EPREUVES COMMUNES N°1, Janvier 2007 SES TES1 TES2 Dissertation appuyée sur un dossier documentaire. ( durée 4 heures) (L’usage de la calculatrice n’est pas autorisé) Il est demandé au candidat : - de répondre à la question posée explicitement ou implicitement dans le sujet; - de construire une argumentation à partir d'une problématique qu'il devra élaborer; - de mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier; - de rédiger en utilisant un vocabulaire économique et social spécifique et approprié à la question, en organisant le développement sous la forme d' un plan cohérent qui ménage l' équilibre des parties. Il sera tenu compte dans la notation de la clarté de l' expression et du soin apporté à la présentation. Thème : Accumulation du capital, progrès technique et croissance. SUJET . Dans quelle mesure l'évolution de la demande explique-t-elle l'évolution de l'investissement ? DOSSIER DOCUMENTAIRE Document 1 Le rôle des débouchés et donc de la demande est déterminant pour comprendre l'évolution de l'investissement, tant au niveau de l'entreprise qu'au niveau de l'économie dans son ensemble. Cependant, certaines entreprises investissent, non pour produire plus (investissement de capacité), mais pour produire à coûts plus bas (investissement de productivité ou de rationalisation) ; c'est donc non seulement l'évolution de la demande, mais aussi celle des coûts, en particulier en travail (substitution du travail par le capital) qui entre en ligne de compte. PP Faugère,, C.Voisin Le système financier français, Circa, Nathan, 1994 Document 2 0n ne peut admettre une liaison mécanique entre l'investissement et l'accroissement de la demande. Pour qu'une telle action se manifeste à coup sûr, il faudrait : - que l'entreprise travaille à pleine capacité : si elle dispose d'une capacité inutilisée, elle n'aura pas besoin d'accroître son capital technique pour faire face à un accroissement de la demande ; - que l'entrepreneur estime que l'accroissement de la demande sera durable : dans le cas d'industries ayant à faire face à des demandes fluctuantes, l’entrepreneur tient compte d'une demande moyenne sur un certain nombre de périodes - que les ressources financières de la firme permettent le changement de production. Mais à l'heure actuelle, d'importants investissements ne dépendent pas d'un accroissement de la demande : ( ... ) - les investissements de lancement d'un produit nouveau, pour lequel l'investisseur procède à de larges anticipations sur l'offre du produit, la demande du produit et le prix du produit. Au lieu de s'adapter à la demande, l’investisseur crée des besoins nouveaux et suscite une demande nouvelle : - les investissements publics, procédant de macro-décisions, qui recherchent l'avantage collectif. R. BARFT, F. TEULON, Économie politique, Tome 1, «D PUF, 15, éd. 1997. Document 3 Quelques indicateurs de l’économie française (en %) 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1997 2001 Taux d’intérêt réels à long terme 3,0 -2,2 1,4 3,8 6,2 6,8 4,2 4,9 Sociétés non financières Taux de marge (EBE/VA) 30,8 29,9 27,3 Taux d’autofinancement (épargne brute/FBCF) 75,5 64,4 72,4 Ménages Consommation (taux accroissement en volume) 4,7 2,2 3,8 Taux d’épargne (en % du revenu disponible) 18,7 19,8 20,4 25,6 57,6 31,0 94,0 32,5 89,4 3,4 17,3 3,7 12,9 2,4 12,5 32,3 118,7 31,6 69,6 0,9 14,6 2,6 16,1 D’après TEF insee 1998 (dans insee première N° 843avril 2002) Document 4 Dans une période de mondialisation des marchés et de conjoncture intérieure molle, les entreprises françaises ont, semble-t-il préféré opter pour une stratégie de rentabilité accrue du capital et de valorisation boursière des actifs. Poursuivant leur objectif désendettement et d'assainissement de leur structure financière, elles se sont tournées vers de nouveaux marchés à fort potentiel de croissance, comme ceux des pays émergents. ( ... ) Entre 1993 et 1998, l'investissement productif, les opérations de croissance externe et les IDE ont fait l’objet d'un nouvel arbitrage. Les entreprises semblent avoir préféré reporter les achats d'équipements, au prix parfois d'une rationalisation de leur utilisation, au profit d'investissement qu'elles jugeaient plus rentables ou plus stratégiques, en s'implantant à l'étranger ou en rachetant un concurrent. ( ... ) Le repli de la FBCF , du reste constaté dans la plupart des pays européens, ne doit donc pas masquer l'effort important d'investissement réalisé par les entreprises françaises en dehors de nos frontières et au-delà du strict domaine productif Assurément, la stratégie d'investissement de la firme répond à une logique tout autant immatérielle qu’internationale. Carole Deneuve ? investissement.- et situation financière, des entreprises françaises, Lettre mensuelle de conjoncture du COE, in Prob1èmeséconomiques n°. 2 629,sept 1999. Document 5. Le phénomène cumulatif d’expansion (source JM Albertini, les rouages de l ‘économie nationale éditions de l’Atelier 1987) Augmentation de la demande Entreprises désirant augmenter leur production Délai nécessaire à l’augmentation de la production Augmentation de la demande d’équipement et de travail Distribution de plus de revenu Document 6 Derrière la rentabilité de l'investissement, se cache la question du partage [de la valeur ajoutée]. Si les entrepreneurs estiment que la part qu'ils vont récupérer est trop faible, ils auront peu intérêt à investir et à prendre des risques. Avec des conséquences négatives à long terme sur le potentiel de fond de l'économie et sur ses capacités d'innovation et d'adaptation. À l'inverse, si la part des profits est trop élevée, non seulement les travailleurs sont spoliés du fruit de leur labeur, mais, comme l'avait souligné Keynes, il y a un risque important d’une déprime de la demande, avec répercussion sur l'investissement. LOUIS MAURIN, Q Alternatives économiques, hors série n' 53, 3e trimestre 2002. Dans quelle mesure l’évolution de la demande explique-t-elle l’évolution de l’investissement ? Repartira ou repartira pas ? L’investissement, depuis la fin des années 70 n’arrête pas de faire de faux départs. L’investissement immatériel et l’investissement direct à l’étranger prennent une place croissante dans l’économie mais l’investissement matériel (flux qui permet de renouveler ou d’accroître le stock de capital technique) reste le plus important. Il est vrai que la décision d’investir pour une entreprise est irréversible et que les entrepreneurs aiment les risques calculés. Ainsi, la demande globale (biens de consommation de la part des ménages, bien de production des entreprises et exportations, donc intérieure et extérieure), forte et durable des Trente Glorieuses était une garantie. Mais, l’est-elle encore aujourd’hui ? Ne faut-il pas relativiser son rôle ? Nous montrerons que, même si l’évolution de la demande reste un élément important expliquant l’évolution de l’investissement, elle n’est pas suffisante, la décision d’investir étant influencée par de nombreux facteurs. I/ l’évolution de la demande joue un rôle essentiel dans l’évolution de l’investissement. A) La demande effective (vision keynésienne) 1. au niveau micro économique (doc 1) La rentabilité future des investissements est liée à la demande anticipée en biens de consommation et en bien d’équipement. Les débouchés jouent un rôle essentiel : si le chef d’entreprise sait qu’il pourra sans problème écouler la production supplémentaire qui résulte de son achat de capital fixe, il prendra la décision d’investir. 2. au niveau macro : cercle vertueux de l’augmentation de la demande (doc 5) - Pour répondre à une hausse de la demande, les entreprises investissent ; elles augmentent donc la demande par leurs commandes aux entreprises de biens d’équipement, celle-ci générant une distribution de revenus qui viennent en grande partie nourrir la consommation donc favoriser l’accroissement de la demande. - Des années 30 aux années 60, c’était la demande intérieure qui était le facteur principal et cette demande, en grande partie, se confondait avec la consommation des ménages. Avec l’ouverture croissante des économies, depuis 30 ans, la demande extérieure, quelque soit sa nature est devenue fondamentale et influence l’activité des entreprises et donc leurs investissements. B) L’accélérateur vérifie empiriquement le rôle de l’évolution de la demande. 1. principe : A chaque période (ou presque) de l’augmentation de la demande, l’investissement s’accroît et de façon plus que proportionnelle. A l’inverse, quand la consommation voit sa croissance se ralentir, l’investissement diminue encore plus : face à des débouchée de plus en plus étroits, les entreprises vont alors adapter leur capacités de production. 2. dans les faits (doc 3) En France, entre 1985 et 1990, le fort accroissement de la demande globale s’est accompagné d’une accélération de l’investissement des entreprises (+ 8,2% par an en moyenne) et inversement, le ralentissement économique entre 1990 et 1994 explique la variations négative de l’investissement. Sous le gouvernement Jospin (97- 2000), l’économie française a bénéficié d’une amélioration de la conjoncture internationale, ce qui a favorisé la reprise de l’investissement. Ainsi, quand les perspectives d’avenir sont optimistes, le pari de l’investissement productif est plus facilement assumé par les entreprises. II/ Mais elle n’explique pas à elle seule l’évolution de l’investissement. A) Il faut que certaines conditions soient remplies pour qu’une hausse de la demande entraîne une hausse de l’investissement (sinon, même si demande augmente, l’investissement n’augmentera pas) 1. volume de la demande et capacités de production il faut que la hausse de la demande soit soutenue et durable. Pour investir, il faut que les perspectives de profits (fonction également du partage de la valeur ajoutée entre EBE et salaires) soient durables et suffisamment élevés. (doc 2 et 6). De plus, si l’entreprise sort d’une période caractérisée par une évolution faible (voire négative) de la croissance, son taux d’utilisation des équipements sera alors nettement inférieur à 100% ; en cas de reprise économique, au lieu d’investir, l’entreprise utilisera déjà en priorité toute sa capacité de production. 2. La situation financière des entreprises : Une hausse de la demande ne suffit pas si une entreprise n’a pas les moyens financiers d’investir dans de bonnes conditions (cad qui ne menacent pas son existence future) - si l’entreprise a les capacités d’autofinancer son investissement, la décision d’investir sera plus facile à prendre ; la forte baisse du taux de marge des entreprises françaises entre 1973 et 1985 s’est traduite par une nette diminution du taux d’investissement, d’autant plus que, sur cette période, les taux d’intérêt réels avaient fortement augmenté, ne facilitant pas un financement de l’investissement par l’emprunt (effet de levier négatif) - si l’entreprise est endettée, la priorité sera donnée au désendettement plutôt qu’à l’investissement (cas au début des années 90), d’autant plus si les taux d’intérêt réels sont élevés, incitant alors les entreprises à des placements financiers (profits plus rapides et moins risqués que par l’investissement). B) Même si la demande se ralentit, il peut y avoir quand même investissement car certains investissements ne sont pas liés aux variations de la demande. 1. au niveau national, - Les investissements de productivité répondent à un objectif de compression des coûts :si le coût du travail augmente par rapport à celui du capital, la tentation est grande de substituer du capital au travail pour diminuer les coûts de production. (doc 1) - Les investissements immatériels ne sont pas liés directement à l’évolution de la demande mais davantage au progrès technique et à la nécessité de gagner des marchés dans un contexte de concurrence accrue (part de l’investissement matériel dans l’investissement total diminue tandis que celle de l’investissement immatériel augmente) (doc 2 et 4) - Les investissements publics réalisés par les administrations répondent à d’autres motivations aussi bien économiques, sociales que politiques (doc 2) 2. développement des IDE L’augmentation de la concurrence du fait de la mondialisation incite les entreprises à réorganiser la production dans le cadre de cette mondialisation pour réduire les coûts de production (main d’œuvre ou matières premières meilleur marché, économies d’échelle). => le développement des IDE n’est pas déterminé par celui de la demande mais vise à l’encourager. Incontestablement et dans une large mesure, l’évolution de l’investissement dépend de la demande anticipée. Mais il faut aussi que certaines conditions soient réunies comme par exemple l’absence de capacités de production inutilisées. Dans la pratique, on voit souvent coexister une demande soutenue sans reprise de l’investissement et à l’inverse une poussée de l’investissement avec une croissance molle. L’investissement dépend donc d’une multitude de facteurs et pas seulement de la demande. La seule prise en compte de la FBCF, ne mesurant que l’investissement productif, pour réaliser les statistiques montrant l’évolution de l’investissement, conduit cependant à une sous évaluation de l’effort d’investissement de la nation…