Métastases musculaires J ALEXIOU, M MULAJ, JL ENGELHOLM Institut Bordet, ULB Bruxelles Introduction • Le développement de métastases est une des complications les plus dramatiques du cancer. • Néanmoins, alors que les muscles constituent 40 à 50 % de la masse corporelle, l’atteinte tumorale primitive est relativement rare et encore plus rare pour les localisations secondaires Mode de dissémination • Le type de dissémination métastatique dépend des propriétés des cellules tumorales, des différences biologiques des organes et de la variété des mécanismes immunologiques et non immunologiques de l’hôte[11,23,27]. • Au niveau musculaire, on incrimine différentes causes responsables du faible développement métastatique. Parmi celles-ci, on peut citer les variations du flux sanguin, l’acide lactique, des inhibiteurs enzymatiques et des protéases, l’hyperoxie. La dénervation ainsi que l’immunité cellulaire et humorale de l’hôte tout comme les propriétés de surface des cellules sont également importantes [27,30,32,33,36]. • Il a été aussi montré qu’un traumatisme pouvait favoriser le développement de métastases notamment par adhérence accrue des cellules tumorales à l’endothélium vasculaire endommagé, altération du flux et de la coagulation [1,6,12]. Incidence • Elle varie en fonction des séries d’autopsie entre moins de 1% jusqu’ à plus de 50 %. • Cette variabilité s’explique par la différence de méthode de chaque étude ( échantillonnage de 1-2 jusque 12 muscles) et par le type de tumeur analysée : l’auteur ayant la fréquence la plus élevée n’a investigué que des lymphomes et des leucémies et a également compté des lésions microscopiques [5,24,38]. • Les statistiques sont aussi biaisées par l’absence d’analyse systématique des membres lors des nécropsies et par la difficulté à investiguer tous les muscles. • Toutefois, on considère que l’incidence des métastases musculaires est de moins de 1% . Incidence • Les cancers donnant le plus souvent des métastases squelettiques sont ceux du poumon, du rein et du colon [8,13,29]. • D’autres primitifs comme l’utérus, l’œsophage, la thyroïde,… sont rares et font souvent l’objet de case report [10,19,21,25,31,33,34]. • Les acrométastases musculaires sont excessivement rares[20]. Incidence dans notre série • Une analyse rétrospective des dossiers s’étendant sur une période de 18 ans, a permis de trouver 27 cas de métastases musculaires alors que l’on détecte 600 nouveaux cas de tumeurs annuellement. • Néanmoins, on a pris soin d’exclure les récidives locales et les cas de dissémination sur le trajet d’un drain ou d’une ponction. Incidence dans notre série • Série de 27 cas : • 17 hommes et 10 femmes. Tumeur H Poumon 5 Mélanome 3 2 Sein 2 Thyroïde 2 Voies urinaires Tableau 1 F 1 1 Ovaire 2 Utérus 1 Oesophage 1 Rein 1 Leiomyosarcome 2 Liposarcome myxoïde 1 Chondrosarcome myxoïde 1 Rhabdomyosarcome 1 Fibrosarcome 1 Incidence dans notre série • Le cancer du poumon est le plus fréquent chez l’homme ( cf tableau 1). • Le mélanome vient en deuxième place pour les deux sexes (biais de recrutement propre à notre établissement). Ceci vaut probablement aussi pour les métastases des tumeurs primitives des tissus mous, prises globalement. Incidence dans notre série • Le diagnostic a été prouvé par une biopsie de la masse dans 16 cas. • Dans les 11 autres cas, il résulte d’une biopsie d’une autre localisation et/ou d’une corrélation avec le Pet-CT et/ou de l’évolution du dossier radiologique et clinique ( ex : apparition de métastases musculaires avec accroissement de métastases pulmonaires ou abdominales) Incidence et résultats dans notre série • 18/27 patients : métastases musculaires multiples • 9/27 lésions uniques . • Localisation: – 15/27 métastases tronculaires – 8/27 extrémités – 4/27 mixtes. Incidence et résultats dans notre série Sur 27 malades: 2 acrométastases (1 dans le mollet et 1 dans l’avant-bras) dans le cadre d’un mélanome respectivement du tronc et de l’épaule. L’âge moyen des patients était de 56 ans (min 37 et max 84) Clinique • La présence d’une masse des tissus mous est statistiquement plus évocatrice d’une tumeur primitive que d’une métastase en l’absence d’antécédents néoplasiques [33]. • La masse est souvent ferme, sensible, profonde et dépasse souvent 5 cm de diamètre [8,13,20,29,33]. • Les petites lésions sont souvent asymptomatiques et découvertes par hasard à l’occasion d’un examen d’imagerie. Clinique dans notre série • Les renseignements cliniques étaient connus pour 26 des 27 patients. • 26 patients: – 12 asymptomatiques avec des lésions de petite taille ( moins de 3 cm). – 14 patients symptomatiques • 12 avec masse, 4 douloureuses et 8 indolores. • 2 avec comme symptôme une diplopie et une douleur sans masse palpée ( psoas rétropéritonéal) • Parmi les métastases de plus de 5 cm de diamètre, 4 étaient indolores et 5 douloureuses Clinique • La tumeur primitive est quasiment presque toujours connue. • Quelques cas de métastase musculaire révélatrice ont été décrits dans la littérature [9,15,19,29,34]. • La plus grande étude concernant l’analyse de masses des tissus mous chez 1421 patients sans cancer connu a permis de révéler des métastases dans 11 cas [13]. Une néoplasie pulmonaire a été retrouvée chez 8 des 11 cas. • La plupart du temps les métastases musculaires sont retrouvées au même moment ou le plus souvent après le développement de métastases pulmonaires ou abdominales. Clinique • Le développement de métastases dans les muscles est souvent considéré comme un signe de dissémination et de mauvais pronostic [8,13,33,34]. • Le traitement de ces lésions varie en fonction du primitif, de l’état du patient et de la clinique. Il peut nécessiter de la chirurgie ou de la radiothérapie à titre palliatif [8,19,20,25,33]. Clinique dans notre série • Parmi les 27 patients analysés: – 18 décédés – 5 toujours vivants – 4 n’ont pu être suivi. • Le délai moyen de survie des patients décédés est de : – 93 mois par rapport au diagnostic du primitif – 12 mois par rapport au moment de l’apparition des métastases musculaires. Clinique dans notre série • Seul 1 patient a eu un diagnostic de tumeur primitive révélée par une métastase musculaire. Néanmoins, ce patient était en mauvais état général, âgé et le bilan tumoral réalisé dans les jours suivant avaient montré une dissémination métastatique. • Mis à part ce patient, les lésions musculaires étaient apparues pour la plupart après d’autres localisations (pulmonaires, abdominales ou autres) ou en même temps. Clinique dans notre série • Sur 27 patients: – 3 malades chez qui on a trouvé en même temps la néoplasie et les métastases dans les muscles et dans d’autres organes n’ont pas survécu plus de 4 mois. – 3 malades qui au moment de la découverte de leur primitif avaient des métastases non musculaires mais qui ont développé des lésions dans les muscles n’ont pas survécu plus de 3 mois après l’envahissement musculaire. Clinique dans notre série • Sur 27 patients: – 21 patients, • 6 n’ont pas pu être suivi • 15 ont développé des métastases ( autres que musculaires) dans un délai moyen de 35 mois (écart variant de 1 mois à 16 ans). – atteintes musculaires dans un délai moyen de 32 mois (écart variant entre 0 et 23 ans) après la découverte de métastases extramusculaires. – 4 ont développé des métastases dans les muscles et dans d’autres organes en même temps : » 2 sont décédés en moins de 12 mois et les 2 plus récents sont toujours vivants après 15 mois. Imagerie classique • En cas de masse, il est logique de commencer par une radiographie conventionnelle et une échographie. • L’intérêt de la radio réside dans la détection de calcifications ou d’ossifications et dans l’exclusion d’une lésion à départ osseux envahissant les tissus mous[18]. Les calcifications et ossifications pourront orienter, par exemple, le diagnostic vers un hémangiome, une myosite ossifiante. • L’imagerie classique permet de visualiser des érosions ou des réactions périostées ou des anomalies osseuses non contiguës à la masse[18]. Imagerie classique • L’échographie est une technique non invasive mais peu spécifique qui permet de détecter une masse, de la délimiter et de la caractériser ( liquide, charnue, mixte, homogène,…) (cas 1) [2,18]. • L’association au doppler peut s’avérer utile dans l’évolution des lésions solides sous traitement en évaluant le degré du flux [2]. Imagerie classique • Cas 1 • Métastase de mélanome du tronc envahissant le muscle jumeau interne et les tissus sous-cutanés Imagerie classique • Le scanner a peu d’intérêt au niveau des membres si ce n’est de préciser les anomalies vues en radio classique. • Par contre, au niveau du tronc, il est intéressant de part sa résolution. • L’injection de produit de contraste IV permettra d’améliorer la détection des lésions par un rehaussement variable ( cas 4,5,6) parfois hypodense (cas 10)et la plupart du temps en cible (cas 2,3,9)[28]. • D’autre part, vu le nombre élevé de CT réalisés dans le cadre de bilan d’extension de tumeurs, cette technique a permis de mettre en évidence des métastases non suspectées cliniquement (cas 2 et 3). Imagerie classique • Cas 2 • Métastases asymptomatiques dans le cadre d’une néoplasie pulmonaire Imagerie classique • Cas 3 • Métastases asymptomatiques dans le cadre d’une néoplasie pulmonaire Imagerie classique • Cas 4 • Métastase du muscle susépineux dans le cadre d’une néoplasie rénale Imagerie classique • Cas 5 • Métastase de rhabdomyosarcome du bras controlatéral +C Imagerie classique • Cas 6 • Métastase douloureuse d’une tumeur des voies urinaires +C Imagerie classique • La présence de calcifications au sein d’une métastase est associée à un cancer du pancréas, du colon ou de l’ovaire (cas 7)[7]. Imagerie classique • Cas 7 • Métastases pariétales calcifiées dans le cadre d’un adénocarcinome ovarien -C +C Imagerie classique • La multiplicité des lésions peut se retrouver dans les métastases, la neurofibromatose, les lipomes et les myxomes. • La clinique et l’imagerie orienteront facilement le diagnostic dans ces cas. • L’angiographie n’a plus aucun intérêt diagnostic dans les masses des tissus musculaires au vu de l’évolution de l’IRM. Imagerie classique • La scintigraphie a peu d’intérêt. • Elle peut aider à détecter certaines métastases ostéoformatrices comme dans certains ostéosarcomes [14,22]. IRM • Les avantages de l’IRM sur les autres techniques sont une résolution élevée en contraste et l’acquisition multiplanaire des images. • En général, les lésions métastatiques apparaissent hypointenses en T1 et hyperintenses en T2 ce qui les rend aspécifiques[2,4,7,13,16,17,26,34]. ( Cas 8 ) IRM • La lésion peut parfois apparaître encapsulée avec une couronne hypointense en T2 ou présenter un « œdème » diffus périlésionnel (cas 8)[18]. • Le rehaussement des lésions après injection de gadolinium est variable. Il peut être hétérogène ou homogène, intense ou modéré (cas 9,10) IRM • Cas 8 T1 - C • Métastase avec composante hémorragique de néoplasie de la thyroïde T2 fat sat T1 fat sat + C IRM • Cas 9 • Métastases intraorbitaires dans le cadre d’une néoplasie du sein CT +C T2 T1 +C IRM CT -C • Cas 10 CT +C • Métastase de néo du poumon dans le sousépineux T2 T1 -C T1+C T1 +C IRM • Néanmoins, dans le cas du mélanome, les métastases ont un signal plus intense par rapport au muscle en pondération T1 avec un signal moins intense que la graisse en T1 et T2. Cas 11 • D’après la littérature, cette variation du signal serait due soit à la mélanine soit à la présence de fer provoquée par des saignements dans la lésion soit à des ions métalliques chélatés [2,3,35]. IRM • Cas 11: métastase de mélanome T1 STIR T2 IRM • Dans certains cas de cancer colique ou pancréatique, ont été décrits des signaux hypointenses en T2 attribués à un rapport élevé entre le noyau et le cytoplasme cellulaire et à un espace extracellulaire limité. • Il ne faut pas oublier aussi que ces lésions peuvent se calcifier et donc donner plages hypointenses en T1 et T2. IRM • Dans notre série, • 7 patients ont pu avoir une résonance. • Pas d’IRM pour 20 patients car: – soit décédés ou traités avant acquisition appareil d’IRM – soit en trop mauvais état – soit avec une biopsie. • 20 patients ont eu un scanner et 7 une échographie Discussion • Au vu du nombre de cas recensés dans notre série et dans la littérature, il est évident que l’atteinte métastatique des muscles est rare pour différentes raisons déjà énoncées précédemment. • Il est aussi évident qu’elles sont le témoin d’une dissémination et d’un mauvais pronostic de la maladie. • Néanmoins, la durée de survie d’un patient dépend non seulement de son type de néoplasie mais aussi du délai d’apparition de métastases quelque soit leur site : les patients ayant développé des métastases tardivement ayant une survie plus longue que ceux qui les ont eues précocement. Discussion • Le fait qu’il s’agisse le plus souvent de cancers pulmonaires non à petites cellules pourrait expliquer un certain nombre de cas de métastases révélatrices étant donné que ce type de tumeur peut être relativement silencieux et difficile à détecter [7,15]. Discussion • Il est aussi possible qu’avec les nouvelles techniques d’IRM à haut champs et la possibilité de faire des investigations corps entier, la résonance va permettre de visualiser plus de métastases musculaires étant donné que les petites lésions sont asymptomatiques. • Un dépistage précoce d’éventuelles lésions musculaires pourrait dans ce cas avoir une répercussion sur le traitement du patient (chirurgie exérèse, radiothérapie ou chimiothérapie). Discussion • Vu le caractère aspécifique des images en IRM, il est probable que l’on devra faire plus de diagnostics différentiels en utilisant d’autres techniques car le nombre de tumeurs bénignes est 50 à 100 fois plus élevé que les tumeurs malignes[15]. • Cela entraînera probablement plus de biopsies [16,33,34,37]. Discussion • Actuellement, une biopsie est réalisée lorsqu’il existe une masse afin de faire le diagnostic différentiel entre une métastase, un abcès, un hématome, une autre tumeur primitive (cas 12,13)ou lorsque le patient à des antécédents de 2 néoplasies afin de déterminer laquelle est responsable de la métastase. IRM • Cas 12: diagnostic différentiel PD • Masse du psoas avec antécédent de séminome T2 Biopsie: liposarcome dédifférencié IRM Cas 13: diagnostic différentiel T1 CT - C CT + C Néoplasie mammaire avec reconstruction et masse au niveau du site du lambeau T1 - C T1 + C T2 fat sat Résection et biopsie: hématome chronique enkysté Discussion • Si des lésions musculaires multiples apparaissent dans le cadre d’une tumeur maligne, il conviendra d’exclure des abcès multiples dans le diagnostic différentiel. • La clinique et l’évolution suffisent en général dans ce cas. Conclusion • La métastase des tissus musculaires doit être évoquée dans les diagnostics différentiels devant l’apparition d’une masse chez un patient cancéreux ( sans autre métastase connue) ou non • La lésion devra être biopsiée sauf si l’imagerie peut affirmer la bénignité Conclusion • Chez un patient avec des métastases connues, la probabilité d’une métastase devient plus élevée et une biopsie ne sera nécessaire qu’en cas de discordance avec la clinique ou en cas de multiples cancers. Conclusion • L’apparition de métastases dans les muscles est un signe péjoratif dans l’évolution de la maladie cancéreuse et témoigne d’un mauvais pronostic • Toutefois le pronostic est conditionné par le type de tumeur et le délai d’apparition des premières métastases Conclusion • Enfin, toutes les études confirment que le cancer du poumon a la fréquence la plus élevée de métastases musculaires [2,7,13,15] Références • • • • • • • • • • 1. Agostino D, Cliffton EE. 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