Ecdysozoa II : Chelicerata et Atelocerata Chelicerata

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Ecdysozoa II : Chelicerata et Atelocerata
Par Jon G. Houseman
Chelicerata
Araignées : la tarentule
Même si les Insectes dominent le milieu terrestre, leurs cousins Chélicérates ont
probablement été les premiers Arthropodes à vivre sur la terre ferme. Des Chélicérates
ressemblant à des scorpions se nourrissaient des corps mous des premiers envahisseurs
terrestres qui survivaient dans des milieux humides, par exemple des insectes et vers
primitifs. Mais les Insectes ont relevé avec succès les défis du milieu terrestre en
résolvant le problème de la perte d’eau. Avec l’acquisition du vol, cela a entraîné la
première explosion de la diversité des Insectes; la seconde explosion est venue de la
coévolution des Insectes et des plantes à fleurs. L’accroissement de la diversité des
Insectes s’est évidemment accompagné d’un accroissement de la diversité de leurs
prédateurs; ces prédateurs sont les Chélicérates. Les premières araignées utilisaient
une forme de soie pour détecter les proies qui passaient par hasard sur les fils de soie
posés à même le sol. Avec l’apparition d’insectes volants, les araignées commencèrent
à suspendre leur toile pour les attraper en vol. Les araignées primitives comme la
tarentule ne tissent pas de toile pour capturer leur proie. Elles utilisent leur soie pour
tapisser des terriers ou construire des retraites où elles attendent et sautent sur leur
proie.
À la différence des autres Arthropodes, les Chélicérates, notamment les araignées, ne
possèdent pas d’antennes, et le cerveau secondaire qui intègre normalement les
intrants sensoriels des antennes est absent. De plus, à l’exception des limules primitifs,
la plupart des Chélicérates sont dépourvus d’yeux composés. Cela ne veut toutefois
pas dire qu’ils sont aveugles. En général, quatre paires d’yeux simples (ocelles)
détectent la quantité de lumière et, chez certaines araignées, ces yeux sont devenus
suffisamment gros pour former des images. Au lieu de la vision, les araignées font
d’abord appel au toucher et à la sensation de vibration. Des sensilles en forme de fente
situées sur leurs pattes, de même que des soies sensorielles appelées trichobothries,
détectent toutes les formes de vibrations, depuis les pas des proies qui se déplacent sur
le sol jusqu’aux courants d’air produits par les proies qui approchent, en passant par le
son et bien entendu les mouvements des proies prises dans les toiles d’araignée.
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Anatomie externe
Le corps des Chélicérates comporte deux tagmes : un prosoma antérieur et un
opisthosoma postérieur (Figure 1). Tous ne s’entendent pas sur les termes à employer
pour désigner ces deux tagmes : certaines sources appellent le tagme antérieur
céphalothorax, et le tagme postérieur abdomen. Le terme céphalothorax est le plus
souvent réservé aux Arthropodes dont certains des appendices thoraciques ont rejoint
ceux de la tête pour aider à l’alimentation. Un exemple classique de céphalothorax est
celui de l’écrevisse, où les trois paires de pattes antérieures du thorax collaborent avec
les trois paires d’appendices post-oraux de la tête pour former l’appareil
d’alimentation. Dans ce cas, le céphalothorax est formé à partir de deux tagmes
différents. Chez les Chélicérates, l’embryologie et la segmentation d’origine
comportent un seul tagme antérieur portant six paires d’appendices : les chélicères, les
pédipalpes et quatre paires de pattes locomotrices. Pour cette raison, on utilise ici les
termes prosoma et opisthosoma dans la description des araignées et des autres
Chélicérates.
Figure 1 Vue dorsale de l’anatomie externe d’une araignée.
L’une des premières choses que vous allez remarquer chez la tarentule est son
revêtement velu formé de soies chitineuses. Tout comme la fourrure des Mammifères
ou les plumes des Oiseaux, ce tapis dense de soies crée le long du corps une couche
d’air immobile qui agit comme isolant et qui peut aussi jouer un rôle important pour
empêcher la perte d’eau par les poumons lamellaires, principaux organes respiratoires
de la tarentule. Comme on l’a mentionné plus haut, les soies sont également
sensorielles et peuvent jouer un rôle important pour échapper aux prédateurs. La
première défense de la tarentule consiste à se réfugier dans son terrier. Cependant, si la
tarentule est capturée, ses soies se détachent facilement, de sorte que le prédateur se
retrouve avec la bouche pleine de soies au lieu d’un repas. En Amérique du Nord et du
Sud, ce moyen de défense des tarentules est perfectionné par la présence sur
l’abdomen de soies barbelées et urticantes qu’elles projettent sur leurs prédateurs.
Quel Mammifère projette des poils barbelés pour se défendre de ses prédateurs?
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Si les poils urticants touchent ou pénètrent les membranes sensibles des yeux, du nez
ou de la peau, ils peuvent provoquer une réaction allant d’une légère démangeaison à
une forte réaction, notamment dans les yeux ou les voies respiratoires. Une fois
projetés, les poils urticants ne se régénèrent qu’à la mue suivante. Une tarentule «
chauve » en est donc une qui a utilisé ce moyen de défense. Comme toutes les
araignées, la tarentule possède un venin mais, mis à part de possibles réactions
allergiques, ce venin n’affecte pas les humains et vise plutôt à maîtriser les petits
insectes et vertébrés dont la tarentule se nourrit.
Le prosoma
Il n’y a que peu ou pas d’indices de la segmentation primitive de la face dorsale de la
tarentule, et une carapace dorsale recouvre le prosoma (Figure 1). Sous les poils de la
carapace, vous pourrez peut-être voir des dépressions et renfoncements de la surface
qui indiquent où se trouve la musculature sous-jacente de l’estomac suceur. Sur la face
dorsale, devant la carapace, repérez les quatre paires d’yeux simples disposées sur
deux rangées à la surface du tubercule optique. Certains de ces yeux regardent vers
l’avant, et d’autres vers les côtés. La position et la taille des yeux varient selon les
espèces d’araignées, mais leur nombre est presque toujours de huit. Les huit yeux de
la tarentule sont-ils tous de la même taille?
Figure 2 Vue ventrale de l’anatomie externe d’une araignée.
Six paires d’appendices sont fixés au prosoma : les chélicères, les pédipalpes et
quatre paires de pattes locomotrices. La paire d’appendices la plus antérieure est
formée des chélicères qui possèdent deux segments : le crochet et le gros segment
basal qui relie la chélicère au prosoma. Les glandes à venin, qui produisent un
mélange d’enzymes digestives et de neurotoxines, sont situées dans le segment basal,
et un conduit amène le venin jusqu’à un orifice situé à la pointe du crochet. On a déjà
mentionné que les tarentules sont des araignées primitives. Une autre raison de les
placer à la base de l’arborescence de l’évolution des araignées est le mode
d’articulation des chélicères avec le prosoma. Chez les espèces évoluées, les crochets
pivotent de côté vers l’extérieur, puis vers l’intérieur pour se rejoindre dans l’axe
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médian du corps. Chez les tarentules, les crochets pivotent vers l’avant, et non vers les
côtés, puis vers l’arrière en direction du corps en tirant la proie pour la coincer contre
le prosoma.
Derrière les chélicères, on trouve les gros pédipalpes formés de six segments.
Examinez la face ventrale des pédipalpes, là où ils sont attachés au corps de la
tarentule (Figure 2). Le gros segment basal est le coxa ou la hanche gnathobasique
qui couvre la bouche et dont les bords acérés servent à broyer et à mastiquer la
nourriture. Les Chélicérates se nourrissent en fait de liquide. Ils régurgitent sur leur
nourriture des sucs digestifs avant de la mastiquer tout en y mêlant les sucs digestifs.
Au bout d’un certain temps, ils pressent la nourriture et consomment la soupe liquide
digestive ainsi extraite. Ils répètent le processus jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à
sucer, puis rejettent le restant de matériau indigestible. Quel nom donne-t-on à ce
type de digestion?
Figure 3 Pédipalpe d’une araignée mâle.
Les pédipalpes des araignées sont sexuellement dimorphes. Chez la femelle, ils
ressemblent aux autres pattes, à ceci près que le métatarse est absent. Chez le mâle
adulte (Figure 3), leur extrémité est prolongée par une structure complexe semblable à
un bulbe et appelée cymbium, formée de deux parties : le bulbe copulateur et le style
(ou embolus), qui fonctionnent ensemble comme un compte-gouttes. Le mâle adulte
tisse une petite toile spermatique sur laquelle il dépose une goutte de sperme par son
orifice génital. Il trempe ensuite l’extrémité du style dans la goutte de sperme et aspire
celle-ci dans le bulbe copulateur pour un usage ultérieur. Les araignées s’accouplent
face à face : le mâle introduit son style dans l’orifice génital de la femelle et dépose le
sperme dans la spermathèque (réceptacle séminal) de la femelle.
Une grande plaque sternale recouvre la face ventrale du prosoma (Figure 2). Sur son
pourtour, la membrane pleurale relie la carapace dorsale et le sternum ventral. La
membrane pleurale est difficile à voir parce qu’elle entoure les articulations de la
hanche (articulations coxales) des quatre paires de pattes locomotrices. Chaque patte
locomotrice possède sept segments. Ce sont, à partir du corps : la hanche, le
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trochanter, le fémur, la patella, le tibia, le métatarse, et enfin le tarse, qui porte des
griffes.
L’opisthosoma
L’opisthosoma d’une araignée est composé de douze segments, qui sont toutefois
cachés par la cuticule membraneuse. Chaque segment comporte un tergite dorsal relié
par des membranes pleurales à un sternite ventral. Le premier segment de
l’opisthosoma est modifié en un pédicelle, resserrement qui relie l’opisthosoma au
prosoma.
Les orifices des deux paires de poumons lamellaires ont l’aspect de fentes situées
derrière le deuxième sternite sur la face ventrale de l’opisthosoma (Figure 2). Les
poumons lamellaires sont formés de lamelles, qui sont des feuillets de fine cuticule,
empilés comme les pages d’un livre, d’où leur nom de book lungs en anglais. Du point
de vue des échanges gazeux, les poumons lamellaires ne constituent pas la surface la
plus efficace pour un animal terrestre, parce que la grande surface exposée à l’air a un
potentiel important de perte d’eau. Le fait que les poumons soient logés dans une
cavité et en dessous d’une couche d’air immobile créée par les soies contribue à
minimiser les pertes d’eau. En plus de ces adaptations structurales, les araignées
minimisent les pertes d’eau en chassant la nuit et en se reposant dans un terrier le jour.
La plupart des araignées ont un seul poumon lamellaire combiné à un système
trachéal. On suppose que la trachée aide à contourner le problème de la perte d’eau
dans la respiration. Les tarentules ont conservé les deux paires originales de poumons,
et c’est une autre raison pour laquelle on les considère comme primitives. Le sillon
épigastrique creusé dans la cuticule suit les orifices de la première paire de poumons
lamellaires, et une plaque cuticulaire, l’épigyne, située entre les orifices des poumons
et devant le sillon épigastrique, contient l’orifice de l’appareil reproducteur femelle.
Au moment de l’accouplement, c’est dans cet orifice que le mâle insère la pointe de
son style pour remplir les réceptacles séminaux.
Les filières et les papilles anales sont situées à l’extrémité postérieure de
l’opisthosoma. Contrairement à la plupart des araignées, qui ont au moins six filières,
les tarentules n’en possèdent que deux à quatre selon les espèces. Pourquoi les
tarentules ont-elles moins de filières que les araignées qui tissent des toiles? On
croit que les filières sont issues des appendices qui étaient à l’origine sur ces segments.
Repérez la fente anale à la pointe des papilles anales.
Tiques et acariens
Les tiques et les acariens comptent parmi les plus petits prédateurs du règne animal.
Toutes les tiques se nourrissent de sang, surtout de Mammifères, mais on sait qu’elles
s’attaquent à pratiquement tous les Vertébrés terrestres. Les acariens sont aussi des
prédateurs mais, contrairement à tous les autres Chélicérates, certains acariens se
nourrissent de la sève de plantes. Chez les tiques comme chez les acariens, la seule
caractéristique des Chélicérates qui soit visible est la présence de quatre paires de
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pattes; la division habituelle du corps en un prosoma et un opisthosoma est absente, et
aucune segmentation n’est visible.
Parce qu’elles se nourrissent de sang, les tiques sont des vecteurs d’un certain nombre
de maladies, dont la fièvre pourprée des Montagnes Rocheuses et la maladie de Lyme.
Les tiques se mettent à l’affût de leurs hôtes dans des graminées ou en hauteur dans
des branches d’arbre. Dès qu’elles détectent un dégagement de chaleur corporelle et de
dioxyde de carbone, elles se laissent tomber de la végétation et se fixent sur leur hôte.
De nombreux randonneurs et campeurs sont au courant des pluies de tiques qui
tombent à certaines époques de l’année, ainsi que de la nécessité de vérifier la
présence de tiques à la fin de chaque journée passée dans la nature.
Les acariens sont plus petits que les tiques et, bien que certains d’entre eux puissent
transmettre des maladies, ils en sont rarement la cause. La gale toutefois résulte d’une
infection par des acariens. Les acariens sont des prédateurs importants des Insectes. Ils
rampent dans leur système trachéal et le percent pour se nourrir de leur hémolymphe.
Récemment, les abeilles et d’autres pollinisateurs ont connu une baisse spectaculaire
de leur population, et cela a été attribué en partie à un acarien devenu résistant aux
produits chimiques utilisés comme pesticides dans des ruches commerciales. Les
acariens sont également d’importants prédateurs de la faune microscopique des sols, et
d’autres espèces se nourrissent de la sève de plantes qu’elles sucent.
Lames préparées – Tique Dermacentor ou Ixodes
Ces deux espèces permettent d’observer les principales caractéristiques des tiques. La
principale différence entre les deux est que Dermacentor a des yeux sur les côtés du
scutum. Chez les deux espèces, le corps est aplati dans le sens dorso-ventral, et la
subdivision habituelle entre le prosoma et l’opisthosoma associée aux Chélicérates est
Figure 4 Vue dorsale de l’anatomie externe d’une tique.
pratiquement absente. Au lieu de cela, on distingue à l’avant le capitulum
(gnathosoma) portant les pièces buccales et, à l’arrière, l’idiosome auquel sont fixées
quatre paires de pattes locomotrices.
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Le capitulum
La partie antérieure du corps s’appelle le capitulum et est formée de trois parties
(Figure 4). La première est difficile à voir, mais la deuxième, qui porte les chélicères,
et la troisième, qui porte les pédipalpes, sont faciles à identifier. Le capitulum est relié
à l’idiosome par la base capitulaire (ou basis capituli), qui forme un anneau
cuticulaire et s’insère dans un sillon de la partie antérieure de l’idiosome. Deux
régions de la surface de la base capitulaire sont couvertes de petits pores, d’où leur
appellation d’aires poreuses. Les pores sont les orifices des glandes dermiques situées
en dessous.
Les tiques se nourrissent de sang. L’hypostome et les chélicères se combinent pour
former une paille à boire qui pénètre dans la peau de l’hôte. Repérez l’hypostome en
dessous des chélicères. L’hypostome est une extension du sternum et, si vous regardez
attentivement, vous allez voir à sa surface des dents orientées vers l’arrière. Pourquoi
les dents sont-elles orientées dans cette direction? Les chélicères sont en forme
d’aiguille et comportent deux segments. Les pédipalpes comportent quatre segments et
forment les côtés des pièces buccales perceuses. Les deuxième et troisième segments
des pédipalpes ont sur leur face interne un sillon qui entoure l’hypostome et les
chélicères. Le quatrième segment (le plus distal) est très petit et situé à la pointe du
pédipalpe.
Figure 5 Vue ventrale de l’anatomie externe d’une tique.
L’idiosome
Le reste du corps est l’idiosome, formé par la partie postérieure du prosoma original et
par l’ensemble de l’opisthosoma. Chez le mâle, le scutum durci recouvre toute la
surface de l’idiosome, alors que chez la femelle, il n’en couvre que la partie antérieure.
Le mâle et la femelle se nourrissent de sang, mais la femelle reste fixée plus
longtemps sur son hôte et consomme davantage de sang; son scutum plus petit lui
permet de faire de plus gros repas. Le bord de l’idiosome est découpé de onze festons
rectangulaires. Une paire d’yeux simples se trouve près des bords antérieur et latéral
du scutum. Chez Ixodes, les yeux sont imbriqués dans des tissus mous, à peu près au
même emplacement. Vers le milieu de la face dorsale, l’idiosome comporte deux
ouvertures, les fovéas, par lesquelles sont libérées les sécrétions des glandes fovéales.
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L’unique orifice génital est sur la face ventrale (Figure 5), près de la ligne médiane
antérieure et derrière la plaque génitale. L’anus est au centre de l’idiosome, près de
l’extrémité postérieure de la plaque anale. La plaque anale semble être formée de
deux plaques à cause de la présence d’un sillon. Le pore génital, l’anus et la plaque
anale sont absents de la nymphe immature. Les stigmates et les plaques spiraculaires
qui les entourent sont derrière la dernière paire de pattes.
Les pattes de la première paire possèdent sept segments. Le tarse situé à l’extrémité de
ces pattes comporte un organe en forme de coupe appelé organe de Haller. Cet
organe sensoriel permet à la tique de repérer un hôte approprié pour se nourrir. Les
autres pattes sont dépourvues d’organe sensoriel et possèdent une articulation
tarsienne supplémentaire, et donc un huitième segment.
Lames préparées – acariens
Comme on l’a mentionné plus haut, les acariens sont microscopiques et constituent un
groupe d’animaux extrêmement diversifié. À cause de leur petite taille, on ignore le
nombre d’espèces d’acariens. Certains estiment que plus d’un demi-million d’espèces
restent à identifier. Cela ne serait pas surprenant, puisque les acariens sont devenus en
grande partie des ectoparasites spécialisés des Insectes, qui constituent le groupe le
plus diversifié d’animaux terrestres.
Figure 6 Anatomie externe d’un acarien folliculaire (A) et d’un acarien de la
gale (B).
La partie antérieure du corps des acariens est le gnathosoma, qui porte les pièces
buccales. La partie postérieure est divisée en deux parties : le propodosoma (à
l’avant), qui porte les deux premières paires de pattes locomotrices, et le
métapodosoma (à l’arrière) (Figure 6). La séparation entre les deux est généralement
marquée par le sillon séjugal creusé dans la cuticule. Chez certaines espèces, ce sillon
est absent. Il n’y a que peu ou pas de signes de la segmentation primitive de ces
régions. Repérez les chélicères, semblables à des aiguilles, qui servent à pénétrer les
tissus des organismes dont l’acarien se nourrit, et les pédipalpes, à l’aspect de pattes,
qui ont une fonction sensorielle en plus de permettre à l’acarien de se fixer sur sa
source de nourriture. Chez de nombreux acariens, la première paire de pattes est
également sensorielle et fonctionne comme une paire d’antennes. Ces acariens se
déplacent donc sur six pattes, d’où le risque de les confondre avec des insectes.
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Même si certains acariens ont une cuticule entièrement rigide, la plupart ont un corps
mou doté de plaques cuticulaires qui entourent les orifices respiratoires (stigmates) et
l’anus. De nombreuses espèces ont également sur leur face ventrale des plaques
sternales entre les pattes. Le corps des acariens est souvent couvert de soies qui ont
une fonction mécanoréceptrice et chimiosensorielle.
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Atelocerata
Le criquet : Romalea guttata
L’ordre des Orthoptères, qui fait partie des Insectes et comprend le criquet, fournit
d’excellents spécimens pour l’étude de nombreuses caractéristiques primitives des
Insectes, notamment les pièces buccales et la structure des tagmes qui forment le
corps. Le criquet Romalea guttata est une espèce de grande taille et donc idéale pour
des observations en laboratoire. Par contre, contrairement à d’autres criquets, il ne
peut pas voler parce que ses ailes sont petites. C’est donc en sautant qu’il se propage.
On le trouve dans le Sud-Est des États-Unis.
Anatomie externe
La structure fondamentale des Arthropodes est métamérique, les tagmes étant formés
par la réunion de segments primitifs appelés métamères. Identifiez dans votre
spécimen les trois principaux tagmes des Insectes : la tête, le thorax et l’abdomen
(Figure 7). Quelles fonctions sont associées à chacun des tagmes des Insectes?
Figure 7 Anatomie externe d’un criquet.
Les Arthropodes, y compris les Insectes, sont couverts d’un exosquelette (cuticule)
produit par un épiderme sous-jacent. Chez les Arthropodes les plus primitifs, chaque
segment est entouré de deux ou trois plaques cuticulaires appelées sclérites. Un
sclérite porte le nom de tergite sur la face dorsale, de sternite sur la face ventrale, et
de pleure sur chaque face latérale. L’abdomen ne possède que deux sclérites, le tergite
et le sternite, reliés par des membranes pleurales au lieu de pleures solides. La
présence de membranes entre les sclérites permet à ceux-ci de bouger l’un par rapport
à l’autre. Par exemple, la membrane pleurale permet à l’abdomen de gonfler lorsque
l’insecte se nourrit ou lorsque la femelle produit des œufs. La réunion de métamères
pour former les tagmes a souvent entraîné la disparition de l’articulation entre les
divers sclérites, et ce qui subsiste de la jonction entre deux sclérites est un sillon ou un
renfoncement de la surface de la cuticule appelé suture. Souvent, une suture est
davantage qu’une simple ligne à la surface de la cuticule, et la cuticule se replie vers
l’intérieur pour former une arête interne. Quel est l’avantage de ces replis de la
cuticule pour l’insertion des muscles? Les sutures ne correspondent pas toujours à la
segmentation primitive d’un tagme, et d’autres renfoncements de la cuticule, par
exemple les apodèmes, constituent aussi des sites internes d’insertion des muscles.
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La tête
La tête des Insectes résulte de la réunion de six segments, appelés segments
céphaliques, dont trois sont préoraux (prégnathaux), et trois sont post-oraux
(gnathaux). Les appendices des segments préoraux sont le labre (ou lèvre supérieure)
et les antennes; le troisième segment céphalique ne porte aucun appendice. Dans le
sous-embranchement étroitement apparenté des Crustacés mandibulés, ce troisième
segment céphalique portait la seconde paire d’antennes. Chez les Atélocérates, la
seconde paire d’antennes est perdue, d’où le nom de ce taxon. Les appendices postoraux sont, de l’avant vers l’arrière : les mandibules, les maxilles et le labium
fusionné. Le labre et le labium forment respectivement le plafond et le plancher de la
cavité préorale; les mandibules et les maxilles en forment les côtés. Comment le
nombre et le type des appendices de ce premier tagme se comparent-ils avec ceux
des Crustacés et des Chélicérates?
Figure 8 Vue antérieure des caractéristiques principales externes de la tête
d’un criquet.
La capsule céphalique (Figure 8) est à toutes fins pratiques un morceau solide de
cuticule durcie, et la plupart des sutures et lignes visibles à sa surface sont les
apodèmes d’arêtes cuticulaires internes qui empêchent la capsule céphalique de
Figure 9 Vue latérale des caractéristiques principales externes de la tête d’un
criquet.
s’affaisser sous la force de la musculature des pièces buccales. Seules les sutures
postérieures situées à proximité du cou correspondent à la segmentation d’origine de
la tête. Nous reviendrons bientôt à ces sutures postérieures. Pour le moment,
commençons par le devant de la tête. Avant de commencer l’observation de
l’anatomie externe, assurez-vous que la surface de votre spécimen est sèche; de
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nombreux petits détails sont difficiles à voir si le spécimen est humide. Au besoin,
placez le spécimen sur un morceau d’essuie-tout et attendez qu’il soit bien sec.
Deux yeux composés sont situés sur les côtés, près du sommet de la tête (Figure 9).
Regardez-les attentivement au microscope à dissection : vous verrez l’arrangement
complexe des ommatidies, unités optiques fondamentales des yeux des Arthropodes.
La partie des ommatidies que vous voyez est la cornée (cristallin). En plus des deux
yeux composés, le criquet possède trois yeux simples appelés ocelles. Deux de ces
ocelles sont situés entre la base des antennes et les yeux composés. Un ocelle médial
est situé sur la face antérieure de la tête, sous le sillon qui passe entre les deux
antennes et les deux yeux composés. Le nombre et l’emplacement des ocelles varient
selon les espèces d’Insectes, mais cette disposition de trois ocelles correspond au
schéma primitif. Les ocelles peuvent-ils former une image? Quelle est leur
fonction?
La présence d’une seule paire d’antennes est caractéristique des Atélocérates. Chaque
antenne se compose de trois éléments principaux : le scape, qui constitue la partie
proximale de l’antenne, le pédicelle, puis le flagelle, partie distale de l’antenne. Le
flagelle est formé d’un seul segment, mais il possède une série d’anneaux qui lui
donnent un aspect segmenté et lui permettent de plier. En quoi la structure de la
musculature interne est-elle différente entre les anneaux et un segment de
l’antenne? Examinez attentivement les antennes au microscope à dissection, afin de
voir les soies qui en couvrent la surface. Même si quelques soies ont une fonction
mécanoréceptrice, elles jouent surtout un rôle chimiosensoriel. Lorsque l’animal est en
vol, les antennes plient et bougent, donnant une information sensorielle importante sur
la vitesse, la direction et la résistance du vent. Cette torsion et ce pliement du flagelle
produisent dans la cuticule du pédicelle des pressions détectées par une structure
mécanoréceptrice appelée organe de Johnston. Tous les insectes volants possèdent un
organe de Johnston qui donne de l’information leur permettant de régler leur vol en
fonction des courants aériens.
Les autres appendices de la tête sont les pièces buccales. La lèvre charnue est le labre,
fixé sur la tête par le clypéus. Regardez la tête de côté pour voir les mandibules
puissantes et durcies (Figure 9). Derrière les mandibules, il y a les maxilles avec leurs
palpes maxillaires sensoriels. Le dernier ensemble d’appendices de la tête est formé
des appendices fusionnés du labium, qui possède lui aussi des palpes labiaux
sensoriels. Plus tard au cours de la séance, vous observerez de plus près des lames
préparées de pièces buccales de criquet afin de comparer la structure primitive avec
des pièces buccales spécialisées pour divers types de nourriture.
La capsule céphalique est subdivisée en un certain nombre de régions, ou plaques, par
des sutures et des lignes. Le sommet de la tête s’appelle le vertex (Figure 8). À partir
du vertex, un ensemble de lignes forment un Y renversé : c’est la suture épicraniale.
Lorsque le criquet mue, ces lignes s’ouvrent et l’insecte émerge de l’ancienne cuticule.
La partie de la cuticule située sur le côté de la tête derrière la suture épicraniale
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s’appelle la gena, et la partie de la cuticule située entre les branches de la suture
épicraniale s’appelle le front. Derrière la gena, deux autres plaques en forme de selle
couvrent les faces dorsale et latérales de la tête : ce sont l’occiput et le postocciput,
séparés l’un de l’autre par la suture postoccipitale. La suture postoccipitale est la
seule suture qui identifie des segments céphaliques originaux, représentant la réunion
des cinquième et sixième segments. L’ouverture postérieure de la tête est le foramen.
Deux sutures reliées traversent la tête horizontalement au-dessus de l’insertion des
pièces buccales (Figure 9). En dessous de ces deux sutures, une arête de cuticule fait le
tour de la tête à l’intérieur de celle-ci. Les pièces buccales s’articulent avec la tête dans
cette région, et l’arête de cuticule renforce la tête afin qu’elle résiste aux forces
produites par la musculature des pièces buccales. Les petits creux situés sur les bords
latéraux de la suture sont les apodèmes qui forment le tentorium endosquelettique de
la tête. Les autres apodèmes du tentorium sont situés à la base de la suture
postoccipitale. Le tentorium forme des « arcs-boutants » internes allant de l’arrière et
du devant de la tête vers le sommet de celle-ci, faisant en sorte que le crâne ne
s’affaisse pas sous l’action des forces produites par les pièces buccales.
Le thorax
Les Insectes possèdent deux paires d’ailes. Chez le criquet, ces deux paires d’ailes ont
un aspect différent. Les ailes antérieures, fixées au mésothorax, sont tannées et
protègent les ailes postérieures situées en dessous. C’est souvent le cas chez les
Insectes. Chez les Coléoptères, cette stratégie est raffinée par le fait que les ailes
antérieures, appelées élytres, sont durcies et ne servent pas à voler, mais uniquement à
Figure 10 Sclérites et sutures principaux du prothorax d’un criquet
protéger les ailes postérieures. Vous pouvez voir la différence entre les deux types
d’ailes en dépliant une aile postérieure et en la comparant à l’aile antérieure. Les ailes
sont soutenues par un ensemble de veines, mais ce terme n’a ici rien à voir avec
l’appareil circulatoire. Les veines sont des arêtes de cuticule qui renforcent les ailes.
Chez Romalea guttata, les deux paires d’ailes sont trop petites pour que l’animal
puisse voler.
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 13
Le thorax se compose de trois segments : le prothorax, le mésothorax et le
métathorax. Les sclérites principaux des segments thoraciques sont le notum (tergite)
sur la face dorsale, les pleures sur les faces latérales et le sternum (sternite) sur la
face ventrale. Chaque segment thoracique porte une paire d’appendices, et les ailes
sont fixées sur les segments mésothoracique et métathoracique qui, ensemble,
constituent le ptérothorax.
Dépourvu d’ailes, le prothorax est formé par la fusion des quatre sclérites : le notum,
le sternum et les deux pleures latéraux. Le notum dorsal du prothorax, appelé
pronotum, agrandi et en forme de selle, s’étend vers le bas sur les côtés du segment.
Dans les formes primitives, chacun des segments thoraciques et abdominaux possédait
des stigmates. Repérez le stigmate du prothorax. L’articulation de la patte
prothoracique avec le thorax a la même structure que dans le cas du ptérothorax
Figure 11 Sclérites et sutures principaux du métathorax d’un criquet.
(Figure 10). Dans chacun des segments du ptérothorax, les pleures latéraux sont
fusionnés avec le sternite ventral pour former une boîte thoracique à trois côtés. Le
notum se subdivise en une partie antérieure, l’alinotum et une partie postérieure, le
postnotum (Figure 11). Le postnotum prolonge sans discontinuité le bord postérieur
des pleures gauche et droit, et forme la face supérieure de la boîte thoracique rigide.
L’alinotum est relié à la partie membraneuse du pleure situé en dessous, ce qui permet
à l’alinotum de bouger de haut en bas par rapport à la boîte qu’il surmonte. Regardez
attentivement les plaques pleurales du mésothorax et du métathorax. Une suture
pleurale centrale divise le pleure en deux, et le processus pleural est une extension
de la cuticule à l’extrémité dorsale de la suture pleurale. Il constitue le point central
d’articulation des ailes, qui pivotent sur le bord supérieur des processus pleuraux
lorsqu’elles sont actionnées vers le haut et vers le bas par les muscles du vol. Lorsque
le notum monte, les ailes baissent; lorsque le notum baisse, les ailes montent. Comme
dans la tête, un repli interne de cuticule correspond à la suture pleurale et renforce la
boîte thoracique afin qu’elle résiste aux forces des muscles du vol. Tout comme les
pleures, le sternite est subdivisé en une partie antérieure et une partie postérieure
séparées par une suture qui joue le rôle d’un apodème de renforcement. Observez
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 14
attentivement la suture et repérez les apodèmes externes et les creux apophysaires qui,
avec la suture pleurale, maintiennent la rigidité de la boîte thoracique lorsque les
muscles du vol se contractent.
Figure 12 Patte d’un insecte typique
Les trois paires de pattes sont fixées sur la face ventrale des pleures. Chaque patte
s’articule avec l’extrémité ventrale d’une suture pleurale et d’un pleure. Chaque patte
comporte six segments tubulaires, de sorte que chaque articulation ne peut bouger que
dans une seule direction (Figure 13). Lorsque vous faites fléchir chacun des
segments, bougent-ils tous dans la même direction les uns par rapport aux
autres? Le segment le plus près du corps est la hanche (le coxa), suivie du
trochanter, du grand fémur, puis du tibia. Chez le criquet, le trochanter est fusionné
avec le fémur; veillez donc à bien repérer la suture entre les deux. Le cinquième
segment est le tarse, qui chez les Insectes est divisé en une suite pouvant comporter
jusqu’à cinq tarsomères. À l’extrémité du dernier tarsomère, on trouve le segment
prétarsal ainsi que des griffes. Les pattes prothoraciques et mésothoraciques sont très
semblables. Les pattes métathoraciques sont modifiées pour le saut. On trouve à
l’intérieur de celles-ci les muscles qui font allonger la patte pour le saut.
L’abdomen
Dans sa forme primitive, l’abdomen des Insectes comportait onze segments, mais il est
souvent difficile de tous les voir, parce que certains sont fusionnés ou de taille réduite,
ou encore modifiés à cause des parties génitales associées aux segments postérieurs
(Figure 13). Un segment abdominal typique comporte un tergite et un sternite
Figure 13 Structure générale de l’abdomen d’un insecte. S=Sternite T=Tergite.
sclérotisés, de même qu’une pleure membraneuse. Chaque segment possède un
stigmate, et les segments terminaux ont des appendices qui interviennent dans la
copulation et dans la ponte des œufs.
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 15
Repérez le tergite, le sternite, la membrane pleurale et le stigmate de l’un des sept
premiers segments prégénitaux de votre spécimen. À quelques exceptions près, ces
segments ont le même aspect. Les exceptions comprennent le tympan sur le premier
tergite abdominal, et l’extension du sternite métathoracique par un sillon sur le
premier sternite abdominal. L’ensemble du premier segment abdominal est fusionné
au thorax, et cette modification du sternite aide à fixer l’abdomen au thorax. La poche
d’air située derrière la membrane tympanique est reliée au reste du système trachéal et
s’ouvre sur l’extérieur par le stigmate situé près du tympan. Pourquoi la présence
d’une poche d’air derrière le tympan est-elle importante? Les autres segments sont
les segments génitaux; ils conservent les appendices primitifs qui se sont modifiés
pour former les parties génitales du mâle et de la femelle. Examinez des spécimens
mâle et femelle.
Chez la femelle, la plaque génitale est le huitième sternite, le dernier visible sur la face
ventrale du corps. Le huitième tergite n’est pas modifié, mais les neuvième et dixième
tergites sont partiellement fusionnés. Le onzième tergite, qui consiste en une plaque
triangulaire agrandie, s’appelle l’épiprocte. L’anus est en dessous de l’épiprocte.
Repérez le court cerque sensoriel, onzième appendice modifié situé sous le onzième
tergite. Dans le plan général des parties génitales de la femelle, les appendices pairs
des huitième et neuvième segments forment l’ovipositeur. Les valves de l’ovipositeur
entourent un oviducte central interne, et le gonopore (orifice génital) s’ouvre à la base
de l’oviducte. Les premières valves paires de l’ovipositeur sont sur le huitième
segment, alors que les deuxièmes et troisièmes valves sont sur le dixième segment.
Chez le criquet les premières et troisièmes valves sont grandes et fortement
sclérotisées, alors que les deuxièmes valves sont de taille réduite. Les deux valves de
chaque paire s’emboîtent et servent à creuser le sol avant la ponte des œufs.
Chez le mâle, les appendices primitifs situés à la pointe de l’abdomen interviennent
dans le transfert du sperme à la femelle, généralement dans un spermatophore. Il n’est
pas facile de définir un plan général des parties génitales du mâle, à cause des
différentes morphologies et de la variété des termes employés. Au lieu d’être formées
à partir des appendices des huitième et neuvième segments, les parties génitales mâles
sont formées à partir du neuvième segment. Dans votre spécimen, les huitième et
neuvième sternites sont tous deux visibles, et le neuvième forme à la fois la plaque
génitale et l’appendice primitif entourant l’édéage (ou aedeagus), qui transmet le
sperme à la femelle. Sur leur face dorsale, les tergites ressemblent à ceux de la
femelle, mais les neuvième et dixième tergites ne sont pas fusionnés.
Les pièces buccales des Insectes
L’un des caractères autapomorphiques qui définit le règne animal est l’hétérotrophie.
Les animaux doivent consommer sous forme d’aliments des molécules comportant des
liaisons chimiques à haute énergie et rompre ces liaisons pour alimenter leurs
processus vitaux. Il n’est pas surprenant que la diversité des animaux se traduise par la
variété de leur diète. Les espèces spécialistes qui se nourrissent d’aliments d’un type
précis, le phytoplancton par exemple, ont une morphologie très différente de celle des
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 16
animaux fouisseurs qui vivent dans les sédiments au fond des océans. Il en va de
même chez les Insectes, et l’une des raisons de leur succès réside dans leur capacité à
exploiter une grande variété de sources de nourriture, allant de la sève des plantes au
bois, en passant par le sang, les plumes et les feuilles. Pour permettre la consommation
de ces divers types d’aliments, les pièces buccales des Insectes ont subi différentes
transformations afin de devenir des outils spécialisés adaptés à chaque type de
nourriture.
Chez les Insectes, la bouche se situe à la base d’une cavité préorale formée par les
appendices servant à l’alimentation. La présence de ces appendices est idéale pour la
manipulation et la modification de la nourriture avant son ingestion. La cavité préorale
ressemble à une boîte ouverte : les mandibules et maxilles paires forment deux côtés
opposés, alors que le labre (lèvre supérieure) et le labium (lèvre inférieure) forment les
deux autres côtés opposés. Le devant de la cavité préorale constitue l’ouverture de la
boîte, alors que la bouche et l’orifice des glandes salivaires correspondent au fond de
la boîte. La cavité préorale est séparée en deux par l’hypopharynx, qui ressemble à
une langue; l’hypopharynx délimite du côté dorsal le cibarium qui conduit à la
bouche, et du côté ventral le salivarium qui comporte l’orifice des glandes salivaires.
Quels appendices de la tête d’un Insecte n’interviennent pas dans l’alimentation?
L’une des premières innovations des pièces buccales des Insectes a été la
transformation de la mandibule d’une articulation (condyle) simple à une articulation
double la reliant à la capsule céphalique. La symplésiomorphie de la mandibule à
double condyle sert à distinguer les hexapodes les plus primitifs des autres Insectes. Y
a-t-il d’autres différences entre les Insectes et les hexapodes plus primitifs? Cet
état de mandibulé ayant la capacité de mastiquer est primitif chez les Insectes, et le
criquet constitue l’exemple classique de cette morphologie. Les insectes qui se
nourrissent de liquide ont des pièces buccales qui permettent de sucer. L’une des
raisons qui explique le succès des Insectes est leur capacité à modifier leur cuticule en
une incroyable variété de formes. Pensez à une libellule, à une mouche domestique et
à un scarabée, et vous verrez jusqu’à quel point ces modifications peuvent être
spectaculaires. La même chose est vraie des pièces buccales. Par exemple, une grosse
mandibule broyeuse peut être transformée en une structure délicate ayant la forme
d’une seringue qui pénètre les vaisseaux de plantes ou d’animaux pour en sucer la
sève ou le sang. Non seulement les pièces buccales primitives changent de forme, mais
souvent elles disparaissent complètement. Cette séance de laboratoire vous permettra
de voir certaines de ces modifications.
Insectes mandibulés : mastication et morsure
Les pièces buccales primitives ont été les mandibules, dont les dents déchiraient la
nourriture en morceaux, broyés ensuite par la surface molaire des mandibules avant
d’être avalés. Comme on l’a mentionné plus haut, la mandibule servant à mastiquer et
à mordre est le type le plus primitif de pièce buccale des Insectes, et le criquet
constitue un bon cas permettant de l’étudier.
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 17
Le criquet – Pièces buccales mandibulaires
Les pièces buccales mandibulaires du criquet ressemblent à celles de l’insecte
généralisé ou primitif (Figure 14). Des lames préparées des pièces buccales du criquet
sont disponibles. À mesure que vous les observez, repérez ces pièces buccales sur
votre spécimen complet de criquet.
Le labre est suspendu par le clypéus, et ces deux pièces réunies forment un appendice
semblable à une assiette au plafond de la cavité préorale. La face inférieure du labre
s’appelle l’épipharynx. Même si les entomologistes ne sont pas tous d’accord, on
admet généralement que le labre résulte de la fusion des appendices du premier
Figure 14 Pièces buccales d’un criquet.
segment céphalique. Les mandibules, fortement sclérotisées et durcies, ont une
surface coupante (incisive) et une surface broyeuse (molaire); repérez-les sur votre
spécimen. La mandibule s’articule avec le devant et l’arrière de la gena (joue). Elle
possède deux condyles, c’est-à-dire des extensions cuticulaires qui s’ajustent dans des
sillons ou rainures. La présence de deux articulations signifie que la mandibule pivote
vers l’intérieur et vers l’extérieur lorsque l’animal mastique. Essayez de localiser les
articulations et les condyles.
Les maxilles sont également paires. Les segments de la partie basale sont le cardo,
qui s’articule avec la gena, et le stipe, qui porte une lacinia, semblable à une dent, une
galea ainsi qu’un palpe maxillaire. Les dentelures de la lacinia aident la mandibule à
déchirer la nourriture, alors que les poils sensoriels et les soies de la galea et du palpe
maxillaire servent à détecter et à goûter la nourriture. Le labium est formé par la
fusion des appendices du sixième segment céphalique. Il constitue le plancher de la
cavité préorale. Il est fixé à la tête par la gula, qui s’articule avec l’arrière de la tête.
La gula possède une ligula interne charnue et des palpes sensoriels externes.
L’hypopharynx n’est pas un appendice. C’est plutôt une structure semblable à une
langue située dans la cavité préorale. L’hypopharynx possède sur sa face supérieure un
orifice oral appelé cibarium, et sur sa face inférieure un orifice salivaire appelé
salivarium.
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 18
Insectes suceurs : alimentation liquide
La morphologie des pièces buccales des insectes qui se nourrissent de liquide varie
selon l’endroit où se trouve le liquide et la manière dont il est ingéré. Les pièces
buccales perforantes ont été modifiées en de longues structures appelées stylets,
semblables à des aiguilles qui percent une plante ou un animal et forment un tube à
boire qui permet de sucer leurs liquides internes. Des insectes peuvent aussi se nourrir
d’aliments liquides en les épongeant sur une surface ou en utilisant un tube à boire
pour sucer des liquides cachés ou difficiles à atteindre.
Le moustique – Pièces buccales perforantes
Lorsqu’un moustique femelle se nourrit, le labre, les maxilles et les mandibules
(Figure 15) pénètrent tous dans la peau, et le labium se replie pour ne pas faire
obstacle à mesure que les autres pièces buccales s’enfoncent à la recherche d’un
vaisseau capillaire. La perforation est faite en grande partie par les maxilles et les
mandibules. Lorsque le moustique trouve un vaisseau capillaire, les maxilles fixent les
pièces buccales, les mandibules coupent la paroi du vaisseau sanguin, puis la pointe du
Figure 15 Pièces buccales perforantes d’un moustique
labre y pénètre. De la salive provenant de l’hypopharynx s’ajoute au sang juste avant
que celui-ci ne soit aspiré par le canal alimentaire dans le cibarium, puis dans la
bouche. Seule la femelle se nourrit de sang, et sa salive contient un anticoagulant qui
est mélangé au sang, afin que celui-ci ne forme pas de caillots pendant son passage
dans le canal alimentaire. Tout comme le mâle, la femelle se nourrit aussi de nectar,
dont le sucre sert de carburant pour le vol. Les protéines du sang ingéré par la femelle
servent à la production des œufs. Techniquement, lorsqu’un moustique se nourrit
de nectar, ses pièces buccales ne sont pas perforantes. Pourquoi? De quel type de
pièces buccales s’agit-il dans ce cas?
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 19
La mouche à cheval – Pièces buccales coupantes et agissant
comme éponge
Les mouches à cheval, Tabanus spp. et les mouches à chevreuil, Crysops spp., sont
également des Diptères primitifs. Toutes les pièces buccales primitives sont présentes,
mais fortement modifiées et subdivisées en deux principales composantes
fonctionnelles (Figure 16). Les lames coupantes sont formées à partir des mandibules
et des lacinias des maxilles. À mesure qu’elles pénètrent dans la peau, elles s’ouvrent
Figure 16 Pièces buccales coupantes et agissant comme éponge chez les
mouches à cheval et les mouches à chevreuil
et se ferment à la manière d’une paire de ciseaux. C’est l’action combinée des deux
mandibules et des deux maxilles qui rend la morsure de ces mouches si douloureuse.
L’hypopharynx est allongé et muni d’un canal salivaire central qui injecte de la salive
dans le sang qui s’accumule dans la plaie. La labelle est formée des lobes charnus du
labium. Chacun de ces lobes est un palpe labial modifié. En examinant attentivement
la surface de la labelle, vous allez voir qu’elle est couverte de petits canaux appelés
pseudotrachées. Lorsque la labelle entre en contact avec le sang contenu dans la
plaie, les pseudotrachées se remplissent par capillarité. Des anneaux partiels de
cuticule renforcent les pseudotrachées, les empêchant de s’affaisser lorsque le sang est
sucé dans le canal alimentaire formé par la surface interne du labre. Les palpes
maxillaires sont-ils présents?
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 20
La mouche domestique – Pièces buccales agissant comme
éponge
Même si le labium, qui joue le rôle d’une éponge, est semblable chez la mouche à
cheval et la mouche domestique, cette dernière est plus évoluée : elle ne possède pas
de mandibules, et ses maxilles sont réduites à des palpes maxillaires et à une tige
Figure 17 Pièces buccales agissant comme éponge chez la mouche domestique
cuticulaire interne qui soutient la fixation du labium modifié sur la tête. Tout comme
chez la mouche à cheval, le labium de la mouche domestique Musca domestica est une
grosse structure charnue (Figure 17). Lorsque les poils sensoriels situés sur les pieds
de la mouche détectent de la nourriture, la mouche abaisse son labium pour
s’alimenter. De dimensions importantes, la labelle est formée de palpes labiaux
modifiés, et les pseudotrachées absorbent la nourriture liquide par capillarité, de la
même manière que la mouche à cheval éponge le sang à l’aide de son labelle. Par
contre, la mouche domestique procède différemment pour les aliments solides. Dans
ce cas, la mouche sécrète de la salive sur la nourriture, se sert des petites dents situées
à la surface de la labelle pour râper et racler la nourriture, en fait un mélange avec les
sécrétions salivaires, puis aspire ce mélange dans la bouche. Comment les sécrétions
salivaires parviennent-elles jusqu’à l’extrémité de la labelle?
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 21
Les papillons et les phalènes – Tube à boire
Les Lépidoptères adultes que sont les papillons et les phalènes se nourrissent du nectar
de plantes. Chez ces espèces, la plupart des pièces buccales primitives sont absentes
ou fortement modifiées. La trompe enroulée est formée à partir de la galea des deux
maxilles, et les palpes maxillaires sont absents (Figure 18). Les galeas sont creuses, et
leur espace intérieur est un prolongement de l’hémocèle. La trompe se déroule par
pression hydrostatique et s’enroule sous l’action combinée de la musculature interne et
Figure 18 Les pièces buccales des papillons et des phalènes sont de longues
pailles à boire qui servent à aspirer le nectar des plantes.
de l’élasticité de la cuticule. Le canal alimentaire se forme entre les deux galeas, qui
sont maintenues ensemble par des crochets formés à partir de poils cuticulaires. Les
mandibules sont absentes, et l’hypopharynx fait partie de la pompe du cibarium. Les
palpes labiaux sont tout ce qui subsiste du labium.
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 22
Cycles biologiques des Insectes
Les cycles biologiques des insectes diffèrent d'un groupe à un autre. Chez certains, les
adultes et les jeunes se ressemblent beaucoup. Ce cycle est le résultat d'une
métamorphose simple ou incomplète et les insectes sont dits hémimétaboles (Figure
19). La seule différence évidente entre l'insecte mature et immature est la présence
d'ailes.
Pour les insectes avec une métamorphose complète il n'y a pas de ressemblance du
tout entre l'adulte et le jeune (Figure 20). On pense communément à la chenille et au
papillon comme exemple. Mais cela inclut aussi le ver blanc et la mouche, les larves et
les scarabés. Dans tous les cas, il y a un stade nymphal entre le stade larvaire et le
Figure 19 Un cycle biologique hémimétabole
Figure 20 Un cycle biologique holométabole
stade adulte. En fait, la plupart des insectes ont une métamorphose complète et sont
holométaboles. Seuls les insectes les plus primitifs ne subissent pas de métamorphose
et ils peuvent même continuer à muer en adultes, quelque chose que ni les insectes
hémimétaboles ni les insectes holométaboles ne peuvent faire.
Ecdysozoa II: Chelicerata et Atelocerata © Houseman – page 23
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