mais attendu que, tenu de conseiller les parties et d’assurer l’efficacité des actes dressés, le notaire
ayant connaissance d’un pacte de préférence doit, préalablement à l’authentification d’un acte de vente,
veiller au respect des droits du bénéficiaire du pacte et, le cas échéant, refuser d’authentifier la vente
conclue en violation de ce pacte, qu’en l’espèce, la cour d’appel a décidé à bon droit que M.S... avait
engagé sa responsabilité, en n’ayant pas, d’une part en sa qualité de professionnel du droit et des
transactions immobilières, incité M. A... et la SCI E...à respecter les droits des bénéficiaires du pacte,
d’autre part, fait référence au pacte de préférence dans l’acte de vente, tout en ayant mentionné le second
acte de donation-partage qu’il avait lui- même authentifié ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :- Attendu que M. S... et la SCI E... font grief à
l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la SCI E... responsable du préjudice subi par Daurice P... du fait de la
violation du pacte de préférence et tenu, in solidum avec M. S... et M. A... de le réparer , alors selon le
moyen : 1- qu’un pacte de préférence, qui s’analyse en une promesse de vente conditionnelle n’est pas
une restriction au droit de disposer soumise à la publicité obligatoire, de sorte que sa publication ne
suffit pas à établir la connaissance qu’en auraient les tiers, et qu’en estimant néanmoins qu’en raison de
la publication du pacte de préférence stipulé dans les donations-partages de 1957 et 1985, la SCI. E...
était censée en avoir connaissance et qu’elle avait donc commis une faute en achetant le terrain qui en
constituaient l’objet, la cour d’appel a violé les articles 28-2 et 37-1 du décret du 4 janvier 1955,
ensemble l’article 1382 du code civil ; 2- que l’acquéreur, serait-il un professionnel de l’immobilier,
n’est pas tenu de s’informer de l’existence des droits de préférence dont son vendeur pourrait être
débiteur et qu’en retenant la responsabilité de la SCI E... au seul motif qu’elle était prétendument tenue
de s’informer des obligations dont pouvait être tenu son vendeur, la cour d’appel a violé les articles
1147 et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant précédemment retenu que la SCI E... était censé connaître l’existence du pacte
de préférence en raison de l’opposabilité aux tiers des actes de donation-partage qui avaient été publiés
à la conservation des hypothèques, la cour d’appel a pu décider que la SCI E... avait commis une faute
de négligence en omettant de s’informer précisément des obligations mise à la charge de son vendeur ;
que le moyen, qui est sans portée en sa première branche et qui manque en fait en sa seconde, ne peut
être accueilli ;
Par ces motifs, rejette (...).
Note de Pierre-Yves Gautier
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)
1-Mais pourquoi les pourvois n’ont-ils pas été pas été joints ? C’est la question que se pose le lecteur
de l’arrêt ci-dessus : mêmes faits, mêmes parties, même procédure, c’est bien la même affaire que celle
qui a donné lieu à la décision spectaculaire rendue par la chambre mixte, quelques semaines plus tôt. Le
trouble repose dans la réponse du troisième moyen.
On se souvient qu’une donation-partage sur un immeuble, contenant un pacte de préférence, avait fait
l’objet d’une publicité foncière ; puis, de nombreuses années après, l’ayant cause avait lui-même
transmis le bien pour partie à un nouvel attributaire, l’acte rappelant l’existence de l’avant-contrat et
ayant lui-même fait à son tour l’objet d’une publicité. Quatre mois plus tard, le propriétaire vend la
chose à un tiers, une SCI, par acte authentique, sans l’avoir au préalable proposée au bénéficiaire.
Celui-ci assigne le débiteur de la préférence et le tiers, afin d’obtenir l’exécution forcée du pacte, c‘est
è dire sa substitution à l’acheteur ; il réclame subsidiairement des dommages et intérêts aux mêmes
parties, ainsi qu’au notaire, qui avait instrumenté la deuxième donation-partage et l’acte de vente, pour
la faute commise par lui de n’avoir pas mis en garde les parties, du fait du pacte dont tout le monde avait
connaissance par la publicité foncière et d’avoir ainsi collaboré à la méconnaissance de ses droits.
Les juges du fond, semble t-il dans un même arrêt, déboutent le bénéficiaire de sa demande d’exécution
forcée, mais accueillent sa réclamation pécuniaire en retenant le principe de l’obligation des trois
défendeurs à l’indemniser.
Deux pourvois sont alors formés : l’un par le bénéficiaire, l’autre par le notaire et le tiers-acquéreur.
Les instances auraient raisonnablement dû être jointes, à la fois parce que les pourvois ont été formés
contre le même arrêt et que les questions juridiques sont étroitement liées. Pour une raison qu’on ignore,
elles ne l’ont pas été : une chambre mixte a été désignée pour connaître du pourvoi du bénéficiaire, c’est
l’arrêt du 26 mai ; et celui des défendeurs vient de faire l’objet de l’arrêt du 11 juillet.
2- On connaît la solution adoptée par la Chambre mixte : spectaculaire revirement de jurisprudence sur
la possibilité théorique d’annuler l’acte conclu avec le tiers et de lui substituer le bénéficiaire, mais
exigence supplémentaire de la preuve de ce que le premier ait eu « connaissance de l’intention » du
second de faire valoir son droit, de sorte que cette double preuve psychologique étant pratiquement
impossible à rapporter, pas d’exécution en nature.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là et se poursuit avec l’arrêt du 11 juillet, deuxième épisode :
- La responsabilité contractuelle du propriétaire est retenue par la décision qui approuve les juges du
fond de l’avoir tenu pour obligé in solidum avec les deux autres d’indemniser le bénéficiaire. C’est
logique, dès lors que l’exécution a été écartée, même si on peut le regretter : il faut bien que le fautif
répare d’une manière ou d’une autre, ici, en argent. Mais, en même temps, c’est un retour à la case
départ, c’est-à-dire l’article 1142 du code civil.
En examinant ce moyen, l’arrêt nous fournit une indication de fait précieuse : deux ans après la vente,
le propriétaire et la SCI auraient finalement offert au bénéficiaire d’exercer sa préférence. Il confirme
également qu’au jour de la vente aucune notification du projet n’avait eu lieu auprès du bénéficiaire.
- La responsabilité civile du notaire est également retenue, car connaissant le pacte et alors qu’il est un
professionnel, il n’aurait pas dû authentifier la vente avec le tiers et, au contraire des droits du
bénéficiaire, de nature à mettre en péril l’efficacité de la vente. Là encore, c’est assez classique.
- Il reste la situation du tiers, qui se plaint d’avoir été tenu pour coresponsable ; voici ce que la première
Chambre civile lui répond, en rejetant son pourvoi : la société « était censée connaître l’existence du
pacte de préférence en raison de l’opposabilité aux tiers des actes de donation-partage qui avaient été
publiés à la conservation des hypothèques... (de sorte que) la SCI avait commis une faute de négligence
en omettant de s’informer précisément des obligations mises à la charge du vendeur ».
L’arrêt écarte à cet effet à juste titre la distinction subtile, relative à l’effet de la publicité d’un pacte
de préférence, selon qu’elle est obligatoire ou facultative.
C’est sur le cas du tiers acquéreur seulement qu’on formulera quelques observations puisque c’est lui
qui constitue la barrière ayant entravé l’exécution forcée, selon l’arrêt du 26 mai.
C’est sa responsabilité, les détails livrés par l’arrêt du 11 juillet et la façon dont son obligation de
réparation se trouve énoncé par celui-ci, qui mettent en effet mal à l’aise et vont conduire à poser à
nouveau la question de l’exécution en nature.
3- La cour de cassation relève clairement que le tiers était au courant ou en tout ca censé l’être, du fait
de la publicité foncière et qu’il aurait dû se montrer plus curieux (« omettant de s’informer précisément
des obligations mises à la charge de son vendeur »).
C’est plus qu’une négligence, mais s’apparente à de la mauvaise foi : le tiers ne pouvait ignorer le
pacte, énoncé dans pas moins de deux actes ayant fait l’objet d’une publicité, le second étant en outre
rappelé dans la vente ; il s’est pourtant gardé de s’en enquérir plus avant auprès du propriétaire.
Rappelons la définition de la mauvaise foi : « s’agissant de priver l’intéressé du bénéfice de l’ignorance
ou de l’apparence, attitude de celui qui se prévaut d’une situation juridique dont il connaît (ou devrait)
connaître les vices ou le caractère illusoire ». Ici, cela y ressemble beaucoup.
D’autant plus que l’acheteur n’était pas un particulier, une personne physique, un consommateur, mais
une société civile immobilière, a priori professionnelle elle aussi : l’adoption de cette forme sociale
repose sur des mobiles économiques de rentabilité, de profit ou d’économie, notamment aux fins
d’opérations immobilières.
L’acquéreur était ainsi tenu d’un devoir de s’informer : quand le contractant pourrait avoir accès
facilement à l’information et qu’il ne peut s’abriter derrière une ignorance légitime, c’est en effet à lui
de « prendre les informations convenables ». Ce qui vaut dans les rapports inter partes qu’avec les tiers
auxquels son comportement peut causer un dommage.
On se remémore le Discours préliminaire de Portalis : « un homme qui traite avec un autre homme
doit être attentif et sage ; il doit veiller à son intérêt, prendre les informations convenables et ne pas
négliger ca qui est utile ». Ce qui vaut par a priori pour une personne morale, professionnelle et familière,
par son secteur d’activité même, de la publicité foncière, ainsi que des avant-contrats.
4- Pourquoi, dans ces conditions, ne pas déclarer l’acte inopposable au bénéficiaire, de la même façon
que par exemple, en matière de fraude paulienne ?
Rien n’empêcherait ainsi la substitution du bénéficiaire pour sanctionner en nature la responsabilité
du tiers acquéreur. Les deux arrêts se sont contentés du principe d’une indemnisation pécuniaire, que
l’acheteur a néanmoins trouvé trop lourd, puisqu’il a formé un pourvoi, alors qu’il a tout de même
échappé au transfert forcé de la chose.
5- Il ne reste plus guère, si l’on combine les arrêts des 26 mai et 11 juillet, que la condition assez
artificielle de la « connaissance par le tiers de l’intention » du bénéficiaire de se prévaloir de son droit.
Cependant, dans la note précédente, on avait tenté de démontrer que cette preuve manque de pertinence,
pour la raison qu’au moment de la vente le bénéficiaire n’a aucune « intention » particulière, tout
simplement parce qu’il n’a pas été informé, le projet de vente ne lui ayant pas été notifié.
Pour avoir une intention, il faut être au courant de la décision du propriétaire de vendre – c’est un
pacte, pas une promesse, on n’est pas sûr qu’il se déterminera à céder son bien, ni à quel moment. En
l’espèce, l’arrêt du 11 juillet précise nettement que le bénéficiaire n’était pas au courant, le projet ni la
vente ne lui ayant été notifiés.
Pourtant, l’acte aurait, par exemple pu contenir une condition suspensive de la non-levée de l’option
par le bénéficiaire, clause qu’on rencontre assez fréquemment en technique contractuelle, notamment
dans le droit de la distribution. Ce n’est que deux ans après que les intéressés semblent avoir voulu se
rattraper, en lui notifiant (ce qui est assez curieux) l’offre de vente.
6- A moins qu’on interprète la condition posée par la Chambre mixte comme l’intention du
bénéficiaire non pas d’acheter, mais seulement de conserver son droit, à l’aveuglette, c’est-à-dire de
faire savoir périodiquement au propriétaire qu’il n’entend pas perdre son option, alors même qu’il ignore
complètement si son cocontractant entend garder la chose ou la céder.
Son inaction se verrait alors sanctionnée par une déchéance sans texte, ce qui serait un renversement
de l’ordre naturel des choses, s’apparentant à une sorte d’obligation d’interruption périodique de la
prescription. Le titulaire d’un droit d’option subordonné à la décision d’autrui n’a rien d’autre à
entreprendre que d’attendre que celui-ci fasse connaître ce qu’il a finalement arrêté.
Rappelons, par comparaison, que le droit du bénéficiaire d’un pacte de préférence n’est pas
prescriptible, tant que son débiteur ne l’a pas informé de sa décision de vendre, au surplus, l’on sait que
la même Cour de cassation considère que l’avant-contrat reste valable, ne fût-il enfermé dans aucun
délai.
7- Cette exigence de diligence à la charge du bénéficiaire constituerait une contrainte très mal
commode (notification à une date anniversaire ?) et une condition que ni la loi, ni la logique, ni la justice
contractuelle n’imposent ; en outre, une telle manifestation de volonté ne peut être pratiquement adressée
qu’au propriétaire, puisque c’est lui seul que connaît le bénéficiaire et pas aux tiers du monde entier,
acquéreurs potentiels de la chose. Sauf bien entendu si le bénéficiaire a eu vent du projet et connaît ou
pressent l’identité du ou des possibles acheteurs, ce qui ne semble pas avoir été ici le cas.
La « connaissance » par l’acquéreur de l’intention du bénéficiaire est de ce fait une preuve impossible :
si le propriétaire a mis la lettre recommandée annuelle du bénéficiaire dans un tiroir ou à la corbeille,
qu’en saura le tiers ?
De toute façon, cela ne tient pas : connaissant le pacte, le tiers devrait se montrer plus curieux, on
tourne en rond. Il faut donc le marteler : tant « l’intention » du bénéficiaire que sa « connaissance » par
le tiers supposent la notification préalable au premier par le propriétaire, soit du projet d’acte, soit de la
vente conclue sous condition suspensive, soit tout simplement de sa décision de principe de céder son
bien.
8- Mis bout à bout, les deux arrêts manquent un peu de réalisme et risquent d’être cruellement ressentis
par tous les bénéficiaires de pactes, dans l’immense secteur couvert par ceux-ci, de l’immobilier aux
sociétés civiles et commerciales, en passant par le monde de la culture et du spectacle, ou de la
distribution.
Ces décisions créent, en effet, une certaine insécurité pour les bénéficiaires de toutes sortes, qui ne
doivent s’attendre au mieux, en cas de violation du pacte, qu’à recevoir des dommages intérêts. Et,
corrélativement, les propriétaires et tiers complices savent qu’ils pourront ainsi s’en sortir par une
allocation en argent, sans remise en cause des actes conclus en violation du pacte, même si en l’espèce
ils ont trouvé que c’est déjà trop.
L’exécution en nature est autant affaire de morale et de sécurité que d’analyse économique du droit.
Bis repetita placent : il est souhaitable de tirer toutes les conséquences de la nouvelle position adoptée
par la Cour de cassation sur la substitution d’acquéreur.
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