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Le combat chrétien, ou : « baptisés, pourquoi ? », Sacrements, 2 (3 janvier 2012)
Exemplaire auteur
« L’homme passe infiniment l’homme »1
Introduction
Après avoir vu dans la première causerie « ce qu’est l’homme », à la fois dans le plan
de Dieu (fait à son image, placé à l’horizon de la matière et de l’esprit), et en lui-même (avec
sa complexité et son caractère historique) ; nous devons voir à quoi Dieu l’appelle, une
béatitude infinie qui dépasse sa nature : « L’homme passe infiniment l’homme ».
I. L’appel à une béatitude surnaturelle
A. Grandeur et imperfection du bonheur naturel
Le bonheur humain naturel, pour grand qu’il soit, est-il parfait ? Non, à l’évidence,
pour des raisons fondamentales qui valent même avant de considérer explicitement les
conséquences du péché.
Nous avons vu que le bonheur naturel de l’homme est composé : une suffisance de
biens sensibles, l’exercice des vertus morales avec la fleur de l’amitié politique, la
contemplation du vrai. Chacun de ses éléments est affecté de limites intrinsèques. Les
jouissances sensibles ne peuvent être éprouvées sans interruption ni sans se concurrencer
l’une l’autre ; la paix civile est précaire ; l’ordre temporel des vertus est toujours limité à la
dimension restreinte de la cité (il est difficile d’être concrètement juste et magnanime vis-àvis de tous les hommes de l’univers) ; l’amitié naturelle, en fait, ne peut atteindre le mystère
de la personne aimée (« on n’aime que des qualités », a-ton pu dire cruellement) ; la
contemplation naturelle de la vérité et de Dieu est une recherche longue, difficile, interrompue
par la fatigue, les exigences d’autres devoirs, et les besoins corporels2. Mais on voit bien qu’il
y a une « vision intérieure » dans toute grande action qui marque l’humanité, artistique,
militaire, ou politique.
Et surtout : à cause de l’ouverture infinie de l’intelligence à tout l’être et de
l’amplitude indéfinie la volonté humaines, jamais rassasiée des biens finis, il y a un désir non
satisfait de connaître le mystère des choses. Le vertige du savoir n’est jamais clos. Demeure
pour les plus lucides l’interrogation : quelle est l’essence de Celui qui a fait cet ordre
magnifique que je contemple ? Est-ce qu’il pense à moi, et surtout est-ce qu’il m’aime ?
On sent au moins confusément que la béatitude est la consommation d’une harmonie
profonde entre l’homme et un Souverain Bien qui le dépasse (même naturellement). Elle
comporte donc une aventure, une recherche indéfinie, qui dépasse de loin un petit bonheur
bourgeois organisé autour de la satisfaction du moi. C’est tellement difficile de tout concilier
que l’humanité oscille entre la décadence des civilisations qui se replie sur les jouissances
inférieures, et la tyrannie de grandes idéologies qui pensent que cela vaut la peine de se vouer
à une aventure exaltante, animée par une contemplation où le Souverain Bien est : le progrès
« Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de
contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai, cloaque
d’incertitude et d’erreur ; gloire et rebut de l’univers. Qui démêlera cet embrouillement ? […] Connaissez donc,
superbe, quel paradoxe vous êtes à vous même. Humiliez-vous, raison impuissante ! Taisez-vous, nature
imbécile ; apprenez que l’homme passe infiniment l’homme, et entendez de votre maître votre condition
véritable que vous ignorez. Ecoutez Dieu. » (Pascal, Pensées, Brunschvicg, n° 434).
2
Dom Gérard à propos de Dom Guéranger, Préface de la réédition des Institutions liturgiques : « Nous sommes
en présence d’un contemplatif et d’un lutteur : deux caractères qui ne s’opposent qu’en apparence, car l’objet de
la contemplation reste, ici-bas, sans cesse menacé. Le contemplatif doit consentir à la lutte, comme le combattant
doit être habité d’une vision intérieure. »
1
de la science et de la technique, la domination du monde, la société sans classe, le triomphe de
la race, ou une vision religieuse totalitaire3.
Enfin, la mort donne une saveur d’inquiétude, de précarité, à tous les biens dont
l’homme jouit naturellement dans sa vie (notamment à l’amitié) ; et elle le marque de
l’angoisse, car c’est une catastrophe métaphysique. Elle s’attaque à la substance même de
l’être humain, qui comporte la matière dans son essence : être-mort, c’est n’avoir plus sa
raison d’être, ne plus exister comme personne. La mort brise l’inclination la plus
fondamentale de tout être : persévérer dans son être. Elle atteint l’homme comme le malheur
suprême.
B. Dieu appelle l’homme à une béatitude qui le dépasse.
L’originalité fondamentale du christianisme, c’est cette vérité que, dès le début de
l’histoire, Dieu appelle l’homme à dépasser les limites de sa nature pour devenir participant
d’une béatitude infinie. Un Père a dit : « l’homme est un être qui a reçu l’ordre de devenir
dieu par grâce ». Cette béatitude, qui prend toutes les dimensions de l’homme, est appelée par
l’Ecriture la vie éternelle. Elle intègre la vision béatifiante de Dieu (l’homme est un esprit), et
la victoire totale sur la mort par l’immortalité – dans le plan primitif –, ou la résurrection
glorieuse (l’homme est composé d’âme et de corps). Nous nous méprenons pas sur ces mots
de vie et d’éternité :
« L’éternité n’est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque
chose comme le moment rempli de satisfaction dans lequel la totalité nous embrasse et dans
lequel nous embrassons la totalité. Il s’agirait du moment de l’immersion dans l’océan de
l’amour infini, dans lequel le temps – l’avant et après – n’existe plus […] Ce moment est la
vie au sens plénier, une immersion toujours nouvelle dans l’immensité de l’être, tandis que
nous sommes simplement comblés de joie. » (Benoît XVI, Spe salvi, n° 12)
La béatitude surnaturelle a sa source dans la vision « face à face » (1 Co 13, 12) du
« seul vrai Dieu » (Jn 17, 3), « tel qu’il est » (1 Jn 3, 2), c’est-à-dire en son mystère intime.
(On ne peut aimer selon une certaine qualité que ce que l’on connait selon une lumière
proportionnée à l’être aimé : un chien ne peut amer son maître comme une épouse aime son
époux !) La vision de l’abîme de la Beauté divine entraîne un amour et une joie immenses,
indescriptibles en langage humain : « Nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille
n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour
ceux qui l’aiment. » (1 Co 2, 9)4.
Pour vivre cette béatitude qui le fait entrer dans la vie trinitaire, l’homme doit être
transformé, rendu semblable à Dieu et capable de saisir et de goûter, par une connaissance et
une affectivité spirituelles, le mystère incréé. La lumière de gloire, épanouissement céleste de
la grâce sanctifiante, et la charité parfaite qui découle de la vision, opèrent une véritable
divinisation5 : l’homme devient, par participation, ce que le Fils est par nature6.
« La décadence tourne le dos à toute grandeur et à toute générosité, la tyrannie veut obliger l’homme à se
dépasser, faisant appel à son énergie en piétinant systématiquement ses aspirations légitimes au bonheur. Seule la
recherche de la béatitude nous délivre du cercle infernal qui condamne l’homme à tourner sans cesse entre
l’orgueil du vice et l’orgueil de la vertu. » (M.-D. Molinié, Un feu sur la terre, vol. IV, p. 15, n. 8)
4
« Il y a plénitude de joie devant ta face, des délices éternelles dans ta droite » (Ps 15, 11) ; « Les souffrances du
temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous. » (Rm 8, 18).
5
« Les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez ainsi participants de
la divine nature » (2 P 1, 4). « Le vœu de l’indivisible Trinité, cette source de vie, cette substance de toute bonté,
est le salut de toute créature intelligente, qu’elle soit homme ou qu’elle soit ange. Or le salut ne se trouve que
dans la déification des sauvés, c’est-à-dire dans l’assimilation et l’union à Dieu. » (Denys, Hiérarchie
ecclésiastique, I, 3). « Quasi Deus factus participatione » (S. Thomas, IV Sent., dist. 34, q. 1, a. 3).
6
« Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été
manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel
3
La vie éternelle n’est pas un « temps qui continue toujours », mais l’espace de notre
rencontre personnelle avec la Trinité. « L’homme connaît une forme d’exister : dans
l’espace extérieur, car il a un corps ; dans l’espace de la vie, car il a une sensibilité ; dans celui
de la vérité et de la beauté, car il est esprit ; en cet espace de la personne, car il est un “je” et
peut devenir “tu” pour un autre homme. » L’éternité bienheureuse, c’est l’entrée dans l’espace
où le Père et le Fils sont en communion : « Ils sont deux à être tournés l’un vers l’autre, dans
la saisie mutuelle d’une connaissance et d’un amour infinis ; d’une connaissance qui ne dit
pas seulement : “je te connais”, mais : “je sais tout de toi” ; d’un amour en lequel chacun est
redevable à l’autre de tout ce qu’il est, et reste cependant parfaitement libre. […] Voici
l’éternelle intimité divine du “je” et du “toi”. L’espace qui naît de cette rencontre, son
intériorité, son silence et sa plénitude, c’est la véritable éternité » (R. Guardini, Les fins
dernières, ch. 5).
« Les bienheureux ne sont pas consumés dans l’intemporel […]. La vie éternelle est
certes union intime à l’Eternel, mais, précisément parce qu’elle est union, elle maintient la
nature et la personnalité de celui que l’Eternel s’unit, et le transforme, à partir de cette
fontaine faisant harmonie de nos discordances, en une symphonie jamais achevée. »
(F. Hadjadj, Le Paradis à la porte).
C. « L’incommensurable amour de Dieu pour les hommes »7.
Comment une telle béatitude est-elle possible ? C’est que Dieu a aimé l’homme d’un
amour singulier qui le fait à l’image (naturelle) et à la ressemblance (surnaturelle) de Dieu.
« Notre amour, par lequel nous voulons pour quelqu’un ce qui lui est bon, n’est pas cause de
sa bonté ; c’est au contraire sa bonté, vraie ou supposée, qui provoque l’amour par lequel nous
voulons pour lui que soit conservé le bien qu’il possède, et que s’y ajoute celui qu’il ne
possède pas ; et nous agissons pour cela. Mais l’amour de Dieu infuse et crée la bonté dans
les choses. » (ST, I, q. 20, a. 1).
Dieu a créé l’homme lui ressemblant dans cela même par quoi Dieu les a fait et a fait
le monde : l’intelligence et la volonté. Il est à l’image de son Créateur. Mais il est encore à sa
ressemblance, en tant qu’invité à vivre de la vie même de Dieu comme Dieu, à entrer dans la
vie trinitaire. Les Pères nous disent que l’anthropomorphisme de la Genèse, qui montre Dieu
modelant Adam de la glaise de la terre, signifie que le Père a fait l’homme par les « mains du
Verbe et de l’Esprit ».
« Il est donc clair que tout acte d’amour de Dieu fait naître dans la créature un bien,
qui est causé, non coéternel à cet amour, lequel, lui, est éternel. Et c’est selon la différence du
bien qu’il cause qu’on peut différencier l’amour de Dieu pour sa créature. Il y a en effet un
amour commun selon lequel Dieu “aime tout ce qui existe”, comme l’affirme le livre de la
Sagesse (Sg 11,25), faisant largesse aux choses de leur être naturel. Mais autre est l’amour
spécial selon lequel Dieu élève la créature rationnelle au-dessus de sa condition de nature.
Celui que Dieu aime ainsi, il est dit simplement l’aimer, car par cet amour ce qu’il veut pour
sa créature n’est pas un autre bien que le bien éternel qu’il est lui-même. Ainsi donc, quand
nous disons que l’homme a la grâce de Dieu, cela signifie qu’une réalité surnaturelle lui est
communiquée par Dieu. » (ST, I-II, q. 110, a. 1).
Dieu veut donc à l’homme, non seulement un bien créé limité dans l’espace et le
temps, mais le bien éternel et incréé qu’il est lui-même : l’amour de Dieu pour l’homme se
qu’il est. » (1 Jn 3, 2). « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs, à la louange de gloire de sa grâce. »
(Ep 1,5-6).
7
« A cause de votre ineffable et incommensurable amour des hommes, vous vous êtes fait homme sans
changement ni mutation, vous vous êtes fait notre grand prêtre et vous nous avez confié le sacrifice de cette
hostie non sanglante et spirituelle, étant le maître de toutes choses » (Cherubicon de la Liturgie de saint Jean
Chrysostome).
termine à l’essence même de Dieu. « Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils
unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle. » (Jn 3, 16).
« Père, ceux que vous m’avez donnés, je veux que là où je suis, ils y soient avec moi, afin
qu’ils voient la gloire que vous m’avez donnée, parce que vous m’avez aimé avant la création
du monde. » (Jn 17, 24).
II. La vie surnaturelle, organisme vivant, « propédeutique » à la béatitude
A. Dans l’essence de l’âme : la grâce sanctifiante.
Les Personnes divines habitent dans l’âme régénérée par le Christ. « Le Ciel, c’est
Dieu, et Dieu est dans mon cœur, le jour où j’ai compris cela, ma vie a été changée »
(Bse Elisabeth de la Trinité). « Mettons en lumière cette vérité, la plus importante du
christianisme » (Louis Chardon, op, La Croix de Jésus, 3e entretien, ch. 2).
L’essence de l’âme en état de grâce est transformée par une beauté inouïe (la grâce
sanctifiante), une qualité spirituelle qui nous fait participer à la vie même de Dieu.
« [L’Esprit-Saint] s’imprime invisiblement sur les âmes qui le reçoivent, comme un cachet sur
la cire ; et, communiquant ainsi sa ressemblance à notre nature, il y retrace la beauté du divin
archétype, et rétablit dans l’homme l’image de Dieu. […] Le Christ est formé en nous en
vertu d’une forme divine que le Saint-Esprit nous infuse par la sanctification et la justice. »
(Cyrille d’Alexandrie, Thes. de sancta et consubst. Trin., ass. 34 ; Comment. sur Isaïe, 4, 2).
B. Dans les puissances d’action : les vertus surnaturelles
Les puissances d’action sont le siège de capacités nouvelles, qui permettent à l’homme
gracié d’atteindre le mystère de Dieu en lui-même : les vertus théologales. Par la foi (dans
l’intelligence), il connait Dieu comme Dieu se connait. Par l’espérance (dans la volonté), il est
s’appuie sur Dieu comme fidèle et secourable, ami à tout épreuve, « qui n’abandonne jamais,
à moins d’être abandonné le premier ». Par la charité (dans la volonté), il aime Dieu comme
Dieu s’aime. L’organisme surnaturel qui s’enracine dans la grâce sanctifiante, fournit aussi
aux vertus morales (celles qui règlent notre action naturelle comme animal raisonnable et
politique), une portée et un mode surnaturelle : par les vertus morales infuses, nous agissons
comme citoyens de la Cité des Cieux.
C. Pour agir comme membre de la Cité de Dieu : les grâces actuelles
Enfin, le Saint-Esprit nous guide par des motions actuelles auxquelles les dons du
Saint-Esprit nous rendent réceptifs.
On voit que la surnature a la « structure d’une nature » : une essence, des facultés, des
actes. Tout cela loin de détruire la nature, au contraire, la purifie et lui donne une nouvelle
noblesse. La vertu chrétienne est donc à la fois la trajectoire naturelle de l’être raisonnable
(vertus morales), et le rayonnement du mystère du Christ en nous (vertus infuses).
III. Liberté de Dieu et liberté de l’homme.
A. Une alliance : la personne créée devant Dieu.
Ce que Dieu propose donc à l’homme est une Alliance : reconnaître ce qui est, la
nature de l’homme et le mystère de Dieu, et accepter de vivre et d’aimer, comme une
personne, en face de (et en relation avec) les Personnes divines. Dès le commencement, Dieu
a voulu nouer cette Alliance personnelle par un appel gratuit à la vision béatifique (vie
éternelle) ; et par le don, dès sa création, du germe de cette vision, la grâce, et tout
l’organisme surnaturel, comme propédeutique à la vision.
Il est conforme à la raison d’accepter avec gratitude cette offre royale, que l’Ecriture
compare souvent à des noces : « Ton époux, ce sera ton créateur » (Is 54, 5) ; « Le royaume
des cieux est semblable à un roi qui fit les noces de son fils. » (Mt 22, 1). D’autant plus
raisonnable que le bonheur naturel est imparfait et limité par la mort, et que l’esprit de
l’homme est ouvert à cette perspective inouïe : capable de tout l’être, il est candidat à la vision
de Dieu !
B. La liberté, usage du libre-arbitre pour le bien total.
Comme l’homme est aux confins de deux ordres, il n’a pas l’autonomie de l’esprit pur,
il est lié au corps, qui est son instrument, mais le limite. Son intelligence puise toute sa
connaissance à partir des sens. Sa volonté, comme celle des anges, a une amplitude infinie,
mais elle ne rencontre que des biens limités. L’intelligence voit que tous les biens proposés à
l’amour de la volonté sont insuffisants par rapport au bonheur pur et simple à laquelle elle
aspire : d’où l’« indifférence dominatrice » dans le choix des moyens en vue de la fin. C’est le
« libre-arbitre » dont « toute la racine est dans la raison » (S. Thomas).
Et ceci est vrai du choix de répondre à Dieu ici-bas, car il comporte des renoncements
e tdes obscurités.
Lorsque le choix correspond au bien total de ma nature humaine (dans toutes ses
composantes), il y a cette absence de servitude que l’on appelle la liberté. Elle est forcément
limitée, relative à ce que je suis. La défaillance du libre-arbitre est une imperfection de la
liberté créée (# liberté de Dieu). Pour atteindre son bonheur, l’homme doit donc obtenir un
ensemble de biens, dans l’ordre qui découle de la nature de l’homme : niveaux de l’être, de la
vie, de la raison. Cette dernière montre que l’on doit aussi s’ouvrir à tous les dons que Dieu
fait au-delà des simples exigences de la nature.
« Tout le but de l’homme est d’être heureux. Jésus-Christ n’est venu que pour nous en
donner le moyen. Mettre le bonheur où il faut, c’est la source de tout bien ; et la source de tout
mal, est de le mettre où il ne faut pas. Disons donc : Je veux être heureux. Voyons comment :
voyons la fin où consiste le bonheur : voyons les moyens pour y parvenir. La fin est à chacune
des huit béatitudes ; car c’est partout la félicité éternelle sous divers noms. » (Bossuet,
Méditations sur l’Evangile, Sermon sur la montagne, Première journée, OC, t.6, p. 1).
La proposition de l’Alliance surnaturelle est un véritable appel à l’aventure, la réponse
une plongée raisonnable dans l’Infini.
C. Le don de Dieu comble tout désir
La grâce n’enlève pas la nature (permanence de la loi naturelle, primat du bien
commun), la béatitude de l’ordre surnaturel assume tous les bonheurs de l’ordre naturel en les
dépassant. Elle comporte éminemment l’ensemble des biens auxquels peut aspirer la nature
complexe de l’homme, possédé avec pleine sécurité et dans l’ordre de leur hiérarchie
Dans le bonheur ultime, sera comblé tout désir de l’homme : connaissance de toute
vérité, perfection de la vertu, sublimité de l’honneur, extension de la réputation, richesse
universelle, parfaite amitié de tous, plaisir incomparable : plus grand, plus intime, plus
continu, plus pur d’inquiétude, que le plaisir sensible le plus fort. (cf. SCG, III, 27-50 et 63)
Les éléments spirituels (connaissance de la vérité, amitié, éternité) illuminent les éléments
moraux (art, vertus, honneur), qui vivifient les éléments matériels (corps glorieux dans le
cosmos transfiguré). « La vie présente est le laboratoire de tout cela. Comme la nature prépare
l’embryon à la vie en pleine lumière, et le structure d’une certaine manière selon les mesures
de la vie qui l’attend, c’est ce qui arrive aux saints » (Nicolas Cabasilas).
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