1 ESSD AFTSD Programme RuralStruc Implications structurelles de la libéralisation pour l’agriculture et le développement rural Note de cadrage Version révisée du 20/10/2005 1 Traduction du document original en anglais 1. Contexte et objectifs Le débat actuel sur la libéralisation s’articule étroitement à deux grands chantiers internationaux : les Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies (OMD) et le Cycle du développement de Doha (CDD) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans les deux cas, l’agriculture fait l’objet d’un intérêt renouvelé et les travaux les plus récents ont clairement montré son rôle décisif pour une « croissance favorable aux pauvres » (Banque mondiale 2005a). Ainsi, le premier OMD (réduire de moitié la pauvreté et la faim d’ici à 2015) est clairement lié à l’agriculture, dans la mesure où 70 % des pauvres de la planète (45 % de la population mondiale) vivent dans les campagnes et où les populations rurales restent tributaires, pour l’essentiel, de l’agriculture. De même, dans le cadre du présent cycle de l’OMC, l’agriculture est devenue une question centrale compte tenu des asymétries entre pays en matière de soutiens publics et d’accès aux marchés. Depuis l’échec de la Conférence ministérielle de Cancún, elle constitue la pierre d’achoppement et elle a beaucoup contribué à politiser le débat. Des années 1960 au début des années 1980, le progrès technique et la révolution verte ont joué un rôle primordial dans de nombreux pays d’Asie et d’Amérique latine. Ils ont stimulé la croissance tout en contribuant directement à la réduction de la pauvreté et à l’éradication de la faim. Cependant, peu de nouveaux progrès ont été enregistrés au cours des dernières années, tandis que certains pays étaient laissés au bord du chemin. Tel est le cas pour la majorité des pays les moins avancés (PMA)2, en particulier ceux d’Afrique subsaharienne 1 Cette version révisée inclut les précisions et compléments suggérés par les quatre lecteurs chargés de la revue du document et par les participants à la réunion de validation du programme tenue le 6 octobre 2005. 2 Le groupe des PMA comprend 50 pays (34 en Afrique, 10 en Asie, 5 en Océanie et 1 dans les Caraïbes). Pour la définition des PMA des Nations Unies, voir : http://www.un.org/special-rep/ohrlls/ldc/ldc%20criteria.htm. 2 (ASS), ainsi que pour un certain nombre de pays enclavés ou montagneux à faible revenu, comme dans les Andes et ou en Asie centrale. Les réformes des marchés mises en œuvre dans le cadre des politiques de libéralisation et d’ajustement des années 1980 et 1990 ont également connu des succès. Néanmoins, elles ont aussi eu un certain nombre d’impacts négatifs, en particulier sur les petits producteurs, en raison des défaillances et imperfections de marché et de la faiblesse de l’environnement institutionnel dans de nombreux pays. En Afrique plus particulièrement, les réformes engagées dans le secteur des produits agricoles d’exportation ont clairement montré que l’environnement politique et institutionnel constituait un facteur déterminant de la réussite et du rythme des réformes. Il est également apparu que le transfert du pouvoir économique et financier au secteur privé exigait de nouveaux rôles de la part du secteur public (Akyiama et al. 2003). Plus récemment, des préoccupations croissantes se sont exprimées sur les conséquences de la nouvelle configuration des marchés et des échanges mondiaux pour les pays en développement (PED) et leur prise en compte effective dans le cadre de l’OMC. D’une part, les résultats de travaux de recherche en cours et les simulations montrent que l’élimination des soutiens publics et des protections a des retombées positives sur l’économie mondiale. La libéralisation des échanges constitue en effet le principal moteur de la croissance et permet en conséquence de réduire le niveau de pauvreté moyen. Mais, d’autre part, il ressort aussi clairement que la variabilité des résultats entre pays est forte et que des mesures d’accompagnement à l’échelle nationale sont indispensables (voir par exemple, Askoy & Beghin 2004, Ingo & Nash 2004, Hertel & Winters 2005). Pour l’agriculture, les résultats agrégés de la libéralisation en matière d’accroissement des exportations et de gains escomptés en termes de revenu réel semblent masquer des écarts croissants entre les pays en développement. Par exemple, le Groupe Cairns – y compris les PED du groupe – tirerait parti de toute évidence de l’ouverture des marchés mondiaux, tandis que la situation des pays d’Afrique subsaharienne, en particulier, s’avère nettement moins favorable (Bouët et al. 2004). Nul n’ignore aujourd’hui les difficultés auxquelles sont confrontés les pays en développement en ce qui concerne la gestion des impacts négatifs de la libéralisation du commerce des produits agricoles – notamment celle des risques de prix. Selon Foster et Valdes (2004), les PED disposent à l’évidence de peu de moyens d’action : des ressources budgétaires limitées pour gérer les risques et aider leurs agriculteurs ; un accès réduit aux instruments de marché ; sachant que les politiques permises par l’OMC sont soumises à des règles très restrictives qui limitent les possibilités d’intervention. Toutefois, si de nombreux travaux de recherche ont été menés sur les effets directs de transmission par les prix du marché, les effets de transmission dits de « second ordre », ceux liés à la restructuration des marchés mondiaux, sont beaucoup moins connus. Or, quelles sont et quelles seront les conséquences pour l’agriculture mondiale des 3 changements en cours dans les marchés internationaux de produits agroalimentaires (cf. Reardon & Timmer 2005) ? Quel sera l’impact de la concurrence accrue entre les différents types d’agricultures qui coexistent aujourd’hui à l’échelle mondiale ? Quels sont les agriculteurs susceptibles de participer au changement et quels sont ceux qui seront partiellement ou totalement exclus ? Quelle sera l’incidence de ces restructurations sur la pauvreté, étant entendu qu’en moyenne 55 % de la population active des pays en développement est employée dans le secteur agricole ? 3 Cette incertitude qui entoure les changements en cours pèse sur la scène internationale et concerne de nombreux pays, en particulier les PMA et les pays à faible revenu. Elle conduit à s’interroger sur la possibilité d’une divergence entre les Objectifs du Millénaire et les résultats concrets du Cycle de Doha. Dès lors, comment pourrait-on réduire au maximum ce risque de divergence en poursuivant un processus vertueux de libéralisation qui soit compatible avec l’objectif d’une véritable « croissance favorable aux pauvres en milieu rural » ? La finalité de ce nouveau programme d’étude de la Banque mondiale, mis en œuvre en collaboration avec la Coopération française, vise à approfondir les connaissances sur les implications de la libéralisation et de l’intégration économique pour l’agriculture et le développement rural dans les pays en développement, en mettant un accent particulier sur les changements structurels. En utilisant une approche plus désagrégée et en élargissant le champ de recherche, ce programme permettra de combler un déficit d’information et d’analyse sur les impacts contrastés du processus de libéralisation, aussi bien entre pays qu’au sein d’un même pays. Ce qu’on entend ici par libéralisation est le processus global de changement, en prenant en considération à la fois les réformes du commerce extérieur et des marchés domestiques, le retrait de l’Etat des activités économiques et les privatisations, la décentralisation, le développement des libertés publiques et de la démocratie. L’analyse du changement structurel sera fondée sur l’évolution des structures agricoles, de la configuration des marchés et sur les changements de l’environnement institutionnel. Les connaissances acquises dans le cadre de ce nouveau programme permettront d’améliorer le débat entre professionnels du développement, au sein de la Banque et avec les autres bailleurs de fonds, ainsi que de faire avancer le dialogue avec les partenaires nationaux. Elles permettront simultanément de contribuer aux travaux analytiques réalisés dans le cadre du Plan d’action pour l’Afrique de la Banque mondiale et de renforcer l’appui aux stratégies de développement nationales. Elles permettront également d’identifier des axes futurs en matière d’investissement de recherche. Il est enfin important de souligner ici qu’une meilleure compréhension des enjeux de la libéralisation 3 En Asie et en Afrique, la valeur moyenne est de 60% ; dans de nombreux PMA, elle est plutôt proche de 80%. 4 aidera au renforcement des processus d’élaboration des politiques et facilitera le passage des prescriptions « prêtes à porter » à des politiques plus adaptées et « sur mesure ». 2. Justification, questions principales et hypothèses Les diagnostics les plus courants sur la stagnation des performances agricoles dans les PED mettent principalement en avant : (i) le manque de crédit, le déficit de formation et les insuffisances de dotation en facteurs techniques de production – intrants (semences, engrais, etc.), mécanisation, infrastructures (irrigation, routes, installations de stockage) ; (ii) les imperfections de marché (distorsions de prix, rentes et obstacles à la concurrence) ; et, plus récemment, (iii) les besoins en renforcement des institutions (nécessaires à la correction des défaillances et imperfections du marché et, plus largement, à l’établissement d’un climat de confiance). Les travaux de recherche récents sur la croissance « pro-pauvres » menés par la Banque mondiale ont confirmé ce diagnostic général et mettent en évidence les goulots d’étranglement récurrents qui sapent la capacité des ménages les plus pauvres à contribuer à la croissance agricole (Banque mondiale 2005a). Parmi ceux-ci, il convient de noter plus particulièrement : la faible productivité des systèmes agricoles, les coûts de transactions élevés auxquels sont confrontées de nombreuses régions du fait de la faiblesse des infrastructures et des densités de population, les problèmes fonciers (manque d’accès à la terre ou insécurité du régime foncier) et, enfin, les impacts négatifs des subventions locales aux intrants et des protections de marché qui ont constitué des obstacles à la diversification en direction de productions à plus forte valeur ajoutée et à coefficients de main-d’œuvre plus élevés. Dans cette logique, le référentiel d’action le plus fréquent pour la revitalisation du secteur agricole repose sur l’amélioration de la productivité (investissement dans la recherche et la formation, conception de nouveaux paquets techniques, développement de l’irrigation), sur l’investissement dans les infrastructures afin d’assurer une meilleure liaison avec les marchés et sur la diversification dans les produits à haute valeur ajoutée. Ce référentiel fait partie intégrante d’une stratégie globale plus large destinée à « atteindre les pauvres en milieu rural » (Banque mondiale 2003, 2005b) par le truchement d’une meilleure fourniture en biens et services publics, du renforcement institutionnel et d’une meilleure gestion des risques et des ressources naturelles. Les hypothèses sous-jacentes et souvent implicites de ce référentiel d’action renvoient à un modèle évolutionniste des économies nationales, conçu en référence aux processus à l’œuvre lors des révolutions agricoles et industrielles originelles. Elles reposent également sur l’idée selon laquelle un tel modèle historique pourrait être répliqué dans la majorité des pays en développement selon un schéma enchaînant l’accroissement de la productivité des exploitations 5 agricoles et en conséquence une plus grande disponiblité en main-d’œuvre familiale, le développement des exploitations commerciales et l’accroissement des revenus - permettant la croissance des activités rurales non agricoles -, la migration vers les villes et le transfert progressif de la main-d’œuvre vers de nouveaux secteurs d’activité (industries et services). Cependant, cette évolution standard, au cœur du référentiel de « l’économie de développement », s’avère de moins en moins pertinente en regard des nouvelles réalités de l’économie mondiale. Tout d’abord, l’hétérogénéité entre pays en développement est considérable. Les pays qui relèvent de cet ensemble disparate que sont les PED ont, de toute évidence, des avantages comparatifs, des populations et des marchés intérieurs de nature et de taille différentes (cf. par exemple, la Chine ou le Brésil et le Botswana ou le Belize). Ensuite, loin d’enregistrer une diminution de la main-d’œuvre agricole, de nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire conservent encore une proportion élevée de leur population active dans l’agriculture. Enfin, pour de nombreux PED, les opportunités de développement d’autres secteurs d’activités restent encore souvent très limitées, du fait des asymétries en termes de capital, de technologies, de compétences, etc., alors que les marchés mondiaux sont toujours plus concurrentiels. Ainsi, aujourd’hui, la situation des pays les plus pauvres ne peut en aucun cas être comparée à celle des pays développés actuels il y a 150 ans. La répétition des processus antérieurs n’est pas possible, en particulier parce que les modalités du changement agricole dans les pays en développement sont modifiées par deux principaux phénomènes. En premier lieu, les processus d’intégration économique se sont accélérés en conséquence des révolutions techniques (en matière de transport de marchandises, de gestion de l’information et de marchés financiers), mais aussi bien évidemment de la généralisation des politiques de libéralisation. Ce mouvement se traduit par une confrontation entre différents « types » d’agricultures, caractérisés par des différences de productivité agricole considérables. La productivité des quelques millions d’agriculteurs qui ont tiré parti de la révolution agricole, principalement localisés dans les pays développés et dans quelques régions des PED, est sans commune mesure (écart de 1 à 1 000) avec celle de centaines de millions de petits agriculteurs qui travaillent toujours avec des moyens manuels. Les producteurs qui ont adopté le « paquet technique » de la révolution verte et la traction animale sont mieux lotis. L’écart n’en reste pas moins énorme (1 à 50) avec l’agriculture de l’Union européenne et des Etats-Unis, tout comme avec les entreprises les plus modernes des pays du Groupe de Cairns (Mazoyer 2001). Ces écarts de productivité constituent, de toute évidence, un obstacle insurmontable à la compétitivité, en particulier dans le contexte d’une concurrence croissante. En second lieu, le développement rapide de la mondialisation des filières et des marchés agricoles et agro-alimentaires (contractualisation, intégration verticale, échanges longue distance, « révolution des supermarchés ») a eu un impact sur la structure et la configuratrion des systèmes agricoles. Ce 6 changement rapide est le fruit des processus de concentration des dispositifs de transformation et de distribution dans de nombreux pays, favorisé par l’émergence et la consolidation d’entreprises mondiales, elles-mêmes renforcées par le mouvement de privatisation. Ces nouveaux macro-acteurs ont des exigences nouvelles qui se traduisent par l’imposition de nouvelles normes et standards, mis en œuvre par le biais du développement des contrats. Cette évolution s’accompagne d’une disjonction croissante des agriculteurs locaux d’avec leurs propres marchés nationaux, qui peuvent dorénavant être approvisionnés à partir de l’étranger lointain. En contrepartie, certains producteurs locaux ont également la possibilité de s’intégrer aux marchés mondiaux, ce qui crée de nouvelles opportunités de croissance. Parallèlement, il y est impératif de confronter ces deux processus aux réalités démographiques et économiques actuelles. Partout, la part de l’agriculture dans la main-d’œuvre totale a effectivement été réduite, ce qui ne veut pas dire moins d’agriculteurs. Dans la situation sensible de l’Afrique subsaharienne, par exemple, la proportion a effectivement baissé, en moyenne, de 20 % entre 1975 et 2000. Cependant, au cours de la même période, la population vivant de l’agriculture n’en a pas moins augmenté de 160 millions de personnes. Quelles sont dès lors les alternatives possibles pour des agriculteurs en nombre croissant, soumis à l’impératif d’une adaptation de plus en plus contraignante à la nouvelle configuration des marchés, lorsqu’on sait qu’en l’absence d’options de sortie effectives vers d’autres activités l’agriculture reste essentielle à leur survie ? Car si le secteur informel urbain est susceptible de jouer un rôle tampon, son développement reste toutefois lié à la croissance globale. En conséquence, les migrations internationales sont de plus en plus présentées aujourd’hui comme un moyen majeur pour dépasser les limites de la diversification des économies nationales. La migration peut effectivement absorber les excédents de main-d’œuvre résultant du progrès technique et de la compétition internationale, à l’instar de la révolution agricole européenne entre le milieu du XIXème et du XXème siècle ; les transferts monétaires des migrants peuvent stimuler les activités rurales non agricoles, donner un coup de fouet au secteur informel urbain et contribuer à l’investissement (cf. Maimbo & Ratha 2005). Mais, aujourd’hui, dans quels pays ces migrations internationales constituent-elles une option de sortie réaliste, en particulier dans le contexte géo-politique sécuritaire de « l’après 11 septembre » ? Les migrations constituent des opportunités évidentes favorisées par la proximité géographique ; elles s’accroîtront avec le vieillissement de la population dans les pays développés. Mais, le « marché de la migration » deviendra, lui aussi, de plus en plus compétitif (eu égard aux qualifications et aux appartenances culturelles propices à l’intégration). Il n’est pas possible de savoir ce que seront les conséquences effectives de ces changements globaux sur la structuration économique et sociale et sur les dynamiques agricoles et rurales des pays en développement, en particulier ceux à faible revenu. Les formes d’ajustement résultant de la compétition sur les 7 marchés agricoles et le chômage transitionnel lié à la libéralisation des échanges restent des thèmes centraux pour la recherche dans ce domaine (Winters et al. 2004, Hoekman et Winters 2005). Quel est le rapport entre l’intégration potentielle des agriculteurs aux nouvelles formes de production et de marché et leur exclusion éventuelle de l’agriculture ? En conséquence, certains pays sontils dans l’incapacité de sortir de la pauvreté faute d’alternatives (Kydd 2002) ? Sont-ils confrontés à ce que l’on pourrait appeler des « impasses de transition » ? Quelles sont les conséquences de ces évolutions et quels défis posent-elles aux politiques ? Dans ce processus de recomposition internationale, quels sont les principaux facteurs de convergence ou de divergence entre pays et que nous apprennent-ils pour la mise en œuvre de politiques plus adpatées ? Encadré 1: Les enseignements du cas mexicain L’expérience mexicaine dans le cadre de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA) constitue une référence majeure. En effet, le Mexique a débuté sa libéralisation économique il y a plus de 15 ans et il a signé l’ALENA avec le Canada et les États-Unis en 1993. Au cours des 10 dernières années, un certain nombre d’indicateurs se sont améliorés considérablement, comme par exemple le niveau des exportations et de l’IDE. L’agriculture, qui était censée connaître d’importantes difficultés en raison de la concurrence des Etats-Unis, a fait preuve d’une « résistance surprenante » (Lederman et al. 2005, p.146), en particulier dans le secteur du maïs où la production est passée de 15 à 19 millions de tonnes entre 1991 et 2001. Ces données globales masquent cependant une restructuration rapide de l’agriculture mexicaine, caractérisée par deux faits intimement liés : (i) la concentration de la croissance dans les exploitations commerciales des régions du Nord et de l’Ouest (notamment les exploitations irriguées intensives spécialisées dans l’horticulture et le maïs) ; (ii) l’augmentation des écarts de productivité entre les exploitations commerciales et les exploitations familiales, et entre le Nord et le Sud. Cette évolution reflète une situation plus générale marquée par le développement des inégalités entre les types de ménages, entre les milieux urbain et rural, ainsi qu’entre le nord et le sud du pays (Nicita 2004). Ces changements ont été permis et facilités à la fois par la base fiscale de l’État mexicain et par la rente géopolitique que constitue l’existence d’une frontière commune avec les EtatsUnis. Ce contexte très particulier a en effet rendu possible un niveau élevé de transferts publics et privés vers les zones rurales (Leonard & Losch 2005). Les transferts publics comprennent : (i) les subventions agricoles et les programmes de soutien à l’agriculture (Procampo pour la production, Aserca pour la commercialisation et Alianza pour l’investissement) ; (ii) les filets sociaux de sécurité qui concernent des groupes sociaux spécifiques (Oportunidades) ; (iii) les fonds de décentralisation (Ramo 033 et les programmes destinés aux zones enclavées) ; et (iv) les programmes de protection de l’environnement. En 2003, on estime que ces transferts publics se sont élevés, au total, à 10 milliards de dollars EU. Par ailleurs, les transferts privés correspondent principalement aux envois de fonds des travailleurs mexicains vivant aux Etats-Unis à leurs familles et à leurs villages d’origine. La part de ces fonds envoyée en zone rurale atteignait 7 milliards de dollars EU en 2003. Ce niveau de transfert global (17 milliards de dollars EU au total), équivalant à 60 % du PIB agricole, a évidemment des conséquences directes sur la reconfiguration de l’économie rurale mexicaine et il constitue un facteur déterminant dans les processus d’ajustement et de restructuration du secteur agricole. Le cas du Mexique, où seulement 20 % de la population active est employée dans l’agriculture, constitue ainsi une référence particulièrement utile pour réfléchir à la situation d’autres pays, où l’agriculture revêt toujours une importance démographique et économique majeure, sans qu’il existe de possibilités de soutien réel des pouvoirs publics, et où le recours aux migrations reste hypothétique. 8 Afin d’investir ces questions majeures, le programme d’étude et de recherche s’appuiera sur deux hypothèses. La première hypothèse est que la reconfiguration du système agro-alimentaire mondial et la confrontation entre différents types d’agricultures se traduisent par une segmentation croissante, non seulement des structures de production agricole, mais également des structures de commercialisation, de transformation et de distribution. Cette segmentation s’exprime simultanément par des processus de concentration, de dualisation (avec l’émergence d’agricultures à double vitesse), de marginalisation et d’exclusion. Le changement structurel en soi n’est guère nouveau. Ce qui est nouveau en revanche, c’est d’une part son ampleur, sa rapidité et ses caractéristiques spécifiques dues à la mondialisation et, d’autre part, l’ampleur des défis économiques, sociaux et politiques globaux suscités par les effectifs de population concernés. Parmi les principales questions induites par cette hypothèse on citera plus particulièrement : les conséquences actuelles et déjà identifiées de ces changements et les conséquences attendues ; les principaux facteurs d’intégration ou d’exclusion ; les marges de manœuvre existantes lors de la transition en fonction des atouts spécifiques à chaque pays ; les leçons à tirer en matière de définition des politiques. La seconde hypothèse considère que l’évolution des structures de production agricole, la recherche par les familles rurales de solutions nouvelles pour satisfaire leurs besoins et les opportunités offertes par le mouvement d’intégration économique se traduisent par de nouvelles configurations des ménages ruraux. Celles-ci se caractérisent par le changement du rôle de l’agriculture et par la place croissante qu’occupent les activités non agricoles et les transferts – principalement les transferts privés mais aussi, dans quelques cas, des transferts publics de soutien aux revenus. Cette évolution est très variable d’un pays à un autre et au sein d’un même pays ; mais elle implique un effort de reconceptualisation, puisque de nouveaux systèmes d’activités et de revenus, multilocalisés et plus complexes, se substituent progressivement aux anciens « systèmes de production agricoles ». Ces nouveaux systèmes ont fortement remodelé la physionomie et le fonctionnement des ménages ruraux, qui intègrent souvent leurs membres migrants (cf. le « modèle familial d’archipel », voir par exemple Quesnel & del Rey 2005). Cette nouvelle configuration débouche sur l’impératif de « repenser la ruralité » et d’adopter une nouvelle approche des économies rurales (de Ferrandi et al. 2005). Dans quelle mesure ces évolutions répondent-elles au problème de la « transition » et seront-elles durables ? Quelles sont les conséquences de ces nouvelles réalités agricoles et rurales pour la conception de programmes d’appui et la définition de nouveaux systèmes de vulgarisation ? Et comment pèsentelles sur la reformulation des politiques agricoles et de développement rural ? 9 3. Méthodologie et outils analytiques Le programme repose sur deux choix méthodologiques. Le premier choix concerne l’adoption d’une approche comparative entre plusieurs pays qui mettra l’accent sur la compréhension et la caractérisation des processus de changement. L’objectif ici ne consiste pas à comparer au cas par cas différentes variables présélectionnées (par exemple, le taux de croissance du PIB par habitant, la nature des exportations agricoles, le taux de croissance des exportations, etc.), puis à expliquer les écarts – exercice qui conduirait à des biais d’analyse évidents (cf. Collier & Mahoney 1996). Il s’agit, au contraire, de mettre l’accent sur les processus eux-mêmes, de repérer les principaux faits et enchaînements pertinents, de comprendre la gestion des crises et des ajustements (par exemple la libéralisation) et, enfin, d’analyser leur impact sur la configuration générale du secteur agricole et des économies rurales, en conservant en perspective les défis de la transition démographique et économique. L’objectif du programme consiste à comparer des situations nationales qui se situent à des niveaux ou stades différents dans le processus général de libéralisation et d’intégration économique caractéristique de la période actuelle. Ainsi, l’échantillon de pays concernera une gamme de situations comprenant d’un côté des pays qui sont très avancés dans le processus et, de l’autre, des pays où le rythme de la libéralisation a été plus lent et inégal. Chaque pays est évidemment confronté à des échéances qui constituent autant de défis, comme par exemple : à court terme, la mise en œuvre d’accords commerciaux et la suppression ou l’érosion des préférences commerciales ou, à moyen terme, l’impératif de mise en œuvre de stratégies de croissance efficaces permettant de réduire la pauvreté. L’analyse croisée facilitera l’identification des thèmes stratégiques. Le second choix méthodologique découle de l’étendue des champs thématiques couverts qui implique d’adopter une approche pluridisciplinaire globale, mettant l’accent à la fois sur les dimensions économiques, sociales et politiques des pays comparés. En conséquence, le recours à une démarche globale d’économie politique permettra d’analyser les processus de changement en s’inscrivant dans une perspective historique indispensable à la compréhension des configurations structurelles (comme par exemple, les structures agraires ou la spécialisation des pays). Le but sera ici de repérer les principaux « moments » historiques fondateurs des trajectoires nationales, en mobilisant notamment le cadre d’analyse de la « dépendance de sentier ». Il s’agira plus particulièrement d’identifier : les principaux processus qui ont façonné l’évolution de l’agriculture ; les acteurs clés du changement ; les variables structurelles ; les choix stratégiques et les « moments critiques » qui 10 ont modifié durablement la configuration nationale et la nature des relations entre l’agriculture, le secteur rural et l’économie dans son ensemble (Mahoney 2001, Pierson 2000). Le programme comportera deux grandes étapes : des études générales par pays, puis des études de cas plus spécifiques, qui seront définies en fonction des résultats des études pays afin d’affiner des thèmes présentant un intérêt particulier. Du fait de l’approche globale retenue, les études pays s’appuieront principalement sur une analyse générale d’ensemble comprenant notamment : (i) une revue bibliographique – une analyse des sources et des résultats de recherche existants, de type quantitatif et qualitatif, et une mise à plat des données statistiques disponibles ; et (ii) des entretiens avec des interlocuteurs privilégiés des secteurs public, privé et associatif. On dispose aujourd’hui d’énormément d’informations et d’analyses sur la grande majorité des PED. Aussi, l’objectif ne consiste évidemment pas à reproduire ou compiler ce qui est déjà acquis mais plutôt à proposer une synthèse problématisée des principaux défis et processus de changement sous l’angle de la « transition ». En ce qui concerne la question plus spécifique de l’impact attendu des nouveaux accords commerciaux, le manque d’informations disponibles pourra impliquer, si les financements et les collaborations le permettent, des travaux ponctuels de modélisation. En référence aux principales hypothèses, le programme s’intéressera à la question de la vulnérabilité (cf. Chambers 1989). Par vulnérabilité, on entend « une indication de l’exposition des populations aux risques, chocs et pressions extérieurs et leur capacité à y faire face et à surmonter les impacts qui en découlent » (DFID 2004). Ainsi, comment les restructurations dues à une libéralisation et à une intégration économique plus poussées modifient-elles les risques ? Quels sont les acteurs les plus sensibles aux chocs, leurs capactiés de résistance et leurs stratégies d’adaptation ? Le programme proposera une représentation des populations et des lieux les plus vulnérables (cf. PNUE 2004, Stedman-Edwards 2005) qui permettra d’identifier : d’une part, les différentes catégories de ménages agricoles et les autres acteurs des filières de l’agroalimentaire et, d’autre part, les zones rurales (en fonction de leurs densités de population, infrastructures, ressources naturelles), qui sont ou seront les plus affectés par le processus de changement. Les études de cas, définies à partir des résultats de la phase 1 (études nationales et comparaisons), reposeront sur la collecte de données spécifiques. Selon le contexte de chaque pays, le budget disponible in fine et les modalités de collaboration locales, le choix sera fait entre deux types d’études, sectorielles ou régionales. 11 L’approche sectorielle pourra porter plus particulièrement sur les projets et programmes dits de diversification, axés sur l’horticulture et les autres exportations à forte forte valeur ajoutée, dans la mesure où ceux-ci font partie des recommandations les plus fréquentes en matière de développement agricole et de lutte contre la pauvreté. En référence aux principaux défis identifiés aux niveaux national et régional, il s’agira notamment d’évaluer leurs impacts sur la distribution des revenus, l’emploi, les actifs individuels et territoriaux, le développement des compétences techniques et des institutions, etc. Il s’agira également de repérer les impacts potentiellement négatifs sur les relations de travail, les rapports de genre, la subordination, l’information et les asymétries de pouvoir de négociation entre les acteurs concernés. L’analyse de filière sera mobilisée en portant une attention particulière aux effets secondaires et connexes. L’approche régionale reposera essentiellement sur l’analyse des dynamiques rurales dans des zones ayant un intérêt privilégié eu égard aux défis du pays (densité démographique, ressources naturelles, filières). Le niveau du ménage sera retenu en priorité, tout en prenant soin d’ancrer l’analyse dans le cadre plus large des recompositions de l’économie rurale. Une attention particulière sera accordée à l’analyse des migrations, à leur impact en termes d’effectifs et de transferts de revenus, mais aussi en termes d’émergence d’un modèle d’économie familiale d’archipel. Des enquêtes spécifiques seront effectuées, en utilisant essentiellement une approche axée sur l’analyse des actifs (Siegel & Alwang 1999). Selon les données préexistantes et les nouvelles informations recueillies, l’utilisation de matrices de comptabilité sociale (MCS) et d’outils de modélisation pourra être proposée. 12 Encadré 2 : Évaluer les conséquences de la restructuration des marchés agro-alimentaires : comment combiner une approche en termes de trajectoire et d’actifs spécifiques ? La conception d’ensemble du programme de recherche pose plusieurs défis d’ordre méthodologique. Le premier concerne la combinaison de différents outils d’analyse, à différentes échelles (micro, macro, meso) et dans un cadre comparatif (inter-pays). L’objectif du programme ne se résume pas à recueillir des études de cas détaillées sur les conséquences tangibles de la libéralisation ; il vise plutôt à mieux comprendre les enjeux et à identifier les thèmes les plus sensibles en vue d’améliorer le processus d’élaboration des politiques. Le deuxième défi sera de s’adapter à la fois à la disponibilité des données et à leur qualité. La seconde phase permettra certes de recueillir des données inédites, bien qu’en nombre limité, mais elle laissera entier le problème de l’établissement de séries de données cohérentes pour l’analyse de longue période. Ce constat est d’autant plus sensible que les cas étudiés n’ont pas été retenus sur le critère de la disponibilité des données. Le problème de la disponibilité en information devra donc être traité en tant que tel. Le dernier défi, enfin, est celui de la généralisation dans la mesure où l’élaboration de conclusions sur la base d’un échantillon limité de pays et d’études de cas reste un exercice délicat. Pour traiter de ces différents défis de méthode, des ressources spécifiques seront consacrées à l’élaboration d’un cadre analytique détaillé en début du programme (phase préparatoire et atelier de lancement), avec notamment l’identification de thèmes transversaux et d’une grille d’analyse, ainsi qu’à la préparation de termes de référence détaillés pour les études pays. Cette phase préparatoire bénéficiera des orientations d’un comité de suivi et de conseil (cf. infra). Au niveau macro, l’approche en termes de trajectoire nous permettra de repérer comment les principaux acteurs gèrent le défi global de la transition économique, dans un contexte marqué par la segmentation et la concentration croissantes des structures de production et de commercialisation. En fonction des impacts connus ou escomptés et, le cas échéant, des besoins d’action déjà identifiés, il s’agira d’apporter des éléments de réponses aux questions suivantes. Quelles sont les principales options disponibles pour la modernisation de l’agriculture ? Quels sont les choix de politique du gouvernement, leurs principaux partisans, avec quelles alliances ? Quelles sont les visions partagées du futur ? De manière plus spécifique, il conviendra aussi de repérer les principaux aspects du débat ou les choix déjà effectués en matière de droits de propriété (en particulier d’accès à la terre), de conception de la modernisation (par exemple, la taille des exploitations agricoles, le nombre d’actifs familiaux, le paquet technique), de réglementation du travail, de programmes d’appui et de rythme des réformes, etc., mais également de mettre en évidence les rôles des principaux protagonistes (gouvernement, organismes publics, acteurs privés locaux et étrangers, organisations privées – notamment les organisations de producteurs ruraux). L’analyse des facteurs de convergence ou de divergence entre pays et par rapport aux autres pays en développement reposera sur la mobilisation de différentes catégories analytiques, comme la disponibilité en biens publics, les conditions de l’action collective, l’importance des imperfections du marché, etc. Aux niveaux micro, sectoriel ou régional, le programme utilisera une approche basée sur les actifs, y compris pour l’élaboration de typologies, afin d’estimer la vulnérabilité des ménages agricoles et des autres acteurs ruraux. Il s’agira notamment de comprendre comment les structures de production et de commercialisation répondent à la concurrence et aux exigences croissantes de chaînes d’approvisionnement alimentaire globalisées et de repérer quels sont les différents actifs spécifiques (tangibles - terre, main-d’œuvre, épargne, capital humain - et intangibles, notamment le capital social et la gouvernance) mobilisables au niveau du ménage, de l’organisation locale ou de la communauté. Il conviendra en particulier d’étudier les relations entre les actifs disponibles, les différents niveaux de vulnérabilité et les modalités d’adaptation ou d’exclusion, mais aussi de déterminer les marges de manœuvre offertes en termes de mobilité sociale et géographique et leurs conséquences quant à l’émergence de nouvelles configurations des ménages. 13 4. Contenu du programme Sélection des pays Un échantillon de sept pays a été retenu avec l’objectif d’offrir une gamme de situations correspondant à différents stades de libéralisation et d’intégration économique. Ce choix de pays est le fruit de discussions au sein de la Banque, avec la Coopération française et avec des institutions de recherche, notamment l’IFPRI. Il repose en particulier sur un certain nombre de critères ou de thèmes qui sont apparus significatifs, notamment la situation démographique (population totale, rurale et agricole, migrations), la place de l’agriculture dans l’économie et le commerce extérieur (importations et exportations de produits agroalimentaires, PIB agricole), l’existence d’un débat national sur les questions liées à la libéralisation des filières agro-alimentaires, etc. Le choix de cet échantillon devra être confirmé et justifié notamment en établissant des comparaisons avec d’autres pays en développement de référence. Les 7 pays qui pourraient faire partie du programme sont : le Mexique, le Guatemala, le Maroc, le Sénégal, le Mali, le Kenya et Madagascar. Hormis le Mexique, tous ces pays sont des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire (tranche inférieure). Ils sont de taille moyenne, avec des populations oscillant entre 10 et 30 millions d’habitants, et comptent un niveau important d’actifs dans l’agriculture (autour de 50 % et plus – voir annexe 1). L’accent spécifique mis sur l’Afrique subsaharienne s’explique par les défis très particuliers auxquels le continent est confronté. Il s’explique également par l’engagement réel en faveur d’une revitalisation du secteur agricole, qu’il s’agisse de la communauté internationale (par exemple, le Groupe de travail sur la faim des projets du Millénaire de l’ONU, le Rapport de la Commission pour l’Afrique, le Partenariat Afrique-UE, le Plan d’action pour l’Afrique de la Banque - PAA) ou des gouvernements africains eux-mêmes (notamment le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique - NEPAD - et son Programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique - CAADP). Le choix des pays d’Afrique subsaharienne reflète à la fois les défis communs aux pays à faible revenu et de taille moyenne (avec 3 PMA : Mali, Madagascar et Sénégal), ainsi que la diversité des situations, notamment : l’histoire coloniale (française et anglaise) ; le rôle que jouent les exportations de produits agricoles ; les processus de segmentation dans l’agriculture ou l’existence de secteurs à double vitesse ; la part de la population active engagée dans l’agriculture ; les migrations ; les programmes de diversification ; la géographie (enclavement) ; ainsi que les débats suscités au niveau local par les privatisations. Le choix du Mexique comme référence se justifie par le cas unique que ce pays représente puisqu’il a été le premier pays en développement (bien qu’il soit un 14 pays émergent membre de l’OCDE) à mettre en place un processus d’intégration économique avec les pays industrialisés. L’ALENA a été créé il y a 10 ans, à la suite d’un important processus de libéralisation engagé au milieu des années 1980, et son impact sur l’agriculture et les économies rurales locales renforce l’intérêt de la comparaison (voir encadré 1). Les cas spécifiques du Guatemala et du Maroc, deux pays à revenu intermédiaire inférieur, sont des exemples directs et éloquents de pays confrontés au défi de la mise en œuvre d’accords de libre échange – avec l’Union européenne et les États-Unis dans le cas du Maroc et avec la création du CAFTA-DR (la ZLE Amérique centrale et République Dominicaine) dans le cas du Guatemala. Les deux pays sont confrontés au même problème : celui d’un processus d’intégration rapide, alors que l’agriculture continue de jouer un rôle primordial en termes d’emploi, de revenus et de dynamiques régionales. D’autres pays ont été mentionnés au cours du processus de discussion du programme – notamment le Chili (une réussite célèbre en matière d’exportation de produits agricoles) et la Turquie – mais ces cas sont apparus comme trop atypiques compte tenu de la perspective adoptée ici (avec en particulier un taux d’urbanisation élevé et une faible part de la population active engagée dans l’agriculture au Chili, une taille démographique importante et le processus de négociation engagé avec l’UE dans le cas de la Turquie). Néanmoins, il n’est pas exclu d’ajouter des pays supplémentaires en cas de besoin au cours de l’étude afin de renforcer la dimension comparative retenue. Planification des activités L’ampleur du cadre analytique est renforcée par le nombre de pays étudiés. Ainsi, compte tenu du nombre de thèmes à investir, le programme sera étalé sur deux ans (3 exercices budgétaires), d’octobre 2005 à octobre 2007. Selon la situation de chaque pays, les activités seront étroitement coordonnées et/ou réalisées avec d’autres activités programmées par la BM ou par certains de ses partenaires comme l’Agence française de développement (AFD). En particulier, la phase préparatoire prendra en compte les impératifs du dialogue avec les partenaires au niveau local. Le programme comportera 7 phases selon le calendrier prévisionnel présenté à l’annexe 2: Phase 1 – Préparation détaillée du programme, notamment : discussions avec les équipes pays ; identification des consultants ; budget détaillé ; revue bibliographique préliminaire et établissement d’indicateurs comparatifs ; préparation de la grille d’analyse et définition des termes de référence (TR) pour les études pays. 15 Phase 2 – Atelier(s) de lancement, notamment : discussions des objectifs et orientations du programme ; discussions et parachèvement de la grille d’analyse et des termes de référence détaillés. Phase 3 – Etudes pays, notamment : revue bibliographique ; examen des DSRP ; examen des politiques et du processus de réforme ; synthèse des données (concernant l’agriculture, la démographie, les migrations et les agrégats économiques) ; identification des déficits en termes de connaissances et de données ; identification des principales tendances, des goulots d’étranglement et défis, avec un accent particulier sur les processus de restructuration. Phase 4 – Atelier(s) à mi-parcours du programme et de partage des connaissances acquises, notamment : discussions sur les premiers résultats ; préparation de l’analyse comparative ; identification des déficits de connaissances et des questions pertinentes pour la mise en œuvre des études de cas. Phase 5 – Etudes de cas, notamment : analyse détaillée de secteurs ou régions spécifiques ; collecte des données ; traitement et analyses. Phase 6 - Préparation de la synthèse et atelier de final, notamment : présentation et discussion des principaux résultats ; articulation des études de cas aux analyses pays ; élaboration d’un canevas pour la synthèse générale ; principales implications des résultats obtenus en termes de définition des politiques. Phase 7 - Dissémination, notamment : publications finales, y compris les synthèses pays et une synthèse générale ; préparation de recommandations à l’attention des responsables politiques ; si possible, organisation d’un atelier de partage des résultats avec les acteurs locaux concernés et, éventuellement, d’une conférence internationale (un site Web pourrait être créé afin de partager les résultats aux différentes étapes du programme). 5.. Dispositions administratives Membres de l’équipe L’équipe de la Banque sera mise sur pied au cours des prochaines semaines. Le responsable et coordonnateur du programme (TTL) est Bruno Losch, économiste principal, AFTSD, tandis que le TTL du Trust Fund est Patrick Labaste, économiste agricole en chef, AFTS4. 16 Des consultants internationaux et locaux seront recrutés pour l’exécution du programme au niveau de chaque pays et pour la préparation des ateliers. Des collaborations seront recherchées avec les institutions de recherche de chaque pays et, en particulier, avec le Consortium pour la recherche économique en Afrique (CREA), le NEPAD et d’autres équipes de recherche en Europe et aux États-Unis. Supervision et assurance qualité du programme Un Comité de pilotage sera constitué et comprendra les différents bailleurs de fonds du programme, ARD, AFTSD et les autres régions concernées. Ce comité se réunira 3 fois. Un Comité de suivi et de conseil sera mis sur pied afin d’assister l’équipe pendant la durée du programme et en vue d’évaluer et discuter la méthodologie, partager et étudier les résultats primaires et mettre en place un mécanisme de revue par les pairs. Au sein de ce Comité siégeront des représentants de la Banque et du secteur de la recherche ou des universités. Ce comité pourrait se réunir 2 fois par an. Une réunion spécifique sera organisée avant le lancement des travaux sur le terrain. 17 Références citées Akyiama T., Baffes J., Larson D.F., Varangis P., 2003, Commodity Markets Reform in Africa. Some Recent Experience. Policy Research Working Paper 2995, The World Bank, Washington, DC. Aksoy M.A., Beghin J.C. (Eds.), 2004, Global Agricultural Trade and Developing Countries, The World Bank, Washington, DC. Bouët A., Bureau J.C., Decreux Y., Jean S., 2004, “Agricultural Trade Liberalization: Its Ambiguous Consequences on Developing Countries”. La Lettre du CEPII, No 236, CEPII, Paris. Chambers R. (Ed.), 1989, “Vulnerability: How the Poor Cope”. IDS Bulletin, 20(2). Collier D., Mahoney J., 1996, “Insights and Pittfalls: Selection Bias in Qualitative Research”. World Politics, 49 (1): 56-91. de Ferrandi D., Perry G.E, Foster W., Lederman D., Valdés A., 2005 - Beyond the City. The Rural Contribution to Development, Washington DC, The World Bank, 336 p. DFID, 2004, The impact of climate change on the vulnerability of the poor. DFID, London. Foster W., Valdes A., 2004, “Managing Potential Adverse Impacts of Agricultural Trade Liberalization”. In: Ingco M.D., Nash J.D., Agriculture and the WTO. Creating a Trading System for Development, pp. 193-213. Gereffi G., Korzeniewicz M. (Eds), 1994, Commodity Chains and Global Capitalism. Praeger, Wesport. Hertel T.W., Winters L.A, 2005, “Estimating the Poverty Impacts of a Prospective Doha Development Agenda”. World Economy, 28 (8): 1057-1071. Hoekman B., Winters L.A, 2005, Trade and Employment: Stylized Facts and Research Findings. World Bank Policy Research Paper 3676, The World Bank, Washington, DC, 36 p. Ingco M.D., Nash J.D., 2004, Agriculture and the WTO. Creating a Trading System for Development. The World Bank, Washington, DC, 387 p. Kaplinsky R., 2000, “Globalization and Unequalisation: What Can Be Learned from Value Chain Analysis?” The Journal of Development Studdies, 37 (2). 18 Kydd J., 2002, “Agriculture and Rural Livelihoods: Is Globalization Opening or Blocking Paths out of Rural Poverty?” AgREN Network Paper, No. 121, ODI, London. Lederman D., Maloney W.F., Servén L., 2005, Lessons from NAFTA for Latin America and the Caribbean, Palo Alto, Stanford University Press, Washington DC, The World Bank, 407 p. Léonard E., Losch B., 2005, “L’insertion de l’agriculture mexicaine dans le marché nord-américain : changements structurels, mutations de l’action publique et recompositions de l’économie rurale et régionale”. Colloque RINOS–CEIM UQaM, Intégrations régionales et stratégies de développement, Montréal, 1-3 juin 2005, 27 p. Maimbo S.M., Ratha D., 2005, Remittances. Development Impact and Future Prospects. The World Bank, Washington, DC, 378 p. Mazoyer M., 2001, Protecting Small Farmers and the Rural Poor in the Context of Globalization. FAO, Roma, 23 p. Mahoney J., 2001, “Path-Dependent Explanations of Regime Change: Central America in Comparative Perspective”. Studies in Comparative International Development, 36 (1): 111-141. Nicita A., 2004, Who Benefited from Trade Liberalization in Mexico? Measuring the Effects on Household Welfare. World Bank Policy Research Paper 3676, The World Bank, Washington, DC, 55 p. Pierson P., 2000, “Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of Politics”. The American Political Science Review, 94 (2): 251-267. Quesnel A., del Rey A., 2005, “La construcción de una economía familiar en archipiélago. Movilidad y recomposición de las relaciones intergeneracionales en el medio rural mexicano”. Estudios Demográficos y Urbanos, 58. Reardon Th., Timmer C. P., 2005, “Transformation of Markets for Agricultural Output in Developing Countries Since 1950: How Has Thinking Changed?” Chapter 13 in: Evenson R.E., Pingali P., and Schultz T.P. (Eds), Handbook of Agricultural Economics (Volume 3): Agricultural Development: Farmers, Farm Production and Farm Markets. (Forthcoming). Siegel P. B., Alwang J., 1999, An Asset-Based Approach to Social Risk Management: A Conceptual Framework. Social Protection Discussion Paper no. 9926, The World Bank, Washington, DC. 19 Stedman-Edwards P., 2005, Strategic Environmental Vulnerabilities Assessment: Framework Paper. WWF, Macroeconomics Program Office, Washington, 30 p. UNEP, 2004, Millenium Ecosystem Assessment. Conditons and Trends Assessment. UNEP. Winters L.A., McCulloch N., McKay A., 2004, “Trade Liberalization and Poverty: The Evidence So Far”. Journal of Economic Literature, Vol. XLII (March): 72-115. World Bank, 2003, Reaching the Rural Poor. The World Bank, Washington, DC. World Bank, 2005a, Pro-poor Growth. Country Experiences in the 1990’s. PREM Network, The World Bank, Washington, DC. World Bank, 2005b, Agricultural Growth for the Poor. An Agenda for Development. The World Bank, Washington, DC, 197 p. 20 Annexe 1: Points de repères sur les pays retenus 1.1. Population (source: estimations FAOSTAT) Population totale (1000) 1965 1970 1975 Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal 43,148 4,566 13,323 9,666 6,114 4,977 3,626 50,596 5,243 15,310 11,370 6,939 5,607 4,158 59,098 6,018 17,305 13,578 7,903 6,290 4,806 1980 1985 1990 67,569 6,820 19,382 16,368 9,048 7,044 5,538 75,464 7,738 21,995 19,759 10,405 7,958 6,375 83,225 8,749 24,564 23,585 11,956 9,046 7,345 Population Active dans l’agriculture / Active Totale (%) 1965 1970 1975 1980 1985 1990 Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal 49.5 63.6 69.0 86.8 85.2 93.2 83.3 43.8 61.1 65.1 85.8 84.2 92.6 82.7 40.1 57.5 60.5 84.0 82.9 90.8 81.7 Pop. Agri. Accroissement (en milliers) 75-2000 Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal -2,250 2,020 76 11,657 5,305 3,931 3,000 36.3 53.8 56.0 82.2 81.5 89.0 80.8 32.0 53.1 50.3 80.9 79.8 87.4 78.7 27.8 52.4 44.7 79.6 78.1 85.8 76.8 1995 91,143 9,976 26,839 27,390 13,789 10,356 8,338 1995 24.4 49.3 40.2 77.6 76.3 83.6 75.3 2000 2003 98,933 11,423 29,108 30,549 15,970 11,904 9,393 103,457 12,347 30,566 31,987 17,404 13,007 10,095 2000 2003 21.4 46.1 36.1 75.5 74.2 81.0 73.8 19.7 44.2 33.8 74.1 72.9 79.3 72.8 21 1.2. Indicateurs économiques (source: WDI) Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal PIB (constant en US$ 2000 et en millions) 1965 1970 1975 1980 132958 179967 243831 343679 5153 6816 8945 11814 8159 11027 14029 18308 2085 2748 4370 5936 2234 2807 2897 3099 .. 1039 1221 1536 1781 1951 2193 2310 1985 378416 11163 21527 6723 2852 1358 2681 1990 413744 12888 26717 8843 3266 1630 3136 1995 445847 15892 27971 9569 3213 1882 3378 2000 581428 19291 33334 10454 3878 2422 4373 2003 593551 20611 38480 10892 3939 3039 4971 Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal PIB par tête (constant en US$ 2000) 1965 1970 1975 1980 3081 3557 4126 5086 1128 1300 1486 1732 612 720 811 945 214 239 318 357 366 409 371 349 .. 195 207 233 491 469 456 417 1985 5014 1443 994 338 282 184 420 1990 4971 1473 1111 379 281 193 428 1995 4892 1593 1060 359 242 196 407 2000 5935 1694 1161 347 250 223 459 2003 5803 1675 1278 341 233 261 485 Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal Agriculture, valeur ajoutée (% PIB) 1965 1970 1975 1980 13.7 12.7 11.8 9.0 28.7 27.3 28.0 24.8 23.4 19.9 17.9 18.4 35.3 33.3 34.2 32.6 .. 24.4 34.0 30.1 .. 66.0 63.3 48.3 25.0 23.8 29.8 18.9 1985 10.1 25.9 16.6 32.5 35.1 40.3 18.7 1990 7.8 25.9 17.7 29.1 28.6 45.5 19.9 1995 5.7 24.2 14.6 31.1 26.7 49.5 20.2 2000 4.2 22.8 13.8 19.7 29.1 41.6 19.4 2003 4.0 22.3 16.8 15.8 29.2 38.4 16.8 22 Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal Exportations alimentaires (% total marchandises) 1965 1970 1975 1980 44.4 39.7 31.0 12.4 64.4 58.7 58.5 53.4 48.8 51.8 25.1 28.5 .. .. .. 43.8 79.4 78.9 75.4 79.9 77.0 64.8 41.0 30.1 86.9 64.8 52.0 43.0 1985 8.1 62.3 25.9 63.6 79.2 .. .. 1990 11.6 66.9 26.1 49.1 72.8 36.1 53.2 1995 7.7 65.2 31.4 56.1 69.1 .. 15.5 2000 4.9 56.2 21.5 59.3 32.8 4.1 59.2 2003 5.5 47.0 21.5 42.7 55.5 .. 37.1 Mexique Guatemala Maroc Kenya Madagascar Mali Sénégal Importations alimentaires (% total marchandises) 1965 1970 1975 1980 5.2 7.4 13.0 16.1 11.0 11.0 9.5 7.6 36.5 20.7 29.6 19.8 .. .. .. 7.7 19.7 12.4 14.2 8.5 20.7 28.8 27.2 19.1 36.9 28.9 24.7 24.6 1985 12.4 9.2 17.5 9.7 12.6 .. .. 1990 14.6 10.2 9.8 9.3 11.2 25.5 28.7 1995 6.3 11.9 19.5 10.1 16.3 .. 32.5 2000 4.9 12.1 13.7 13.9 13.8 15.1 23.9 2003 6.5 12.6 11.0 12.2 16.3 .. 29.6 23 Annexe 2: Calendrier prévisionnel 2005 O Mois 1. Préparation 2. Atelier 1 3. Etudes Pays 4. Atelier 2 5. Etudes de cas 6. Atelier 3 7. Dissémination 2006 2007 N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24